Chapitre 16    A - Z     (Marie - Madeleine - Davy)

 

 

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16 A

association m.m. davy

Paris

 

 1999

Crée peu après la mort de M.M. Davy cette association fait vivre la pensée de ce maître spirituel.


L’association sort environ ¾ petits livrets par an. Avec des anecdotes, des commentaires sur des ouvrages de M.M. DAVY, des dates de conférences à Paris et en province et la vie de l’association.
La cotisation annuelle est de 18 € annuel (2013). L’adresse est la suivante :


PMMDAVY – 18, rue Berthollet – 75005 Paris   Tél. 01 45 35 41 95 –

 

D’autre part les Archives départementales de Niort, à partir du fond hérité de M.M. Davy, ont publié en 2012 un livre sur la vie, l’œuvre et la bibliographie de M.M. Davy – « Marie-Magdeleine Davy ou l’Orient intérieur »-, 126 pages sur cette mystique et sur sa vie, le tout agrémenté de nombreuses photos. Chèque de 18€55 au nom du trésor public et l’envoyer  aux Archives départementales. 26, rue de la blauderie.   79000 Niort- en précisant le livre de M.M. Davy

 

 

 

16 B

 

bernard de clairvaux

M.M. davy

Edition DU FELIN

 1991

L’Europe du XIIe siècle est cistercienne et si Bernard de Clairvaux (1095-1153) n’est pas le fondateur de Cîteaux, il en est l’organisateur. De son vivant, 175 monastères cisterciens dépendants de Clairvaux sont fondés, c’est grâce à lui que va se propager à travers toute la chrétienté ce que l’on a appelé « le nouveau monastère ».

 

Ecouté du Pape et des souverains, saint Bernard va jouer un rôle politique et culturel de son époque, il prêchera notamment la seconde croisade à Vézelay. Dans ce livre, nous  découvrons outre l’homme, l’écrivain, le théologien et le mystique. En élaborant une doctrine de l’amour à partir de la connaissance de soi, sa théologie mystique aura une influence décisive sur la spiritualité chrétienne jusqu’à aujourd’hui.

 

Tout homme provoque un espace autour de lui, avec Bernard de Clairvaux, cet espace s’avère d’une rare immensité. Chantre de l’amour de Dieu, il commente, en ami de l’époux, le début du Cantique des Cantiques, et cultive l’amitié au sens de Cicéron.

 

A l’égard de ses moines, son rôle se montre à la fois paternel et maternel, éloigné d’eux, il les porte dans son cœur et leur adresse des messages remplis de tendresse. Aimant la nature, il évoque volontiers les pierres, les fleurs, les arbres, les animaux et il en découvre la beauté.

 

Bernard part du sensible pour aller vers l’intelligible, de la connaissance de soi afin de pouvoir découvrir l’image divine animant l’homme dans son pèlerinage vers le céleste. L’amour et la connaissance donnent accès à « la sainte liberté des enfants de Dieu ».

Dans l’écriture sainte, qu’il ne cesse de lire et de méditer, Bernard apprend l’importance de la louange et de l’émerveillement, non seulement son langage est celui d’un styliste, mais l’emploi des mots de son riche vocabulaire, la juxtaposition des images symboliques proposées sont porteurs d’énergies et aussi de douceur.

 

Ainsi la création devient miroir et reflet de la beauté divine, humblement Bernard s’efface devant ma Présence, dont il ne cesse de scruter le mystère. Il existe dans ses traités, et plus encore dans ses sermons, une indéniable transparence. Bernard est visité par la lumière divine et les termes qu’il utilise sont autant de fenêtres diffusant la clarté. A une époque où on employait volontiers des clichés littéraires, l’abbé cistercien fait exception, il se tient sous la mouvance de l’Esprit, et ce don il le communiquera à plusieurs de ses moines.

 

Au sein de l’église, Bernard a tenu un rôle de réformateur. Au XIIe siècle, la chrétienté est un tout qu’il importe de sauvegarder en la défendant contre les agitateurs, les hérétiques et les hétérodoxes, la moindre fissure serait dangereuse à l’égard d’une chrétienté dont il convient de sauvegarder l’unité.

 

La théorie mystique de Bernard soulèvera de nombreux échos, non seulement en son temps mais jusqu’à nos jours. Essentiellement contemplatif, Bernard apporte un enseignement qui ne cesse de relier la dimension humaine à la dimension divine, le temps à l’éternité.

 

Surnommé « le dernier Père de l’église », il a pu, en s’inspirant d’Origène, donner aux sens intérieurs toute l’ampleur qui convient à l’homme en constante nouveauté de vie.

 

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Bernard le grand réformateur de la Chrétienté   -   Bernard et Cîteaux   -  le moine et l’abbé  -  Activité réformatrice   -  les hérétiques et les hétérodoxes   -  Bernard et Abélard   -   Bernard et Gilbert de la Porrée   -  Cîteaux et Cluny  -  Bernard et l’art cistercien  -

 

Bernard le Mystique  -  La vie monastique  -  humanisme   -  la connaissance de soi   -  le libre arbitre   -  image et ressemblance  -   l’homme et Dieu   -  la connaissance et l’amour de Dieu   -   les degrés de l’amour   -  l’amour du fils et l’amour de l’épouse   - Unitas spiritus   -  l’extase   -

 

 

16 E

  

encyclopÉdie des mystÈres

M.M. davy

Edition PAYOT

 1995

4 volumes pour raconter l’histoire des mystiques et du mysticisme.

- Le tome 1 parle du chamanisme, des Grecs, des Juifs, de la Gnose et du christianisme primitif.

- Le tome 2 développe le christianisme occidental, l’ésotérisme, le protestantisme et l’islam.

- Le tome 3 parle de l’Égypte, de la Mésopotamie, le l’Iran, de l’hindouisme, et du bouddhisme indien.

- Le tome 4 termine le cycle avec les bouddhismes tibétains, chinois, japonais, yi king, tch’an et zen.

 

16 H
 

HENRI LE SAUXÉCRITS. par le Père Henri Le SAUX

 Morceaux choisis d’Henri  le Saux et présentés par  M.M. DAVY

Edition Albin Michel

 1991

M.M.Davy a extrait des différents ouvrages de Henri Le Saux un choix de phrases, formules et développement qui nous offrent la saveur d’une des plus riches pensées du 20° siècle et nous fait découvrir un être de lumière, qui sur terre réussi sa Réalisation spirituelle.

 

Lorsqu’il est en Inde, Henri le Saux s’aperçoit qu’une autre façon de vivre et de voir les choses sur le plan spirituel sont sinon possible, tout au moins obligatoire, il est donc tiraillé par sa fidélité chrétienne à sa religion et à son Abbaye, avec cette mystique hindoue qui bien que nouvelle pour lui, l’attire énormément et y trouve une nourriture et des réponses à ses questionnements.

 

Il se confiera à son journal et laisse apparaitre cette souffrance qui le consume, car ce tiraillement entre deux mystiques lui posent problème.

 

On peut dire sans exagérer, que l’intériorisation d’H. le Saux est provoqué par le choc de ces deux cultures, il saura quand même garder secret ces tourments personnels qu’il essaiera d’évacuer par des retraites à la Saint Montagne.

 

Henri le Saux en Inde, se trouve dans la nécessité de vivre en solitude pour se découvrir et se réaliser, ce qui après tout ne le dérange pas trop, car dans la tradition monacal chrétienne, les moines passent aisément de la solitude à la prédication, le voyage extérieur peut accompagner le voyage intérieur sans difficultés.

 

Il fait une crise cardiaque en Juillet 1973 (il mourra 5 mois plus tard), sur son journal il note :

 

« Je viens de trouver la solution à mon équation, j’ai découvert le Graal, la quête du Graal n’est autre que la quête de Soi, quête unique signifiée sous tous las mythes et symboles. C’est Soi que l’on cherche à travers tout, et pour quête on court partout, on s’éparpille alors que le Graal est ici, en nous, tout près, il n’y a qu’à ouvrir les yeux et c’est la découverte du Graal dans sa vérité ultime »

 

Au sommaire de cet ouvrage, Henri le Saux nous parle de :

L’Absolu  -  advaïta  -  aham  -  amour  -  anges et démons  -  angoisse  -  Arunâchala  -  Atman  -  au-delà  -  autre rive  -  cheveux  -  Christ  -  cœur  -  connaissance  -  conscience  -  contemplation  -  conversion  -  déchirement  -  dépassement et dépouillement  -  désert  -  Dieu  -  dogme et dualité  -  Eglise  -  esprit  -  éternité  -  eucharistie  -  Evangile  -  éveil et expérience  -  foi et grâce  -   guru  -  icône et idolâtrie  -  illumination  -  Inde  -  libération  -  liberté  -  méditation  -  moine  -  monachisme  -  monde  -  mort  -  mystère et mystique  -  œcuménisme  -  Orient et Occident  -  péché  -  pensée  -  père  -  prâna  -  présence et prière  -  Ramana Maharishi  -  réalisation  -  religion  -  renoncement  -  révélation et sagesse  -  sainteté  -  secret  -  sérénité  -  solitude  -  source  -  symbole  -  théologie  -  Trinité  -  unité  -  Upanishad  -  Vierge  Marie  -  voie  -  yoga  -

 

HENRI LE SAUXERMITES DU SACCIDÂNANTAUn essai d’intégration chrétienne de la tradition monastique de l’Inde

Henri le Saux et l’Abbé Jules Monchanin

Edition Casterman 

 1956

Ce livre a été vécu avant d’être écrit. Il est un message aux chrétiens de notre temps : « Allez me faire des disciples dans toutes les nations », avait dit le Christ. C’est un écho direct de cette parole que l’on trouve ici. Deux missionnaires, messagers de la bonne Nouvelle, se sont enfouie et immergés dans la terre indienne jusqu’à devenir de vraies enfants de l’Inde. Le levain dans une pâte, une pâte qui a longuement murie sous l’action déjà de l’esprit, un levain adapté à la pâte de l’Inde.

Deux moines, L’Abbé Jules Monchanin et Dom Henri le Saux vont devenir deux vrais sannyâsis indiens, vivant en ermites dans la forêt, seuls, ou sur le mont Arunâchala dans des grottes, ils vont vivre une aventure grandiose en mélangeant la mystique chrétienne et la tradition hindoue

Ils seront ermites de Celui qui Est, car le message retentit avec une telle force, qu’il leur est impossible de ne pas suivre cet appel. Ce chemin qu’ils vont prendre et qu’ils mettent dans cet ouvrage nous bouleverse, nous font méditer et nous fascine. Ces écrit agissent sur nous comme une épuration, car le message est tellement beau et pur qu’entré en nous, il nous décrasse de toutes les scories que nous ne cessons d’accumuler depuis notre naissance.

Ils nous racontent leur vie quotidienne, leur problème avec les Hindoues avant d’être accepté, la rencontre avec les textes sacrés de l’Inde, les retraites dans les grottes d’Arunâchala, leur vision pour l’implantation de la mystique chrétienne en terre hindoue et surtout comment et pourquoi engager un dialogue interreligieux.

Un livre qui nous émeut car ces deux religieux se mettent à nu pour nous raconter avec une très grande sincérité leurs émotions et leurs interrogations.

 

HENRI LE SAUX - LA GROTTE DU CŒUR – LA VIE de Swami ABHISHIKTANANDA

Shirley Du Boulay

 Edition du Cerf

 2007

Breton d’origine, on peut dire d’Henri le Saux (1910-1973) qu’il devint indien dans la seconde moitié de sa vie, sous le nom de Swami Abhishiktananda. Prêtre, moine, ermite, sannyâsi, écrivain, correspondant, conférencier, voyageur. C’est cette palette de contrastes qui fait l’unité de cet infatigable chercheur de vérité, présenté ici par Shirley Du Boulay.

Pendant toute sa vie féconde d’homme de « l’esseulement », il mena un combat avec lui-même, pourtant en suivant cette « grande parole » upanishadique « je suis », ce qu’il réussit à atteindre au terme de sa vie, est l’effacement de son moi physique au profit de la connaissance du grand Soi. Entre l’indépendance de l’Inde et l’afflux des voyageurs occidentaux de toutes sortes, la vie d’Henri le Saux est exemplaire par son caractère tant ingénu qu’érudit. Sa production littéraire semble extraordinaire au vu de ses conditions de vie, et constituera un support inestimable pour les générations futures de chercheurs.

Chrétien avant tout, il avait soif d’amour et de paix et souhaitait rapprocher l’Eglise chrétienne avec les traditions hindoues, conscient que le contexte missionnaire de l’époque représentait plutôt un handicap. Son expérience vécue, si elle l’avait amené bien au-delà d’un enseignement public, a bâti les fondations solides de conceptions nouvelles dans la tradition chrétienne.

La voie shivaïte, qu’il suivit jusqu’à son terme, lui fit le don d’un disciple exemplaire, à qui il put transmettre les principes qu’il avait acquis. Par ce lien qu’il incarna entre la sagesse hindoue et la mystique chrétienne, par la profondeur de ses intuitions, Swami Abhishiktananda a ouvert, avec les audaces du défricheur, la voie au dialogue interreligieux. Tous ses écrits convergent vers ce lieu toujours plus intérieur qui, des grottes d’Arunâchala, le mena jusqu’en la guha, « la grotte du cœur »

Cet homme avait de nombreuses contradictions, il rêvait de sa Bretagne mais ne retourna jamais en France, il aimait la solitude mais avait de très nombreux amis, il aspirait au silence mais adorer parler, il prenait plaisir aux livres, à écrire mais préférait cependant les enseignements directs de son expérience vécue, mais sa contradiction principale était l’attraction qu’il éprouvait envers l’advaïta, expérience non-duelle de l’hindouisme et son amour inné et sans faille pour sa foi catholique et les mystères chrétiens.

C’est cette dernière contradiction qui va lui poser des souffrances et des angoisses, car l’hindouisme provoqua chez lui une attirance très forte, comme un puissant aimant, il dut lutter pour ne pas perdre sa foi catholique. Souvent il se dira tantôt hindou, tantôt chrétien et cette double appartenance tout en lui provoquant des problèmes lui donnera aussi des joies, ayant conscience que ces passerelles entre Orient et Occident sont nécessaires si on veut nouer des relations et des dialogues interreligieux.

Il eut le courage d’aller jusqu’au bout de sa quête, et d’écrire de merveilleux livres sur son ressenti, ses expériences, ses aspirations et son chemin dans cette immersion dans l’hindouisme dont il tirera de grands bonheurs. Fut-il un moine singulier et fou ou bien un homme qui, dans son courage à souffrir l’angoisse de l’écartèlement entre les deux grandes traditions, atteignit des sommets inhabituels de grandeur spirituelle et qui, plus de 30 ans après sa mort, reste un phare pour ceux qui défendent leur fidélité à une tradition tout en restant ouverts aux vérités des autres ?

Cet homme, en fait, est un chrétien d’aujourd’hui, capable de transcender les différences entre les religions et de vivre dans la vérité transcendante.

Au sommaire :

Racines bretonnes -1910-1929 - Un appel irrésistible, Kergonan 1929-1939 - la seconde guerre mondiale 1939-1945 - La terre promise 1948-1950 - Arunâchala 1949-1952 - une expérience novatrice, Shantivanam 1949-1952 - Christianisme et Advaita 1953-1954 - Cris spirituelle 1955-1956 - Complète immersion dans l’hindouisme 1956 - Un mois en solitude 1956 - L’autre face du silence 1957 - Un ermite très actif 1958-1960 - Pionniers du dialogue 1961-1963 - Aux sources du Gange 1963-1964 - Un vrai disciple - L’explosion finale - Dépasser les opposés - Important glossaire et bibliographie -

 

HENRI LE SAUXLE PASSEUR ENTRE DEUX RIVES

M.M. DAVY

Edition Albin MICHEL

 1997

En 1948 ce moine bénédictin rejoint l’Inde pour y faire connaître le christianisme ; là-bas avec le Père Jules Monchanin ils fondent l’ashram du Shantivanam. Venu en Inde pour faire connaître le christianisme, Henri le Saux s’aperçoit que, contrairement à son projet initial, c’est lui-même qui reçoit l’impact de la métaphysique indienne ; elle le bouleverse et le séduit.

 

Tout en restant chrétien, mais revêtu de la robe di sannyâsi (renonçant), Henri le Saux, devenu Swami Abhishiktânanda, partage désormais son existence entre les séjours solitaires près de la Sainte Montagne d’Arunâchala et la prédication de retraites à des religieux. Il demeure de cette expérience unique d’union entre l’advaïta (non-dualité) indienne et la mystique chrétienne un message qui s’adresse aujourd’hui à tous les chercheurs d’absolu.

 

 Nous sommes à une époque où l’Occident redécouvre avec ferveur la valeur inestimable de la Sagesse orientale. A cet égard, Henri le Saux est une figure de proue, il a opéré la rencontre entre deux cultures, deux voies d’approche, deux chemins spirituels. Moine occidental pénétré d’hindouisme, il vivra le message chrétien, auquel il restera toujours fidèle, tout en approfondissant grâce à la métaphysique offerte par les Sages de l’Inde. Sa vie et son œuvre, comparables à un phare, balisent le parcours de ceux qui, au sein du christianisme, souhaitent intégrer, comprendre et pratiquer la profondeur orientale.

 

Pour mener à bien son aventure, Henri le Saux n’eut aucun autre moyen que de se dénouer de tout ce qui n’est pas essentiel. Au départ il s’est détaché du monde et de ce qui nourrit ses sens extérieurs, mais très vite il s’est aperçu que cela était insuffisant, car le monde était en lui. Il fut donc obligé de passer par l’épreuve du feu intérieur consumant. Le passage du psychique au pneumatique, de l’âme à sa fine pointe : l’esprit, comporte un changement de niveau, une totale épuration du mental, de l’affectivité, le rejet des pensées et des sens intérieurs.

 

Dans sa démarche il va franchir successivement tous ces niveaux, toutes ces étapes, et sa rencontre avec les Sages et la lecture des textes sacrés –Védas et Upanishad-  seront des propulseurs. Le christianisme qu’il vivait avant va progressivement se décanter, se purifier de toute idolâtrie, c’est ainsi qu’il aboutira à une pure transparence, celle qui nous séduit, car elle nous permet de saisir la splendeur d’un christianisme intériorisé, le plus souvent inconnu.

 

Une chose importante pour Henri le Saux : Dans son parcours il rejeta toujours un quelconque syncrétisme entre ces deux mystiques, au contraire la pureté de leur mystère est chose importante et primordiale. Si on devait rapprocher un mystique avec Henri le Saux, ce serait surement Maître Eckhart qui, de son temps fut inquiété pour avoir osé dire ce que Henri le Saux, cet être de lumière, 5 siècles plus tard dira et fera avec force sur ce mystère de la Présence.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

1e Partie : Une vocation monastique chrétienne et hindoue  -  l’ashram du Shantivanam  -  la xénitéia  -  origine de la vie monastique érémitique  -  rencontre avec Ramana Maharshi  -  Arunâchala  -  en chemin de l’exil  -  le dépouillement des dépouillements  -  le secret  -  un langage antinomique – esquisse d’un visage et d’une écriture –

2e Partie : Le passage par le feu nocturne et la nuit initiatique  -  les étapes d’un itinéraire  -  Mutations et métamorphoses  -  la Présence  -  l’au-delà du signe  -  la sortie du tunnel  -  ressuscité en Christ  -  la jubilation  - 

3e Partie : L’accès à la Lumière divine  -  la grâce de l’Inde  -  les racines des religions  -  les voies  -  Dieu et les hommes  -  l’expérience de paternité spirituelle  -  L’illumination  -  la grande mort et la petite mort  -  le dernier départ  - 

4e Partie : Textes complémentaires  -  ouverture : traditions et dialogues  -  un éclairage explicatif  -  Jules Monchanin  -

 

HENRI LE SAUX, MOINE DE KERGONAN

Divers auteurs

Edition Parole et Silence –Perpignan 

 2012 

Henri le Saux (1910-1973) est mondialement connu pour la démarche religieuse originale qui le conduisit à quitter l’abbaye Sainte Anne de Kergonan en Bretagne, afin de vivre en Inde une rencontre intérieure de l’hindouisme et du christianisme.

A l’occasion du centenaire de sa naissance, les bénédictins de Kergonan ont voulu faire découvrir ce pionnier du dialogue interreligieux. Les interventions réunis dans ce volume présentent le chemin spirituel de Swami Abhishiktananda (nom hindou d’Henri le Saux), et jettent un jour nouveau sur ses années de vie monastique à Kergonan.

Un portrait de sa jeune sœur bénédictine et une réflexion théologique sur le dialogue interreligieux complètent cette évocation.

Illustré de photographies en partie inédites, ce volume constitue un hommage de son abbaye à ce frère qui lui resta toujours fidèle, et qui demeure, fut-ce sous la forme de « la présence dans l’absence », un authentique moine de Kergonan. On n’oubliera pas l’association « Jules Monchanin et Henri le Saux, pour la rencontre entre Hindous et Chrétien ». Cette association dirigée par Madame Françoise Jacquin, œuvre pour le dialogue interreligieux et diffuse les travaux, lettres, œuvres et pensées de ces deux religieux qui vécurent en Inde ensemble quelque temps avant que l’Abbé Jules Monchanin meure d’une tumeur cancéreuse en 1957.

Au sommaire de cet ouvrage on trouve les intervenants suivants :

Préface par dom Philippe Piron

L’itinéraire spirituel d’Henri le Saux par Françoise Jacquin

Les années de Kergonan (1929-1948) par dom Xavier Perrin

Le témoignage de frère Robert Williamson

La présence dans l’absence par dom Jean-Gabriel Gelineau

Sœur Thérèse Le Saux, moniale de Saint-Michel de Kergonan par mère M.F. Euverte

La problématique et les avancées du dialogue interreligieux aujourd’hui par P. Massein

 

HENRI LE SAUX  -  LES YEUX DE LUMIḔRE

Henri le Saux

Edition F.X de Guibert

 1989

Celui dont je vais vous parler aujourd'hui est un aventurier. Pas parce qu'il a vécu dans la jungle, dans les Himalayas et autres lieux exotiques. Non, il s'agit d'une autre sorte d'aventure : une aventure intérieure, bien sûr : Pages Feuilletées, ce n'est pas Ushuaia, ou alors c'est l'Ushuaia de l'aventure spirituelle ! J'aime les gens qui vont jusqu'à la limite de l'impossible. Notre aventurier du jour a dit lui-même qu'il était un cosmonaute qui plongeait avec un bathyscaphe. Que cherchait-il ? Dieu, évidemment. Et je vais vous dire tout de suite la fin de l'histoire : il L'a trouvé ! Ce quêteur de Graal s'appelait Henri Le Saux.

 

Très jeune il ressent une vocation à partir en Inde, mais il devra attendre pas mal d'années, au cours desquelles il exerce les fonctions de cérémoniaire, et de professeur d'histoire de l'Eglise, de droit canon et de patristique (étude des Pères de l'Église), donc un intellectuel de haut niveau. Henri Le Saux en 1947 correspond avec Jules Monchanin, un prêtre français installé dans le sud de l'Inde, dans un but non pas missionnaire mais uniquement contemplatif. Il apprend l'anglais et le tamoul, étudie les Upanishads, obtient l'autorisation de quitter son monastère pour rejoindre l'abbé Monchanin, et en juin 1948, âgé de 38 ans, il débarque au Sri Lanka. Les deux hommes fondent un ermitage dans le diocèse de Tiruchirapalli, dans un endroit nommé Shantivanam (le bois de la paix).

 

Sa vie sera tantôt celle d'un moine, au Shantivanam avec le Père Monchanin ou avec d'autres, tantôt celle d'un ermite, au même endroit ou dans l'Himalaya près des sources du Gange, tantôt celle d'un sannyâsîns. Un sannyâsi, c'est un ascète hindou qui a renoncé à tout et qui part sur les routes. Dans nos pays, on n'aime pas beaucoup les gens qui vagabondent d'un endroit à l'autre. En Inde, on les vénère, il y en a des millions, ça fait partie du processus normal de la vie : on étudie, on se marie, on travaille, et puis on laisse tout et on part. Mais bien sûr, la mentalité indienne n'est pas du tout la même que la nôtre. Henri Le Saux, ou plutôt Swami Abhishiktânanda de son nouveau nom, a pris la nationalité indienne à l'âge de 50 ans, en 1960. Abhishiktânanda signifie "celui dont la joie est le Christ".

 

Il a écrit un certain nombre de livres décrivant son expérience et ses idées, car on a beau être un pauvre ascète hindou vivant de l'air du temps (ou presque), on n'en oublie pas pour autant le grec, le latin, la philosophie, la théologie et toute la forme de pensée occidentale dont l'éducation a imprégné l'esprit.

 

Notre Swami a donc écrit en 1956 avec Jules Monchanin Ermites du Saccidânanda[1], et puis il écrit tout seul, Monchanin étant mort en 1957,Il a écrit aussi beaucoup de lettres, d'articles dans des revues catholiques, et un journal intime spirituel, publié en 1986 sous le titre La montée au fond du cœur. Le livre que nous allons feuilleter aujourd'hui n'est aucun de tous ceux-là : il s'agit d'un recueil composé d'articles de revues, de lettres et d'extraits du journal, et publié en 1979 sous le titre Les yeux de lumière. De quels yeux s'agit-il ? La couverture du livre reproduit une photo d'Henri Le Saux à la fin de sa vie.  

                                            

On ne peut pas décrire ce regard, un regard qui voit Dieu. On ne peut pas voir Dieu et vivre, à ce qu'il paraît. Et en effet, Henri Le Saux est mort de ce bonheur extraordinaire, mais il a tout de même vécu cinq mois, de juillet à décembre 1973, dans cet état où il n'y a plus de différence entre la terre et le ciel. Il est arrivé enfin au-delà du mental, au-delà des catégories intellectuelles, au-delà de la question impossible : comment être à la fois chrétien et hindou ? Il est arrivé là où les parallèles peuvent enfin se rencontrer : dans l'infini.

 

Quand Henri Le Saux arrive en Inde, en 1948, "l'ambiance générale est celle d'une désorientation théologique complète». L’indépendance de l'Inde vient d'être proclamée. Le christianisme a jusque-là été très lié au pouvoir britannique et les chrétiens se trouvent dans une situation ambiguë, dans un conflit entre fidélités : celle de l'identité indienne et celle de l'identité chrétienne. «On pressent une incompatibilité qu'on s'efforce de nier par quelques concessions à l'adaptation du christianisme à la culture indienne». Henri Le Saux, lui, ne veut pas de compromis. Il veut être à la fois chrétien et hindou, sans pour autant tomber dans le syncrétisme. Il abandonne toute idée de supériorité du christianisme. Sa situation est donc très inconfortable, il a beaucoup souffert pendant un certain nombre d'années.

 

Plus tard, "le Concile Vatican II donne un espoir et indique une voie" : le christianisme commence à considérer "que l'hindouisme est une religion authentique, donc porteuse de salut, et que la rencontre entre les deux religions peut conduire à une relation positive et bénéfique. A partir de cette époque, Henri Le Saux se sent confirmé dans sa vocation de sannyâsi dans l'Eglise". Mais tout reste à faire. Il n'y a pas "de fondements pour une théologie indienne et encore moins pour une théologie hindoue-chrétienne». L’Inde est une mosaïque de religions : l'hindouisme, l'islam, le jaïnisme, les sikhs, le bouddhisme, l'animisme. La plus importante est bien sûr l'hindouisme, qui est lui-même très divers. Parmi tous ces courants, Henri Le Saux ne fréquenta que le milieu monastique védantin, le Védanta étant un système philosophique inspiré des Upanishads, livres sacrés qui font partie des Védas. Tout cela est très ancien, très antérieur au christianisme.

 

Voici ce qu'il écrit dans un article intitulé L'Inde et le Carmel, paru en 1964 dans la revue Carmel :"La mission de l'Eglise est de proclamer à tous et partout l'appel du Ressuscité et de rendre disciples toutes les nations, et le but final de cette mission c'est la récapitulation de tout dans le Christ, afin qu'en la consommation du temps et du mystère de Dieu, tout par Lui soit ramené au Père, et que Dieu soit tout en tous. […] Comme le dit Isaïe, ce sont tous les trésors des nations, et donc premièrement leurs trésors spirituels, qui montent ainsi, et sont consacrés sur l'autel de Iahvé en son temple de la nouvelle Sion. Tout de l'univers doit être consacré au Seigneur, tout doit être sanctifié». Au cœur de l'Eglise et au cœur de l'Inde à la fois, Dieu attend que son Eglise vienne délivrer ce secret de l'Inde. Dieu est patient. Il attend et Il attendra tant qu'il faudra. Tant que son Eglise ne sera pas prête à plonger au sein du fond et à y recueillir la perle, Il continuera d'inspirer les sages de l'Inde, Il maintiendra ininterrompue la lignée des rishis, dépositaires et gardiens de ce secret, visiblement et apparemment hors de cette Eglise indifférente, invisiblement et en réalité en son sein même, en longue gestation.

 

Il faut en effet accepter de plonger et de plonger très à fond pour découvrir cette perle, jusqu'à la perte de soi en soi, de soi au-delà de soi. […] Non pas une plongée intellectuelle qui révèle si peu en réalité, encore moins une plongée par imagination ou affectivité, encore plus vaine. Mais la plongée aux sources mêmes de l'être, là où l'Inde attend, là où l'Eglise attend. […] La grâce de l'Inde est essentiellement une grâce d'appel à l'intérieur Le message vrai de l'Inde est tellement secret que bien peu en fait sont capables de l'entendre dans sa vérité très pure. Les ersatz en pullulent, d'ordre spéculatif, émotionnel ou bien gnostique, et beaucoup d'âmes se laissent tromper. Seule, ose-t-on dire, une âme profondément chrétienne qui a pénétré au cœur du Christ, qui comme le disciple bien-aimé a su écouter, au dehors et plus encore au dedans, les battements du cœur de Jésus, sera capable de pénétrer aux derniers retraits du cœur de l'Inde et d'y recueillir, pour soi et pour l'Eglise, son message le plus secret. […]L'Inde aurait-elle donc à apporter au christianisme un message d'intériorité que celui-ci ignorerait ? En vérité, l'Inde n'apporte au chrétien rien qu'il ne possède déjà", mais, ajoute-t-il, "l'Inde peut aider l'Eglise à faire fructifier ses propres trésors». Le secret de Dieu est au-delà de tous mots. Ceux qui le touchèrent de plus près, en quelque climat religieux que ce soit, purent seulement dire de lui qu'il est inaccessible".

 

L'auteur parle ensuite du rôle irremplaçable des contemplatifs dans l'Eglise, et aussi de l'image de la grotte, la cavité du cœur, employée dans les Upanishads. «C’est le lieu caché, le lieu secret par excellence, le lieu pourtant que l'homme à tout prix doit rejoindre s'il veut échapper à la mort et parvenir à la vie impérissable». L’expérience de non-dualité que nous transmettent les Ecritures de l'Inde est sans doute le sommet le plus haut de ce que pouvait atteindre l'homme, même guidé par l'Esprit, tant que Dieu ne s'était pas révélé en son Fils".

 

Dans un autre article sur L'expérience de Dieu dans les religions d'Extrême-Orient, publié en 1973, Henri Le Saux explique ce qu'est cette expérience de non-dualité :"En face de cette expérience de Dieu-Autre [il s'agit de la tradition biblique et chrétienne] il y a l'expérience qui ne laisse même plus la possibilité de reconnaître ni de nommer cet Autre, pas même de s'en distinguer, tellement elle a été envahissante et a fait le vide dans l'être. […] Il n'y a plus place ici que pour le silence». De ce mystère, les grands ont toujours refusé de disserter. Le Buddha refusait toute question à ce sujet. Sans doute commentateurs bouddhistes et vedantins ont-ils discouru là-dessus de façon indéfinie, tant l'esprit a du mal à accepter de se taire. Cependant l'intuition fondamentale est silence".

 

On peut remarquer qu'Henri Le Saux lui-même a beaucoup écrit sur le silence et sur l'indicible…Ce n'est que dans les derniers mois de sa vie, après cette crise cardiaque accompagnée d'une "merveilleuse expérience spirituelle" d'éveil, qu'il ira vraiment au fond des choses. Voici une lettre écrite trois jours seulement après le grand événement :"Il n'y a que l'instant éternel où je suis. Ce nom de JE SUIS que Jésus s'applique en Jean est pour moi la clé de son mystère. Et c'est la découverte de ce Nom, au fond de son propre "JE SUIS", qui est vraiment le salut pour chacun. […] Alors voyez-vous, pour nous ici, l'Europe, l'Eglise, même les meilleurs nous paraissent vivre à la surface de leur être seulement, "mystère" de l'Esprit qui murmure en termes pauliniens tu es "fils de Dieu", en nos termes ici "tu es cela". On se bagarre sur le ministère, sur le célibat, et le reste, et on oublie qu'une seule chose compte, c'est d'éveiller".

 

Toutes ces idées peuvent vous paraître étranges et même inquiétantes. Je tiens à préciser que ce livre Les yeux de lumière a obtenu le nihil obstat, l'imprimi potest et l'imprimatur, c'est-à-dire qu'il a été publié avec l'autorisation officielle de la hiérarchie catholique. Il n'y a donc rien d'hérétique dans les propos de Swami Abhishiktânanda, qui resta toujours moine et prêtre de l'Église catholique, et qui fut, au dire du Père Monchanin lui-même, "celui qui a pénétré le plus avant le mystère de l'Inde». L’indouisme est mal connu en Occident car, dit Henri Le Saux, "il faut toujours se défier des transpositions conceptuelles et verbales qui sont faites d'une tradition ou d'une culture dans une autre. Les termes les plus clairs et les traductions les plus exactes étymologiquement risquent constamment d'égarer".

 

De plus, dit-il, les traducteurs ne sont pas forcément compétents sue le sujet et peuvent aboutir à des approximations. Et surtout, il ne faut pas oublier que la philosophie indienne est pratique, les mots et concepts employés par les gourous ne visent pas à transmettre une doctrine mais à mener le disciple à une expérience. Donc, si vous voulez vraiment connaître l'hindouisme, lisez Henri Le Saux plutôt qu'un autre, puisqu'il l'a vraiment connu de l'intérieur. Pour finir, encore une phrase d'Henri Le Saux : "La mission essentielle de l'Eglise est d'éveiller les hommes à l'unique Présence et de les rendre toujours plus présents à Dieu et à leurs frères. Mais personne ne peut en éveiller un autre s'il n'est pas lui-même pleinement éveillé".

 

HENRI LE SAUX - SAGESSE HINDOUE, MYSTIQUE CHRÉTIENNE

Henri Le Saux

Edition CENTURION

 1991

Dans cet ouvrage Henri le Saux, après les expériences bouleversantes des premières années, à la faveur desquelles, il s’était laissé envahir par l’expérience de la non-dualité (advaïta), s’interroge pour voir comment la sagesse hindoue dont il a fait la découverte, s’intègre à la foi chrétienne et à sa mystique. Si la symbiose des deux semble possible dans l’expérience concrète au niveau où il vit, la synthèse au niveau de l’intelligence l’est-elle à son tour ? C’est sur ce point que ce livre marque une étape. Henri le Saux s’efforce de démontrer que la non-dualité et la Trinité ne s’excluent pas mutuellement ; elles s’appellent plutôt l’une l’autre et sont complémentaires. L’advaïta nous avertit que les relations trinitaires dépassent infiniment ce que nous pouvons en concevoir ; la Trinité chrétienne, elle, nous révèle la plénitude pluriforme de l’Un sans le deux.

 

Ainsi, l’expérience hindoue et l’expérience chrétienne s’approfondissent mutuellement : l’advaïta simplifie la Trinité ; la Trinité dilate l’advaita. Ce livre se présente donc comme une longue méditation, d’une profondeur exceptionnelle, où la mystique hindoue la plus profonde et le mystère chrétien essentiel réagissent pas à pas, l’un sur l’autre. Ce livre ne devait être cependant qu’une étape. L’œuvre, au fond, était sécurisante, l’expérience chrétienne y demeurant intacte même dans ses formulations bibliques et traditionnelles. A tout prendre, elle restait la règle, or Henri le Saux était déjà envahi par des questions ultérieures, sur lesquelles il ne cessera plus tard de s’interroger davantage. Il se demandera alors si la Trinité chrétienne résiste à l’advaïta ou s’il ne faut pas plutôt admettre sans détour que, vraie sans doute au niveau de la manifestation et du mythe, elle s’évanouit cependant à celui de la vérité absolue. C’est ce qui explique que plus tard ce livre lui apparaîtra comme une étape à dépasser.

 

Son journal intime porte un témoignage irrécusable à cette autocritique au sujet de son œuvre. Il écrit plusieurs fois : »Je n’écrirais plus ce livre tel quel, j’y ai été encore trop esclave des concepts grecs » et encore « En grec impénitent, j’ai trop cherché à penser le mystère, l’Inde, c’est pourquoi cet ouvrage me parait dépassé, avec toute la théologie et toutes les gnoses ». Ces notations appartiennent à l’époque où, moins d’an an avant sa mort, Henri le Saux préparait avec son ami James Stuart, l’édition anglaise de cet ouvrage, lequel paru à Delhi tôt après sa mort sous le titre de Saccidânanda. Henri le Saux rectifie sa pensée et enlève ce que le texte original comportait de trop occidental et de rationnel.

 

Cette édition fait état des retouches de dernière heure, grâce aussi au disciple d’Henri le Saux, Mde Odette Baumer-Despeigne, qui suivi son maître dans son intimité intérieure, le connaissant bien elle voua le reste de sa vie à la divulgation de l’œuvre  de son maître et au dialogue interreligieux, cher au cœur d’Henri le Saux.

 

Cet ouvrage capital dans l’œuvre d’ Henry Le Saux est indispensable pour celui qui veut entrer dans la compréhension des questions inter –religieuses et pluri-traditionnelles.

Au sommaire :

1e Partie : L’expérience védantine – la mort outrepassée  -  Sri Ramana Maharshi  -  Arunâchala  -  la manière d’enseigner de Ramana  -  La quête intérieure  -  le Yoga  -  en quête de soi  -  simplement se reconnaitre  -  le dilemme advaïtin  -  L’Advaïta, et les religions et le christianisme  -  L’Alliance cosmique et l’Incarnation  -  Sanatana dherma  -  l’intervention de Dieu dans l’histoire  -  Expérience védantine et foi chrétienne  -  la Présence dévorante  -  un appel à l’Eglise  -

2e Partie : L’Expérience trinitaire : Abba, le Père  -  Jésus et le Père  -  le retour au Père  -  L’éveil en Esprit  -  la plénitude du Christ  -  L’Expérience de l’Esprit  -  la manifestation de l’Esprit  -  la filiation divine  -  la Parole éternelle  -  le Fils unique  -  L’Amour infini du Père  -  la création  -  la liberté de Dieu  -  la liberté de l’homme  -  le cosmos retrouvé  -  le monde du jnani  -  Transcendance et immanence  -  Amour et communion  -  Être en communion  -  Agapè et koinonia  -  l’œuvre du jnânï  -  acosmisme  -  vocations  -  au milieu du monde  - 

3e Partie : Saccidânanda  -  Image de Dieu  -  l’intuition du Saccidânanda  -  la béatitude essentielle  -  Au sein de la trinité  -  Réveil pascal  -  le Père et le Fils  -  la Béatitude de l’Esprit  -  l’amour et le Présence  -  Mus par l’Esprit  -  Un acte de foi  -  les deux expériences  -  Mystère de foi  -  Une hymne chrétienne au Saccidânanda  -  extraits de poèmes de Ramana Maharshi  - 

 

HENRI LE SAUX - SOUVENIRS D’ARUNÂCHALA

Henri Le Saux

Edition Epi/Desclée de Brouwer

 1978

Né en Bretagne en 1910, le Père Henri le Saux part en Inde en 1948. Là-bas il sera pris par la mystique hindoue. Après avoir prié, médité, étudié les Upanishad, il est de plus en plus convaincu de la nécessité d’une connaissance mutuelle entre le christianisme et les grandes religions de l’Orient.

 

C’est pourquoi il se voue à l’étude de la spiritualité hindoue à laquelle il va consacrer de nombreux ouvrages.

Henri le Saux va interrompre ses nombreuses retraites silencieuses afin de participer à des séminaires concernant la vie religieuse en Orient. Terrassé par une crise cardiaque il meurt à Indore dans une clinique tenue par des sœurs franciscaines le 7 Décembre 1973.

Dans cet ouvrage Henri le Saux raconte sa vie d’ermite dans les grottes d’Arunâchala, la montagne sainte du sud de l’Inde, ses diverses rencontres et très spécialement celles qui devait exercer une profonde influence sur toute sa vie, surtout celle de Sri Ramana Maharshi, pur védantin qui incarnait la plus haute spiritualité hindoue et qui passa toute sa vie au pied de la montagne d’Arunâchala et qui mourut en 1950.

Dès son arrivée à l’ashram de Ramana Maharshi, Henri le Saux notait, qu’il considérait ce séjour comme une véritable retraite autant que comme une initiation à la vie monastique indienne.

C’est au cours de ses séjours dans les grottes d’Arunâchala et ensuite auprès de Sri Gnanananda à Tirukoyilur que le Père Le Saux, qui désormais en Inde sera connu sous le nom de Swami Abhishiktananda, découvrit « les secrets de l’Inde ». Il en parle en ces termes dans un livre :  « L’Inde ne se donne qu’à ceux qui ont accepté de s’arrêter et qui longuement et humblement, ont penché leur oreille pour écouter de tout près les battements de son cœur, qu’à ceux qui déjà ont pénétrer assez en avant en eux-mêmes, au sein du fond, pour y entendre au plus secret de leur cœur, le secret que l’Inde inlassablement y murmure pour eux, par la voie ineffable du silence. Car le silence est le langage suprême en qui l’Inde se révèle et délivre son message essentiel, son message d’intériorité, son message du dedans ».

Les séjours que fit Henri le Saux au pied d’Arunâchala et dans différentes grottes, se situent entre 1949 et 1955. En 1955 il y séjourna 5 mois, en 1953 tout le Carême et tout l’Avent, les autres années ses séjours furent de plus courte durée.

A cette époque sa résidence permanente était à l’ashram du Shantivanam qu’il avait fondé avec le Père Jules Monchanin à Kulittalai, district de Trichy (et qui existe toujours), « en vue d’un essai d’intégration chrétienne de la tradition monastique de l’Inde », comme l’indique le sous-titre du livre qu’ils publièrent en collaboration commune « Les ermites du Saccidânanda ».

Arunâchala, une des montagnes les plus sacrées de l’Inde, est identifiée à Shiva, le Seigneur Suprême ; elle surplombe la ville de Tiruvannamalai ; son cône solitaire et dénudé formé de roches volcaniques s’élève à pic et atteint une altitude de près de mille mètres, son récit mythologique est expliqué dans le livre.

C’est dans ce cadre grandiose et austère que surgit du fond de soi l’expérience de la Présence non-duelle, et c’est de cette époque que datent toutes les grandes intuitions que le Père le Saux développera ultérieurement. Ce fut une vraie révélation, écrira-t-il plus tard en précisant sa pensée il ajoutera « j’ai beau aimer le Gange et le sud, Arunâchala est pour moi un lieu de naissance, car celui qui reçoit cette Lumière éblouissante est pétrifié, déchiré, il ne peut plus parler, il ne peut plus penser, il reste là hors du temps et hors de l’espace, seul dans la solitude, même du Seul, c’est fou comme expérience, cette irruption soudaine de la colonne infinie de feu et de lumière d’Arunâchala ».

Ainsi ses retraites solitaires aux creux de la « Sainte Montagne » furent à la fois, des temps d’immersion dans la spiritualité hindoue et d’approfondissement existentiel de son union avec le Christ, qui était et restera jusqu’à la fin de ses jours, le « Divin Maître spirituel ».

Henri le Saux nous livre dans ce livre ses souvenirs d’Arunâchala avec ses joies, ses bonheurs mais aussi ses moments difficiles, ce sont des notes de son chemin spirituel qu’il nous livre ici, pour notre plus grand plaisir.

 

HENRI LE SAUX - SWAMIJI. UN VOYAGE INTÉRIEUR - DVD de 90 Minutes

Réalisateur Patrice Chagnard 

Edité par InnerQuest

 1983

Henri le Saux est moine de l’abbaye bénédictine de Kergonan. A 38 ans, en 1948, il rejoint dans le sud de l’Inde le Père Monchanin, bénédictin comme lui, avec qui il partage le même désir d’une présence contemplative chrétienne en Inde.

Ensemble ils fondent en 1950, l’ashram de Shantivanam (qui existe toujours), une sorte de laure d’ermites appelée dans leur esprit à devenir le lieu de rencontre vécue entre le christianisme et les traditions spirituelles de l’Inde.

Puis, Henri le Saux s’éloigne peu à peu de l’ashram pour répondre à un appel intérieur plus radical qui le conduit vers le Nord, l’Himalaya et les sources du Gange où, devenu Swami Abhishiktananda, il vivra jusqu’à sa mort en 1973, l’existence d’un sâdhu, c'est-à-dire, d’un moine errant hindou.

Le réalisateur Patrice Chagnard s’abstient de tout commentaire et laisse plutôt parler les images des photos, des bribes de lettres, des extraits de journal intime jalonnent cet itinéraire difficile et troublant. Que ce soit en Inde ou en Bretagne sa caméra inspirée filme l’indicible dans toute sa splendeur tout en montrant la lutte intérieure vécue par ce grand mystique qui voulait être un pontifex entre chrétiens et hindous.

 

henri le sauxun moine chrÉtien à l’Écoute des upanishads

André gozier

Edition ARFUYEN

 2006

Les Upanishads, objet de cette étude, sont un des grands monuments de l’esprit humain. Henri Le Saux (1910-1973), moine bénédictin, qui a vécu en Inde de 1948 à 1973, en avait perçu la grandeur et l’importance pour sa propre recherche de l’Absolu. Les ignorer, c’est se condamner à méconnaître l’hindouisme, à négliger notre connaissance de la quête spirituelle de l’homme.


L’auteur est un moine, qui appartient comme Henri Le Saux à l’ordre bénédictin et à la même congrégation que lui. Il ne vise pas à l’érudition, mais à la pédagogie. Il ne présente pas un résumé de chaque Upanishad, encore moins une exégèse savante, mais quelques touches, surtout mystiques. Il n’est pas allé en Inde et n’a pas suivi de cours d’hindouisme au Collège de France, seulement ceux de Michel Delahoutre à l’Institut Catholique de Paris. Il est intéressé par le dialogue interreligieux en raison de sa nécessité dans l’Église d’aujourd’hui et, à ce titre, il cherche à pénétrer l’un des monuments essentiels de l’hindouisme : les Upanishads.

 

Il a cru utile de faire connaître sa recherche, même très modeste, et sa lecture de ces textes pour faciliter un dialogue qui, de toute évidence, n’en est encore qu’à ses balbutiements. Il a privilégié certains aspects des Upanishads, ceux plus spécialement qui ont retenu l’attention d’Henri Le Saux.

 

Il en est ainsi de l’apophatisme, ce qui explique que le shivaïsme du Cachemire ait été l’autre pôle d’attraction d’Henri.

 

16 I

 

initiation à la symbolique romane

M.M. davy

Edition FLAMMARION

 1997

Le12e siècle, cette Renaissance médiévale, est le grand âge de l’art roman. L’homme de ce temps possède une exacte connaissance de sa situation : il est pèlerin de la Jérusalem céleste et, de ce fait, voué à une marche ascendante. Relié au monde invisible dans lequel il se meut, il sait d’où il vient et où il va, sa certitude relève de la foi. Que cette foi se développe à l’intérieur de l’église ou qu’elle soit hétérodoxe, elle demeure vivante. Le moine y répond  à  l’intérieur de son cloitre, le professeur dans son enseignement ; l’artiste en témoigne sur la pierre ou par la couleur.

 

Le monde est un, du macrocosme au microsome, l’homme est signe de l’Invisible, l’Art et ses symboles l’attestent. Du portail de Cluny à la littérature du Graal, Marie-Madeleine Davy nous donne accès à l’extraordinaire richesse symbolique de ce 12e siècle.

Se consacrer de nombreuses années à l’étude de la mystique du XIIe siècle, implique un risque, celui de sacraliser   exagérément une époque connue et aimée sous un angle particulier.

 

Cette étude sur  l’Initiation à la symbolique romane, se présente à l’intérieur d’une pensée ordonnée à l’égard des valeurs spirituelles et se mouvant dans un climat religieux. Qu’il s’agisse de mystique, de théologie ou d’art, elle appartient toujours au domaine spirituel, l’en séparer, ce n’est pas risquer de l’amoindrir ou de la disqualifier, mais plus encore de la défigurer.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Première partie : Le sens d’un enseignement  -  la cadre roman  -  le savoir  -   l’église et sa double fonction   -  la maison de prière  -  la vie monastique  -  le siècle roman  -  les caractéristiques romanes  -  l’unité de l’univers  -  la beauté du monde  -  la connaissance de soi  -   Présence de Dieu  -  la lumière et l’ombre  -  le sens du merveilleux  - Perspectives eschatologiques  -

 

Deuxième partie : La voie royale du symbole  -  les degrés de l’ascension  -  l’homme charnel et l’homme spirituel   -  les degrés d’amour  -  la rencontre de l’homme et de Dieu  -  l’amour conjugal  -   les signes de la terre transfigurés  -  le temps et la définition su symbole   -  expérience spirituelle et initiation par les symboles   -  universalité du symbole roman   -

 

Troisième partie : les sources du symbole roman  -  Symboles bibliques et patristique  -  la connaissance biblique des moines  -  Théologie et Ecritures saintes  -  le symbole dans la Genèse et dans le Cantique des Cantiques   -   le symbole dans l’Apocalypse, dans les Evangiles et chez les Pères grecs et latins  - les symboles profanes  -  l’Europe romane et les sculptures antiques  -  La Ville d’or  -  Le succès des auteurs anciens et l’héritage du passé   -  L’univers miroir des symboles   -  le rythme dans la nature  -   l’observation et l’amour dans la nature   -  le rôle sotériologique de l’homme à l’égard de la nature et de ses secrets   -   Hildegarde de Bingen   -  Bernard Silvestre   -   Hugues de saint Victor  -   Honorius Augustodunensis   - 

 

Quatrième partie : La maison de Dieu   -  Le Temple  -  l’Arche  -  le Temple de Salomon  -  la Jérusalem céleste  -  le carré  -  l’église ad quadratum   -  formes carrée et ronde  -  le temple roman et le macrocosme  -  l’art spirituel   -   Les ateliers de construction   -  la pierre  et les tailleurs de pierre   -  collèges de bâtisseurs  -  orientation de l’église  -  triangles et carrés  -  le cœur et le centre  -  la porte et la dédicace  -  L’ornementation  -  le principe de la décoration  -  théorie de saint Bernard et de ses émules   -   le soleil et l’arbre   - 

 

Cinquième partie : Présence du symbole   -  Culte de Dieu et transmutation de l’homme  -   la liturgie  -  la messe  -  hymnes  -  une cérémonie liturgique : la procession   -  la consécration des vierges  -  l’Alchimie  -  La science du Nombre  -  la musique    -  le symbole numérique  -  l’art littéraire  -  le Graal et la légende arthurienne   -   la légende de l’arbre de vie  -  les chevaliers et l’amour courtois  -  

 

 

initiation mÉdiÉvale – la philosophie au xiième siÈcle  -

M.M. davy

Edition DERVY

 1987

Ce livre constitue sans aucun doute le couronnement   des travaux de M.M. Davy sur la mystique et la symbolique médiévale, tout y gravite autour de la philosophie du XIIe siècle, d’une sagesse : la Sophia, aimée comme un être vivant qu’il est possible d’étreindre avec une amoureuse tendresse.

 

Quelles sont d’abord les mutations subies par la philosophie et quelle est la portée de l’influence grecque sur la pensée chrétienne ? C’est l’étude des sources, Bible et Pères de l’église, qui permet de la percevoir. Le philosophe du XIIe siècle puise sa connaissance dans l’ordre du cosmos, la beauté de la nature et plus encore dans le livre « du dedans » qu’il découvre dans la mesure où il subit la fascination de sa splendeur intérieure, et pourvu qu’il consente non seulement à son déploiement mais à sa fusion.

 

Le philosophe est aussi un voyant, inspiré il prophétise, ainsi des visionnaires apparaissent tels Hildegarde de Bingen, Elisabeth de Schonau, Joachim de Flore…Philosopher, c’est avant tout imiter le Christ philosophe, c’est mener une vie d’ascèse qui à son sommet, rejoint l’état angélique. Il ne s’agit pas d’envisager la philosophie comme une spéculation, une science, un savoir, mais de l’introduire dans l’existence quotidienne, afin de réaliser une vie de sagesse. Idéal que l’on voit s’épanouir avec les ordres monastiques, notamment cistercien ou chartreux, et encore avec les ermites.

 

Rien d’étonnant, donc, à ce que tout le XIIe siècle soit illuminé par la personnalité d’un moine : Bernard de Clairvaux, ce contemplatif à la fois violent et doux, commentateur inimitable du « manuel du philosophe » : le Cantique des Cantiques. Ecrit dans un langage simple et vivant, cet ouvrage ne s’adresse pas forcement à des spécialistes patentés, mais concerne essentiellement un public désireux de mieux connaitre « le siècle d’or » du christianisme. Après ce siècle la scolastique viendra modifier d’une façon définitive, non seulement la philosophie, mais toute la pensée chrétienne.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Première partie : Les sources : Athènes, Jérusalem, Rome – Origine de la sagesse et de la philosophie  -  place de la philosophie dans les arts libéraux  -  le Trivium et le Quadrivium  -  le monachisme et les arts libéraux  -  la philosophie grecque  -  sagesse et philosophie dans l’Ancien et le Nouveau Testament  -  rencontre entre les traditions grecque et juive : Philon d’Alexandrie  -  la Patristique : les Pères grecs et latins  -  subordination à la pensée grecque  - le « corpus areopagiticum »   -

 

Deuxième partie : La voie du philosophe  -  Conversion et rencontre avec la philosophie  -  Boèce  -  La mère divine et les modèles du philosophe  -  les livres du philosophe  -  les livres de la nature et les livres saints  -  l’univers est un tout  -Nature et idolâtrie  -  le livre des écritures sacrées  -  l’écriture dans la tradition juive  -  Présence de Dieu et de la nature dans l’homme  -  le livre du dedans  -  le temple de la sagesse  -  les écoles de philosophie au XIIe siècle  -  le moine philosophe, la théologie et l’éternité  -  la science profane  -  les écoles de philosophie profane  -   l’école d’Abélard et l’école de Chartres  -   les écoles des chanoines réguliers  -  l’école de Saint-Victor  - les écoles de philosophie du Christ  -  l’école cistercienne et les chartreux  -

 

Troisième partie :  La philosophie prophétique  -  Evolution et inspiration des prophètes  -  Prophétisme mystique au XIIe siècle  -  visages des prophètes  -  le prophétisme politico-religieux  -  Messianisme  -  Présence de l’invisible  -  naturel et surnaturel  -  sens du merveilleux  -  la philosophie ascétique  - l’encratisme  -  le rôle de l’ascèse et les sens extérieurs et intérieurs du moine philosophe  -  les noces du philosophe avec la sagesse  -  la philosophie monastique  - le monachisme occidental  -  la communauté religieuse et le vêtement du moine-philosophe   -  la pauvreté  -  Le Cantique des Cantiques   -  la philosophie érémitique  -  philosophie et vie angélique  -  le passage de la tente à la maison de Sophia  - 

 

16 L

la connaissance de soi

M.M. davy

Edition PUF

 2000

À la question « est-il possible de parvenir à la connaissance de soi ? » M.M. Davy répond que oui et explique pourquoi et comment, rejoignant ainsi Socrate et son « Connais-toi toi-même ».

 

M.M. Davy nous raconte ici son expérience intérieure avec ce magnifique voyage dans son intériorité et les rencontres que l’on peut y faire, sous condition bien sur d’en avoir la clef. Le thème de la connaissance de soi se place davantage dans l’ordre de la spontanéité que dans le psychologisme ou l’historicité. Il appartient surtout à la métaphysique dans la mesure toutefois où celle-ci échappe à l’expression dogmatique.

 

Je cite M.M. Davy : « La connaissance de soi ne s’épuise jamais ; elle est toujours à poursuivre et à recommencer ; c’est pourquoi elle se présente comme la finalité de l’homme. Cette finalité entendons-la au sens de Heidegger disant qu’elle est le tremblement d’une unité exposée à la contingence et qui se recrée infatigablement. L’homme qui réalise la connaissance devient son propre créateur ; ayant vaincu ses dragons, le voici introduit au centre de lui-même, au plus profond de son intériorité, lieu magique de toutes les métamorphoses, il est alors dans sa propre source lumineuse.

Tant que l’homme n’a pas trouvé en lui son propre soleil, il le cherche à l’extérieur ; a-t-il réintégré en lui-même son centre, le voici éclairé et éclairant, possédant son soleil à l’intérieur. On peut lui donner le nom de sage, d’homme vivant ou d’homme de lumière.

A une époque où le terme sagesse ne parait plus rien évoquer, les notions de vie et de lumière conservant leur intensité et leur densité, ce sont elles qu’il convient d’écouter et de retenir afin de continuer à chercher cette connaissance de soi.

 

La connaissance de soi est une naissance à sa propre lumière, a son propre soleil. L’homme qui se connait est un homme vivant, il aura su mettre en pratique la devise grecque inscrite sur le temple de Delphes,  Homme, connait-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les dieux »

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Chapitre 1 : L’interrogation et sa réponse   -  Attention, Lucidité, Amour inconditionnel  -  connaissance et savoir  -   le sens de l’itinéraire  -  les moi et le moi   -  méthodes et techniques   -  les pédagogues spirituel    -  les écoles et leur rôle  -   les obstacles antérieurs à l’appel   -   Intériorité et extériorité   -  la nouvelle dimension  - 

 

Chapitre 2 : La découverte de la source de vie : l’expérience du sujet connaissant   -  la beauté et l’amour   -   la dimension cosmique et l’unité   -   Purification et accès à la transcendance   -   Transformation et personnalisation  -   le sujet connaissant est-il un surhomme ?  -  l’homme microthéos  -   l’homme microcosme  -  Aperçu concernant les symboles du soi   - 

 

la danse de l’amour et de l’humour

M.M. DAVY

Edition Présence

 1987

Dans ce livre l’auteur fait passer les thèmes qui lui sont chers sous une forme différente. Le fantastique se mêle à la rigueur, la gaîté à l’angoisse, la drôlerie au sérieux. Quant à la danse, elle désigne le mouvement des pas en avant et en arrière ; la conjugaison du féminin et du masculin engendrent un dynamisme au sommet de leur union.

 

À travers les symboles présentés, le feu et la danse évoque le couple du temps et de l’éternité, de l’ombre et de la lumière. Rarement nommée, la dimension divine n’est jamais absente, elle œuvre d’une façon directe ou à travers des intermédiaires dont il convient d’écouter les voix afin d’y découvrir leurs messages de tendresse.

 

L’homme vit entouré de signes, pressé, ou encore englué dans le quotidien, il tente rarement de les déchiffrer, lorsqu’il est « éveillé » et doué de discernement, il saisit l’ampleur et la gravité de l’actuelle pollution des cœurs, car malheureusement celle-ci s’étend même à certains maitres spirituels. Accablé par le malheur de la condition humaine, chacun peut devenir la proie du désespoir et de la folie. L’amour et l’humour remplissent alors un rôle essentiel à l’égard de l’équilibre et du pouvoir d’émerveillement.

 

Au sommaire de ce livre :

 

Beausapin   -   Madame Basile   -   Obsèques   -   Sir le vent   -   le choix   -   émerveillement   -   Bouboule   -   la bouteille magique   -   Naufrages   -   Perruchon et Perruchette   -   Gérard et Gigi   -   les yeux de Clara   -   Sancte Joannes   -   la chute   -   l’héritage d’Arthur   -   un déluge   -   le temps suspendu    -   conte écossais    - 

 

 

la montagne et sa symbolique

M.M. DAvY

Edition Albin Michel

 1996

De tous temps et en toutes traditions, sages et mystiques ont pris la montagne comme image de la quête de soi. Existe-il, en effet, meilleur symbole  de dynamique ascensionnelle pour ceux qui veulent mettre de la verticalité dans l’horizontalité du monde et qui, pour cela, s’engagent dans les épreuves de la montée vers l’absolu ?

 

La montagne, lieu de l’effort et de l’initiation, de la solitude et de l’universalité, mais aussi de l’émerveillement, est bien la voie royale qui nous mène au pays de la découverte de soi, aux cimes spirituelles de la sagesse, mais pour exprimer les épreuves qu’il convient de traverser, seules les expériences personnelles apparaissent signifiantes, sinon, le dire et l’écrire découlent de récits entendus et de lectures, qui souvent peuvent sonner faux, a cause de l’altération des mots dont il est fait usage, or rien ne remplace le vécu.

L’expérience authentique soulève en soi-même et chez autrui des résonnances, c’est une sorte de brise faisant surgir des profondeurs inconnues, des niveaux de conscience, des révélations différentes. Le fond désigne le sommet qu’on pourrait nommer : Le mont des Révélation, chacun a son Sinaï, d’où l’impossibilité de comparer les découvertes conduisant à la nudité des rochers dont la cime n’est jamais atteinte de façon définitive.

Douter de l’existence de la montagne intérieure s’avère parfaitement normal car comment ne pas mettre en question ce qui n’a pas été rencontré ? Enfouie dans le ventre, la semence se tait, seule son apparition s’offre à la vision lorsque les bourgeons et le feuillage apparaissent.

 

La connaissance et l’expérience de l’homme intérieur, favorisent la symbolique intériorisée par l’acquisition et le progrès qui correspondent à un dénuement en faveur de l’essentiel. L’homme se libère, tout ce qui a été utile, voire nécessaire avant la montée… se retire. Faire l’ascension de la montagne intérieure exige d’avoir auparavant vécu la condition humaine avec ses problèmes et ses diverses manifestations. Tous les hommes ne sont pas concernés par cette ascension, car on ne peut ignorer la fragilité de la condition humaine, la montée et la dégringolade font parti du processus initiatique. A chacun de nous  de vouloir explorer sa propre montagne, d’en tirer des conclusions et d’en rechercher le sens et l’équilibre que l’on veut donner à sa vie spirituelle.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Préliminaires : La montagne et ses ornements – Montagnes et sources  -  lacs  -  Ombre et lumière  -   la montagne épouse du soleil   -  l’arc-en-ciel  -  les amis de la montagne  -

 

Première partie : De l’horizontalité à la verticalité  -  Maïeutique ascensionnelle  -  l’échelle et la tour  -  la colonne et le temps vertical  -  l’homme-montagne  -  la langage intérieur de l’homme des montées  -  Orient-Occident  -  la montagne et le temps  - 

 

Deuxième partie : La montée et sa symbolique  -  la symbolique et la montée  -  voie royale  -  l’âme de la montagne  -  pureté et dilatation du cœur  -  symbole du rocher et de la montagne creuse  -  le thème de l’ascension  -   l’ascension perpétuelle  -   la hauteur et ses chantres   -

 

Troisième partie : Sacralisation et sanctification des monts   -  Aperçu sur le thème de la montagne dans l’Ancien et le Nouveau Testament   -   les montagnes sacrées et saintes  -  les pèlerinages   -  le Mont-Cassin  -  la montagne et le monachisme  -   la montagne d’Arunachala et l’expérience d’Henri le  Saux   -   les épreuves de la montée   -  la montagne de l’extase  -  montagne et poésie   -

 

Quatrième partie :  La montagne intérieure  -  le mont de l’initiation  -  la montagne du Temple intérieur  -  le mont de la solitude  -  la montagne et le désert  -   vide et sonorité  -  apparition des ailes   -   le mont de l’universalité et des Révélations  -   le Dieu du mont des Mystères  -  le mont des noces  -  l’émerveillement   -

 

 

LA NATURE ET SA SYMBOLIQUE

Marie-Madeleine Davy

 Edition  Albin Michel

 2015

Marie-Madeleine Davy a consacré une partie importante de son œuvre à la question de la symbolique des éléments naturels dans l’expérience spirituelle. Ainsi l’oiseau enseigne à l’homme le secret des secrets : tracer son propre itinéraire sans se comparer à autrui. Savoir que la nuit obscure engendre l'aurore.

La montagne, lieu de l’effort et de l'initiation, de la solitude et de l'universalité, mais aussi de l'émerveillement, est la voie royale qui nous mène au pays de la découverte de soi, aux cimes spirituelles de la sagesse. Les nuages, enfin, symboles de fécondité et de douceur par la pluie qu'ils recèlent sont des appels à l'invisible. Ils invitent à la quête autant qu'à la contemplation.

Le présent volume rassemble pour la première fois trois textes fondamentaux de Marie-Madeleine Davy : L’Oiseau et sa symbolique, La Montagne et sa symbolique, ainsi que sa contribution au volume collectif : Les Nuages et leur symbolique.

Ses conférences attiraient des foules imposantes et tous ses livres sont régulièrement édités : maître de recherches au CNRS, elle était surtout en quête de l'infini qui est en nous.

Elle en parlait avec fougue et bon sens. Elle nous invite à la métamorphose. Conférencière pudique mais inspirée, ce n'est pas tant la voix rauque, d'homme, de Marie Madeleine Davy qui retenait l'attention que “l'éloquence sacrée”, inoubliable, avec laquelle elle donnait corps et âme à la Présence intérieure qui l'habitait et surgissait comme à l'improviste...

Celle qui ne parlait que debout, la cigarette à la main, fut une médiéviste reconnue pour ses connaissances de la « philosophie monastique » et l'originalité de son regard. Son itinéraire est celui d'une femme engagée dans une recherche passionnée, et intériorisée, de la vérité. Son écho nous poursuit... Celle qui avait fait sienne une phrase de Dostoïevski dans Les Possédés, “Dieu a été le tourment de ma vie”, repose depuis le dimanche 1er novembre 1998 au cimetière de Saint-Clémentin (Deux-Sèvres). Sa tombe, anonyme, porte ces simples mots : “Sois heureux, passant.”  Enfant déjà, Marie-Madeleine Davy pousse comme une tige libre, sans tuteur apparent. Suspendue toute l'année aux vacances d'été, elle plonge avec ivresse et démesure dans une communion spontanée avec la nature. Elle “se croit oiseau”, parle aux fougères, embrasse les grenouilles et se nourrit de pétales de roses, de bégonias, de pivoines ou de soucis. ”Tu es comme les chèvres”, lui dit sa grand-mère. Au fond d'elle-même, la jeune Marie-Madeleine sent que sa sève vient d'ailleurs que d'une filiation purement terrestre...

 

C'est dans la maison familiale qu'elle s'initie à deux goûts qui ne l'ont jamais quittée : celui du thé, qu'elle dégustera jusqu'à la fin de sa vie cinq fois par jour, et celui de la lecture, “bonheur suprême” qu'elle pratique assise ou debout, “jamais allongée”. Elle lit à cinq ans. À l'âge où les petites filles fabriquent des robes pour leurs poupées, elle dévore Victor Hugo et Voltaire. Elle découvre très tôt la Bible, notamment les Psaumes, et bondit d'allégresse : elle partage, dans un contact naturel avec l'invisible, les louanges de la nature envers le créateur. À dix ans, elle commence à écrire ses premières histoires. Précoce ? Sans doute. Et l'histoire s'accélère. Son enfance et son adolescence se terminent un 16 septembre 1918 : sa sœur aînée meurt à vingt ans, Marie-Madeleine en a quinze. Son amour de l'existence lui permet de triompher de l'épreuve. Et puis, surtout, elle se réfugie dans la solitude, qu'elle aime et “n'éprouve pas comme un isolement”. Avec le recul, elle parlera d'une “plénitude comparable à une rondeur. Un secret. Celui de se sentir aimé et d'aimer en retour. Une clôture translucide”. En 1921, à dix-huit ans, elle s'inscrit à la Sorbonne et s'installe dans un studio boulevard Saint-Michel. Cette attitude, scandaleuse à l'époque, provoque une rupture familiale. Marie-Madeleine largue les amarres. “Très tôt, j'ai pu comprendre que le Royaume est au-dedans. C'est vers ce dedans que j'ai tenté, plus ou moins maladroitement, d'orienter mes pas.”

Pendant plus de douze ans, elle va étudier la philosophie, qu'elle envisage comme une sagesse, l'histoire et la théologie. Première et seule femme admise à l'Institut catholique de Paris, elle est marginalisée, reléguée au dernier rang de l'amphithéâtre. Elle ne trouve personne à qui parler ouvertement de ce qui l'agite. Les théories sur Dieu lui paraissent vaines : il lui semble que sa formation religieuse “réglemente le dehors et déserte le dedans”. En “appétit de connaissances” et en quête d'un enseignement “concret, vivant, animant l'être dans sa totalité”, elle étudie également l'anglais, l'allemand, le grec, le latin et l'hébreu. Elle se spécialise dans le latin médiéval et plus particulièrement dans le XIIe siècle, qu'elle nomme le “siècle solaire”. Les mystiques - Maître Eckart aura été, avouera-t-elle plus tard, son “grand amour” - deviennent ses “amis” et lui enseignent la philosophie divine. Auprès d'eux, elle s'ouvre à la découverte du détachement de soi, sublime abandon qu'elle ne cessera de chercher à atteindre.

Le choix de l'Absolu lui apparaît progressivement comme celui de la plus grande liberté. Bernard de Clairvaux devient l'un de ses compagnons quotidiens, lui qui lui enseigne : “Apprenez à ne répandre que votre plénitude”. Pourtant, fort à propos, sa vigilance intérieure lui fait prendre conscience qu'elle “inonde” ses terres de connaissances “livresques, conceptuelles, mentales” quand l'essentiel ne peut naître que de l'expérience. Suite à la rencontre d'un moine russe de passage en France, elle plonge dans la mystique orthodoxe et c'est la révélation : la “patrie de mon âme est orientale”. Loin de la théologie “pétrifiée”, sans âme et sans esprit, qu'enseignent les clercs, loin de l'intellectualisme qu'elle qualifie désormais de “borné et outrancier”, elle reprend contact avec une religion de l'émerveillement. Sa respiration prend une nouvelle densité : elle ne cherche plus à expliquer le mystère, elle l'éprouve à nouveau comme, enfant, elle comparaît si simplement, si intuitivement, les oiseaux à des anges. La sagesse n'est rien si elle ne transforme pas radicalement la vie quotidienne.

Il est temps de se “re-créer”. Elle devient un temps boulimique de relations mondaines et amicales, fréquente ses professeurs dans des salons, comme celui de Marcel Moré, reçoit chez elle Gaston Bachelard, Vladimir Jankélévitch,... Elle discute des heures durant avec tous les gens célèbres de son époque, sauf, dit-elle, Henri Bergson, René Guénon et Jean-Paul Sartre ! Elle obtient son doctorat de philosophie en 1940 et celui de théologie catholique en 1941. Elle est nommée chargée de cours à l'École pratique des hautes études, puis elle entre au CNRS pour traduire du latin médiéval et devient maître de recherches. Elle a gagné sa liberté extérieure et en profite pour voyager, pour faire de grandes tournées de conférences.

La Seconde Guerre mondiale agit comme un détonateur dans son parcours. Elle entre dans la Résistance dès novembre 1940. Le réseau auquel elle appartient met à sa disposition le château de La Fortelle, près de Rosay-en-Brie. Sous couvert de colloques culturels - qui réunissaient des philosophes comme Jean Wahl et Maurice de Gandillac, le docteur Lacan, Lanza del Vasto, Jean Grenier, Georges Bataille et toute une jeune génération d'écrivains - Michel Butor, Gilles Deleuze, Michel Tournier -, elle y cache les réfractaires au travail obligatoire en Allemagne, les juifs et les aviateurs anglais ou américains. Elle recevra pour son action la légion d'honneur remise par De Gaulle ainsi que des décorations anglaises, belges et américaines. Mais elle ira plus loin : à la Libération, ce même château lui servira à cacher et sauver des pétainistes lors des jugements sommaires. On n'enferme pas une amoureuse des oiseaux dans le politiquement correct.

Jusqu'à sa retraite, outre ses cours et ses tournées de conférence, elle se consacre à l'écriture en rendant hommage aux figures qui l'ont marquée. Ses premières publications correspondent à sa carrière de médiéviste. Elle traduit beaucoup, des Traités de l'amour de Dieu de Guillaume de Saint-Thierry (elle lui avait consacré sa thèse) aux œuvres de Bernard de Clairvaux. De ses rencontres avec les hommes et les femmes en vue de l'époque, elle n'aura pourtant été réellement marquée que par peu d'intellectuels. Quatre “hommes de lumière”, “êtres ailés”, sont restés gravés dans sa chair et son esprit : Louis Massignon, Henri Corbin, Nicolas Berdiaev - “Près de lui je respirais, j'étais heureuse ; la Déité me semblait plus proche et le monde habitable” - et Henri le Saux, auprès duquel elle découvre le Transpersonnel : pourquoi donner un nom et une forme à l'Absolu ? De fait, son éclectisme en matière de spiritualité n'est pas dispersion, il est ouverture, “religieux déconditionné”. Elle fréquente aussi bien les couvents de sœurs que des dominicains ou des chartreux, elle pénètre les milieux juifs, orthodoxes, protestants, pratique le yoga... Mais, de tous ses voyages intérieurs, elle revient toujours vers l'Orient. Et vers elle-même.

En 1968, Marie-Madeleine prend sa retraite et commence une seconde carrière, consacrée non plus à parler des autres mais à faire connaître son aventure intérieure. Elle publie l'un de ses maîtres-livres, L'Homme intérieur et ses métamorphoses (Coll. “Espaces Libres”, Albin Michel), où elle rassemble les textes de ses conférences. Pendant trente ans, elle va expliquer, inlassablement, que si nous avons soif, la source, elle aussi, a soif d'être bue, comme le disait Irénée de Lyon. Mais le guide, le “Maître intérieur”, se cache et doit être découvert. L'Essentiel nous appelle. Pour s'approcher du mystère de l'espace du dedans, il convient de retrouver ses “sens intérieurs” et de ne pas avoir peur d'une certaine vacance. Le voyage ne peut être que solitaire. Celui qui n'est pas à l'écoute de sa voix intérieure se perd dans la conscience commune et “le voici isolé du cosmos, “clos” à l'écart de lui-même”, dévoré par le temps qui passe, oubliant d'aimer la vie.

S'orienter vers l'Être, vers l'Unité, exige le détachement de soi parce que lui seul permet d'aimer : “Qu'il s'agisse de l'Orient ou de l'Occident, nous ne sommes plus à l'époque des maîtres, mais à celle du gourou intérieur, de l'Église intérieure.” Marie-Madeleine l'a trouvé dans le silence et une “extrême solitude”. “Tout silence équivaut à un au-delà, à une ascension.” Alors, le sacré peut surgir, toujours inattendu, toujours neuf, pour une visite brève ou durable, et, le temps d'une rencontre, “il n'y a plus rien à chercher”...

Dans un de ses livres majeurs, Le Désert intérieur (Coll. “Spiritualités Vivantes”, Albin Michel), elle dit : “Celui qui sait... rend grâces... tout en se taisant. C'est bien au silence qu'aboutit la démarche conduisant à la libération, du moins à son approche. Celui qui a perçu le silence, ne serait-ce que de très loin, a commencé à visiter un lieu inconnu. Sans l'avoir voulu, il se différencie de ceux qui ne partagent pas le même choix. Il ne fera rien pour se mettre à part. Au contraire, il tente d'avoir les mêmes gestes, un identique langage. Il ne souhaite pas se faire remarquer. Tout en se mouvant à l'aise dans l'existence, d'une façon d'ailleurs totalement relaxée, son seul effort consiste à s'adapter, à chaque instant, à ce qui ne présente pour lui aucun intérêt ou au contraire l'enchante... Le silence n'est pas vu et il est perçu par l'oreille du dedans. Il n'est pas vu et il devient palpable. Il n'est pas vu et il est possible de le toucher à la façon d'un océan.”

Toute sa vie en quête du “sanctuaire de l'homme intérieur”, Marie-Madeleine n'a cessé de prôner la voie de l'intériorité et des dépouillements successifs : pour devenir un homme neuf, choisissant une nouveauté de vie, le chemin du dedans, bien que sans repos, est le plus court. Établie dans l'“arche” nue et vaste du désert, elle regarde pourtant la foule avec tendresse et bienveillance : elle sait que “tous sont appelés et qu'il y aura beaucoup d'élus”. “Actuellement, le désert intérieur est comparable à une île habitée par quelques insulaires. Demain, elle sera un continent devenant de plus en plus vaste.” L'élan vers l'intériorité est pour elle invincible : “il vaincra”. Pour s'ajuster, autant que possible, à la Présence ardente et lui rester fidèle, Marie-Madeleine Davy est restée célibataire. Cela était pour elle un choix de vie : “Il existe deux types de mariage, l'un est lié à la chair, l'autre à l'esprit. Ce dernier se présente comme un authentique mariage.” Transfigurée par le silence et sans cesse “démangée des ailes”, elle a terminé sa vie retirée du monde, les mains ouvertes, loin de toutes influences indésirables.

 

l’arbre

M.M. DAVY

Collection LES SYMBOLES

 1997

Dans les religions archaïques, l’arbre est l’univers. Dans la tradition indienne, il est la manifestation du Brahman dans le cosmos. Il relie le haut et le bas, le ciel et la terre, le visible et l’invisible.


Symbole même de l’homme, il représente les trois niveaux de l’être, de la réalité et de l’unité de toute connaissance. Il est l’expression même de la vie, de la sagesse, de la réalisation de l’Un et du Multiple.

Comprendre l’arbre, c’est aussi se comprendre soi-même et pénétrer les mystères du vivant. Bernard de Clairvaux et Luther se sont rejoints dans un aveu : celui d’avoir appris davantage dans les forêts que dans les livres.

 

Le symbolisme de l'arbre est immense : arbres sacrés, symboles, mythes et rites végétaux …. En effet, on rencontre des arbres sacrés, des rites et des symboles végétaux dans l’histoire de toute religion, dans les traditions populaires du monde entier, dans les métaphysiques et les mystiques archaïques….Que révèle l’arbre ? Que signifie-t-il ?

Ce sujet touche les domaines cosmologique, mythique, théologique, rituel, iconographique, folklorique ….Afin de ne pas se perdre dans ce labyrinthe, on peut donner la classification suivante :  

1. l’arbre, image du Cosmos

2. l’arbre de Vie, de la fécondité inépuisable, source de l’immortalité

3. l’arbre, centre du monde et support de l’univers

4. l’arbre de la connaissance

5. l’arbre du temps, l’arbre généalogique

6. l’arbre, lieu de théophanie et d’éveil

7. l’arbre des origines ou arbre renversé  

De manière générale, l’arbre représente le Cosmos vivant, se régénérant sans cesse. Il est bénéfique car il est source de fécondité physique, de protection psychologique et d’éveil spirituel. Les nombreuses interprétations symboliques de l’arbre s’articulent autour de l’idée du Cosmos vivant en perpétuelle régénérescence. Le déroulement de son cycle annuel l’associe tout naturellement à la succession de la vie, de la mort et de la résurrection. L’arbre est symbole de la vie en perpétuelle évolution.  

Selon Mircea Eliade, il ne s’agit pas d’un sentiment panthéiste de sympathie et d’adoration à l’égard de la nature, mais d’un sentiment provoqué par la présence du symbole et stimulé par la réalisation du rite. Jamais un arbre n’est adoré que pour lui-même, mais toujours pour ce qui se révèle à travers lui. C’est en vertu de sa puissance, en vertu de ce qu’il manifeste et qui le dépasse que l’arbre devient un objet religieux.

 

 

Au sommaire de cet ouvrage :

Charles Hirsch nous parle de l’arbre cosmique   -   l’arbre de vie -, l’arbre de la connaissance, de bien et du mal, l’arbre dans la tradition juive, de l’arbre inversé, l’arbre du temps, l’arbre de l’immortalité, les forêts, de l’arbre dans la gnose manichéenne  -

 

L’arbre et la connaissance de soi  -  archétypes, mythes et imagination  -   les forêts et leurs mystères   -   la forêt et l’ermite  -  le vert printemps   -   les arbres musiciens   -   l’arbre et son ombre   -  les arbres sexués   -   les arbres « gurus » des hommes   -  les arbres et les visionnaires   -  dans la gnose manichéenne  -  les chantres des arbres   -

 

Les arbres et leurs singularités : Acacia  -  amandier   -  bouleau  -   cèdre   -   chêne  -  cyprès   -  érable  -   figuier  -    palmier-dattier   -    peuplier    -   pommier   -  tilleul   -  

 

 

le berger du soleil

M.M. davy

Edition BUCHET – CHASTEL

 1965

Dans un commentaire de la phrase d’Eschyle concernant Prométhée « Il est bon d’aimer au point de paraître fou », Simone Weil ajoute : « La folie d’amour, quand elle a saisi un être humain, transforme complètement les modalités de l’action et de la pensée. Elle est apparentée à la folie de Dieu. »


L’Abbé Ludovic et son ami le docteur Charvet – qui se dit athée – sont possédés par un tel amour. Une semblable vocation condamne à une solitude absolue car « l’amour n’est pas aimé ». La plupart des hommes sont inaccessibles aux vraies valeurs spirituelles. D’autres parmi ceux qui font profession de les enseigner mélangent parfois l’esprit et la lettre ou camouflent sous ce vêtement leur impuissance et leur pharisaïsme.
Un drame de conscience placera l’Abbé Ludovic face à face avec son propre destin.

 

À travers des dépouillements successifs, tout en demeurant fidèle à son expérience personnelle, il renoncera à ce qui est pour lui essentiel : orienter les êtres vers la lumière. Répondant simplement à la faim des hommes il choisira les humbles et les persécutés. Homme de lumière, fils du soleil il en deviendra le berger.

 

le dÉsert intÉrieur

M.M. davy

Edition ALBIN MICHEL

 1996

Un très grand livre sur un grand sujet de métaphysique et de spiritualité. Le désert géographique symbolise notre désert intérieur qui n’est pas un lieu, mais un état d’écoute, de vision et de rencontre.

 

Ce désert intérieur invite aux métamorphoses, à la méditation, aux transformations, et aux états de bonheur total.

 

Lieu biblique et symbolique par excellence, espace qui a toujours fasciné les hommes, le désert est en quelque sorte la métaphore des aspirations de l’homme contemporain.

 

À l’écoute des événements du monde et de l’enseignement de l'Église, nous sommes invités, en cette entrée en Carême, à redécouvrir ce lieu ou se joue notre humanité.

 

Les quatre évangiles s’accordent sur la présence de Jésus au désert : son séjour s’y déroule entre son baptême dans les eaux du Jourdain et le début de sa vie publique. Quarante jours durant lesquels le Christ subit des tentations.

Il y a donc l’idée d’un passage, une période de transition qui était inévitable, et dont Jésus sort victorieux, ayant vaincu les offres du Malin et la mort d’une terre hostile, où vivent les bêtes sauvages. Ce temps du désert répond aux attentes de la période de Carême, montée vers Pâques. Comme descendants d’Abraham, a qui le Seigneur a promis une « terre de lait et de miel », il est frappant de voir les résonnances que le désert a dans notre vie contemporaine spirituelle.


Le désert est un lieu éminemment paradoxal, car derrière son aridité, il est en fait l’un des lieux les plus fertiles. Il est d’abord l’espace où se conclut l’alliance de Dieu et de son peuple, en premier lieu envers Abraham, puis envers Moïse, au Sinaï. Le désert ne triche pas. Dans son dénuement, il invite en quelque sorte celui qui s’y aventure à une purification, un recentrage sur lui-même dans le sens où il ne peut que compter sur lui-même et sur ses propres forces. Cette entrée dans le désert est ainsi un lieu inévitable du dépouillement et de la découverte d’une voix qui nous parle, celle de Dieu.
 
Dans cet ouvrage au titre éloquent : Le désert intérieur, MMD explique que, dans sa quête spirituelle, l’homme est invité à découvrir puis pénétrer dans son « sanctuaire intérieur », symbolisé justement par le désert. En remontant ce fil de vie, obstacle après obstacle, en cheminant parfois difficilement dans des contrées où nous perdons nos assurances, nous comprenons, explique Marie-Madeleine Davy « que le désert n’est rien d’autre que le passage par la mort donnant accès à une nouvelle naissance. » « Le désert intérieur désigne le laboratoire où s’opère cette mutation, écrit encore l’intellectuelle qui n’a cessé de plaider pour que chacun fasse l’expérience de cet exode intérieur. Ce désert est comparable à une île habitée par quelques insulaires. Demain, elle sera un continent devenant de plus en plus vaste, avertit l’intellectuelle dans cet ouvrage publié au début des années 80. Les prédictions de Marie-Madeleine Davy se sont-elles vérifiées ?
 
Devant les défis de notre époque, on note un accroissement de la solitude, hausse des inégalités économiques et sociales, défi grandissant envers la classe politique, évacuation de la transcendance, saccage de la nature au profit des intérêts privés : l’homme contemporain est confronté à une multitude de ces déserts. « Il y a de nombreuses formes de désert. Il y a le désert de la pauvreté, le désert de la faim et de la soif ; il y a le désert de l’abandon, de la solitude, de l’amour détruit. Il y a le désert de l’obscurité de Dieu, du vide des âmes sans aucune conscience de leur dignité ni du chemin de l’homme. » Cette redécouverte de la source, c’est donc bien souvent le désert qui nous l’indique. Et plus largement, il nous replace à notre échelle, dans un monde où nous ne pouvons pas faire n’importe quoi, un monde qui nous est confié. 

 

Au sommaire de ce livre phare dans l’œuvre de M.M. Davy :

 

La double dimension   -  le sacré et la désacralisation    -    les vicissitudes de l’histoire    -   Comment va le monde ?   -  les déserts   -  les deux déserts   -   les déserts dans la tradition    -   l’enseignement du désert intérieur   -   l’école du désert intérieur    -   les matières d’enseignement   -  les enfants des mystères   -    Approche  -  Initié au-dedans  -  les noces   - 

 

les chemins de la profondeur

M.M. DAVY

Edition Albin Michel

 1999

Lors d’un entretien M.M. Davy expliquait la phrase suivante: « Quand le Christ conseille de vivre dans le monde sans être du monde, ou déclare que son royaume n’est pas de ce monde, l’expression « ce monde » est significative : il ne s’agit pas d’un lieu situé dans l’espace mais d’un état, le monde désigne l’état d’obscurité refusant la lumière. Ce monde est ignorance, confusion et mensonge et par conséquent délié de Dieu, »quitter le monde » ne signifia pas nécessairement quitter ou fuir un lieu extérieur, vivre en ermite ou entrer dans un monastère, car « le monde » est dans l’homme. Toutefois renoncer au tumulte et à l’agitation de l’extérieur favorise l’intériorité, la retraite, la solitude, tous ces recueillements sont positifs et d’une certaine manière indispensable à la vie intérieure et à la connaissance des intelligibles ».

 

Cet ouvrage remarquable donne un ensemble de la vie et de l’œuvre de M.M. Davy et surtout nous apprend ses tournures d’esprit, ses différents fils rouges qui ont jalonnés et structurer sa pensée, son mode de vie et sa façon d’appréhender ce monde de folie en pleine déliquescence et désacralisé.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

L’instant ultime : rencontre entre M.M. Davy et Eric Edelmann

Le sens de l’écoute, propos entre M.M. Davy et Maurice de Gandillac

L’expérience du silence  -  L’art de la vie intérieure   -  la voie du désert   -  Vers un érémitisme intériorisé   -  la méditation  -   le regard contemplatif   -   le mystère de certains espaces  -   le temps de l’éternité   -

Entretiens autour de :

Louis Massignon : l’homme en qui Dieu verdoie

Simone Weil : le secret du roi

Henri le Saux : le moine intérieur, propos recueillis par Jacqueline Kelen

Sociétés et spiritualité : L’ère des drogues  -  ordre ou désordre spirituel  -  approche du sacré  -  équilibre masculin-féminin  -

Dernière conversation entre M.M. Davy et Olivier Germain-Thomas : La séduction de l’absolu   -

 

 

les dominicaines

M. M. DAVY

Edition GRASSET

 1934

Le12e siècle, cette Renaissance médiévale, est le grand âge de l’art roman. L’homme de ce temps possède une exacte connaissance de sa situation : il est pèlerin de la Jérusalem céleste et, de ce fait, voué à une marche ascendante.

 

Relié au monde invisible dans lequel il se meut, il sait d’où il vient et où il va, sa certitude relève de la foi. Que cette foi se développe à l’intérieur de l’église ou qu’elle soit hétérodoxe, elle demeure vivante. Le moine y répond  à  l’intérieur de son cloitre, le professeur

 

La vie de St Dominique et de Ste Catherine (mystique dominicaine). Les coutumes des Dominicaines contemplatives, enseignantes, missionnaires et toutes les professions où elles participent.

 

M. M. Davy raconte leurs vies exotériques et ésotériques.

 

En 1206, Innocent III envoie Dominique et un groupe d’abbés cisterciens en mission. Ils partent dans le Sud de la France prêcher pour ramener des hérétiques à la foi catholique.

Le religieux comprend les motivations du catharisme : l’Église n’agit pas toujours conformément à l’évangile en ce qui concerne la pauvreté, la chasteté et la charité. En réaction, il fonde à Toulouse le premier ordre prêcheur en 1215. Les Dominicains sont nés. Ils doivent pratiquer la mendicité. A l’inverse des franciscains, ils sont appelés à s’instruire sans relâche. Leur mission : l’apostolat et la contemplation. Cet ordre est régit par une règle inspirée de celle de saint Augustin. Une large place est laissée à la prière et la méditation. Un maître est placé à sa tête. Tous les prêcheurs lui sont soumis. Le seul vœu des frères : celui de l’obéissance. Durant des années, Dominique éveille et entretient la flamme de ses frères. Il les veut appliqués sans relâche à l’étude, à la prière ou à la prédication.

 

Dominique meurt à Bologne en 1221. Son image est rattachée à celle plus sombre de l’Inquisition. C’est pourtant deux ans après sa mort que Grégoire IX confie l’Inquisition dès sa création à l’ordre prêcheur. Il le choisit en raison de leur compétence en théologie et de leur proximité avec le peuple. Pour pouvoir se consacrer, à cette mission, des dominicains sont relevés de certaines des obligations de l’ordre. Ce qui cause un certain relâchement dans la stricte observation de la règle. Aujourd’hui encore, l’ordre dénombre des milliers de frères et de moniales, des dizaines de milliers de dominicaines apostoliques et une centaine de milliers de membres du tiers-ordre. Tout au long de son histoire, les dominicains fourniront de grands saints à l’Église

 

800 ans après sa fondation, ce qui impressionne quand on détaille la famille dominicaine, c’est la diversité de ses rameaux. Si l’on s’en tient aux femmes, on découvre deux principales branches : les moniales et les sœurs. Les moniales ont une vocation contemplative : en 2013, elles étaient plus de 2 700 moniales professes dans le monde et vivaient dans 219 monastères. Il existe 13 monastères francophones réunis au sein de la Fédération Notre-Dame des Prêcheurs, soit près de 200 sœurs. Ce sont les monastères de Beaufort (département 35), Chalais (38), Dax (40), Estavayer (Suisse), Langeac (43), Lourdes (65), Lunden (Norvège), Orbey (68) (en photo), Paray-le-Monial (71), Prouilhe (11), Saint-Denis (La Réunion), Saint-Maximin (83) et Taulignan (26).

 

« S’établir d’un seul cœur dans la perpétuelle mémoire de Dieu, tel est le but auquel toute la vie des moniales est ordonnée » précise le Livre des Constitutions des moniales dominicaines. Ces femmes consacrées vivent dans la prière, l’étude, le travail, la vie commune et l’accueil.

 

La seconde branche des dominicaines, beaucoup plus importante en nombre, rassemble 35 000 sœurs apostoliques dans le monde réunies en 150 congrégations, dont une trentaine francophones, rappelle le site des dominicains de la province de Toulouse. On les retrouve notamment en service dans l’église, dans des écoles ou encore des hôpitaux. « Ces congrégations, dont l’appartenance dominicaine est reconnue par le Maître de l’Ordre, gardent différents degrés d’indépendance et d’autonomie. Presque toutes font partie des Sœurs Dominicaines Internationales (DSI) » rappelle l’Ordre des prêcheurs.

 

Parmi les congrégations francophones, on compte par exemple les Dominicaines de la Présentation (voir portrait de Sœur Anne Lécu, page suivante), les Dominicaines du Cœur immaculée de Marie ou encore les Dominicaines de Béthanie, fondées respectivement en 1695, 1860 et 1866. Les dominicaines de Béthanie ont vocation à accueillir dans la vie religieuse d’anciennes détenues et d’ex-prostituées ; la seule à connaître le passé de chacune est la prieure générale.

 

A toutes ces communautés, concernant les femmes, il faut ajouter les fraternités laïques, qui rassemblent des milliers de membres.  Il existe également des Instituts séculiers dominicains, ainsi qu’une Société de vie apostolique : l’Institut des Dominicaines du Saint-Esprit, rassemblant des vierges consacrées vivant en commun, gérant actuellement six écoles, notamment à Pontcalec (56) et Draguignan (83), et suivant pour leur part la forme extraordinaire du rite romain.

 

Les moniales et sœurs dominicaines portent l’habit et le scapulaire blancs de l’ordre, avec un voile noir ; certaines portent une guimpe et un bandeau et d’autres non. D’autres encore sont en civil. Au-delà de l’habit, c’est la principale devise de l’Ordre dominicain qui unit toutes ces femmes : contempler, et transmettre la vérité contemplée... pour le salut des âmes.

 

L’ESPRIT DES HAUTS- LIEUX

M.M. Davy et divers auteurs

Edition Le Relié

 2012

Certains hauts lieux nous parlent plus que d’autres : on y sent une énergie particulière, une force tellurique qui nous parle et nous ressource, on y sent la présence de l’âme sacrée de la nature, un contact avec le cosmos, une porte ouverte sur le mystère qui nous fonde. On appelle à juste titre ces endroits magiques et sacrés des « hauts lieux ».

Ils peuvent avoir été construits par l’homme ou être totalement naturels : forêts, clairières, bords de rivières et de lacs, montagnes et détours de chemin… En voici plus d’une centaine évoqués ici par quelques grands spécialistes dans cet ouvrage, dont Mircea Eliade qui dans sa formule « la fonction créatrice du décor » expliquait que ces lieux stimulent l’être et l’imaginaire et dès lors fraye la voie à une véritable renaissance et, autrement dit, à une régénération de tout l’être.

C’est à la découverte des potentialités d’une telle alchimie que Marc de Smet nous convie à travers cet ouvrage. Lors de voyages, on est amené quelquefois à rencontrer des lieux magiques, d’une beauté surnaturelle, la plupart du temps les mots manquent pour exprimer cette beauté, mais cela prend l’être tout entier et déclenche une impression subtile et mystérieuse ; fulgurance de la beauté, âme de la nature, état de grâce, saisissement, silence inexprimable, états de perception d’autre chose, tout cela s’entremêle pour des moments de plénitude intense.

Ce sont donc certains lieux magiques que nous racontent les personnalités suivantes :

Marie-Madeleine Davy : Le mystère de certains espaces –

Marc de Smet : L’esprit des lieux

Jean Paul Clébert : Paysages mystiques –

Jean-Yves Leloup : Un site sacré en cinq poèmes –

Mario Mercier : Lieux initiatiques et espaces intérieurs – Notes sur le chamanisme et l’homme univers

Jean Markale : La France magique, esquisses pour une géographie sacrée -

Robert Roux-Guerraz : La mémoire des ruines –

Pierre Crépon : Notre histoire inconnue : La France des églises et des villages -

Emmanuel Muheim : Sénanque, une abbaye lumineuse –

Aimé Michel : Notre-Dame de Paris –

La France des hauts-lieux en 80 sites : les lacs - les iles - les monts et les sources - les forets - la France mégalithique - la France gauloise - la France chrétienne et cathare - les lieux alchimiques -

 

les veilleurs du silence

M.M. davy

Edition DERVY

 1988

On y trouve la règle des trois S - Solitude – Secret – Silence – laboratoire de notre réussite et fondement de notre relation avec Dieu et les êtres.

 

Je cite M.M. Davy : « Nous parlons volontiers du silence, les uns pour le louer, les autres pour tenter de le fuir en le conjurant. Sa présence est sans doute aussi rare que la sainteté ou la sagesse. Parfois on court après en pensant le rejoindre ; tournant autour, afin de le cerner. Il est possible de croire l’appâter en bavardant sur lui. Erreur ! Le silence choisit lui-même ses élus et ses victimes, tel, un oiseau sauvage ou un fauve, il récuse les prisons en échappant aux cages qui voudraient l’enfermer.

 

Le vide l’attire, dès qu’il s’ébauche dans un cœur, il accourt, s’introduit par des fissures qu’il dilate ; la moindre béance se fait pour lui pipeau ; veut-on l’étreindre, il sourit et s’envole, il éclate peut-être de rire dans notre dos, à la manière du coucou au printemps ou de la chouette s’esclaffant, lors des nuits d’automne et d’hiver, lorsque la pleine lune se prend pour le soleil.

 

Le silence se veut seul, aucune cohabitation ne lui agrée. Le Dieu arrive avec son silence comme aura, celle-ci devance sa venue, l’annonce, son rayonnement insolite écarte les badauds, les curieux, les touristes de la dimension du dedans. Le Maître intérieur ne s’exprima que dans le silence, sinon il serait impossible d’entendre sa voix

 

Peut-on atteindre le véritable silence ? Question difficile car un gourou initiateur par exemple, ne saurait jeter dans le cœur de son disciple un germe de silence susceptible de fleurir. Chaque terre possède une béance de silence correspondant à sa propre singularité. Cependant il faut savoir que le silence provient de la seule dimension divine, relevant de l’image de Dieu incluse dès la naissance.

 

Le silence va au devant de celui qui l’accueille- non pas comme un visiteur inconnu, mais à la façon d’un amant tendrement épris. Le silence se fait passeur entre toutes les rives, le désert est sa patrie, mais il le transforme en jardin et en verger. C’est l’apôtre Paul qui parle du silence divin en disant « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi », le silencieux pourrait dire également « Ce n’est plus moi qui vit, mais le silence qui vit en moi »

 

Le mental définit le silence comme une absence de pensées. Cette définition est juste, mais incomplète. Le silence est beaucoup plus qu’une absence de mots ou de dialogues intérieurs où de petites voix dans la tête provoquent parfois un vacarme ahurissant.

Que peut-on découvrir dans cette absence de mots ?  Un trésor…

L’absence de paroles est l’antichambre du silence. Loin d’en révéler toute la richesse, elle n’est qu’un présage de sa potentialité. L’exploration du silence ouvre sur un monde insoupçonné et permet de multiples découvertes. Explorer le silence, c’est un peu comme entrer dans l’océan. Si certains y plongent avec ardeur et assurance, d’autres s’y engagent plus délicatement. Chacun s’y aventure avec une expérience et un talent qui lui est propres.

Au début, le silence est une expérience, celle de la rencontre avec une tranquillité bienfaisante, résultat de l’absence de mots. La solitude dévoile son charme et la paix s’installe. Puis, soudainement, il prend possession de vous. Celui qui cherchait le silence est happé. Le silence l’a aspiré. Tant qu’une pensée ne viendra pas perturber ce précieux moment, les mots resteront dans leur état de potentialité. À l’image d’un piano sur lequel personne ne joue, toute la musique sommeille en attendant les mains de l’artiste.

Ne cherchez pas le silence, laissez-le se révéler à vous. Laissez-le vous pénétrer, vous posséder totalement. Détendez-vous et goutez son aspect cotonneux. Acceptez d’être entièrement absorbé.
Le silence est toujours là, vous tendant les bras. Il ne cesse de vous appeler, il le fait silencieusement. Oserez-vous vous abandonner ?

La dissolution du « je » égotique dans le silence est une grâce. Même si cette expérience est de courte durée, elle permet de renouer avec la vérité à propos de soi. Jamais anodines, ces expériences peuvent être le prélude à une dissolution permanente du faux « je ». Le silence qui vous consume, n’est rien d’autre que vous. Oui, vous !

Soit vous expérimentez le silence, soit vous êtes consumé par lui. Le silence est une voie royale pour rentrer chez soi, pour découvrir le Soi. Qu’est donc le Soi si ce n’est SILENCE, VACUITÉ ET IMMENSITÉ ? Plonger dans le silence, c’est s’immerger en Soi. Ce Soi qui n’est pas quelque chose que vous avez, c’est ce que vous êtes.

Selon la profondeur où votre conscience peut descendre, différentes strates seront expérimentées : Être – Non-Être – Absolu. Chacune révèle un potentiel qui lui est propre et qui correspond à différents aspects du Soi. Si Être révèle le Soi, Non-être en révèle l’absence et ouvre une porte sur un espace délicat et invraisemblable où le mental n’est pas convié. L’Absolu est difficile à décrire, les mots ne conviennent pas très bien à cet espace, qui combine l’expérience de la douceur infinie, d’une caresse éternelle et d’une insoutenable beauté. S’y retrouver, c’est toucher la grâce.

Le silence guérit les blessures, nourrit l’âme, éclaire l’esprit et apaise le mental. Suite à une pratique assidue, le besoin de silence s’impose et les activités mentales peuvent devenir plus difficiles à supporter.

 

Au sommaire de ce superbe ouvrage sur le silence :

 

M.M. Davy : Visages du silence

Jean Biès : L’autre coté de la parole

Yves Albert Dauge : Les centres silencieux de rayonnement

Pascal Bernuau : Le Vivant et la transparence du réel

Jacques Pialoux : Egypte, terre d’alchimie

Michel Camus : Les proverbes du silence

 

le thÈme de la lumiÈre dans le judaïsme, le christianisme et l’islam

M.M. davy

Edition BERG

 1976

Cette édition dirigée par M.M. Davy nous parle du thème de la lumière dans les 3 grandes religions monothéistes. M.M. Davy y a fait la préface et la conclusion.

 

Abecassis nous fait pénétrer dans le judaïsme entre la lumière et les divers symboles judaïques

 

Renneteau et M.M. Davy nous parlent du christianisme avec la gnose, les apocryphes, l’ancien et le nouveau testament, les ténèbres, le Christ, le corps glorieux, l’homme illuminé, Hildegarde de Bingen, Maître Eckhart, Jean de la Croix, les sacrements et la liturgie,

 

M. Mokri nous informe de la lumière en Islam, le mazdéisme, l’Iran ancien, le dualisme ténèbres – Lumière, le Blanc, le Noir, le Coran.

 

Au sommaire de cet important livre de 500 pages :

 

Préface de M.M. Davy

 

Livre 1 : La lumière dans la pensée juive par A. Abecassis :  Genèse la Lumière  -  Variations bibliques sur la Lumière  -  Lumière et connaissance   -  lumière et bonheur  -  lumière et messianisme  -  La Lumière originelle et sa face divine  -  le jour de YHWN  -  variations rabbiniques sur la lumière  -  lumière, obscurcissement et lampe  -  un candélabre à huit lumières  -  les hommes de Lumière  -  le premier homme   -  Hénoch   -  Moïse   -  Rabbi Chim Bar Yohay  -  Lumière et amour   -  la Torah  -  les luminaires  -  l’obscurité   - lumière et amour  - 

 

Livre 2 : La Lumière dans le christianisme par M.M. Davy et J. Renneteau  -    Déploiement de la Lumière  -  la lumière dans la Nouveau Testament  -  le Christ Lumière du monde  -  le verbe lumière des hommes  -  la Gloire de YHVH manifestée en Christ  -  Gloire du Christ, gloire du chrétien   -  Lumière et ténèbres et comment devenir fils de Lumière  -   Sacrements et liturgie  -  la Baptême mystère de  l’illumination  -    mystère pascal, mystère de lumière   -   le symbole du cierge pascal   -  la lumière du lucernaire   -   la mort et la vision de la lumière   - Apocryphes et Gnose   -   Itinéraire de l’homme vers la Lumière  -  Recherche et mystère de la lumière et de l’obscurité   -  les diverses lumières   -  la lumière cosmique  -  optique et pierres de lumière  -  la lumière dans la musique et la peinture  -  la terre de lumière  -   les organes de lumière et le cœur lumineux   -   Prière ignée et expérience de la lumière   -  l’immersion dans la lumière, connaissance lumineuse et illumination   -   lumière déifiante  -  la naissance de l’enfant de lumière  -  Lumière et eschatologie  -  le temps et la mort  -  le corps de lumière : corps glorieux   -   retour de la lumière originelle   -  l’enfer ténébreux et le paradis lumineux   -  Lumière et Gloire  -  Lhomme illuminé   - Syméon le nouveau théologien   -   Grégoire Palamas    -  Séraphin de Sarov   -  la vision de la lumière incréée chez la staretz Silouane (1866-1938)   -  Hildegarde de Bingen   -  Maître Eckhart   -    Jean de la Croix   - 

 

Livre 3 : La Lumière en Iran Ancien et dans l’Islam par M. Mokri   -  Essai sur le thème de la Lumière et son développement dans la mazdéisme   -   Notions antérieures à l’Iran ancien   -   les mazdéens et les iraniens   -  le ciel lumineux   -   le soleil, source de la lumière   -   la clarté de la lune  -  la lumière, parcelle de l’essence divine   -   le dualisme lumière-ténèbres et les antonymes blanc-noir   -    L’origine coranique de la lumière et sa démystification en Islam   -   le coran   -  un commentaire  spirituel d’Al-Ghazali   - 

 

Conclusion par Marie Madeleine Davy

 

L’HOMME DU 8e  JOUR

M. M. DAVY

 Edition Albin Michel

 1980

Le jour le plus important pour l’homme, celui de l’homme ressuscité  qui déjà durant sa vie terrestre accède à l’éternité. L’homme du 8° jour est ce porteur de lumière, fils de la lumière et elle nous explique  le pourquoi et le comment y arriver c’est le sens de notre chemin initiatique hors du tumulte de la ville et du stress journalier.

 

Dans la Genèse, il est fait mention des six jours de la Création ainsi que d’un septième dédié au repos, le premier jour est consacré à l’apparition d’un ciel incorporel et d’une terre invisible.

 

Ce n’est qu’avec le deuxième jour ou du moins à la fin du premier qu’il apparaît, signalé par l’existence d’un soir et d’un matin. Dès lors,  les jours se succèderont  jusqu’au sixième inclus, illustrant  tout un déroulement d’étapes successives.

Au sixième jour, l’homme est formé, il porte en lui l’image  de son Créateur et est décrit comme androgyne, c’est dire combien il se suffit alors à lui-même !  Dominant la Nature, il en est le Roi et l’Ordonnateur, toute créature ne lui est –elle pas soumise ? Le septième jour, consacré au repos ne comporte ni matin ni soir et apparaît  comme le point culminant de la Création. Répétant en  quelque sorte  le premier jour,  il illustre un passage dans l’Eternité, Dieu se repose dans le cœur de l’homme et l’homme se repose dans le cœur de Dieu.


Pendant six jours Dieu a créé et le septième, il attire à Lui la Création, à l’image de la  rencontre des fiancés qui le jour du Sabbat vont l’un vers l’autre pour célébrer leurs noces éternelles. Le repos du septième jour inaugure un printemps gonflé de promesses, de fleurs et de fruits et quand l’homme se tient dans ce repos, il redevient alors l’Adam d’avant la chute, « tombant » en son Créateur par l’effet de sa naturelle pesanteur. C’est pourquoi il ne peut exister de huitième jour sans passer par le repos du septième car ce n’est que lorsqu’il est dégagé  des  sens extérieurs qui soulignent l’apparente  dualité des choses,  que l’homme découvre son fond, son « royaume des cieux » qui ont toujours existé au plus profond de lui –même.

L’homme du huitième jour est donc celui qui poursuit l’œuvre de la Création et la parachève mais avant de parvenir à un tel accomplissement, il lui faut dépasser les états successifs de « …commençant,…de progressant …  et de  …parfait… assimilés aux stades : animal, psychique et spirituel.

Reprenant Grégoire de Nysse, la purification doit être initiale et implique la nécessité du passage par l’ascèse qui s’assimile davantage à une désobstruction qu’à une acquisition proprement dite. Œuvre laborieuse de déblaiement, l’ascèse succède aussi à une certaine illumination car aucune démarche n’est possible sans avoir éprouvé une séduction initiale. C’est la Lumière qui stimule la recherche et déclenche le premier pas, cette Lumière qui permet de comprendre qu’il existe des choses cachées qui aspirent à se faire reconnaître.


Dieu ne s’est il pas manifesté initialement à Moise dans la Lumière avant de lui apparaître dans la Nuée ? Percevons en cette Nuée le synonyme de nôtre tâtonnement car il nous est impossible de courir dans la demi-obscurité de nôtre chemin. Puissamment écartelé entre la séduction du terrestre qui nous retient et la nostalgie du céleste dont nous ignorons encore toute la splendeur, nous demeurons hésitants. La voie psychique, celle de l’âme est pourtant la plus difficile à quitter, le psychique qui vient de dépasser l’état animal  risque en évoquant ses efforts, d’avoir bonne conscience avant d’éprouver le besoin de juger et de comparer.
Prisonnier de sa dualité du bien et du mal, il peut alors facilement manquer de compassion à l’égard d’autrui.

Homme de l’extériorité, il peut croire aimer Dieu et n’être qu’un idolâtre. Comment alors dépasser ces états animal et psychique qui semblent convenir à la majorité des hommes et pénétrer dans la Ténèbre lumineuse ? Il n’existe pas de réponse stéréotypée à cette question, parfois celle-ci prendra l’aspect, d’une « souffrance »externe ou interne, d’un examen qu’il nous faudra subir  tant que nous n’en n’aurons pas retenu l’enseignement premier. D’autres fois, il pourra s’agir d’une joie ressentie par la rencontre d’un « libéré vivant »  provoquant alors l’éblouissement indispensable. Justice, Tempérance, Prudence, Persévérance et Compassion semblent néanmoins être de biens précieux conseillers sur ce long chemin. Tous conduiront un jour peut-être le véritable cherchant à devenir  Fils de la lumière, celui-ci rejoindra alors le groupe de ces êtres lumineux qui enfantés par la Sagesse sont comparables à des piliers qui soutiennent le monde et le relient au céleste.

 
Devenu transparent, comme l’affirmait déjà l’Evangile selon Thomas, l’homme du huitième jour laissera passer la Lumière avant qu’elle ne diffuse à l’Univers tout entier, dès lors son âme s’affinera en se spiritualisant au profit de l’esprit.

L’homme-microcosme saisira à cet instant ses rapports de parenté avec le Cosmos depuis la pierre jusqu’à ses semblables en cheminant par l’amour des végétaux et de l’animal, il percevra en la créature la plus humble le sceau de l’Eternel, il mêlera sa voix aux chants de louange de la nature. Les astres et les éléments seront ses frères et il les regardera avec une chaleureuse affection. En apportant au monde sa Rédemption, l’homme du huitième jour prolongera l’œuvre du Verbe créateur,  car celui dont les yeux du cœur se seront ouverts aura reçu la visite de l’Ange dont parle Ezechiel. Il sera alors devenu un visionnaire car seuls les yeux du cœur permettent de dévoiler les mystères dissimulés aux regards obscurcis, son illumination l’aura fait alors définitivement passer de la chair à l’esprit.

Grâce à cette intelligence spirituelle, l’homme du huitième jour déchirera les voiles qui protègent les mystères pour mieux les contempler du plus simple des regards, il reconnaîtra comme nécessaires rituels, religions et liturgies tout en reconnaissant qu’en objectivant la Réalité, on déforme aussi le message initial. En vivant le fait que les rites extérieurs ne sont que le déploiement de rites intérieurs, que les églises extérieures ne servent qu’à faire écho à l’Eglise Universelle du dedans, l’homme ressuscité savourera sa pleine et réelle Béatitude.

A toutes époques, il a existé des hommes du huitième jour, considérés comme marginaux, ils furent bien souvent persécutés et mis à mort avant de se voir « élevés » sur les autels mais il en viendra de nouveaux car aucun d’entre eux n’est lié à une époque déterminée. Après l’Age du Père (l’Ancien Testament) et l’Age du Fils (Nouveau Testament), l’Esprit inaugurera des Temps Nouveaux, l’Histoire s’accélérera et des yeux s’ouvriront, ils seront alors capables de discerner la venue des fils de l’Aurore qui métamorphoseront la terre d’exil en « Terre Céleste ».

 

l’homme intÉrieur et ses mÉtamorphoses

M. M. davy

Edition De l’Épi

 1989

M. M. Davy parle ici de la création, non pas pour que l’homme en fasse de lui-même un chef d’œuvre qu’il contemplerait dans le miroir de Narcisse, mais pour conquérir sa condition d’homme total et découvrir le fond de son Être.

 

Ce que plus tard elle appellera l’homme du 8ème jour.

 

Marie-Madeleine Davy : « L’éros peut se muer en agapè et par là-même acquérir une ampleur qu’auparavant il ignorait. L’itinéraire de l’homme intérieur conduit au cœur. Quand celui-ci s’éveille, l’homme intérieur découvre sa dimension de profondeur, cette magnifique part dont parle le psalmiste (Ps. 15, 15).

 

Où se tient-elle? La réponse est formulée par un conte très ancien nommé « l’Aimé à la recherche de l’Amant ». En voici quelques bribes.

 

L’Aimé questionne : « Où es-tu mon ami, où es-tu? Si tu es dans un arbre je me ferai oiseau pour te rejoindre. Si tu es dans la mer, je deviendrai poisson pour te trouver. Es-tu perché sur la cime d’une haute montagne, je serai flocon de neige afin de tomber sur toi. Es-tu dans les profondeurs de la terre, je creuserai un puits. Es-tu dans le feu, me voici brin de paille pour brûler en toi ». Les questions se succèdent et la réponse attendue est donnée. L’Amant se révèle, disant : « Ne me cherche pas au-dehors, je suis en toi-même, je me tiens dans ton cœur. » Sous une forme poétique se cache un enseignement.

 

Dans l’Écriture Sainte judéo-chrétienne, le « cœur » désigne l’homme intérieur de la même manière que le corps signifie l’homme extérieur. D’ailleurs le cœur est comparable à un corps intérieur, il possède non seulement des sens mais des membres. De l’extérieur le corps s’offre à la vue de tous mais le cœur est invisible et seule la Divinité s’y trouvant peut le sonder.

 

Face à l’homme « caché de cœur » -suivant l’expression de l’épître de Pierre (1, 3-4)- se trouve « le Dieu caché » du psalmiste (Ps 45, 15). Les Pères de l’Église, les Pères du Désert et les mystiques de tous les temps donneront au cœur, en tant que dimension de profondeur, la plus grande importance. Dans ce lieu profond rien de trouble ne saurait pénétrer; l’essentiel est de le découvrir et d’en faire sa demeure. Le cœur est, en effet, une maison avec sa porte d’entrée, ses chambres et sa cellule nuptiale.

 

Selon Macaire (+ vers 390) le cœur est comparé à une terre dans laquelle Dieu jette sa semence et possède son pâturage. Il est un univers avec son firmament comprenant des étoiles, une lune et un soleil. Profond, il est aussi un abîme privé de limites. Le cœur est assimilé à un char dont le noûs (esprit) est le cocher, il réside au fond du cœur, d’où cette comparaison : l’esprit est au cœur ce que la pupille est à l’œil. Éveillé, le cœur de l’homme intérieur devient capable d’aimer. Nouveau, il répand un amour neuf qui ne rencontre aucune limite, ne se heurte à aucune frontière. L’amour solaire se donne sans distinction, il répond à la capacité de chacun. L’intuition opère une percée car elle ne saurait rencontrer d’obstacles ou plutôt elle les franchit sans les considérer comme tels. Le mystère de l’amour est un mystère de lumière.

 

L’homme intérieur se trouve en harmonie avec le monde entier. Selon la Genèse, Yahvé a insufflé à Adam son esprit de vie lors de sa création, en recréant l’amour, l’homme intérieur prolonge et parachève l’ouvre commencée. L’Évangile conseille l’amour des ennemis et des persécuteurs (Mt.5, 44; Lc 6, 27-35). Or il n’existe plus d’ennemi pour celui qui se situe au-delà de la dualité, il n’est plus pour lui de persécuteurs. L’homme intérieur parvenu à une égalité d’âme engendrée par l’Amour n’a plus à distinguer ceux qui lui veulent du mal et tentent de le détruire. Tant qu’il différencie et catalogue, il n’a pas subi la métamorphose qui le fait passer au-delà de toute dualité; l’engendrement de l’amour ne s’est pas effectué en lui.

 

L’amour auquel doit parvenir celui qui opte pour la sagesse, la recherche de la perfection ou la sainteté, « n’est pas comparable à une flamme qui jaillit puis retombe, mais à une incandescence paisible et régulière trouvant en elle-même son aliment ». Le plus difficile est d’arriver à la stabilité. Cependant, seule la stabilité est efficace pour soi et pour autrui. L’amour véritable ne s’impose pas, il se donne sans demander de retour, il est entièrement dépossédé de toute attente et de toute inquiétude. Un tel comportement ne saurait être privé de tendresse, bien au contraire, l’affection chaleureuse est d’autant plus accueillante qu’elle ne tente pas de monopoliser à son profit. Respectueux d’autrui, cet amour limpide provoque autour de lui l’épanouissement et le mûrissement. Faisant allusion au mont Athos, André Louf parle de certains moines rencontrés : « hommes de prière, leur visage comme une flamme et leur regard comme un feu, pénétrant jusqu’au fond et pourtant si infiniment doux, si totalement tendre; des hommes qui des plus profondes profondeurs de leur être s’avancent vers toute chose et vers chacun, rejoignant dans les hommes et dans les choses, le feu secret, le « noyau caché », le centre le plus profond, dans un amour et une compréhension sans bornes ».

 

L’amour de l’homme libéré libère. En sa présence les nœuds se dénouent, les chaînes tombent. Il se produit un recouvrement de l’innocence et celle-ci est éprouvée même par les animaux. Toute peur est supprimée. Dans les diverses traditions, de nombreuses anecdotes se rapportent aux oiseaux et aux animaux sauvages qui s’approchent de l’homme intériorisé dont l’amour n’est jamais contraignant tout en dégageant un magnétisme qui ne crée aucun lien. Le sage n’enchaîne pas, il apporte la liberté.

 

Comment naître à l’Amour ? « Si nous voulons savoir par exemple -écrira Heidegger- ce que veut dire nager, nous ne l’apprendrons jamais d’un traité sur l’art de nager. C’est le saut dans le fleuve qui nous le dira. » Il en est de même pour aimer. Aucune lecture ne pourra nous enseigner sur ce point. Tous les discours demeureront inopérants : il faut plonger dans l’océan de l’Amour. Quand on a plongé on ne songe plus à revenir à la surface ou à cheminer sur les rives. L’homme parvient à l’amour dans la mesure où il prend conscience de sa dimension de profondeur, c’est-à-dire de son cœur. »

 

Au sommaire :

 

1e partie : L’homme intérieur et son évolution : le fini et l’infini  -  l’appel  -  la nostalgie  -  la conversion et le secret   -   la loi d’évolution  -  présence et absence  -  retour au pays natal  -  l’itinéraire du dedans  -  solitude du noble voyageur  -  l’homme intérieur et l’éros  -  la dimension de profondeur : le cœur   -

 

2e partie : Maladies, alimentation et traitement de l’homme spirituel : les maladies de l’homme intérieur  -  la tristesse  -  l’acedia  -   le démon de Midi  -   les nourritures de l’homme intérieur   -   le Maître spirituel et le disciple   -    les techniques et méthodes   -  le Yoga   -   le Zen   -   l’Hésychasme   - 

 

3e partie : Mutations et Métamorphoses : Découverte du Soi  -  l’obscurité  -   dé-création et retour à l’état originel  -  repos et expériences  -  lumière et déification  -  l’homme intérieur et le monde contemporain  -

 

4e partie : Habiter avec soi-même  -  la dimension religieuse  -  les intermédiaires   -   la suprême expérience   -  

 

l’oiseau et sa symbolique

M.M. davy

Edition ALBIN MICHEL

 1992

L’homme orienté vers la libération se montre parfois hésitant devant la multiplicité des chemins qui lui sont présentés. Pour ne pas s’égarer, il cherche des modèles, et dans le mystère de son intériorité, il éprouve ce que Socrate nommait « la démangeaison des ailes », une sorte de mue éveille ses sens intérieurs, en particulier son ouïe et sa vue. Jeté le plus souvent dans une solitude abyssale, il se demande comment collaborer  au plan divin et à sa propre métamorphose.

 

Qu’il découvre l’oiseau, le voici comblé. Ce frère cadet de l’ange lui apprend l’essentiel : le détachement, l’acceptation joyeuse de sa singularité, se tenir dans l’instant sans rien engranger. Surmonter sa fragilité en récusant les inutiles soucis, être à chaque instant neuf dans la plénitude de la liberté.

 

Malgré son ambivalence- positif, négatif, lumière et son ombre, le symbole de l’oiseau à son point ultime surgit une alliance entre les contraires et par conséquent une transmutation.

 

L’oiseau enseigne à l’homme le secret des secrets : tracer son propre itinéraire sans se comparer à autrui, savoir que la nuit obscure engendre l’aurore, devenir amoureux du printemps en l’intériorisant durant l’époque hivernale, consentir à na pas laisser de trace derrière soi, trouver sa béatitude dans la présence de la lumière et de la beauté.

Le symbolisme de la colombe se retrouve tout au long de la plupart des histoires, des cultures et des religions Ses origines sont très anciennes. Dès l’Antiquité,  on offrait des colombes en sacrifice aux déesses de l'amour, telles Astarté et Aphrodite (Venus pour les romains). Cette dernière est par ailleurs très souvent représentée avec l’oiseau.


Pour les Assyriens et les Babyloniens, la colombe était la représentation de la reine Sémiramis, qui en avait pris la forme, disaient-ils, pour disparaître de la terre. D’ailleurs, dans la langue babylonienne, “colombe” et  “enfanter” sont représentés par le même signe car la colombe est connue pour être un oiseau monogame et prolifique.

Dans l'Ancien Testament, La colombe est le symbole d'Israël : “Ephraïm est une colombe naïve, sans cervelle; ils appellent l'Egypte, ils vont en Assur.” (Osée 7, 11) “Ne livre pas à la bête l'âme de ta tourterelle” (Psaume 74, 19).
C’est également une colombe que Noé envoie depuis sa fameuse arche pour savoir si les eaux se sont retirées de la terre après le déluge. Celle-ci revient dans le soir avec un rameau d'olivier dans le bec, signifiant ainsi à Noé que les eaux ont baissé.


Dans le Cantique des Cantiques, un recueil de chants d'amour qui font partie de l'Ancien Testament, les colombes sont aussi très présentes.


Dans le Christianisme, la colombe symbolise le Saint-Esprit. Elle est présente à l’Annonciation mais également au baptême du Christ : le Saint-Esprit descendit sur lui sous la forme de cet oiseau. Le Concile de Nicée en 325 instaura que la colombe est un symbole valide de l’Esprit.


Les colombes symbolisent en premier lieu l'amour et la fidélité. En effet, l’oiseau est connu pour garder le même conjoint jusqu'à sa mort. Le couple se partage les tâches, notamment la couvaison, en occupant le nid l'un après l'autre. On retrouve cette notion dans la fameuse expression “couple de tourtereaux” La colombe est d'ailleurs souvent présente sur les faire-part de mariage.

Dans la culture amérindienne, il est d’usage d’offrir une plume de colombe à quelqu’un pour lui faire une déclaration d’amour. Si vous cherchez un bijou personnalisé symbolique pour la Saint-Valentin, la colombe est une porteuse d’un message magnifique, pensez-y !

La colombe de la paix est un symbole couramment utilisé pour incarner la non-violence. Elle tient son origine comme nous l’avons vu du récit du Déluge dans la Bible où Noé, sur son arche, sauve la totalité des espèces animales du monde. A la fin, une colombe, portant un rameau d'olivier, annonce le retrait des eaux et le début de la paix sur Terre. Elle est de ce fait également symbole d’espoir et de bonheur retrouvé.

En 1949, quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, un Congrès mondial est organisé par le Mouvement mondial des partisans de la paix salle Pleyel à Paris. Picasso est alors membre du Parti communiste, comme beaucoup d’intellectuels de cette époque. Le parti, très engagé dans l'action pour la paix aux côtés des chrétiens et des libres penseurs, demande au peintre de dessiner une affiche symbolisant le Mouvement de la Paix. Picasso trace le profil d'une colombe, à l’image des pigeons blancs qu'il garde en cage dans son atelier et de ceux des arbres de son enfance passée à Malaga.

Le vol des oiseaux les amène à servir de symbole de liberté, de lien entre le ciel et la terre. Métaphore célébrant la femme, la colombe est également un symbole de pureté.  Lâcher des colombes à un moment fort d’une cérémonie, un mariage par exemple, c’est leur laisser prendre leur envol, les regarder partir vivre leur vie. C’est vouloir libérer et transfigurer l’amour qui existe entre deux personnes. Lors d’un décès, L’envol de la colombe, symbolise l’esprit du défunt libéré de son enveloppe charnelle. On regarde vers le ciel pour assister à son envolée vers une vie nouvelle. Associée à l’esprit du défunt, la colombe symbolise donc la liberté et le passage vers une autre vie. Ce symbolisme universel est évidemment en rapport avec la beauté et de la grâce de cet oiseau. Sa blancheur immaculée, associée à l'aisance de son vol, lui confère cet aspect éthéré qui la rapproche du monde spirituel

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Première partie : Spécificité des oiseaux : oiseaux et serpents  -  le corps de l’oiseau  -  la rondeur et l’aile  -   la plume  -  les couleurs et les chants   -  la saison de l’oiseau, le printemps  -   l’espace  -  la lumière et la liberté   -    l’oiseau-esprit    -

 

Deuxième partie : Diversité des oiseaux : l’alouette  -  la colombe  -  le coucou et l’hirondelle    -   la huppe et le merle   -   la mésange et le moineau   -   la paon et le pélican   -   le rossignol   -   les oiseaux mal aimés   -  la pie et le corbeau   -   la chouette   -   la cigogne et l’orfraie    -   les oiseaux fabuleux    -  le phénix   -  l’oiseau de paradis  -  le simorgh   -

 

Troisième partie : L’oiseau dans la culture : L’oiseau dans l’art roman   -  Olivier Messiaen   - Chants d’oiseaux et musique  -  Jérôme Bosch : peinture d’oiseau   -  Léonard de Vinci : l’oiseau modèle   -  l’imaginaire  -  L’oiseau dans les contes   -  histoire de perroquets   -  l’oiseau et la poésie   -  l’oiseau dans la poésie japonaise   -  l’oiseau et l’alchimie   -  vol et ascension   -   l’oiseau et la mystique   -  Hadewijch   -   Jean de la croix   -  Tzzidin Al-Muqaddasi : des oiseaux et des fleurs   -   Mohiddin Ibn Arabi   -  Toukaram   -   Upanishad du yoga   -   L’oiseau et le moine   -   l’oiseau et l’ange   -  l’oiseau et l’arbre intériorisé   -  l’oiseau dans la symbolique   -

16 M

MARIE-MADELEINE DAVY ou la liberté du dépassement

Marc Alain Descamps

Edition Le Miel et la Pierre

 2001

Après des études de philosophie et d’histoire médiévale à la Sorbonne, Marie-Madeleine Davy obtient son diplôme de Docteur en Théologie (catholique et protestante), puis se spécialise dans la musique du XIIe siècle, âge d’or cistercien, « Siècle Solaire », disait-elle.

 

Parallèlement elle s’intéresse à la mystique Rhénane et à Maitre Eckhart. Proche de Nicolas Berdiaev, Marie- Madeleine Davy élargie le champ de ses recherches à la spiritualité orthodoxe et orientale. D’autres rencontres marqueront son itinéraire : Simone Weil, Pierre Teilhard de Chardin, Gabriel Marcel, Gaston Bachelard, Vladimir Jankélévitch, Jean Daniélou, Henri Corbin (qui lui fera rencontrer Carl Gustav Jung ou encore Antonin Artaud), Roger Godel.

 

Esprit indépendant et non conventionnel, elle participa avec enthousiasme à notre époque de mutation et de métamorphoses, et publia plus de cinquante ouvrages, et plus de cent articles. Elle fit inscrire sur sa pierre tombale « Sois heureux passant ! ».

 

Un premier colloque eut lieu à sa mémoire le 31 janvier 1999, avec ses nombreux amis.

 

Ce sont les actes de ce colloque qui nous sont proposés dans cet ouvrage :

 

Jean d’Ares : Mystique et symbolique médiévales

Odette Baumer-Despeigne : Parcours d’une amitié

Michel Bertrand : Trouver Dieu dans la solitude

Jean Biès : Le cantique de l’intériorité

Jacques Brosse : Hommage à Marie-Madeleine Davy

Marc-Alain Descamps : Pèlerinage à la source de la vie

Monseigneur Germain : Hommage à l’institut Saint-Denis

Jacqueline Kelen : La quête mystique des Béguines

Pir Vilayat Inayat Khan : Hommage

Michel Random : Le cœur de la connaissance

François Roux : Une parole habitée

Marie-Madeleine Davy : « Habiter avec soi-même »

Boris Tatzky : Paroles de Lumière

Marc-Alain Descamps : Présentation de Marie-Madeleine Davy

Bibliographie

 

MARIE-MADELEINE  DAVY  OU L’ORIENT INTḖRIEUR

Archives départementales des deux Sèvres

Archives de France

 2012

Née en 1903 à Saint-Mandé, Marie-Madeleine Davy repose  au cimetière de Saint-Clémentin dans les Deux-Sèvres. Sur sa tombe anonyme, figurent ces seuls mots : « Sois heureux passant »

Le fond M. M. Davy a été confié en 2000 aux archives départementales des Deux-Sèvres, il comprend des ébauches d’ouvrages, des photos, divers documents et des traductions qui apportent un éclairage complémentaire sur sa vie et son oeuvre.

Après plusieurs mois de travail de classement, le conseil Général a sorti une publication, dont le but est de faire connaitre le maximum de documents aux chercheurs et passionnés de M. M. Davy

L’ouvrage in quarto fait 125 pages (15€), il comporte sa vie, son oeuvre, sa bio-bibliographie et beaucoup de photos. L’ouvrage rend hommage à cette intellectuelle qui toute sa vie rechercha le savoir et la connaissance, pour elle mais aussi pour tous les cherchants de lumière et d’intériorité. Ci-dessous un texte de M. M. Davy parlant de sa recherche, du désert intérieur et de la Lumière.

Paroles de M. M. Davy sur le désert et l’intériorité : La vocation des hommes nouveaux - dont l’ère s’annonce et a déjà commencé - sera d’être voués au " sanctuaire de l’homme intérieur ". Ces derniers mots appartiennent aux Pères du Désert de Gaza. Tout se poursuit.

La nouveauté est que ce " sanctuaire " ne sera plus fréquenté par une très faible minorité choisissant le désert extérieur comme lieu d’élection, mais par un grand nombre vivant parmi la foule tout en se tenant dans le désert du dedans.

Les ermites extérieurs doivent abandonner leur famille, leur patrie, leur demeure. Les ermites intérieurs sont aussi affrontés à une séparation. Ils s’évadent de l’omnitude, de la conscience commune, des formes sclérosées, des antihumanismes et parfois de certaines formulations religieuses aliénantes. Les comparaisons claudiquent. On peut toutefois se demander si les exigences du désert intérieur ne sont pas encore plus rigoureuses que celles du désert extérieur.    Quitter famille, amis, lieu de naissance, métier s’effectue en une seule fois, même si le voyageur se tourne vers son passé en le retenant encore dans sa mémoire et dans son cœur. Rompre avec ses habitudes, les divers enseignements qui ont pétri depuis le berceau, se sont mélangés à la chair et au sang ; avoir éprouvé la chaleur grégaire - dilatante pour les faibles - et qui risque de donner bonne conscience, tout cela ne peut se distancer que dans la mesure où loin d’en être comblé on vivait sa faim, cherchant désespérément une porte de sortie donnant accès sur un ailleurs.    La recherche tâtonnante, douloureuse, que nul enseignement donné du dehors n’informait, avait heureusement à sa disposition des lectures : celles des Ecritures sacrées. Encore fallait-il en comprendre le sens. Les Maîtres - appartenant à l’Orient et à l’Occident - répondaient à un besoin d’exotisme pour les uns et de prise en charge pour les autres. Les relations n’étaient pas sans danger.

Les jeunes générations ignorent combien il a fallu à leurs aînés de courage, d’audace, de souffrances, pour briser les liens avec leur famille, leur milieu social ambiant, les habitudes de penser d’une époque dans laquelle ils s’inséraient. Quel combat sur tous les fronts ! La crainte de se tromper en se séparant d’autrui, le poids des malédictions dont les " repus " dits " spirituels " ne se privent jamais ; les vociférations des meutes cherchant à faire rentrer au bercail l’animal sauvage devenu incapable de supporter une bergerie anesthésiante.  «  Pour échapper à la lénifiante moiteur du troupeau, l'appelé doit partir de nuit, presque s'enfuir, avec la complicité des dieux. Les contes l'affirment : " Lorsque l'heure fut venue de quitter les siens, les dieux endormirent les hommes et les chiens...". C'est dire si cette étape est difficile, effrayante, douloureuse, rarement franchie. Malgré la protection des divinités, seul un petit nombre trouvera le courage de vaincre l'effroi de la nuit et de l'inconnu. Une seconde chance est rarement offerte. »

Actuellement les jeunes possèdent à leur disposition des ouvrages se référant à l’intériorité, à la vie du dedans dont témoignent maints auteurs. Les écoles de méditations se multiplient, l’enseignement généralisé du yoga et du zen favorise la vraie recherche. Bien entendu les mélanges foisonnent et nombreux sont les imposteurs. Peu importe. Il y a choix et non pas défrichement comme hier. Et ceux qui appartiennent aux précédentes générations savent combien il leur a fallu de persévérance et de force pour continuer leur démarche au milieu de ce qui leur apparaissait ombres, ruines, abêtissements sordides, propositions édulcorées. Il leur fut nécessaire de se dévêtir des oripeaux qui collaient à leur peau et qui durant longtemps leur servirent de vêtements. Devant eux, une voie : le vide, le renoncement, la vacuité. Le rejet n’était pas nécessaire ; il s’opérait naturellement.    Le christianisme étant institutionnalisé depuis des siècles, il importait non pas de le quitter mais de le redécouvrir dans sa profondeur, en abandonnant ses caricatures qui l’ensevelissaient en le défigurant.    La mort de Dieu avait été annoncée à grand fracas. Comme on pouvait s’y attendre, elle fut suivie par la mort de l’homme. Qu’allions-nous faire sans Dieu et sans homme, sinon attendre la mort du monde et laisser paisiblement enterrer les morts sans avoir le goût de se recueillir sur leurs tombes.


Aujourd’hui le salut de l’homme est en jeu, c’est à dire sa santé, son équilibre, sa mesure et sa démesure, son harmonie. Il est impossible d’envisager l’homme coupé de sa profondeur d’origine divine. Comment accepter que la condition humaine ne réponde pas à sa vocation essentielle ? Privé du divin, l’homme est mutilé. Pourrait-on sans folie consentir à l’abolition d’une des ailes d’un oiseau ou à son ankylose ? Incapable de voler, il lui faudrait alors vivre dans une cage et demeurer prisonnier. Tel l’oiseau, l’homme est fait pour la souveraine liberté. Il la conquiert par un au-delà de tout esclavage ; celui de ses sens extérieurs, de son enracinement dans le terrestre. C’est à ce prix qu’il dépasse les familles charnelles, les patries transitoires, tout ce qui appartient au passage et ne saurait faire éclore le mystère dans sa propre splendeur.    Comment provoquer l’animation de la dimension intérieure, découvrir le " royaume du dedans " qui coïncide avec " la beauté de la fille du roi " ? Hier la réponse aurait été simple. Il suffisait de prendre une des voies traditionnelles et de se maintenir dans son sillage. Mais l’homme a évolué. Son exigence est devenue plus subtile. Il s’éprouve dans la nécessité de communier à l’universel, de rencontrer ses frères et de partager un amour identique, une semblable connaissance. Incapable de supporter les divisions, les comparaisons, les divergences, il tend vers l’union incluant les différences sans être séparé par leur présence.


Un seul banquet existe auquel tous les hommes sont conviés, indépendamment de leur origine et de leurs options. Une Déité unique préside à ce festin, son amour éternel s’étend indistinctement sur tous ceux qui s’orientent vers elle avec foi et confiance. Les uns veulent la nommer et comprendre qui elle est ; d’autre, plus sages, préférant au savoir l’expérience, ne tentent jamais de balbutier son nom.    Il n’existe aucune voie commune, rassemblant tous les hommes de bonne volonté, en dehors de l’intériorité. Tel est le chemin le plus court conduisant inexorablement vers son but. Le choisir et le suivre exige d’en subir l’attrait, de pouvoir s’y maintenir contre vents et marées, de se tenir à l’écoute du dedans, sourd aux appels du dehors. Il y aura toujours des donneurs de recettes pour crier " casse-cou " aux audacieux ; des sirènes pour distraire les " aventuriers de l’esprit ". Peu importe ! L’homme séduit par le dedans poursuit inexorablement sa route en sachant que le passage par la solitude, voire l’isolement, précède la communion. Qu’il devra cheminer seul avant de rencontrer ses frères, se libérer des fausses notions dont il a été parfois imbibé et pétri pendant son adolescence et sa jeunesse. Il lui faut devenir un homme neuf, choisissant une nouveauté de vie.    Cette nouveauté de vie ne survient qu’après un ultime détachement de tout ce qui encombre et qu’on a pu durant longtemps supposer nécessaire. Dans ce mouvement essentiellement dynamique, aucune tradition n’est récusée, aucune religion écartée. traditions et religions sont épurées des divers revêtements imputables à l’Histoire. Elles deviennent d’autant plus vivantes, qu’elles sont enfin dégagées du fatras qui les encombrait et rebutait les hommes épris d’Absolu et d’authenticité. Privées de leur gangue, elles libèrent enfin leurs parcelles d’or.


De même l’homme est appelé à se débarrasser de son plomb, de sa finitude, de son pseudo-savoir, de ses fausses croyances, des superstitions auxquelles il a prêté foi. Tout doit être revu, purifié. Il lui faut pénétrer dans le creuset alchimique d’où surgira le grand oeuvre : l’apparition de l’étincelle divine. Mystérieux, ce creuset symbolise moins un lieu qu’un état. Il inaugure un passage du dehors au dedans, du chaos à l’ordonnance, de l’esclavage à la liberté. Terrain de formation, sur lequel chacun se doit de tracer lui-même sa piste, il ne peut être abordé que par ceux qui consentent au dénuement, à la nudité, au vide, au détachement suprême à l’égard de soi-même. Seul l’homme privé de tout bagage dans ses mains, de tout savoir et souvenir dans sa tête, de toute possession intellectuelle en passera le seuil. Ne pourra s’y mouvoir que celui qui préfère l’essence à l’existence, la contemplation à l’action, l’éternité au temps, l’absolu au relatif, le sens intérieur à la littéralité, le silence à la parole ou à l’écriture. N’y sera indigène, que l’amoureux de la lumière ou de la ténèbre obscure par excès de clarté ; l’amant du feu qui consume et consomme les scories ; l’imitateur du papillon qui, tremblant de joie, se jette soudain dans la flamme brûlante.


Quel est donc ce lieu d’élection dans lequel amour et connaissance se jumellent, où le détachement fleurit en expérience, faisant franchir la Porte d’or donnant accès au " Verger des Mystères " ? Il porte un nom : il s’appelle désert.    Désert ! Terme fascinant pour ceux qui possèdent le goût de l’alliance, de la montagne des révélations, de la parole reçue dans le cœur, des éternelles fiançailles dont le cœur est avide. Peu importe le passage par la " terre aride et ravinée, de sécheresse et de ténèbres ", les tentations qu’il faudra surmonter, la solitude, voire la déréliction. Un jour arrivera où " l’eau jaillira dans la steppe inculte, où la terre sèche deviendra un étang, où le pays de la soif se changera en sources ".    " La source a soif d’être bue ", disait Irénée de Lyon. La terre de feu, le désert intériorisé brûle d’allumer la mèche des " lampes vivantes " qui, laissant filtrer la lumière, pourront éclairer leurs frères: les hommes, les animaux, les plantes, les pierres.    Sur la terre transfigurée, les passants verront la clarté dansante des " lampes vivantes " qu’ils prendront pour les étoiles d’un nouveau firmament : " Je vis un nouveau ciel, et une terre nouvelle. "    Ciel et Terre annoncent une nouvelle Alliance. Celle-ci est vécue par les " pneumatikoï ".    Quant à ceux qui ne participent pas encore à la plénitude de l’Esprit, qu’ils s’orientent avec une inaltérable confiance vers la Réalité ultime. De toute manière, de près ou de loin, ils seront les bénéficiaires du rayonnement de son illumination.    A l’égard d’une option pour le voyage intérieur, donnant accès au désert du dedans, il est seulement possible de décrire un parcours, tenter de déchiffrer un enseignement. Le désert ne serait plus le désert si on dévoilait son mystère.


L’homme vivant dans la nuit et la lumière du désert s’écrie comme le prophète : " Ah ! Ah ! nescio loqui ! ". Qui pourrait parler et préciser ce qui est vu sans vision, entendu sans voix. L’oreille s’ouvre au silence et le regard y plonge lorsque les images et symboles se retirent pour faire place au surgissement de la Réalité pure. A cet instant, le mutisme naît de l’émerveillement.  L’homme traverse son propre désert pour découvrir son fond mystérieux dont la beauté le remplit d’allégresse. Il oublie les perturbations de son long et périlleux voyage pour ne retenir que la jubilation qui l’envahit dès qu’il découvre sa propre source. Il comprend que le désert n’est rien d’autre que le passage par la mort donnant accès à une nouvelle naissance. Le désert intériorisé est Genèse.


Certains lecteurs de ces pages risquent de s’irriter devant ce qu’ils appelleront - à tort - un certain optimisme plus ou moins volontairement exprimé. En effet, une telle confiance peut sembler de mauvais goût lorsqu’elle est présentée en une période où tout se dégrade. Il s’agit moins d’un optimisme que de la conscience d’un déluge dévastateur sur tous les continents. Ce qui est proposé est une " arche " et cette arche est constituée par le " sanctuaire intérieur " dans lequel l’homme est invité à pénétrer et que le désert intérieur symbolise.    Si on tenait à parler d’optimisme, il faudrait dire que son fumier ou son engrais a été pétris de nausée et d’angoisse. La nausée des caricatures mensongères, l’angoisse de l’extrême solitude : celle du navigateur esseulé pris dans d’incessantes tempêtes avant que la mer devienne calme et brillante de clarté.    A certains instants de notre existence, qui de nous n’a pas souhaité se retirer durant quelques jours, mois ou années " dans le désert, dans une auberge de voyageurs " ? A ce propos André Neher dira : " Où est cette auberge dans le désert, qui ne tient pas registre de ses hôtes...? Aucune route n’y conduit, elle n’est marquée dans aucun guide...Et pourtant, c’est en ce lieu dépouillé de toute localisation, en ce gîte dépourvu de tout habitat, en cette demeure privée de tout séjour, qu’est la résidence de Dieu. "
   

Pour découvrir l’auberge qui respecte l’anonymat de ses hôtes, prendre à son compte la parole de feu, prononcée par Henri Le Saux : " J’ai découvert le Graal ", il n’existe pas de voie, de système, de technique. Aucun dogmatisme rassurant n’y conduit. " Atteindre le désert intérieur exige d’opérer une percée à travers mille et une épaisseurs, dans des blocs de granit ou de béton. " Ma Parole - dira l’Eternel à Jérémie - comme un marteau fait voler en éclats les rochers ". Sable mouvant d’une plage désertique, que le vent impétueux ou la brise légère soulève et transporte. A peine la béance ouverte, elle tend à se combler. Ce qui signifie que durant cette longue marche, il est impossible de s’assoupir car tout est perpétuellement à recommencer. La rigueur, on pourrait dire l’extrême rigueur, accompagne la longue quête. On pourrait dire avec simplicité que le désert intérieur n’est pas un refuge pour les inadaptés, les individus mal dans leur peau.

 

Il ne constitue pas une retraite offerte aux pusillanimes. Certes, il est arche dans ce déluge qui nous inonde. Il apparaît surtout semblable à une chambre secrète où les sens nouveaux naissent. Afin d’y parvenir et de pouvoir accueillir la plénitude d’une nouveauté de vie, il importe de se débarrasser de nos habitudes, de nos tabous, de nos jugements de valeurs, de nous libérer de ce qu’on nous a appris durant notre enfance et notre adolescence.    Le passé n’est pas méprisé, il convient seulement de le libérer de son opacité, en sachant que tout est mouvement, dynamisme, éclosion. Il nous faut avoir l’audace d’appartenir à notre époque et de nous y insérer. L’option pour l’intériorité ne se présente pas au détriment de l’extériorité. Toutefois, il est évident qu’une remise en question bouscule des formulations, des adhésions prises au sein d’une conscience commune.


Que l’approche du désert intérieur soit difficile, on ne saurait le nier. Qu’elle soit périlleuse, il faut bien en convenir.    …Il faut le savoir : ou l’homme deviendra un robot situé au-dessous de l’animal ou il lui est encore possible d’acquérir un nouveau type de conscience. Le désert intérieur désigne le laboratoire où s’opère cette mutation.  Actuellement, le désert intérieur est comparable à une île habitée par quelques insulaires. Demain elle sera un continent devenant de plus en plus vaste. Le désert intérieur est purification, ascèse à l’égard d’un enseignement millénaire. Qu’on le refuse, alors tout succombera. (...) le monde entier bascule, il apparaît en péril de mort. Il risque d’être livré aux forces nucléaires maniées par des hommes devenus fous parce que privés de leur dimension divine qui seule peut engendrer l’amour.    Invincible est l’élan vers l’intériorité : il vaincra. "

 

muni - rÉcit d’une expÉrience d’intÉrioritÉ

M.M. DAVY

Edition Retz

 1985

Ce livre est le récit romancé, passionnant, sans hermétisme, de l’itinéraire intérieur d’un personnage que nous, lecteurs, allons immédiatement aimer. Peut-être parce qu’il est chacun de nous qui cherchons une vie intérieure, celle, qui, respectant toutes les religions et traditions, répond à notre aspiration dans un monde constamment perturbé d’une nouvelle dimension spirituelle.

Un petit enfant appelé Ludovic est confié à sa grand-mère par ses jeunes parents étudiants. Sa naissance a provoqué leur séparation. Intéressée par la pensée de l’Inde, professeur de yoga, l’aïeule surnommera son petit-fils « Muni » (signifiant le renonçant). On peut se demander si cette appellation n’exercera pas une certaine influence sur l’adolescent. Durant son évolution, celui-ci passera successivement par différents stades. Tout d’abord, il sera initié à l’amour cosmique par une étrange fillette martiniquaise.

Ensuite, il optera pour le savoir et deviendra un brillant étudiant. Peu à peu il sera fasciné par l’intériorité sans savoir comment s’en rapprocher en l’animant. À cet égard, une rencontre avec un solitaire sera pour lui révélante.

Durant longtemps, la démarche de Muni apparaît tâtonnante. La féminité, qu’il doit en particulier à son éducation, freine sa maturité affective et sexuelle. Par ailleurs, il rencontre sur sa route des pièges qu’il doit désamorcer. En dépit de sa jeunesse, Muni devra faire face à l’ombre de la condition humaine, à son obscurité, voire à sa noirceur. Il ne pourra en surmonter la négativité qu’en faisant appel à la lumière. À la fois fils de la nuit et du jour, séduit par la solitude et le silence, Muni accepte les renoncements qui s’imposent à lui en donnant son consentement à ce qui l’abandonne. Il comprend que l’aventure intérieure exige un au-delà des oppositions illusoires. Chercher « l’Orient de l’âme », c’est avant tout le dépasser.

 

Les premiers chrétiens, pour désigner leur démarche, parlaient de la Voie. C’est intéressant à relever. Au premier degré, la voie c’est ce qui relie différents points dans l’espace, c’est donc un espace à parcourir pour aller vers quelque chose… un voyage, un chemin, un passage. On peut suivre simplement la voie horizontale, historique, matérialiste mais on peut aussi suivre la voie des profondeurs, la dimension verticale, celle de l’intériorité, celle de la vie spirituelle. L’homme n’est pas qu’un corps, l’homme n’est pas qu’une psyché, mais l’homme est aussi esprit. Il y a en lui une dimension qui lui permet de s’ouvrir au Vivant, au Créateur, à Dieu, c’est l’esprit.

 

C’est ce qui donne un sens, une orientation à notre passage sur la terre qui va du point de notre conception en passant par notre naissance à celui de notre développement dans toutes nos potentialités physiques psychiques et spirituelles jusqu’à notre mort. Mais la mort ce n’est pas une chute finale et dramatique comme on a tendance à le croire spontanément, si l’on suit seulement la voie horizontale. Non ! La mort c’est notre passage à une autre dimension, c’est notre Pâque personnelle. La voie chrétienne, qui est considérée comme connue, est en fait méconnue : c’est d’abord une voie mystique, ce qui veut dire qu’elle recherche une connaissance d’elle-même pour rencontrer expérimentalement Dieu. Toute connaissance ne peut être qu’expérimentale, si elle est seulement mentale, elle reste extérieure à nous, elle est celle d’un autre…

 

Le chemin spirituel c’est la voie des profondeurs, c’est la voie de l’intériorité, c’est donc une voie de transformation, de travail sur nous-mêmes pour une maturation de tout notre être : corps-âme-esprit. On ne peut pas suivre un chemin spirituel sans y engager non seulement notre esprit, mais aussi notre âme c’est-à-dire notre psyché, et notre corps. Le chemin spirituel c'est aussi la voie mystique qui consiste à découvrir la vérité dans la vie, par l'expérience, de façon pratique, dans une initiation quotidienne qui est le fruit d'une synergie divino-humaine : d'une part, je travaille corps-âme-esprit à cette initiation et d'autre part, je reçois gratuitement la grâce divine. Il ne se passe rien par ma seule volonté mais il ne se passe rien sans un travail acharné.

 

Le Christ nous dit dans l'Evangile : « Je suis le chemin, la vérité, la vie ». Je ne peux donc atteindre la connaissance de la vérité qui est la vie si je ne fais pas le chemin qu'est le Christ lui-même. On voit comment, en fait, tout est intimement lié. Différence entre religion et voie ? La religion, ça veut dire étymologiquement : relier. Toutes les religions cherchent à relier l'homme à la divinité. Et pour relier, il faut donc qu'il y ait une distance entre ce qu'il faut relier. La réalité de l'homme aujourd'hui est effectivement qu'il est coupé de sa source et qu'il la cherche généralement à l'extérieur de lui. C'est là l'histoire de toutes les religions ! Mais avec Jésus, tout change car Dieu lui-même devient homme.

 

M.M. DAVY : études de philosophie à la Sorbonne, thèse de doctorat sur un théologien mystique du XIIème siècle ; assistante à Berlin, professeur à l’Université de Manchester, chargée de cours à l’École pratique des Hautes Études (Sorbonne), maître de recherches au C.N.R.S. Elle a toujours été passionnée par la recherche de l’Orient de l’âme » signifiant le passage de la dimension psychique à l’esprit. Elle exprime cette recherche à travers ses ouvrages et ses conférences ; et notamment dans le présent récit.

16 N

Nicolas Berdiaev – L’homme du 8ème jour

Marie Madeleine davy

Edition DU FÉLIN

 1991

Si je m’interroge sur les hommes que j’ai pu rencontrer et que je connais, il n’en est point qui, autant que Nicolas Berdiaev, témoigne d’une aussi grande ouverture sur le transcendant.

 

Cet homme avait reçu, dès l’enfance, la marque indélébile du divin. Il était habité par une présence et son regard, sa pensée, sa voix elle-même en témoignait.


Souvent, dans sa maison de Clamart, devant une tasse de thé et des petits pains aux choux (pirojki) qu’il affectionnait, je l’ai entendu parler des « fous en Dieu ». Il racontait avec verve des anecdotes dont le merveilleux formait la trame. Quand je lui demandais : « N’êtes-vous pas un « fou en Dieu » ? », il riait et répondait : « Il n’existe plus de « fou en Dieu », mais je suis issu de leur race. » Et il ajoutait : « Dieu n’est en rien semblable à l’idée qu’on peut s’en faire ou qu’on s’en fait, absolument rien. »


Une phrase de Berdiaev pourrait illustrer le propos de cette étude : « C’est de la pneumatologie, non de la psychologie, que relève mon travail. Dévoiler la part spirituelle, tel est mon objet. »

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Première partie : Référence aux ouvrages de Nicolas Berdiaev   -   le fils de la terre russe   -   l’énergie religieuse de l’âme russe   -  un homme essentiel   - 

 

Seconde partie : L’amant et l’aimée ou le drame divin et humain   -  Liberté et création   -   Mystique et gnose   -

 

Troisième partie : La philosophie du conflit  -  les temps nouveaux  -  Epilogue  -  bio-bibliographie  -  ouvrages sur Nicolas Berdiaev   -  

Nicolas Berdiaev (Kiev 1874 – Paris 1948) est l’un des grands philosophes russes du vingtième siècle.

 

NICOLAS BERDIAEV (1874-1948) – UN PHILOSOPHE RUSSE A CLAMART

Colloque collectif

Edition du Mercure Dauphinois

 2019

Sous ce titre, vous trouverez les actes du colloque consacré au célèbre philosophe de Clamart qui s’est tenu les 24 et 25 novembre 2018 à l’Hôtel de Ville de Clamart. Ce colloque fut organisé par l’ACER, Action Chrétienne des Etudiants Russes en collaboration avec la Municipalité de Clamart.

 

Comme le rappelle Michel Fromaget en introduction, Nicolas Berdiaev meurt à Clamart en 1948. Marie-Madeleine Davy et Olivier Clément participeront au premier colloque sur Berdiaev à la Sorbonne à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance, vingt-sept ans après son décès. Puis, Berdiaev tombe dans le silence pendant vingt-trois ans jusqu’au colloque organisé par L’Institut d’Etudes Slaves en 1998. Depuis, les temps de silence diminuent jusqu’à cette date de 2018. Berdiaev mérite amplement que l’on s’intéresse à sa pensée et à son œuvre, une pensée très actuelle quand nous savons, avec Antoine Arjakovsky, que les Pussy Riot se réclame de la pensée de Berdiaev. Comme lui, elles veulent chasser les marchands du temple. Michel Fromaget insiste : « La liberté de pensée de Berdiaev, incontestablement le plus grand philosophe de l’Âge d’argent de la culture russe, cette liberté est fascinante. ».

 

Il s’en explique : « La philosophie du maître russe n’a rien à voir avec la philosophie conceptuelle et abstraite, seulement cérébrale, comme émasculée et éviscérée, qui est privilégiée par les universités. Ce n’est pas une philosophie d’intellectuel mais une « philosophie existentielle ». Elle est celle d’un homme complet qui ne se contente pas de penser le monde mais qui l’éprouve, le découvre et le comprend par toutes les facultés dont il dispose : sensation, intellection, émotion, intuition. Berdiaev ne s’approche pas du monde de manière cérébrale mais intégrale et totale. Il dit lui-même que sa philosophie est « existentielle », « qu’elle naît de la vie et qu’elle va vers la vie ». Et c’est précisément en cela qu’elle nous intéresse et nous parle aujourd’hui. »

 

Stanislas Fumet essayiste de renom, dans sa belle préface au grand ouvrage de Berdiaev "Le sens de la création", écrivait : « L’esprit de Berdiaev, qui est la noblesse même  se fraie des passages dans l’obscurité qui font étinceler des splendeurs où nous sommes habitués à ne rien voir ». Les organisateurs du présent colloque ne sauraient mieux dire la raison profonde de l’indéfectible attachement qui les lie au vieux Maître russe.

 

En 2013, en introduction d’un précédent colloque, ils affirmaient ceci qu’ils tiennent à redire, car leur conviction demeure identique, à ceci près qu’elle s’intensifie chaque jour : « La pensée de Berdiaev - sur l’homme, sur Dieu, sur la vérité, sur la liberté, sur l’amour, sur la beauté, sur l’acte créateur -, est à même d’exploser sans retour les a priori conceptuels et les routines intellectuelles qui paralysent la pensée et la vie de nos contemporains. Elle est à même de leur ouvrir des espaces de méditation et de réflexion, de perception et de signification, de création et d’action dont ils n’ont pas la moindre idée. » Oui, de découvrir la pensée du philosophe de Clamart a sauvé le grand historien Olivier Clément de « la nuit de l’âme ». Le vœu le plus cher de ce colloque c’est, qu’à son issue, chacun ait perçu que cette découverte est vraiment à même de ré-enchanter la vie

 

NICOLAS BERDIAEV (1874-1948) – CINQ MÉDITATIONS SUR L’EXISTENCE

Nicolas Berdiaev

L’Âge d’homme

 2013

Première méditation : La situation tragique du philosophe et les tâches de la philosophie Deuxième méditation : Le sujet et l'objectivation Troisième méditation : Le moi, la solitude, la société Quatrième méditation : Le mal du temps, le changement et l'éternité Cinquième méditation : La personne, la société et la communion "

 

Chacun sait comme le temps s'accélère ou se ralentit selon l'intensité de vie, selon les événements qui remplissent l'existence humaine. Le caractère mathématique du temps perd alors toute signification et l'existence humaine se libère de la montre et du calendrier. Si habituellement nous tenons tant à l'observation des heures, c'est que nous ne sommes guère heureux, c'est que nous sommes trop souvent misérables.

 

L'inspiration créatrice elle aussi ignore le temps numérique. C'est toujours la marque de l'irruption de l'éternité dans le temps, dont elle règle le cours. Tout ce qui n'est pas éternel, tout ce qui n'a pas l'éternité pour origine et pour fin est dépourvu de toute valeur et destiné à disparaître ; l'avenir lui réserve la mort, la fin dans le temps, par opposition à la fin du temps. D'une part, le temps qui ne participe pas à l'éternité est une défection à l'égard de l'éternité. D'autre part, le temps est un moment de l'éternité et c'est en elle seulement qu'il trouve sa justification. Tel est le paradoxe à double tranchant du temps... "

 

Berdiaeff constate que la philosophie est l’objet d’un conflit avec la religion d’une part, et la science d’autre part. Pourtant : « La religion procède de la révélation, mais par elle-même la révélation n’est pas en conflit avec la connaissance. Au contraire, elles se correspondent : dans ma vie la révélation est ce qui m’est découvert, et la connaissance ce que je découvre par mes propres moyens.

 

Comment pourrait-il y avoir conflit entre ce que je trouve, moi-même, par la connaissance et ce  qui m’est montré par la religion ? » Le problème vient de la différence qu’il y a entre la révélation de Dieu, essence de la religion, et la religion, phénomène social, interprétation des hommes : la théologie, comme la philosophie, sont un acte humain de connaissance, à ne pas confondre avec la Révélation elle-même qui est non l’œuvre des hommes, mais celle de Dieu.

 

Une constatation : toute théologie renferme quelque philosophie, sanctionnée par la société religieuse… La théologie des docteurs de l’Eglise contenait une dose très importante de philosophie… « Tandis que la conscience religieuse des Grecs soumettait la vie au destin, leur philosophie la subordonnait à la raison. Elle en a pris une portée universelle, et posé le fondement de l’humanisme européen. » « C’est pourquoi il ne faut pas s’attendre à ce que la philosophie renonce jamais à poser et si possible à résoudre les problèmes dont traite la religion, que la théologie considère comme son monopole. La philosophie comporte un aspect de prophétisme ; et ce n’est pas sans raison qu’on a proposé de diviser la philosophie en scientifique et prophétique. C’est précisément la philosophie prophétique qui entre en conflit avec la religion et la théologie, car la philosophie scientifique resterait neutre. Mais le philosophe authentique, l’homme qui est philosophe par vocation, ne veut pas seulement connaître le monde, il désire le modifier, l’améliorer, le régénérer. Comment pourrait-il en être autrement s’il est vrai que la philosophie est avant tout une doctrine sur le sens de notre existence, de notre destinée ?

 

 Le philosophe a toujours prétendu, non pas seulement à l’amour de la sagesse, mais à la sagesse même, de sorte que renoncer à la sagesse, c’est renoncer à la philosophie, la remplacer par la science. Certes, la philosophie est avant tout connaissance ; mais c’est la connaissance totalitaire, embrassant tous les aspects de l’homme et de l’existence humaine. Il lui est essentiel d’ouvrir les voies à la réalisation du Sens ; et parfois les philosophes ont cédé à un empirisme et à un matérialisme grossier. Le propre du philosophe qui mérite ce nom, c’est l’amour de l’au-delà, il cherche par-delà le monde ce qui le transcende ; et il ne saurait se satisfaire d’une connaissance qui le retienne ici- bas. Il appartient à la philosophie de percer les murs de l’univers empirique, qui nous contraint et nous presse de toutes partes, pour entrer dans l’univers intelligible, dans le monde transcendant ; et je pense même que c’est la désaffection envers ce qui nous environne, le dégoût de la vie empirique qui engendre l’amour de la métaphysique. »

 

« Là est le principe du tragique, comme il atteint le philosophe. D’une part, la philosophie ne peut pas, ne veut pas dépendre de la religion ; de l’autre, dès qu’elle est coupée de l’expérience religieuse, il faut que l’être lui manque et qu’elle s’étiole. A vrai dire, c’est toujours à des sources religieuses que la philosophie s’est rafraîchie. Les doctrines présocratiques étaient intimement liées à la vie religieuse des Grecs, le platonisme a été en rapport avec l’orphisme et les mystères. La philosophie médiévale, consciemment, a été chrétienne. On peut trouver aussi des fondements religieux à la pensée de Descartes, de Spinoza, et de Leibnitz, de Berkeley et bien entendu à l’idéalisme allemand. »

 

Avec les temps modernes, à commencer par Descartes, le christianisme s’introduit dans l’intimité même de la pensée et il transforme toute la problématique ; conformément à la révolution opérée par le christianisme, l’homme est installé au centre de l’univers. De par sa tendance essentielle, la philosophie hellénique était tournée vers l’objet. Si la philosophie moderne est tournée vers le sujet, c’est une conséquence du christianisme qui a affranchi l’homme en le soustrayant au pouvoir du monde des objets, de la nature ; et l’on voit apparaître le problème de la liberté que la pensée grecque ignorait. »

 

Max Scheler juge le scientisme comme une rébellion d’esclaves : c’est la révolte de l’inférieur contre le supérieur. « Pourquoi refuser de se soumettre à la religion si l’on consent à se soumettre à la science ? Scheler pense qu’au contraire, en se soumettant à la foi, la philosophie se serait rendue maîtresse des sciences ; mais il faut le souligner, à la foi, non à la théologie, à l’autorité extérieure de l’Eglise, à la religion en tant qu’institution sociale, puisque la foi, expérience intérieur et spirituelle, régénération de l’âme, ne peut asservir la philosophie, mais doit la nourrir. Si elle s’en est détachée, si elle ne prend plus la foi comme la lumière intérieure de la connaissance, c’est qu’elle a eu à lutter contre la religion autoritaire qui punissait par le bûcher la témérité de la connaissance ». 

 

« Le cœur et la conscience demeurent les agents suprêmes de l’évaluation et de la connaissance du sens des choses. » « Mais la raison devient autre quand Dieu se révèle à l’homme : elle subit un ébranlement, se transforme intérieurement, aperçoit nettement ses contradictions et ses limites. Cependant, dans l’accueil même par lequel l’homme reçoit la révélation, se trouve déjà, ne serait-ce qu’à l’état embryonnaire, quelque philosophie. La Révélation fournit les réalités, les données d’ordre mystique ; mais l’attitude de la pensée à l’égard de ces réalités et de ces données n’a rien à voir avec la révélation elle-même, car c’est déjà telle ou telle philosophie définie. »

 

« Trois facteurs concourent à la connaissance : l’homme lui-même, Dieu et la nature ; elle résulte de l’action réciproque de la culture humaine, de la grâce divine et de la nécessité naturelle ; et la tragédie du philosophe provient de ce que l’on prétend restreindre sa connaissance, tantôt en invoquant la grâce divine, tantôt en universalisant la nécessité naturelle. La philosophie doit entrer en conflit avec la religion d’une part, avec la science de l’autre, si elle se donne pour objet Dieu et la nature ; mais son domaine, c’est par excellence l’existence humaine, la destinée humaine, le sens humain. C’est de l’homme que le philosophe connaît Dieu et la nature… » 

 

Comme tout acte créateur, l’acte de connaissance demande à l’homme de choisir entre deux attitudes. Ou l’homme se met face au mystère de l’être, face à Dieu ; et dans ce cas se forme la connaissance initiatrice, originale, la philosophie authentique, l’homme reçoit l’intuition et la révélation. Ou bien il se tourne face à autrui et à la société ; et par ce mouvement la connaissance philosophique, comme la révélation religieuse, s’adapte à la nature de la société et s’objective. C’est alors que l’homme est le mieux défendu ; mais il achète trop souvent cette protection en faussant sa conscience par le mensonge socialement utile. Devant les autres, devant la société, tout homme devient un acteur car c’est déjà l’être, que d’écrire. On joue un rôle parce qu’on occupe une place dans la société. L’acteur dépend des autres, du public ; aussi sa fonction est protégée par la police. Au contraire, l’homme qui pour connaître se tient face à Dieu, non seulement parle peut-être dans le désert, mais il est exposé aux attaques de la religion et de la science, devenues des institutions sociales. Ainsi le veut la nature de la philosophie à sa naissance, ainsi la tragédie du philosophe. »

 

« Même quand elle aspire à l’objectivité, la philosophie ne peut pas ne pas être personnelle. Toute philosophie de valeur porte la marque de la personnalité de son auteur. Ce n’est pas vrai seulement des philosophies très individualisées de saint Augustin ou de Pascal, de Kierkegaard, de Schopenhauer ou de Nietzsche, car ce ne l’est pas moins de celles de Platon et de Plotin, de Spinoza, de Fichte et de Hegel. La personnalité du philosophe se manifeste déjà dans le choix des problèmes et dans la préférence pour l’un des types de philosophie distingués plus haut, puis dans la nature des intuitions prédominantes, dans la répartition de l’attention, dans l’ampleur de l’expérience spirituelle. » 

 

« Ce qui connaît, ce n’est pas l’esprit universel, ou la raison universelle, ni le sujet impersonnel, la « conscience en général » ; c’est le moi, l’homme comme existence concrète, la personne ; et le problème fondamental de la connaissance, c’est celui de ma connaissance, de la connaissance personnelle de l’homme lui-même. Toute pensée créatrice est intimement individuelle, non que l’individu y soit emprisonné en lui-même, limité ; les rayons lumineux sortent d’un unique foyer, mais la manière dont ils sont recueillis varie d’homme à homme.

 

NICOLAS BERDIAEV – ESSAI  D’AUTOBIOGRAPHIE SPIRITUELLE

Nicolas Berdiaev

Ed. Buschet-Chastel

 1992

Si l'on se dit œcuménique et passionné par l'histoire des idées, on ne peut pas ne pas lire la biographie de Nicolas Berdiaev. Indispensable pour la compréhension du christianisme orthodoxe dans sa version éclairée. En théologie orthodoxe, il a fortement contribué à la liberté d'esprit de "l'Ecole de Paris" qui a réuni les meilleurs théologiens russes en France après la Révolution d'octobre. Un homme libre

 

On pourrait qualifier cet extraordinaire ouvrage posthume de véritable testament spirituel. Le grand écrivain russe après avoir parlé de ses sources, de ses parents, de son enfance, retrace sa première conversion, sa première recherche du sens de la vie. Il fait revivre pour nous le monde révolutionnaire russe du début du siècle et la renaissance culturelle qu'il a suscitée. Puis c'est la révolution de 1917 et le communisme vu, si l'on peut dire de l'intérieur.

 

Enfin les années d'exil, en Allemagne puis à Paris où Berdiaev trace des portraits saisissants de ses rencontres. En même temps ou plutôt parallèlement à l'évolution des événements, Berdiaev nous fait assister à sa propre conquête spirituelle, depuis la tentative du christianisme, l'expérience de l'extase créatrice jusqu'à la philosophie définitive et l'ultime connaissance de soi. Cette autobiographie est l'écrit le plus significatif de Berdiaev.


Le critique Kenneth Walker du Sunday Times le place sur le même plan que les confessions de Saint Augustin et de Rousseau.

 

NICOLAS BERDIAEV – ESPRIT ET LIBERTÉ – ESSAI DE PHILOSOPHIE CHRÉTIENNE

Nicolas Berdiaev

Desclée de Brouwers

 1992

Quand l’homme revient à Dieu après une expérience d’apostasie, il connaît dans ses relations avec Lui une liberté qu’ignore celui qui a passé sa vie dans une foi paisible et traditionnelle, qui a vécu dans un « héritage patrimonial ». La souffrance passe, mais avoir souffert ne passe jamais. Cette vérité est exacte, par rapport à l’individu en particulier et par rapport aux sociétés humaines. Nous vivons dans une époque transitoire de crise spirituelle, où beaucoup de pèlerins errants reviennent au christianisme, à la foi de leurs pères, à l’Église, à l’orthodoxie. Ces hommes reviennent, ayant passé par l’épreuve de la nouvelle histoire, dont ils ont atteint les limites extrêmes. Ces âmes de la fin du XIXe et du commencement des XXe siècles sont des âmes tragiques. Ce sont de nouvelles âmes, dans lesquelles on ne peut déraciner les conséquences de l’expérience vécue.

 

Comment reçoit-on ces voyageurs revenant à la Maison du Père ? Trop souvent autrement que ne fût accueilli le fils prodigue de la Parabole. La voix du fils aîné, qui se glorifie d’être resté auprès du Père et de l’avoir servi, se fait par trop entendre. Cependant, parmi ces pèlerins de l’esprit, il n’y a pas seulement des hommes dépravés, il y a aussi des affamés, des assoiffés de Vérité ; et ils seront plus justifiés devant Dieu que d’innombrables « chrétiens bourgeois », qui s’enorgueillissent de leur pharisaïsme et s’estiment « grands propriétaires » dans la vie religieuse.

 

L’âme humaine est devenue tout autre qu’elle n’était quand elle reçut à l’origine le christianisme, alors qu’enseignaient les grands docteurs de l’Église, que dogmatisaient les conciles œcuméniques, que se formait l’état monastique, que dominait le régime théocratique et se forgeait la religiosité médiévale et byzantine. Cette transformation et cette épuration de la psyché se sont produites avant tout sous l’influence de l’action mystérieuse, souvent invisible et profonde, du christianisme même, qui triomphait intérieurement  de la barbarie et de la rudesse de l’âme en éduquant l’homme.

 

Nous ne trouvons pas de réponse aux angoissantes questions de Nietzsche dans les catéchismes et les enseignements des « startzi »  elles demandent dans le christianisme un complément créateur. Tout notre mouvement de philosophie religieuse russe des dernières décades, est passé par une expérience ineffaçable qui ne peut pas ne pas enrichir le christianisme. Elle ne résulte pas d’un processus de perfectionnement individuel ou d’une acquisition de sainteté. Toutefois, l’esprit ecclésiastique réactionnaire (non pas l’Église) s’oppose à la pensée créatrice de la philosophie religieuse et la renie. Le monde orthodoxe, d’esprit traditionnel, ne comprend pas encore que le christianisme cesse d’être, par excellence, la religion des simples d’esprit et qu’il doit se tourner vers des âmes plus complexes et découvrir une spiritualité plus profonde.

 

Ceux qui ont connu une liberté d’esprit illimitée et qui sont revenus en liberté à la foi chrétienne, ne peuvent effacer de leur âme cette expérience, ou en renier l’existence. La liberté, avec sa dialectique intérieure, la destinée tragique qu’elle porte en elle, est une expérience d’un ordre particulier, inhérente au christianisme même. Celui qui a surmonté d’une façon définitive les séductions et les tentations de l’humanisme, qui a découvert le néant de la divination de l’homme par l’homme, ne peut plus jamais renoncer à la liberté qui l’a mené à Dieu, à cette expérience définitive qui l’a libéré du Mal. On ne peut maintenir sur un terrain abstrait la question de la liberté religieuse et la traiter d’un point de vue statique. Je suis venu au Christ par la liberté, par l’expérience intime des chemins de la liberté ; ma foi chrétienne n’est pas une foi de coutumes patrimoniales reçue en héritage, elle fut obtenue par une torturante expérience de vie intérieure. Je ne connais pas de contrainte dans ma vie religieuse, je ne connais pas d’expérience de foi ou de religiosité autoritaires. Peut-on opposer à ce fait des formules dogmatiques et des théologies abstraites ? Non, car pour moi elles ne seront jamais réellement convaincantes.

 

La liberté m’a mené au Christ et je ne connais pas  d’autre chemin menant à Lui. Je ne suis pas le seul qui soit passé par cette expérience. Tous ceux qui ont quitté le christianisme-autorité ne peuvent revenir qu’au christianisme-liberté. C’est là une vérité de la vie expérimentale et dynamique, que l’on ne peut rattacher à aucune conception des relations de la liberté et de la grâce. C’est une question d’un tout autre ordre. J’admets que la grâce m’a mené à la foi, mais cette grâce, je l’ai vécue en pleine liberté. Ceux qui sont venus au christianisme par la liberté, lui apportent un esprit de liberté. Leur christianisme est nécessairement beaucoup plus spirituel, il est né dans l’esprit et non pas dans la chair et le sang. L’expérience de la liberté d’esprit est ineffaçable, mais l’arbitraire dans la liberté est un mal qui doit être surmonté. Ceux dont la religiosité est autoritaire et héréditaire comprendront toujours mal les hommes qui sont venus à la religion par la liberté, par l’immanence tragique de l’expérience vécue.

 

NICOLAS BERDIAEV – LE NOUVEAU MOYEN-ÂGE

Nicolas Berdiaev

Ed. L’Âge d’homme

 1990

Le Nouveau Moyen Âge de Nicolas Berdiaev est à la Révolution russe ressemble aux considérations sur la France de Joseph de Maistre. Les deux hommes partagent une même lecture théologique et providentialiste des événements historiques. Et Berdiaev n’hésite pas à rappeler tout ce qu’il doit au Savoyard. « Joseph de Maistre et le mouvement romantique du début du XIXe siècle fut une réaction contre la Révolution française et les lumières du XVIIIe siècle, mais c’était un mouvement créateur en avant qui a fécondé toute la pensée du siècle suivant », écrit-il. Si la pensée de Maistre est réactive, elle n’est pas à proprement parler « réactionnaire ». Berdiaev dénonce d’ailleurs le caractère spécieux de certaines étiquettes politiques : « Essayez d’appliquer aux époques de l’histoire universelle vos critères de la réaction ou de la révolution, de la droite ou de la gauche. Alors apparaissent tout le ridicule de ces critères, tout le provincialisme pitoyable de la pensée qui s’infiltre dans ces catégories. » Comme l’auteur des Soirées de Saint Pétersbourg, il sait que le nouveau Moyen Âge ne pourra être un retour en arrière car il a conscience du caractère tragique et irréversible de l’Histoire.

 

Après la Révolution d’octobre, Berdiaev renverse la perspective en affirmant que la volonté de conservation de l’idéal des Lumières en décomposition constitue le véritable visage de la réaction. Le monde d’hier, celui qui se meurt et vers lequel il ne peut y avoir de retour, c’est celui de l’histoire moderne. La Révolution française, elle-même héritière de l’Humanisme de la Renaissance, entérinait le déclin du Moyen Âge, organisé de manière théocratique et aristocratique. La Révolution de 1917 marque la fin des principes philosophiques qui se sont imposés au XVIIe puis au XVIIIe siècle.  « L’ancien monde qui s’effondre […] est aussi le monde de l’histoire moderne avec ses lumières rationalistes, avec son individualisme et son humanisme, avec son libéralisme et son démocratisme, avec ses brillantes monarchies nationales et sa politique impérialiste, avec son monstrueux système d’économie industriel capitaliste, avec sa puissante technologie, ses conquêtes et ses succès extérieurs, avec sa concupiscence sans retenue et effrénée de la vie, avec son athéisme et son apathie, avec sa lutte furieuse des classes et avec le socialisme comme couronnement de toute la voie de l’histoire moderne », martèle Berdiaev. Berdiaev, comme Maistre, pense la révolution sur le modèle du châtiment et de la purification. Mais la Russie possède un statut particulier et son destin historique n’est pas analogue à celui de la France. « La Russie n’est jamais définitivement sortie du Moyen Âge, de l’époque sacrale, et elle est en quelque sorte presqu’immédiatement passée des restes de l’ancien Moyen Âge, de l’ancienne théocratie, au nouveau Moyen Âge, à la nouvelle satanocratie », précise l’écrivain.

 

 La Russie a connu une modernisation partielle et tardive avec Pierre le Grand qui accéda au trône en 1682. Son régime politique est resté aristocratique jusqu’à la Révolution de 1917 et la société est demeurée structurellement inégalitaire jusqu’à l’abolition du servage en 1861. La Russie n’a pas connu de grands mouvements d’émancipation philosophique et individuelle comparables à ceux qui eurent lieu en France ou en Angleterre. La bourgeoisie, et l’idéologie qui l’accompagne, ne s’est pas imposée en tant que classe dominante comme ce fut le cas à l’ouest du Vieux Continent. En d’autres termes, la sécularisation de la société russe n’a pas eu lieu et le matérialisme qui est la matrice conceptuelle du communisme est tout imprégné de sacré. Pour Berdiaev, le monde moderne a enfanté deux monstres : le capitalisme et le communisme. Si le premier a pour volonté d’affaiblir le spirituel en l’homme par la négation, le second poursuit le même dessein mais sur le mode de l’inversion. « Le communisme […] annule le principe autonome et séculier de l’histoire moderne, il exige une société “sacrale”, une culture “sacrale”, la soumission de tous les aspects de la vie à la religion du diable, à la religion de l’Antéchrist », souligne l’auteur de L’Esprit de Dostoïevski.

 

Aux yeux de Berdiaev, le communisme est le signe de l’échec des valeurs du monde moderne. C’est tout particulièrement l’individualisme qui est mis en cause car il a montré toute la vacuité d’un concept de liberté anthropocentrique. « Il est impossible de libérer l’homme au nom de la liberté de l’homme, l’homme lui-même ne peut-être le but de l’homme », assure le philosophe. Or le communisme a un mérite incontestable : il réunit les hommes. Et pour Berdiaev « la Vérité est réunion et non désunion et démarcation ». De même, le bolchévisme se caractérise par son rejet virulent de la démocratie « liée à la suprématie de la couche bourgeoise » et « au système capitaliste industriel ». Pour reprendre l’analogie avec Maistre, la Révolution russe est donc un Mal – elle est à proprement parler satanique – mais elle est également providentielle dans la mesure où elle permet l’avènement du nouveau Moyen Âge, bien qu’elle n’en soit pour l’instant que son expression négative.

 

Le nouveau Moyen Âge éclairé, celui que Berdiaev appelle de ses vœux, renversera les valeurs qui avaient fondé le monde moderne. À l’individualisme, il substituera la communion des hommes ; au matérialisme, il substituera l’amour pour les choses de l’esprit ; au rationalisme, il substituera la théosophie et le retour aux sciences occultes ainsi qu’à la magie ; à la démocratie, il substituera la monarchie. Le progrès sera quant à lui regardé comme une idole dangereuse, comme le Dieu illégitime d’une époque révolue.

 

NICOLAS BERDIAEV – LE SENS DE L’ACTE CRÉATEUR

Nicolas Berdiaev

Edition Esprit

 1948

Nicolas Berdiaev n’était pas un catholique. Les catholiques pourraient être surpris de le voir soutenir telles opinions qui semblent aller à l’encontre de ce qu’enseigne leur Église, et aussi bien, d’une manière générale, l’Église orthodoxe. Berdiaev cependant est resté en communion avec son Église, ce qui ne l’empêchait pas de la critiquer, — non, certes, sur son essence, mais dans son comportement historique, dans ses timidités, sa passivité surtout, sa peur d’éployer ses ailes divines au milieu ou au-dessus de « ce monde » et, avant tout, dans sa servilité à l’égard du pouvoir temporel.

 

Sa première dénonciation de l’équivoque résultant de cette connexion officielle des deux gouvernements, profane et religieux, dans ce prétendu Saint-Synode qui mettait en fait l’Église de Russie sous le contrôle d’un tsar, attira sur Berdiaev un mandat d’expulsion que la révolution russe, éclatant soudain en 1917, vint annuler. Au Synode, qui pouvait consacrer abusivement un pouvoir autocratique, le philosophe chrétien opposait l’Église patriarcale, telle qu’elle a été rétablie depuis.

 

Plusieurs ne s’en étonneront pas moins, à la lecture de bien des pages de cet extraordinaire ouvrage, écrit avant 1914 mais où Berdiaev est déjà entier, que l’Église orthodoxe n’ait point, à son tour, exclu de sa communauté le philosophe indocile qui en était  l’auteur.

 

Assurément sa foi, comme sa noblesse spirituelle, restait hors de cause, mais Berdiaev jugeait avec tant d’indépendance la hiérarchie ecclésiastique et jusqu’à la théologie officielle — sans au reste éprouver le moindre besoin d’atténuer sa pensée, j’écrirais volontiers : au contraire, — qu’il eût semblé naturel de voir cette hiérarchie ecclésiastique, avec ses théologiens, s’en affecter.

Mais, en Russie, l’Église orthodoxe, dont le magistère se borne plus ou moins à méditer sur les Pères grecs et à prêcher l’ascétisme, et qui n’a pas eu de tradition proprement scolastique, s’effarouche moins que nos théologiens catholiques de formulations aventureuses comme il s’en trouve à foison dans les livres de Berdiaev. Non que la hiérarchie ait jamais fait sienne aucune des vues de Berdiaev ni même qu’elle n’ait pas, à l’occasion, mis en garde les fidèles, ici ou là, contre l’esprit révolutionnaire — ou frondeur — d’un homme que tous admiraient pour son érudition, sa sincérité irréductible et sa valeur morale, mais qui passait pour un original, un isolé, — ce qu’il était, — peut-être pour un illuminé, — ce qu’il se sentait être.

 

Illuminé, oui, car c’est du cordonnier allemand Jacob Böhme, l’auteur du De signatura rerum, ainsi que l’avait fait avant lui, en France, Louis-Claude de Saint-Martin qui eut tant d’influence sur les esprits les plus distingués à la fin du XVIIIe siècle, et du poète mystique Angélus Silesius, que se réclamait en premier lieu Nicolas Berdiaev. Il se réfère plus souvent à Böhme ou à son commentateur catholique, François Baader, qu’à saint Paul ou même à saint Basile. Lorsqu’il nomme saint Thomas d’Aquin, c’est comme s’il parlait d’un notaire, c’est-à-dire d’un de ces maîtres de l’objectivation, « réalistes naïfs » qui se sont  figuré que l’on pouvait immobiliser une doctrine qui doit être insaisissable et pur mouvement. C’est ainsi que Nicolas Berdiaev n’a point l’air de se rappeler que saint Thomas a cette définition de Dieu, propre à répondre dans l’absolu à tout ce que lui, en tâtonnant, cherche si passionnément à évoquer : l’Acte pur. Mais, répétons-le, Berdiaev n’était pas catholique, ou plutôt, je le répète, il n’était pas un catholique, et il n’eut jamais souci de le paraître.

 

Alors pourquoi, demandera-t-on, les catholiques s’intéressent-ils à lui ? C’est bien simple. L’esprit de Berdiaev, qui est la noblesse même — j’y insiste, — se fraie des passages dans l’obscurité qui font étinceler des splendeurs où nous nous étions habitués à ne rien voir. Et son cœur est si droit que, à travers des propositions inacceptables pour le catholique, il apporte à celui-ci mille raisons de se renouveler dans la foi. J’irai plus loin. Je ne crois pas tellement hérétiques les hérésies de Berdiaev. Mais son culte de la Liberté est si impérieux qu’il ne veut pas s’enclore dans une « orthodoxie » contraignante. Ce serait faire injure à la seule « dame de beauté » qu’il ait résolu de servir et qu’il doit, à tout instant, élire à la place de la déesse Nécessité, laquelle ne se présente au chrétien, pense-t-il, que comme une tentation. Par fidélité à la divine Liberté, Berdiaev est un esprit qui refuse la maîtresse facile qui s’offre à nous sous les formes communes de la pourvoyeuse de sécurité. Même s’il a la vocation de l’orthodoxie, il lui faut échapper à ses objectivations, sous peine de trahir cette seule chose qui, en nous, selon Berdiaev, soit incréée, étant de la nature divine de l’esprit, parce que de l’Esprit divin lui-même, la Liberté.

 

C’est ici que le métaphysicien pourra reprocher à Berdiaev de tout fonder sur un postulat : la Liberté est avant l’Être. Il en serait du moins ainsi en Dieu, et, par le phénomène du reflet, nous retrouverions ce processus dans notre psychisme subjectif. Cet Urgrund de Jacob Böhme, c’est Un absolu de Plotin, ce Non-Être primordial des mystiques spéculatifs, porte chez Berdiaev le caractère de liberté. Et, tout le long du présent ouvrage, c’est la liberté qui apparaît comme le moteur divin de cette création spirituelle que Dieu attend de nous. Là est d’ailleurs le thème central du Sens de la création et l’unique sujet, en deux temps : liberté, création, des autres livres du philosophe russe. Or le fait que ce soit la liberté comme telle qui, en Dieu, précède l’être, et non pas un ante-être qui serait, comme d’autres l’ont dit, l’« être avant que d’être », et où le couple liberté-nécessité ne se présente nullement comme contradictoire, mais comme liberté (que seul à Dieu) de ne pas être du non-être, ce qui est nécessaire à qui est l’Être, cependant, pour qu’il soit cause de lui-même, et il n’est point d’autre liberté ; — le fait que Dieu doive être en propre liberté et non point être (cet « être » n’étant, au demeurant, pour Berdiaev, qu’une objectivation d’un esprit créé, limité, un concept fatalement inadéquat, parce que pour Berdiaev l’analogie est trompeuse) laisse entendre que le philosophe de la « liberté créatrice » s’est fait de l’Être même une idée kantienne, qu’il a été privé, comme les philosophes modernes dans leur généralité, de cette « intuition de l’être » (et non de l’un de ses attributs) qui sacre le métaphysicien.

 

En un mot ce dialecticien n’est pas un métaphysicien. Et c’est probablement pourquoi ses hérésies n’en sont pas d’authentiques. Mais, ce qui est authentique en lui, c’est une vertu, ou la vertu, — le courage, disait-il,  — qui détermine son choix. Son raisonnement peut s’accommoder de formulations hérétiques, en fait sa volonté choisit le vrai. C’est là un phénomène plus insolite qu’on ne le croit. On va me juger paradoxal, mais je ne peux m’empêcher de sentir ceci, et je me fais un devoir de le noter : une déviation doctrinale chez un philosophe catholique contemporain de Berdiaev est plus grave, ou me paraît plus grave, que plusieurs erreurs formelles aux yeux de la théologie exprimées par Berdiaev. Et mon jugement se motiverait de la sorte. La moindre déviation doctrinale dans la pensée d’un philosophe catholique diminue la portée de la doctrine, elle rogne sur un tout. Les pseudo-hérésies de Berdiaev ne sont jamais des choix mutilants ; elles procèdent d’une pensée insatisfaite, d’une pensée « géniale », qui est toujours augmentant. C’est que Berdiaev est schismatique par principe, comme le chevalier se met en marge de « ce monde » qui est réservé aux profiteurs de la terre et à ceux qui les envient, aux bourgeois accomplis ou aux bourgeois en devenir (les Russes, depuis qu’ils ont lu Karl Marx, ont identifié dans le bourgeois, le « petit-bourgeois », tout ce qui défie non plus seulement le progrès social mais bien davantage l’infini), et Berdiaev habille ses vérités, nos vérités, en « hérésies » pour les aimer librement. Et sa dialectique a beau accumuler les risques d’hétérodoxie et de scandale, ce qu’il veut dire est toujours juste, profondément et sublimement juste.

 

Aussi se forge-t-il de la philosophie une idée très éloignée de celle d’Aristote ou de saint Thomas. La philosophie n’est pas chargée de « connaître » : c’est le rôle de la science, avec laquelle toute jonction, aux yeux de Berdiaev, est néfaste. Il écrit en 1914, avec [18] beaucoup de pertinence, que chez Bergson les références à la science de son temps déshonorent sa belle philosophie. La sienne refuse même de s’embarrasser de logique, elle est l’art de la pensée, son génie plus exactement. En réalité, elle est, pour Berdiaev, la manifestation intellectuelle de la liberté incréée mais créatrice qui est dans l’homme, plus profondément que tout le reste, ainsi qu’il est dit que dans le principe, le Verbe était en Dieu. C’est le même Verbe, le même élan spirituel et créateur, qui est venu dans l’homme, et que l’homme ne veut pas recevoir aussi longtemps qu’il refuse d’être enfant de Dieu et de partager sa liberté (la « liberté des enfants de Dieu »). La philosophie, pour Berdiaev, est un acte de l’esprit, qui crée des valeurs vraies, parce qu’il émane, parce qu’il monte, de l’Urgrund, de l’abîme de la liberté, ce quelque chose de sans fond antécédent à l’être. On comprend, dès lors, que pour Berdiaev la philosophie, la sienne — celle de la liberté créatrice, — ne soit plus qu’une expression de la spiritualité, une illumination du cosmos, qu’elle débouche normalement sur le mystère et soit contiguë, d’une part, à la prophétie et, d’une autre part, à la magie. Tout cela ressort en clair des pages qui suivent.

 

Ainsi nous pourrions appliquer au philosophe russe ce qui a été dit, au XVIe siècle, du jeune Pic de la Mirandole : qu’il a introduit l’esprit de tournoi et de chevalerie dans la philosophie. Et l’auteur du Sens de la création en a parfaitement conscience. C’est comme aristocrate que sa « dame de beauté » l’a toujours amené à défendre, non pas en considération des principes démocratiques, dont il avait horreur, mais de la seule dignité de l’image et ressemblance de Dieu qu’est l’homme, qu’est tout homme, enfin de la « personne  humaine », pour s’exprimer avec la banalité du langage moderne, ceux qui attaquent la fausse paix du monde. Berdiaev était pour la lutte sociale et pour la guerre spirituelle. S’il figurait parmi les révolutionnaires et les hommes de gauche, c’est parce qu’il se plaçait philosophiquement du côté du changement. Il était — nous allons en voir la raison — ennemi de toute immobilité, de tout contentement « bourgeois », de toute sclérose artistique, bref, de tout statu quo. Pour lui l’immobilité n’est qu’un ensorcellement ; le héros sera cet homme qui mettra fin, par son acte de créateur, aux enchantements de la forêt de Brocéliande. Il fut un des rares penseurs du vingtième siècle qui osèrent préférer la vérité du romantisme à celle du classicisme. Il rejoint sur ce point les positions d’Ernest Hello, qui s’était abreuvé, il est vrai, aux mêmes sources allemandes que lui. « La parole est un acte, c’est pourquoi j’essaye de parler », avait écrit Hello, qui attendait peut-être de ce mot, proféré solennellement en tête d’un de ses livres, comme un renouvellement de la création.

 


Mais Berdiaev est d’un temps où les artistes ne font plus gronder les nuées et descendre les éclairs sur des formes effarées ou pâmées, il appartient à son époque, même si elle lui déplaît ; il raffole de Botticelli, de Léonard, mais il accepte d’être contemporain de Picasso. Il a été un des premiers à parler de celui-ci, à distinguer les linéaments de l’avenir dans les efforts du futurisme et les opérations chirurgicales du cubisme. Lui aussi tourne le dos à la tradition pour  faire tomber les murs qui masquent l’inconnu du lendemain. Et sa philosophie chevaleresque procède comme la peinture de Braque et de Picasso, mais c’est à la pensée, non à l’art, qu’il adapte cet esprit d’aventure. Et pas à n’importe quelle pensée : à la plus grave, à la pensée que l’homme peut avoir librement sur Dieu — et, une fois qu’il a éprouvé en lui comme une naissance de Dieu, — sur l’homme, ressemblance et image de Dieu. C’est là que son « génie », ou son système de la « génialité », — tout compte fait, ce n’est rien d’autre, pour lui, que la philosophie : une « génialité », et il emploie le mot à tout instant quand il veut louer une pensée, une expérience spirituelle, — trouve à s’exercer pleinement. C’est ici, également, que ses propositions, pour un catholique, sont les plus aventureuses, mais nous serions impardonnables de ne pas faire avec elles un bout de chemin, ne fût-ce que pour les redresser aux lumières (si l’on peut dire que ces très lumineuses obscurités sont des lumières) de la mystique expérimentale et des données de la foi.

 

Quand Berdiaev, débarrassé de toute logique préventive et de tout appareil théologique, s’engage, au nom de son amour de chevalier, sur les pistes des découvreurs de Dieu, il rencontre une dualité, toujours la même : Dieu et l’Homme. Pas n’importe quel homme : l’Homme absolu, la « véronique », la véritable image et ressemblance de Dieu, l’Adam Kadmon des anciens, cet Adam que Dieu (et homo factus est) s’est fait, ou que Dieu veut se faire : le Christ. Pour Berdiaev, s’il y a Dieu et l’homme, quand il veut regarder Dieu, c’est tout de suite le Christ qu’il a en vue. Il ne parle guère de Duns Scot, mais l’idée scotiste du Christ éternel, de l’Homme éternel, dans ce sens, eût pu et dû le séduire. Car, s’il reproche tant au christianisme de ne pas avoir d’anthropologie et s’il voit là le secret de sa faiblesse dans les temps actuels, c’est que lui est tout prêt à lui substituer une christologie qui répondrait, pense-t-il, à tous les besoins de l’humanité. Pour Berdiaev, en effet, ce que Dieu attend de nous, ce n’est pas que nous nous perdions en lui, dans une effusion mystique qu’il pouvait juger panthéiste, mais que nous acquérions cette taille de l’Homme absolu, que l’obsession du péché et du salut à gagner, du salut individuel, phobie du penseur russe, nous empêchera toujours d’atteindre. Est-ce que Berdiaev conseillait de ne pas s’occuper du péché pour être pleinement homme, à l’instar de trop de pseudo-mystiques, en se souciant peu de le commettre ? Nullement. Pour Berdiaev, ne pas s’occuper du péché consiste pratiquement à renoncer à lui, à s’en aller de lui. Le chapitre sur la sexualité et le mariage, au malthusianisme si hardi, ne manquera pas de dérouter les chrétiens modernes. Et pourtant comme il est évangélique dans sa simplicité purificatrice, dans son grand élan pneumatique ! Mais ici encore les idées de Berdiaev ne sont admissibles que dans leur rapport avec l’esprit de création que Dieu nous a insufflé pour entreprendre ce que le philosophe appelle « l’œuvre du huitième jour ».

 

Ce doit être là l’œuvre de l’homme. Dieu ne nous aurait créés, de son éternité, que pour être créateurs, dans le temps, à son image. Et c’est là que Berdiaev se montre si nouveau, car il ne s’agit pas à ses yeux de productions artistiques ou scientifiques, les unes et les autres n’étant que des symboles : c’est la réalité d’une création spirituelle qui est prévue et désirée pour nous par Dieu, ou du moins par ce qui est créateur en Dieu, le Mouvement intérieur qui fait que Dieu en trois personnes, tri-un, n’est point une impassibilité comme il a semblé, mais un dynamisme créateur, un Dieu qui, si l’on reprenait le mot de Nietzsche sur l’homme, serait, de façon ineffable, quelque chose — l’Être — qui entend se surmonter éternellement. Folie sans doute, et Berdiaev n’écrit pas cela, mais il m’a l’air de le penser et, quand il dit qu’il faut que l’Homme naisse en Dieu comme Dieu naît dans l’Homme, pour que nous ayons une christologie parfaite, une anthropologie absolue, il prévoit une autre union que celle du mystique à Dieu, il prévoit un échange d’amour entre deux personnes, comme il existe en Dieu, et l’on voit se dessiner, allant de l’un à l’autre, le Saint-Esprit réalisant la transfiguration du monde.

 

Mais, pour que le Royaume arrive, le Dieu de Berdiaev veut que dans l’intervalle nous passions par la fin du monde, la fin de « ce monde » pour qui le Christ n’a pas prié, car il est un obstacle à sa gloire, à l’établissement du Royaume, si l’on préfère : au règne du Saint-Esprit par l’Homme. Dans cette optique nous ne lui demandons pas des précisions matérielles qu’il ne pourrait pas nous fournir, mais dont nous avons des indices obscurément révélateurs dans les successions non-évolutionnelles mais librement contrastées de l’histoire. La philosophie de Berdiaev ne cesse de nous être présentée par son auteur comme une eschatologie. Mais cette dernière, dans son esprit de chrétien, n’a pour but que de nous délivrer de « ce monde » des contraintes, de « ce monde » des limites, de « ce monde », en un mot, de la nécessité, qui doit être abattu. Malheureusement, avant l’action du chevalier, tous les faussaires de l’Absolu, tous les  possédés (ceux de Dostoïevski), autrement dit les démons, s’attaquent aux limites de « ce monde » dans un esprit totalement contraire à celui de la liberté. En 1900, le jeune Berdiaev, qui avait exorcisé son marxisme et combattu son matérialisme, dans une œuvre qui en Russie avait fait du bruit, Subjectivisme et individualisme dans la philosophie générale, le chevalier Berdiaev n’avait pas fait l’expérience du communisme bolcheviste, il n’avait pas assisté à l’éclosion du fascisme et à l’apparition du hideux blasphème nazi. Avant de mourir il devait en éprouver un grand accablement, une douloureuse amertume. « Après le bouleversement intérieur lié à l’expérience d’exaltation créatrice par laquelle j’étais passé, je n’ai jamais trahi ma foi dans la vocation créatrice de l’homme. Mais mon espoir d’une nouvelle époque créatrice, que j’avais crue imminente, faiblit en raison des événements catastrophiques. » C’est ainsi qu’il s’exprimera dans son Autobiographie spirituelle. Ces catastrophes historiques, qu’il avait toujours prévues, ne « créeront pas » des « mondes absolument nouveaux », elles n’en donneront que « l’impression ». Cependant, ajoutait-il, « elles se montrent nettement défavorables à la création, telle que je la concevais, telle que je l’imaginais pour l’imminente époque nouvelle, religieuse-créatrice ». La Parousie est ajournée.

 


Mme L. Julien Cain, qui a traduit avec autant de soin que d’intelligence le Sens de la création, nous rappelle que Berdiaev avait écrit ce livre d’un seul jet et, disait-il lui-même, « presque en état d’extase ». [24] Ceci est d’importance, car il prouve que, s’il y a chez Berdiaev du génie, c’est dans le présent livre qu’il sourd avec le plus de spontanéité, par conséquent de « liberté ». Le philosophe insiste, se révèle, se développe, ne se reprend pas. On touche sa pensée à nu dans cet ouvrage que son auteur estimait capital et qu’il ne comparait qu’à cet autre livre, écrit beaucoup plus tard, en France, De la destination de l’homme. Au temps où il rédige son Sens de la création, il fait penser lui-même à ces hommes de la Renaissance qu’il voyait « débordants de forces créatrices ». Il est alors inspiré ; il a saisi quelque chose d’éblouissant et d’inconnu entre Dieu et l’Homme. « J’admettais, écrit-il, parlant de son livre, que l’homme détient ses dons créateurs de Dieu, mais il y a un élément de liberté inhérent aux actes créateurs de l’homme qui n’est déterminé ni par le monde ni par Dieu. La création est la réponse de l’homme à l’appel de Dieu. »

 

Si l’on juge cette assertion bien prétentieuse, Berdiaev répond, ce qui est incontestable, que, « si l’œuvre de rédemption et de salut peut se passer de création », — de création humaine, — « pour le Royaume de Dieu l’action créatrice de l’homme est indispensable ». Enfin Dieu nous sollicite pour une collaboration qui est inscrite, si l’on veut, in aeternum, dans le fait, qui a eu lieu, même si le péché de l’homme l’a provoqué, de l’Incarnation du Verbe divin. Le christianisme pour Berdiaev ne sera réalisé — ce qui se produit dans la vie des saints — que lorsqu’il le sera « en tant que religion de l’humaine divinité ». Le philosophe a, reconnaît-il, « l’audacieuse conscience du besoin que ressent Dieu de l’acte humain créateur, de la nostalgie de l’homme créateur ressentie  par Dieu ». Il s’explique : « La création humaine continue la création du monde. La continuation et la perfection de la création du monde est une œuvre humano-divine : Dieu œuvrant avec l’homme, l’homme œuvrant avec Dieu. » La réalisation plénière d’un chrétien ne consiste-t-elle pas à faire fructifier l’héritage du Christ, Verbe incarné, — Verbe créateur incarné ? Et que l’on n’aille pas nous dire, comme trop de catholiques timorés, qu’il suffit de faire ici-bas son salut, car c’est un jeu de leur rétorquer l’impitoyable parabole des talents. Le Maître des dons s’y affirme sévère et cupide : il faut que les talents reçus produisent au minimum leur double. Celui qui, craignant Dieu, enterre son talent pour le sauver, perdra ce qu’il avait reçu, au profit du meilleur « réalisateur », comme l’autre (ou le même) perd sa vie pour la vouloir sauver. Cette parabole, que Berdiaev, je crois, a négligé de citer, est le meilleur argument chrétien, christologique, en faveur de sa thèse.

 

Ce philosophe n’aimait pas le panthéisme, l’évolutionnisme ; ces doctrines consistent à vouloir que le destin se fasse nécessairement, automatiquement, en privant de leur liberté les rouages d’un tout qui échappent à la mécanique dès l’instant que, grâce et beauté, ils savent qu’ils ont le pouvoir non seulement de faire, mais aussi d’aimer la chose à faire : les hommes, ces images et ressemblances de Dieu. Quant à la doctrine courante des spirituels et même des mystiques, orthodoxes ou hétérodoxes, ceux de l’Inde plus spécialement, qui tient qu’il suffit à l’homme de mourir à soi-même et de laisser la place au Bien-Aimé, elle lui semblait, avec raison, incomplète, si, comme il le suppose, l’union s’arrête à la mort mystique de la créature et ne mène point à la résurrection de la vivante finitude  immolée. Les apparences sont trompeuses (le Christ après la Résurrection se confond pour l’Amoureuse elle-même avec le jardinier), mais il n’est pas injuste de traiter d’incomplète une opération qui laisserait le Saint-Esprit sur sa faim et ne conduirait pas le mystique jusqu’à la récupération, sous une forme à peu près indescriptible, (les catholiques disent cependant : union transformante) d’une personnalité que son sacrifice divinise mais n’anéantit pas. Et l’on comprend que Berdiaev ne se plaise pas à imaginer un Tout-Puissant qui crée un monde pour le regarder tourner comme un manège perpétuel, sans que les vivants n’aient rien d’autre à faire que mourir docilement et chacun à son tour.

 

 Ce n’est pas pour rien que Dieu vous donne la vie, écrirait Berdiaev, c’est pour témoigner que vous êtes ses créatures en devenant créateurs comme lui. Il regrette que le christianisme ait l’air de prendre pour zéro ce que l’homme, sous le regard de Dieu, peut faire de ses facultés, de son esprit, de son cœur, de ses mains, comme si la création avait à être justifiée : c’est elle qui est justifiante, c’est elle qui prouve que nous sommes « des dieux par participation » (sainte Catherine de Gênes). Et, si l’homme reçoit ce pouvoir d’un Dieu qui l’aime comme lui-même et le veut tel que Lui, c’est que tout a été fait pour l’homme, image et ressemblance de Dieu, à travers le Christ. Il y aurait un « humain prééternel en Dieu ». C’est là le fond de la pensée de ce chrétien excentrique mais fidèle. Il déclare : « L’humain est inhérent à la seconde Personne de la Sainte Trinité. » Mais, naturellement, à lui aussi, Berdiaev, est venu ce sentiment d’étonnement incoercible qui nous angoisse à la vue de l’homme réel, palpable, tel qu’on l’a sous les yeux, fut-il d’une  moralité correcte, d’une intelligence un peu déliée et d’un physique agréable — ce qui est loin d’être toujours le cas. Et sa foi n’en a pas moins ce mot désinvolte : « La bassesse de l’homme empirique ne saurait ébranler ma conviction à ce sujet. J’ai le pathos de l’humanité, bien que je sois de plus en plus persuadé du peu d’humanité dans l’homme. »

 

Et c’est ici que Berdiaev se penche et nous oblige à nous pencher sur le mystère d’un gouffre que peut-être Jacob Bœhme avait déjà exploré à sa manière, et les kabbalistes avant lui, certainement, et que les humanistes ont tout fait pour obstruer : ce qu’il y a de plus humain dans l’homme, ce n’est pas l’homme. Et c’est le « sens de l’acte créateur » qui nous l’apprend, et, du coup, porte l’homme à se chercher au-dessus de lui-même, non point dans le « surhumain » de Nietzsche, qui est aussi fallacieux et décevant que le sous-humain des matérialistes, imposé à tous par le monde actuel avec son numérotage anthropométrique. Si ce n’est pas en Dieu que tu te cherches, tu ne te trouveras point. Berdiaev le répète souvent, il nous l’assure et son œuvre le démontre à satiété : « Dieu est humain, mais l’homme est inhumain. »

 

Voilà pourquoi, par-delà l’Évangile, qui ne manifeste pas toute l’anthropologie que pressent Berdiaev mais qui la donne substantiellement dans l’Homme-Dieu, c’est-à-dire dans le Christ, en la tenant plus voilée sur sa croix qu’au Thabor, le chevalier philosophe postule un supplément de révélation et en ferait volontiers, comme d’autres y ont songé avant lui, de Joachim de Flore à Léon Bloy, cet Évangile du Saint-Esprit qui ouvrirait un âge que les faussaires parodient et que les catastrophes déchaînées par les ennemis de l’homme, — les mêmes que ceux de  Dieu, — retardent autant qu’elles peuvent. Cet âge serait celui d’une terre et d’un ciel nouveaux. Est-il encore du temps et de notre vie mortelle, ce plus beau des mondes que dessine à grands traits, à la fin de son livre, l’impatience de Berdiaev ? On y passe, en effet, de « l’Église du Golgotha », comme il définit la nôtre, à ce monde transfiguré que les Russes ont toujours tendance à faire partir de Pâques. « L’amour ne s’est montré dans l’Église que symboliquement et non réellement, dans la liturgie et non dans la vie », écrit ce philosophe impitoyable. Mais lui-même traite plutôt l’Église, ici, comme un symbole d’objectivation que comme une réalité mystique. Les signes efficaces que sont nos sacrements, s’ils sont soutenus par une liturgie, fournissent toutefois la vie réelle à des âmes réelles.

 

Ce n’est d’ailleurs pas à la vie sacramentelle que Berdiaev s’en prend dans sa critique de l’Église orthodoxe, ou de l’Église romaine, c’est à des formes sociologiques de religion. Quand il dit : « Le centre religieux se sera déplacé ; de la sphère ecclésiastique et conservatrice, il passera dans la sphère prophétique et créatrice », on n’est pas si loin de l’Apocalypse johannique : « Dieu fera toutes choses nouvelles. » Mais, avec Berdiaev, on ne sait pas très bien si le Royaume de Dieu, appelé à remplacer, avec notre aide active, « ce monde », doit s’accomplir dans un temps comme celui qui nous est octroyé ou post mortem. Il apparaît vague sur ce point. Mais le philosophe est sûr, quant à lui, que son intuition ne le trompe pas : des temps d’homme adviendront, qui ne seront plus contrariés par tout ce que Berdiaev abomine et qui empêche le Créateur de trouver dans l’Homme ce regard pur d’une image de Dieu libre de créer en Dieu cette réponse humaine que Dieu  sollicite de toute éternité et qui ne peut être proférée que par une volonté libre. C’est vraisemblablement cela, et le renouvellement de l’Univers qui en résulte, que Berdiaev entendait par cette énigmatique naissance de l’homme en Dieu.

 

NICOLAS BERDIAEV – DE LA DESTINATION DE L’HOMME

Nicolas Berdiaev

L’Âge d’homme

 2010

Nicolas Berdiaev, ce " prophète des temps nouveaux ", né à Kiev en 1874, est mort près de Paris en 1948. On lui doit un grand nombre d'essais de philosophie, de philosophie religieuse et d'histoire. Citons parmi ses grands ouvrages La philosophie de la liberté, Le sens créateur, L'esprit de Dostoïevski, Le nouveau Moyen Age, Christianisme et réalité sociale. De la destination de l'homme est certainement l'un des livres les plus importants de Nicolas Berdiaev, dans lequel il expose la totalité de sa doctrine éthique et sa vision chrétienne de la mission de l'homme.

 

Je cite : L’esprit est toujours vérité, vérité orientée vers l’éternel. L’esprit échappe au temps et à l’espace. Par son caractère intégral, il s’oppose au morcellement temporel et spatial. L’esprit n’est pas être, mais il est le sens de l’être, la vérité de l’être. L’esprit est également intelligence, mais une intelligence intégrale. L’esprit est aussi bien transcendant qu’immanent. En lui le transcendant devient immanent et l’immanent transcendant. L’esprit n’est pas identique à la conscience, mais la conscience se construit par l’esprit, et c’est aussi l’esprit qui transcende les limites de la conscience, qui atteint au supraconscient. L’esprit présente un aspect prométhéen, il se révolte contre les dieux de la nature, contre le déterminisme du destin humain ; l’esprit est une évasion, une évasion vers un monde supérieur et libre.

 

L’éternelle tragédie de la famille est due à ce que l’homme et la femme représentent deux mondes distincts, dont les fins ne coïncident jamais. Ce principe tragique existe déjà dans l’amour, mais il se cristallise dans la famille, où tout s’alourdit, se solidifie, et où le tragique lui-même acquiert un caractère banal. La femme a une structure psychique et un sentiment de la vie qui se différencient radicalement de ceux de l’homme. Elle attend de la famille et de l’amour incommensurablement plus que lui. Il y a, en effet, dans son attitude à l’égard du sexe une intégralité et une absoluté, auxquelles ne peuvent correspondre le dédoublement et la relativité de l’attitude masculine. En somme, la plupart des mariages sont malheureux. Ils dissimulent de pénibles conflits mettant aux prises le conscient et l’inconscient. Le premier, élaboré par la quotidienneté sociale, cherche à étouffer le second, qui engendre dans la famille un nombre incalculable de difficultés. Seul l’amour authentique parvient à surmonter leurs conflits et à résoudre merveilleusement leurs relations. Mais l’amour véritable est une fleur rare dans notre monde, il n’appartient pas à la quotidienneté.

 

Lorsque l’amour existe, en tant que fondement ontologique de l’union conjugale, la question de la nécessité de la monogamie absolue ne se pose pas. Elle ne se pose que lorsque le sentiment véritable a disparu, qu’il s’est refroidi ou a péri et que l’on s’efforce de substituer à l’intérieur ce qui est extérieur, à l’énergie bienfaisante, la loi. L’union monogamique absolue n’est créée qu’en prévision d’un malheur possible, car dans le bonheur, on n’y songe même pas et il n’est point utile d’avoir recours à la loi pour l’affirmer. La monogamie n’apparaît contradictoire que dans l’amour malheureux, dans l’incompatibilité fatale. Et il faut bien reconnaître qu’en fait elle ne correspond pas à la loi naturelle de l’union sexuelle. Elle n’est en aucune façon inhérente à la « nature » ; de l’homme, elle n’a pas toujours existé et ne s’est formée qu’à un certain stade du développement humain. Si la monogamie est possible, elle ne l’est réellement que selon la grâce, mais nullement selon la nature ou selon la loi. Elle est bien plus un phénomène d’ordre spirituel et mystique que d’ordre naturel et social.

C’est en cela que réside d’ailleurs son paradoxe fondamental. En effet, le mariage monogamique est revendiqué par la quotidienneté sociale, à laquelle précisément il n’est pas inhérent par sa nature. Nous sommes donc amenés à reconnaître qu’on ne peut l’affirmer que nominalement, mais non réellement. Dans le royaume de la banalité civilisée, le foyer monogamique trouve son corrélatif et son correctif dans l’effroyable phénomène de la prostitution, au sens large du terme, un des phénomènes les plus infamants de la vie humaine, légalisés par la quotidienneté. à vrai dire, la monogamie réelle n’existe pas dans la société contemporaine ; elle n’est qu’un mensonge, qu’une hypocrisie conventionnelle et qu’un nominalisme de la loi. Aussi une révolte contre la vieille famille monogamique était-elle absolument normale. Nicolas BERDIAEV, De la Destination de l’homme, Essai d’éthique paradoxale, 1931.

 

NICOLAS BERDIAEV OU LA RÉVOLUTION DE L’ESPRIT

M.M. DAVY

Edition Albin MICHEL

 1999

Cet homme avait reçu, dès l'enfance, la marque indélébile du divin. Il était habité par une présence et son regard, sa pensée, sa voix elle-même en témoignaient."


Ainsi parlait Marie-Madeleine Davy d'un des plus grands penseurs orthodoxes du XXe siècle, Nicolas Berdiaev (1874-1948). Cet aristocrate russe, emprisonné à plusieurs reprises pour ses idées révolutionnaires par le régime tsariste, puis expulsé de Russie en 1922 par le régime communiste, participa activement, dans les années trente, à l'émergence de ce que l'on a appelé l'existentialisme chrétien.

 

Sa spiritualité, réfractaire à toute emprise confessionnelle, fondée sur une théologie de la liberté, en a fait un compagnon critique de tous les mouvements d'émancipation sociale de son temps. Prophète d'une révolution de l'Esprit, Berdiaev a su faire fructifier, au cœur de la pensée moderne, l'héritage qu'il avait reçu de la mystique chrétienne orientale.


Marie-Madeleine Davy, auteur de nombreux essais de spiritualité parus aux éditions Albin Michel, témoigne ici de l'homme qu'elle a longtemps côtoyé dans les cercles œcuméniques du Paris d'avant-guerre, et nous offre une synthèse lumineuse de cette oeuvre hors du commun. 

 

Je cite Berdiaev : « L’esprit est toujours vérité, vérité orientée vers l’éternel. L’esprit échappe au temps et à l’espace. Par son caractère intégral, il s’oppose au morcellement temporel et spatial. L’esprit n’est pas être, mais il est le sens de l’être, la vérité de l’être. L’esprit est également intelligence, mais une intelligence intégrale. L’esprit est aussi bien transcendant qu’immanent. En lui le transcendant devient immanent et l’immanent transcendant. L’esprit n’est pas identique à la conscience, mais la conscience se construit par l’esprit, et c’est aussi l’esprit qui transcende les limites de la conscience, qui atteint au supraconscient. L’esprit présente un aspect prométhéen, il se révolte contre les dieux de la nature, contre le déterminisme du destin humain ; l’esprit est une évasion, une évasion vers un monde supérieur et libre.

 Dans l’acte créateur de l’amour, se dévoile le secret créateur de la face de l’aimé. Celui qui aime aperçoit l’aimé, à travers le nuage du monde naturel, à travers le masque qui s’étend sur chaque visage. L’amour est le chemin qui mène à la découverte du secret d’un visage, de la compréhension de la personne jusqu’à la profondeur de son être. Celui qui aime sait sur l’être aimé ce que le monde ignore, et en cela il est plus près de la vérité que le monde entier. Ce n’est qu’en aimant qu’on peut comprendre intégralement une personnalité, pénétrer son génie. Nous tous qui n’aimons pas, nous ne connaissons les êtres qu’en surface, et non dans leur ultime secret. La tristesse mortelle de l’acte sexuel réside en ceci que dans son impersonnalité se perd et s’obscurcit le secret à la fois de l’aimant et de l’aimé.

 L’acte sexuel fait pénétrer dans le cycle de la nature impersonnelle, il se place entre la personne de celui qui aime et celui qui est aimé, et dissimule le secret de leurs visages. Ce n’est pas dans l’espèce, ce n’est pas dans l’acte sexuel, que s’accomplit l’union amoureuse, celle qui crée une vie différente, la vie éternelle de la personne. C’est en Dieu que se rencontrent l’aimant avec l’aimé, c’est en Dieu que s’incarne le visage de l’amour. Dans le monde de la nature, ceux qui s’aiment se divisent. La nature de l’amour est cosmique et supra-individuelle, et l’on ne peut saisir son secret à la lumière de la psychologie individuelle. L’amour est destiné à la hiérarchie cosmique ; c’est cosmiquement qu’il réunit, sous la forme de l’androgyne, ceux qui dans l’ordre de la nature restaient séparés. L’amour est la voie par quoi chacun peut découvrir en soi l’homme androgyne. 

L’éternelle tragédie de la famille est due à ce que l’homme et la femme représentent deux mondes distincts, dont les fins ne coïncident jamais. Ce principe tragique existe déjà dans l’amour, mais il se cristallise dans la famille, où tout s’alourdit, se solidifie, et où le tragique lui-même acquiert un caractère banal. La femme a une structure psychique et un sentiment de la vie qui se différencient radicalement de ceux de l’homme. Elle attend de la famille et de l’amour incommensurablement plus que lui. Il y a, en effet, dans son attitude à l’égard du sexe une intégralité et une absoluité, auxquelles ne peuvent correspondre le dédoublement et la relativité de l’attitude masculine. En somme, la plupart des mariages sont malheureux. Ils dissimulent de pénibles conflits mettant aux prises le conscient et l’inconscient. Le premier, élaboré par la quotidienneté sociale, cherche à étouffer le second, qui engendre dans la famille un nombre incalculable de difficultés. Seul l’amour authentique parvient à surmonter leurs conflits et à résoudre merveilleusement leurs relations. Mais l’amour véritable est une fleur rare dans notre monde, il n’appartient pas à la quotidienneté.

Lorsque l’amour existe, en tant que fondement ontologique de l’union conjugale, la question de la nécessité de la monogamie absolue ne se pose pas. Elle ne se pose que lorsque le sentiment véritable a disparu, qu’il s’est refroidi ou a péri et que l’on s’efforce de substituer à l’intérieur ce qui est extérieur, à l’énergie bienfaisante, la loi. L’union monogamique absolue n’est créée qu’en prévision d’un malheur possible, car dans le bonheur, on n’y songe même pas et il n’est point utile d’avoir recours à la loi pour l’affirmer. La monogamie n’apparaît contradictoire que dans l’amour malheureux, dans l’incompatibilité fatale. Et il faut bien reconnaître qu’en fait elle ne correspond pas à la loi naturelle de l’union sexuelle. Elle n’est en aucune façon inhérente à la « nature » ; de l’homme, elle n’a pas toujours existé et ne s’est formée qu’à un certain stade du développement humain. Si la monogamie est possible, elle ne l’est réellement que selon la grâce, mais nullement selon la nature ou selon la loi.

Elle est bien plus un phénomène d’ordre spirituel et mystique que d’ordre naturel et social. C’est en cela que réside d’ailleurs son paradoxe fondamental. En effet, le mariage monogamique est revendiqué par la quotidienneté sociale, à laquelle précisément il n’est pas inhérent par sa nature. Nous sommes donc amenés à reconnaître qu’on ne peut l’affirmer que nominalement, mais non réellement. Dans le royaume de la banalité civilisée, le foyer monogamique trouve son corrélatif et son correctif dans l’effroyable phénomène de la prostitution, au sens large du terme, un des phénomènes les plus infamants de la vie humaine, légalisés par la quotidienneté. À vrai dire, la monogamie réelle n’existe pas dans la société contemporaine ; elle n’est qu’un mensonge, qu’une hypocrisie conventionnelle et qu’un nominalisme de la loi. Aussi une révolte contre la vieille famille monogamique était-elle absolument normale. »

16 Q

question de nouvelles Émergences

M.M. DAVY

Edition ALBIN MICHEL

 1989

M.M. Davy écrit 2 articles dans ce livre ou plusieurs auteurs parlent de l’espérance, de la conscience, de l’éveil, de l’esprit et du mental.

 

Tout d’abord un premier article intitule : l’Être ou elle nous parle, de l’Amour, du silence, de la solitude, de la Déité, des éclairants, du corps de gloire.

 

Un deuxième article qui est une chronique où elle développe l’humilité.

 

Au sommaire de cet excellent ouvrage :

 

Marie-Madeleine Davy : L’être  et l’humilité.

Marc de Smet : De l’espérance

Jacques Salomé : Devenir un meilleur compagnon pour soi-même

Jacques Castermane : Cinq ans au quotidien avec Graf Durkheim

André Moreau : La conscience comme acte pur

Marcus : Eveil à la conscience biologique

Joëlle de Gravelaine : De la distance et de la coïncidence

Jean-Yves Leloup : Médecine et santé

Frithjof Capra : Les dialogues de Big Sur

Jean Charon : Esprit, mental et matière en physique contemporaine

Guitta Pessis Pasternak : Le nouveau paradigme scientifique, entretien avec Frithjof Capra

Pierre Crépon : La nutrition orthomoléculaire

David Bohm : Le sens du temps

16 T

tout est noces

M.M. DAVY

Edition ALBIN MICHEL

 1993

Savoir et comprendre que « tout est noces » voilà le défi que nous propose cette immense philosophe ésotériste en nous faisant prendre conscience de cette dualité qui nous empêche de saisir la richesse de la complémentarité afin de connaître cette révélation intérieure qui doit nous faire découvrir une conscience neuve, un nouveau regard.

 

Plongé dans la dualité, nous nous exprimons le plus souvent dans un langage antinomique ; celui-ci reflète nos pensées et nos habituels comportements.

Toute dualité opprime et déchire. Les notions de bien et de mal, de haut et bas, de masculin et féminin, de temps et d’éternité, nous semblent irréconciliables.

 

Ces constantes divisions peuvent être surmontés, à condition de les libérer de leur pesanteur. Seul le détachement de notre propre multiplicité opère cet allégement en profondeur. Renoncer à la double voie positive et négative exige le respect des différences et permet de saisir la richesse des complémentarités.

 

Les mythes et les symboles servant de guides, le choc des contraires sera surmonté, alors la dualité s’estompe, de mystérieuses fiançailles s’ébauchent entre les opposés. Soudain une révélation intérieure éclaire et engendre un nouveau regard, une conscience neuve, aussitôt un éveil intérieur se produit, sorte de résurrection permettant de comprendre que « Tout est noces ».

Après cette angoisse envolée, vient le temps de la libération, de la jubilation, de l’équilibre retrouvé et de la nouvelle orientation vers l’unité.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

Première partie : Perspectives   -  en guise de préambule : flash sur l’humanité   -   la dimension cosmique   -  l’espace intérieur   - 

 

Deuxième partie : Différences et oppositions  -   le petit et le grand nombre   -  les moines    -  les gurus   -   les aventuriers de l’esprit  -   les obstacles  -  l’arrogance  -  l’enracinement dans le temps et l’espace  -  le doute  -  la négation  -  la conscience aliénée   - 

 

Troisième partie : Les fiançailles  -  dogmatisme et approche des mystères   -  l’unité et la dualité   -   la voie du détachement   -  la dimension divine et l’unité de l’esprit   -  les fruits de l’unité  -   repos et déification   -

 

Quatrième partie : Les noces  -  à propos de la non-dualité  -  Héraclite   -  Raymond Lulle  -  Nicolas de Cues  -  Egide de Viterbe  -   Problèmes concernant les rencontres des opposés   -  Dieu et l’homme   -    le soleil et la lune   -   le bien et le mal   -  l’homme et la femme  -  l’oreille et l’œil  -  le paradis et l’enfer  -  le Ciel et la Terre  -  Ténèbre et lumière   -  dépassement et secret des noces  -

 

traversÉe en solitaire

M.M. davy

Edition ALBIN MICHEL

 1988

Il convient de ne pas chercher dans cette « Traversée en solitaire » une autobiographie au sens strict du terme, avec une structure chronologique et le récit d’événements successifs.

 

L’auteur ouvre des fenêtres sur ce qui a été important dans son existence : un jardin lié aux vacances d’été de son enfance, des études de théologie, de philosophie, de mystique médiévale, et l’approfondissement incessant de son voyage intérieur.

Marie-Madeleine Davy parle aussi longuement de ses rencontres avec professeurs, écrivains, amis, aussi différents que Nicolas Berdiaev, Mircea Eliade, André Gide, Roger Godel, G.I. Gurdjieff, Georges Bataille, Gabriel Marcel, Henry Corbin.

L’essentiel réside cependant dans son choix de la solitude. Son orientation la conduira, peu à peu, au-delà des formes religieuses traditionnelles.

 

Un tel dépassement ne comporte aucune rupture : il tente d’aboutir, dans l’amour et la liberté, à une religion de l’Esprit, d’ordre universel.

M.M. David dit dans son livre : J’ai aimé avec passion l’écriture et la lecture, passion que je conserve encore aujourd’hui (1987). J’aurais souhaité mieux savoir exprimer mon amour pour la solitude, lui prouver ma gratitude, la célébrer sur le mode d’hymnes de louanges. Elle seule donne accès à la chambre des trésors, c’est alors qu’éclate le chant de la bergère au berger, de l’aimée à l’amant. Puis surgit le silence devant la Présence innommable, et le silence s’engouffre à la façon du vent qui burine le visage.

Le silence est devenu soleil. On voudrait exprimer l’ampleur de la tente dressée et devenue la demeure d’un passant, les mots défaillent. Ensuite, l’existence se poursuit d’une façon différente, tout se calme et s’apaise. On pourrait évoquer le lac d’amour du béguinage de Bruges sur lequel voguent des cygnes blancs. Le symbole de leur dernier cri, avant de trépasser, présente le sens du message.

Chaque existence se déroule suivant sa propre singularité, lorsque l’Absolu séduit, elle peut comporter un mouvement se dirigeant vers l’essence, dans un tel cas, la démarche n’est pas toujours aisée, elle se transforme en une continuelle ascension, comportant parfois des reculs. Il est difficile d’échapper aux attraits de l’école buissonnière.

Quand le monde invisible s’entrouvre, le recueillement devient festif. Au-dedans, une atmosphère de fête se déroule, et cette joie, propulsée dans l’espace, rejoint tous l « les mendiants de l’Absolu »

16 U

un itinÉraireà la dÉcouverte de l’intÉrioritÉ

M.M. davy

Edition DESCLÈE DE BROUWER

 1992

Après avoir frôlé la mort, M.M. Davy éprise d’absolu, à la vision de l’ombre des « portes de la mort ». Elle va dorénavant rechercher le silence et le non attachement.

 

Ces pages relatent cette expérience d’intériorité enrichie des traditions orientales et occidentales.

 

Séduite dès son enfance par l’Absolu, elle s’est adonnée avec ferveur à cette recherche, et soudain dans la vision de l’ombre des « portes de la mort », cette démarche est définitivement suspendue, c’est par le vide, le silence et le non-attachement que l’Absolu se révèle ; l’au-delà de Dieu et l’au-delà de l’homme coïncident.

 

Ces pages traduisent une expérience d’intériorité, racontée avec simplicité, elles relatent une démarche enrichie par les traditions de l’Orient et de l’Occident, qui l’une et l’autre tendent à s’effacer dès l’approche du « fond secret » que tout homme porte en lui dans le mystère de sa vocation humaine.

 

Un cheminement simple et magnifique.

 

Au sommaire M. M. Davy nous parle de :

 

Le vide   -   la mort   -   rencontre avec la Beauté   -   le silence   -   au-delà de Dieu   -   au-delà de l’homme   -   ghettos et communautés   -    index des noms propres et des sujets   -


Un livre splendide d’une grande intensité.

 

un philosophe itinÉrant : gabriel marcel

M.M. DAvY

Edition Flammarion

 1959

C’est un des plus grands penseurs français contemporain. Il ne propose aucun système, mais il cherche et sa quête n’est qu’une interrogation permanente. Sa philosophie existentielle a pour but d’approfondir la condition humaine d’où pour lui l’importance donnée au sens de l’invisible, à la mort, aux sciences paranormales, à l’immortalité.

 

M.M. Davy nous fait découvrir sa philosophie et nous explique sa vision sur le chrétien, le dramaturge, le philosophe et l’homme des confins que Gabriel Marcel était.

 

Gabriel Marcel s'inscrivit très tôt, et de façon originale, dans le mouvement qui s'opposait aux idéalismes et rationalismes régnant dans l'Université du début du siècle. Attentif à l'existence concrète, toujours soucieux de soutenir l'intuition qu'il a d'une expérience s'étendant à tous les domaines de la vie intérieure, il demeurera fidèle à une ligne de pensée qu'on a pu dire, contre son gré, existentialiste, et qu'il vaudrait mieux dire personnaliste.

 

Né à Paris, agrégé de philosophie à vingt et un ans, membre de l'Institut, Gabriel Marcel renonça en 1923 à l'enseignement pour faire œuvre de philosophe et de dramaturge. Construite autour de quelques thèmes qui situent et explicitent une thèse centrale, cette œuvre s'assortit avec les années d'un commentaire perpétuel où les intuitions premières sont sans cesse reprises, éclairées et souvent approfondies.

 

L'affirmation centrale est que l'existence se donne à l'expérience unique de chaque conscience comme inépuisable et, à la limite, inexprimable. Elle englobe l'homme, qui s'y surprend engagé et qui découvre du même coup qu'il ne la saurait objectiver totalement, ni la réduire en concepts sans se méprendre sur elle, sur autrui, sur lui-même. L'existence ne se réduit pas à la pensée de l'existence.

Tel est le fondement de la distinction fameuse du mystérieux et du problématique : « Le problème est quelque chose qui barre la route. Il est tout entier devant moi. Au contraire, le mystère est quelque chose où je me trouve engagé, dont l'essence est, par conséquent, de n'être pas tout entier devant moi » (Être et Avoir). Irréductible, transcendant par définition toute technique concevable, l'existence est de l'ordre du mystérieux. C'est dire que l'être prime la connaissance (Position et approches concrètes du mystère ontologique). Le danger serait même que le mystère se dégradât en problème, et que se perdît ainsi, au niveau des concepts, la spécificité de l'intuition existentielle première.

 

Gabriel Marcel fut habité par une assurance invincible : fondée sur l'amour, l'espérance doit triompher du désespoir. Et il appartient au philosophe de guider ses lecteurs sur le chemin de cette victoire. Penseur de l'être incarné, il fut particulièrement sensible aux liens que les rencontres créent entre ces êtres fragiles et inventifs que nous sommes. En amitié ou en amour, la fidélité créatrice ouvre aux existants le mystère de l'être. La métaphysique se laisse guider par la réflexion sur la sainteté : dès lors, les fils se nouent entre le donné le plus concret de l'existence et l'ouverture spirituelle la plus profonde. Dieu prend la figure du Toi absolu. C'est en lui et par lui que se fonde l'assurance d'une immortalité bienheureuse : « L'espérance n'est pas seulement une protestation dictée par l'amour, elle est une sorte d'appel, de recours éperdu à un allié qui est amour lui aussi. »

 

Gabriel Marcel a cherché à penser une foi qui transcende le savoir. Il fut ainsi le premier en France à construire, dans son « Journal métaphysique », une philosophie de l'existence, ouverte au mystère de l'être. Il se singularise par le lien qu'il établit, hors de tout dogmatisme, entre la recherche philosophique et la spiritualité chrétienne. C'est au sein de notre monde effectif, marqué par les totalitarismes, que Gabriel Marcel a poursuivi ces orientations fondamentales. Dans le contexte chaotique et eschatologique de notre époque, il propose un humanisme chrétien dont l'espérance est le fil conducteur. Il garde ainsi toute la liberté du philosophe, soumis à cet esprit de vérité qui relativise toutes nos vérités particulières. En ce sens, il appartient bien au temps de la confrontation et du dialogue entre les religions.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Première partie : Esquisse d’un portrait  -   chemins de l’écriture   -  la condition itinérante   -  la chrétien   -  une première vocation : la musique  -  le protestataire   -

 

Deuxième partie : Le dramaturge  -  vocation théâtrale  -  conception et caractéristiques d’un théâtre   -  la dimension religieuse   -   l’atmosphère temporelle  -  le théâtre  -  le seuil invisible  -  la grâce  -  le palais de sable  -   quatuor en fa dièse  -  la chapelle ardente  -  l’insondable  -  un homme de Dieu  -   le monde cassé   -   le chemin de Crête   -  le dard   -  la soif   -  vers un autre royaume   -  l’émissaire  -   le signe de la croix   -  Rome n’est plus dans Rome   -  Croissez et multipliez   -   pour les lecteurs et spectateurs  -  le comique dans le théâtre de Gabriel Marcel  - 

 

Troisième partie : Le philosophe  -   Sens d’un itinéraire philosophique   -    le journal d’un philosophe itinérant   -   une philosophie concrète   -  le moi et le toi dans la fidélité et la disponibilité   - Métaphysique et espérance  -

 

Quatrième partie : L’homme des confins   -  sens de l’invisible  -  la mort   -  les sciences paranormales  -  l’immortalité   -  diverses pièces de théâtre représentées   -

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