Chapitre 17    A - Z     (Littérature - Poésie)

 

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17 A

AGATHA CHRISTIE, QUI SUIS-JE ?

Camille Galic

Edition Pardès

 2013

« Le roman policier contient une sorte de passion, une passion qui aide à sauver l’innocence, car c’est l’innocence qui importe et non pas la culpabilité. L’innocent doit être protégé. Cela m’effraie toujours de constater que personne ne semble se soucier de l’innocent… C’est le tueur qui inspire de la pitié… Pourquoi ne serait-il pas exécuté ? » «Agatha Christie »

Avec les quatre Evangélistes, le Mahomet du Coran, le Marx du Capital et Shakespeare, Agatha Christie serait l’auteur le plus lu au monde : quatre milliards de volumes vendus selon certaines sources !
 

Mais sait-on qu’elle avait rêvé d’être cantatrice ou concertiste ? Qu’elle épousa son premier mari, Archibald Christie, avec une autorisation spéciale de l’archevêque de Canterbury à Noel 1914, un mariage de guerre qui tourna très mal ? Qu’elle avait des idées très arrêtées, qu’on dirait aujourd’hui sulfureuses, sur la société, la politique, les races et la religion ?

Cet ouvrage sur Agatha Christie, présente une analyse fouillée de la genèse, de l’élaboration et des divers aspects de l’œuvre poursuivie pendant plus d’un demi-siècle par « l’impératrice du crime ». Il présente également une mise en perspective de ses livres et de ses héros (Hercule Poirot, Miss Marple, les Beresford, Ariadne Oliver etc.) et souligne les influences qu’elle a subies.

Mais il replace aussi la reine Christie dans son époque et « l’âge d’or du roman policier anglais », évoque ses rivales et ses héritières littéraires et brosse aussi, surtout, le portrait souvent inattendu –par exemple, la fascination-répulsion pour le national-socialisme – d’une femme, grande voyageuse et d’esprit très curieux, qu’on ne saurait réduire à une grande bourgeoise peaufinant dans son salon Chippendale, des romans sur mesure pour un public conquis d’avance.

Au sommaire de cet ouvrage :

Première Dame du crime et premières en chiffre - une valeur refuge

Jeunesse dorée – la maison du bonheur - Agatha et la France - les amourettes de la blonde –

Guerre et paix du ménage - quand miss Marple devient Mrs Christie - scènes de la vie conjugale - la disparition de Christie -

Avec Max Mallowan, à la recherche du temps retrouvé – Idylle en Mésopotamie - la dame et le chevalier - le tour de Christie dans quelques 80 pays - le Moyen-Orient et la Rhodésie –

La cigüe pour les assassins - comment peut-on être féministe ? - Dilettante mais stakhanoviste - de Shakespeare aux Nursery Rhymes - « 43 erreurs grammaticales » dans un livre ! - comment l’amateur devint professionnel - les secrets des carnets - de l’édition à la scène -

Dis-moi pourquoi tu tues… - L’argent qui corrompt, l’amour qui mène à la mort - Vengeance et respectabilité -

La planète Poirot - Ridicule mais investit d’une mission divine - l’indispensable capitaine Hasting - Ariadne, double parodique d’Agatha -

Miss Marple, les Beresford et Wodehouse - la justicière du cottage - espionnage, amour et fantaisie - l’ombre de la guerre - chiens fidèles et chat meurtrier -

Les races supérieures et les autres - d’abord l’homo britanicus même dégénéré ! - Américains et Russes - Irlandais et latins - peut-on être arabe et démocrate ? - les juifs et l’amour exagéré de l’argent - Allemand et ambivalence -

Face au néo-nazisme, une fascination-répulsion - son excellence August Hertzlein - Homosexualité, toxicomanie, inceste et compagnie - Rosalind gardienne du temple -

Les grandes dames de l’Âge d’or - miss Marple, Joséphine Tey, les joyeux compères du Detection Club - intuition féminine et fantômes interdits - des héritières abusives - l’invasion des grosses américaines - le siècle d’Agatha - meurtres dormants : le crépuscule des « quarante Glorieuses » - plus dure sera la chute - un drôle de baron rouge -

 

AMATEURS ET VOLEURS DE LIVRES

Albert Cim

Edition Ides et Calendes – Suisse

1998 

De tout temps, le livre a fasciné les gens, qu’ils soient Pape, Rois, collectionneur, amateur, ou simple quidam, le livre a été un objet de convoitise, et de ce fait a donné lieu à des comportements étonnants.

Déjà pour la constitution de la célèbre bibliothèque d’Alexandrie, les différents responsables n’ont pas hésité à voler et à confisquer tous les manuscrits qui arrivaient à Alexandrie et cela s’est développé dans toutes les villes et bibliothèque du monde.

Mais le plus curieux et le plus insolite, est le comportement des personnes qui, pour assouvir leurs fantasmes, ont eu recours à des stratagèmes astucieux. C’est ce que nous raconte l’auteur dans ce petit livre, rappelant ainsi un des plus anciens livres écrit sur ce sujet : le Philobiblion de Richard de Bury, écrit en 1340 et qui se veut le plus ancien livre de bibliomanie que l’on connaisse.

Le même Richard de Bury, alors chancelier et trésorier de Richard III roi d’Angleterre, raconte que le roi usa et abusa de son autorité pour se faire remettre des livres précieux et des manuscrits par ses sujets, surtout moines et bibliothécaire afin d’assouvir sa passion des livres.

Diderot s’était pris d’amitié pour un jeune homme, et presque tous les jours ce jeune homme, qu’il appelait le petit chose, lui amenait un livre de très bonne qualité, que l’on peut qualifier de précieux. Au bout d’un certain temps, Diderot demanda au jeune d’où provenaient ces livres, le’’ petit chose’’ lui répondit qu’ils provenaient de la bibliothèque d’un chanoine de Notre Dame, et qu’il était son secrétaire. Diderot se fâche et lui demande de restituer les livres, mais le’’ petit chose’’ lui répond que ce n’est pas possible car le chanoine est mort depuis 8 jours. Il contacte alors son héritier qui refuse de réintégrer les livres, Diderot sera alors malgré lui obliger de garder ces « emprunts ». A la mort de Diderot sa bibliothèque sera vendue à l’impératrice Catherine de Russie.

Le marquis Tacconi de Naples, passionné de livres anciens, fabriquait de la fausse monnaie afin de s’offrir des livres, et bien sur les payait en monnaie de singe, il fut mis aux galères.

Le Révérant Père Altieri, bibliothécaire au Vatican, vendit par paquet de 12 de très nombreux manuscrits, qui prirent ainsi le chemin des écoliers pour arriver dans des collections privées ou dans des BN. Il ne fut jamais inquiété.

A Barcelone en 1830, le libraire Vincente, ne reculait devant rien, pas même devant le crime pour assouvir sa passion des livres, condamné à mort, il fut exécuté en 1836.

Un des cas les plus connu et les plus célèbres est celui de Guillaume Libri Carrucci, né à Florence, il descend du poète della Sommaia, ami de Pétrarque et de Boccace. A cause de sa passion pour les livres, il se fit appeler Libri della Sommaia. Déjà son père avait été condamné à Lyon pour faux et usage de faux. Libri compromis dans des conspirations politiques en Italie, se réfugia en France où il publia dives ouvrages scientifiques, car il était réellement d’un haut niveau scientifique doublé d’un remarquable mathématicien. Protégé par Arago il obtint en 1832 la chaire de Biot au collège de France, naturalisé français en 1833 il est élu membre de l’institut. Va suivre durant quelques années une montée fulgurante dans les arcanes de la vie parisienne avec tous les honneurs, jusqu’aux fonctions d’inspecteur général de l’instruction publique.

En 1841 il fut nommé secrétaire d’une commission, chargée de répertorier tous les manuscrits des bibliothèques publiques, ce qui lui donnait le droit d’entrer dans toutes les bibliothèques publiques et municipales de France, notamment la Mazarine, la royale, l’Arsenal, l’institut est beaucoup d’autres. Durant plusieurs années Libri pilla sans vergogne les bibliothèques de précieux manuscrits et livres, de plus il maquilla certains manuscrits, modifia des reliures, lui permettant de les voler plus aisément, afin de les revendre aux enchères ou à l’étranger avec moins de problèmes. En 1846 les premières plaintes arrivèrent, sans résultat devant la renommée du sieur Libri, mais c’est l’année suivante que des plaintes plus précises furent diligentées. Libri prit peur et se réfugia en Angleterre avec 18 caisses de livres et manuscrits. En France il fut condamné à 10 ans de prison, mais en Angleterre il se fit des amis. Il mourut en Italie en 1869 sans avoir été autrement inquiété mais dans une misère noire.

D’autres faits, manières et stratagèmes sur ces voleurs de livres, émaillent cet ouvrage très intéressant et amusant.

 

anges & dÉmons

Dan brown

EDITION  LATTES

 2005

Robert Langdon, le célèbre spécialiste de symbologie religieuse, est convoqué au CERN, en Suisse, pour déchiffrer un symbole gravé au fer rouge retrouvé sur le corps d’un éminent homme de science. Il s’agirait d’un crime commis par les Illuminati, une société secrète qui vient de resurgir après une éclipse de quatre siècles et a juré d’anéantir l’Église catholique. Langdon ne dispose que de quelques heures pour sauver le Vatican qu’une terrifiante bombe à retardement menace !

Après le succès international du Da Vinci code, cette nouvelle enquête de Robert Langdon nous entraîne à Rome, dans ses églises et ses catacombes, au cœur même du Vatican où les cardinaux sont réunis en conclave.

 

aprÈs j.c.

Vassilis alexakis

EDITION STOCK

 2007

Sur le côté gauche de mon bureau se dresse une pile de livres consacrés au mont Athos, certains rédigés par des moines, d’autres par des historiens. Ce sont pour la plupart des ouvrages reliés, à couverture rigide, noire ou bleu sombre. Peut-être découvrirai-je en les lisant qui étaient Laurent, Eugène et Éphraïm. Je ne suis pas pressé de le savoir. J’ai déjà jeté un coup d’œil à deux ou trois volumes, mais je n’en ai étudié aucun avec application, comme me l’a demandé ma logeuse, Nausicaa Nicolaidis.

Elle m’a révélé son intérêt pour la Sainte Montagne un soir, il y a deux semaines de cela. Nous étions assis dans le grand salon qui n’était éclairé que par une lampe de bureau. Je l’avais rapprochée de mon fauteuil afin de mieux voir le texte que je lui lisais. C’était un récit de Constantinos Christomanos, le livre de l’impératrice Élisabeth, dans une édition de 1929. Je venais d’achever un chapitre et j’étais sur le point de lui souhaiter une bonne nuit.
- Restez encore un moment, je vous prie, a-t-elle dit. J’ai un grand service à vous demander.


Lorsqu’elle s’apprête à dire quelque chose d’important, Mme Nicolaidis a tendance à baisser la voix. Elle a articulé ces mots de manière presque inaudible, en se penchant vers moi.


- Je voudrais que vous vous renseigniez sur le mont Athos, que vous appreniez tout ce qu’il est possible d’apprendre au sujet des moines et des monastères. Je vous rembourserai les livres dont vous aurez besoin et je vous dédommagerai de votre peine. J’ai pensé qu’il vous serait relativement facile de faire cette enquête, étant donné que l’histoire de Byzance vous est familière.


Un très beau livre sur le mont Athos, livre couronné par le grand prix de l’Académie Française.

 

 arcane 17

 André breton

 EDITION  J.J. PAUVERT

 1989

Pour A. BRETON (Pape des surréalistes devant l’Éternel) l’amour et la beauté mène à la poésie et à la liberté. Pour lui tout le paysage bruisse du mouvement de milliers d’ailes assimilé au tourbillon de la pensée et des images et tout cela nous mène vers l’Arcane 17 du tarot : L’Étoile.

 

Cette Étoile nous fait découvrir que seule la récolte est créatrice de lumière et cette lumière ne connaît que 3 voies : la poésie, la liberté et l’amour Dans ce livre André Breton révèle le voyage initiatique qu’il a vécu, vers ses 25 ans, en traversant Paris la nuit avec son Etoile (la femme qui l’accompagnait), ainsi il s’initia ou fut initié aux mystères de la nuit et des monuments parisiens tel le cimetière des innocents, voyage plein de poésie, de charme, de secret mais de trouble également.

 

Il fut marqué à vie par cette balade nocturne et c’est ce qu’il dévoile dans ce livre. Cette présence féminine à ses côtés, lui fit prendre conscience de sa féminité, de son intériorité, de ses instincts, de ses désirs mais aussi de ses intuitions qui tout au long de sa vie le guideront dans ses écrits surréalistes. Cette Etoile ou Arcane 17 sera toujours à ses côtés pour le guider, elle sera son Maître intérieur et sa muse.

 

Etre au monde, c'est à la fois voir le monde et le penser. Ainsi, devant l'un des plus beaux spectacles naturels _ celui de la côte de la Gaspésie, au Canada _, Breton n'en commence la description que pour s'abandonner bientôt au va-et-vient entre le paysage physique et son paysage mental. La Beauté est là, toute visible, mais, à l'intérieur, la réflexion de cette beauté se double de celle de la femme aimée, et la beauté + l'amour entraînent nécessairement Breton vers ce qui en est inséparable: la poésie et la liberté. Entre ces quatre pôles, tout le présent, alors, est mis en jeu dans la montée d'une question qui, en partant de la catastrophe de la guerre mondiale, pose le problème du destin de l'homme.

A un moment tout le paysage bruisse du mouvement de milliers d'ailes, et de même ce livre où le lent tourbillon de la pensée et des images nous élève souverainement vers l'Etoile (l'Arcane 17) pour découvrir que: " c'est la révolte même la révolte seule qui est créatrice de lumière.

Et cette lumière ne peut se connaître que trois voies: la poésie, la liberté et l'amour qui doivent inspirer le même zèle et converger, à en faire la coupe même de la jeunesse éternelle, sur le point moins découvert et le plus illuminable du coeur humain ".

Arcane 17, écrit par André Breton pendant son exil en Amérique du nord pour fuir la seconde guerre mondiale et la répression de Vichy (qui le visait personnellement), dévoile ses réflexions, ses inquiétudes et ses espoirs sur le devenir du monde et de la civilisation occidentale. Ce livre fut rédigé au Québec et commence par la description de l’île Bonaventure, un sanctuaire d’oiseaux de mer battu par le vent et les vagues, dont la vision suscite une stupeur admirative mêlée de réminiscences. En ce lieu hors du temps, Breton se souvient de ses grandes émotions passées (exemple : le souvenir de drapeaux rouges et noirs brandis par la foule lors d’une manifestation, etc.) et s’ouvre aux grandes douleurs, incarnées par une femme qui a beaucoup souffert et que Breton a rencontrée en Amérique (Breton ne la nomme pas mais il s’agit sans aucun doute possible d’Elisa Claro, qu’il épousera après la guerre). André Breton, avec le recul que permet la distance, songe à l’Europe et aux conditions de son redressement : pour lui, il est essentiel de repenser notre manière de considérer et d’apprendre l’Histoire, et de remplacer les valeurs masculines qui ont précipité le monde dans le chaos de la guerre (Junger est cité par Breton comme le héraut lyrique de la violence et de la destruction) par les valeurs féminines, incarnées par l’innocence de la femme-enfant et la naïveté dans l’art (Arcane 17 contient un vibrant hommage au facteur Cheval)

 

Je cite : "Cette crise est si aigue que je n'y découvre pour ma part qu'une solution : le temps serait venu de faire valoir les idées de la femme aux dépens de celles de l'homme, dont la faillite se consomme assez tumultueusement aujourd'hui". Néanmoins, même lorsque Breton disserte sur l'essence de la liberté (qui pour lui ne doit pas être confondue avec les enjeux de la libération du territoire national), ses réflexions diffèrent nettement de simples considérations philosophiques sur la civilisation écrites en temps de guerre : elles sont à chaque fois transcendées par de multiples évocations (invocations ?), parfois fort longues, de grands mythes fondateurs de la figure féminine (Isis, Mélusine -il est intéressant de souligner l'absence d'Eve et l'hostilité de Breton envers la mythologie et les prêtres chrétiens [exemple : évocation négative et méprisante des prêtres tentant d'approcher Elisa Claro pour l'aider à faire face à ses malheurs]) et des forces supérieures cachées derrière les apparences. On sent, en permanence, la volonté de Breton d’accéder à la dimension mythologique comme s’il voulait régénérer l’humanité à sa source même. Il ne cesse de chercher des correspondances (parfois de manière trop obsessionnelle et c'est sa seule faiblesse) et d’en signifier le sens, s’appuyant sur l'occultisme (via la magie et le mythe d'Osiris - la révélation de la formule "Osiris est un dieu noir" est fortement soulignée et constitue un pivot du livre) et sur les arcanes du tarot, dont certaines sont longuement décrites comme des paysages oniriques faisant sens. Breton confie également avoir foi dans les génies poétiques et dans les esprits inconnus supérieurs qui ont guidé ses pas (permettant des rencontres essentielles) et toujours l’ont rattrapé au moment où il allait trébucher et chuter. Il y a clairement, chez Breton, une quête de spiritualité et une exigence de vrai courage (André Breton cite Pierre Brossolette, en exemple d'homme qui a su faire face au danger et prendre le risque de résister) pour défendre (Breton évoque alors Hugo et La fin de Satan dans la conclusion d'Arcane 17) la Poésie, la Liberté et l'Amour.

 

La lecture d’Arcane 17 n’est pas aisée car la pensée de Breton se déploie en spirale, brassant les mêmes thèmes avec de nombreuses digressions qui ôtent toute linéarité au texte, et explicite peu ses références. Ainsi, la prose poétique de Breton, tout en étant d’une grande beauté car à la fois extrêmement précise et riche d’images, peut dérouter le lecteur qui ne serait pas déjà familier de l’œuvre et de la pensée de Breton, notamment dans sa dimension occulte. Il faut en fait accepter de se laisser emporter et de s’immerger dans ce texte sublime, que Breton a complété par un court appendice « Ajours » afin de préciser ou d’actualiser les éléments de sa réflexion à la lumière de la Libération, qui suscita l’inquiétude de Breton en raison des compromis acceptés par le peuple de Paris, en lequel Breton avait placé ses espoirs de révolution. Breton y déplore le retour du sentiment nationaliste (en citant Eluard et Aragon, tous deux contaminés !) et insiste sur la nécessité de redonner un sens à la vie (de la "repassionner") pour éviter de succomber à l'attrait de la fureur guerrière (dont Breton admet et déplore la grandeur, en évoquant Junger)

Arcane 17 démontre aussi que la guerre a été un creuset de la pensée d'André Breton et que le surréalisme ne peut être pleinement compris si on néglige l'arrière-plan des deux guerres mondiales successives. En conséquence, Arcane 17 est daté et appartient à une époque. Plus qu'une faiblesse, cela prouve que la pensée d'André Breton n'est pas une pure construction intellectuelle (ce qui peut parfois lui être légitimement reproché tant Breton a manifesté un esprit de "système") : elle émane d'une expérience intensément vécue dans une époque intensément troublée. Arcane 17 est un ouvrage fondamental car il constitue une sorte d'aboutissement de la pensée d'André Breton, qui éclaire rétrospectivement tout le développement historique du surréalisme.

 

au nom de la libertÉ

Roger blandignères

EDITION  PRESSES LITTERAIRES

 2008

Recueil de poésies par Roger Blandignère. Beaucoup de sensibilité et d’images fortes.

 

Un mélange des sons et des rythmes du langage que Roger manie avec délices et dextérité. Il parle avec beaucoup d’affection, aussi bien de Gérard le fabricant de makilas, de Bayonne que de Bernard, capitaine emblématique de l’USAP et de son engagement dans la recherche pour vaincre la mucoviscidose. Il parle de la « Retirada » de la vieillesse et des femmes.

 

au pÈre-lachaise – son histoire, ses secrets, ses promenades

Daniel dansel

EDITION FAYARD

 2007

Enclave feuillue, bossue, aux venelles pentues, le cimetière du Père-Lachaise, avec ses enchevêtrements audacieux du minéral et du végétal, domine Paris du haut de ses 44 hectares. Haut lieu d’un romantisme de belle futaie, et de la friponnerie plus ou moins tamisée, carrefour de très nombreuses célébrités, ce musée en plein air est inondé de chefs-d’œuvre à vocation sépulcrale. Il est aussi la plus belle volière de la capitale, car ici les oiseaux chantent mieux qu’ailleurs. Dans ce vaste promenoir, devenu nécromantique en 1804 ; s’expriment l’insolite, le fantastique, le merveilleux et l’inattendu. Cimetière mystérieux aux différents parfums de romantisme, d’érotisme, de littéraire, d’historique et de secrets, l’auteur nous entraîne dans ses allées où tout est découverte, des noms connus et inconnus, racontent leur histoire.

 

Le cimetière se superposa au jardin des origines : le tracé du secteur romantique en rappelle largement l’ordonnance. La présence de 6000 arbres, dont certains contemporains du père Lachaise lui-même, est également une survivance du parc des Jésuites. Le bosquet Dellile (dans la 11ème division), le carrefour Casimir-Perrier, le chemin des Chèvres existaient déjà il y a trois siècles. Une citerne, toujours visible, a donné son nom à un chemin bordant la 24ème division. Si le château des Jésuites n’existe plus, la chapelle du cimetière occupe son emplacement. L’entrée principale du parc des origines est aujourd’hui celle du cimetière.

 

A quels besoins répondait-il ?  A un besoin hygiénique et urbanistique tout d’abord : les cimetières de l’Ancien Régime, à l’exemple des Saints Innocents dans le centre de Paris, étaient saturés. Les plaintes des riverains étaient nombreuses, compte tenu des nuisances aisément imaginables. Il fallait également prendre en compte l’extension de la ville face à la poussée démographique. L’idéal hygiéniste des Lumières œuvra, et à la fin du XVIIIème siècle, l’ordre est donné de créer de nouveaux cimetières plus excentrés, mais il fallut néanmoins attendre encore une vingtaine d’année pour que ceux-ci voient le jour.   

 

A un besoin politique ensuite : la Révolution Française étant passée par là, le processus de sécularisation était en œuvre. L’image du cimetière paroissial et confessionnel était en train de disparaître. L’Etat napoléonien voulait affermir son pouvoir sur des institutions jusqu’alors ecclésiastiques.    A des besoins sociologiques : la mort individualisée ne s’accordait plus avec la vision anonyme des charniers de l’Ancien Régime. En outre, le principe d’un panthéon esthétique « à la française » (parc arboré, tombeaux édifiants) séduisait une élite avide de reconnaissance.

 

En quoi est-il différent des cimetières antérieurs ? Répondant à une conception sécularisée des cimetières, le Père-Lachaise n’est plus un enclos paroissial. Sa taille également le distingue, et atteste d’une prise en compte des extensions futures de la ville. Les concessions à perpétuité, rapidement destinées à être célébrées par des monuments pérennes, furent également une nouveauté. Dernier point, et non des moindres, il fut conçu dès l’origine comme un lieu esthétique et éducatif, ce qu’il demeure aujourd’hui. Il fut ouvert le 21 Mai 1804

 

Qui sont les différents promoteurs du cimetière ? Napoléon, bien sûr, qui donna son aval au projet déjà ancien de fondation du cimetière. Le préfet Frochot ensuite, qui acheta le terrain et mit le projet en œuvre. L’architecte Alexandre-Théodore Brongniart enfin, qui en conçut les premiers plans. A ce triumvirat, ajoutons Louis Baron-Desfontaines, ancien propriétaire du lieu. N’oublions pas un certain nombre d’historiens (Viernet, Moiroux, Hillairet) qui par leurs œuvres ont contribué à sa notoriété. Il est intéressant de noter que tous sont inhumés au Père-Lachaise, à l’exception bien sûr de Napoléon qui en avait pourtant émit le souhait. En revanche, François d’Aix de la Chaise qui n’eut bien entendu aucun rôle dans la création du cimetière, n’y repose pas.

 

Qu’appelle-t-on le « secteur romantique » ? Il s’agit du secteur le plus ancien du cimetière, aménagé à flanc de colline. Il comprend les tombes les plus anciennes (en particulier celles des personnages liés au Premier Empire). Ce secteur fut classé en 1962.

 

A quoi ressemble le Père-Lachaise aujourd’hui ? Il comporte 97 divisions qui résultent d’agrandissements successifs. On peut le diviser en 4 parties bien distinctes :

   Les divisions « du haut » (celles immédiatement accessibles par la Porte Gambetta) forment l’extension la plus moderne du cimetière : terrain plat, allées rectilignes, végétation clairsemée. Les dalles conformistes y côtoient les chapelles et les monuments parmi les plus originaux du cimetière.

   Les divisions centrales du secteur romantique forment un ensemble harmonieux : végétation touffue, pentes parfois raides, chemins de terre, monuments plus ou moins ruinés...

   Le quart Nord-Ouest, accessible par la Porte des Amandiers (la plus proche de la station de métro « Père-Lachaise »), s’étale en pente douce vers le boulevard : moins riche en célébrités, cette partie possède un grand nombre de chapelles imposantes de la fin du XIXème siècles édifiés à la place des anciennes fosses communes. Elles côtoient des dalles plus modestes.

   La septième division (à droite de la Porte du Repos) correspond à l’ancien cimetière juif (autrefois séparé du reste de la nécropole par un mur dont on aperçoit encore les fondations). Ses allées ombragées, ses tombeaux encore essentiellement israélites, lui donnent un caractère bien distinct.

17 B

BALZAC  QUI SUIS-JE ?

ROGER  PARISOT

EDITION  PARDES

 2004

Un  Balzac  inconnu ? Du neuf sur Balzac ?  Ce  Balzac propose un regard inédit sur le romancier et sur l’énigme que constitue le contraste entre la grandeur de l’œuvre et la misère de l’homme, ce prodige qui contenait en lui, selon ses dires  «  toutes les incohérences » Ce livre présente donc une nouvelle lecture, fondée cette fois sur la doctrine mystique de Balzac, ce christianisme johannique, auquel il entendait se rattachait, auquel il rattachait sa  Comédie Humaine, et par lequel il se rattachait lui-même à la tradition ésotérique universelle.


On verra que cette doctrine, trop négligée jusqu’à présent, si elle ne résout pas le mystère de la création balzacienne, en dégage le sens et la portée générale, elle en éclaire les intentions profondes, et agit comme un révélateur des véritables dimensions de cette entreprise  romanesque hors pair.

 

En effet, elle inscrit la Comédie Humaine dans le cadre d’une vision, peut-être confuse, mais assurément grandiose, qui relie le monde à son principe suprême et renvoie l’homme à sa destinée spirituelle, telle qu’elle est représentée, dans la société et dans l’œuvre, par le combat entre les forts et les faibles autour de l’argent, du pouvoir et de l’Amour, l’ensemble placé sous l’éclairage de cette recherche de l’absolu, dont la soif confine quelquefois à la démence. Ainsi, la doctrine apparaît comme l’instance médiatrice entre Balzac et le génie qui le dirigeait,  ainsi que l’avait aperçu Victor Hugo.

Liaison avec Mde Hanska : En septembre 1833, Honoré de Balzac part pour Besançon, officiellement pour se procurer un papier spécial en vue d’un projet d’édition bon marché par abonnement, en réalité pour retrouver à Neuchâtel la mystérieuse « Étrangère », qui lui avait révélé anonymement son prénom, Evelyne, et dont il était tombé, par lettre, éperdument amoureux.

Après un romantique voyage à travers les montagnes du Jura, Balzac rencontre enfin sa correspondante sur la promenade du Crêt, au bord du lac de Neuchâtel : brune et potelée dans une robe couleur pensée, la main petite, l’œil voluptueux, Éveline Hanska avait vingt-neuf ans et n’en avouait que vingt-sept.

Elle lui dit enfin son nom, Éveline Hanska, avec un fort accent slave qui le séduisit prodigieusement. Née à Rzewuska, de noble souche polonaise, Éveline Hanska était l’épouse d’un riche propriétaire terrien, de vingt ans son aîné, et la mère d’une petite fille de quatre ans, la seule de ses enfants qui eut survécu. Elle vivait retirée dans son domaine de Wierzchownia, en Ukraine, et trompait son ennui en lisant des romans français. Elle était passablement portée sur le mysticisme. Elle avait trois sœurs et un frère romancier, Henri Rzewuski, promoteur du roman historique à la Walter Scott en Pologne. Elle trouva d’ailleurs que Balzac ressemblait à Scott, un peu physiquement, et beaucoup par sa gaieté et sa bonne humeur. Balzac, quant à lui, ne trouvait d’autre parangon à Mme Hanska que Laure, sa sœur bien-aimée. Après avoir cherché en vain pendant plusieurs jours à échapper à l’omniprésent mari, on échangea un premier baiser et un serment : l’on s’attendrait jusqu’à la mort du comte Hanska. Début octobre 1833, Balzac, rentra à Paris.

 

Balzac vole à Genève, en décembre, retrouver les Hanska, avec dans ses bagages le manuscrit d’Eugénie Grandet en cadeau de Noël pour Mme Hanska. On fait des excursions littéraires, à Ferney sur les traces de Voltaire, à Coppet sur celles de Mme de Staël, à la villa Diodati sur celles de Byron. Et finalement, le 26 janvier 1834, « jour inoubliable », Balzac et Mme Hanska deviennent amants.
Le grand événement du début de l’année 1842 fut l’annonce, début janvier, du décès du comte Hanska, nouvelle que Balzac attendait depuis huit ans, et qui le laissa abasourdi. En juillet 1843, il partit pour Dunkerque, où il devait prendre le bateau pour Saint-Pétersbourg. Les retrouvailles, entre juillet et octobre, après huit années de séparation, furent bouleversantes, et redonnèrent à Balzac, en quelques jours, une allégresse d’adolescent. Bonheur réciproque. « Comment ne pas dire tout ce qu’il y a dans cet être de grandeur et de bonté, d’élévation et de douceur, d’intelligence flamboyante et de jeunesse de cœur fraîche, gracieuse, printanière, ce cœur sans égal n’a pas ralenti ses battements depuis sa première émotion. Il sent aujourd’hui comme il sentait à seize ans », nota Mme Hanska dans son journal.

 

Mi-avril 1845, après avoir changé vingt fois de projets, Mme Hanska invita Balzac à venir la rejoindre à Dresde ; Balzac abandonna tout, épreuves, feuilletons et dettes, avec un soulagement immense. À Dresde, Balzac retrouve Mme Hanska, sa fille Anna et le fiancé de celle-ci, le jeune comte polonais George Mniszech, féru d’entomologie. On s’entendit à merveille, visitant ensemble les musées, la bibliothèque royale, on se surnomma même « les Saltimbanques », du nom d’un vaudeville à succès. Et, revenu discrètement en France, on excursionna joyeusement pendant deux mois, en Normandie, en Touraine et jusqu’en Hollande, où l’on fît maints achats chez les antiquaires. « Incapable de coudre deux idées ensemble », ne pensant qu’à Mme Hanska, Balzac retourna passer une semaine avec elle à Baden-Baden fin septembre, puis l’accompagna de nouveau, fin octobre, jusqu’à Naples, achetant encore maints objets d’art en chemin.

 

Mme Hanska ayant exigé, en préalable à leur union, qu’il s’occupât sérieusement de liquider ses dettes, l’écrivain avait chargé un nouvel homme de confiance, Fessart, de débrouiller l’écheveau fort emmêlé de ses affaires et de négocier avec ses créanciers. Au retour de Naples, il se trouva donc plongé dans un « tourbillon de courses, d’affaires, de consultations, de significations, de corrections », à en perdre la tête. Mme Hanska lui proposa, mi-février 1846, de venir la rejoindre à Rome, il n’eut pas une seconde d’hésitation.

 

Le 25 mars 1846, Balzac retrouvait Mme Hanska à Rome, où il n’était encore jamais allé, et qui l’éblouit. À Rome, puis à Civita-Vecchia, à Gênes et tout au long du chemin qui les ramena à Bâle, via le lac Majeur, le Simplon, Genève, on acheta des tableaux, des objets d’art, des meubles, Balzac poursuivant « avec acharnement l’œuvre de son mobilier » - qui menaçait de se substituer à l’œuvre littéraire. On se quitta à Heidelberg. Survolté, Balzac n’avait pas fermé l’œil de tout le voyage du retour, la tête pleine d’une immense espérance : Mme Hanska attendait un enfant. Balzac ne s’occupa plus que de trouver une maison (le bail de la rue Basse arrivait à expiration), et d’organiser son mariage avec Mme Hanska avant la naissance de l’enfant.

 

Après un intermède d’une dizaine de jours à Mayence, début septembre, dix jours passés à courir gaiement les marchands de bric-à-brac avec Mme Hanska, sa fille et son futur gendre, Balzac reprit La Cousine Bette et trouva enfin une maison à sa convenance. Sans consulter Mme Hanska (c’était pourtant son argent qu’il dépensait), il acheta, dans le quartier du faubourg du Roule, sur l’ancien domaine du financier Beaujon, un hôtel particulier. Mais Mme Hanska avait conçu d’autres projets, et lui reprocha son coup de tête. Elle ne souhaitait pas s’installer à Paris avant d’avoir réglé toutes ses affaires en Ukraine. Très déçu, Balzac eut bien du mal à se remettre à La Cousine Bette. Il ne reprit vie que lorsque Mme Hanska accepta finalement de venir s’installer dans les environs de Paris pour accoucher, après un voyage d’affaires à Dresde. L’écrivain assista le 13 octobre 1846, à Wiesbaden, au mariage d’Anna Hanska et de George Mniszech. Au terme de ces quatre jours de bonheur, Mme Hanska accepta de l’épouser dès son retour de Dresde.


Le 1er décembre 1846, à la veille de partir chercher Mme Hanska, Honoré de Balzac apprit qu’elle avait fait une fausse couche. Le coup fut terrible. Il en ressentit, dit-il, comme une « congestion au cerveau ». Mme Hanska lui demandait de ne venir la chercher qu’en février 1847. Le 4 février, il partit chercher Mme Hanska à Francfort, et l’on s’installa ensemble rue Neuve-de-Berry, dans un appartement loué, car la maison n’était pas encore prête. Ranimé par la présence de Mme Hanska à ses côtés, Balzac réalisa un dernier tour de force. En deux mois, il publia simultanément trois romans en feuilleton dans trois journaux différents. Cependant, à peine eût-il raccompagné Mme Hanska à Francfort qu’il perdit le moral de nouveau. Et une lettre de Mme Hanska le découragea encore un peu plus : elle lui demandait de ne pas venir la rejoindre à Wierzchownia avant le mois de septembre.

 

Balzac décida de partir pour l’Ukraine sans plus attendre de permission, en empruntant, une fois encore, l’argent du voyage. Le 3 septembre, il brûla toutes les lettres de Mme Hanska, afin que personne ne pût en faire l’objet d’un chantage, comme cela était arrivé l’année précédente. Et, le dimanche 5 septembre, muni d’une petite malle, d’un sac de nuit et d’un panier de provisions, « héroïque » à sa manière, seul, sans domestique, ignorant « absolument les différents patois des pays » qu’il allait traverser, il prit gare du Nord le train à destination de Bruxelles. Sautant d’un train dans une diligence, puis dans un autre train, car les lignes de chemin de fer européennes n’étaient pas encore tout à fait achevées ni reliées entre elles, Balzac roula de jour comme de nuit. Le 13 septembre, il arrivait à « Berditcheff », en Ukraine, d’où une « bouda » juive, voiture à carcasse d’osier, l’emmena à travers les steppes, « les vraies steppes », « le désert, le royaume du blé, la prairie de Cooper et son silence », avec sa terre noire et grasse. Cinq heures et demie plus tard, épuisé, il apercevait « une espèce de Louvre, de temple grec, doré par le soleil couchant, dominant une vallée » : Wierzchownia, enfin. Mme Hanska et ses enfants furent surpris, car Balzac arrivait avant la lettre dans laquelle il annonçait sa venue. Lui fut stupéfait par l’étendue des terres de Wierzchownia, et comprit bien vite les difficultés d’intendance d’un tel domaine, et les difficultés d’exploitation des richesses naturelles d’un pays colossal où la question du transport arrêtait tout. Ainsi, pour chauffer la vaste demeure de Mme Hanska, on brûlait de la paille dans des poêles ! Gâchis sidérant pour un Français.

 

Balzac visita Kiev ; mais « la Rome du Nord, la ville aux 300 églises » le déçut un peu. Puis, bien installé dans un des luxueux appartements d’amis du château, il s’efforça de travailler, rédigea notamment L’Initié (deuxième épisode de L’Envers de l’histoire contemporaine), ébaucha divers textes, comme Un caractère de femme, drame politique peuplé de personnages entièrement nouveaux. Balzac devait rester jusqu’en mars ou avril, et se réjouissait à l’idée d’un voyage prévu en Crimée et dans le Caucase. Mais ses affaires le rappelèrent à Paris plus tôt que prévu. Bien contre son gré, par un froid polaire, il dut repartir fin janvier 1848. Le voyage fut pénible, et Balzac n’avait plus la « force morale » qui lui avait fait tout supporter en venant. Il arriva à Paris le 15 février dans « une tristesse noire ». Mme Hanska l’avait prié de ne pas revenir tout de suite à Wierzchownia. Or, une lettre de Mme Hanska l’attendait rue Fortunée en juillet, une lettre qui lui demandait de revenir pour ne plus se quitter. Malgré de violents maux de tête, il sollicita immédiatement l’autorisation de séjourner en Russie. Il repartit pour l’Ukraine, sans consulter le docteur Nacquart, qui lui eût sans aucun doute interdit le voyage.

 

Si les nouvelles conections ferroviaires facilitaient dorénavant les voyages, Balzac arriva néanmoins très éprouvé à Wierzchownia, où la situation financière, aggravée par un incendie qui avait détruit des récoltes, n’était guère favorable à la réalisation de ses projets de mariage. Mme Hanska lui reprochait toujours vivement les folles dépenses engagées pour la maison de la rue Fortunée, et l’écrivain tremblait que sa mère ne commît quelque maladresse lourde de conséquences dans l’exécution des consignes qu’il lui avait laissées. Les démarches entreprises au début de l’année 1849 auprès du tsar pour que Mme Hanska pût conserver des biens en Russie en cas de mariage avec un sujet étranger n’aboutirent pas non plus. Balzac conquit définitivement l’affection et l’estime de Mme Hanska et de ses enfants.

 

Et il arriva ce qu’il avait depuis longtemps pressenti : il atteignit « au but en expirant, comme le coureur antique » (Albert Savarus). Le 14 mars 1850, Mme Hanska accepta finalement de l’épouser, renonçant à toutes ses terres en faveur de sa fille. Fou de bonheur, mais très affaibli, maigre, marqué au point d’en être méconnaissable et perdant la vue, Balzac prit début avril avec sa femme le chemin du retour à Paris, par les piètres pistes d’Ukraine, creusées de fondrières par le dégel. Lorsque la grosse berline de Mme Hanska se présenta rue Fortunée le 21 mai, lendemain du cinquante et unième anniversaire de l’écrivain, le domestique de Balzac, ne reconnaissant pas son maître, refusa d’ouvrir la porte cochère. Il fallut la faire forcer par un serrurier - et faire interner le domestique devenu fou. Les médecins aussitôt appelés au chevet de l’écrivain ordonnèrent des saignées, des purgatifs, des boissons diurétiques, des calmants, et exigèrent d’éviter tout mouvement un peu énergique, toute émotion, de parler très peu et seulement à voix basse.

 

Début juillet, l’un de ses médecins dit à Hugo qu’il ne restait plus à Balzac que six semaines à vivre. Le corps terriblement enflé par un œdème généralisé, et trop tardivement soulagé par des ponctions, l’écrivain ne survécut quelques jours à une péritonite que pour succomber à la gangrène. Ainsi s’éteignit, à vingt-trois heures trente, le 18 août 1850, celui qui avait définitivement infléchi le cours de l’histoire littéraire du XIXe siècle, et avait, en quinze ans d’un travail acharné, élevé le roman au rang de grand genre moderne.

 

BELLE  ROSE

Renée de Brimond

Ed. de la Tarente

Réed. 2016

Paru en 1931 aux éditions Les Cahiers Libres, ce roman de Mme de Brimont dépeint des tableaux de vie du milieu aristocratique bordelais au XVIIIe siècle et dans lesquels se promènent Louis-Claude de Saint-Martin et Martinès de Pasqually. C'est un rêve, un lien passionné entre le Philosophe inconnu et l'auteur qui se dessine tout le long de ce livre, par l'intermédiaire de Rose de Julley, son aïeule. Ici point de théorie, d'enseignement, mais une union spirituelle puissante qui traverse les siècles reliant deux âmes sœurs au-delà du temps. « Les notes vibraient, se perdaient dans l'infini... Claude de Saint-Martin l'aborda ; il tenait une rose à l'instant cueillie, il déposa la fleur sur ses genoux. Et du frôlement de leurs doigts elle gardait le souvenir sensible. » Devenu aujourd'hui rare, Belle Rose méritait de sortir de l'oubli. D'autant qu'il révèle des informations étonnantes sur des personnages ayant fortement marqué le microcosme initiatique : Martinès de Pasqually et Louis-Claude de Saint-Martin.

 

 "Un livre délicieux", pour reprendre un terme en vogue dans les salons de la duchesse de Bourbon ! Son auteur (sans e, je ne plie pas à cette tendance ridicule) est la baronne Renée de Brimont (petite nièce de Lamartine), qui compte parmi ses amis Oscar-Wadislas de Lubicz, Jean-Julien Champagne,  mais aussi Gabriel Fauré (qui mit en musique plusieurs de ses poèmes).

 

      
Mais ce qui me paraît intéressant de noter - préalablement à la note de lecture de Belle Rose -  c'est qu'elle publia un an plus tôt, Le Mariage de M. de Pasqually. Nul hasard, elle prétendait descendre de Rose de Julley, elle-même cousine d'Angélique Colas, seconde épouse de Martinès de Pasqually !

 

Comment s'étonner, dès lors, de la mise en scène dans Belle Rose, d'une platonique liaison avec Louis-Claude de Saint-Martin ! Ce roman n'est évidemment pas un livre d'histoire, mais il peint remarquablement l'époque du siècle dit des lumières. Méfions-nous donc des faits et gestes, paroles et historique de tous ces personnages, faits réels et fiction étant adroitement liés. Qu'importe, Renée de Brimont témoigne d'une réelle connaissance des pratiques coëns (et en 1930, ce n'était pas aussi aisé qu'aujourd'hui), de la pensée du Philosophe Inconnu, et cela bien sûr, m'enchante. Le style est chaleureux, l'écriture soignée, dans ce très bon français qui hélas, de nos jours, fait défaut chez nombres d'auteurs et de journaleux.

 

bÉnares - kyÔto

Olivier germain-thomas

EDITION  DU ROCHER

 2007

Aventure unique : une traversée de l’Asie par voie terrestre et maritime. De l’imprévu, des rencontres, des trains fantaisistes, des jeteurs de sorts… et de l’érudition, mais avec cette réjouissance chère à Montaigne, un des compagnons de voyage qui pratique la philosophie par la marche et l’ironie d’un regard perçant. Voici l’Inde avec cette union si troublante de l’éros et du divin. La Thaïlande et une femme prête à sauter d’une falaise au-dessus du Mékong. Le Tonkin avec un combattant de Diên Biên Phu qui aimait la France. Le dévoilement d’une Chine méconnue, le Tao et le Bouddha, une audience pleine d’humour avec l’empereur. Puis c’est le Japon, une marche rituelle dans les montagnes habitées par les Esprits, les miroirs secrets dans les sanctuaires…


On en ressort avec l’intelligence nourrie par d’autres manières de concevoir la vie. « 26 février 2006, nous voilà sur une terrasse surplombant le Gange qui s’écoule à nos pieds lentement, perpétuel, hors du temps dans une ville où la raison n’est plus. Le soleil peu à peu se couche tandis que de ci, de là, diverse musique et chants lancinants se mêlent au chant des oiseaux ainsi qu’au vacarme de la ville sur fond de klaxons en tout genre.

Il serait difficile de décrire la saleté qui règne dans les quartiers de Bénarès (Varanasi). Les mouches et autres insectes volants pullulent et se multiplient autour des déchets qui jonchent les rues. Les buffles, quant à eux, montent et descendent les escaliers des gaths, parcourent les routes et rendent le trafic dense. Les chèvres se poursuivent dans les dédales des ruelles, les singes se suspendent aux branches d’un vieil arbre. Une fine brume semble recouvrir la ville mystique où sadhus, yogis, babas et autres personnes en quête de spiritualité se côtoient sans trop se voir, sans trop savoir ce qu’ils sont venus chercher ici.

 

Lord Shiva sera célébré ce soir. Tant d’agitation dans cette cité dédiée à la spiritualité peut surprendre. Une incessante activité, une énergie particulière, une inquiétante atmosphère à la tombée du jour caractérise Bénarès, la plus ancienne ville du monde dit-on. Attirante et répugnante à la fois, la ville semble être le point culminant de toutes les extravagances de l’Inde. Peu faite pour y trouver la paix et le calme à priori, il se peut cependant qu’elle permette d’atteindre un certain sens des choses essentielles, comme elle peut tout aussi bien être l’objet d’une énorme imposture.

 

Plusieurs cérémonies sont célébrées chaque jour en l’honneur du Gange, du Dieu Shiva et de la nature. Mantras, psalmodies, runes et joyeux « Bom-bom » se font entendre inlassablement. Tant de personnages dits « spirituels » qui se tournent vers la multitude de touristes dans l’espoir de remplir leurs bols de quelque pièce ou d’un repas ; eh oui la spiritualité semble nourrir l’âme mais pas les estomacs. Que dire de ces hommes saints dénommés « holy men » dont les corps ne seront pas incinérés à leur mort mais qui flotteront à la surface du Gange à la vue de tout un chacun ? En effet, les enfants, les hommes saints ainsi que les personnes ayant succombées à la morsure d’un serpent (considéré comme un Dieu en Inde) rejoignent les eaux du Gange sans autre formalité à leur décès.



Ainsi, le cycle de la vie et de la mort se perpétue au bord du Gange, au petit matin, lorsque la population locale vient faire sa toilette et laver ses vêtements au bord du Gange, celui-là même qui charrie les carcasses des vaches mortes et les corps de ceux qui ont quitté cette vie sans être incinérés. Malgré tout cela, et après une certaine adaptation nécessaire, les habitants de Bénarès se trouvent être attachants et nous les quittons après plusieurs jours sans avoir percé leur mystère, sans avoir saisi complètement comment l’on peut vivre au quotidien dans cette ville, tout en se demandant encore s’il s’agit réellement de spiritualité ou d’autre chose qui nous échappe… » Un beau voyage initiatique qui se lit et se parcourt avec plaisir, émotion et méditation.

 

BORGES – QUI SUIS-JE ?

Roger Parisot

Edition Pardès

 2006

Borges (1899-1986): "Être une chose est inexorablement ne pas être toutes les choses; l'intuition confuse de cette vérité a induit les hommes à imaginer que ne pas être vaut mieux qu'être quelque chose et que, dans un sens, c'est être tout." Il y a, chez Jorge Luis Borges, auteur illustre d'une oeuvre renommée, un paradoxe et une contradiction dont l'homme et l'oeuvre eurent également à pâtir. Ce fut de n'avoir pu écrire, parce qu'il était Borges, le Livre qu'il aurait voulu écrire - parce qu'il était Borges. Il fallait, en effet, être Borges, Jorge Luis, homme de lettres argentin, épris de lecture et pétri de culture, pour former l'idée d'un Livre total, nécessaire et infini, Livre des livres ou Livre absolu, qui contiendrait tous les livres et qui serait le Monde. Et il suffisait d'être Jorge Luis Borges, individu, fini, accidentel et fortuit, pour être radicalement empêché d'écrire. C'est de cela qu'il souffrait lorsqu'il se plaignait du " malheur " d'être Borges, lorsqu'il disait sa lassitude d'être toujours celui qu'il était, lorsqu'il exprimait son espoir que, au moins, la mort mettrait un terme pour lui au fait d'être Borges. C'est la finitude et le négatif de son identité singulière qu'il déplorait, car c'est cela qui lui interdisait d'être, pour écrire l'oeuvre dont il rêvait, et devenir, en l'écrivant, le véritable et suprême Hacedor, l'impersonnel et intemporel auteur de l'impossible Livre absolu.

 

Ce " Qui suis-je " Borges montre que les ouvrages qu'il écrivit sont la solution fictive apportée par l'auteur à l'insoluble problème de l'homme. Non sans humour, toutefois, car le grand écrivain argentin, lucide et toujours clairvoyant, en dépit de sa cécité, se plaisait parfois à déconcerter, voire à mystifier, ses lecteurs. " Roger Parisot, avec un soin acribique, sans omettre d'en démontrer les intimes correspondances, passe en revue fondamentaux et symboles borgésiens dont il montre combien tous sont prescripteurs d'absolu voire, plus précisément, de L'Absolu. Une étude toute- à- fait complète, rigoureuse, fort référencée, qui creuse au plus profond des textes et de la personnalité de Borges, qui démontre comment les uns sont la mise en abîme de l'autre et réciproquement - et sans fin." (Réfléchir et Agir.) - "Roger Parisot nous propose une vision française de cet écrivain en se basant sur ses œuvres traduites et sur les entretiens parus en français." (Aventures et dossiers secrets de l'Histoire.) –

 

Jorge Luis Borges est né le 24 août 1899 à Buenos Aires (Argentine). Issu d'une famille aisée et cultivée, il est élevé par une gouvernante anglaise et apprend l'anglais avant même de savoir parler l'espagnol. En 1914, on l'envoie faire ses études supérieures à Genève, où il apprend l'allemand et le français. De 1919 à 1921, il réside en Espagne. De retour dans son pays, Jorge Luis Borges s'intègre à l'avant-garde littéraire argentine, le mouvement dit "ultraïste". Son grand maître à penser est l'écrivain Macedonio Fernandez. En 1955, il est nommé Directeur de la Bibliothèque Nationale de Buenos Aires, poste qu'il conservera jusqu'à ce qu'une cécité presque totale l'oblige à abandonner ses fonctions. Cette cécité n'empêche cependant pas l'écrivain de voyager et de donner des cours, tant dans son pays qu'en Europe et en Amérique. L'oeuvre de Jorge Luis Borges — l'une des plus connues d'Amérique latine en Europe et dans le monde — est multiple et déroutante. Borges est d'abord un poète; mais c'est aussi un conteur et un essayiste. Toutefois, aucun de ces noms ne lui convient vraiment, car il a une manière totalement à lui d'être poète, conteur ou essayiste. D'un côté, c'est un cosmopolite incorrigible; de l'autre, un amoureux de sa ville, Buenos Aires, et de son pays. Les premières œuvres de Jorge Luis Borges se signalent précisément par un lyrisme sentimental et nostalgique: Ferveur de Buenos Aires (1923), Lune d'en face (1925), La Dimension de mon espérance (1926), La Langue des Argentins (1928), Cahier San Martin (1929) et Evaristo Carrriego (1930). Cette veine sentimentale et nostalgique ne sera d'ailleurs jamais complètement absente du reste de son oeuvre, et particulièrement de ses poèmes ultérieurs. Mais dès 1925, Borges inaugurait le genre du conte-essai qui allait le rendre célèbre, avec ses Enquêtes.

 

Énumérons ici la majeure partie de ces livres: Discussion (1932), Histoire universelle de l'infamie (1935), Histoire de l'éternité (1936), Le Jardin des sentiers qui bifurquent (1941), Fictions (1944), L'Aleph (1949), L'Auteur et autres textes (1960). Aucune de ces œuvres — composées d'histoires ou d'essais généralement très courts — ne peut être séparée des autres: l'ensemble constitue le "cosmos" propre de Jorge Luis Borges, un cosmos déroutant, sophistiqué et métaphysique qui n'a pas son pareil dans la littérature mondiale, à l'exception peut-être de celui d'Edgar Poe. L'un des contes les plus fameux de Borges s'appelle La Bibliothèque de Babel (dans Fictions). L'auteur imagine une bibliothèque infinie, contenant la totalité des livres possibles, y compris leurs innombrables variantes. Dans ce cauchemar spéculatif, une race d'hommes angoissés erre à travers les salles, cherchant le Livre des Livres, le livre qui répondrait à toutes les énigmes. Cette quête dure également depuis une éternité, et dans leur désespoir, les hommes ont parfois brûlé des livres: qui sait, demande Borges, si le fameux Livre des Livres existe encore ? Car, bien entendu, chaque livre est unique. Ce petit conte, l'un des plus parfaits de son oeuvre, est comme la métaphore de celle-ci.

 

D'autres contes nous introduisent dans des labyrinthes, des espaces de miroirs, dans des mondes où les "moi" ne savent plus s'ils existent ou s'ils sont rêvés (comme dans Les Ruines circulaires, dans Fictions) par quelque "Dieu" inconnu. Dans Enquêtes, un personnage d'ailleurs réel, Pierre Ménard, passe sa vie à réécrire Don Quichotte en espagnol, au début du XXe siècle. Borges s'amuse à comparer les deux Don Quichotte, qui sont pourtant formellement identiques. Irineo Funes, dans Fictions, a une mémoire tellement développée qu'il met une journée à se rappeler la journée antérieure. L'oeuvre de Borges s'enfonce ainsi dans un labyrinthe de sophismes vertigineux, dont on ne sait s'ils sont purement verbaux ou métaphysiquement profonds. Les références — souvent distraites, malgré leur érudition — à des philosophes du solipsisme comme Georges Berkeley, David Hume, Arthur Schopenhauer, Emmanuel Kant ou Benedeto Croce ne doivent pas nous faire confondre ces "enquêtes" avec des "enquêtes" philosophiques: Jorge Luis Borges n'est ni essayiste ni philosophe, mais son jeu avec les notions et les êtres a quelque chose de grisant et de glacé. Un style élégant, froid et cérémonieux, paraissant d'une logique imperturbable, transmet au lecteur les plus folles spéculations, à une distance elle-même infinie de la vie "ordinaire". Mais à n'importe quel moment, dans le conte ou l'essai le plus étrange, l'autre Borges — celui de Buenos Aires, de ses rues, de ses maisons, de ses cours, de ses faubourgs qui se perdent dans l'immense pampa — réapparaît, perdu cette fois dans un autre vertige, celui de la nostalgie d'un passé personnel ou national qui, peut-être, n'a jamais existé.

 

L'oeuvre peut donc emplir d'angoisse ou ravir l'intellect, ou angoisser et ravir à la fois, selon le lecteur. Il est évident qu'elle n'est pas "facile", pas "populaire". Parée des prestiges d'une érudition peut-être en partie feinte — Borges n'ayant pas lu tout "Babel" — elle semble éloignée du réel, du charnel, et également des sentiments: elle est en blanc et noir, polarité sur laquelle l'auteur — devenu aveugle comme le bibliothécaire de l'un de ses récits — a également écrit de belles pages. On a parlé à propos de Borges d'"esthétique de l'intelligence", d'hédonisme, mais cet esprit labyrinthique résiste à toutes les définitions et à toutes les classifications: semblable à quelque mollusque marin, il a créé un coquillage d'une complexité merveilleuse dont le plan, le projet initial resteront à jamais incompréhensibles. La poésie de Jorge Luis Borges — Poèmes 1923-1958, rassemblés dans les Œuvres complètes, publiées en 1964, et L'Or des tigres (1974) — ne peut pas être séparé du reste de son oeuvre. Les mêmes thèmes s'y retrouvent: le labyrinthe, le chaos du monde, les doubles, la transmigration des âmes, l'annulation du moi, la coïncidence de la biographie d'un homme avec celle de tous les autres hommes, le panthéisme, l'éternel retour, la mémoire; et la même oscillation entre un univers intellectualisé et pour ainsi dire bardé de citations, et un univers nostalgique ou Borges évoque soudain le Rio de la Plata, un faubourg de Buenos Aires, l'immensité déroutante de la pampa. Ici, naturellement, ces thèmes prennent la forme d'images qui sont obsessivement répétées de poème en poème, de recueil en recueil. L'auteur a longtemps écrit des sonnets extrêmement travaillés du point de vue formel. La cécité l'a obligé — en dictant ses poèmes et ses contes — à revenir à des formes plus simples, plus populaires et plus "orales". C'est ainsi que ses contes, qui étaient auparavant des merveilles de sophistication, se rapprochèrent de plus en plus des contes de la tradition littéraire argentine (comme ceux d'Horacio Quiroga).

 

Jorge Luis Borges a eu une énorme influence sur la littérature de son pays, et notamment sur un écrivain plus jeune comme Julio Cortazar. Son unicité, naturellement, l'empêche d'avoir une postérité. Au milieu des romanciers argentins engagés dans la réalité sociale et politique convulsée de leur temps, il paraît comme figé dans l'éternité de ses obsessions et de ses fantasmes. Il est vrai que ses opinions notoirement conservatrices ne transparaissent aucunement dans ses livres. On a parfois accusé Borges d'être cosmopolite, d'être étranger à la réalité latino-américaine. Mais, bien qu'il soit fort peu intéressé, par exemple, par les mythologies préhispaniques — alors qu'il donne des cours à Buenos Aires sur les mythologies celtes et nordiques — il est encore latino-américain, paradoxalement, par son sens du cosmos, du fantastique, de l'immensité spatiale et temporelle, et il ne serait sans doute pas très difficile de retrouver dans l'oeuvre d'un Garcia Marquez, par ailleurs si différente, des obsessions analogues. Son cosmopolitisme lui-même n'est pas n'importe quel cosmopolitisme: c'est celui de Buenos Aires, la grande ville des immigrés, ouverte à la fois sur l'Europe et sur l'Amérique, et séparée de cette Europe et de cette Amérique par les deux immensités de la mer et de la pampa. Durant les dernières décennies de sa vie, Jorge Luis Borges avait multiplié les livres d'entretiens: avec Georges Charbonnier (1967), Jean de Milleret (1967), Richard Burgin (1972), Maria Esther Vasquez (1977), Willis Barnstone (1982), Osvaldo Ferrari (1984). Ses deux derniers recueils: Le Chiffre (1981) et Les Conjurés (1985) sont dédiés à Maria Kodama, qu'il épousa en avril 1986. Jorge Luis Borges est décédé à Genève deux mois plus tard, le 14 juin 1986,

 

BIBLIOTHÈQUE - CHEZ  BORGES

ALBERTO  MANGUEL

ÉDITION  BABEL  ACTES-SUD

 2003

Est-il meilleur moyen de rencontrer un auteur, parmi les plus fameux et les plus fascinants du XXe siècle qu’en lui faisant la lecture ? Durant les dernières années de la vie de J.L. Borges, Alberto Manguel, alors étudiant à Buenos Aires, fut chargé par l’écrivain argentin de lire les pages auxquelles ce dernier, atteint de cécité progressive, n’avait plus accès par lui-même.

 

Au fil de souvenirs, dont on sent l’importance qu’ils ont eue sur l’écriture et la réflexion de Manguel, se dessine un récit empreint de retenue et d’affection qui évoque les affinités littéraires en même temps que le simple quotidien d’un génie ordinaire. Il faut lire l’excellent livre de Borges « Fictions » dans lequel l’auteur décrit sa «  Bibliothèque de Babel », récit surréaliste et envoûtant.

 

 Bibliothèques de Babel » : l’expression pourrait surprendre. Elle unit deux termes que tout oppose. D’un côté, la bibliothèque, lieu de conservation et de mise à disposition du patrimoine culturel, où règnent fiches, classements et règlements — le royaume de l’Ordre. De l’autre, « Babel », édifice inachevé évoquant la ruine et la confusion — symbole, s’il en est, du Chaos. La Bibliothèque de Babel : grâce à Borges, l’association des deux termes n’étonne plus personne. Le sort de l’un, désormais, est lié à celui de l’autre, et quiconque arpente les couloirs d’une bibliothèque songe à la tour mythique. Mais si le titre de cet article évoque plus particulièrement la célèbre « fiction » borgésienne, il existe d’autres « bibliothèques de Babel ». Celle, plus ancienne et moins connue, de Baudelaire. Et celles, fort nombreuses, qui s’inspirent de Borges, comme « l’Édifice » du Nom de la rose la prodigieuse coupole de La Grande Bibliothèque4 de Puységur, dont l’axe central est une « Babel inversée ».

 

Mais le propos n’est pas, bien sûr, de dresser un catalogue des versions inspirées, de près ou de loin, par les cauchemardesques « galeries hexagonales » de l’écrivain argentin. En prenant pour point d’ancrage La Bibliothèque de Babel, et en examinant ses prolongements dans les textes d’Umberto Eco et de Puységur, je voudrais examiner les enjeux de cette surprenante et féconde association — enjeux qui relèvent d’une tension entre les deux pôles antithétiques précédemment définis : l’ordre et le chaos. Le cas de l’oeuvre de Borges est particulièrement intéressant. C’est à la faveur d’un simple mot présent dans le titre  — « Babel » — que les « imaginaires de la tour » s’imposent au lecteur. Et puisqu’il s’agit d’imaginaire, imaginons, précisément, imaginons le texte de Borges amputé de cette référence biblique. Donnons-lui pour titre « La Bibliothèque », ou encore « La Bibliothèque totale6  », et lisons-le.

 

Il n’est pas certain que nous pensions alors spontanément au onzième chapitre de la Genèse. Le récit biblique raconte ce qu’il advint aux hommes qui entreprirent de construire une tour en plaine de Shinéar. Le conte de Borges, lui, décrit une bibliothèque-univers, cauchemar d’un malheureux bibliothécaire contraint d’en arpenter les galeries : il n’est, on le voit, nul lien évident entre ces deux histoires. Ce qui est en jeu, ici, c’est le « pouvoir d’irradiation » des mythes mis au jour par Pierre Brunel : c’est bien le titre du conte, qui, seul, introduit l’univers biblique dans le texte, nous invitant à rechercher les éventuels points de convergence qui relient les imaginaires de Babel et ceux de la bibliothèque.

 

Parmi ces points, figure en premier lieu la symbolique de l’axis mundi, qui appartient à la strate la plus souterraine du texte de la Genèse. La tour que les hommes construisent en plaine de Shinéar — migdal en hébreu — renvoie aux ziggurats babyloniennes, et peut-être même à un édifice précis : l’Etemenanki. Mais la ziggurat, qui sert ici de contre-modèle, n’est nullement signe de démesure : pour les religions mésopotamiennes, au contraire, elle montre l’aspiration de l’homme à rejoindre la divinité. Et, comme tout lieu de culte, elle revêt de multiples fonctions. Une fonction astrologique tout d’abord : elle sert à observer les astres et à prédire le destin. Une fonction funéraire, ensuite, aux yeux de certains historiens.  Mais sa fonction principale est de représenter symboliquement le cosmos.

 

Alors que la tour de Babel est une construction architecturale s’érigeant dans le monde — un monde au sein du monde —, la ziggurat est le monde. Couronné d’un temple, cet édifice sacré destiné à figurer l’harmonie de l’univers est un axis mundi où enfer, terre et ciel communiquent. Or, si ce symbolisme de la tour-ziggurat a été rejeté dans l’ombre pendant deux millénaires, il resurgit au vingtième siècle, période où triomphe l’assyriologie. On sait désormais déchiffrer l’écriture cunéiforme, et Robert Koldewey dirige un chantier archéologique qui permet de mettre au jour les premiers « restes » de Babylone dès 1898. Un peu plus tard s’ouvre le débat dont Jean Bottéro s’est si bien fait l’écho : Juifs  et Chrétiens doivent accepter que « l’histoire commence à Sumer ». On comprend que Borges s’intéresse à cette civilisation, omniprésente dans les recueils L’Aleph et Fictions. « La Loterie à Babylone » ou « L’Histoire des deux rois et des deux labyrinthes » sont bien le témoignage de la fascination qu’exercent, tout particulièrement à cette époque, les prestigieuses cités assyro-babyloniennes.

 

Ecrivain, traducteur, citoyen canadien né en argentine, Alberto Manguel a beaucoup voyagé et toujours avec une importante bibliothèque qu’il défaisait ou pas en fonction du temps. Il est l’auteur notamment d’Une histoire de la lecture et Une bibliothèque la nuit.

 

BIBLIOTHÈQUE D’ALEXANDRIE.        SA VÉRITABLE   HISTOIRE

LUCIANO  CANFORA

ÉDITION  DESJONQUERES

 1988

Auréolé de légende, la bibliothèque d’Alexandrie a réussi à incarner le mythe surréel qui voulait rassembler en un lieu clos les livres du monde entier. Ce fragile monument de la pensée humaine prétendait en symboliser l’immortalité ; pourtant ses livres furent consumés par les flammes.

 

Avec brio, Luciano Canfora retrace l’histoire de cette célèbre bibliothèque : l’incroyable cachette des textes d’Aristote, la traduction en grec des textes hébreux, la rivalité avec la bibliothèque d Pergame, le papyrus et le parchemin, Cléopâtre, qui pourrait bien être à l’origine du premier incendie…jusqu’au moment où nous finissons par découvrir qui l’a vraiment brûlée et pourquoi. Une lumière inattendue émane de ce passé lointain : Il était une fois à Alexandrie une bibliothèque pharaonique célèbre dans le monde entier…

 

La bibliothèque d’Alexandrie – c’est la plus grande collection de livres du Monde antique, contenant entre 400.000 et 700.000 papyrus. Cette collection a été constituée au 3e siècle av. J.-C. La bibliothèque d’Alexandrie était non seulement une collection de livres, mais aussi une véritable académie. D’éminents chercheurs de l’époque travaillaient ici. Tout un département de copistes était constitué au sein de l’établissement. Ils copiaient les livres et composaient le catalogue qui comptait jusqu’à 120 rouleaux de papyrus, et était constamment mis à jour. Le texte sur chaque livre avait des annotations, notamment avec la description de l’œuvre et les informations sur l’auteur.

Cette bibliothèque était déjà devenue célèbre à l’époque de Jules César. Alexandrie était considérée comme un lieu de conservation secret des livres, qui donnent des connaissances quasi illimitées.

La bibliothèque d’Alexandrie renfermait notamment l’Histoire de Babylone du prêtre babylonien, historien et astronome Bérose (356-261 av. J.-C.). Il y décrivait notamment ses contacts avec des extraterrestres - des créatures qui ressemblent à des poissons, qui ont transmis aux gens les premières connaissances scientifiques. La bibliothèque compte également des œuvres complètes d'un prêtre égyptien et historien Manéthon, qui selon la légende, connaissait tous les secrets de l'Egypte ancienne. Il y avait aussi des œuvres d'historien phénicien Mockus, qui, selon certaines sources, aurait élaboré les prémices de la théorie atomique. La bibliothèque d’Alexandrie renfermait également une série de livres sur l'alchimie, expliquant les secrets de la fabrication de l’or et de l’argent, qui nous manquent tellement dans la vie moderne.

 

En 48-47 avant J.-C., Jules César avait mené une campagne militaire en Egypte. En conséquence de l’intervention de ses troupes en Alexandrie, un énorme incendie s’est produit, suite auquel les livres de la bibliothèque ont brûlé. Par la suite, le bâtiment de la bibliothèque a été restauré et Marc-Antoine a décidé de remplacer la collection des écrits détruits par une autre collection de livres, la plus grande collection du monde hellénistique en provenance de Pergame. Malheureusement Alexandrie se retrouvait très souvent au cœur des divers conflits, et sa bibliothèque a brûlé à plusieurs reprises au cours de tout ce temps. Quant aux écrits qu’elle renfermait, ils disparaissaient à chaque fois sans laisser de trace. Mais certains chercheurs optimistes gardent l’espoir qu’ils mettront un jour la main sur la trace de ces parchemins anciens qui ont aujourd’hui un prix inestimable.

 

Est expliqué les personnages, les symboles et les actes suivants :

Ptolémée Sôter, Hécatée d’Abdère, le tombeau des pharaons, la bibliothèque sacrée et universelle, Cratès, Démétrius gouverneur d’Athènes, le legs de Théophraste à Nélée de Scepsis, Aristote et ses livres mythiques, Aristée et le symposium des savants, le musée de la bibliothèque appelle : la cage des muses, les catalogues de Callimaque, Vitruve et le sophiste Zoïle, les œuvres de Démosthène achetées par la bibliothèque de Pergame, Tyrannion, Cicéron et Atticus, Diodore, César, Marc Antoine et Cléopâtre, les guerres qui ont précédées l’incendie, les dialogues entre Jean Philopon et l’émir Amrou Ben Al-As, Plutarque, les 700.000 rouleaux rassemblés par les Ptolémées et qui furent brulés, Isidore de Séville, Sénèque et Tite-Live, Kadesh et sa célèbre bataille, Strabon, la vulgate des bibliothèques, les bûchers des livres.

 

BIBLIOTHÈQUE - JOURNAL D’UN LECTEUR

Alberto Manguel

Edition Actes Sud

 2004

Ayant décidé de relire, une année durant, ses livres de prédilection tels qu’ils lui semblaient susceptibles de refléter le chaos contemporain ou d’enrichir et d’éclairer son rapport personnel au monde, Albert Manguel offre ici, entre carnet intime et recueil de citations, ce journal dont l’érudition à la fois sensible et subversive rend compte à merveille de l’infini du « dialogue » entre toute oeuvre et son lecteur.

Il y a des livres que nous parcourons dans l’allégresse, oubliant chaque page lue sitôt tournée la suivante ; d’autres que nous lisons avec révérence, sans les oser ni approuver ni contester ; d’autres qui se bornent à nous renseigner et excluent d’avance nos commentaires ; d’autres encore que, parce que nous les aimons si fort et depuis si longtemps, nous ne pouvons que répéter, mot à mot, car nous les connaissons au sens propre par cœur.

La lecture est une tâche confortable, solitaire, lente et sensuelle, elle est aussi une conversation entre le lecteur, le livre et les personnages du livre.

Au sommaire de cet excellent livre :

Les livres d’une année lus par l’auteur :

L’invention de Morel d’Adolfo Bioy Casares - L’île du docteur Moreau de H.G. Wells - kim de Rudyard Kipling - Mémoires d’outre-tombe de François René de Chateaubriand - Le signe des quatre d’Arthur Conan Doyle - Les affinités électives de Johann Wolfgang Von Goethe - Le vent dans les saules de Kenneth Grahame - Don Quichotte de Miguel de Cervantes - Le désert des Tartares de Dino Buzzati - Notes de chevet de Sei Shônagon - Faire surface de Margaret Atwood - Mémoires posthumes de Braz Cubas de Joaquim Maria Machado de Assis -

 

bibliothÈque - la bibliothÈque la nuit

Alberto manguel

EDITION ACTES SUD

 2006

Qu’elle soit constituée de quelques livres ou de volumes par milliers, qu’elle obéisse à une classification rigoureuse ou aléatoire, qu’elle soit « de Montaigne » ou d’Alexandrie, qu’on veuille la détruire (comme, si près de nous, à Sarajevo, à Kaboul, à Bagdad) ou l’ériger, qu’elle soit mentale, comme chez Borges, ou institutionnalisée – avec heures d’ouverture et réglementations –, qu’elle ait pour résidence de vastes bâtiments aux allures de nefs ou de temples ou qu’elle joue les passagères clandestines dans des cartons, entre deux déménagements, que les livres qui la composent soient alignés sur des étagères de bois blanc ou d’acajou massif, qu’est-ce qu’une bibliothèque, sinon l’éternelle compagne de tout lecteur – son rêve le plus cher ?


Pourtant, entre les plaisirs offerts par le chaos généreux d’une caverne d’Ali Baba ou ceux, plus austères, que procure le classement, entre infini et rayonnages, faut-il nécessairement choisir ? Et n’y a-t-il pas quelques présomptions à vouloir sédentariser, non les livres mais les textes, par définition nomades ? Existe-t-il un ordonnancement idéal du grand thésaurus livresque de l’humanité ? Pour peu que, à l’instar d’Alberto MANGUEL, on ait affronté en combat singulier, et toute une vie durant, la nature profonde de la bibliothèque, telles sont bien les insondables questions que soulève, in fine, cet espace prétendument banal – voire, pour certains, parfaitement démodé !


Après Une histoire de la lecture, Alberto MANGUEL offre donc ici un essai « contigu », au propos lumineusement complémentaire, d’où il appert que construire une bibliothèque, privée ou publique, n’est rien de moins qu’une mise à l’épreuve d’ordre philosophique ne saurait réduire la portée. Voyage au cœur de nos livres et histoire de leurs demeures, La Bibliothèque, la nuit, en faisant la part belle aux heureuses ténèbres que l’imaginaire de tout lecteur se plaît à hanter, nous rappelle à quel point les livres, réinventant sans fin la « bibliothèque » qui les accueille, sont seuls maîtres de la lumière dans laquelle ils nous apparaissent – ces livres qui en savent décidément sur nous bien davantage que nous sur eux.

 

Un magnifique livre qui nous plonge dans un océan fascinant de livres, de manuscrits et de rêves.

 

BIBLIOTHÈQUE - LE VOYAGEUR & LA TOUR – LE LECTEUR COMME MÉTAPHORE

Alberto Manguel 

Edition Acte Sud

 2013

Si elle est indispensable au déchiffrement du monde, la lecture est également le lieu d’une grande solitude, constamment tiraillée entre ces deux pôles –élan vers le monde, mais nécessaire isolement – la représentation de la figure du lecteur se divise entre deux champs métaphoriques, tout aussi antagonistes que communément partagés.

L’image du lecteur-voyageur, ce « Robinson en chambre » qui parcourt le livre du monde, cohabite sans trop de heurts dans nos esprits avec celle du « rat de bibliothèque », ou de l’ermite retranché en sa tour d’ivoire, soigneusement confiné dans une solitude studieuse. Pourtant, derrière ces images apparemment figées se cache tout un subtil réseau de significations, longuement tissé.

En redonnant leur sens le plus profond à ces métaphores qui s’inscrivent dans une histoire universelle des plus anciennes, cet ouvrage nous convie à un passionnant voyage au sein de l’imaginaire collectif.

Alberto Manguel livre ici une méditation sur la relation houleuse et complexe qu’entretient toute société avec l’univers de l’écrit, nous rappelant qu’aux sources de la vie, réside le langage.

Au sommaire de cet ouvrage :
Le lecteur en voyageur : la lecture comme une reconnaissance du monde - le lecteur dans sa tour d’ivoire : la lecture, une fuite ? - Le rat de bibliothèque : le lecteur, inventeur du monde -

 

BIBLIOTHÈQUES - PRESTIGIEUSES BIBLIOTHÈQUES DU MONDE

Jean-François Blondel

Edition Oxus

 2013 

Cet ouvrage de grand format -24x30 – présente près de 60 bibliothèques, parmi les plus belles et les plus riches du monde. Leurs créateurs étaient des moines, des évêques, des Papes, des rois, des mécènes ou des hommes politiques. Tous étaient persuadés que la sauvegarde de la culture et du savoir, et leur transmission au plus grand nombre, étaient nécessaires à l’éducation et à l’élévation des peuples.

Les bibliothèques les plus renommées de chaque continent sont décrites, et de splendides photographies agrémentent cette exploration. Même si l’Europe a la part belle, tous les grands berceaux de civilisations de par le monde ont érigé de véritables sanctuaires pour abriter leurs manuscrits les plus sacrés, les plus rares et les plus beaux.

 

Le livre, symbole du savoir et de la connaissance, a toujours fait rêver, ainsi, certains ont imaginés qu’il serait possible d’enfermer dans un même lieu la totalité des connaissances humaines ! C’est le rêve enfanté par certain visionnaire de créer « la nouvelle Babel » qui contiendrait tous les livres qui ont été écrit, et tous ceux qui le seront dans l’avenir.

Si cela est toujours du domaine de l’utopie, on peut se demander si l’information et la numérisation des fonds de bibliothèque, qui est en marche et se généralise à grands pas, et qui fera indiscutablement des progrès dans les années à venir, ne transformeront pas cette utopie en réalité ; alors, ces nouvelles bibliothèques de Babel représenteront un pôle stratégique indéniable, les rendant inéluctablement vulnérables aux terroristes et envahisseurs de tout acabit.

Créée par Ptolémée 1e, la grande bibliothèque d’Alexandrie, qui disparut dans les flammes, reste la grande bibliothèque mythique de l’Antiquité. Au Moyen Âge, les grandes bibliothèques se trouvaient dans les monastères bénédictins essentiellement, et l’on peut dire qu’à cette époque, la culture occidentale s’épanouissait à l’ombre des cloîtres. Là dans le scriptorium de leur monastère, des moines copistes transcrivaient inlassablement sur des parchemins les écrits des Pères de l’église, rédigés en grec et en latin.

Bientôt le savoir passa des monastères dans les écoles cathédrales, puis dans les universités, dès l’an 1000, l’école de Chartres, créée par l’évêque Fulbert, rassembla en son sein tous les meilleurs penseurs du monde chrétien. Chaque grande église avait sa bibliothèque, il suffit de penser au fameux « portail des libraires » à la cathédrale de Rouen, qui était le portail menant à la librairie, c'est-à-dire à la bibliothèque des chanoines.

Ce voyage au cœur du temple du savoir nous mènera de Paris à Tokyo, de Mexico à Pékin, de Coimbra à Tombouctou… Sans oublier les plus grandes bibliothèques disparues, comme Pergame, Alexandrie, Cordoue ou Celsus. Enfin sont présentés quelques manuscrits et incunables, rares et précieux, ainsi nous avons la possibilité de découvrir les premiers livres imprimés : la Bible de Gutenberg, le Psautier de Mayence, les Chroniques de Nuremberg, mais aussi les mappemondes anciennes ou encore les textes fondamentaux des religions orientales.

Un magnifique ouvrage, unique en langue française, qui enchantera tous les passionnés du livre et des bibliothèques.

 

BIBLIOTHÈQUE -  LA  SAGESSE  DU  BIBLIOTHÉCAIRE

MICHEL   MELOT

EDITION  L’ŒIL  NEUF

 2008

Le bibliothécaire aime les livres comme le marin aime la mer. Il n’est pas nécessairement bon nageur mais il sait naviguer. L’océan du savoir qui grise tous les savants, rend modeste le bibliothécaire. La bibliothèque est ce lieu indispensable où le savoir décante.

 

Regardez comme cet océan furieux se calme dans la bibliothèque. A la figure du savant fou s’oppose celle du sage bibliothécaire. On ne se recueillera pas sur leur tombe, mais des milliers de lecteurs fréquenteront leurs bibliothèques. S’ils n’avaient pas été aussi discrets, ils n’auraient peut-être pas été d’aussi bons bibliothécaires. C’est pour cela qu’on le dit sage, le bibliothécaire.

 

Le bibliothécaire sait lire les livres sans les ouvrir. Son regard transperce les couvertures. Il visite la page de garde, l’auteur, les éditeurs, va directement au colophon, relève la date, le format, le nombre de pages, s’attarde sur la table des matières, vérifie s’il y a un index.

 

Il évalue enfin sa robustesse et la qualité de son papier, celle de sa mise en page et de son impression. Il est l’architecte de sa bibliothèque. On peut retenir la phrase de Jorge Luis Borges, lors d’une conférence au centre Pompidou, et qui répondit lors d’entretien disait: « Je ne suis pas fier de ce que j’ai écrit, mais je suis fier de ce que j’ai lu »

 

BIBLIOTHÈQUE MONDE – LA VATICANE ET LES ARCHIVES SECRÈTES

Jean-Louis Bruguès

Edition du Cerf

 2019

Ancien patron de la Vaticane et de ses archives, Mgr Bruguès en livre tous les secrets dans cet ouvrage richement illustré où viennent se télescoper les âges et les mondes de l'humanité. Un album exceptionnel d'initiation à l'histoire en textes et en images. Entrez dans l'un des lieux les plus secrets au monde, conservatoire et mémorial de l'humanité. Des premiers manuscrits de la Bible à la dernière partition de Mozart, des premières relations épistolaires avec la Chine à la dernière lettre de Marie-Antoinette, mais aussi du procès de Galilée aux relations avec la République, relisez l'Histoire du monde grâce aux trésors de la Bibliothèque monde. Ancien Bibliothécaire de la Vaticane et de ses archives de 2012 à 2018, Mgr Jean-Louis Bruguès nous emmène avec lui dans ses promenades. Il nous invite à découvrir ces lieux d'exception et dévoile, en exclusivité, ses plus belles pièces : manuscrits rares, ouvrages remarquables, objets précieux. Tous ces documents racontent les événements et les personnages qui ont fait notre Histoire. Un album exceptionnel d'initiation à la chronique universelle en textes et en images.

 

Entretien avec Mgr Bruguès, auteur de cet ouvrage :

 

On peut dire que la Bibliothèque du Vatican est l'une des plus vieilles du monde. On ne connaît certes pas la date exacte de sa création, mais on sait qu’elle a été fondée peu d’années avant 1450. L’une des plus anciennes donc, mais surtout l’une des plus riches. Bien sûr, d’un point de vue purement quantitatif, les bibliothèques de Washington, Paris ou Londres sont supérieures, quoiqu’avec ses cinquante-quatre kilomètres de rayonnages et à peu près cent mille manuscrits, le moins que l’on puisse dire est qu’elle « présente bien ». Mais si je ne devais retenir qu’une seule caractéristique, c’est le mot "humaniste" qui me viendrait à l’esprit. Elle est humaniste bien sûr parce qu’elle a été créée à l’époque de l’essor de l’Humanisme, de la Renaissance. Elle est humaniste par ses fonds, puisqu’elle a eu très vite un fonds latin et grec, puis juif, puis arabe, puis au XVIIIe siècle des fonds asiatiques, de telle sorte que le meilleur de la culture du monde entier - d’où le titre de Bibliothèque monde - s’y trouve. Elle est humaniste aussi par sa destination, puisque le pape Nicolas V, qui a créé cette bibliothèque, voulait qu’elle s’adresse aux chercheurs du monde entier, et ce, quelles que soient leurs convictions personnelles. Un épisode est révélateur de cet état d’esprit particulier : au XVIIe et au XVIIIe siècles, les protestants n’avaient pas la possibilité d’acheter une maison à Rome. Mais le règlement de la Bibliothèque, à cette époque- là, est très explicite sur le fait que ces mêmes protestants étaient habilités à entrer chez nous et à y travailler exactement comme les autres.

 

Nombre de pièces et œuvres présentées dans le livre sont de caractère profane. En quoi nous ramènent-elles, in fine, au sacré et à la foi ?

 

Le fait précisément que ce soit une bibliothèque humaniste, puisque le pape Nicolas V, son fondateur, avait voulu qu’y soit réuni ce que les hommes avaient fait de plus beau, de plus juste, de plus précis. Elle compte bien sûr de très nombreux ouvrages à caractère religieux - philosophie, théologie, droit canon - mais ce n’est pas une bibliothèque comme on peut en trouver dans les séminaires ou les facultés de théologie. Pour être clair, son fonds profane est beaucoup plus important que son fonds religieux. À preuve, nous avons là sans doute la meilleure bibliothèque au monde pour l’histoire de la médecine. Nous avons aussi un fonds exceptionnel pour les mathématiques ou pour l’astronomie. Sans parler évidemment des arts, pour lesquels le fonds est plus que riche. Beaucoup de profane avec beaucoup de religieux, donc. Et finalement, pourquoi opposer les deux ? Selon une phrase de Térence, l’auteur latin, "tout ce qui parle de l’homme nous enrichit". Pour le scientifique, comme pour l’artiste ou le théologien, tout cela contribue à la richesse et à la beauté de l’esprit humain. J’insiste sur le mot « beauté » qui me paraît être une bonne clef d’entrée. En effet, Nicolas V, avant d’être élu pape, était vu comme un scientifique et un érudit. La famille Médicis avait fait appel à lui pour créer à Florence une bibliothèque moderne. On lui donne le couvent Saint-Marc pour réaliser cette oeuvre et il va travailler là en même temps qu’un dominicain connu sous le nom de Fra Angelico, chargé de décorer les austères cellules de ce couvent - qui allait être un couvent de la Réforme dominicaine - de fresques magnifiques que nous admirons encore aujourd’hui. Ils ont travaillé ensemble. Ils se sont - en tout cas j’aime à le supposer - compris et appréciés réciproquement. Et lorsque Nicolas V est élu à Rome, il fait venir Fra Angelico et lui confie la décoration d’une partie des appartements pontificaux. Il y a dans cette rencontre entre ces deux hommes ce que je crois être l’ADN même de notre Bibliothèque : la rigueur scientifique et la splendeur esthétique. Et ces deux approches complémentaires, en tout cas intimement unies, ne relèvent ni de la foi, ni du religieux Mais elles sont sacrées parce qu'elles permettent d’aller au cœur de l’Homme.

 

S’il n’y avait qu’une pièce dont vous voudriez faire partager l’amour au public ?

 

S’il m’était donné de prendre chez moi une seule pièce - rêve impossible bien sûr - je crois que j’en prendrais… deux. Oh ! ce ne sont peut-être pas les plus importantes, mais ce sont celles qui sont les plus chères à mon cœur. D’abord, il y a le manuscrit Bodemer, c’est-à-dire le texte le plus ancien du Nouveau Testament, puisqu’il contient à peu près la moitié de l’Évangile de Luc et la moitié de l’Évangile de Jean. Il y a dans ce manuscrit un lien extraordinaire avec la personne même du Christ, puisque quelques années à peine se sont écoulées entre sa disparition et sa rédaction. Alors évidemment, on peut aller au Christ de diverses manières, mais il y a là une approche tout à fait propre à une bibliothèque. On a encore dans ce manuscrit qui date de la fin du IIe siècle comme un écho direct du Christ. Pour le second manuscrit… j’ai toujours aimé le courant de la devotio moderna, qui représente un peu la matrice spirituelle de ma formation. Ce courant est illustré dans le domaine de l’art par les « Livres d’oeuvre », qui comportent les prières de la journée et qui sont magnifiquement illustrés. Pouvoir emporter la liturgie dans un livre de poche, cela me touche profondément. Et cela renvoie à la définition du livre que donnait Brigitte de Suède : un jardin que l’on mettrait dans sa poche.

 

 bibliothÈques

Denis Pallier

EDITION  P.U.F.

 2006

Les bibliothèques sont à la fois un instrument de travail (et de loisir culturel) et un conservatoire du patrimoine intellectuel de l’humanité. Ces deux fonctions ne sont pas étrangères l’une à l’autre. Une phrase de Newton exprime fort bien leur complémentarité, en reprenant l’image médiévale, qui décrit le lettré comme un nain monté sur l’épaule d’un géant. « J’ai pu trouver ce que je cherchais, dit le savant britannique, parce que je suis monté sur les épaules de la génération qui m’avait précédé. »

C’est pourquoi, en restant fidèle à la conception de la première édition de ce livre en 1961, on a essayé de faire une part égale au passé et au présent, en montrant comment s’est constitué et comment évolue le réseau de bibliothèques qui couvre aujourd’hui la France et le monde.

 

BIBLIOTHÈQUES  -   LES  BIBLIOTHÈQUES   

Anne Marie  BERTRAND

EDITION  LA  DECOUVERTE

 2007

Les bibliothèques sont de plus en plus présentes et visibles dans le paysage culturel et politique français, que ce soit par leur actualité (le renouveau des bibliothèques universitaires), par leur succès public- + de 7 millions de personnes inscrites dans les bibliothèques en 2007- ou par les interrogations que suscite la documentation électronique et internet. Cet ouvrage a pour ambition d’éclairer le mouvement d’expansion et de modernisation des bibliothèques, mais aussi leur fragilité et les enjeux dont elles sont porteuses. Le premier tiers du livre situe les bibliothèques dans une perspective historique. Sont ensuite abordés l’organisation administrative et fonctionnelle des bibliothèques, puis les différents rôles qu’elles jouent et leur public. La conclusion examine l’avenir des bibliothèques face au défi numérique du XXIe siècle.

 

Il est de fait que jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, l’histoire des bibliothèques est pour l’essentiel celle de bibliothèques privées, qu’il s’agisse de bibliothèques individuelles ou de communautés. Ces bibliothèques donnent l’impression d’être bien connues… mais l’impression est peut-être trompeuse. Il n’est pas une des grandes thèses d’histoire sociale des années 1960-1970 qui ne sacrifie au chapitre incontournable sur les bibliothèques, en recourant à l’analyse des inventaires après décès. À les relire aujourd’hui à la lumière de la manière dont sont menés trop de mémoires de maîtrise, on est amené à s’interroger sur le degré de fiabilité de ces analyses effectuées, pour l’essentiel, par des chercheurs pleins de bonne volonté sous la direction de grands maîtres, les uns et les autres ne connaissant pas le livre ancien ! Seules, à mon humble avis, les études portant exclusivement sur la bibliothèque privée paraissent aujourd’hui au-dessus du soupçon, telles celles conduites par Michel Marion sur le Paris des années 1750, et sur une plus vaste échelle par Jean Quéniart sur la France de l’Ouest).

L’Ancien Régime demeure cependant la période pour laquelle on dispose de la plus riche palette de sources, même si toutes sont biaisées : catalogues domestiques, catalogues de ventes publiques, inventaires après décès, inventaires de saisies révolutionnaires. Les premiers ont été exhumés par Yann Sordet dans sa thèse sur Adamoli et dans un très bel article du Bulletin du bibliophile. Un repérage systématique de ce type de document dans les fonds publics autoriserait l’étude d’ensemble qui fait encore défaut. Les seconds, mis à l’honneur par Daniel Mornet  dès 1910, font aujourd’hui l’objet d’un regain d’intérêt, de nouvelles approches méthodologiques, et de bases de données Pour leur part, les saisies révolutionnaires ont donné lieu à quelques études provinciales qui mériteraient d’être étendues. L’exposition organisée par la Bibliothèque nationale : 1789, Le Patrimoine libéré… a également constitué un jalon important de la redécouverte de cette source, et son catalogue demeure un instrument de référence. Dans un autre ordre d’idée, la thèse d’Anne Kupiec a judicieusement attiré l’attention sur le mythe révolutionnaire du « livre-sauveur » L’épisode constitue en effet tout à la fois une bonne photographie de ce qu’étaient les collections privées au début de la Révolution, et un excellent point d’observation pour l’étude de l’organisation des bibliothèques institutionnelles au tournant du XIXe siècle.

Il est désormais patent que, pour l’Ancien Régime, nous disposons d’informations variées pour les différents types de bibliothèques et de détenteurs : de la collection bibliophilique de l’amateur huppé à la demi-douzaine de volumes de piété du laboureur. Un des plus récents et des plus beaux travaux de reconstitution de ces bibliothèques est sans contexte l’étude que Jérôme Delatour a consacrée aux livres de Claude Dupuy. Encore faut-il sans cesse interroger à nouveau les sources, et en découvrir de nouvelles. Le travail sur ces époques est loin d’être achevé.

On ne peut en dire autant de la période récente qui demeure, pour l’essentiel, terra incognita. Cela tient d’abord au fait que les études ont jusqu’ici été peu nombreuses. Cela tient surtout à un problème de sources. Certes, on dispose toujours de catalogues de ventes, qui, comme pour la période antérieure, ne témoignent que du cas des collectionneurs, mais les catalogues domestiques se font plus rares ou demeurent bien cachés, et la pratique de l’inventaire après décès se perd progressivement. De fait, l’étude des bibliothèques privées des XIXe et XXe siècles devient extrêmement difficile… et exceptionnelle.

L’une des rares et pertinentes investigations relatives au premier XIXe siècle me semble être celle de Claude-Isabelle Brelot consacrée à la noblesse comtoise. Elle n’a guère été imitée. Par ailleurs, il ne faudra pas compter sur certains fonds contemporains aujourd’hui déposés dans les bibliothèques publiques pour se faire une idée précise de ce qu’était la bibliothèque de l’honnête homme du XXe siècle. Qu’il s’agisse du fonds Chomarat de la Bibliothèque municipale de Lyon, du fonds Béla Eck de la Bibliothèque interuniversitaire de Lyon II-Lyon III ou d’autres, ces collections ne témoignent que pour ceux qui en furent les détenteurs. Il y a donc désormais une très réelle difficulté à étudier les bibliothèques particulières de l’époque contemporaine. Les études sociologiques, les autobiographies, les statistiques de la production, des ventes, et des pratiques culturelles ne remplaceront pas les inventaires, quelles qu’aient été leurs imperfections.

Un autre obstacle réside dans la confusion trop souvent faite entre histoire des bibliothèques et histoire de la lecture. C’est une dérive à laquelle on assiste à travers de nombreux mémoires universitaires menés sous la direction de professeurs non spécialistes du domaine. Étudier les bibliothèques de telle ville à telle époque peut paraître démodé, long et aride. Faire la même chose en l’appelant improprement « histoire de la lecture » est davantage dans l’air du temps… et constitue trop souvent une habile façon de cacher son incompétence en matière d’identification des titres d’ouvrages rencontrés dans les sources. L’histoire de la lecture est un sujet très difficile, trop important et trop pertinent, nécessitant de vastes compétences extra-historiques, pour être abandonné sans garde-fou aux gros bataillons d’étudiants s’initiant pour la première fois à un travail d’investigation sur documents originaux.

Bien qu’elle plonge ses origines fort loin dans le temps, la bibliothèque en tant qu’institution concerne surtout la période récente. La naissance de la « bibliothèque publique », et ses liens avec le pouvoir politique, ont été revisités de façon très stimulante par Robert Damien  dans sa thèse et dans ses ouvrages postérieurs. Complément indispensable de ce travail, le texte fondateur de Gabriel Naudé, jusqu’ici consultable sur les éditions du XVIIe siècle ou sur un reprint est-allemand, a été réédité, accompagné d’une longue et importante introduction par Claude Jolly. Mais une étude d’ensemble fait encore défaut sur d’autres grands textes fondateurs, tels le De bibliothecis syntagma (1602) de Juste Lipse ou le Musei sive bibliothecae… libri IV (1635) du jésuite Claude Clément.

Par ailleurs, nous manquons cruellement d’une histoire comparée d’institutions cousines aux évolutions parallèles : bibliothèques, archives et musées. Les cabinets de curiosités suscitent aujourd’hui un regain d’intérêt, et de nombreuses publications. L’histoire des musées, tout spécialement à partir de l’épisode révolutionnaire, est magistralement menée par Dominique Poulot. En revanche, les archives font figure de parent pauvre, et le très récent volume consacré à l’histoire des Archives nationales par Lucie Favier (19) n’a pas un mot pour les bibliothèques, ni pour le rôle joué dans la formation des bibliothécaires par l’École des chartes, qui fut tout de même hébergée par la Bibliothèque royale avant de migrer vers l’hôtel de Rohan. Il faudra pourtant bien en arriver un jour à écrire cette histoire croisée ! Un premier essai en la matière mérite toutefois d’être signalé : le catalogue de l’exposition du tricentenaire des bibliothèques et musées de Besançon, nés du legs du chanoine Boisat.

Les travaux consacrés à la Bibliothèque nationale, après avoir connu une réelle impulsion dans les années 1980-1990, paraissent aujourd’hui marquer le pas. Le second tome de l’œuvre de Simone Balayé, qui devait porter sur les XIXe et XXe siècles, pourtant annoncé dès le premier volume, n’a jamais vu le jour. La thèse d’École des chartes de Jean-François Foucaud  sur la monarchie de Juillet n’a pas fait d’émule. Seule la publication des conférences Léopold Delisle et celle de catalogues d’exposition sont venues préciser les connaissances relatives à certaines périodes de l’histoire de la vénérable maison : Le patrimoine libéré, déjà cité, ou Des livres et des rois, pour ne pas vouloir trop allonger la liste. Enfin, poursuivant de façon solitaire une investigation débutée à l’École des chartes, Françoise Bléchet a couronné par une habilitation à diriger des recherches ses travaux sur l’abbé Bignon.

La polémique qui a accompagné la mue de la Bibliothèque nationale en Bibliothèque nationale de France est peut-être responsable, pour une part, de la stagnation des travaux d’historiens. La marée de publications qu’elle a suscitée, des plus sérieuses aux pamphlets en passant par la langue de bois administrative  constitue aujourd’hui un ensemble documentaire sur lequel il faudra bien se pencher tôt ou tard. Le petit volume signé de Bruno Blasselle et Jacqueline Sanson dans la collection « Découvertes » de Gallimard est déjà en lui-même un document fort parlant pour l’historien, puisque le même texte, publié en 1990 avec une iconographie relative à la rue de Richelieu, est republié deux ans plus tard… avec cette fois une iconographie du nouveau bâtiment.

 

BIBLIOTHÈQUES -  LIVRES  EN  FEU

LUCIEN  X. POLASTRON

EDITION  DENOËL

 2004

Détruire la bibliothèque est un geste qui remonte à la plus haute Antiquité. Apparus en même temps que les livres, les autodafés semblent se multiplier avec eux : plus il y a d’ouvrages, plus on cherche à les détruire.

 

Considérée comme subversive ou au contraire comme symbole du pouvoir absolu, la bibliothèque est au centre des crises et des conflits. Bien souvent, elle n’y survit pas.

 

Depuis la Chine des Qing jusqu’aux catastrophes contemporaines, ce livre retrace l’histoire des grandes destructions de bibliothèques. De l’incendie d’Alexandrie à celui de Sarajevo en 1992, en passant par Rome, Ctésiphon, Bagdad, par les méfaits de l’Inquisition, la Révolution Française ou la Commune, l’auteur Lucien Polastron déploie une singulière érudition sur ce terrain encore peu exploré. Il mène l’enquête sur les causes du désastre, reconstitue les trésors perdus, part sur les traces des volumes rescapés.

Les grands malheurs vécus par les bibliothèques sont peut-être moins graves que les dangers récents : Attaque en règle sur le support papier, convoitises pharaoniques sur l’information numérisée avec Google et autres géants…. Le rêve de la bibliothèque absolue est-il en train de tourner au cauchemar entrevu par Bradburry, Huxley ou Orwell ?

Ce livre développe les sujets suivants :

 

Le papyrus en Egypte, en Grèce, à Rome et à Constantinople, la destruction de la bibliothèque d’Alexandrie, L’Islam médiéval, Al- Andalus, Le papier comme matériau pour le feu, l’Inde et son savoir, le sabre et le pinceau, l’Inquisition en Occident, l’Espagne catholique, les danses de mort de la Renaissance, les diverses révolutions, les nouveaux biblioclastes, le sort des livres sous le nazisme et l’Holocauste, les destructions de livres et de bibliothèques en URSS, en Chine, en France, au Cambodge, au Cachemire, au Sri Lanka, à Cuba, en Afrique, en Bosnie et dans les Balkans, en Afghanistan, en Irak, les vols de livres, les morts violentes dues au livre, la connaissance ignifugée, « delenda est bibliotheca », la bibliothèque cachée.

 

Né en 1944, parlant arabe et chinois, Lucien X. Polastron est l’auteur de « Le papier 2000 ans d’histoire- 1999 » ainsi que plusieurs ouvrages sur la calligraphie.

 

BIBLIOTHÈQUE - UNE  HISTOIRE  DE  LECTURE

ALBERTO  MANGUEL

ÉDITION  BABEL   ACTE - SUD

1998

Célébration heureuse de la plus civilisée des passions humaines, cette histoire écrite du côté du plaisir et e la gourmandise est un livre savant qui se lit comme un roman d’aventures. Parti à la recherche des raisons qui ont fait aimer le livre, Alberto Manguel propose un étonnant récit de voyage à travers le temps et l’espace, dont chaque étape lui est occasion de détours, de visites, de réflexions profondes et d’anecdotes réjouissantes.

 

Passionnante, jubilatoire, cette histoire de la lecture, a reçu en France le prix Médicis 1998.

 

Alberto Manguel est un amoureux des livres et des bibliothèques, admirateur de son compatriote J. Luis Borges, il a notamment écrit : Dans la forêt du miroir. Le livre d’image. Chez Borges qui est un formidable livre d’entretien avec cet immense poète que fut Luis Borges. Kipling une brève biographie. Journal d’un lecteur. La bibliothèque la nuit

 

BRASILLACH.    QUI SUIS-JE ?

PHILIPPE D’HUGUES

EDITION PARDES

 2005

Brasillach ?

 

Pour les uns, un traître, un journaliste fasciste, condamné à mort et exécuté à la Libération. Pour les autres, un écrivain, auteur de livres inoubliables, au charme insistant, dans la tradition d’Alain Fournier, de Larbaud et de Giraudoux.

 

Comment concilier ces deux images contradictoires, celle du rédacteur en chef du journal collabo « Je suis partout » et celle de l’écrivain délicat et sensible de « Comme le temps passe et Notre avant-guerre » ?

 

Pourtant, il s’agit bien du même homme, celui qui a poursuivi le rêve d’une Europe qui, à vrai dire, devait moins à l’auteur de Mein Kampf qu’à Goethe et Schiller, et celui qui révérait Maurras et Claudel, Virgile et Corneille, Shakespeare et Cervantes…

 

Ce sont ces contradictions apparentes qui rendent passionnante la personnalité de Brasillach, et c’est la richesse exceptionnelle d’une œuvre aussi abondante (32 volumes en 15 ans) que variée, qui fait le prix de celle-ci et situe son auteur au premier rang de sa génération, aux côté de Jean-Paul Sartre, Marcel Aymé ou Marguerite Duras.


Romancier (La Conquérante), critique littéraire (Portraits), spectateur infatigable (Histoire du cinéma, Animateurs de théâtre), chroniqueur de son temps (Histoire de la guerre d’Espagne, Journal d’un homme occupé), dramaturge (Domremy, La reine de Césarée) et avant tout poète (Poèmes de Fresnes), Brasillach s’est essayé dans tous les genres avec une égale réussite. Même s’il est permis de privilégier tel ou tel aspect de son œuvre, l’ensemble constitue un véritable monument littéraire, qu’il est impossible aujourd’hui d’ignorer.


Brasillach appartient au paysage littéraire français du XXe siècle et il s’y est assuré une place qu’il n’est au pouvoir de personne de lui enlever. C’est ce que ce petit livre, loin des passions politiques, entend établir avec une autorité sereine.

17 C

CALLIRHOḖ                   

 Maurice  Sand

Les ardents éditeurs

2009

Château de Saint-Jean dans le lierre. Marc Valery, romantique et beau jeune homme, féru d'archéologie, est l'enjeu des intrigues amoureuses de Marguerite et de son amie Fanny. La découverte d'un mystérieux serment gravé sur une plaque de bronze antique, puis celle de Callirhoé statue incroyablement belle et énigmatique, bouleversent les relations de la bourgeoisie locale. Manifestations surnaturelles, visions prémonitoires plongent le jeune archéologue dans une aventure fantastique qui le propulse à l'époque gauloise. Un suspense haletant et d'une grande modernité. Callirhoé est, sans aucun doute, l'un des plus beaux et fascinants romans archéologiques du XIXe siècle. Une œuvre sur laquelle planent les ombres de George Sand et de Lina Calamatta, l'épouse de Maurice Sand.

 

D'un style alerte et séduisant, soutenu par une grande érudition, Callirhoé offre également une description du Berry digne des Légendes rustiques de George Sand en lui conférant un charme envoûtant, voire inquiétant. Ce premier roman de Maurice Sand, publié en 1864, fut enseveli dans le tumulus de l'histoire littéraire, mais telle la magnifique statue décrite dans cette œuvre, Callirhoé se devait d'être exhumé et redécouvert. Cette nouvelle édition annotée est accompagnée d'un essai biographique sur Maurice Sand et d'une présentation de l'œuvre intitulée Du roman archéologique à l'archéologie du roman par Claire Le Guillou, spécialiste de Maurice Rollinat et de George Sand. Le Dictionnaire celtique, manuscrit inédit de Maurice Sand (1862) complète cette édition.

 

CHARLES MAURRAS QUI SUIS-JE ?

Tony Kunter

Edition Pardès

 2011

Issu d’une vieille famille provençale, atteint de surdité dès l’enfance, Charles Maurras grandit dans un milieu traditionaliste et fit ses études au collège catholique d’Aix-en-Provence. Venu adolescent à Paris, il se voua à l’étude des humanités gréco-latines ; à dix-sept ans il publiait son premier article dans les Annales de philosophie chrétienne. Il devait collaborer par la suite à différents journaux et revues : L’Événement, La Revue bleue, La Gazette de France, La Revue encyclopédique. Il s’y faisait le chantre d’une conception classique de la « véritable » pensée française, contre les excès irrationnels du romantisme, qu’il considérait comme une forme de décadence. Marquée par le même traditionalisme, sa pensée politique en fit le défenseur d’un patriotisme, que Maurras qualifiait lui-même de « nationalisme intégral » et qui repose sur la condamnation sans appel des erreurs commises depuis la Révolution, le rejet de tous les principes démocratiques, jugés contraires à l’inégalité naturelle, le retour enfin à une monarchie héréditaire.

 

Son militantisme devait conduire Charles Maurras à créer le groupe des Néo-monarchistes et à fonder, en 1899, la revue de L’Action française. Militant en faveur du catholicisme comme principe d’ordre social, mais agnostique par convictions personnelles, Maurras allait s’attirer les foudres de l’Église, qui condamna L’Action française en 1926 et mit à l’index plusieurs des livres de l’écrivain, dans une œuvre qui comporte de nombreux titres : Le Chemin de Paradis (1895), Trois idées politiques (1898), Enquête sur la monarchie (1900-1909), Anthinéa (1901), Les Amants de Venise : George Sand et Musset (1902), L’Avenir de l’intelligence (1905), Le Dilemme de Marc Sangnier (1906), Kiel et Tanger (1910), La Politique religieuse (1912), Romantisme et Révolution (1922), Le Mystère d’Ulysse (1923), La Musique intérieure (1925), Barbarie et Poésie (1925), Un débat sur le romantisme (1928), Au signe de Flore (1931), L’Amitié de Platon (1936), La Dentelle du rempart (1937), Mes idées politiques (1937), Quatre poèmes d’Eurydice (1938), Louis XIV ou l’Homme-Roi (1939), La Sagesse de Mistral (1941), La Seule France. Chronique des jours d’épreuve (1941), De la colère à la justice (1942), etc.

 

Il eut une grande influence sur une partie de la jeunesse, celle qui se groupa dans le mouvement des Camelots du roi. Charles Maurras, qui avait dénoncé dès après la Première Guerre mondiale l’insuffisance du traité de Versailles et condamné, par anti-germanisme, la politique de rapprochement avec l’Allemagne menée par Briand, devait cependant, par crainte de la menace communiste, approuver les accords de Munich et se faire le défenseur, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, des thèses pacifistes. En 1940, il saluait comme une « divine surprise » l’arrivée du maréchal Pétain au pouvoir. Pendant l’Occupation, il se fit, avec toute sa vigueur polémique, l’apologiste du gouvernement de Vichy et l’inspirateur de la politique de Collaboration.

 

Condamné en 1945 par la haute cour de justice de Lyon à la réclusion à perpétuité et à la dégradation nationale, il fut interné à Riom, puis à Clairvaux. En 1952, sa santé déclinante le fit admettre à la clinique de Saint-Symphorien-lès-Tours, où il devait s’éteindre. Charles Maurras, après un premier échec contre Jonnart en 1924, avait été élu à l’Académie française le 9 juin 1938 au fauteuil d’Henri-Robert, par 20 voix contre 12 à Fernand Gregh ; il était reçu le 8 juin de l’année suivante par Henry Bordeaux. Sa condamnation entraînait automatiquement sa radiation de l’Académie (article 21 de l’ordonnance du 26 décembre 1944) ; il fut en fait décidé, lors de la séance du 1er février 1945, qu’on déclarerait vacant le fauteuil de Maurras, sans pour autant voter la radiation. Ainsi, Charles Maurras, comme le maréchal Pétain, mais à la différence d’Abel Hermant et Abel Bonnard, ne fut remplacé sous la Coupole qu’après sa mort. Il est mort le 16 novembre 1952.

 

cÉline – qui suis-je ?

Pierre lainé

EDITION  PARDES

 2005

Céline est considéré aujourd’hui comme l’un des écrivains majeurs du XXème siècle. Son œuvre est traduite dans le monde entier et figure dans ce panthéon miniature qu’est la Bibliothèque de la Pléiade. L’influence qu’il a exercée auprès de nombreux écrivains est patente, et la cote qu’atteignent ses autographes donne le vertige.


Classique et paria de la littérature : tel semble bien être le destin paradoxal de cet écrivain qui aura marqué son siècle, à l’égal d’un Proust auquel on l’a souvent comparé. C’est une évidence : à sa manière, éruptive et rabelaisienne, Céline est un « précieux », tout à l’opposé de l’image que les béotiens ont de lui.

 

Utilisant les ressources du langage populaire et d’une ponctuation débridée, il est parvenu à créer un instrument à la mesure de son univers baroque. Rarement on aura vu une telle harmonie entre écriture et imaginaire. Sa force, c’est d’allier le tragique au comique, atteignant des sommets dans l’évocation de la débâcle allemande ou la retraite des Français collaborationnistes dans le Bade-Wurtemberg.


Une œuvre qui se caractérise par l’émotion vraie, un altruisme déçu et ce raffinement qu’il opposait lui-même au matérialisme épais de ses contemporains. Dans ce « Qui suis-je ? » Céline, Pierre Lainé nous donne à voir un Céline peu commun – entre débâcles, tendresse et sortilèges. Si ce célinien émérite fait preuve de lucidité, le regard qu’il porte sur l’écrivain est pétri de compréhension et d’humanisme.

Une belle introduction à une œuvre qui, en dépit des apparences, reste encore largement méconnue. Le présent essai doit beaucoup à la passion éprouvée pour l’œuvre célinienne et à l’agacement ressenti lors de la lecture des articles ou des ouvrages de critique, anciens ou récents.

Agacement face à la volonté de certains – prétendus connaisseurs de Céline ou prétendus spécialistes – d’occulter l’essentiel de cette œuvre ou d’en gauchir la signification, agacement face au dessein de travestir une poétique et une pensée, même si depuis vingt ans ou un peu plus le style des romans est reconnu et distingué, la petite musique célinienne volontiers célébrée. Mais Céline, aujourd’hui encore, sent le soufre et demeure un écrivain maudit. J’ai écrit ces quelques chapitres pour dénoncer ce scandale. Ouvrage d’humeur.


Il ne s’agit pas d’une nouvelle biographie. Pas davantage d’une synthèse des aspects et thèmes de la somme célinienne. Rien d’exhaustif. J’ai voulu tenter aussi fermement que possible – avec une ardeur parfois excessive – de combler des lacunes, de corriger des impressions ou des opinions. Et de privilégier les aspects trop souvent passés sous silence, tendresse, légèreté ou lucidité, par exemple.


Cela froissera les caciques frileux ou enragés de la critique littéraire, les militant de tous poils, gardiens méticuleux du prêt-à-penser, du penser-droit ou de ne je ne sais quelle morale. Je n’en ai cure, évidemment. Mon approche satisfera peut-être les lecteurs vigilants de Céline, rétifs aux préjugés et aux modes, et appliqués à discerner dans les ouvrages les marques du bon sens, l’émotion pure, le bien-fondé des propos sévères ou empreints de générosité. Naïveté et vanité de ma part, sans doute.


Mais je crois avoir quelques bonnes raison de produire cette étude, après quarante ans de fréquentation de l’univers célinien et au terme d’une carrière universitaire atypique m’ayant permis de proposer la lecture des romans et leur approfondissement à des publics très divers en France et à l’étranger, à des étudiants européens ou américains, marocains, béninois ou rwandais. J’ai eu l’occasion, ainsi, de constater à quel point l’œuvre retient l’attention, séduit, captive, à quel point elle trouble et fascine par ses qualités littéraires et ses accents humanistes, à quel point les auditoires, étrangers notamment, dégagés des contingences militantes et franco-françaises, reconnaissaient son universalité, l’acuité du regard de Céline et la pertinence du « discours » de l’écrivain.

 

CODREANU  CORNELIU  - QUI SUIS-JE ?

Yves Morel

Edition Pardès

 2019

Il y a 80 ans, dans la nuit du 29 au 30 novembre 1938, Corneliu Zelea Codreanu était assassiné par une escouade de gendarmes roumains, avec treize de ses camarades. Le chef de la Garde de Fer avait été arrêté au printemps précédent et condamné à 10 ans de travaux forcés après un jugement expéditif. Le gouvernement d’Armand Călinescu, incapable de gouverner et de redresser le pays, décidé à offrir le pouvoir aux nationalistes, ordonna à ses laquais de commettre ce terrible crime.

 

Corneliu Codreanu (1899-1938): "Nous tuons un monde pour en édifier un autre, plus haut, jusqu'aux cieux. La domination absolue de la matière est abattue, pour être remplacée par la domination de l'esprit, des valeurs morales." (Codreanu, cité par Horia Sima, Histoire du mouvement légionnaire.) Né à Husi le 13 septembre 1899, Corneliu Codre­anu est sans doute le plus atypique des chefs politiques de l’entre-deux-guerres, et l’un des plus charismatiques. Il fonde la Légion de l'archange Michel (ou Garde de Fer) en 1927, et en sera le «Capitaine» (Capitanul) ; celle-ci a été tenue pour un avatar roumain du national-socialisme, ses Chemises vertes ont été identifiées aux SA allemands, mais la réalité est tout autre. Pour Codreanu, l'existence devait être ordonnée selon un ordre spirituel et surnaturel, d'où un ordre politique et social étayé par une morale chrétienne, animé par un esprit de justice et le sens du devoir envers Dieu, la patrie et ses semblables. Une telle entreprise visait à créer un homme nouveau (omul nou), réclamait une ascèse spirituelle, une rigueur morale et un dévouement allant jusqu’ au sacrifice personnel suprême. Il exhorta les Roumains à une existence supérieure, difficile, héroïque, ancrée dans une conscience de l’identité roumaine, à la fois dace et latine. Haï par le roi et la classe politique de son pays, populaire auprès de ses compatriotes, Codreanu fut le centre de la vie politique roumaine jusqu'à sa tragique exécution, sur ordre du gouvernement du roi Carol II, à l'âge de 39 ans, dans la nuit du 29 au 30 novembre 1938. Ce «Qui suis-je?» Codreanu relate le destin hors du commun de ce croisé du XXe siècle.

 

À l’âge de 16 ans, en 1916, Corneliu Codreanu veut s’engager dans l’armée roumaine qui se lançait dans la Première Guerre mondiale. Il assiste impuissant à l’effondrement de l’armée roumaine. Il est dès lors confronté aux maux qui guideront son action politique jusqu’à sa mort : le sac de nombreux villages et villes roumains par l’armée russe déjà gagnée au bolchevisme, mue par la haine ; il perçoit l’horreur de la dictature communiste avec l’arrivée au pouvoir dans la Hongrie voisine du juif Béla Kun qui met à bas les structures sociales du pays qui bascule dans le chaos tandis que s’installe une tyrannie meurtrière.

 

Entré à l’université, il constate l’action néfaste des démocrates, francs-maçons et d’une minorité juive particulièrement active et déplore, face à ces parasites, la faible réaction de la population roumaine, méprisée, manipulée par la presse du régime, maintenue loin de l’éducation et de la culture par l’élite corrompue du pays. Codreanu participe aux mouvements étudiants de protestation contre la déchristianisation de l’université, contre l’atmosphère antinationale qui y règne, réclamant des droits pour les étudiants roumains : des bourses pour les plus pauvres, des logements sociaux pour les fils de paysans qui doivent quitter leur terre pour étudier ou encore l’instauration du numerus clausus pour rétablir une certaine égalité envers les Roumains asservis. Le pouvoir parlementaire, qui s’instaure sous l’égide du roi, exerce contre les étudiants de violentes campagnes de répression ; les policiers n’hésitent pas à torturer les jeunes roumains, parfois à mort. Si la répression policière réjouit l’extrême gauche et la bourgeoisie, elle écœure de nombreux roumains, de plus en plus favorables aux étudiants.

 

Dans ce contexte, en 1923, Corneliu Codreanu fonde la Ligue de défense nationale chrétienne (LANC, Liga Apărării Național Creștine) avec le professeur Alexandru Cuza qui en prend la tête. Parallèlement, Codreanu lance des chantiers sociaux, incite les étudiants à aider les paysans pour les récoltes ou la réfection de routes et de ponts. Il est à l’origine du lancement d’un chantier pour la construction de bâtiments pour l’hébergement d’étudiants. En butte à l’hostilité du pouvoir en place, cette dernière initiative conduit particulièrement un préfet à utilise la police, également envoyée pour interdire des réunions politiques, pour mettre fin par la force à ces actions sociales. Constantin Manciu, le préfet criminel – au moins un étudiant décède sous les coups de la police – est tué par Codreanu en personne le 24 octobre 1924, dans un tribunal. Après plusieurs semaines d’une détention extrêmement difficile, Codreanu est relâché, la justice ayant reconnu la légitime défense !

 

Corneliu Codreanu part ensuite étudier en France, à l’université de Grenoble, où il obtiendra une thèse de droit. Il revient en Roumanie, rappelé par ses camarades alors que la LANC est en proie à une grave crise. Il fonde en 1927 avec ses plus proches amis la Légion de l’archange Michel (Legiunea Arhanghelului Mihail). Elle est la base du mouvement nationaliste qui a régénéré la Roumanie durant les années trente et portait un grand espoir pour l’Europe. De ce petit groupe naît la plus vaste opposition roumaine au pouvoir, mouvement radicalement opposé au système. Le combat du Mouvement légionnaire (Mișcarea Legionară), autre nom de la Légion, n’est pas seulement en opposition au système, il lui est radicalement étranger. Pour Codreanu, le problème n’est pas que la Roumanie manque de programmes politiques, mais qu’elle manque d’Hommes. La mission que s’assigne la Légion est de créer un homme nouveau, qui ne soit pas l’électeur d’un parti défendant des intérêts classistes, politiques ou communautaires, mais un individu conduit par les plus nobles aspirations, désintéressé, courageux, honnête, travailleur, profondément spirituel, et prêt à tous les sacrifices pour son peuple et sa nation. Un homme à l’opposé du consommateur motivé par d’uniques besoins matériels, détaché de sa famille, de sa communauté, de sa nation, arraché au divin, dont rêve le système, mais aussi opposé aux profiteurs, aux lâches et serviles partisans du régime.

 

C’EST UNE CHOSE ḖTRANGE A LA FIN QUE LE MONDE

Jean D’Ormesson

Edition Robert Laffont

 2010

Qu’est-ce que la vie et d’où vient-elle ? Comment fonctionne l’univers ? Pourquoi y-a-t-il quelque chose au lieu de rien ? Des mathématiciens aux philosophes grecs, à Einstein et à la théorie des quanta, en passant par Newton et Darwin, voilà déjà trois mille ans que les hommes s’efforcent de répondre à ces questions.

 

L’histoire s’est accélérée depuis trois ou quatre siècles, nous sommes entrés dans l’âge moderne et postmoderne. La science, la technique, les chiffres ont conquis la planète, il semble que la raison l’ait emportée, elle a permis aux hommes de remplacer les dieux à la tête des affaires du monde

 

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Dieu est-il reléguer au musée des gloires étrangères et des puissances déchues ? La vie a-t-elle un sens ou est-elle une parenthèse entre deux néants ? Est-il permis d’espérer quoi que ce soit au-delà de la mort ?

 

Avec les mots les plus simples et les plus clairs, avec une rigueur mêlée de gaieté, Jean D’Ormesson aborde de façon neuve ces problèmes de toujours et raconte au lecteur le roman fabuleux de l’univers et des hommes

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Un magnifique livre, très profond qui nous fait réfléchir en même temps qu’il nous enchante.

17 D

DALI     EXPOSITION EUREKA  2017  -       Juin 2017 à Octobre 2017

Musée d’Art Moderne  de Céret

Edition Somogy

2017

Dans son Dictionnaire abrégé du surréalisme, André Breton définissait Dalí comme « le prince de l’intelligence catalane ». Dalí s’est en effet intéressé à toutes les disciplines scientifiques, de l’astrophysique à la théorie de la relativité, de la psychanalyse à la génétique, jusqu’aux théories contemporaines et très complexes des catastrophes ou des cordes. Cette curiosité universelle fait de Dalí un héritier des grands Maîtres de la Renaissance. La science nourrit sa pensée, sa capacité à interpréter le monde extérieur comme sa propre psyché. Elle répond à son besoin fondamental de chercher, dans l’univers et ses règles, la vérification d’une intuition personnelle et irrationnelle. Assimilant le Temps à une matière malléable – à du camembert coulant –, Dalí revendique l’héritage des grands maîtres du Passé tout en opérant une projection, une prémonition sur l’Avenir.

 

Dès ses années de formation, Dalí montre un intérêt pour l’astronomie, la psychanalyse, les sciences naturelles, l’entomologie, la théorie de la relativité. Il a accès à ces disciplines à la Residencia de estudiantes de Madrid, où le philosophe José Ortega y Gasset, traducteur de Freud, Einstein ou encore Marinetti, organise conférences et rencontres. Au tournant des années 30, l’artiste élabore sa célèbre théorie de la Méthode paranoïaque-critique, largement dominée par les thèses de la psychanalyse, qui montrera de réels points de convergences avec les recherches du jeune Jacques Lacan sur la paranoïa. Dalí envisage dès lors de lier plus intimement art et science. Les premiers essais nucléaires puis les bombes sur Hiroshima et Nagasaki en 1945 l’amènent à s’intéresser à la structure atomique de la matière. Effectuant un retour au catholicisme, il propose des représentations nucléaires des figures de l’art sacré, Christ et madones.

Dalí n’hésite pas à aller à la rencontre des savants : il rend visite à Freud à Londres en 1938, puis à Francis Crick à New York (prix Nobel en 1962 avec Watson pour la découverte de la structure de l’ADN). Il rencontra Dennis Gabor, prix Nobel de physique pour la découverte de l’holographie qui occupera Dalí dans les années 70. Enfin, René Thom, l’auteur de la théorie des catastrophes et Marcel Pagès et la théorie de l’antigravitation. C’est d’ailleurs en compagnie de Marcel Pagès que Dalí se rend à Céret le 27 août 1965, pour une journée fantasque et riche en événements largement évoquée dans cette exposition. En 1985, Dalí réunissait dans son musée de Figueras un aréopage de scientifiques de renommées mondiales pour un symposium intitulé « Procès au hasard ». Très affaibli depuis la disparition de sa femme Gala, le Maître suivait les débats par vidéo transmission de sa chambre. Ces moments poignants de celui qui était terrorisé par la mort et qui s’était promis l’immortalité physique, attestent d’un insatiable appétit de connaissances et de curiosité pour les sciences. L’exposition sera organisée en une série de chapitres thématiques traitant d’un domaine scientifique réinterprété par la méthode paranoïaque-critique dalinienne. Une approche originale de l’œuvre de l’artiste visionnaire. « Je suis fou » aimait à déclarer l’artiste. La science – et l’exposition du musée d’art moderne de Céret – apportent la preuve que « La seule différence entre un fou et [lui], c’est [qu’il n’est] pas fou ».

Peintre, sculpteur, écrivain, réalisateur et homme de spectacle, Salvador Dalí (1904–1989) fut un des plus grands exhibitionnistes et excentriques du vingtième siècle. Il fut aussi un des premiers artistes à appliquer les théories de la psychanalyse freudienne à l’art, et devint célèbre avec ses œuvres surréalistes, comme les montres molles ou le téléphone homard, qui sont aujourd’hui des jalons de l’entreprise surréaliste et du modernisme en général.
Dalí décrivait fréquemment ses peintures comme «des photographies de rêves peints à la main». La tension captivante qui en émane réside dans la représentation précise d’éléments bizarres et dans ses compositions incongrues. Comme l’expliquait lui-même Dalí, il peignait avec «la plus impérialiste rage de précision», mais seulement «pour systématiser la confusion et ainsi participer à discréditer totalement le monde de la réalité
Révolutionnant le rôle de l’artiste, le moustachu Dalí eut aussi l’intuition d’exhiber un personnage controversé dans l’arène publique et de créer à travers la gravure, la mode, la publicité, l’écriture et le cinéma une œuvre qui pouvait être consommée et pas seulement contemplée au mur d’un musée.

À l'occasion de la passionnante conférence intitulée "L'origine de la vie" que vient de donner le docteur Joan Oró au Conseil régional du Alt Empordà, j'aimerais évoquer, comme l'a fait cet éminent scientifique, les rapports de Salvador Dalí avec la science. Lors d'un entretien avec Philippe Bern et Daniel Abadie, à la question "Les scientifiques que vous rencontrez vous prennent-ils toujours pour un fou?", Salvador Dalí répondit: "Au contraire, ils me trouvent tous sympathique et disent de mes propos: «Finalement, il ne débite pas autant de fadaises qu'on pourrait le croire». Mon seul avantage est de ne connaître rien à rien, ça me permet de mettre en pratique mes caprices les plus capricieux et les plus irrationnels, en me basant sur mes petites lectures. Et comme je suis doué d'un certain génie, il m'arrive de dire des choses qui ne leur semblent pas si improbables que ça".

Salvador Dalí était curieux de tout et l'un de ses centres d'intérêt était justement le monde scientifique. Son oeuvre le montre, de même que sa vie et ce qu'il a laissé derrière lui. Sa bibliothèque compte une centaine d'ouvrages -annotés en marge et commentés de sa main- sur différents aspects scientifiques: physique, mécanique quantique, origine de la vie, évolution, mathématiques... Nous savons qu'à la fin de sa vie il s'était pris d'un vif intérêt pour l'oeuvre de Stephen Hawking, Une brève histoire du temps, ainsi que pour la théorie des catastrophes du mathématicien René Thom, avec lequel il était d'ailleurs très ami. En plus de ces livres, on y trouve aussi de nombreuses revues scientifiques, qui l'aidaient à se tenir au courant et auxquelles il resta abonné jusqu'à sa mort. On peut tracer, à travers son oeuvre, l'historique des événements scientifiques du siècle, du moins ceux qui l'ont particulièrement marqué.

Les années 30 sont marquées par les images doubles et les illusions optiques, une passion qui ne quittera jamais l'oeuvre de Dalí. La première image double qu'il peint s'intitule L’homme invisible (1929). Il y en aura bien d'autres: Dormeuses, cheval invisible (1930); Visages paranoïaque (1935); Espagne (1937) et l’énigme sans fin (1938).En 1940, il commence à s'intéresser à la théorie quantique de Planck. Cette année-là, il peint Marché aux esclaves avec apparition du buste de Voltaire. En 1945, l'explosion atomique d'Hiroshima impressionne tellement Salvador Dalí qu'elle donne le départ de la période nucléaire ou atomique de son oeuvre avec Idylle atomique et uranique mélancolique (1945). D'autres oeuvres suivront rapidement: Equilibre intra-atomique d’une plume de cygne (1947), La dématérialisation du nez de Néron (1947) et Les trois sphinx de Bikini (1947).

En 1949, il étudie avidement le traité De divina proportione de Luca Pacioli. C'est aussi l'année où il peint Léda atomique, oeuvre qui exigera une étude préliminaire complexe sur le plan mathématique et à laquelle il consacrera de nombreuses heures d'analyse et d'étude. Dans les années 50, influencé par les théories atomiques, il aborde la peinture corpusculaire, qui aboutit à la mystique nucléaire. Dalí en explique les éléments lors d'une tournée aux États-Unis. En 1954, il exécute Figure rhinocérontique de l’Illisos de Phidias, où son obsession pour la corne du rhinocéros (construite selon une spirale logarithmique parfaite) est déjà manifeste. En 1958, pour le catalogue de son exposition à la Galerie Carstairs de New York, Salvador Dalí écrit le "Manifeste de l'antimatière" où il déclare: "J'étudie, je veux découvrir le moyen de transmuter mes oeuvres en antimatière. Il s'agit d'appliquer une nouvelle équation formulée par le docteur Werner Heisenberg. Moi qui n'admirait que Dalí, je commence à admirer cet Heisenberg qui me ressemble". Voici quelques-unes des oeuvres de cette période: La Madone de Portlligat (1950), Assumpta corpusculària (1952) Galatée aux sphères (1952), Corpus hypercubus (1954), Portrait de Gala aux symptômes rhinocérontique (1954), Saint entouré par trois pi-mesons (1956, Nature morte vivante (1956), etc. C'est durant la période comprise entre 1962 et 1978 que l'influence de la science sur son oeuvre se ressent tout particulièrement. La première partie a pour axe principal la génétique, et plus précisément l'ADN et sa structure. Galacidalacidesoxyribonucleicacid, de l'année 1963, en est un exemple.

C'est à partir de  1965 qu'il commence à s'intéresser à l'holographie, ainsi qu'à l'art tridimensionnel dont il continuera d'explorer les arcanes au cours de la décennie, notamment avec l'oeuvre de Gérard Dou, dans les toiles duquel il découvre des images doubles, c'est-à-dire stéréoscopiques. À compter de ce moment -1970-, il commence à utiliser la lentille de Fresnel pour élaborer ces images. En 1971, le prix Nobel ayant été décerné à Denis Gabor pour ses travaux sur le laser, Salvador Dalí approfondit son intérêt pour l'holographie et, en 1972, expose ses premiers hologrammes à la prestigieuse Galerie Knoedler de New York. Des années 70, je distinguerais les oeuvres suivantes, qui toutes relèvent de la stéréoscopie: Dalí de dos peignant Gala de dos éternisée par six cornes virtuelles, provisoirement reflétées dans six véritables miroirs (1972-73), Dalí soulevant la peau de la Méditerranée pour montrer à Gala la naissance de Venus (1977), La main de Dalí retirant une Toison d'or en forme de nuage pour montrer à Gala l'aurore toute nue très loin derrière le soleil (1977), ainsi que L'harmonie des sphères -oeuvre stéréoscopique à un seul élément- et À la recherche de la quatrième dimension (1979).

Dans les années 80 et jusqu'à la fin de ses jours, tout ce que fait Salvador Dalí est centré sur le phénomène des catastrophes pensé par le mathématicien René Thom. A titre d'exemple: Traité d'écriture catastrophéiforme, (1982 - 29 pages manuscrites) et L'enlèvement topologique d'Europe. Hommage à René Thom (1983). Pour terminer, je citerais le symposium que la Faculté de physique de l'Université de Barcelone organise en 1985, au Théâtre-musée Dalí, sous le titre "Culture et science: déterminisme et liberté". Cette manifestation était organisée autour de six conférences magistrales sur le rôle du hasard dans le domaine des sciences, prononcées par divers spécialistes de la physique, de la chimie, des mathématiques et de l'astrophysique. Les colloques, précédés par les conférences, étaient dirigés par Jordi Wagensberg, directeur du Musée de la Science de Barcelone. Dalí suivit avec grande attention tous les actes de cette journée grâce à un moniteur vidéo qu'il avait fait installer dans sa chambre de la Torre Galatea. Dans le quotidien Avui, Lluís Racionero le rapporte à l'époque en ces termes: "Dalí recommanda à Thom et Prigogine de faire la paix, ce qui montre bien qu'il avait suivi les débats avec grande attention...".

À une époque où le monde scientifique privilégiait la spécialisation, Dalí défendait déjà une posture qui, aujourd'hui, se trouve au centre du débat: l'unité. J'en veux pour preuve les paroles du peintre à l'occasion de sa nomination à l'Institut de France, en qualité de membre sociétaire étranger de l'Académie des beaux-arts. Il y prononce le discours intitulé "Gala, Velázquez et la Toison d'or", où il parle de l'ADN, d'Heisenberg, de Descartes et de René Thom. À la question d'un journaliste du Figaro, "Pourquoi tant d'intérêt pour la science?", Dalí répond: "Parce que les artistes ne m'intéressent guère. Je crois que les artistes devraient avoir des notions scientifiques pour avancer sur un autre terrain, celui de l'unité".

 

DALI – L’ŒUVRE PEINT - L’ŒUVRE PAIN COMPLET -

Œuvre de Salvador Dali

Edition Taschen

2001

Important ouvrage de 880 pages, qui retrace la vie et l’oeuvre de Salvador Dali – Des centaines de ses peintures (reproduites ici en couleur) retracent l’itinéraire de ce génie paranoïaque, visionnaire et narcissique qui a puisé en permanence chez Freud, chez les surréalistes, chez Dante, chez Buñuel, dans l’actualité de son temps pour terminer dans le mysticisme. Ses visions oniriques, mystiques, surréalistes décalées, l’érotisme et la « peur de la mort » furent de puissants moteurs pour ce génie inclassable.

 

En 1916, Salvador Dalí passe une période aux alentours de Figueras, dans la propriété El Molí de la Torre, de la famille Pichot – famille d’intellectuels et d’artistes – où, grâce à la collection que possède le peintre Ramon Pichot, il découvre l’impressionnisme. Après une scolarité primaire médiocre, il commence, en automne, ses études secondaires au collège des Frères Maristes et au Lycée de Figueres. Il assiste également aux classes du professeur Juan Núñez à l’École municipale de dessin de Figueres. Au cours de cette année et de la suivante, Salvador Dalí dessine des contes pour sa sœur Anna Maria (née en 1908) lorsque celle-ci est malade.

 

En 1917, son père lui organise, chez lui, une exposition de dessins au charbon. En 1918, Salvador Dalí collabore, avec une vignette, à la revue populaire catalane Patufet. En 1919, il participe à une exposition collective dans les salons de la Societat de Concerts, au Théâtre municipal de Figueres (futur Théâtre-musée Dalí). Avec un groupe d’amis du lycée, il fonde la revue Studium, où il publie ses premiers écrits : une série de chroniques d’art dans lesquelles, sur un ton académique et scolaire, il écrit sur les artistes qu’il admire : Goya, El Greco, Dürer, Léonard de Vinci, Michel-Ange et Vélasquez. Il collabore également, avec un autre groupe d’amis de Figueres, à la revue humoristique El sanyó Pancraci, dont il peint un portrait imaginaire. Il commence un journal personnel sous le titre Mes impressions et souvenirs intimes (publié en espagnol en 1919-1920), qu’il continue l’année suivante. En 1920, Dalí commence à écrire un roman, Soirs d’été. Son père lui impose, comme condition pour être peintre, d’aller étudier à Madrid, à l’École des beaux-arts, afin d’obtenir un diplôme de professeur. Dalí l’accepte. La mère de Dalí meurt en février 1921.

A Madrid, en 1922, Dalí assiste à l’École spéciale de peinture, sculpture et gravure (Real Academia de Bellas Artes de San Fernando) et il habite à la Residencia de Estudiantes.

Il s’y lie d’amitié avec un groupe de jeunes qui, avec le temps, deviendront d’importantes personnalités intellectuelles et artistiques : Luis Buñuel, Federico García Lorca, Pedro Garfias, Eugenio Montes et Pepín Bello, entre autres. Il commence à écrire un cahier qu’il intitule Pantins. C’est probablement à cette époque qu’il reçoit les premières informations sur la peinture cubiste à travers le catalogue futuriste Peinture et sculpture futuriste (dynamisme plastique) que Pepito Pichot lui avait apporté de Paris et également à travers des revues étrangères comme Esprit nouveau ou Valori Plastici que lui procure son oncle Anselm Domènech, propriétaire d’une importante librairie à Barcelone


En 1923, Salvador Dalí publie dans la revue Empordà Federal son poème intitulé "De la feria". Il est expulsé de l’Académie de San Fernando, accusé d’avoir mené une révolte étudiante contre la non-concession au peintre Daniel Vázquez Díaz de la chaire de Peinture de l’École. Il revient à Figueres, où il reprendra ses classes avec Juan Núñez, qui l’instruit dans la modalité de la gravure. En 1924, ses dessins sont publiés dans les revues Alfar et España. En automne, il revient à l’Académie où il se voit obligé de redoubler son année. En 1925, Dalí participe à I ’Exposition de la Société des artistes ibériques à Madrid et sa première exposition individuelle est présentée aux Galeries Dalmau de Barcelone. Certaines des oeuvres présentées dans ces expositions se situent à mi-chemin entre les tendances cubistes du moment et les oeuvres des métaphysiciens italiens qu’il avait contemplé dans Valori Plastici. C’est son époque de rejet de l’avant-garde et de recherche d’une tradition picturale, essentiellement italienne. Dalí entre en contact avec une peinture, en particulier celle de Giorgio Morandi, qui lui est très utile dans le processus d’épuration qu’il a commencé. Durant cette année scolaire, 1925-1926, il ne revient pas à l’Académie de San Fernando. Federico García Lorca passe ses vacances avec Dalí à Cadaqués.

 

En 1926, Dalí participe à plusieurs expositions. En compagnie de sa tante et de sa sœur, il réalise son premier voyage à Paris, ville dans laquelle il fait la connaissance de Picasso et il visite le Musée du Louvre. Il est expulsé définitivement de l’École des beaux-arts de Madrid pour avoir déclaré incompétent le jury qui doit l’examiner. Il revient de nouveau à Figueres et se consacre intensément à peindre. En 1927, Dalí réalise sa deuxième exposition individuelle aux Galeries Dalmau de Barcelone et participe au 2e Salon d’automne de la Salle Parés de cette même ville. Dans les oeuvres présentées, les premières influences claires du surréalisme peuvent être observées, ainsi que l’anticipation de beaucoup de composants de l’esthétique future de Dalí : les mains et les têtes coupées, les corps amputés, les veines et les artères, le poisson, les figures coupées en morceaux, les ânes pourris, les animaux en état de décomposition..., autrement dit, les premiers pas dans une nouvelle esthétique qui recherche de nouveaux principes formels et qu’il ne fonde plus autant sur ce qui est classique et clairement défini.

 

En 1928, Dalí participe à l’exposition collective Manifestation d’art d’avant-garde, aux Galeries Dalmau. La Gaceta Literaria publie son poème "À Lydia de Cadaqués" et son article "Réalité et surréalité". Il réalise l’emblème de Gallo, la revue de Grenade à inspiration super réaliste, ainsi que toutes les illustrations du premier numéro. Avec Lluís Montanyà et Sebastià Gasch, il publie le Manifeste jaune (manifeste antiartistique catalan). Il participe au 3e Salon d’automne de la Salle Parés et à la XXVIIe Exposition internationale de peintures de Pittsburgh aux États-Unis.

 

En 1929, Salvador Dalí participe à l’Exposition de peintures et sculptures d’Espagnols résidant à Paris, qui se tient au Jardin Botanique de Madrid. Le dernier numéro de « L’Amic de les Arts » est publié : la conception et la majeure partie des textes sont réalisés par Salvador Dalí, qui fait une profession de foi surréaliste. Il se rend de nouveau à Paris et, au travers de Joan Miro il entre en contact avec le groupe des surréalistes, dirigé par André Breton. Durant son séjour dans la capitale française, le journal La Publicitat de Barcelone publie sous le titre "Documentaire-Paris-1929" les sept articles qui recueillent ses impressions sur tout ce qui se passe dans cette ville. Le film Un chien andalou, fruit de sa collaboration avec Luis Buñuel, est projeté au cinéma Studio des Ursulines de Paris. Il passe l’été à Cadaqués, où il reçoit la visite du galeriste Camille Goemans et sa compagne, de René Magritte et son épouse, de Luis Buñuel, de Paul Eluard et Gala, avec la fille de ces derniers, Cécile. À partir de ce moment-là, Gala restera pour toujours à ses côtés. Il participe à l’exposition collective Abstrakte und surrealistische Malerei und Plastik à la Kunsthaus de Zurich. Sa première exposition individuelle a lieu à la Galerie Goemans de Paris.

 

Au début de la décennie des années 1930, Dalí trouve son propre style, son langage particulier et la forme d’expression qui l’accompagneront toujours et, bien qu’il change et qu’il évolue, ce seront, dans le fond, ceux que nous connaissons tous et qui le définissent si bien. Un mélange d’avant-garde et de tradition. Ses premières toiles impressionnistes restent en arrière, ainsi que ses oeuvres influencées, entre autres mouvements, par le cubisme, le purisme et le futurisme. Dalí est complètement intégré dans le surréalisme et c’est le début de sa consécration comme peintre. L’Âge d’or, le deuxième film réalisé en collaboration avec Buñuel, passe en exclusivité au Studio 28 de Paris.

En 1931, Dalí réalise sa première exposition individuelle à la Galerie Pierre Colle de Paris où il expose son oeuvre La persistance de la mémoire. Il participe à la première exposition surréaliste aux États-Unis qui a lieu au Wadsworth Atheneum de Hartford. En 1932, Dalí participe à l’exposition Surréalisme : peintures, dessins et photographies, de la Julien Levy Gallery de New York. Sa deuxième exposition individuelle a lieu à la Galerie Pierre Colle de Paris. Son livre Babaouo, dans lequel il expose sa conception du cinéma, est publié aux Éditions des Cahiers Libres. À la fin de cette année, Dalí annonce au vicomte de Noailles la création du "groupe du Zodiaque", un groupe d’amis qui s’unissent pour aider économiquement Salvador Dalí, en lui commandant des oeuvres qu’ils achètent régulièrement. En 1934, Dalí épouse civilement Gala (née Elena Ivanovna Diakonova), en présence des témoins Yves Tanguy et André Gaston. Il expose à l’Exposition du cinquantenaire au Salon des Indépendants du Grand Palais de Paris, sans prendre en compte l’opinion du reste des surréalistes qui avaient décidé de ne pas y participer, un fait qui suppose pratiquement son expulsion du groupe dirigé par Breton. La librairie Quatre Chemins de Paris expose les 42 eaux-fortes et les 30 dessins qu’il avait réalisés pour illustrer Les chants de Maldoror d’Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont

 

En 1935, Dalí réalise une série de dessins et de textes pour American Weekly où il décrit différents concepts de la vie moderne et urbaine américaine. Le couple rentre en Europe à bord du Normandie. Il illustre avec Arp Max Ernst, Marcel Duchamp, Alberto Giacometti, Valentine Hugo, Oscar Dominguez, Man Ray Marcel Jean et Yves Tanguy, le programme du Cycle systématique de conférences sur les plus récentes positions du surréalisme. Il participe à l’exposition surréaliste de la Salle d’exposition de la commune de La Louvière (Belgique) et à l’Exposition internationale de peintures de 1935 du Carnegie Institute de Pittsburgh. En mai 1936, il participe à l’Exposition surréaliste d’objets à la Galerie Charles Ratton de Paris, où il expose La veste aphrodisiaque et Monument à Kant. En juin, il participe à l’Exposition surréaliste internationale qui se tient aux New Burlington Galleries de Londres. Le 14 décembre, la revue Time lui consacre sa couverture, la photo est de Man Ray. Il participe à l’exposition Surréalisme dadaïsme fantastique au MoMA de New York. C’est à la Julien Levy Gallery de New York que se tient sa troisième exposition individuelle.

 

En février 1937, il fait la connaissance des frères Marx à Hollywood. Il commence à travailler avec Harpo sur le scénario d’un film, Salade de girafes à cheval (connu dans sa dernière version comme La femme surréaliste), qui n’arrivera jamais à être tourné. Dalí et Gala rentrent en Europe. À Paris, à la Galerie Renou et Colle, il présente son portrait de Harpo Marx et les dessins qu’ils avaient réalisés ensemble pour le film. Le 17 janvier 1938 a lieu l’inauguration à la Galerie Beaux-Arts de Paris de l’Exposition internationale du surréalisme, organisée par André Breton et Paul Eluard. À l’entrée de la galerie, le Taxi pluvieux de Salvador Dalí est exposé. Dalí rend visite à Sigmund Freud à Londres, en compagnie de Stefan Zweig et d’Edward James.

 

En 1939, les grands-magasins Bonwit-Teller de New York chargent Salvador Dalí de la décoration de deux de ses vitrines. Le jour de la présentation, la direction change certains éléments sans en avertir Dalí. Lorsque celui-ci voit qu’une partie de sa création a été modifiée, une petite algarade se produit et Dalí passe même quelques heures en détention. Au mois de mai, Dalí signe un contrat pour participer à la World’s Fair de New York. Il dessine le pavillon Rêve de Vénus, qui est présenté dans la zone de divertissement de la Foire. Il publie la Déclaration de l’indépendance de l’imagination et des droits de l’homme à sa propre folie pour protester contre la décision du comité de la Foire mondiale de lui interdire d’exposer sur la façade une reproduction de la Vénus de Sandro Botticelli avec une tête de poisson. L’article de Breton "Des tendances les plus récentes de la peinture surréaliste" suppose l’expulsion de Dalí du groupe surréaliste. En septembre, le couple rentre de nouveau en Europe.

 

En 1940, son article "Les idées lumineuses. Nous ne mangeons pas de cette lumière-là" paraît dans la revue L’usage de la parole. Avec l’incursion des troupes allemandes à Bordeaux, le ménage Dalí abandonne Arcachon, où ils habitent depuis un certain temps et ils s’en vont vivre aux États-Unis, où ils resteront jusqu’en 1948. À leur arrivée, ils s’installent chez Caresse Crosby, à Hampton Manor (Virginie).En 1941, l'intérêt de Dalí dans la création de bijoux s’éveille. Tout d’abord en collaboration avec le Duc de Verdura. Plus tard, associé à deux bijoutiers établis à New York, Alemany et Ertman. Dalí entame sa relation professionnelle avec le photographe Philippe Halsman qui continuera jusqu’à la mort de celui-ci en 1979. Il publie dans la revue Vogue "Le rêve de bijoux de Dalí". Le MoMA de New York inaugure le 18 novembre une exposition anthologique de Dalí et Miró. En avril 1943, le couple Reynolds Morse achète le premier tableau de Dalí, Araignée du soir... Espoir. C’est le début d’une importante collection d’oeuvres du peintre. Au printemps, à New York, il réalise la décoration de l’appartement d’Helena Rubinstein. En mai, il conçoit un nouveau ballet, Café de Chinitas, sur la base d’une histoire réelle adaptée par Federico García Lorca, qui est représentée à Detroit et au Metropolitan Opera House de New York.

 

En 1945, Dalí se rend à Hollywood pour travailler avec Alfred Hitchcock dans le film La maison du docteur Edwardes dont il réalise les séquences oniriques. L’exposition Peintures récentes de Salvador Dalí est inaugurée à la Bignou Gallery. En cette occasion, il présente le premier numéro du Dalí News, qu’il édite lui-même et où il ne parle que de son personnage et de son oeuvre. En 1946, Dalí participe aux expositions Quatre espagnols : Dalí, Gris, Miró, Picasso à l’Institute of Modern Art de Boston, Une sélection de peintures contemporaines à la Bignou Gallery et IIe Exposition d’été d’art contemporain qui se tient à l’Université d’Iowa. En 1947, se tient la deuxième exposition de Dalí à la Bignou Gallery dans laquelle le deuxième et le dernier numéro du Dalí News sont présentés.

 

En 1949, Dalí annonce qu’il a écrit un scénario pour un "film paranoïaque" intitulé La carretilla de carne, qui n’arrive jamais à être tourné. En décembre, Anna Maria Dalí publie le livre Salvador Dalí vu par sa sœur. À la fin de la décennie des années 40, il commence son étape mystique et nucléaire – dont il expose le corpus dans son Manifeste mystique – caractérisée par le traitement des thèmes religieux et de ceux rattachés aux avances scientifiques de l’époque. Il se montre particulièrement intéressé par les progrès relatifs à la fusion et à la fission nucléaires. Dans ses créations de cette période, nous pouvons observer comment le lancement de la bombe atomique et ses effets ont une influence sur sa création.

 

En septembre 1950, le père de Dalí meurt. En 1951, Dalí participe à l’Exposition biennale hispano-américaine d’art créée par l’Institut de Culture Hispanique. Il présente à Paris le Manifeste mystique avec des oeuvres fondées sur celui-ci. Carlos de Beistegui organise un bal masqué au Palais Labia de Venise. Les Dalí y font leur apparition, dans des costumes créés par l’artiste et confectionnés par la maison Christian Dior. Il prononce la conférence "Picasso et moi" au Théâtre María Guerrero de Madrid. Il expose à Londres à la Lefevre Gallery. En 1953, la revue Connaissance des arts publie "Salvador Dalí explique sa propre peinture". Il participe à l’Exposition de la fiesta 1953 : Picasso, Gris, Miró, Dalí au Santa Barbara Museum of Art de Santa Barbara. En 1954, Dalí expose ses dessins au Palais Pallavicini de Rome pour illustrer La divine comédie de Dante. À l’occasion de cette exposition, Dalí apparaît soudain sortant d’un "cube métaphysique" qui symbolise sa renaissance.

 

En 1955, Dalí réalise le Portrait de Laurence Olivier dans le rôle de Richard III, pour la promotion du film Richard III, d’après l’oeuvre de Shakespeare et mis en scène par Alexander Korda. Il peint au zoo de Vincennes, dans l’enceinte d’un rhinocéros, une interprétation paranoïaque-critique de l’oeuvre de Vermeer La dentellière et prépare un film sur ce sujet. Au cours de l'année 1958, Dalí reçoit différentes commandes : il dessine pour Hoechst Ibérica une carte de vœux pour Noël. La collaboration avec cette entreprise se prolongera durant 19 ans. Pour les laboratoires Wallace, il conçoit une exposition pour la promotion de la pilule tranquillisante Miltown. Pour la Foire de Paris, il commande un pain de douze mètres qui lui sert à illustrer la conférence qu’il prononce au Théâtre de l’Étoile. Le 8 août, Dalí et Gala se marient au sanctuaire des Àngels, à Sant Martí Vell, près de Gérone.

 

En 1964, la Grande Croix d’Isabelle la Catholique, la plus haute distinction espagnole, lui est concédée. Une grande rétrospective organisée par Mainichi Newspapers est inaugurée à Tokyo. L’exposition parcourt ensuite différentes villes japonaises. En 1968, Dalí participe à l’exposition Surréalisme et dadaïsme et leur héritage qui se tient au Museum of Modern Art de New York. A l’occasion des événements du mois de mai français, il publie Ma révolution culturelle, qui est distribué entre les étudiants de l’Université de La Sorbonne. En 1969, Dalí achète le château de Púbol qu’il décore pour Gala. Dans les années 1960 et 1970, l’intérêt du peintre s’accroît pour la science et l’holographie, qui lui offrent de nouvelles perspectives dans sa quête constante de la maîtrise des images tridimensionnelles. Dalí étudie et utilise les possibilités des nouvelles découvertes scientifiques, surtout celles relatives à la troisième dimension. Il s’intéresse à tous les procédés qui ont pour but d’offrir au spectateur l’impression de plasticité et d’espace. Avec la troisième dimension, il aspire à accéder à la quatrième, c’est à dire, à l’immortalité.

 

En 1970, il tient une conférence de presse au Musée Gustave Moreau de Paris où il annonce la création du Théâtre-musée Dalí de Figueres. Le Musée Boijmans-van Beuningen de Rotterdam organise pour lui une grande rétrospective, qui pourra être admirée l’année suivante à la Staatliche Kunsthalle de Baden-Baden. En 1971, le Musée Dalí qui accueille la collection d’A. Reynolds Morse est inauguré à Cleveland. Dalí crée un jeu d’échecs, dédié à Marcel Duchamp, pour l’American Chess Foundation. Le 28 septembre 1974, le Théâtre-musée Dalí est inauguré. En 1978, Dalí présente au Solomon R. Guggenheim Museum de New York sa première peinture hyper-stéréoscopique, Dalí soulevant la peau de la mer Méditerranée pour montrer à Gala la naissance de Vénus. Pendant les années 80, Dalí peint ses dernières oeuvres, fondamentalement inspirées dans Michel-Ange et Raphael, qu’il avait toujours admirés.

 

Du 14 mai au 29 juin 1980, une rétrospective de Salvador Dalí est présentée à la Tate Gallery de Londres, où sont montrées un total de deux cent cinquante et une oeuvres. En 1982, The Salvador Dalí Museum, propriété du couple Reynolds Morse, est inauguré à St. Petersburg (Floride). Le 10 juin, Gala meurt à Portlligat. Le roi Juan Carlos I le nomme Marquis de Púbol. Salvador Dalí s’installe au château de Púbol. En 1983, une grande exposition anthologique : "400 oeuvres de Salvador Dalí de 1914 à 1983", se tient à Madrid, Barcelone et Figueres. Ses dernières oeuvres picturales datent de cette période. En 1984, suite à un incendie au château de Púbol, Dalí transfère définitivement sa résidence à Torre Galatea, Figueres, où il vit jusqu’à sa mort. Salvador Dalí meurt à Torre Galatea le 23 janvier 1989.

 

dali, un manifeste ultra local

Patrick gifreu

EDITION du Rocher

 2000

Ce livre visionnaire est enchanteur tonique et poétique. DALI y est expliqué et disséqué, on le retrouve en paranoïaque hédoniste, anarchiste, monarchiste, créateur de sa propre mythologie, surréaliste et surtout Catalan.

 

« Il y a des jours où je pense que je vais mourir d’une overdose d’autosatisfaction » disait Dalí. Passé maître dans l’art de la provocation, cet artiste ô combien célèbre en Europe certes – mais en Amérique aussi – ne laisse, à l’évidence, pas indifférent...

 

Né le 11 mai 1904 à Figueras, ville catalane du nord de l’Espagne, Salvador Felipe Jacinto est fils de Félipa Doménech et de Salvador Dalí. Celui-ci, notaire, a pour réputation d’être autoritaire. Père et fils ont donc le même prénom mais pas seulement. Un frère aîné, né en 1901 et décédé deux ans plus tard, le portait déjà. Les parents de Salvador poussent l’amalgame jusqu’à habiller le cadet des vêtements de son aîné et lui donner ses jouets. Cette confusion identitaire est, aux dires de Dalí lui-même, source de nombreuses perturbations. Il porte, de surcroît, la forme masculine du prénom de sa mère. Ce qui surajoute à l’imbroglio…

En 1929, Dali contribue au tournage du film de Luis Buñuel, « Un chien andalou ». Là encore, les choix de Dalí sont marqués de l’empreinte du scandale. De caractère ultra provocant pour l’époque, le cinéma de Buñuel engendre des réactions extrêmes. Par l’intermédiaire de Miró, il rencontre les surréalistes.

Dalí invite Paul Éluard et son épouse Helena Diakonova - Gala - à Cadaquès. Une relation entre Gala et Dalí se noue alors ; Gala de dire : Nous ne nous séparerons plus. Ils se marient civilement en 1934 et à la Chapelle des anges, en Espagne, en 1958.

Celle qui devient sa muse sera toujours présente à ses côtés. Le père de Salvador n’apprécie pas Gala. La rupture entre père et fils est consommée. Salvador ne reverra son géniteur que des années plus tard, à son retour d’Amérique. Entre temps, Dalí fait la connaissance d’André Breton, le pape du surréalisme. Celui-ci est fasciné par le jeune peintre espagnol. Relation de séduction entre les deux hommes qui n’est pas sans rappeler la possessivité jalouse du père de Dalí. Le jeune peintre signe dès lors des oeuvres qui font date et s’inscrivent dans la mouvance surréaliste. En 1932, une exposition est organisée pour le public new-yorkais.

 

L’artiste catalan, avec les Montres molles, suscite une curiosité, un intérêt et un engouement qui ne se démentiront pas. Autre étape-clé du parcours de Dalí, il publie les bases de sa méthode paranoïaque-critique dans L’âne pourri. À l’inverse des surréalistes qui s’appuient sur des hallucinations recherchées de façon passive, Dalí poursuit une démarche active. Se fondant sur les écrits freudiens et sur la libre interprétation des associations, il organise de façon délibérée les possibilités d’associations illimitées et délirantes. Partant par exemple d’idées obsédantes, il les considère comme des sollicitations irrationnelles, véritables invitations et signaux qu’il mobilise. Ainsi un savoir irrationnel s’affirme-t-il sans qu’aucune intention, explicable ou pas, ne soit prévisible. De ces associations naissent des images hétéroclites, assemblées ou encore modifiées ou converties. Monde réel et monde imaginaire interagissent du fait d’un protocole intentionnel. De cette interdépendance émerge le sujet concret irrationnel. Cette approche paradoxale, Dalí l’applique quelques années plus tard à l’écriture aussi, associée à la peinture, dans la Métamorphose de Narcisse (1937) ou dans les Métamorphoses érotiques.

 

Mais Dalí est-il véritablement membre du mouvement surréaliste ? Si sa vie est ponctuée d’influences diverses, dont celle des surréalistes, le peintre construit son oeuvre sans notion aucune finalement de fidélité à qui que soit d’autre que lui-même. D’ailleurs, il est difficile d’imaginer qu’une telle personnalité puisse se fondre dans une mouvance collective avec constance ou humilité. Opportunisme, utilisation ou recherche insatiable d’identité ? La question se pose pour ce génial touche-à-tout. Tout au long des années, se succèdent des périodes diverses selon les rencontres qu’il fait. Les options politiques de Dalí et Breton divergent fondamentalement et, dès 1934, Salvatore est stigmatisé par André pour ses prises de position quant au fascisme hitlérien. En 1936, le peintre s’installe en Italie. Il fuit la guerre civile espagnole. Mettant à profit ce séjour, il s’imprégnera, à son habitude, de nouvelles influences et s’intéressera à la Renaissance et au Baroque. Mais il explore aussi d’autres champs qui n’en finissent pas de surprendre. Ainsi écrit-il un projet de scénario pour les Marx Brothers. Parallèlement, ses relations avec les surréalistes se détériorent encore plus. À l’instigation de Breton, Dalí, du fait de ses déclarations à propos d’Hitler, passe en jugement. Cette alternance d’attachements et de détachements se répète à plusieurs reprises dans la vie du peintre sans qu’il semble en pâtir, happé déjà par de nouveaux centres d’intérêt.

 

Autre rencontre notoire dans la vie du peintre, celle de Sigmund Freud, à Londres, en 1938. Dalí fait de lui deux portraits. Toujours en situation de se confronter à l’inconnu et à ce que l’on ne suppose pas de lui, Dalí participe au premier ballet paranoïaque au Metropolitan Opera House ; il en fait les décors. Puis éclate la seconde guerre mondiale. Une fois encore, Dalí fuit la guerre et s’installe avec Gala en Amérique. Cet évitement compulsif des conflits mortels est signe de la puissante angoisse de mort qui taraude Dalí tout au long de sa vie. Cette période américaine est aussi celle de sa rupture définitive d’avec Breton qui le surnomme Avida Dollars, dénonçant – par cet anagramme – un esprit à son goût trop commerçant. Se disant arriviste à tout casser, l’artiste n’en prend pas ombrage. Dalí rencontre alors un succès certain auprès des Américains. Au cours de cette période, il se consacre entre autres à l’opéra, au ballet, au théâtre, au cinéma mais, aussi, à la réalisation de bijoux. Il s’intéresse encore de façon féconde à la photographie, la décoration, la publicité. Il a même des projets avec Walt Disney. Comme toujours, sensible à des influences extérieures témoins de l’époque, Dalí traduit dans sa peinture, devenue atomique, l’explosion de la bombe à Hiroshima. À ce cycle, en succède un autre inspiré des grands thèmes de la tradition occidentale, intégrant aussi des thèmes religieux. Puis autre changement, en 1948, Dalí revient en Catalogne.

 

En perpétuelle recherche, il assimile par la suite à son art une thématique centrée sur la science et l’Histoire. Pour autant et de façon pour lui coutumière bien qu’inattendue, voire saugrenue au regard d’autres, il s’essaye à un autre domaine : une invention, l’Ovocipède, moyen de transport atypique. Faut-il y voir une référence à son illustre prédécesseur Léonard de Vinci et à sa légendaire inventivité ? Par ailleurs, gourmand de mondanités et honneurs divers, Dalí fait l’événement à Paris. Formidable metteur en scène de lui-même, il amplifie et détourne parfois l’actualité à son profit dont il fait matière artistique. Les événements de 1968 lui donnent ainsi une occasion de prendre position en une affirmation batailleuse : Là où passe la révolution culturelle doit pousser le fantastique. Encore une fois la question se pose : opportunisme ou soif inextinguible d’être vu pour celui qui, au tout début de sa vie, a dû lutter pour exister au travers de l’image d’un frère mort ?

 

Nullement académique, Dalí est une fois encore novateur. Il participe à des campagnes publicitaires pour Perrier ou le chocolat Lanvin, restées dans les mémoires. Bousculant les conventions, il prend le risque de se voir vilipendé par un certain microcosme se voulant garant d’une éthique ou d’un savoir- vivre supposé. N’était-ce pas rechercher encore le rejet, ainsi qu’il l’avait fantasmé, pour avoir été nié au profit de son frère mort ? Là encore Dalí a, à sa manière, fait flèche de tout bois pour exister coûte que coûte dans le regard des autres. Le fameux slogan « Je suis fou du chocolat Lanvin » ne manque pas de ramener à une affirmation de Dalí disant de lui: La seule différence entre moi et un fou, c’est que je ne suis pas fou… L’artiste atypique se passionne encore pour d’autres moyens d’expression comme l’holographie, la peinture stéréoscopique. C’est d’ailleurs une des constantes du comportement dalinien que de toujours ouvrir des portes vers l’inconnu. Un autre de ses desseins, pourtant, lui demande constance et ténacité : après dix années de persévérance, le Teatro Museo Dalí, projet de musée, aboutit enfin.

Artiste reconnu et comblé d’honneurs, Dali est extrêmement affecté par le décès de sa muse le 10 juin 1982. Il se retire alors au Château de Púbol. Il peint la Queue d’Aronde, son dernier tableau, en 1983. L’année suivante, il subit de graves brûlures pendant l’incendie de sa chambre. Par la suite, plusieurs crises cardiaques rendent sa santé de plus en plus précaire. La dernière d’entre elles l’emporte le 23 janvier 1989. Selon sa volonté, il est enterré près du théâtre musé Dalí.

 

Ainsi disparaît celui qui disait ne pas savoir quand il mentait et quand il disait la vérité. Faux-semblant provocateur de plus ou signe d’une confusion psychique extrême ? Se considérant comme peintre médiocre, Dalí, mégalomane narcissique à souhait, oeuvre par la transformation d’oeuvres à la réalisation des siennes. Inlassablement, Salvador Dalí reste en quête d’une figure paternelle jusque dans ses prises de position politiques assorties – là aussi – de déclarations fracassantes et provocatrices. Précurseur pour certains ou utilisateur pour d’autres, le débat demeure ouvert. Allant jusqu’à la caricature, il alimente toujours davantage le moulin de ses détracteurs. Lui qui maniait les mots avec une délectation anarchique et structurée reste l’auteur de formules paradoxales et ambivalentes, se présentant par exemple comme artiste ultra local et universel. Ainsi cherchait-il désespérément à concilier les contraires sans renoncer jamais à l’un ou à l’autre. Ne pouvant accepter le réel, celui qui se nommait Divin Dali, autre formule destinée à choquer, nourrissait sans cesse la confusion. Il n’en reste pas moins qu’il fait partie de ces artistes qui permettent à tout un chacun l’accès à l’art, en dehors même des milieux dits autorisés. Si d’aucuns s’interrogent sur la qualité de son oeuvre et la remettent en cause pour caractère inégal, changeant, voire versatile, le public lui est toujours fidèle. Il le lui témoigne de son vivant. Quelle plus belle sublimation ? Celui qui fut fait Marquis de Púbol par Juan Carlos 1er a fait de l’état espagnol son légataire universel. Manière certes de se pérenniser mais, aussi, affirmation implicite de son identité espagnole que jamais il ne trahira ni n’oubliera.

 

DANSE LES NOCES D’OR

Carole Aliya

Ed. A.l.t.e.s.s.

2012

Inspiré par l'Amour, ce recueil de poèmes très intimes est une invitation à pénétrer le cœur de notre être, le Cœur de Dieu, à se laisser emporter par cet amour divin, par cet "amour-amoureux", porteur de toutes les promesses. L'amour est une substance indélébile. Elle s'unit en nous pour que nous ne fassions qu'Un. Laissons-nous transporter et découvrons les réalités du Royaume, de notre Divinité. Quelques photos de sculptures magnifiques de Rodin rythment ces textes empreints de tendresse, de passion et de Vie. « Dieu m'a prise tout entière... », témoigne Carole Aliya, qui depuis 2004 accompagne ceux qui souffrent

 

Carole Aliya : "La mystique, rappelons-le, désigne l'authentique mode de connaissance de Dieu ou de l'absolu, connaissance issue de l'expérience, capable de transfigurer la condition humaine. Au cours de l'histoire, de nombreuses femmes - religieuses, laïques, visionnaires, prophétesses, stigmatisées, extatiques, recluses, fondatrices, philosophes, poètes, écrivains, musiciennes, danseuses, mère de famille, amantes... - ont témoigné de cette expérience avec le Tout Autre. Par leur vie, leurs écrits, elles n'ont cessé de nous rappeler que la mystique est un cheminement intérieur et extérieur tout à la fois, une voie de l'être en quête de transformation, appelé à la présence infinie. Elles ont posé un regard renouvelé sur le monde, prêt à être transfiguré à chaque instant. Elles ont appris à voir et à habiter la dimension du réel, où se découvrent l'humanité de Dieu et la divinité de l'homme’’

 

"Je" vous fais plonger et baigner dans cette dimension sacrée pour que votre conscience s'éveille, que votre être se redresse et manifeste la Réalité de ce qui est. Le vivant se déploie, s'anime. Une connaissance de l'être, des profondeurs, émerge, créant du mouvement et vous libérant. Ces enseignements sont alchimiques et très concrets. Ils abordent toutes les dimensions de la Vie et les mécanismes de vie. "Je" ne suis pas évidemment  Carole, mais cette dimension universelle et infinie. C'est un "Nous".

 

Ce sont des temps pour se retrouver avec soi. Il s'agit d'avancer en humilité et savoir que nous pouvons y arriver. Etre en humilité permet de grandir et de conscientiser que plus nous avançons, plus nous avons un champ immense à découvrir et nous-même en premier : entrer en conscience avec soi, s'éveiller. Nous ne sommes pas seuls. Il existe constamment des mains tendues pour ces mises en lumière, pour éviter des scénarios trop souvent rencontrés dans le passé, pour avancer, pour continuer. Relevons-nous véritablement aidés par des éclairages de la vie ici et là. Le chemin, c'est de prendre le risque du deux, de la relation à l'autre, aux autres, dans la découverte complète : grandir ensemble car seul nous ne pouvons rien. Grandir ensemble tout en restant dans l'intimité de son cœur, se sentir accompagné, accueilli quoiqu'il arrive et accomplir le chemin à deux, à trois, à quatre, à dix... Ici, nous faisons chacun un pas, dans ces temps de partage, dans ces temps liés à l'âme, dans la relation avec son propre cœur

 

dans la forÊt des songes

Jacques Lacarrière

Edition du  NIL

 2005

À proximité de la ville de Troyes, en Champagne, il existe une forêt, une vraie forêt qui s’étale, frissonne et murmure autour de trois grands lacs et qui se nomme Forêt d’Orient. C’est à l’orée de cette forêt qu’Ancelot – chevalier sans cheval, paladin sans armure, pèlerin sans équipage – rencontre Thoustra, un perroquet ara, curieux de tout et légèrement dyslexique, avec lequel il va cheminer et croiser des êtres, figures, fantômes ou personnages surgis de différentes époques : un stylite sur sa colonne, une grue cendrée et bègue, le Grand Veneur d’une chasse fantastique, une ondine nymphomane, un androgyne transsexuel, une mère porteuse et vierge, et bien d’autres encore.


Cette fable souriante, avec son regard et son ton malicieux, réinvente les chemins des chevaliers d’antan pour les situer au cœur du monde d’aujourd’hui.

 

DRIEU  LA ROCHELLE -  QUI SUIS-JE ?

Thierry Bouclier

Edition Pardès

 2020

Pierre Drieu la Rochelle (1893-1945): "Si on refuse un combat, on ne peut qu'en engager un autre. On ne peut se dérober à la loi du combat qui est la loi de la vie. [...] L’homme n'existe que dans le combat, l'homme ne vit que s'il risque la mort. Aucune pensée, aucun sentiment n'a de réalité que s'il est éprouvé par le risque de la mort." (Gilles.) Né en 1893 dans une famille bourgeoise, élevé entre un père et une mère qui se déchirent, étudiant malchanceux, soldat de la boue et des tranchées, suicidaire, amant constamment insatisfait, la vie de Pierre Drieu la Rochelle irrigue l'ensem­ble de son oeuvre littéraire. Ses poèmes, ses essais, ses nouvelles, ses pièces de théâtre et ses romans racontent toujours une part de lui-même.

 

Du Feu follet (1931) à Gilles (1939), en passant par La Comédie de Charleroi (1934) et Rêveuse Bourgeoisie (1937), le lecteur suit sa destinée à travers des pages magnifiques, mais souvent désespérées. Dans les années 1920, ses amis les plus proches se nomment Louis Aragon, Gaston Bergery, Emmanuel Berl et André Malraux. Mais, habité par le spectre de la décadence (décrit dans Mesure de la France), conscient de la nécessaire unité des patries européennes (développée dans L'Europe contre les patries) et chantre d'un socialisme viril, il n'hésite pas à se proclamer fasciste au lendemain des évènements du 6 février 1934. Une profession de foi (exposée dans Socialisme fasciste) qui le conduira, à se perdre dans les méandres de la Collaboration. Le 15 mars 1945, il met fin à ses jours. Ceux qui l'ont connu surent souligner sa sensibilité, son élégance, son courage et son sens de l'amitié. Au fil des années ayant suivi son suicide, sa figure de dandy, errant sur les quais de la Seine, a donné naissance à un véritable mythe.

 

Longtemps Drieu a été caché derrière sa mythologie. Je ne plaide pas pour une lecture qui, comme le disait Baudelaire, soit "dépolimiquée" ; je ne crois pas souhaitable que la polémique cesse radicalement. Mais il faut une polémique informée. On doit prendre connaissance de la totalité de l'oeuvre, et maintenir que, même avec ses erreurs ou ses fautes politiques, Drieu n'est pas un écrivain qu'on puisse négliger ni qu'il nous soit interdit d'admirer dans certaines pages, certains livres.

 

À partir de 1934, Drieu devient résolument fasciste, après avoir été un court moment proche du communisme. Paraissent alors Socialisme et fascisme, qui regroupe des textes politiques, et La comédie de Charleroi, où l'on trouve un éloge de la force, une condamnation de la guerre mécanique moderne, une apologie de la puissance virile déployée dans le combat. Drieu s'engage ensuite dans le PPF au côté de Jacques Doriot. Puis il y a la collaboration avec l'occupant, notamment dans la direction de la Nouvelle Revue française. C'est au fond ce qu'on ne lui pardonne guère : avoir fait reparaître la NRF sous la surveillance des services allemands, et d'Otto Abetz notamment, qui était l'un de ses amis. Mais il y a un autre basculement, au moment où Drieu se rend compte que les Allemands ont perdu la guerre, que la défaite n'est qu'une question de temps. On a là-dessus le témoignage de son journal, publié par Gallimard en 1992 : il se met à couvrir Staline de louanges, à dire que l'Europe est amenée à devenir slave... Il est extrêmement troublé, le texte est un peu fou. Cette façon de vouloir surplomber l'histoire comme si quelque chose le fondait à parler de l'avenir est l'un des aspects étonnants, et un peu désolants, de Drieu. Tout en vouant la politique aux gémonies, il ne peut s'empêcher d'y revenir, de se faire constamment prophète.

17 E

ÉlisÉe reclus

H. CHARDAK

Edition STOCK

 1997

Né en 1827, mort en 1904, il fut un immense géographe, un anarchiste et un Franc-maçon, directeur de la BN pendant la Commune, il fut initié à la Loge « La Renaissance » à Paris et membre de la Loge « Les Élus d’Hiram » Orient de Paris.

Il aurait dû être pasteur, il deviendra le « pape » des anarchistes… de 1830 à 1905, la vie d’Élisée Reclus se déroule comme un jeu de piste aux dimensions du globe : le géographe traverse son temps en se fixant l’ambition d’unir les hommes à leur planète.

Élisée Reclus ne craint pas les paradoxes, anti-esclavagiste, il travaille chez un planteur. Pacifiste, il est arrêté les armes à la main pendant la Commune. Lorsque l’Histoire exige qu’il se taise, il s’exile et écrit des encyclopédies pour Hachette, tout en organisant des conférences contre la peine de mort et contre le travail des enfants.


Ses ennemis sont Thiers – et Marx. Ses amis se nomment Nadar, Bakounine, Kropotkine et, le plus cher de tous, Élie Reclus, son frère. Ce qui nous reste le plus souvent comme souvenir d’Élisée Reclus, ce sont les cartes de géographie aux couleurs pastel accrochées aux murs de notre enfance. Il était temps d’en savoir plus sur la vie d’un pionnier séducteur et iconoclaste.

Dans l’œuvre immense de Reclus on ne peut dissocier le géographe du libertaire. Son projet n’est pas d’inventer une société idéale, mais de changer vraiment le monde, de faire sauter les multiples formes d’oppression qui entrave l’épanouissement de l’homme dans une société juste. Il lui faut donc comprendre et expliquer le monde tel qu’il est. Ce qui rend intéressante, aujourd’hui encore, la lecture des œuvres de Reclus, ce sont les passages où il aborde les rapports de pouvoirs et/ou de domination. Reclus croyait en l’existence possible d’une société universelle, juste, où chaque individu serait respecté et saurait respecter autrui une fois que les hommes se seraient débarrassés des oppresseurs, des accapareurs, entre autres de l’État, source de puissance et de pouvoirs, donc de domination. Cette position politique est a priori en totale opposition avec l’approche d’Hérodote puisque la nation et dans une moindre mesure l’État sont des concepts que nous estimons fondamentaux de l’analyse géopolitique. Mais ce qui nous rapproche d’Élisée Reclus, c’est la volonté de décrypter le monde avec honnêteté, de ne pas masquer, dans la mesure où l’on en est conscient, ce qui ne nous plaît pas.

 

En ce début du XXIe siècle, ce sont les États-Unis qui l’ont emporté. On sait que leurs dirigeants actuels ainsi qu’une partie de l’opinion américaine sont convaincus d’être investis d’une mission, aider les peuples à se libérer de l’oppression dictatoriale de leurs dirigeants pour instaurer la démocratie partout dans le monde, ce qui ne pourrait conduire qu’à la paix puisque chacun serait libre. Voilà une vision du devenir du monde qui peut sembler proche de celle d’Élisée Reclus qui voyait dans l’oppression la source majeure des conflits et dans la liberté de chacun l’assurance de la paix pour tous, à ceci près que pour Reclus, anarchiste convaincu, l’oppression commençait dès l’existence de toute organisation administrative et politique. Ce n’est assurément pas la position d’Hérodote, loin de là. Néanmoins, malgré cette position de principe d’Élisée Reclus qui explique pour partie la faiblesse de certaines de ses analyses, nous pensons qu’il est encore utile de se reporter à l’œuvre de ce grand géographe.

 

Œuvre immense, colossale il faut le redire. Un travail exceptionnel, trois grands ouvrages le premier La Terre description des phénomènes de la vie du globe, le second la Nouvelle Géographie universelle, 19 volumes écrits seul ou avec l’aide de quelques collaborateurs, une publication qui s’étire sur dix-huit ans de 1876 à 1894, 17 873 pages de texte et 4 290 cartes et des milliers de gravures et enfin sa grande œuvre, L’Homme et la Terre, publiée après sa mort (1905-1908) sous le contrôle vigilant de son neveu Paul Reclus, une vaste fresque de l’histoire de l’humanité de ses luttes et de ses progrès, depuis la préhistoire jusqu’au début du XXe siècle. Reclus tenait énormément à cet ouvrage qu’il considère comme la conclusion de toute son œuvre et qu’il définit comme un « ouvrage de géographie sociale » où il aborde trois thèmes fondamentaux pour lui : la lutte des classes, la recherche de l’équilibre et le rôle primordial de l’individu, les deux derniers tomes étant l’équivalent d’un traité de géographie humaine générale dans lequel, à la différence des successeurs de Reclus, les questions politiques ne sont pas tues. Quelle ardeur au travail ! Pas un jour sans qu’il n’écrive quelques pages. On reste ébahi de la diversité et de l’ampleur de ses connaissances, c’est un grand lecteur de la presse, il connaît plus de six langues, il a énormément voyagé pour rédiger la Nouvelle Géographie Universelle et il avait des informateurs dans nombre de pays grâce au réseau du milieu anarchiste. Comment expliquer une telle puissance de travail, une telle constance dans l’effort ?

 

Reclus est en vérité porté par son idéal politique. Son œuvre est non seulement l’œuvre d’un grand géographe mais c’est aussi l’œuvre d’un militant, car il faut bien comprendre que son travail de géographe n’est pas seulement au service de la « science », mais aussi au service de son idéal politique, l’anarchie telle que la conçoit Reclus : les hommes libres et égaux dans une société sans lois et sans autorité. Toute sa vie Reclus sera un militant de la cause anarchiste, or compte tenu de sa personnalité c’est un être absolu, totalement engagé dans ce combat pour une société juste et libre. Il se donne une mission, celle de travailler à son établissement même si ce ne peut être que dans un avenir très lointain et démontrer que c’est possible, et la géographie est un excellent outil pour cela.

 

Cependant, la taille colossale de son œuvre servira d’arguments à certains pour la discréditer, laissant entendre que Reclus s’était laissé aller à remplir la page par des descriptions de paysages rapidement dépassées par les travaux « scientifiques » des géographes universitaires, Vidal écrivait ainsi en 1908 à Jean Brunhes : « Vous savez combien la Géographie universelle d’Élisée Reclus a cessé de correspondre à l’état de la science ». En vérité, l’oubli de Reclus repose sur d’autres raisons, beaucoup plus sérieuses et autrement importantes par l’influence qu’elles ont eue sur l’orientation prise par la géographie universitaire dont Vidal de La Blache fut le fondateur, ce qu’Yves Lacoste a clairement démontré dans son article « À bas Vidal ? Viva Vidal » [Lacoste, 1979].

 

Disons-le d’entrée de jeu, on ne peut dissocier le géographe du libertaire et c’est son appartenance au mouvement anarchiste qui lui a fermé les portes de la reconnaissance de l’institution universitaire française. Si la Belgique s’est montrée plus accueillante, c’était toutefois dans le cadre de l’Université libre de Bruxelles constituée de libres penseurs, et sa venue a néanmoins posé de sérieuses difficultés. Quand certains membres de l’université ont annoncé leur intention d’inviter Élisée Reclus pour y donner des cours de géographie, un conflit éclata entre les conservateurs et les progressistes, conflit qui, il est vrai, couvait depuis plusieurs années. Les conservateurs s’inquiétaient des positions anarchistes de ce géographe internationalement connu, d’autant plus que cette année-là, en 1893, eut lieu à Paris un attentat anarchiste à la Chambre des députés, et s’opposaient donc à sa venue. Les progressistes ont alors décidé de fonder une Nouvelle Université libre pour que le grand Élisée Reclus puisse enseigner en toute liberté et sérénité. Notons que sa notoriété était telle que plus de 1 000 personnes ont assisté à son premier cours, et précisons aussi, que jamais Reclus n’a été rémunéré pour son enseignement, assurance pour lui de protéger sa totale liberté de penser.

 

Tout au long de sa vie, il a d’ailleurs fait preuve d’une exceptionnelle force de caractère, et quelles que furent les circonstances et les menaces qui ont pesé sur lui jamais il n’a jamais renié ses convictions, il était totalement inflexible quand il estimait que sa conscience était en jeu, attitude qui a suscité l’admiration sans borne de ses partisans et le rejet de ceux qui le qualifiaient de « fou », voire d’irresponsable. Par exemple, alors qu’il est étudiant à Berlin sans le sou, on lui propose une place de précepteur chez un comte « à condition que je ne fusse pas républicain, je me suis incliné et j’ai refusé ». En vérité, par ce trait de caractère, il était le digne fils de son père, pasteur calviniste plus mystique qu’intégriste, ayant choisi de vivre de la générosité d’une petite communauté protestante d’Orthez et renonçant en 1831 à ses fonctions officielles de pasteur de Sainte-Foy-la-Grande. Il est indéniable que l’éducation protestante familiale a influencé l’orientation politique des frères Reclus, car on ne peut dissocier la formation et l’engagement politique d’Élisée de ceux de son frère aîné Élie, ils ont toujours partagé les mêmes idéaux et ont été exceptionnellement proches toute leur vie.

 

Les caractères principaux du protestantisme sont l’autonomie de l’individu par rapport au dogme et l’importance de la morale. Deux traits que l’on retrouve dans l’idéologie libertaire de Reclus, pas de dogme à respecter, chaque anarchiste est libre de penser comme il l’entend et Reclus a par exemple été souvent en désaccord avec Bakounine (ils se sont rencontrés en 1864) et la condition essentielle de la moralité, c’est la liberté. Chez les anarchistes pas de référence au dogme d’un parti car ce serait déjà aliéner sa propre liberté, seule compte leur propre vision du monde et non pas celle que leur imposerait un parti. Rien entre l’individu et ce vaste ensemble que représente l’Humanité, de la même manière qu’à ses débuts quand il était encore croyant il ne devait rien y avoir entre l’individu et Dieu, en fait l’Humanité a en quelque sorte pris la place de Dieu dans l’idéal de Reclus.

 

En 1851, Élisée Reclus - il a alors vingt et un ans - est déjà profondément républicain, la révolution de 1848 l’a enthousiasmé, socialiste et libre-penseur. Cette année-là, il suit à Berlin les cours du géographe allemand Carl Ritter. Dans une lettre à sa mère, il déclare renoncer à poursuivre ses études de théologie et affirme : « Je ne suis décidé à ne suivre  que le cri de ma conscience. Pour moi qui accepte la théorie de la liberté en tout et pour tout, comment pourrais-je admettre la domination de l’homme dans un cœur qui n’appartient qu’à Dieu seul ? » . Cette année-là, après avoir en compagnie de son frère aîné Élie traversé la France à pied (il gardera toujours de ce voyage un souvenir ému), il rédige son premier texte politique, Développement de la liberté dans le monde, texte retrouvé après sa mort et publié en 1928 dans Le Libertaire. Selon Éric Leunis et Jean-Marie Neyts [1985] à cette époque Reclus n’est pas encore réellement anarchiste, comme le prouvent les nombreuses références chrétiennes de ce premier texte politique, néanmoins on y trouve déjà une référence à l’anarchie.

 

ET DANS L’ḖTERNITḖ JE NE M’ENNUIRAIS PAS   -

Paul Veyne

Ed. Livre de poche

2016

Dans ce livre qui regorge d'anecdotes savoureuses et d'expériences personnelles, parfois douloureuses, l'écrivain se livre entièrement à ses lecteurs. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'il le fait. Dans Le Quotidien et l'Intéressant (1995), ce professeur au Collège de France, grand historien de l'Antiquité, aussi érudit qu'original, à qui l'on doit, parmi tant de titres, L'Empire gréco-romain, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes? ou Le Pain et le Cirque, avait déjà rapidement évoqué son parcours personnel.

 

«Intéressant», c'est probablement le maître mot (beaucoup plus profond qu'il n'y paraît) de cette existence savante et en apparence tranquille mais, comme la plupart de nos vies, traversée par la tourmente et les failles. Retiré au pied du mont Ventoux, avec Pétrarque comme voisin, Veyne nous livre, grâce à son éditrice, l'helléniste Hélène Monsacré, ce qui a donné sens à sa vie. C'est une belle réflexion sur une destinée savante et touchante, qui se lit comme une leçon de sagesse antique. Sans afféterie ni fausse pudeur.

 

Un livre sincère qui nous transporte en Italie, bien sûr, le seul pays qui vaille la peine, en particulier ce Mezzogiorno si mystérieux, mais aussi en montagne et dans le monde secret d'une enfance provençale. Veyne ne cache rien. La famille n'était guère résistante. Un cursus d'élève brillant et curieux le conduit assez vite, après Ulm et sa thèse, et grâce au soutien de Raymond Aron, au Collège de France, cette «royale voie de garage», plus libre que l'université (même avant la «caporalisation» Pécresse-Fioraso).

 

Mais Veyne ne sympathisera pas avec Aron car l'historien, il l'avoue, est un «ingrat»; plus par maladresse, confie-t-il, un brin coquet, que par méchanceté. «Il me manquait le sens le plus élémentaire des relations sociales.» En réalité, son indépendance forcenée l'empêche d'envisager d'être «aronien» ou même «sartrien». «Je ne prenais pas Sartre au sérieux; quant à Aron, son égoïsme social me réfrigérait.» Au fond, il n'a «jamais imaginé qu'on pût être disciple», même s'il a flirté avec le Parti communiste, tout en admirant le général de Gaulle (il fut selon lui le «plus grand réformateur de gauche de son siècle»). Veyne se lia surtout d'amitié avec des esprits libres, aussi divers que Michel Foucault, Michel Piccoli ou René Char. Mais il ne faudrait pas croire que cette existence passionnante fut linéaire; elle sera aussi marquée de nombreuses blessures.

 

Veyne médite sur ce qu'il appelle sa laideur, sur sa vie de famille plutôt tourmentée (marié trois fois «comme Cicéron, César et Ovide»), sur le désir et le plaisir, le «voussoiement de l'aimée», son rapport à l'athéisme, son fils disparu... Et sa leçon de vie se dévoile à chaque page.

 

À l'encontre de tous les esprits courts qui triomphent aujourd'hui, en proclamant que l'argent, le sexe ou le pouvoir font seuls mouvoir nos semblables, il nous rappelle qu'une petite minorité d'esprits, sinon supérieurs, du moins différents, peuvent être mus par un autre idéal: satisfaire ce qui les intéresse. «Qu'est-ce que l'intéressant?», se demande Veyne. «L'intéressant ne s'explique par rien, il n'est pas utile, ni égoïste, ni altruiste (...): l'intéressant est désintéressé.» C'est en découvrant, un jour, alors qu'il avait huit ans, une amphore romaine sur une colline de son Vaucluse natal que Paul Veyne s'enflamma pour ce qui «l'intéressera» toute sa vie.

 

«Méfions-nous de nos rêves d'enfant, disait François Mauriac, ils structurent toute notre vie.» Dans le cas de Veyne, ces rêves ont eu du bon. Ils ont engendré une vie d'honnête homme, cultivée, amoureuse, pétillante d'intelligence, une vie à la Montaigne.

 

et les hommes deviendront des dieux

J. REDFIELS & M. MURPHY

EDITION  R. Laffont

 2003

L’homme est à la veille de grands changements ; s’il s’ouvre enfin à sa nature divine, il aura la capacité d’améliorer radicalement sa vie. Partant de cette constatation, les auteurs commentent à chaque étape de notre vie nos ressources spirituelles et nous aident à participer à la création et à l’évolution du monde.

 

Un livre de bonheur et de conseils pour trouver les clefs de l’éveil.

 

Autant de leçons de sagesse, de conseils, et même d’exercices pour réaliser notre véritable potentiel. Au-delà de cette dimension, et les hommes deviendront des dieux établit le lien entre l’individuel et le planétaire et explique comment chaque étape du développement personnel de chacun fait partie intégrante de l’évolution du monde

17 F

FEDERICO GARCIA LORCA  - QUI SUIS-JE ?

Annick Le Scoezec masson

Edition Pardès

 2019

Federico García Lorca (1898-1936): "Je veux dormir un instant, / un instant, une minute, un siècle; / mais que tous sachent bien que je ne suis pas mort; / qu'il y a sur mes lèvres une étable d'or; / que je suis le petit ami du vent de l'Ouest; / que je suis l'ombre immense de mes larmes." (Divan du Tamarit.) De l'année du Désastre de Cuba (1898) à celle où éclate la guerre civile espagnole (1936), la courte et intense existence de Federico García Lorca s'inscrit en des temps marqués par l'effervescence politique et une prodigieuse créativité dans les arts. Né à Fuente Vaqueros, près de Grenade, ami de Manuel de Falla, Salvador Dalí et Luis Buñuel, Lorca meurt précocement, assassiné au début du conflit. D'une extraordinaire originalité, son oeuvre se nourrit du mythe et des avant-gardes.

 

Relevant d' une forme de retour à la veine populaire et d'engagements propres au surréalisme, elle a tôt fait de le propulser sur le devant de la scène littéraire espagnole et latino-américaine. Après le Romancero gitan, et Poète à New York, fruit de son observation lucide et hallucinée de la réalité du monde moderne, son écriture s'oriente plus particulièrement vers le théâtre. Composée à la fin de sa vie, la trilogie andalouse (Noces de sang, Yerma et La Maison de Bernarda Alba) révèle, de manière magistrale, le talent de celui qui sut allier à la justesse de l'analyse sociale, le sens de la tragédie et un lyrisme flamboyant, attaché à dépeindre la pulsion érotique et son implacable foudroiement. L'errance amoureuse et ses déchirements habitent également les vers de son ultime recueil, de publication posthume, Sonnets de l'amour obscur, qu'avait précédé le Divan du Tamarit. Par sa thématique et son jeu métaphorique, le dernier ouvrage de Lorca renouvelle la grande tradition de la poésie baroque hispanique.

 

Paraît à Madrid le Romancero gitan, composé de poèmes tous écrits entre 1924 et 1927.

C'est là sans aucun doute son oeuvre la plus populaire, ainsi qu'en témoignent les sept réimpressions qui en sont faites entre 1928 et 1936. Ce recueil de vieilles légendes, de récits fabuleux ou épiques, de chansons, puisés dans la tradition orale, "instaure une tradition — ainsi que l'a très finement noté Armand Guibert — dans l'exacte mesure où il s'insère dans celle du passé, si bien que les âges à venir ne sauront plus faire le départ entre le patient labeur de tous et l'exact génie d'un seul".


Appelé en Amérique pour donner un cycle de conférences, Federico Garcia Lorca se rend à New York au printemps de 1929. De ce voyage et des impressions particulièrement vives qu'il en reçoit sortira l'un de ses plus beaux livres: Le Poète à New York, dans lequel se trouvent deux Odes fameuses, l'une Au roi de Harlem, l'autre à Walt Whitman. Sur le chemin du retour, il s'arrête à Cuba, où il manifeste un intérêt tout particulier pour la musique et la danse nègre.

 

En 1932, nommé, avec Eduardo Ugarte, directeur de "La Barraca", théâtre universitaire ambulant dont la mission est de faire connaître dans les villes de province et les campagnes les plus reculées les oeuvres du théâtre classique espagnol, il se donne avec fougue à cette entreprise qui le met en contact direct avec son peuple. Figurent au programme des tournées: Font-aux-cabres, de Lope de Vega, dont il fait lui-même une adaptation moderne; La vie est un songe de Calderon de la Barca et Le Séducteur de Séville de Tirso de Molina, ainsi que les Entremeses (Huit comédies et huit intermèdes) de Miguel de Cervantes. Les dernières années de la vie de Federico Garcia Lorca sont consacrées à peu près exclusivement au théâtre. En effet, si l'on excepte l'admirable Chant funèbre pour Ignacio Sanchez Méfia, publié en août 1935 pour rendre un dernier hommage au courageux torero qui était l'ami de tous les jeunes poètes, les dernières oeuvres auxquelles il travaille sont écrites pour la scène: Noces de sang (1933), Yerma (1934), Rosita la célibataire, ou le Langage des fleurs (1935) et La Maison de Bernarda Alba, pièce achevée un mois jour pour jour avant sa mort, publiée fin 1936 et créée en 1945 au Studio des Champs-Élysées de Paris.

 

Directeur et conseiller artistique de la comédienne Margarita Xirgu, il se rend avec elle, en 1933-34, à Buenos Aires, pour une série de représentations triomphales des Noces de sang. Ce voyage en Amérique latine (Argentine, Brésil, Uruguay) est le dernier entrepris avant la Guerre civile espagnole. Quand celle-ci éclate, au début de juillet 1936, il se trouve à Madrid. Il rejoint néanmoins Grenade, comme il en a l'habitude chaque année à ce moment de l'été. Hélas ! c'est là que le "rossignol d'Andalousie", ainsi que l'appelaient ses amis, trouvera la mort: bien que n'ayant jamais participé à la moindre action politique, il est arrêté chez le poète Luis Rosales, où il a cherché un refuge clandestin. Federico Garcia Lorca est fusillé par les gardes civils dans les ravins de Viznar, près de Grenade, dix jours plus tard, le 19 août 1936, à l'âge de 38 ans.

 

FRÉDÉRIC LENOIR - DU BONHEUR, UN VOYAGE PHILOSOPHIQUE

Frédéric Lenoir

Edition Fayard

 2013

Qu’entendons-nous par « bonheur ». Dépend-il de nos gènes, de la chance, de notre sensibilité ? Est-ce un état durable ou une suite de plaisirs fugaces ? N’est-il que subjectif ? Faut-il le rechercher ?

 

Peut-on le cultiver ? Souffrance et bonheur peuvent-ils coexister ?

Pour tenter de répondre à ces questions, Frédéric Lenoir propose un voyage philosophique, joyeux et plein de saveurs ; une promenade stimulante en compagnie des grands sages d’Orient et d’Occident, où l’on traversera le jardin des plaisirs avec Epicure, où l’on entendra raisonner le rire de Montaigne et de Tchouang-Tseu, où l’on croisera le sourire paisible du Bouddha et d’Epictète, où l’on goûtera à la joie de Spinoza et d’Etty Hillesum.

Un cheminement vivant, ponctué d’exemples concrets et des dernières découvertes des neurosciences pour nous aider à vivre mieux.

Au sommaire de cet ouvrage :

Aimer la vie qu’on mène - Au jardin des plaisirs, avec Aristote et Epicure - Donner du sens à sa vie - Voltaire et l’imbécile heureux - Tour être humain souhaite-t-il être heureux ? - Le bonheur n’est pas de ce monde : Socrate, Jésus et Kant - De l’art d’être soi-même - Schopenhauer : Le bonheur est dans notre sensibilité - L’argent fait-il le bonheur ? - Le cerveau des émotions - De l’art d’être attentif … et de rêver - Nous sommes ce que nous pensons - Le temps d’une vie - Peut-on être heureux sans les autres ? - La contagion du bonheur - Bonheur individuel et bonheur collectif - La quête du bonheur peut-elle rendre malheureux ? - Du désir à l’ennui : le bonheur impossible - Le sourire du Bouddha et d’Epictète - Le rire de Montaigne et de Tchouang-Tseu - La joie de Spinoza et de Mâ Anandamayî

 

FRḖDḖRIC LENOIR  - COMMENT  JÉSUS EST DEVENU DIEU

FRÉDÉRIC  LENOIR

ÉDITION  FAYARD

 2010

Pour vous qui suis-je ? Cette interrogation de Jésus à ses disciples n’a rien perdu de sa force. Les Evangiles laissent planer un doute sur l’identité de cet homme hors du commun : Est- il un prophète ? Le Messie attendu par les juifs ? Le fils de Dieu ?

 

De nos jours, le christianisme est pourtant la seule religion qui affirme que son fondateur est à la fois homme et Dieu. Comment les chrétiens des premiers siècles ont-ils progressivement été amenés à affirmer la divinité de Jésus alors que lui-même ne s’est jamais identifié à Dieu ?

 

Alors comment, à l’issue de débats passionnés, furent élaborés les dogmes de la Sainte Trinité et de l’Incarnation ? Quels autres regards ont été rejetés comme « hérétiques » lors de ces virulentes joutes théologiques qui ont couté la vie à certains ?

 

Quel a été le rôle du pouvoir politique dans l’élaboration du credo chrétien à partir du Ive siècle et de la conversion de l’empereur Constantin ? Ecrit comme un récit, cet ouvrage captivant permet de comprendre la naissance du christianisme ainsi que les fondements de la foi chrétienne et pose avec acuité la question centrale : Qui est Jésus ?

  

FRḖDḖRIC  LENOIR -  SOCRATE – JḖsus  -  BOUDDHA

Frédéric Lenoir

Edition  Fayard

 2009

La crise actuelle n’est pas simplement économique et financière, elle est aussi philosophique et spirituelle.

 

Contre une vision purement matérialiste de l’homme et du monde, Socrate, Jésus et Bouddha sont trois Maîtres de vie qu’ils n’enferment jamais dans une conception étroite et dogmatique. Leur parole a traversé les siècles sans prendre une ride, et, par-delà leurs divergences, ils s’accordent sur l’essentiel : l’existence humaine est précieuse et chacun, d’où qu’il vienne, est appelé à chercher la vérité, à se connaitre dans sa profondeur, à devenir libre, à vivre en paix avec lui-même et avec les autres.

 

Un message humaniste, qui répond sans détour à la question existentielle et essentielle du sens de la vie.

 

FRḖDḖRIC LENOIR - le livre des sagesses

F. LENOIR & Yse TARDAN  –  MASQUELIER

Edition BAYARD

 2002

Qui sont ces maîtres de vie, ces sages, ces mystiques qui ont façonné l’aventure spirituelle de l’humanité ? Quels sont les grands textes qu’ils ont écrits ou suscités, quelles sont les sources de leur inspiration ? Du Bouddha à Thérèse d’Avila. De Sénèque à Gandhi, d’Ibn’Arabi à Simone Weil, des sages égyptiens aux lamas tibétains contemporains, des maîtres du hassidisme aux gurus de l’Inde moderne… ce livre évoque d’abord l’expérience transformante des plus grandes figures spirituelles de l’histoire de l’humanité. S’ensuit une anthologie de textes du monde entier, le plus souvent dans des traductions originales, dont les thèmes scandent cette aventure singulière et universelle : le scandale de la souffrance et l’aspiration au bonheur, le chemin spirituel, la prière et la méditation, l’amour et la compassion, la liberté et la mort et l’au-delà… Une superbe fresque des quêtes spirituelles de l’humanité.

 

 Cet ouvrage est une somme anthologique documentée et pédagogique sur tout ce que l’humanité a pu créer en matière de sagesses. Cette fresque embrasse cinq mille ans  d’histoire et dans toutes les contrées de notre planète  des sages égyptiens à Gandhi et Simone Weil, en passant par Homère, Moïse, Mahomet,  Bouddha, Jésus et Saint Paul… Un usage raisonnable et équilibré de l’éclectisme, Il fallait au moins 2 000 pages de papier bible pour prétendre compiler de manière exhaustive l’ensemble des sagesses produites par l’humanité depuis l’invention de l’écriture.

 

Les codirecteurs de ce pavé ont tenu le pari…C’est un monument d’érudition auquel ont collaboré quelque cinquante spécialistes. Il privilégie  la lisibilité des récits biographiques et l’accessibilité des textes avant de se clore sur une série de panoramas historiques, c’est un immense travail de mémoire qu’ont effectué  les auteurs avec d’autres spécialistes. Voilà une œuvre magistrale qui répond aux aspirations bien actuelles de ceux qui cherchent un sens à leur vie

 

FRḖDḖRIC  LENOIR  -  PETIT  TRAITÉ DE VIE INTÉRIEURE

FRÉDÉRIC  LENOIR

ÉDITION  PLON 

 2010

De tous mes livres de philosophie et de spiritualité, celui-ci est certainement le plus accessible mais sans doute aussi le plus utile.

 

Car ce n’est pas un savoir théorique que je cherche à transmettre, mais une connaissance pratique, la plus essentielle qui soit : comment mener une vie bonne, heureuse, en harmonie avec soi-même et avec les autres.

 

Ce que je dis ici avec des mots simples et des exemples concrets, comme au cours d’une conversation avec un ami, est le fruit de trente années de recherches et d’expériences.

 

Mon témoignage personnel importerait peu s’il n’était éclairé par la pensée des philosophes et des sages de l’humanité qui ont marqué ma vie : le Bouddha, Confucius, Socrate, Aristote, Epicure, Epictète, Jésus, Montaigne, Spinoza, Schopenhauer, Lévinas, parmi d’autres.

 

Exister est un fait, vivre est un art. Tout le chemin de la vie, c’est passer de l’ignorance à la connaissance, de la peur à l’amour.

Frédéric Lenoir commente les sujets suivants :

Dire oui à la vie  -  Confiance et lâcher-prise  -  Responsable de sa vie  -  Agir et non agir  -  Silence et méditation  -  Connaissance et discernement  -  Connais-toi toi-même  -  L’acquisition des vertus  -  Devenir libre  -  Amour de soi et guérison intérieure  -  La règle d’or  -  L’amour et l’amitié  -  La non-violence et le pardon  -  Le partage  -  Attachement et non-attachement  -  L’adversité est un maître spirituel  -  Ici et maintenant  -  Apprivoiser la mort  -  L’humour  -  La beauté  -  Qu’est-ce qu’une vie réussie ? Un dialogue inédit entre Socrate et Jacques Séguéla

  

FRḖDḖRIC LENOIR MḖDITER A CŒUR OUVERT

Frédéric Lenoir - musique de Logos

Edition Nil

 2018

" C'est bien là le but ultime de l'art de méditer : être pleinement humain en harmonisant notre esprit, notre corps et notre cœur. " Avec un CD de méditations guidées par Frédéric Lenoir et mises en musique par Logos. La méditation est une pratique millénaire utilisée tant en Orient par les bouddhistes qu'en Occident par les Grecs anciens, et aujourd'hui validée par la recherche scientifique. En développant notre attention, elle nous apprend non seulement à calmer les agitations de notre mental mais aussi à élargir nos perceptions sensorielles. Dans ce livre et ce CD de méditations guidées, Frédéric Lenoir s'attache à aller plus loin en introduisant dans cette pratique la notion de cœur. Méditant depuis plus trente ans, il nous aide à harmoniser notre esprit, notre cœur et notre corps afin que nous retrouvions le goût de la bienveillance, de la confiance, du pardon et de la gratitude. Méditer à cœur ouvert nous invite au plus beau des voyages, le voyage intérieur, un chemin vers la sérénité et la joie.

 

Se concentrer n'est pas méditer. La méditation est détente, relaxation. Se détendre signifie accepter de ne rien faire du tout. Asseyez-vous en silence et observez simplement ce qui se passe. Mais, attention n'essayez pas d'observer ! Car sinon, il vous faut vous concentrer et faire un effort. Restez calme, détendu, réceptif, c'est tout. Pas de lutte, pas de conflit, pas d'effort. La méditation n'est pas spécifiquement orientale et c'est bien autre chose qu'une technique. C'est encore moins un mantra qu'il faut bêtement répéter ! Nul ne peut l'apprendre : c'est une croissance intime.

 

La méditation n'est pas de l'introspection. L'introspection est une réflexion à propos de ce que vous êtes ou faîtes. La psychologie occidentale met l'accent sur l'introspection. En quoi consiste l'introspection ? Prenons un exemple : la colère. Après un accès de rage, vous réfléchissez : qu'est-ce qui l'a provoqué, qu'est-ce qui s'est passé ? Vous vous livrez à une foule de suppositions, d'associations d'idées, mais elles sont toutes tournées vers la colère et détournées de vous. Vous scrutez le moindre détail de l’événement, vous disséquez, vous vous creusez la cervelle, vous voulez savoir comment vous auriez pu éviter cette crise, vous souhaitez ne plus récidiver. C'est un vaste processus intellectuel. L'approche occidentale est analytique, c'est une psycho-analyse. 

 

L'attitude orientale se résume en quelques mots : soyez conscient. N'analysez pas votre colère, ce n'est pas nécessaire. Regardez-la avec une attention totale, neutre, vide de pensées. Demeurez dans le sentiment de rage qui est là, présent. Les explications sont sans intérêt comme vos désirs de renoncer à cette colère ou vos regrets. La seule chose à faire est d'observer. C'est cela se souvenir du soi.

 

Ce CD comprend 10 méditations guidées : Détente du corps et de l'esprit -  Présence  -  Reliance  -  Confiance  -  Amour  -   Pardon  -   Consolation  -  Acceptation  -  Sérénité  -  Gratitude.

 

FRḖDḖRIC  LENOIR  -  tibet – moment de vÉritÉ

Frédéric lenoir

Edition PLON

 2008

« Je parle sans colère et sans haine contre ceux qui sont responsables de l’immense souffrance de notre peuple, et de la destruction de notre pays, de nos maisons et de notre culture. Eux aussi sont des créatures humaines luttant pour trouver le bonheur et méritent notre compassion. Je parle pour vous informer de la triste situation de mon pays aujourd’hui et des aspirations de mon peuple, car dans notre combat pour la liberté, la vérité est notre seule arme. »
Tenzin GYATSO, XIVème dalaï-lama,
Prix Nobel de la paix, 1989


Ce livre répond de manière objective et argumentée aux questions que chacun se pose sur le Tibet : Quelle est l’origine du conflit entre la Chine et le Tibet ? Pourquoi les Tibétains se sont-ils soulevés en 1959, en 1989 et en mars 2008 ? Le Tibet fait-il historiquement partie de la Chine ? Qui est le dalaï-lama ? Qu’est-ce que le bouddhisme tibétain ? Le Tibet traditionnel était-il une société féodale pratiquant le servage ? Quels enjeux stratégiques et économiques représente le Tibet pour les Chinois ? Quelle est la situation réelle des droits de l’homme en Chine et au Tibet ?


Autant de clés pour comprendre aussi pourquoi la question tibétaine concerne et passionne l’Occident.

 

FRḖDḖRIC  LENOIR  -   LA PUISSANCE DE LA JOIE   -

Frédéric lenoir

Edition Fayard

 2015

« Existe-t-il une expérience plus désirable que celle de la joie ? Plus intense et plus profonde que le plaisir, plus concrète que le bonheur, la joie est la manifestation de notre puissance vitale. La joie ne se décrète pas, mais peut-on l’apprivoiser ? La provoquer ? La cultiver ?

 

J’aimerais proposer ici une voie d’accomplissement de soi fondée sur la puissance de la joie. Une voie de libération et d’amour, aux antipodes du bonheur factice proposé par notre culture narcissique et consumériste, mais différente aussi des sagesses qui visent à l’ataraxie, c’est-à-dire à l’absence de souffrance et de trouble.

 

Pour ma part, je préfère une sagesse de la joie, qui assume toutes les peines de l’existence. Qui les embrasse pour mieux les transfigurer. Sur les pas de Tchouang-tseu, de Jésus, de Spinoza et de Nietzsche, une sagesse fondée sur la puissance du désir et sur un consentement à la vie, à toute la vie Pour trouver ou retrouver la joie parfaite, qui n’est autre que la joie de vivre. » 

 

La joie (émotion simple) - La joie exprime une satisfaction qui se caractérise par un sentiment de plénitude. Pour qu’il y ait joie, il faut que le contentement soit vécu sur un sujet très important. Il faut également qu’il porte sur la totalité du sujet ou sur tous ses aspects. De là le sentiment d’être comblé.

La joie peut être profonde et tranquille mais aussi intense donnant lieu à de l’excitation, de l’exaltation. À la différence du plaisir, la joie ne porte pas sur des satisfactions d’ordre physique. Et bien qu’elle puisse s’exprimer par de la gaieté, elle est de nature plus intériorisée que le plaisir. La joie est une émotion qui gagne toute notre personne. La joie, contrairement au bonheur, est une émotion de courte durée et passagère.

Le bonheur (pseudo-émotion)  - Le bonheur n’est pas une émotion. C’est un état provenant de plusieurs émotions indicatrices de satisfaction, y compris de la joie et du plaisir. Le bonheur est la manifestation d’une grande satisfaction dans tous les secteurs névralgiques de notre vie. Bien qu’il suppose différentes émotions d’intensité variable, le bonheur est une expérience paisible. Il peut être de courte ou de longue durée. Il y a des instants de bonheur qui proviennent du fait de combler un manque criant. Plus rien ne compte que de dormir lorsque nous sommes épuisés: le bonheur c’est un bon lit chaud. Étancher une grande soif avec une eau fraîche fait vivre un instant de bonheur. Être enfin dans ses bras après une longue attente est la seule chose qui compte: c’est le comble du bonheur.

La béatitude (pseudo-émotion) est un état de parfait bonheur. La satisfaction est à son comble dans tous les secteurs importants de notre existence.

L’euphorie (émotion simple) est un contentement d’extrême intensité qui peut susciter de l’excitation et de l’agitation.

L’extase (pseudo-émotion) est un état d’ivresse provoqué par une joie extrême.

L’agrément (émotion simple) est un plaisir de peu d’intensité et de courte durée.

La délectation (émotion simple) est un plaisir que l’on savoure.

La jouissance (émotion simple) est un très grand plaisir dont on jouit pleinement. Habituellement il s’agit d’un plaisir d’ordre sensuel, intellectuel ou esthétique.

La volupté (émotion simple) est un vif plaisir des sens pleinement goûté.

Le ravissement (émotion simple) est une joie très forte. L’intensité de la satisfaction dépasse nos attentes et nous rend rayonnants.

L’enchantement (émotion simple) est le plaisir vif d’être charmé.

L’émerveillement (émotion simple) est un plaisir mêlé d’étonnement et d’admiration devant ce qui nous paraît extraordinaire.

 

FRḖDḖRIC  LENOIR  -   PETIT TRAITḖ D’HISTOIRE DES RELIGIONS

Frédéric lenoir

Edition PLON

 2008

Comment est né le sentiment religieux ? Quelles sont les toutes premières religions de l'humanité ? Comment sont apparues les notions de sacré, de sacrifice, de salut, de prière, de rites, de clergé ? Comment est-on passé de la croyance en plusieurs dieux à la foi en un Dieu unique ? Pourquoi la violence est-elle souvent liée au sacré ? Pourquoi y a-t-il plusieurs religions ? Qui sont les fondateurs des grandes traditions religieuses et quel est leur message ? Quelles sont les ressemblances et les différences fondamentales entre les religions ? Assiste-t-on aujourd'hui à un choc des religions ?


Ces questions, et bien d'autres, préoccupent nombre de nos contemporains. Car la crise des institutions religieuses en Occident a pour corollaire un intérêt accru pour la religion, envisagée comme un phénomène culturel. Or, la croyance en un monde invisible (une réalité supra-empirique) et la pratique de rituels collectifs qui s'y rapportent - c'est ainsi que je défini­rais la religion - accompagnent l'aventure humaine depuis des dizaines de milliers d'années. La religion est en effet intimement liée, depuis l'origine, aux différentes cultures humaines. Ce qui est doublement remarquable, c'est non seulement qu'aucune société humaine dont on ait la trace ne soit exempte de croyances et de rituels religieux, mais aussi que ceux-ci aient évolué selon des schèmes similaires à travers une grande diversité géographique et culturelle.


C'est cette histoire religieuse de l'humanité que je vais tenter de raconter ici. J'entends le faire de la manière la plus neutre possible, sans porter de jugements, adoptant la casquette du philosophe et de l'historien. Autrement dit, je ne me pose pas directement la question du «pourquoi» de la religion, question qui renvoie de manière ultime à des partis pris idéologiques, se résumant à une position croyante (parce que Dieu existe) ou à une position athée (parce que l'homme a peur de la mort). Cela ne signifie pas qu'on ne puisse pas s'interroger sur le rôle social de la religion ou se demander à quels besoins individuels elle peut répondre. Mais dire le besoin de religion ne signifie pas, pour un esprit non partisan, réduire nécessairement le phénomène religieux à une fonction psychique ou sociale conditionnée par l'instinct ou, à l'inverse, considérer sa permanence et son universalité comme les signes de l'existence de forces supérieures. Comme nous le verrons au fil des pages, l'histoire montre que le religieux relève de tendances psychiques diverses et contradictoires - désir, peur, amour, idéal... - et participe de manière aussi diverse à la construction des sociétés : lien social, éthique, normes, violence, solidarité, exclusion... Il est donc vain de chercher à prouver l'existence ou l'inexistence d'une réalité suprasensible (appelée Dieu par les monothéismes) à partir de l'observation du fait religieux. Celui-ci traduit bien une aspiration humaine universellement répandue, mais ne peut nous renseigner de manière certaine sur la source ultime du sentiment religieux.

 

Zoroastrisme : Le Farvahar est sur tous les frontons des temples zoroastriens et sur certains monuments, comme le tombeau du grand poète persan, Firdoussi, dans l’ancienne ville de Sous. Il symbolise le progrès, l’évolution et la perfection qui élèvent l’homme et lui apportent le bonheur suprême. Il est basé sur les trois principes fondamentaux : « Les bonnes pensées, les bonnes paroles et les bonnes actions », symbolisées par l’aile à trois branches de Farvahar et l’univers sans fin (le grand anneau central), associés aux deux idéaux essentiels que sont la sagesse (les traits de son visage) et l’amour (le plus petit anneau, symbole de dévouement entre ses mains), se déplaçant en avant pour conduire l’homme vers le progrès, la droiture, et vers un destin heureux (ses ailes étalées).

 

Atteindre la plénitude spirituelle : « Le Farvahar est à la fois l’ange gardien, l’âme et l’esprit », explique la spécialiste du zoroastrisme, Niloufar Niknam. Guidé par une démarche éthique et une conscience claire, l’homme doit tendre vers la perfection pour atteindre la plénitude spirituelle. Farvahar symbolise cet idéal de la perfection. C’est à Persépolis, l’ancienne capitale de l’empire perse achéménide, que la représentation graphique du Farvahar est la plus aboutie. C’est celle qui a été adoptée comme symbole par les zoroastriens.

 

Si le Farvahar est l’ange gardien, Ahura Mazda est le Dieu suprême et unique pour les zoroastriens. Il n’a pas de traits physiques, mais c’est un ami authentique, un éternel compagnon de route pour l’homme, qui, toute sa vie, devra combattre le mal. Il incarne par ailleurs l’intelligence suprême, le créateur de l’univers et le maître de la vie et de la sagesse, ainsi que l’a décrit Firdoussi, dans l’épopée du Shahnameh, « Le Livre des Rois ».

Le feu ne doit jamais s’éteindre

 

Dans tous les temples zoroastriens, le feu brûle et ne doit jamais s’éteindre. Il est considéré comme la substance la plus pure qui soit sur la terre, il purifie et élime la saleté. Il apporte de l’énergie et de la chaleur. Avec la lumière, ils surmontent les ténèbres, et permettent à l’homme de voir. L’Avesta est le livre sacré. Il signifie la Sagesse et la Connaissance. Bien que d’autres textes relatant les pensées, les pratiques, les traditions et les coutumes élaborées plus tardivement, aient été consignés dans l’Avesta, les Gathas, nom donné aux chants de méditation de Zarathoustra, sont les seules paroles révélées par Zarathoustra. 

 

Le zoroastrisme apparaît comme une philosophie de l’environnement avant l’heure puisque la propreté des éléments essentiels à la vie, à savoir l’air, l’eau, la terre et le feu, doit être assurée en tout temps. À propos du bonheur et de la félicité, il y est dit : « Le bonheur appartient à celui qui apporte le bonheur aux autres. » De même, la religion zoroastrienne considère tous les hommes et toutes les femmes sur un pied d’égalité, indépendamment de leurs opinions, appartenance ethnique, race, nationalité, croyances religieuses, positions politiques. C’est Cyrus le Grand, un roi zoroastrien de la dynastie des Achéménides en 538 avant notre ère, qui proclama la toute première déclaration des droits de l’homme de l’histoire, basée sur ce que Zarathoustra enseignait à propos de l’égalité entre les êtres humains : « Dieu a créé l’homme libre. »

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

La religion originelle  -  Quand Dieu était une femme   -  Les dieux de la cité   -  Les dieux du monde   -  La période axiale de l’humanité   -     Les grandes voies du salut : Sagesses chinoises   -   Hindouisme   -   Bouddhisme    -   Sagesses grecques   -   Zoroastrisme   -    Judaïsme    -    Christianisme    -   Islam    -    Permanence de l’animisme    -

 

FRḖDḖRIC LENOIR - LE MIRACLE SPINOZA – UNE PHILOSOPHIE POUR ḖCLAIRER NOTRE VIE

 Frédéric Lenoir

 Edition Fayard

2017

Banni de la communauté juive à 23 ans pour hérésie, Baruch Spinoza décide de consacrer sa vie à la philosophie. Son objectif : Découvrir  un bien véritable qui lui  «  procurerait pour l’éternité la jouissance d’une joie suprême et incessante.  » Au cours des vingt années qui lui restent à vivre, Spinoza édifie une œuvre révolutionnaire. Comment cet homme a-t-il pu, en plein XVIIe siècle, être le précurseur des Lumières et de nos démocraties modernes? Le pionnier d’une lecture historique et critique de la Bible? Le fondateur de la psychologie des profondeurs? L’initiateur de la philologie, de la sociologie, et de l’éthologie? Et surtout, l’inventeur d’une philosophie fondée sur le désir et la joie, qui bouleverse notre conception de Dieu, de la morale et du bonheur?  A bien des égards, Spinoza est non seulement très en avance sur son temps, mais aussi sur le nôtre.  C’est ce que j’appelle le «  miracle  » Spinoza

 

Baruch Spinoza naquit le 24 novembre 1632. Il appartenait à une famille de Juifs portugais. Ses parents voulurent faire de lui un rabbin; aussi fit-il de fortes études ; il apprit l'hébreu et le latin ; en même temps il étudia la géométrie et la physique. La lecture des œuvres de Descartes l'amena à la philosophie.

 

Sa vie fut celle d'un sage. Il voulut, afin de penser librement, vivre du travail de ses mains, et passa une partie de son temps à polir des lentilles pour les instruments d'optique. L'Électeur palatin lui fit offrir une chaire de philosophie à l'Université de Heidelberg.

Il répondit en ces termes : " Je me dis, d'abord, que je devrai renoncer à faire avancer la philosophie, si je veux m'occuper d'instruire la jeunesse. Je me dis, ensuite, que je ne sais pas quelles limites je devrai apporter à cette liberté de la pensée dont vous me parlez, si je ne veux pas paraître inquiéter la Religion établie ; car les schismes ne viennent pas tant d'un ardent amour pour la Religion que des diverses passions qui agitent les hommes et de leur goût pour la contradiction, qui leur font d'ordinaire déformer et tourner à mal les choses les plus nettement dites. Et, comme je l'ai déjà éprouvé, alors que je vis seul et à l'écart, j'aurais bien plus à le redouter si je m'élevais jusqu'à la dignité que vous m'offrez. " Il est probable qu'il refusa aussi, et sans doute pour des raisons du même ordre, une pension que Condé voulait lui faire donner par Louis XIV. On voit que sa vie retirée n'avait pas empêché sa réputation de s'étendre fort loin. Leibniz, revenant d'Angleterre, lui fit visite. Un des frères de Witt s'honora d'être son élève et son ami.

 

Nous savons, par ses biographes, qu'il était simple et bon, qu'il vivait de fort peu de chose, et que, malgré sa mauvaise santé, il était heureux. Nous savons aussi, notamment par son Traité théologico-politique, qu'il était profondément attaché à la République hollandaise, et qu'il mettait la liberté de conscience et la liberté politique au nombre des biens les plus précieux.

 

Comme il cherchait les principes de la véritable Religion, et qu'il prétendait remplacer la révélation par les lumières naturelles de la raison, il fut accusé d'athéisme. Le moyen de supporter un homme qui écrivait, en parlant des Turcs et des Gentils : " S'ils offrent en prière à Dieu le culte de la justice et l'amour de leur prochain, je crois qu'ils ont en eux l’esprit du Christ, et qu'ils sont sauvés, quoi qu'ils puissent croire de Mahomet et des oracles " ! À ces accusations il répondait simplement ceci : " Si l'on me connaissait, on ne croirait pas si facilement que j'enseigne l'athéisme. Car les athées ont coutume de rechercher par-dessus tout, les honneurs et l'argent, choses que je méprise, comme tous ceux qui me connaissent le savent. " On voit qu'il donnait lui-même, comme une preuve de sa Religion, une vie simple et frugale, détachée de tout ce qui n'était pas la Vérité. Et il faut avouer que, sans cette preuve-là, les autres ne valent rien. Comment croire qu'un homme connaît, comprend et aime Dieu lorsqu'il poursuit encore les honneurs et l'argent ? Nul ne peut servir deux maîtres.

 

Il mourut à quarante-cinq ans, le 23 février 1677, d'une maladie de poitrine qu'il avait supportée pendant de longues années avec égalité d'âme. Il avait publié les Principes de la Philosophie cartésienne suivis de Pensées métaphysiques, et un Traité théologico-politique, dans lequel il s'efforçait d'interpréter la Bible selon les lumières de la Raison. On devine aisément qu'il eut à regretter de s'être ainsi exposé à des critiques violentes et injustes; aussi ne donna-t-il au public aucun autre ouvrage. L'année même de sa mort, deux de ses amis firent paraître les ouvrages qu'il laissait. Ce sont un Traité politique inachevé, véritable manuel de politique rationnelle, où sont développés les principes posés dans le Traité théologico-politique. Il y est traité de la monarchie et de l'aristocratie; les conditions d'existence de ces deux formes de gouvernement sont analysées avec une précision et un souci du détail qui révèlent une profonde connaissance des hommes. Le chapitre XII et dernier n'est que l’introduction d'une étude sur la démocratie. Un autre traité, inachevé aussi, a pour titre : De la Réforme de l'intellect. C'est là, semble-t-il, qu'il faut chercher la clef du système tout entier : c'est comme une préface de l'Éthique, et il n'existe sans doute pas au monde un autre modèle aussi parfait de l'analyse philosophique.

 

Le lecteur pourra s'en faire quelque idée en lisant notre premier chapitre. Enfin l'Éthique elle-même, l'œuvre maîtresse dont tout le monde connaît la forme géométrique. L'Éthique est divisée en cinq parties qui portent les titres suivants : de Dieu, de l'âme, des passions, de l'esclavage humain, de la liberté humaine. Les deux premières correspondent à peu près à notre deuxième chapitre la troisième, à notre chapitre troisième la quatrième, à nos chapitres quatrième et cinquième, et la cinquième à notre chapitre sixième. Un Traité de Dieu et de l'homme, qui est comme une ébauche de l'Éthique, a été traduit du hollandais et publié en 1862 par Van Vloten. Un certain nombre de Lettres sont pour nous un précieux commentaire de l'Éthique. Les plus intéressantes sont la célèbre lettre XXIX, sur l'Infini ; la lettre XLII, sur la Distinction de l'essence et de l'existence ; la lettre XLV, sur la Démonstration de l'existence de Dieu ; la lettre XLIX sur Dieu, les destins et le salut, et la lettre LXXIV, contre la Religion catholique. Citons pour mémoire un Abrégé de la Grammaire hébraïque. Tous ces ouvrages, à l'exception du Traité de Dieu et de l'homme, sont écrits en latin.

 

FRḖDḖRIC LENOIR – LE CHRIST PHILOSOPHE

Frédéric Lenoir

Edition Plon

 2007

Derrière le message religieux, Frédéric Lenoir appelle à redécouvrir le message fondamental du Christ : une philosophie universelle, porteuse de valeurs éthiques révolutionnaires. Pourquoi la démocratie et les droits de l'homme sont-ils nés en Occident plutôt qu'en Inde, en Chine, ou dans l'empire ottoman ? Parce que l'Occident était chrétien et que le christianisme n'est pas seulement une religion. Certes, le message des Evangiles s'enracine dans la foi en Dieu, mais le Christ enseigne aussi une éthique à portée universelle : égale dignité de tous, justice et partage, non-violence, émancipation de l'individu à l'égard du groupe et de la femme à l'égard de l'homme, liberté de choix, séparation du politique et du religieux, fraternité humaine. Quand, au IVe siècle, le christianisme devient religion officielle de l'Empire romain, la sagesse du Christ est en grande partie obscurcie par l'institution ecclésiale. Elle renaît mille ans plus tard, lorsque les penseurs de la Renaissance et des Lumières s'appuient sur " la philosophie du Christ ", selon l'expression d'Erasme, pour émanciper les sociétés européennes de l'emprise des pouvoirs religieux et fonder l'humanisme moderne. Frédéric Lenoir raconte ici le destin paradoxal du christianisme - du témoignage des apôtres à la naissance du monde moderne en passant par l'Inquisition - et nous fait relire les Evangiles d'un œil radicalement neuf.

 

Comme l’affirme Lenoir, « le Christ a surtout initié une nouvelle voie spirituelle fondée sur la rencontre de sa propre personne. » Il a aussi transmis un enseignement éthique à portée universelle : non-violence, égale dignité de tous les êtres humains, justice et partage, primat de l’individu sur le groupe et importance de sa liberté de choix, séparation du politique et du religieux, amour du prochain allant jusqu’au pardon et à l’amour des ennemis. Cet enseignement est fondé sur la révélation d’un Dieu amour et s’inscrit donc dans une perspective transcendante. Il n’en demeure pas moins qu’il s’inscrit aussi dans une profonde rationalité. Ce message est une véritable sagesse, au sens où l’entendaient les philosophes grecs.

 

Lenoir reconnaît qu’il n’est pas le premier à considérer le Christ aussi comme un philosophe et à parler de son message le plus universel comme d’une véritable philosophie de vie. Il avait découvert cette formule « philosophie du Christ » sous la plume de l’humaniste et théologien néerlandais Érasme.

 

Dans sa recherche du « message éthique » du Christ, Lenoir sait s’appuyer sur les recherches les plus récentes des historiens et des exégètes. Son propos? « Comprendre le message des Évangiles et l’événement spirituel qui est à leur source. » Pour Lenoir, ce qui compte, c’est le message que livrent les Évangiles tels qu’ils existent présentement et l’influence qu’ils ont eu dans l’histoire humaine. La sagesse du Christ, telle que rapportée dans les Évangiles, apporte un bouleversement considérable. Un message tellement révolutionnaire qu’il a même pu être pervertie par ceux qui avaient la charge de le transmettre. Plusieurs chapitres sont consacrés dans l’œuvre de Lenoir afin de rendre compte des grandes lignes de l’histoire du christianisme et de son rôle incontournable dans l’avènement de la modernité occidentale.

Au sommaire de cet excellent ouvrage :

Jésus face au grand inquisiteur  -  chrétienté contre christianisme  -  le Christ philosophe  -   l’histoire de Jésus et le Jésus de l’histoire  -  Flavius Josèphe  -  Tacite et Pline le jeune  -  le Talmud de Babylone  -  les écrits canoniques  -  les écrits apocryphes  -  la vie de Jésus  -  la Palestine du temps de Jésus  -  un prédicateur itinérant  -  le Thaumaturge  -  la Passion  -  les apparitions du Ressuscité  -  la philosophie du Christ  -  Viens et suis-moi  -  donner un sens à la souffrance  -  l’égalité  -  la justice sociale  -  la séparation des pouvoirs  -  l’amour du prochain  -  Jésus et le judaïsme  -  de Jésus au Christ  -  Paul de Tarse  -  le Logos divin  -  les querelles christologiques  -  la religion officielle  -  l’Eglise Orthodoxe d’Orient  -  le monachisme  -  l’Europe chrétienne  -  les réformes de Cluny et de Grégoire  -  le Trêve de Dieu  -  réformes cisterciennes  -  naissance des ordres mendiants  -  l’Eglise bras armé du Christ  -  augustin  -  les croisades  -  lutte contre les hérésies  -  la controverse de Valladolid  -  de l’humanisme chrétien à l’humanisme athée  -  liberté et connaissance  -  le réforme protestante  -  l’humanisme des Lumières  -   monde moderne et Tradition  -  la morale kantienne  -  Comte  -  Feuerbach  -  Marx  -  Freud  -  la matrice du monde moderne  -  le mythe du progrès  -  le millénarisme  -  la Raison  -  Nietzsche et les meurtriers de Dieu  -  Max Weber et la rationalisation  -  l’Eglise catholique et le monde moderne  - le concile Vatican II  -  que reste-t-il de chrétien en nous ? – les chrétiens cultuels  - la religion aux USA  -  les fêtes chrétiennes  -  Jésus face à la femme samaritaine  - quel avenir pour le christianisme ?  - 

 

 FREDERIC LENOIR  - LES CHEMINS DU SACRÉ

Frédéric  LENOIR

Edition de l’Observatoire

 2020

Partout, à travers toutes les époques et les civilisations, l’être humain a questionné le mystère et l’énigme de sa vie, tentant de comprendre une réalité qui lui échappait. C’est ainsi qu’il a trouvé dans le sacré une manière de maintenir un lien avec l’invisible et qu’il a donné un nouveau souffle au monde, une nouvelle impulsion.

 

Dans cet ouvrage Frédéric Lenoir nous emmène en voyage aux quatre coins du monde. Il nous fait rencontrer en permanence le sacré, à travers des hommes, des femmes, et des lieux magiques et mystérieux. Ce sacré qui est à chaque page est ici pris dans son terme universel de crainte et d’émerveillement que Rudolf Otto appelle « numineux »

 

Tout nous invite à la méditation positive qui nous apprend à développer en nous les énergies vibratoires, afin de trouver « l’équilibre », mot magique et mantra personnel, symbolisé par le pavé Mosaïque, car pour moi, dès que l’on trouve cet équilibre, le bonheur est là, ici et maintenant, bonheur fragile et fugace , mais finalement n’est-ce pas aussi le but de notre quête ? rechercher la Vérité, la Lumière ou Dieu à travers divers concepts que le R.E.A.A. nous propose ? Frédéric Lenoir avec ces rencontres, ces photos et ces textes de grande spiritualité, nous fait aller bien au-delà du rêve, ainsi on sait pourquoi nous continuons à marcher sur le chemin initiatique, avec ce « Génie » qui est en nous, et que certains grands spiritualistes tel que M.M. Davy ou Eckart Tolle ont appelé « La Présence »

 

Aux quatre coins de la planète, à travers des lieux emblématiques et grâce à la rencontre de témoins qui racontent leur expérience, Frédéric Lenoir nous invite à emprunter les nombreux chemins de cette quête universelle. Des abysses de l’océan aux temples zen japonais, des volcans du Guatemala aux rives du Gange, des pitons rocheux des Météores aux montagnes sacrées du Tibet, des femmes et des hommes nous ouvrent la porte de leur voyage, tel Mathieu Ricard ou Hubert Reeves.

 

Un très beau livre de 350 pages de photos et de textes

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

L’Expérience de la nature : Guatemala et les volcans – Australie et les Aborigènes – Pérou et la liane sacrée

L’Expérience de la Sagesse : Japon et le zazen – Le Kyodo et l’arc – Inde et les joutes philosophiques

L’expérience de la marche : Ethiopie – Inde les Jaïns – Japon et Dewa Sanzan – France et les chemins de Compostelle

L’expérience de la solitude : Népal et les ermites du Mustang -  Ethiopie et le vieux moine copte

L’expérience de la Beauté : Jardin et le jardin Zen -  Turquie et les Derviches tourneurs

Les rencontres : Hubert Reeves – André Comte-Sponville -  Jon Kabat-Zinn  - Mathieu Ricard -  Nicole Bordeleau  - Dawa Sherpa – Astrid Heyman  - Guillaume Néry  - Alexandra de Steiguer – Otto Sims -

 

FRḖDḖRIC LENOIR  -  OSER L’ḖMERVEILLEMENT

F.Lenoir et Leili Anvar

Edition Albin Michel

2016

Les deux animateurs de l’émission « Les Racines du Ciel » de France Culture ont retenu de ces témoins venus en promotion entre 2012 et 2015 leur idée du bonheur. Ils ont sélectionné une partie de leurs échanges puis en ont fait la transcription dans le présent recueil.


On y retrouve Alexandre Jollien, jeune philosophe suisse handicapé moteur de naissance qui surmonte sa souffrance grâce au réconfort qu’il trouve dans la réflexion, les études sur les spiritualités, la rencontre de l’amour, son épouse, ses enfants, des pratiques personnelles de méditation ou de dialogue. Son héroïsme au quotidien lui a fait ressentir la nécessité de l’abandon, autrement dit savoir renoncer à jouer un personnage, se détacher en s’imprégnant des pensées d’un Maître Eckhart par exemple.


Thierry Janssen est ce chirurgien belge devenu psychothérapeute dans l’accompagnement des malades. Le pessimisme régnant en France étonne cet adepte de la psychologie positive qui croit à la réconciliation de l’être : le corps agit sur l’esprit contre le stress, l’esprit contrôle le corps et le protège par son action sur le système immunitaire.


Bruno Giuliani philosophe lui-même a été fortement marqué par Spinoza qu’il a réussi à déchiffrer. Il revient sur son chef-d’œuvre posthume « L’Ethique » qui postule l’intuition de l’être infini, cause de soi et de tout, qu’il nomme Dieu. Voyant en Spinoza le porteur d’une éthique de la joie et d’une sagesse il tente de le rendre lisible dans un langage moderne.


Marion Muller-Collard, théologienne protestante s’étend sur l’audace de croire pour vaincre sa peur quand on se sent vaciller au moment où survient une épreuve personnelle épouvantable. Christiane Rancé développe la force de la prière qui peut conduire jusqu’à l’extase telle que la vivent les grands mystiques, à commencer par Thérèse d’Avila. Quant à Edgar Morin il garde espoir qu’un sursaut général épargnera à l’humanité les menaces d’autodestruction qui surgissent de toute part. Enfin Jacqueline Kelen s’inscrit dans une spiritualité de combat qui élève l’être humain et lui ouvre un espace de liberté de l’esprit.

 

FRḖDḖRIC LENOIR -  L’ORACLE DELLA LUNA

Frédéric Lenoir

Ed. Albin michel

2006

L'histoire se passe au XVIème siècle et commence en Italie. Après un prologue dévoilant juste les éléments nécessaires pour aiguiser la curiosité du lecteur, ce dernier se retrouve projeté en Calabre aux côtés d'un jeune paysan, Giovanni, qui s'éprend au premier regard pour une adolescente à la beauté exceptionnelle. À peine sait-il son prénom, Elena, et ses origines (elle est la petite fille du Doge de Venise).


Le bref séjour d'Elena dans le village de Giovanni va bouleverser irrémédiablement le destin du jeune homme : il décide de partir la rejoindre à Venise par les terres, plutôt que par la mer, et espère ainsi que les rencontre qu'il effectuera au cours de son voyage lui permettront de parfaire son éducation pour pouvoir mieux séduire la belle. La première personne qu'il croise sur son périple est la mystérieuse Luna, mi-devin mi- sorcière, qui lui révèle son oracle. Giovanni est alors loin de se douter que ce n'est que la première étape d'une quête pleine d'enseignements et de rebondissements.

Frédéric Lenoir a écrit ici un excellent roman historique. Pas une seule fois, tout au long des 700 pages qui forment ce récit, je n'ai ressenti de longueurs; bien au contraire, c'est avec un plaisir non dissimulé que j’aie accompagné Giovanni dans son parcours initiatique, à travers les pays du bassin méditerranéens et les écrits des philosophes et théologiens. Car tout l'intérêt de ce roman repose sur cette double quête : d'un côté, le lecteur est bien sûr avide de connaître la suite des aventures du jeune Giovanni, et ici Frédéric Lenoir n'a pas ménagé sa peine et les péripéties s'enchaînent avec fluidité. Des univers très différents se succèdent avec cohérence et donnent lieu à des descriptions fascinantes : l'Italie, la Grèce, l'Afrique du nord, L'Égypte... Mais aussi la noblesse vénitienne, les galères, la vie monacale, l'esclavagisme. C'est un véritable panorama du  XVIème siècle qui se déploie sous vos yeux.


De l'autre, on s'instruit aux côtés du jeune paysan et l'on se familiarise avec lui aux concepts philosophiques de Pic de la Mirandole, à l'astrologie (très en vogue à cette époque) ou encore aux interprétations des textes religieux (catholiques, musulmans ou hébraïques).

C'est un voyage dans le temps, l'espace et l'esprit que nous offre L'oracle della Luna, et c'est sans doute pour cela que l'on ne sent pas d'essoufflement. C'est une lecture à la fois divertissante et enrichissante. Voilà bien longtemps que je n'avais pas lu un roman historique de cette qualité. Le résultat? Un vrai suspense, passionnant et didactique.  Frédéric Lenoir nous entraîne des palais aux prisons de Venise, du Mont Athos au bagne des corsaires d'Alger, de Jérusalem au ghetto de Chypre. Il livre un grand roman d'amour et d'aventures où passion, mort, mystique chrétienne et soufie, astrologie et kabbale rythment la quête initiatique de Giovanni, le jeune paysan qui avait osé lever les yeux sur la fille des Doges.

 

FRÉDÉRIC LENOIR - L’ÂME DU MONDE

Fréderic Lenoir

Edition NIL

 2013

Cette édition richement Illustrée d’aquarelles par Alexis Chabert, éclaire cet ouvrage qui nous raconte l’histoire de 7 sages venus des quatre coins du monde et qui, pressentant l’imminence d’un cataclysme planétaire, se réunissent à Toulaka, un monastère perdu des montagnes tibétaines, pour transmettre à deux jeunes tibétains Tenzi et Natina, les clés de la Sagesse Universelle.

Au-delà des divergences culturelles et historiques de leurs traditions respectives, ils s’appuient sur leur expérience personnelle et se savent inspires par ce que les philosophes de l’Antiquité appellent « l’âme du monde » : la force bienveillante qui maintient l’harmonie de l’Univers.

Leur message répond aux questions essentielles : quel est le sens de mon existence ? Comment réussir ma vie et être heureux ? Comment harmoniser les exigences de mon corps et celles d mon esprit ? Comment apprendre à me connaitre et à réaliser mon potentiel créatif ? Comment passer de la peur à l’amour et contribuer à la transformation du monde ?

Loin des croyances dogmatiques, ils ouvrent le chemin simple et concret d’un humanisme spirituel qui aide à vivre en faisant réfléchir sur la finalité de la vie.

Au sommaire de cet ouvrage :

1e partie : Partir - le monastère - Tenzin - une source, un éléphant et une montagne - émois amoureux - songes - l’essentiel est invisible pour les yeux - le cerf-volant et l’âme du monde -

2e partie : Premier jour : le port et la source, du sens de la vie - deuxième jour : le noble attelage, du corps et de l’âme - troisième jour : Va vers toi-même, de la vraie liberté - quatrième jour : Ouvre ton cœur, de l’amour - cinquième jour : Le jardin de l’âme, des qualités à cultiver et des poisons à rejeter - Sixième jour : Ici et maintenant, de l’art de vivre - septième jour : Le bonheur et le malheur sont en toi, de l’acceptation de ce qui est -

3e partie : La grotte - la colère - la désolation - la lettre et l’espoir -

17 G

gândhi ou l’Éveil des humiliÉs

Jacques attali

EDITION  FAYARD

2007

Jamais la violence n’a été plus présente et plus multiforme dans la vie des peuples. Jamais l’action et les idées de Mohandâs Gândhi, qui l’a combattue, sourire aux lèvres, jusqu’à en mourir, n’ont été plus actuelles.

Peu de gens ont laissé une trace aussi profonde dans l’histoire humaine, traversant avec douceur un siècle de barbarie, adoré, divinisé par des dizaines de millions d’hommes, tentant de raisonner les pires monstres, faisant de son sacrifice un moyen de conduire les autres à l’introspection, révélant que l’humiliation est le vrai moteur de l’Histoire, pratiquant jusqu’à l’absurde la seule utopie permettant d’espérer la survie de l’espèce humaine : la tolérance et la non-violence. Son destin porte la marque de notre passé, notre avenir portera la marque de son histoire.

 

À suivre son incroyable destin, à raconter comment il conduisit un des plus grands peuples du monde, l’Inde, à l’indépendance, on comprendra qu’il n’y a rien de plus universel que cette vie si particulière, si intense, si mystique, et qu’elle permet même à chacun de nous de répondre à la seule question qui vaille : est-il possible de se trouver ?

 

GUSTAVE EFFEL  - QUI SUIS-JE ?

Sylvain Yeatman

Edition Pardès

 2017

Gustave Eiffel est un ingénieur et entrepreneur français de la fin du XIXe siècle, essentiellement connu pour la réalisation de la tour qui porte son nom, à Paris. Il a fait sa carrière en construisant des ouvrages d'art en fer, matériau novateur pour l'époque qui permettait d'édification de structures ne pouvant pas être faites en pierre...Gustave Eiffel est né le 15 décembre 1832 à Dijon de François-Alexandre Eiffel et de Catherine Mélanie Moneuse. Il passe sa prime enfance auprès de sa grand-mère maternelle dans cette même ville, où il intègrera le lycée.

En 1850, à sa sortie le baccalauréat en poche, il quitte Dijon pour entrer au collège Ste Barbe en vue de la préparation du concours d'entrée à Polytechnique. Mais il échoue et choisit d'entrer à l'Ecole Centrale de Paris dont il sortira diplômé en 1855. Sa spécialité est alors la chimie, mais il s'oriente professionnellement parlant vers la métallurgie, domaine d'activité que sa mère connait et dans lequel elle a des relations.

 

Sa carrière commence lorsqu'il est embauché chez Charles Nepveu, un constructeur de machines à vapeur et de matériel pour les chemins de fer. Il y fera ses premières armes mais n'y resta qu'un an puisque, dès 1857 est prend la responsabilité du bureau d'études de Pauwels et Compagnie.

 

C'est dans cette entreprise qu'il fera ses premiers ouvrages d'art. Entre 1858 et 1860 il s'attèle à l'étude du pont de Bordeaux. En 1866 il quitte la Pauwels et Compagnie et s'installe ingénieur-conseil à son compte, puis, l'année suivante, créé sa propre société avec laquelle il créé un viaduc de la ligne de chemin de fer entre Commentry et Gannat. Ce viaduc l'occupera jusqu'en 1871. Jusqu'en 1873 il travaillera pour divers chantiers de viaducs en Espagne, en Roumanie, au Portugal, en Egypte, en Amérique latine et sur le viaduc de Thouars, sur la ligne Brive-Tulle. En 1875 il conçoit la gare de l'Ouest de Budapest et l'année suivante le pont Maria Pia, qui enjambe le Douro, au Portugal. Il fera ensuite quelques ouvrages pour l'exposition universelle de 1878, et les charpentes métalliques du Bon Marché, du Crédit Lyonnais à Paris, celle des caves Birrh à Thuir, près de Perpignan, etc.

En 1879 il s'attèle à la construction des ponts de Viana et de Beira Alta, au Portugal, et en 1880 au pont du Szeged, en Hongrie. De 1880 à 1884 il passe beaucoup de temps sur ce qui est parfois considéré comme un chef d'oeuvre, le viaduc de Garabit. Durant cette période il continue à travailler sur d'autres chantiers, livrant le pont de Cubzac (1882), le viaduc sur la Tardes (1883), la coupole du grand équatorial dans l'observatoire de Nice.

 

Il se diversifie un peu en créant des ponts démontables qu'il fait envoyer en Indochine. En 1885 il fait un travail original qui change de ses habitudes. Il conçoit et construit la structure interne de la statue de la liberté qui est relativement complexe à faire. Les travaux de 1887 à 1889 sont essentiellement consacrés à la construction d'une tour de 300m en plein Paris, pour l'exposition universelle de 1889. C'est la fameuse "Tour Eiffel", mais c'est aussi l'une de ces toutes dernières réalisations.

 

La soufflerie de Gustave Eiffel, rue Boileau, à Paris. Durant la construction de la tour qui portera son nom, Gustave Eiffel continue à faire fonctionner son entreprise. Ainsi en 1887 il signe un contrat important pour le canal de Panama, mais c'est justement ce contrat qui le perdra. Impliqué dans le scandale de Panama, il est condamné devant la Cour de Paris, ben que ce jugement ne soit cassé ultérieurement. Gustave Eiffel se recentre alors sur sa tour et les bienfaits qu'il peut en tirer. Il commence par exploiter, comme prévu, la tour sur les vingt ans pendant lesquels il a les droits. Il y monte en 1909 un laboratoire d'aérodynamique dont il se sert pour faire des expériences avec un appareil de chute spécialement conçu. Il en déduit des propriétés physiques sur la forme des ailes d'avion. Il installera également sur la tour un laboratoire météorologique. Toutes ces expériences scientifiques le pousse à construire une soufflerie (en 1912) qu'il installe rue Boileau, à Paris. Grâce à lui l'aérodynamique a fait de grands progrès pendant cette période. L'intérêt que Gustave Eiffel a porté aux expériences scientifiques est inversement proportionnel à la quantité de travail fourni par son entreprise, qui finit par cesser toute activité. Sa vie privée est marquée par son mariage le 8 juillet 1860 avec Marie Gaudelet. Gustave Eiffel a eu cinq enfants, trois filles et deux garçons. L'ainée, Claire, est née en 1863, trois ans après son mariage. Son épouse décèdera malheureusement en 1877, peu avant sa propre mère. Gustave Eiffel est mort le 27 décembre 1923 à l'âge de 91 ans.

17 H

histoires de frÈreS

Luc nefontaine

 EDITION DESCLÉE DE BROUWER

 2002

Si vous n’allez pas à la Franc-maçonnerie, la Franc-maçonnerie vient parfois à vous… Par des chemins détournés ou des circonstances inattendues, David, jeune informaticien branché, tiraillé entre sa vie professionnelle et son existence amoureuse, en fait la curieuse expérience. En recherche de sens, soucieux de ne pas consacrer sa vie à des causes superficielles, le voilà mis sur la piste d’une organisation discrète et intrigante, qui croise les milieux politiques, économiques ou culturels. Peu à peu, de questions en questions, de rencontres en rencontres, il va vivre une initiation progressive.

 

Dans cette pratique étrange, presque d’un autre âge, il trouvera des raisons d’espérer, tout en partageant ses doutes et ses interrogations avec Sophie, sa compagne. Mais au fond, et c’est là tout le thème de ce roman où les interrogations sur la sagesse croisent l’approche psychologique, comment choisit-on la fraternité maçonnique ? Sans dévoiler la part du mystère, ce roman de Luc Néfontaine donne cependant quelques clés pour comprendre une recherche qui échappe à beaucoup.

 

HENRI DE TOULOUSE-LAUTREC OU LES LABYRINTHES DU TEMPS

Gérard et Julie Conton

 Edition Mémoires du Monde

 2015

Henri de Toulouse-Lautrec ou Les Labyrinthes du temps» est le livre de Gérard et Julie Conton, paru aux éditions Mémoires du monde. Fruit d'une investigation méthodique et minutieuse, ce livre revisite la vie et l'œuvre de Toulouse-Lautrec, les lieux et les personnages qu'il a côtoyés. D'Albi au Moulin-Rouge, du Chat-Noir à Malromé, le lecteur plonge au cœur de la galaxie Lautrec.

Les auteurs ont exhumé patiemment les registres des actes d'état civil et compulsé nombre d'autres documents afin de nous livrer une vision inédite, neuve et intrigante du peintre des nuits parisiennes. Dans les labyrinthes du temps se tissent de multiples liens à la fois familiaux, picturaux ou encore géographiques. Les mêmes dates reviennent et s'entrecroisent, dessinant des mandalas temporels, que chacun peut observer et décrypter facilement. Des connexions inconnues jusqu'alors surgissent, se révèlent et bouleversent notre connaissance de l'œuvre et de la psychologie du peintre. L'approche critique et l'histoire de l'art en sont renouvelées. Un livre-événement qui se lit comme une enquête dans les labyrinthes du temps.

Gérard et Julie Conton poursuivent leurs recherches en géométrie temporelle avec cet ouvrage inattendu, original et passionnant sur la vie de Toulouse-Lautrec. L’approche astrologique de ce travail est basée sur les symétries et les jeux de miroir temporel. « Le miroir, nous disent les auteurs, objet métaphysique, relie les dates sur la roue des saisons.


Liant des mémoires, il livre une dialectique, une synergie. Le miroir exhibe une vérité, l’exacerbe, restituant à la géométrie sa dimension transcendante. »Il s’agit d’observer, dans le miroir géométrico-temporel, le mouvement d’énergies qui rebondissent ou se reflètent, traçant ainsi des lignées ou des enchaînements d’événements orientés dans une causalité labyrinthique insoupçonnée. Cela évoquera à certains le Wyrd, la toile du destin des traditions nordiques européennes ou le karma des traditions orientales, si mal saisi en Occident. La compréhension de ce phénomène exige l’abandon des causalités linéaires.

De ce point de vue, la vie de Toulouse-Lautrec « répète celle d’autres peintres ». Toulouse-Lautrec meurt à presque 37 ans, comme Rosso dit maître Roux, Le Parmesan, Van Gogh, Raphaël, Watteau, et bien d’autres encore… Ce cycle mystérieux de 37 ans fut maintes fois observé et relevé, et pourtant nul n’a tenté de forcer les portes de cette singulière synchronicité temporelle. »

Pour Julie et Gérard Conton, il existe un « inconscient pictural devenu patrimoine » que la géométrie des dates permet d’explorer : « Les grands peintres accèdent aux images fondamentales, les archétypes. Les figures géométriques temporelles structurent les archétypes picturaux. » « Dans ce livre, annoncent les auteurs, nous explorerons de multiples fréquences temporelles. Ces fréquences ou mandalas temporels, ou encore roues de mémoires, sont inscrites dans le cycle de l’année. Ces polygones réguliers ou isocèles (contenant un axe de symétrie) incluent la naissance et/ou la mort de Toulouse-Lautrec ; ils nous livrent un ordre caché temporel ».

Pour conduire cette exploration complexe, il a fallu exploiter un grand nombre de documents relatifs aux événements qui jalonnent la vie du peintre. Ce travail commence par l’étude des relations familiales, notamment des arrière-grands-parents, grands-parents et parents, des maisons du Bosc, Tapié de Céleyran et Toulouse-Lautrec. Les dates des naissances et des morts sont révélatrices mais aussi les accidents comme les chutes, mortelles ou laissant de graves séquelles, ou encore les séparations. Mais ce sont aussi les relations dans le cercle d’amis ou professionnels qui peuvent être ainsi explorés : relations enseignant-enseigné, maître-élève, influences et imprégnations picturales, apparition des thèmes dans la peinture, etc. A travers la vie de Toulouse-Lautrec, c’est la manière subtile dont se répliquent ou se transforment des comportements, des mêmes, des symboles, des mythèmes dans le monde de la peinture qui est approché. Une autre manière d’observer le vivant et la culture.

L’affiche connaît un large développement après la promulgation de la loi du 29 juillet 1881 qui consacre la « liberté de la Presse » et proclame le libre affichage. Jules Chéret, peintre et affichiste introduit et développe l’usage de la couleur dans la lithographie. En 1889 il est l’auteur de l’affiche qui lance le bal du Moulin Rouge. La première affiche « Moulin-Rouge, la Goulue » commandée en 1891 à Lautrec par Zidler, directeur du célèbre cabaret, est un succès. Elle incite Lautrec à s’engager dans la création d’affiches et plus largement de lithographies. Entre 1891 et 1900, Henri de Toulouse-Lautrec crée 31 affiches et près de 325 lithographies qui lui permettent de se faire connaître d’un plus large public.


Lautrec, admiratif devant l’affiche « France-Champagne » conçue par Pierre Bonnard en 1891, se fait conduire par l’artiste chez l’imprimeur Ancourt. Le père Cotelle, l’un des ouvriers, l’aurait initié à la technique de la lithographie. Le peintre travaille aussi avec l’imprimerie Chaix qui, en 1881, a racheté les ateliers Jules Chéret.

 

Dans ces ateliers, Toulouse-Lautrec a à sa disposition un personnel spécialisé. Il réalise lui-même la pierre de trait et les reports sur les pierres de couleur pour les petits formats à partir de ses dessins préparatoires au fusain et de ses cartons peints avec une peinture très diluée à l’essence. Les techniciens préparent les pierres, les encrent, reportent les dessins, veillent au calage et s’occupent du tirage pour les estampes de dimensions plus grandes. À partir de 1893, Lautrec renonce aux dessins préparatoires et compose directement sur la pierre. Il utilise le pinceau ou le crayon dans ses premières estampes et incorpore avec brio le crachis, projection d’encre produite au moyen d’une brosse à dents que l’on trempe dans l’encre lithographique. Chaque composition reflète son souci de lisibilité. Lautrec reprend les principes des estampes japonaises. Le dessin prime toujours : lignes ondoyantes ou tracés nerveux, premiers plans occupés par des silhouettes coupées arbitrairement et cernées d’un trait épais, figures planes et stylisées. Le traitement de la couleur transforme l’image en affiche : de larges aplats de couleurs pures et contrastées visant à attirer le regard des spectateurs.


Il conçoit l’affiche comme un outil de communication : messages brefs et efficaces, parfois répétés pour frapper les esprits. Sa réflexion porte autant sur l’image que sur le lettrage, sa forme et sa disposition. Le succès d’une affiche tient dans le choc qu’elle crée, dans l’immédiateté de ce qu’elle donne à lire et à voir. Lautrec révolutionne la technique de l’affiche en y apportant fraîcheur et inventivité et préfigure l’art publicitaire contemporain. La plupart de ses lithographies ont été tirées à un petit nombre d’exemplaires : éditions allant de 12 à 100 épreuves pour lesquelles la presse à bras était utilisée. La reconnaissance immédiate de la critique et des amateurs justifie des tirages restreints pour les collectionneurs. Si les affiches de Toulouse-Lautrec portent en elles le sceau de la modernité, elles évoquent la mémoire de Paris fin de siècle.

 

histoires du bon dieu

Rainer Maria rilke

EDITION GALLIMARD

 1993

C’est sans doute la crainte de la maturité virile qui explique en grande partie la spiritualité des Histoires du Bon Dieu et le privilège accordé à l’enfance. On le voit bien dans les réflexions de RILKE sur la prière, peut-être l’une des pages les plus saisissantes du livre, dans le « Conte sur la mort ». Elle explique aussi que la figure du Christ, exemple même de l’homme mûr parvenu à l’âge symbolique de trente-trois ans (que RILKE, en 1899, est encore loin d’avoir atteint), ne puisse que lui inspirer de la répulsion.

 

Dans ce passage, Rilke oppose deux attitudes de prière : la prière antique, les bras grands ouverts, qui fait du corps une sorte de réceptacle où Dieu n’a plus qu’à se précipiter ; et la prière des temps nouveaux, liée au christianisme que d’avoir fait en sorte que l’ancienne attitude de la prière (juive, grecque ou égyptienne, peu importe, semble-t-il) devienne l’image d’un homme cloué en croix. Ces lignes, blasphématoires au regard de la culture d’où Rilke est issu, sont d’une violence peu courante dans son œuvre.

Les Histoires du Bon Dieu tirent ainsi leur unité de cette enquête sur Dieu que RILKE, parcourant à nouveau les pays et les livres qui venaient de marquer ses années de jeunesse, mène à travers des genres littéraires différents – conte, fable, nouvelle – avant de la poursuivre au plus près du poème en prose dans les Carnets de Malte Laurids Brigge.

 

HUGO PRATT   LA TRAVERSḖE DU LABYRINTHE  - 

Jean Claude Guilbert

Edition de la Renaissance   -  Plon

2006-2015

Voyage initiatique en cinq étapes qui correspondent aux cinq parcours secrets d'un labyrinthe intime, le livre de Jean-Claude Guilbert comble un vide.

Car à l'instar de Corto Maltese, son personnage emblématique, Hugo Pratt est un mystère. Son univers -où s'entremêlent sources d'inspiration livresques et destins réels de perdants magnifiques, plongés dans des aventures improbables aux marges de la grande histoire-est si touffu, si codé, que ses nombreux fans ne cessent de s'interroger sur le dessein caché de tant de pistes à peine visibles. Chez Pratt, un épisode en apparence anodin nous entraîne souvent dans un tourbillon de poésie à l'imaginaire si puissant qu'il n'est pas toujours aisé d'en sortir.

C'est ainsi que la fascination opère chez cet auteur hors norme de la bande dessinée qui n’a cessé d'agir en démiurge. Ami très proche du grand Hugo, Jean-Claude Guilbert nous convie ici à un périple dont la trame déborde les limites traditionnelles de la biographie. D'une originalité affirmée, libéré des conventions du genre, illustré de nombreux documents iconographiques, le présent ouvrage est à bien des égards le livre définitif consacré à l'un des génies les plus influents de la BD. Mélange de bribes de vie, d'aventures vraiment vécues et d'autres vécues tout aussi intensément mais dans un monde irréel, La traversée du labyrinthe renouvelle le genre biographique pour entrer de plain-pied dans l'évocation littéraire.

L’œuvre d’Hugo Pratt apparaît de plus en plus comme une œuvre pertinente dans laquelle Hugo Pratt a laissé bien des pistes pour qui veut s’aventurer sur les sentiers inconnus de l’esprit libre.  La lecture des B.D., des romans et des films qui en ont été tirés constitue une déambulation labyrinthique dont la seule finalité est le lecteur lui-même, Corto-Maltese de sa propre vie.  Le livre de Jean-Claude Guilbert, ami et compagnon d’aventure de Pratt, constitue à la fois une biographie originale du créateur mystérieux de Corto et un bel hommage à l’ami. Toujours, quand on parle de Pratt ou de Corto, le qualificatif d’initiatique apparaît. Jean-Claude Guilbert a construit son livre comme un « voyage initiatique en cinq étapes » où l’imaginaire se mêle au réel. Corto Maltese, l’alter ego d’Hugo Pratt, hante bien évidemment les pages de cette biographie riche et amoureuse dans laquelle, le jeu, le mythe, la poésie, l’histoire, la transgression respectueuse, l’élégance, l’amitié, plus que l’amour, s’imposent au premier plan d’une quête qui tantôt s’affirme comme telle, tantôt se nie, pour mieux se préserver.

 

Comme Corto, Pratt n’a eu de cesse que de défier la mort pour mieux l’apprivoiser et s’en faire une compagne, à la fois fille de joie, muse et initiatrice. Jean-Claude Guilbert rapporte dans ces pages nombre de propos d’Hugo Pratt, extraits de conversations dans lesquelles l’amitié ouvre les portes de la profondeur du cœur, qui placent son œuvre en perspective. Hugo Pratt fut totalement animé par l’esprit indéfectible de la quête. En cela, son personnage, Corto Maltese, tout comme le Don Quichotte de Cervantès, est un passeur. Au lecteur de savoir le suivre. « Je ne m’interroge pas sur Dieu, explique Hugo Pratt, mais sur les hommes. D’où mon intérêt pour les mythes, à travers lesquels les hommes essaient de comprendre, de donner un sens à leur situation dans l’univers. Ma passion pour les mythes sur nos origines traduit sans doute une préoccupation métaphysique, mais qui s’exprime à partir de l’homme. Je ne me pose pas le problème de Dieu, mais de l’homme, et je crois en l’Homme. »

 

« Je suis à la recherche de la vérité, mais je sais que je ne l’atteindrai jamais complètement. Si un jour je pensais y être parvenu, je devrais me dire que ce n’est pas possible, que quelque chose a dû m’échapper et que je dois partir à sa poursuite. Toute personne qui croit détenir la vérité est potentiellement dangereuse – et c’est la raison principale pour laquelle je me méfie de tous ceux qui professent une religion. En ce qui me concerne, je ne croirai jamais avoir atteint la vérité, ni même ma vérité. La vérité est insaisissable, on ne peut qu’espérer s’en approcher. Tel est mon propre dogme. Si j’ai une religion, c’est celle de la recherche, de la recherche qui tend vers la Vérité. » Hugo Pratt avait compris que ce n’est pas l’objet de la quête qui importe mais la quête elle-même qui est son propre objet, sa propre finalité, son propre sens.

 

Hugo Pratt (1927-1995) est considéré comme l’un des plus grands dessinateurs au monde. Ses bandes dessinées, ses œuvres graphiques et ses aquarelles sont exposées dans les plus grands musées, du Grand Palais à la Pinacothèque de Paris, sans compter le Vittoriano à Rome, Ca’ Pesaro à Venise, Santa Maria della Scala à Sienne. Ses histoires sont de la « littérature dessinée », ce terme a été spécialement créé pour définir son œuvre. Il est cité par des auteurs et des artistes tels que Tim Burton, Frank Miller, Woody Allen, Umberto Eco, Paolo Conte. Il a vécu en Italie, en Argentine, en Angleterre, en France et en Suisse et à voyager pratiquement dans tout le reste du monde.

Hugo Pratt est né le 15 juin 1927, à Rimini, mais c’est à Venise qu’il a passé toute son enfance, dans un milieu familial cosmopolite. Son grand-père paternel, Joseph, est d’origine anglaise, son grand-père maternel est un juif marrane et sa grand-mère d’origine turque. C’est dans ce continuel mélange d’ethnies, de croyances et de cultures, que sa mère, Evelina Genero, se passionne d’ésotérisme, de la cabale à la cartomancie, tandis que son père, Rolando, est un homme de son temps. un militaire de carrière qui sera muté en 1936 dans la colonie italienne de l’Abyssinie. Ainsi commence la jeunesse africaine d’Hugo Pratt. Enrôlé par son père dans la police coloniale à 14 ans seulement, il côtoie le monde militaire alors présent en Abyssinie, non seulement l’armée italienne, mais également l’armée anglaise, abyssine et sénégalienne. Le charme exercé par tous ces uniformes, ces armoiries, ces couleurs et ces visages demeurera présent tout au long sa vie et dans son œuvre.

 

Il se lie d’amitié avec les jeunes abyssins de son âge, grâce à qui il apprend la langue locale, parvenant ainsi à s’intégrer dans un milieu qui habituellement restait fermé aux colonisateurs. C’est durant cette période qu’il se passionne pour le roman d’aventure. Il lit avec avidité les livres de James Oliver Curwood, Zane Gray et Kenneth Roberts. Il découvre également les premières bandes dessinées d’aventure américaines. « Terry et les Pirates » de Milton Caniff le passionne particulièrement, à tel point que, depuis sa tendre enfance, il décide de devenir un dessinateur de BD. De retour en Italie en 1943, à la suite de la mort de son père, Hugo Pratt fréquente le collège militaire de Città di Castello et, grâce à sa maîtrise de l’anglais, devient interprète de l’armée alliée en 1944 jusqu’à la fin de la guerre. En 1945, à Venise, Hugo Pratt collabore avec un groupe d’amis à la réalisation de l’As de Pique, une revue de bandes dessinées. C’est à ce moment-là qu’il fait officiellement ses débuts en tant que dessinateur. Grâce à cette revue, le « Groupe de Venise » est contacté par une importante maison d’édition argentine et, en 1949, Hugo Pratt s’installe à Buenos Aires où il vivra environ 13 ans.

 

En Argentine, il rencontre plusieurs dessinateurs tels que Salinas ou les frères Del Castillo, fréquente les endroits où l’on danse le tango, devient ami du jazzman Dizzy Gillespie, apprend l’espagnol et découvre les écrivains latino-américains Octavio Paz, Leopoldo Lugones, Jorge Luis Borges et Roberto Arlt, pour ne citer qu’eux. Sentimentalement, cette période de sa vie est marquée par la présence de trois femmes. La première, Gucky Wogerer, est une Yougoslave qu’il épouse en 1953 à Venise et avec qui il aura deux enfants, Lucas et Marina. Ensuite, Gisela Dester, d’origine allemande, qui devient son assistante et sa partenaire, et enfin Anne Frognier, d’origine belge, qui, jeune fille, l’avait inspiré pour créer le personnage d’ »Ann de la jungle ». De leur union naîtront Silvina et Jonas. En Argentine, Hugo Pratt dessine un grand nombre de BD. Il travaille pour l’éditeur Abril : tout d’abord, il publie la série « Junglemen », dessine, en 1953, le personnage « Sgt. Kirk » pour l’hebdomadaire Misterix, scénarisé par Hector Oesterheld qui fonde sa propre maison d’édition Frontera en 1957 en lançant les revues Hora Cero et Frontera, dans lesquelles Pratt publiera respectivement « Ernie Pike » et « Ticonderoga ». En même temps, Pratt dispense des cours de dessin avec Alberto Breccia à l’Esquela Panamericana de Arte. Parmi leurs élèves figurent Walter Fahrer et José Muñoz. Quand cette école d’art ouvre au Brésil, Pratt séjourne six mois à São Paulo.

17 I

iacobus

Mathilde asensi

EDITION PLON

 2003

Il a excité l’imagination de ses contemporains, la convoitise des plus puissants… C’est l’un des secrets les mieux gardés, une énigme demeurée à jamais inexpliquée qui a fait couler tant d’encre, éveillé tant de fantasmes que l’on a peine à croire à son existence… Et pourtant, si le trésor des Templiers, dont les richesses excèdent encore tout ce que l’on a pu imaginer, était tout bonnement caché sur le célèbre chemin de Compostelle ?


Celui qui va tenter de le découvrir s’appelle Galceran de Born, surnommé IACOBUS. Moine soldat, alchimiste et médecin, humaniste convaincu, c’est lui que le pape Jean XXIII et les Hospitaliers, unis par leur cupidité, choisissent pour retrouver cet or mystérieux. Déguisé en pèlerin sur un chemin semé d’embûches et de pièges, sommé de déchiffrer de dangereux secrets, Galceran trouvera sur la fameuse Voie Lactée des réponses surprenantes à plus d’un égard…


Avec une intrigue pleine de suspense, dans le ton d’une chronique médiévale où se mêlent logique, ésotérisme et aventures, la romancière invite à un voyage fascinant à travers la France et l’Espagne du XIV° siècle, d’Avignon au cap Finisterre, parcourant et revisitant le légendaire chemin de Compostelle d’une manière totalement originale.

17 J

J’ai vu finir le monde ancien

Alexandre adler

EDITION  Hachette

 2003

Le monde ancien, c'est celui d'avant le 11 septembre 2001. Alexandre Adler analyse l'événement et ses conséquences comme ouvrant une nouvelle étape dans les relations internationales, mais aussi dans les choix politiques des principales nations, dans leurs assises sociales, et dans les représentations de chacun d'entre nous. La triple révélation du 11 septembre, de la vulnérabilité des Etats-Unis, de l'émergence d'une irrationalité politique radicale, et d'une irruption de conflits culturels ou civilisationnels dans la sphère des relations interétatiques vient en effet brouiller le jeu et nous oblige à de nouvelles synthèses.

 
Ce livre étudie les racines profondes du terrorisme international, ses effets prévisibles et les stratégies souhaitables dans ce contexte. Depuis les choses ont beaucoup changé dans tous les domaines qu’il s’agisse de politique, d’économie, d’alliances, des conflits culturels ou civilisationnels.


Un livre de prise de conscience qui fait réfléchir.

 

JACQUES CARTIER -  QUI SUIS-JE ??

Rémy Tremblay

Edition Pardès

 2020

Jacques Cartier (1491-1557): «Pareillement aussi voit-on, comme au contraire de ces enfants de Satan, les pauvres chrétiens et vrais piliers de l'Église catholique s'efforcent d'augmenter et accroître, ainsi que l'a fait le catholique Roy d’Espagne, des terres qui par son commandement ont été découvertes à l’ouest de ses pays et royaumes, lesquelles auparavant nous étaient inconnues, étranges, et hors de notre foi.» Né en 1491 dans la ville bretonne de Saint-Malo, Jacques Cartier se lance très jeune dans une carrière maritime. Capitaine reconnu pour ses diverses qualités, il devient un notable de la ville et épouse en 1520 Catherine des Granges, issue de la noblesse locale. En 1532, il rencontre le roi François Ier et lui fait part de ses projets d’exploration vers l'ouest, à la recherche d’une nouvelle route vers les richesses de la Chine. Avec l'aval du souverain, il entame en 1534 un voyage qui le mène sur les côtes canadiennes, dont il prend possession au nom du roi de France. L'année suivante, il retourne sur ces terres et passe un premier hiver dans les environs de Stadaconé. Par ce périple, il démontre que cette Nouvelle-France est habitable. Bien qu'il n'ait pas trouvé la route vers l’Orient, il a pris possession d'un territoire encore inconnu de l'homme blanc. Cartier revient une dernière fois au Canada en 1541 avec comme projet d’établir une première colonie, qui doit être abandonnée l'année suivante. Il rentre en France avec du mica et du quartz, qu’ il croit être des diamants, ainsi que de la pyrite, qu'il croit être de l'or. Cette erreur le fait tomber en disgrâce et fait oublier durant quelques décennies le projet ­canadien. Jacques Cartier, découvreur du Canada et précurseur de l'aventure française en Amérique, se retire en son manoir de Limoëlou. Il y travaille sur ses relations et ses cartes jusqu'à ce qu’ une épidémie l'emporte le 1er septembre 1557.

 

Lorsqu’en 1532 Jean Le Veneur, évêque de Saint-Malo et abbé du Mont-Saint-Michel, propose à François Ier une expédition vers le Nouveau Monde, il fait valoir que Cartier est déjà allé au Brésil et à la « Terre Neuve ». De fait, les relations de Cartier comportent plusieurs allusions au Brésil qui ne sont pas que des souvenirs livresques ; quant à Terre-Neuve, Cartier en connaissait les parages : un mois avant son départ, il sait qu’il doit atteindre la baie des Châteaux (détroit de Belle-Isle) et il s’y rendra en droiture comme à une étape familière. La commission délivrée à Cartier en 1534 n’a pas été retrouvée mais un ordre du roi, en mars de cette même année, nous éclaire sur l’objectif du voyage : « descouvrir certaines ysles et pays où l’on dit qu’il se doibt trouver grant quantité d’or et autres riches choses ». La relation de 1534 nous indique un second objectif : la route de l’Asie. À ceux qui prêtent à Cartier en ce premier voyage une préoccupation missionnaire, Lionel Groulx répond : « L’or, le passage à Cathay ! S’il y a une mystique en tout cela, pour employer un mot aujourd’hui tant profané, c’est une mystique de commerçants, derrière laquelle se profile une rivalité politique. » La relation de 1534 ne mentionne aucun prêtre faisant œuvre d’évangélisation auprès des indigènes ; c’eût d’ailleurs été peine perdue, à cause de la barrière linguistique. Faute d’avoir trouvé le rôle de l’équipage, on peut croire à la présence d’au moins un prêtre : en présentant Cartier, l’évêque Le Veneur s’était engagé à fournir les aumôniers et la relation du voyage fait allusion au chant de la messe.

 

Cartier part de Saint-Malo le 20 avril 1534, avec 2 navires et 61 hommes. Favorisé d’un « bon temps », il traverse l’Atlantique en 20 jours. Du cap de « Bonne Viste » à la baie des Châteaux, il visite des lieux déjà connus et nommés ; puis il entre dans la baie qu’on lui a désignée comme première étape. À dix lieues de là, à l’intérieur, le port de Brest est un lieu d’approvisionnement en eau et en bois pour les pêcheurs de morues. À 100 milles à l’ouest de Belle-Isle, Cartier rencontre un navire de La Rochelle : il lui indique comment retrouver sa route. Cartier n’est pas encore dans un monde tout à fait inconnu, mais il coiffe de noms les accidents géographiques de la côte nord : île Sainte-Catherine, Toute-Îles, havre Saint-Antoine, havre Saint-Servan où il plante une première croix, rivière Saint-Jacques, havre Jacques-Cartier. Pour la terre qu’il voit, il n’a que le plus souverain mépris : « en toute ladite coste du nort, je n’y vy une charetée de terre », « c’est la terre que Dieu donna à Cayn ». Le 15 juin, il fait route « sur le su » et entre dans l’inconnu. Longeant la côte occidentale de Terre-Neuve et semant des noms français, il parvient à ce qui est aujourd’hui le détroit de Cabot, mais sans constater que c’est un passage, et il vire à l’Ouest.

 

 JACK  LONDON.  Vagabondages entre Terre et Ciel

 Richard   KHAITZINE

 Edition   EDITE

 2011 

 

Jack London, 1876-1916, a publié une quarantaine de romans et d’essais sur une période de seize ans, traversant le ciel des lettres à la vitesse d’un météore. Ecrivain lucide, matérialiste et humaniste.

Il prophétise l’avènement de la société ultralibérale, dès 1908, dans son roman pessimiste, Le Talon de fer. Mais l’auteur de cet ouvrage s’intéresse à l’autre Jack London, l’écrivain du Vagabond des étoiles – où le personnage principal s’évade vers des vies antérieures pour tromper le temps en prison. London s’attache alors à démontrer la suprématie de l’esprit sur la matière.

 

A l’âge de quarante ans, alcoolique, alors qu’il est au sommet de la gloire, il absorbe une dose mortelle de morphine. Sa femme prétendra qu’il a succombé à une crise d’urémie ; un ami parlera de suicide. Mais pourquoi ce geste ? « La vie ment pour vivre, la vie est un mensonge perpétuel » lit-on dans «le cabaret de la dernière chance », roman autobiographique au sein duquel il expose une philosophie proche de Kant ou du bouddhisme.

 

Au sommaire :

Les temps difficiles – le temps des succès – Boire et déboires – Lettre d’un admirateur de Jack London – Un vagabondage dans les étoiles – Jack London rencontre Zorro, neuf ans avant sa naissance – Du cabaret de la dernière chance à la critique de la raison pure – Traité du Zen et de l’entretien des motocyclettes – Dialogue avec la raison pure – Lettre du docteur Purdon – Des nouvelles d’outre-tombe – Bibliographie de J. London. De très nombreuses photographies de London et de son entourage

 

JULES VERNE – QUI SUIS-je ?

s. vierne

EDITION  PARDES

 2005

Il s’agit ici de considérer Jules Verne comme un grand écrivain, et non comme un simple pédagogue des sciences, ce qu’il était certes tenu de faire dans le cadre donné par son éditeur et ami Hetzel. Il n’était pas non plus un inventeur de technologies en avance sur son temps.


Ce « Qui suis-je ? » Vierne veut surtout montrer combien il a su donner forme aux rêves les plus profonds des êtres humains. De sorte que bien de ceux qui allaient devenir les grands écrivains du XXème siècle le reconnaissent comme celui qui, le premier, a su les mener sur le chemin de la création, celui qui a donné l’impulsion première à leur imagination.


Ainsi est-il, par exemple, pour Julien Gracq, le « vieux magicien » auquel il voue toujours une grande admiration ; J.-M. G. Le Glézio affirme que, tant pour lui que pour ceux de sa génération, il a tenu lieu d’Iliade et l’Odyssée. Car ses œuvres sont, avant tout, des romans de l’Aventure, rêvée comme une Quête initiatique.

Cet ouvrage montre que, sans cette force de l’imaginaire, le monde entier, qui a vu, entre autres, les hommes marcher sur la Lune, ne ferait pas à cet auteur le succès universel qui est encore le sien, un siècle après sa mort.

Aux yeux d’un lecteur moderne, Jules Verne n’écrit pas seulement des romans d’aventures, où la science prête des moyens apparemment réalistes à une exploration et une domination du monde. Il se rattache à une sphère poétique, celle qui plonge ses racines dans ces schèmes dynamiques créateurs des mythes, de sorte que l’aventure devient quête d’un Graal, dont la forme peut être très moderne, mais dont le fond appartient à ce trésor commun de l’humanité.

Tout roman d’aventures qui ne se limite pas à nous tenir en haleine par une bonne fabrication, même si ce n’est certes pas négligeable, entraîne le lecteur dans ce « dialogue de la mort et de la liberté » dont parle Yves Tadié dans sa remarquable étude sur Le Roman d’aventures. Pour que les récits d’explorations deviennent des voyages exemplaires, il faut que, à un niveau profond, ils soient des quêtes de l’Ailleurs. Dans un roman qui ne semble pas pourtant recéler tant de profondeur, un de ces romans amusants que Jules Verne insère à intervalles fixes entre les romans sérieux, Clovis Dardentor (1896), les héros doivent faire une simple traversée de la Méditerranée pour rejoindre l’Algérie à partir de Sète. Mais l’un d’eux rêve de partir pour l’Aventure, qu’il définit ainsi :

«L’inconnu […], l’inconnu qu’il faut fouiller pour trouver du nouveau, a dit Baudelaire.»
Inconnu précisé, avec une évidente dénégation, preuve de l’angoisse du héros et de l’auteur :
«L’inconnu, dont je ne me préoccupe guère d’ailleurs, c’est l’X de l’existence, c’est le secret du destin que, dans les temps antiques, les hommes gravaient sur la peau de la chèvre Amalthée.»

Or, la référence explicite à Baudelaire et à son poème Le Voyage alerte forcément le lecteur, au moins adulte : c’est la Mort qui est le vieux capitaine, que le poète implore dans les deux derniers quatrains, afin de :
«Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?
Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau.»


Toute aventure est au péril de la mort. En même temps, le lecteur est rassuré car les héros, dans ce genre de roman, surtout aussi volontairement peu sérieux que Clovis Dardentor, ne meurent pas. Mais la question sous-jacente, c’est que, si, d’après l’idéologie humaniste et positive de l’époque (et d’Hetzel), la science peut s’approprier la connaissance de la Terre entière et au-delà, elle ne résout pas tous les problèmes, et notamment ceux que se pose l’homme sur son destin. La grande interrogation romantique sur le destin prométhéen de l’homme, qui était finalement assez optimiste, commence au milieu du siècle à se transformer en une amère réflexion. L’on devient conscient du paradoxe dont il était question dans les romans de Jules Verne cités plus haut. Dans la littérature, le seul moyen que l’homme ait trouvé de les concilier, cette coïncidentia oppositorum, c’est de les faire coexister, comme dans la figure de l’oxymore, où la maîtresse créole de Baudelaire est « noire et pourtant lumineuse ». à sa manière, et dans des romans apparemment destinés à une lecture qu’on pourrait dire primaire, et en tout cas pédagogique, le sens poétique de Jules Verne lui a permis de faire sentir, qu’il en ait été conscient ou non, que derrière des aventures « bien ficelées », on pouvait trouver des interrogations bien plus profondes.

17 L

l’absurde et le mystÈre – ENTRETIEN AVEC FRANÇOIS MITTERAND

Jean guitton

EDITION DESCLEE DE BROUWER

 1997

C’est un livre qui raconte des entretiens qu’a eu J. Guitton de l’académie française avec François Mitterrand entre 1980 et 1990. le thème central en est la notion de la mort et de l’au-delà, thème qui hantait F. Mitterrand. En face de lui J. Guitton, philosophe. Dieu est au centre de ces conversations et si l’un penche pour l’absurde, l’autre croit aux mystères.

 

Le 17 novembre 1994, un vieil homme malade monte un escalier qui ne paie pas de mine, rue de Fleurus, à Paris, entre le Sénat et la rue Guynemer, où il a naguère habité. Il rend visite à un vieux philosophe de 93 ans, à l'oeil ironique, qui prétend n'être ni de droite ni de gauche, puisqu'il "siège au plafond". Ce n'est pas la première fois que François Mitterrand, président de la République, et Jean Guitton, philosophe chrétien, se rencontrent. De Dieu, ils ont déjà parlé lors de rencontres dans la Creuse, dans la propriété du philosophe. François Mitterrand avait alors admiré la chapelle et le cloître qui jouxtent la propriété de Jean Guitton. Mais, cette fois, on dirait qu'il y a urgence: le Président sent que sa mort est pour bientôt. "Six mois", dit-il à Jean Guitton, avant de démentir quelques jours plus tard avoir évoqué ce court délai qui le mènerait tout juste au second tour de l'élection présidentielle.


François Mitterrand s'asseoit dans un fauteuil trop bas et inconfortable. Qu'importe : "Parlez-moi de la mort", dit-il à Guitton, ajoutant: "Vous, vous êtes un homme libre, contrairement au Pape, aux évêques et aux curés. Comme vous êtes spécialiste de la mort et de l'éternité, je viens vous voir pour vous demander : qu'est-ce que l'au-delà ?"

La conversation dure une heure. "J'ai eu l'impression, confie Jean Guitton à La Vie, que le sujet de notre conversation était exceptionnel et pathétique." Mais, à la fin de l'entretien, le Président n'a pas fait part de ses réflexions au philosophe.

 

 La réponse, confiera-t-il le 14 avril 1995 à Bernard Pivot, lors d'un spécial Bouillon de culture, il la cherche encore. Ajoutant, malicieux et pathétique à la fois : "Il serait temps que je parvienne à une conclusion."
Ainsi donc, François Mitterrand, taxé naguère d'affreux marxiste par ceux qui pensaient que son accession à l'Elysée allait amener l'armée Rouge sur la place de la Concorde, n'a plus dans les derniers mois de sa vie qu'une obsession : Dieu. Six mois avant la fin de son mandat, celui qu'on soupçonnait de n'être préoccupé que de la place qu'il tiendrait dans l'histoire de France, semble ne plus penser, presque désespérément, qu'à la place qu'il occupera dans l'au-delà.

 

Le 31 décembre 1994, dans ses ultimes vœux aux Français, il étonne certains, en émeut ou en exaspère d'autres, en déclarant: "Je crois aux forces de l'esprit." Quelques jours plus tard, présentant pour la dernière fois ses vœux à la presse dans la grande salle des fêtes de l'Elysée, et alors que son état physique semble critique, que la douleur se lit sur son visage, il se laisse aller à cette autre confidence : "Les forces de l'esprit, c'est différent de la foi de ma jeunesse. Cela ne relève pas d'une spiritualité particulière et il m'arrive de le regretter. On vient et on part, on naît et on meurt. C'est vrai que je suis très intéressé par les problèmes spirituels que posent la vie et la mort. Il y a une réalité mystique entre la terre et moi, entre la France et moi. On dit que j'aime me promener dans les cimetières, mais ça n'est pas vrai. Les cimetières ne sont que poussière, rêves et souvenirs morts."
Dans Ma part de vérité, écrit en 1969, en un temps où l'on ne donnait pas cher de son avenir politique, François Mitterrand racontait: "J'ai été élevé dans un milieu catholique, très croyant et très ouvert. La tradition dont on s'y réclamait le plus couramment était celle d'un frère de ma mère, mort à vingt ans, qui avait appartenu aux premières équipes du Sillon. A l'époque, quand on était catholique dans une petite ville de province, on se classait automatiquement à droite.

 

 La messe séparait le bon grain de l'ivraie. Mais lorsqu'on allait à la messe et qu'on refusait de s'associer aux arrogances, aux injustices de la droite, on n'était de nulle part. Tel était le cas de mon père."
Le jeune François refuse "le conformisme ambiant où l'Eglise, dont j'avais continué d'observer les préceptes, avait enfermé les siens. Puisqu'elle n'était pas dans le camp de la souffrance et de l'espoir, il fallait, me disais-je, le rejoindre sans elle." Il grandit néanmoins dans un milieu très marqué par la foi : sa mère est profondément croyante, son père se fait, l'été, brancardier à Lourdes et préside des écoles privées de Charente, après avoir été lui-même élève de l'école Notre-Dame-des-Aydes, à Blois. Lors d'une visite dans le Loir-et-Cher, le maire de Blois, Jack Lang, remettra à François Mitterrand des bulletins de notes de son père. Intense moment d'émotion dans la mairie de Blois, qui, jadis, fut un évêché...

 

Des idées et des théories très intéressantes.

 

la confrÉrie des ÉveillÉs

Jacques attali

EDITION FAYARD

 2005

Au XIIème siècle, à Cordoue où les trois monothéismes ont choisi de se respecter, de s’admirer, de se nourrir les uns les autres, un artisan énigmatique eut le temps, avant d’être torturé et pendu, de révéler à son neveu comment obtenir le livre le « plus important à avoir jamais été écrit par un être humain ». Lancé dans cette quête qui le mène à travers l’Europe et le Maroc, le jeune juif, Maimonide, croise un jeune musulman, Averroès, entraîné dans la même recherche. L’un comme l’autre, qui deviendront des géants de la pensée, sont poursuivis par un groupe mystérieux qui semble décidé à tout faire pour les empêcher d’aboutir : la « Confrérie des Éveillés ».


La plupart des personnages de ce roman ont vraiment existé. Si incroyables qu’ils soient, la plupart des événements politiques et personnels qu’ils traversent ont eu lieu. Les idées, les façons de vivre sont d’époque. Tout donne à penser qu’en ce moment crucial de l’histoire du monde, le plus grand des penseurs juifs et le plus grand des philosophes musulmans ont dialogué exactement comme ils le font ici.


Tout, enfin, dans l’Histoire, s’est toujours déroulé et se déroule encore exactement comme si le complot évoqué dans ces pages avait vraiment eu lieu. Comme si les « Éveillés » étaient encore parmi nous, porteurs d’un secret essentiel pour l’avenir de l’humanité, mais à jamais perdu. À moins que…

 

la divine comÉdie de bernard buffet

G. durand

EDITION  DESCLEE DE BROUWER

 1986

L’œuvre immense de Bernard Buffet accompagne le drame de notre époque, bien plus elle lui donne visage. Cirque, corridas, épopée de Jeanne d’Arc, horreur de la guerre, folles, écorchées, Enfer de Dante, révolution, passion du Christ et Pietà…

 

Dans toutes ses toiles, Bernard Buffet « insolemment figuratif » (François Mauriac) dessine d’un trait ferme les stigmates dont ce siècle lacère le visage de l’homme. Son œuvre compose l’opéra fabuleux, dérisoire et tragique, de notre époque.

 

De toute époque, peut-être. Impossible de ne pas être saisi par cette mise en scène, avec son étrange paradoxe d’opacité et de lumière, d’écrasement et d’espoir.

 

Qu’on crie au scandale, mais qu’on voie la passion de l’Homme de douleurs et la pitié de la Pietà se dessiner au milieu de cette déréliction. Comment ne pas être bouleversé par cette fresque grandiose qui est, comme l’œuvre de Dante, théologie en acte, cri de révolte devant le mas sans mesure, geste de la compassion qui met au monde l’espérance.

 

l’affaire marie-madeleine

Gérard MESSADIÉ

EDITION  J.C. LATTES

 2002

Qui était Marie-Madeleine ? Quel fut véritablement son rôle auprès de Jésus après la crucifixion ? C’est principalement à ces questions que Gérard Messadié tente de répondre à travers ce roman inspiré. D’après lui, Marie-Madeleine aurait été l’instigatrice d’un « complot » pour sauver Jésus de la mort. En soudoyant les soldats, en retardant sa mise en croix, en récupérant le corps seulement blessé, elle réussit son projet. Alors, quand un Saint homme resurgit du néant avec l’aura magique d’avoir triomphé de la mort, son pouvoir devient incommensurable.


Ce roman biblique passionnant nous fait aussi découvrir tout le contexte historique et psychologique de cette époque : Rome et Jérusalem, les grands prêtres qui s’opposent aux tribus de Zélotes, les multiples prophètes qui sillonnent le désert et mettent en péril les pouvoirs, les superstitions qui fragilisent l’ordre social et religieux.


On y retrouve Hérode Antipas, Lazare, Judas, Ponce Pilate, Paul, Simon et les autres.

 

l’amazone – un gÉant blessḖ

Alain gheerbrant

EDITION  GALLIMARD

 2005

En 1542, les conquistadors Gonzalo Pizzaro et Francisco d’Orellana tentent de trouver une nouvelle route vers l’Inde, au-delà de la gigantesque barrière des Andes. Ils échouent, mais rencontrent de farouches guerrières, les Amazones, et découvrent un fleuve immense, qu’ils baptisent « Amazone ».

 

En quête d’un mythique Eldorado, les aventuriers sillonnent désormais le fleuve et la forêt amazonienne. A partir du XVIIIème siècle, naturalistes et géographes y réalisent de grands voyages scientifiques et entrent en contact pacifique avec les Indiens.

 

Après la grande exploitation du caoutchouc au tournant du XXème siècle, qui décime les populations indiennes, la déforestation, la pollution et le pillage des ressources naturelles mettent aujourd’hui en péril leurs cultures traditionnelles, en symbiose avec le plus vaste écosystème forestier du monde. Tout en retraçant les étapes de la découverte et de l’exploration de l’Amazonie, Alain Gheerbrant, explorateur et écrivain, lance un cri d’alarme devant le danger qui menace le patrimoine de l’humanité tout entière.

Avec 6400 km il est un peu moins long que le Nil, mais le plus vaste pour son réseau hydraulique avec 6 150 000 km. Le débit à son embouchure est 5 fois plus important que son successeur le Congo. L'Amazone prend sa source à 4840 m au Pérou. Sur son chemin, l'Amazone reçoit plus de 500 affluents dont 20 puissants fleuves, longs de plus de 1500 km !! Le rio Negro sur la rive gauche est aussi gros que le Congo. Le rio Xingu est lui aussi abondant que le Gange.

 

Les différents affluents font passer la largeur de l'Amazone de quelques mètres à la source, à 6000 m à Manaus, puis 10 km dans son cours inférieur. La basse vallée est un véritable bras de mer qui remonte grâce aux marées sur plus de 1000 km, et dont la largeur entre rives est de 30 à 100 km. La profondeur des eaux est de 20 m à la frontière péruvienne, 80 à Manaus, et 130 vers Obidos. Du fait de la très faible pente sur ses 3500 derniers km, l'Amazone est très ramifiée et possède de nombreux lacs.

 

Le fleuve est le premier par le volume des eaux qu'il charrie. Il doit cette abondance à la surface de son bassin, qui, avec 7 millions de kilomètres carrés, est le plus grand du monde. Son débit moyen à l'embouchure est estimé à 180 000 m3/s (quatre fois celui du Congo, deuxième fleuve par la puissance, et cent fois celui du Rhône), contre 160 000 m3/s à Óbidos, situé à 1 000 km des côtes atlantiques. Les alluvions sont à l'origine de la distinction opérée entre les affluents du fleuve: les rios negros (noirs) sont chargés de fer et de matière organique; les rios d'agua limpa sont limpides comme le Tapajós, et les rios brancos sont chargés d'alluvions claires et opaques (Madeira, Amazone). Les confluences entraînent parfois des phénomènes spectaculaires. Ainsi, à la rencontre de l'Amazone et du Negro, les eaux des deux fleuves ne se mélangent pas sur plusieurs kilomètres, tant elles sont abondantes et leurs caractéristiques différentes. Les eaux de l'Amazone sont si puissantes qu'elles forment un véritable barrage, faisant parfois refluer les eaux des affluents vers l'amont.

 

Au sommaire : Les découvreurs : Pizzaro, Orellana, Raleigh… Les explorateurs scientifiques : Humboldt, La Condamine, Saint-Hilaire, Bates, Wallace… L’aventure du caoutchouc, la déforestation… 190 méandres de l’histoire d’un géant blessé.

 

LA PASSION DU LIVRE AU MOYEN-ÂGE

Sophie Cassagnes - Brouquet

Edition Ouest- France

2003

La passion du livre est bien un trait caractéristique du Moyen Age, un legs que cette période nous a transmis parmi tant d'autres. Les bibliothèques européennes renferment ainsi une grande part de notre patrimoine culturel et artistique, trop souvent méconnu. C'est cette relation passionnelle que les hommes et les femmes du Moyen Age ont entretenue avec le livre que cet ouvrage souhaite éclairer. Les livres ne sont pas seulement un texte mais aussi un fabuleux répertoire d'images, ce qui explique la fascination qu'exercent encore sur nous les manuscrits médiévaux. Depuis cette période, l'histoire du livre est indissociable de celle de notre civilisation occidentale

 

Comme le souligne Sophie Cassagnes-Brouquet dans la conclusion de son livre, La passion du livre au Moyen Âge, « le prix astronomique atteint par les manuscrits les plus modestes au cours des dernières ventes publiques suffit à témoigner du maintien de cet engouement pour les manuscrits du Moyen Âge ». Si on peut ne pas être d’accord avec ses regrets que « bibliothèques ou collectionneurs privés conservent jalousement » de tels trésors, il faut saluer la qualité du travail de vulgarisation qu’elle propose dans son court et richement illustré ouvrage. Trois grands supports de l’écriture

 

Le livre se découpe en quatre parties, consacrées respectivement à la production des livres, aux bibliothèques, aux lecteurs, et aux rapports plus que fructueux entre les livres et les artistes. Dans la première partie, l’auteur circonscrit son propos entre l’invention du codex au premier siècle après Jésus-Christ et l’invention de l’imprimerie vers 1460. Elle rappelle que, au Moyen Âge, « trois grands supports de l’écriture » cohabitent, ou plutôt se succèdent : le papyrus, le parchemin, le papier. Elle souligne l’importance du scribe, « grand spécialiste de l’écriture », et détaille sans érudition excessive ses pratiques et ses outils. Les scriptorium des monastères sont les lieux privilégiés de la production des livres avant que, au Xe siècle, le développement de la lecture silencieuse ne s’accompagne de celui des ateliers urbains, souvent liés aux grandes villes universitaires européennes.

 

Au Moyen Âge, le livre est un objet rare, cher et précieux, qu’il est donc difficile de conserver pour soi. Les premières bibliothèques se développent dans les monastères, puis dans les universités. Quoique précieux, le livre n’est pas toujours bien traité par ses lecteurs, et Sophie Cassagnes-Brouquet propose quelques témoignages savoureux sur les déprédations commises par les étudiants… Le livre est aussi objet de collection, de prestige, dont témoignent entre autres les fameuses Grandes heures de Jean de Berry, manuscrit du XVe siècle.

 

Quels livres, pour quels lecteurs ? La troisième partie, « Quels livres, pour quels lecteurs ? » est sans aucun doute la plus originale et la plus intéressante du livre. Rappelant la rupture que constitua le passage progressif de la lecture collective, à haute voix, à la lecture silencieuse, individuelle, l’auteur montre que, d’abord réservée aux moines, la lecture se répand bientôt dans d’autres classes de la société, et notamment chez les laïcs. Si les textes liturgiques en latin sont une part prépondérante des livres réalisés et lus, d’autres textes en « langue vulgaire » rencontrent bientôt un énorme succès, comme les « romans », notamment ceux tournant autour de la quête du Graal.

 

Enfin, l’auteur  insiste sur l’une des principales caractéristiques des manuscrits médiévaux et ce pourquoi ils sont encore si prisés : la présence d’enluminures au rôle à la fois décoratif et pédagogique – même si, l’auteur le rappelle aussi, tous les manuscrits médiévaux ne sont pas enluminés. Les enlumineurs sont souvent anonymes, ce qui n’empêche pas leur travail d’égaler en beauté celui des plus grands peintres du temps. L’enluminure accompagne aussi le passage de l’art roman à l’art gothique, les Très riches heures du duc de Berry pouvant être considéré comme le point d’aboutissement d’un art qui, avec l’avènement de l’imprimerie, va peu à peu disparaître.

 

Ouvrage de vulgarisation, La passion du livre au Moyen Âge vaut aussi pour la quantité et la qualité de ses illustrations. Des dizaines de reproductions de grande qualité, issues des plus grandes bibliothèques patrimoniales françaises, complètent et soulignent le texte. Pour une fois, le rapport qualité/prix est plus qu’en faveur d’un ouvrage si magnifiquement illustré qui, s’il n’apprendra rien à l’érudit, voire au bibliothécaire averti, sera une source inépuisable d’émerveillements pour le néophyte et pour l’amateur, décidément bien convaincus que le « moyen âge » porte bien mal son nom…

 

la rÉgle de quatre

caldwell & thomason

FRANCE – LOISIRS

 2004

Depuis 1499, des savants tentent de décoder un chef-d’œuvre de la Renaissance, Le Songe de Poliphile. Écrit en cinq langues, orné de gravures érotiques et violentes, ce texte a résisté à tous les assauts, brisé des destins, des amitiés et des vies. Pourtant, deux étudiants de Princeton osent s’y mesurer et, au fil de messages cachés, découvrent l’histoire d’un prince du Quattrocento et l’existence d’une crypte secrète qui recèle des trésors inouïs.

 

Ils croyaient échapper à la malédiction de cette énigme. Mais pour la défendre, certains sont prêts à mourir et à tuer.

 

le chevalier coËn & le mystÈre de la parole perdue

guimel & dalet

EDITION  GALODE

 2007

Au cours de son initiation à Bourges, un anesthésiste meurt empoisonné. Ébranlée, l’Institution maçonnique déclare aussitôt « L’Union Sacrée » et mandate alors Jean Gibelain pour résoudre l’affaire. Un fou de Dieu, allié objectif de néonazis assoiffés de pouvoir, veut dominer un monde que seul Gibelain parviendra peut-être à sauver.


Pour y parvenir, ce dernier doit savoir décoder les signes… et résoudre l’énigme de la parole perdue.


« Le Chevalier Coën » est une épopée, un roman épique et chevaleresque qui nous fait voyager dans le temps à la recherche de la parole perdue.

 

le corbeau

Erik sable

EDITION LE MERCURE DAUPHINOIS

 2006

Beaucoup de livres permettent d’identifier les oiseaux, mais peu s’intéressent à leurs façons de vivre.


Les petits ouvrages de cette collection vous feront découvrir la vie des différents oiseaux que l’on peut voir en Europe.


Chaque volume présentera un oiseau avec ses particularités qui font qu’il est unique : son couple, les nids, les jeux, la manière de se nourrir… Ainsi que le lien particulier de cet oiseau à l’homme. Il est composé de petits chapitres écrits dans un style vivant et simple, d’histoires pour apprendre à mieux voir, comprendre nos amis ailés et se comprendre à travers eux.

 

LE DERNIER TESTAMENT DU DIABLE

Gérard Raynal

Edition  T.D.O.

 2018

1920 - Le cadavre d'un jésuite est retrouvé en position de gisant, sur le site dit « le Fauteuil du Diable » dans les environs de Rennes-les-Bains (Aude). Cet acte barbare intrigue d'autant plus les enquêteurs, qu'il reproduit, au détail près, l'assassinat de l’abbé Antoine Gélis, survenu plus de deux décennies auparavant à Coustaussa, un village des environs. Relevé près de la victime, un étrange graffiti portant les mots « Viva Angélina », ne fait que rajouter à la confusion. L'abbé Salvat dépêché malgré lui sur la scène du crime, va se laisser emporter par cette mystérieuse affaire sur laquelle plane inexorablement l'ombre de l'abbé Saunière, l'ancien curé de Rennes-le-château. C'est en visitant l'église de cette paroisse où trône une statue du Diable, que notre enquêteur parviendra à tirer les premiers fils d'un redoutable écheveau.

 

De Rennes-les-Bains, jusqu'en Bretagne, de Paris à son Roussillon natal, il se heurtera à d'impitoyables ennemis qui cherchent par tous les moyens à s'approprier un mystérieux manuscrit découvert par Saunière dans les entrailles de son église. Au fil de son enquête, il comprendra que la divulgation de ce terrible message risque de plonger le monde dans un inextricable chaos. De chasseur, il deviendra gibier.

 

LE DERNIER DES JUSTES

A. schwarz - bart

EDITION DU SEUIL

 1959

Dernier d’une lignée de Justes, Ernie Lévy oppose à la haine, à toutes les messes noires de l’humiliation (des persécutions du Moyen Âge à celles du nazisme), la vocation mystérieuse qui fut celle de ses ancêtres. Mort six millions de fois, à nouveau menacé, Ernie Lévy est toujours vivant.


Prix Goncourt 1959, Le Dernier des Justes se situe plus que jamais au cœur du débat sur l’histoire et le destin du peuple juif.

 

le fidÈle d’amour

Paul-Alexis ladame

EDITION Albin-Michel

 1984

Pic de la Mirandole, le célèbre Fidèle d’Amour du Moyen-Âge est mort assassiné dans des circonstances mystérieuses. Il fut considéré comme un des plus grands génies de la Renaissance. L’auteur raconte la vie de cet être exceptionnel comme un Roman.

 

Tout commence en 1463 ! La France se relève de la guerre de Cent Ans et Constantinople est depuis dix ans, capitale de l'empire turc. L'Italie, divisée en principautés perpétuellement en guerre les unes contre les autres, baigne en pleine Renaissance et découvre l’humanisme.

 

Le 24 février de cette année-là, dans le duché de Ferrare, en Italie centrale, naît Giovanni Pico, comte della Mirandola e Concordia Jeune homme surdoué, il entre à l'académie de Bologne à 14 ans et devient deux ans plus tard un spécialiste confirmé du droit.

 

Exalté par la découverte des textes de l'Antiquité, diffusés par des lettrés grecs qui ont fui les Turcs, il décide de s'instruire dans tous les domaines de la connaissance en allant d'université en université, de Rome à Paris.

Pic de la Mirandole mène un train de vie fastueux et possède une bibliothèque des plus réputées. Sa culture, son éloquence et son acuité de jugement lui valent d'être reçu par le roi de France Charles VIII comme par Laurent le Magnifique, le maître de Florence. Dans l'entourage de ce dernier, il se lie d'amitié avec le philosophe Marsile Ficin et tente avec lui de concilier la philosophie de Platon et la théologie chrétienne. La Grèce ne lui suffisant pas, il se jette aussi dans l'étude des textes hébraïques ainsi qu'arabes et chaldéens. À 23 ans, il publie 900 thèses sous le titre : Conclusions philosophiques, cabalistiques et théologiques, et, grand seigneur, invite tous les érudits à en débattre avec lui à Rome, quitte à ce qu'il leur paie les frais de déplacement ! L'initiative déplaît en haut lieu et le 31 mars 1487, Pic de la Mirandole doit renoncer à plusieurs de ses conclusions, jugées hérétiques par une commission papale.

 

L'année suivante, il tente de fuir en France la vindicte du Saint-Siège. Mais il est arrêté à Lyon et brièvement interné au donjon de Vincennes. À sa libération, il s'empresse de répondre à l'invitation de Laurent le Magnifique et, mettant fin à ses voyages, s'établit à Florence. Mais le savant est fauché en pleine jeunesse par une fièvre maligne et meurt pieusement à Florence, à 31 ans. Le même jour, dans la ville soumise à l'autorité impitoyable du moine Savonarole, entre le roi de France Charles VIII à la tête de ses troupes. C'est le début des longues guerres d’Italie qui vont révéler la Renaissance aux Français...La curiosité universelle et les connaissances encyclopédiques de Pic de la Mirandole sont devenues proverbiales.

 

On y croise Savonarole, Dante, Marcile Ficin et toute la confrérie des Fidèles d’Amour.

 

le faucon

Erik sablḖ

EDITION  Le Mercure Dauphinois

 2006

Beaucoup de livres permettent d’identifier les oiseaux, mais peu s’intéressent à leurs façons de vivre.


Les petits ouvrages de cette collection vous feront découvrir la vie des différents oiseaux que l’on peut voir en Europe.


Chaque volume présentera un oiseau avec ses particularités qui font qu’il est unique : son couple, les nids, les jeux, la manière de se nourrir… Ainsi que le lien particulier de cet oiseau à l’homme. Il est composé de petits chapitres écrits dans un style vivant et simple, d’histoires pour apprendre à mieux voir, comprendre nos amis ailés et se comprendre à travers eux.

 

le goÉland

Erik sablḖ

Edition   Les Deux Océans

 2002

Ce petit traité du goéland argenté nous fait découvrir dans un style vivant et empreint d’humour, tout le monde des goélands, leur histoire, leur vie et leurs comportements. On se rappellera également le récit de Jonathan le goéland qui superbement nous donne des leçons d’espérance, de liberté, de courage et de ténacité :

Le récit : Il s'agit de l'histoire d'un goéland qui a le grand défaut de ne pas ressembler aux autres, cherchant toujours à comprendre, à se dépasser, à voler plus haut, plus vite, c'est-à-dire de "vivre pour vivre", de voler pour voler et non pour seulement trouver sa pitance. Et c'est ce chemin de solitude qui lui vaudra quelques difficultés avec son clan, et l'engagera, presque malgré lui, dans une démarche initiatique. Je ne vous en dis pas plus, mais je voudrais vous citer le passage (que j'ai résumé) où l'un des protagonistes, à la suite d'un accident de voltige aérienne vient percuter à plus de 300 kilomètres/heure un rocher de granit :

"Pour lui ce fut comme si ce roc était la porte massive et solide s'ouvrant brutalement sur un autre monde… C'est alors qu'une voix se fit entendre en lui…
Mon vieux, la bonne méthode consiste à n'essayer de transcender nos limites que l'une après l'autre, avec patience. Tu ne devais entamer l'étude du vol dans la pierre brute qu'après avoir franchi d'autres stades d'apprentissage… Et voici que tu viens tout d'un coup, et trop brutalement, de passer d'un niveau de connaissance à un autre.

Or maintenant tu as le choix, soit tu demeures où tu es, et tu poursuis ton étude à ce niveau, lequel est considérablement au-dessus du niveau que tu viens de quitter; soit tu reviens en arrière et tu continues ton instruction avec tes copains. Oui je veux retourner m'entrainer avec les miens….

Et c'est alors qu'il revint au présent, à la plus grande joie de ses coéquipiers….

Il avait donc trouvé la porte d'entrée de la pierre, mais il n'avait pas la bonne clé pour l'ouvrir vraiment.  Jonathan est une sorte de parangon de la liberté, de l'anticonformisme, du dépassement de soi pour s'élever au-dessus du niveau purement matériel de la vie. Au cours de ses aventures Jonathan, loin d'être seul, rencontrera de nombreux condisciples et des maîtres spirituels qui l'aideront à mener à bien sa quête d'absolu. Il est aussi, et ceci parlera sans doute un peu mieux à ceux qui ont suivi les "sacrées histoires" une sorte de prolongement du mythe antique de Prométhée qui défie les limites de sa race pour s'élever très nettement au-dessus de sa condition. Il est aussi celui qui ose sortir de la caverne des illusions platoniciennes pour vivre dans la connaissance de la vérité.

 

le jour des fourmis

Bernard werber

EDITION  ALBIN MICHEL

 1992

Sommes-nous des dieux ? Sommes-nous des monstres ? Pour le savoir, une fourmi va partir à la découverte de notre monde et connaître mille aventures dans notre civilisation de géants.


Parallèlement, un groupe de scientifiques humains va, au fil d’un thriller hallucinant, comprendre la richesse et la magie de la civilisation des fourmis, si proche et pourtant si peu connue. On est comme aspiré par ce roman qui se lit d’une traite. Sans s’en apercevoir, pris par le suspense et la poésie, on reçoit toutes sortes d’informations étonnantes et pourtant vraies.

 

le livre des sept portes

Yves namur

EDITION  LETTRES VIVES

 1994

Livre de poésie sur les 7 portes que nous sommes appelés à franchir. La porte de la mort – La porte de la traversée – La porte de l’Autre – la porte de l’Imprononçable – La porte de l’Impossible – La porte de l’Effacement – La porte de la Lumière.

 

le livre du voyage

Bernard werber

POCHE

 1997

Ce ne sont pas des aphorismes mais plutôt des réflexions poétiques littéraires, quelquefois symboliques, sur les moments de la vie. C’est un voyage qui nous entraîne dans le quotidien et nous ouvre les yeux et le cœur.

 

LE GRIMOIRE DU JOUR DE SATURNE

Jean-François Blondel

Edition Savary

 2019

La Tour Saint-Jacques, qui fut si chère à Robert Amadou, est au cœur de ce roman compagnonnique. L’auteur Jean-François Blondel, spécialiste du Compagnonnage, nous entraîne dans un polar médiéval palpitant tout en restituant avec justesse, la richesse et la complexité du monde des bâtisseurs au XIVème siècle. En appendice, l’auteur nous rappelle l’histoire de cette tour hautement symbolique : « Dernier vestige de l’église Saint Jacques de la Boucherie, emportée par la tourmente révolutionnaire en avril 1797, la tour a dû sa survie grâce à un architecte parisien, qui fit préciser, dans le procès- verbal de vente du terrain de l’église, que celle-ci n’était pas comprise dans le prix de vente.

 

Elle était sauvée de la destruction. Au début du XIXème siècle, elle devint la propriété d’un fabricant de plombs de chasse nommé Dubois. Sur la plate-forme du haut, le métal était fondu dans une chaudière, puis on le faisait couler dans le vide par des tuyaux de fonte et les gouttelettes en fusion s’arrondissaient pendant la chute. A peine avait-elle échappé à la pelle des démolisseurs, qu’elle dût subir deux incendies en 1819 et 1823. Elle retournera à la ville de Paris en 1833.

Ainsi la tour Saint-Jacques, après avoir été sauvée une première fois de la furie révolutionnaire, après l’avoir été une seconde fois d’un incendie qui faillit l’anéantir, et avoir été restaurée par l’architecte Balu au XIXème siècle, elle sera de nouveau sauvée de la ruine en 2006 par des travaux qui doivent se poursuivre jusqu’en 2009. Après être devenue un moment la « tour invisible », qui se cache derrière ses échafaudages et ses filets de protection, elle apparaît maintenant plus radieuse que jamais. Tel le phœnix, la tour Saint Jacques renaît périodiquement de ces cendres. Elle a bien mérité le qualificatif de Demeure Philosophale ! » C’est donc un privilège de pouvoir la contempler aujourd’hui, belle et fière au cœur de Paris et de décrypter les messages qu’elle dissimule.

Lors de l’inauguration de la tour en 1523, après 14 ans de travaux, le maître d’œuvre a un comportement étrange. Avant de disparaître, il aurait dissimulé quelque chose dans la tour, quelque secret, venu d’une confrérie mystérieuse, les Frères de la Rose.


C’est là le centre de l’intrigue qui se déploie autour de la tour mais aussi d’autres lieux de tradition comme Notre Dame de Paris ou « la tour de beurre » à Rouen. Jehan, le principal protagoniste, entre en possession d’un mystérieux grimoire : « J’en connaissais l’existence, lui dit un interlocuteur choisi, mais je n’avais jamais pu le contempler et croyais qu’il avait disparu. Je peux te montrer celui que je possède : il détaille lui-aussi les curieux médaillons qui ornent les piédroits du Portail des Libraires de la cathédrale, et en donne une bonne interprétation, mais il se limite à cette cathédrale. Mais celle-ci a une portée beaucoup plus générale et est un véritable traité de la Pierre des Sages. Ce Livre Muet décrit les étapes de l’œuvre et la construction de l’œuf philosophique ainsi que les moyens pour parvenir à la pierre au rouge. Il donne aussi de précieux renseignements sur les bas-reliefs gravés sur les portails de certains édifices religieux et les cathédrales en particulier. Mais n’oublie pas que certains n’hésiteraient pas à te faire disparaître pour se le procurer !... 

On ne sait finalement que peu de choses sur les origines de l'antique église qui se dressait autrefois en lieu et place du square Saint-Jacques, si ce n'est que sa fondation remonterait au XIIe siècle et qu'elle aurait été démontée pour pierres après 1793. La construction du clocher toujours fièrement dressé est attribuée à Jean de Felin, Julien Ménart et Jean de Revier, et  remonterait à la période 1509-1523. On raconte qu'un certain Blaise Pascal, qui y aurait réitéré ses expériences sur la pesanteur du Puy-de-Dôme, ne serait pas étranger à la survie du monument. Au rez-de-chaussée, une statue du penseur se tient d'ailleurs au centre des piliers. Même reposant sur pareil esprit géométrique, la bâtisse n'accueille pas plus de 17 touristes à la fois pour des questions de sécurité

Le lieu est parfois surnommé le Beffroi de Nicolas Flamel. Depuis les hauteurs on peut apprécier la rue des Ecrivains débouchant sur le square, celle dans laquelle le libraire du XIVe siècle débutait ses oeuvres de copiste et écrivain public bien avant que la légende ne lui attribue la création de la pierre philosophale et sa réputation d'alchimiste. Et, après tout au moins une forme de transformation de plomb en or s'avéra effectivement de mise au sein de la Tour. Rachetée par un industriel en 1824, le clocher s'est mué intérieurement en fonderie de balles de plombs, commercialisées à destination des chasseurs. Différents calibres de grilles étaient installés au fil des étages, et il ne restait plus qu'à vider des baquets de plombs depuis la terrasse et laisser refroidir la matière au fil de sa chute. Une activité qui aura quelque peu esquinté l'intérieur du bâtiment et ses gargouilles. 

Le roman met en perspective la tradition des bâtisseurs et l’alchimie. L’auteur montre comment des groupes occultes souvent éphémères font serpenter un savoir caché qui perdure ainsi, échappant au vulgaire.  Il dit, une fois encore, l’importance et l’actualité du savoir et de la sagesse du Compagnonnage.

 

le moine et lE vÉnÉrable

Christian jacq

EDITION  R. Laffont

 1985

Un Franc-maçon et un religieux sont emprisonnés dans une mystérieuse forteresse par des nazis qui veulent leur arracher des pseudos-secrets sur leurs rites et leurs pouvoirs. Alors que tout les sépare, ils trouvent des points communs qui vont les aider à supporter les tortures de leurs geôliers et à s’unir pour sortir du piège.

 

Un très bon roman !

 

LE  MONDE  IGNORÉ  DES  INDIENS  PIRAHÂS

DANIEL L.  EVERETT

ÉDITION  FLAMMARION

 2010

Dans les années soixante-dix, le linguiste Daniel L. Everett part avec femme et enfants, à la découverte du monde des Pirahâs, petite tribu d’Indiens installée au cœur de l’Amazonie. Il passera au total plus de sept ans parmi eux : sa vie et sa conception du monde s’en trouveront bouleversées. Car au-delà des charmes et des dangers de la forêt amazonienne, la véritable aventure de ce séjour est celle de l’altérité radicale.

 

Les Pirahâs vivent à l’écart de toute civilisation, sans rien connaître du confort ni de la technologie modernes. Ils dorment peu, passent leur temps à pêcher et communiquent avec les esprits invisibles. Quant à leur langue, qu’Everett est venu étudier, elle est absolument atypique : les Pirahâs n’ont pas de système de numérotation, aucun terme pour désigner les couleurs, ni les concepts de guerre ou de propriété privée. Ils ne savent pas conjuguer au passé (ils n’ont d’ailleurs pas de mythe des origines) ni combiner syntaxiquement deux ou plusieurs énoncés.

 

A la fois récit d’une incroyable expérience humaine et journal d’un minutieux travail de terrain, cet ouvrage défie les théories dominantes en linguistique et rouvre les portes de la  réflexion sur le lien entre langage et culture.

 

Daniel L. Everett linguiste et anthropologue enseigne à l’Université d’état de l’Illinois.

 

lÉon l’africainsamarcandeles jardins de lumiÈre

Amin maalouf

EDITION  LATTES

 1997

3 romans de ce grand conteur qui nous parle de l’Orient à travers le message de Mani. Ce livre a le goût du miel et l’odeur du safran.


Pour Amin Maalouf, juin rime avec changement et promesse de renouveau. Mois porte-­bonheur, qui a souvent coïncidé avec les tournants majeurs de la vie du romancier et essayiste. N’est-ce pas par un matin de juin, il y a trente-cinq ans, qu’il est parti pour la France, fuyant son pays, le Liban, en proie à une guerre civile religieuse sanglante ? Il avait alors 27 ans.

 

Sa décision de partir a changé sa vie, lui ouvrant les portes d’une carrière littéraire exceptionnelle. Pour hasardeuse et brutale qu’elle fût, cette fuite portait potentiellement en elle les récits épiques et historiques qui l’ont fait connaître, les prix (Goncourt, Prince-des-Asturies, prix européen de l’essai Charles-Veillon) et les honneurs que l’écrivain a cumulés, et, last but not least, sa très probable prochaine élection à l’Académie française. Après deux tentatives infructueuses pour être reçu sous la Coupole, le romancier s’était de nouveau porté candidat, cette fois pour occuper le fauteuil de Claude Lévi-Strauss, décédé il y a presque deux ans. Comme l’ont prédit les bookmakers, cette troisième candidature a été la bonne. Et le vote du jeudi 23 a prouvé que juin est le mois de tous les possibles pour l’auteur du Rocher de Tanios.

Cette élection est une véritable consécration pour Amin Maalouf. Une consécration d’autant plus méritée que l’homme s’est imposé comme un écrivain populaire dont les livres figurent régulièrement parmi les best-sellers du moment, ce qui en fait l’un des poids lourds de l’édition parisienne. Ses romans historiques se sont vendus à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires et ont été traduits en une vingtaine de langues. Rien ne prédisposait pourtant cet Arabe chrétien à la brillante carrière qu’il a faite en français. Fils d’un journaliste éditorialiste de langue arabe très connu au Liban, Maalouf était lui-même journaliste au principal quotidien de Beyrouth, An-Nahar. Il était programmé pour écrire en arabe, sa langue maternelle, ou en anglais, langue de communication du milieu dont il est issu. « Si l’on m’avait dit à l’époque que je vivrais ma vie d’adulte en France, que j’écrirais dans cette langue, et que j’en arriverais à me sentir français, j’aurais haussé les épaules avec incrédulité », déclare Maalouf dans son Autobiographie à deux voix *. Et d’ajouter : « Mais c’est très exactement ce qui s’est passé. »

Le secret de la venue d’Amin Maalouf à la langue française est étroitement lié à ses origines « compliquées » et pluriculturelles. Les Maalouf, une vieille famille arabe d’origine yéménite, se sont christianisés dès le IIIe siècle de notre ère. À la fois Arabes et chrétiens, ils ont essaimé dans tout le Proche-Orient et le Moyen-Orient, voire dans la lointaine Amérique latine, comme l’a raconté Maalouf dans Origines (Grasset). Cette vaste tribu compte des poètes ratés, des prédicateurs et des éducateurs laïcs et francs-maçons, comme le grand-père de l’écrivain, Botros, qui a créé une école mixte et progressiste dans le Liban des années 1910. Un arrière-arrière-arrière-grand-oncle a traduit Molière en arabe. Le romancier australien David Malouf et le Rimbaud brésilien Fawzi Maalouf sont apparentés au clan. La branche libanaise de la famille dont Amin Maalouf est issu est anglophone et protestante. Traditionnellement, ils envoient leurs enfants se former à l’Université américaine de Beyrouth.

Bio express : Amin Maalouf

1949 Naissance à Beyrouth (Liban)

1976 Départ pour Paris. Il entre alors à Jeune Afrique

1986 Publication de son premier roman, Léon l’Africain

1993 Obtention du prix Goncourt pour Le Rocher de Tanios

23 juin 2011 élection à l’Académie française

 

C’est dans cette famille américanisée qu’a débarqué la mère d’Amin Maalouf, issue, elle, d’une famille catholique (melkite). Elle avait fait promettre à son futur mari qu’il ne s’opposerait pas à ce que leurs futurs enfants fréquentent des écoles catholiques. C’est ainsi que le jeune Amin s’est retrouvé chez les pères jésuites et ses trois sœurs à l’École des sœurs de Besançon, où ils suivirent un enseignement en français. Depuis, la langue de Molière a toujours accompagné Amin Maalouf, d’abord comme « une sorte de langue souterraine » qui cohabitait avec l’arabe, la langue de la socialisation. C’est en français que le jeune Maalouf tenait son journal intime, puis, au cours de l’adolescence, qu’il découvre les fonds littéraires du monde entier. Si le futur romancier s’est vite attaché à cette langue très peu parlée dans son milieu, c’est sans doute parce que la marginalité du français lui renvoyait en écho son propre statut de chrétien minoritaire, « irrémédiablement étranger », dans un monde arabe majoritairement musulman.

C’est sans doute cette blessure secrète, exacerbée par l’éclatement de la guerre civile en 1975, qui poussera Amin Maalouf à quitter son pays natal un an plus tard. Peut-être aussi par instinct de survie. Une fusillade meurtrière éclate pratiquement sous les fenêtres de l’appartement du couple Maalouf le 13 avril 1975. C’est le commencement de la guerre civile. Dans un premier temps, Amin et son épouse Andrée se réfugient dans le village familial, à 1 200 mètres d’altitude. Puis, pressentant que cette guerre va traîner en longueur, Maalouf décide de partir. Le 16 juin 1976, il prend un bateau pour Chypre, avant de s’envoler pour la France. La destination aurait pu être le Canada, mais, pour une fois, les services de visa de l’ambassade de France sont plus rapides ! Sa femme et ses enfants le rejoignent à Paris quelques mois plus tard.

Fort de son expérience de journaliste à Beyrouth, le jeune homme finit par trouver à Paris un emploi à la mesure de ses compétences. Il intègre la rédaction de Jeune Afrique. Dans les interviews qu’il a accordées, Amin Maalouf a souvent évoqué l’expérience de sa collaboration enrichissante avec Béchir Ben Yahmed ainsi qu’avec les journalistes subsahariens et maghrébins qu’il fréquente : « Chacun d’entre nous portait son histoire, ainsi que celle de son pays… », Explique-t-il. Parallèlement au journalisme, il se lance dans l’écriture, et publie en 1983 son premier essai, à mi-chemin entre le récit narratif et le document, portant sur un sujet éminemment historique : Les Croisades vues par les Arabes (Jean-Claude Lattès). Un ouvrage emblématique de la démarche d’Amin Maalouf, nourrie d’érudition et soucieuse de multiplier les perspectives. « Moi qui ai vécu successivement au Levant puis en Occident, aime-t-il à dire, j’observe depuis toujours à quel point les uns et les autres sont incapables de s’écarter de leurs visions partielles et partiales, les unes euro-centrées, les autres arabo-centrées ou judéo-centrées, sans jamais remettre en question leur propre perspective. Se mettre quelquefois à la place de l’autre est le premier pas vers la sagesse… »

Trois ans plus tard, en 1986, Maalouf fait paraître son premier roman, Léon l’Africain. C’est un tournant dans sa carrière. Ce livre, qui raconte l’autobiographie imaginaire d’un diplomate maghrébin capturé par des pirates italiens et offert en cadeau à Léon X, le grand pape de la Renaissance, est un immense succès de librairie. Il se vend à près d’un demi-million d’exemplaires. Situé entre Orient et Occident, mettant en scène le Levant oublié, où les Grecs et les Italiens croisent les Arabes et les Turcs, où les Druzes cohabitent dans une paix armée avec les chrétiens, les juifs et les sunnites, ce roman donne le ton de la fiction à venir d’Amin Maalouf. Une fiction historique, politique et haute en couleur, sans jamais tomber dans l’exotisme facile ou sensationnel. La dizaine de romans et de récits familiaux que le romancier a publiés, outre ses deux essais et, plus récemment, des livrets d’opéra, s’inscrivent dans cette mouvance. Surnommé « Monsieur Shéhérazade » par ses fans, Maalouf narre ses récits en conteur moderne, tout en distillant avec brio sa grande érudition.

 

le pape et l’empereur

Georges SUFFERT

EDITION DE FALLOIS

 2003

Entre 1160 et 1180, une lutte implacable entre un Pape et un Empereur, va changer les structures européennes de la religion et de la royauté. Partant d’un concept hérité de Charlemagne, l’Empereur se dit investi du droit divin, et pour lui, le Pape, en le sacrant ne fait que reconnaître ce droit, le Pape au contraire veut la primauté sur l’Empereur puisque c’est lui qui le sacre.

 

C’est cette lutte hégémonique entre l’Empereur Frédéric 1er Barberousse et le Pape Alexandre III qui nous est conté. De cette lutte de 20 ans l’Empereur en sortira moitié fou et abandonné de tous et le Pape très malade, verra ses structures affaiblies.


Une belle histoire, peu connue, entre foi et pouvoir, entre un grand guerrier qui se croit le maître du monde et un fin politique qui n’a comme arme que l’excommunication.

 

le pendule de foucault

Umberto eco

EDITION GRASSET

 1990

À Paris, le soir du 23 juin 1984, dans le Conservatoire des arts et métiers où majestueusement oscille le PENDULE de FOUCAULT, un homme observe avec révérence et crainte prémonitoire le prodige : c’est Casaubon, le narrateur, venu de Milan après l’appel angoissé de son ami Belbo qui se trouve en danger de mort.

 

Casaubon se cache dans le gothique musée de la technique, s’y laisse enfermer, bien résolu à attendre que sonne l’heure du rendez-vous fatal…


C’est ainsi que commence ce thriller au souffle gigantesque. L’abbaye du Nom de la rose a éclaté : notre terre entière est en jeu, à notre époque… Trois amis, travaillant dans une maison d’édition milanaise, ont publié, entre autres, des textes qui explorent le savoir ésotérique, hermétisme, alchimie, sciences occultes, sociétés secrètes…

 

Et comme tous trois, jonglant avec l’histoire des Templiers, des Rose-croix, des Francs-maçons, les textes de la Kabbale, naviguant avec humour et ironie sur les courants souterrains qui parcourent la culture occidentale, sont beaucoup plus intelligents que leurs auteurs fanatiques, ils ont décidés, par jeu et pour déjouer l’ennui, d’imaginer un complot planétaire noué au fil des siècles pour la domination du monde.

Mais un beau jour au fil des siècles en chair et en os les chevaliers de la vengeance… d’Europe en Afrique, du Brésil au Proche-Orient, des parchemins cryptés aux computers, de Voltaire aux Jésuites, de  Descartes à Hitler, des druides aux Druses, l’histoire, la science, les religions, tout notre savoir passe, avec une fluidité géniale, dans ce roman d’initiation aux mille mystères, où ne manquent ni les rites sataniques et les meurtres rituels, ni les passions et les amours que font naître les inoubliables Lia, Amparo, Lorenza ; les amitiés fortes fondées sur la noblesse et la liesse de l’esprit… Immense livre où, sous une érudition universelle frappée au sceau final de la sagesse, bat le cœur de l’auteur qui accompagne, à travers l’espace et le temps, les fascinants mouvements du Pendule, quand la réalité dépasse et précède la fiction…

 

le pion des dieux

François BENETIN

EDITION  IVOIRE CLAIR

 2003

Sur l’Olympe, Aphrodite et Ares s’affrontent aux échecs. D’un cataclysme dans l’univers des Dieux va naître l’univers des hommes. Un pion le dernier de leur jeu est projeté sur la terre.


Ce pion possède des réponses à toutes les questions, mais les réponses sont impénétrables. Les hommes vont essayer de lui arracher son secret, c’est le début d’une quête sans fin dont les pistes sont tracées sur l’échiquier.

 

le principe de lucifer – tome 2 – le cerveau global

Howard bloom

EDITION LE JARDIN DES LIVRES

2004

Dans le « Cerveau Global », tome 2 du « Principe de Lucifer », Howard BLOOM analyse le mécanisme de la sélection individuelle et démontre que l’évolution repose fondamentalement sur la notion de partage de l’information et ce, depuis nos origines !


Ainsi, Howard Bloom explique que nous sommes tous intégralement constitués de bouts d’informations et que c’est notre capacité même à les partager qui nous confère l’intelligence.


Tout être humain refusant d’être informé ou de partager l’information, que ce soit sur le plan personnel ou sur celui du bureau, prend le risque d’être éliminé par la société dans laquelle il évolue. Il en est de même au niveau des nations, en passant par les écosystèmes, les gangs de banlieue, les institutions politiques et les forces armées.


Dans une démonstration hallucinante, Howard Bloom montre que ce sont les systèmes d’information qui effectuent la sélection individuelle et qui créent les « chefs ». Il affirme « qu’une idée, bien qu’invisible, se comporte comme une personne vivante ». Il prouve d’ailleurs, que ce sont les idées qui choisissent les hommes (et non l’inverse) !

 

le procÉs du 11 septembre 2001

Victor thorn

EDITION DEMI-LUNE

 2006

Le Procès du 11 Septembre est le résultat de plus de trois ans d’enquêtes menées sans relâche de manière indépendante par de nombreux journalistes, chercheurs et organisations, pour savoir ce qui est survenu (et ce qui n’est jamais arrivé) à New York ce jour-là.


Le Procès du 11 Septembre détruit de façon systématique et formelle le mythe selon lequel les Tours Jumelles furent détruites du simple fait des impacts des avions-suicides et des incendies qui les ont suivis, occasionnant ainsi le meurtre de près de 3 000 personnes en ce jour fatidique.


Les découvertes présentées dans cet ouvrage révèlent une conclusion totalement différente et passablement plus effrayante sur ce qui s’est réellement passé à Ground Zero ; une vérité si intolérable qu’elle ne peut demeurer plus longtemps ignorée ou tue. Les mensonges du gouvernement s’effondrent à leur tour sur leurs propres fondations.

 

le prophÉte

Khalil gibran

EDITION ACTES SUD

 1996

Porté par l’auteur dès l’âge de quinze ans, écrit et détruit trois fois en arabe, transformé à travers cinq versions anglaises avant de paraître sous sa forme définitive en 1923, Le Prophète connut un succès instantané et dut traduit dans des dizaines de langues.

 

Imitant la simplicité du verset biblique, Khalil Gibran y popularise un syncrétisme nourri de christianisme, de soufisme et de bouddhisme. Inspiré par le Zarathoustra de Nietzsche, son personnage, Al Mustafa, s’adresse à la foule avec des images fugaces, empruntées à la Nature.

 

Ne cherchant pas à convaincre, il atteint l’universalité en proposant une méditation philosophique sans pesanteur logique. Solitaire, taciturne, il prône la connaissance de soi pour se dissoudre dans l’ultime totalité. Dans une atmosphère éthérée qui évoque l’imagination visionnaire de Blake, il prêche une morale panthéiste soumise à la loi de l’éternel retour.

 

Quatre-vingts pages de sagesse et d’invitation à une relecture philosophique du monde et de l’être, encadrées en préface par une superbe présentation de l’œuvre par le poète Adonis et en postface par une analyse auteur/texte de la traductrice Anne Wade Minkowski dont il faut souligner l’excellent travail réalisé pour cette traduction nouvelle.

Le Prophète, personnage essentiel de l’œuvre, c’est Al-Mustafa, qui vit, dans la situation narrative initiale, depuis douze ans dans la ville d’Orphalèse, dans l’attente du retour du navire qui doit le ramener à son île natale.

Le récit commence à l’instant qu’apparaissent les voiles du navire attendu, et s’achève au moment qu’Al-Mustafa embarque et que son navire lève l’ancre. La scène initiale est théâtrale : le Prophète est debout au sommet d’une colline, scrutant l’horizon, lorsqu’il aperçoit le bateau. Il en descend lentement, plongé dans ses pensées, faites à la fois du regret de quitter ceux qui l’ont accueilli pendant tant d’années, et du désir nostalgique de rejoindre les siens. Dilemme bien connu de l’exilé…Entre cette apparition sur un sommet, qu’on peut percevoir comme une théophanie, et le départ assimilable à une ascension, le Prophète parle.

Son premier discours, il l’adresse en pensée à ses compatriotes tout en effectuant solennellement sa descente, jusqu’au moment qu’il se retrouve au niveau de la foule qui s’est amassée aux portes de la ville à l’annonce de l’arrivée du navire, triste signal, pour tous, du départ imminent du sage.

Son deuxième discours s’adresse à l’ensemble des personnes rassemblées, sous la forme de réponses aux interpellations et aux questions successives des anciens, puis des prêtres et prêtresses, puis d’autres, anonymes, puis d’une voyante du nom d’al-Mitra dans une mise en scène messianique : le Prophète est ainsi interpellé en marche, entouré et accompagné par la foule, jusqu’à la grande place, devant le temple, lieu symbolique de jonction entre le sacré (templum) et le profane (agora). Le choix du lieu de cette deuxième harangue et des échanges qui la suivent situe ainsi les propos du Prophète dans un contexte intermédiaire entre le religieux et le civil, ce qui confère à leur locuteur le double statut de messager (justifiant le titre) et de maître en philosophie à l’image des philosophes du Lycée d’Athènes ou de l’Ecole péripatétique…

Avoir l’ambition d’être : Pour Khalil Gibran, nous sommes des pèlerins en chemin entre « la nuit de notre moi-pygmée » et « le jour de notre moi-divin ». Tel une flèche continuellement tendue vers une cible, l’homme doit vouloir aller au-delà de sa simple existence et ne jamais se contenter d’une étape acquise. Chaque désir satisfait doit être le point de départ d’un nouveau désir. S’arrêter, se replier sur soi, serait trahir le rythme même de la nature, de sa nature. On l’aura compris, la suffisance est notre pire ennemi.

Rêver sa vie : Il est absolument vital de rêver, de jour, consciemment et de façon constructive : rêver est un véritable arbre de vie. Rêver n’est pas s’évader du réel. Pour Gibran, celui qui ne rêve pas ne sait pas transcender son quotidien, il en devient esclave. Ce que Gibran appelle rêver, c’est aller chercher en soi, un à un, les désirs que l’on porte, et les mettre à jour. Les faire jaillir de notre nature profonde, c’est poser un acte de responsabilité par rapport à son destin. Le rêveur est alors celui qui se donne les moyens de construire son avenir. C’est dans ses rêves qu’il cherche et découvre les buts à atteindre. Khalil Gibran rêvait et travaillait sans cesse, s’autorisant un minimum de pause, dessinant le jour, écrivant la nuit : il en est mort jeune. :

Appartenir au futur : Fidèle aux souvenirs et aux légendes transmis par sa mère, Gibran est toujours resté attaché à l’Orient. Néanmoins, l’homme ne peut s’attarder sur le passé, car il doit être en renouvellement perpétuel. Le « moi-divin» doit se débarrasser de ce qui est vieux pour laisser de l’espace à ce qui arrive de nouveau. Vivre dans l’hier, c’est donner une autorité aux morts sur les vivants, c’est se figer et nier sa liberté. Le moi-divin appelle toujours vers l’avenir. C’est en ce sens que Gibran recommande aux parents de ne jamais vouloir faire de leurs enfants des prolongements d’eux-mêmes, des copies qui leur ressemblent : « Vos enfants ne sont pas vos enfants, ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même. »

Être relié à l’univers : La beauté, les couleurs et les austérités de la terre du Liban imprimèrent dans le cœur de Gibran un amour profond pour la nature qui ne se démentit jamais. Pour lui, éternel amoureux des arbres, ces « poèmes que la terre écrit sur le ciel », la destinée humaine est irrévocablement liée à celle du cosmos. « La loi veut que nous vivions l’un par l’autre », écrivait-il. Il considérait le monde naturel comme un être vivant : « Si vous chantez la beauté alors que vous êtes seul dans le désert, vous aurez un auditoire. » Le monde naturel est ce à quoi nous devons toujours nous relier.

S’aimer soi-même Gibran honore la confiance en soi, une vertu qui permet de ne jamais céder aux illusions du prestige ou des richesses. Pour lui, le bonheur naît aux confins du cœur, il n’est jamais le fruit des événements extérieurs. Tout part de soi. « Il est en moi un ami qui me console à chaque fois que les maux m’accablent et que les malheurs m’affligent. Celui qui n’éprouve pas d’amitié envers lui-même est un ennemi public et celui qui ne trouve pas de confident en lui-même mourra de désespoir. »


Y est développé :

 l’Amour – le Mariage – les Enfants – la Joie – la Tristesse – les Maisons – les Vêtements – la Liberté – la Raison – la Passion – la Douleur – la Connaissance de soi – l’Enseignement – l’Amitié – le Temps – le Bien – le Mal – la Prière – le Plaisir – la Beauté – la Religion – la Mort.

 

les chemins de pharaon

Serge férand

EDITION  DU ROCHER

 1999

« Nebmer se sentait oppressé. Où ce couloir, transition entre deux mondes, le conduisait-il ? Autour de lui, les cobras dressés observaient, prêts à frapper celui qui se laisserait saisir par le doute. Le chaton le dépassa et poursuivit sa marche d’un pas lent et régulier. Nebmer sentit la vie reprendre. Au fond de lui-même, une profonde mutation commençait. »


Dans l’Égypte du Nouvel Empire, en l’an 29 de son règne, Amenhotep III demande à Nebmer, son homme de confiance, d’inspecter les nombreux temples en chantier. Une expédition se forme, embarquant à son bord un étrange chaton ; elle descendra le Nil, de Bubastis jusqu’à Thèbes, en passant par les tombeaux de Saqqarah et le plateau des pyramides.

 

Le grand intendant de la reine Tiyi, chargé par le pharaon de rapporter les textes des rituels de l’Ancien Empire, rejoindra le groupe de Nebmer. Or des bandits à la solde d’un potentat étranger, espérant découvrir le secret de l’immortalité, décident de dérober ces textes sacrés…


Vols, corruption, enlèvements, combats vont alors rythmer cette aventure haute en couleur et en passion où les personnages de fiction se mêlent aux personnages historiques. Mais en ces temps où dieux et mortels cohabitent, une divinité méconnue du panthéon égyptien les guidera tout le long de ce véritable voyage initiatique : Oupouwaout, « Celui qui ouvre les chemins ».

 

LE SEIGNEUR DES ANNEAUX

JRR TOLKIEN

EDITION  Ch. BOURGEOIS

 2001

Contes merveilleux avec toute une symbolique empruntée aux mythes nordiques et Moyenâgeux.

 

les enfants de rifaa

Guy sorman

EDITION  Fayard

 2003

2 Islam sont en lutte et propose chacun une solution à la mondialisation l’une prône la violence, l’autre un Islam éclairé et libéral. Dans la ligne de RIFAA-el-TAHTAWI, penseur et homme d’État qui modernisa son pays : l’Égypte, l’auteur a rencontré ces « enfants de RIFAA » et prône le dialogue et la main tendue.

 

Un excellent livre de tolérance qui fait réfléchir.

 

les Étoiles de compostelle

Henri vincenot

EDITION DENOËL

 1995

XIIIème siècle. Les « essarteurs » vous prenaient une forêt chenue et, en vingt ans, vous en faisaient un versant fertile. Jehan le Tonnerre était de ceux-là, sauvages et farouches comme des chevreuils, tenus en lisière par les gens des villages, quand la curiosité et la fatalité l’ont mené jusqu’au chantier de construction d’une abbaye cistercienne.

 

Et le voilà bientôt enrôlé par les Compagnons constructeurs, ces « Enfants de Maître Jacques », mystérieux « Pédauques » dont il fera partie après une longue initiation.

 

Vincenot se fait plus que le chroniqueur de cette singulière aventure, à la fois mystique et quotidienne, des bâtisseurs de cathédrales : « Ces gens, ces pays, ces édifices, je les ai vraiment vus, touchés, respirés avec les yeux, les mains, les poumons de Jehan le Tonnerre, à sept cents ans de distance, dans le cercle d’Abred… »

 

les fourmis

Bernard werber

Livre de Poche

 2000

La saga des fourmis selon WERBER.   

Un livre fascinant.

 

les identitÉs meurtriÈres

Amin maalouf

EDITION GRASSET

 2004

Que signifie le besoin d’appartenance collective, qu’elle soit culturelle, religieuse ou nationale ? Pourquoi ce désir, en soi légitime, conduit-il si souvent à la peur de l’autre et à sa négation ? Nos sociétés sont-elles condamnées à la violence sous prétexte que tous les êtres n’ont pas la même langue, la même foi ou la même couleur ?


Né au confluent de plusieurs traditions, le romancier du Rocher de Tanios (prix Goncourt 1993) puise dans son expérience personnelle, aussi bien que dans l’histoire, l’actualité ou la philosophie, pour interroger cette notion cruciale d’identité.

 

Il montre comment, loin d’être donnée une fois pour toute, l’identité est une construction qui peut varier. Il en dénonce les illusions, les pièges, les instrumentations. Il nous invite à un humanisme ouvert qui refuse à la fois l’uniformisation planétaire et le repli sur la « tribu ».

 

les jÉsuites

Jean lacouture

EDITION  Du Seuil

 1991

Deux tomes pour raconter l’histoire des Jésuites. Peu d’aventures collectives auront marqué notre civilisation aussi puissamment que celle de la Compagnie de Jésus, traversant près d’un demi-millénaire, déployée sur l’ensemble de la planète, auréolée de vrais et faux mystères, de soupçons et d’intrigues, mais portée par une foi et une énergie invincibles.

 

Réformateurs tenus en suspicion par l’Inquisition, évangélisateurs intrépides du Japon, de la Chine ou du Vietnam, réalisateurs d’utopie au Paraguay, agents universels du papisme, confesseurs des princes, ennemis des jansénistes, éducateurs des « élites », les Jésuites ont incarné, à travers les siècles, un christianisme adapté au monde, ouvert à la science profane et audacieusement engagé dans le débat politique, pour le meilleur et pour le pire.

 

De la fondation de l’ordre par Ignace de Loyola en 1540 à sa suppression en 1773 par le pape Clément XIV, Jean Lacouture propose ici, avec Les Conquérants, le premier volet d’un diptyque multicolore que complètera l’évocation des Revenants de 1814 à nos jours. En quatorze séquences, il retrace les principaux épisodes de cette histoire prodigieuse et fait surtout revivre les acteurs d’une croisade inlassablement recommencée « pour une plus grande gloire de Dieu ».

Supprimée en 1773 sous la pression de la cour d’Espagne par le pape Clément XIV, la Compagnie de Jésus renaît en 1814 dans une Europe bouleversée par la Révolution française, l’épopée napoléonienne, le triomphe des Lumières et l’émergence de la rationalité scientifique. C’est pourtant dans un climat de restauration monarchique et catholique que ressurgissent d’abord ces « revenants » qui prennent longtemps la tête de la contre-révolution.
Jean Lacouture poursuit ainsi et jusqu’à nos jours le récit d’une prodigieuse aventure collective commencée au milieu du XVIème siècle et compose la « multibiographie » de ces « hommes en noir », compagnons et héritiers d’Ignace de LOYOLA.

 

Si la tonalité de cette deuxième « époque » est différente – plus grave, moins épique, plus dérangeante –, on verra que les personnalités qu’elle met en scène sont largement à la hauteur des flamboyants pionniers des origines. Du père de SMET évangélisant les Indiens d’Amérique à Pierre TEILHARD DE CHARDIN, Pedro ARRUPE ou Michel de CERTEAU, les Jésuites continuent d’incarner cette avant-garde de l’Église, cette compagnie d’élite dont les audaces marquent encore, en profondeur, toute l’histoire de notre civilisation.

 

les messes basses de nicolas flamel

mathias

EDITION DU PRIEURÉ

 1994

Qui était Nicolas FLAMEL ? Le second mari de Dame Perrenelle était-il un alchimiste, un mage, un souffleur, un mystificateur voire un escroc ?


La littérature, prodigue en songes de toutes natures a, depuis 1416, date probable de sa mort, changé cet écrivain juré de l’Université de Paris en faiseur d’or. Mais comment le faisait-il ?


Le roman de MATHIAS se veut plus proche de l’initiation que de l’histoire. Et c’est bien une constante de cette nouvelle fiction que nous voyons paraître dont l’anecdote est un généreux prétexte pour approcher d’un sens.
Nicolas Flamel fait la préface de ce livre.

 

les piliers de la terre

Ken follett

Edition Stock

 1990

Partant de l’Angleterre du 12ème siècle où règnent la guerre, la famine, la gloire et l’amour. Des êtres se déchirent pour le pouvoir, d’autres essaient de bâtir des Cathédrales à la gloire de Dieu. On va de l’Angleterre à l’Espagne en passant par la France et partout c’est le même schéma de guerre mais on y apprend pourquoi et comment se construisirent les Cathédrales, ces hauts lieux ésotériques et religieux. Un livre monumental de 1 000 pages mais passionnant.

 

Le roman débute par les mésaventures d'une famille de bâtisseurs, soit Tom, ses enfants Martha et Alfred, et sa femme Agnès qui est enceinte. Tom est un maçon pauvre qui recherche du travail pour faire vivre sa famille. Un moment tragique, la mort, la souffrance, va déchirer cette famille déjà vers le début de l'histoire. Ce passage est épouvantable et va changer à jamais la vie de cette famille. D'ailleurs, une rencontre importante va suivre... Je n'en dis pas plus sur les circonstances, il faut le découvrir par soi-même. La recherche de travail va amener le maçon Tom et sa famille, ce qu'il en reste, vers le petit village de Kingsbridge. Ses talents de bâtisseur vont vite être remarqués et il va entreprendre, avec une puissante hargne, la chose la plus importante de sa vie, la construction de la cathédrale de Kingsbridge.

 

Beaucoup de paramètres vont le ralentir dans la mission de sa vie. Soit la guerre, les finances, la politique, mais surtout la jalousie de certaines personnes influentes, notamment dans le milieu religieux. Le prieur du village, Philip, va tout faire pour aider Tom le bâtisseur dans la construction de cet ouvrage. En effet, il en va du prestige et de la prospérité considérable de ce petit village. Le courage, la persévérance et la grandeur de ce moine sont pour moi les éléments magnifiques de ce roman. Les travaux conduits par Tom le bâtisseur seront également fortement perturbés par les ambitions des membres d'une famille de petite noblesse, les Hamleigh, qui veulent à tout prix être en possession du comté.

 

Leurs méthodes vont s'avérer tout simplement dégueulasses et sans scrupule. Ils vont sans cesse retourner leur veste pour être du côté du plus fort, du plus influent, et ceci sans état d'âme! Le fils de cette famille minable, William, va semer, par jalousie et pour la gloire, la haine, la guerre et la mort. La guerre est partout dans ce roman, dont une guerre civile qui survient entre les deux héritiers du trône d'Angleterre, Stephen et Maud, si je me souviens bien... Tout le long du roman, on espère, on espère encore, puis c'est déception sur déception. Les rebondissements sont impressionnants, frustrants, car on tient énormément à ce village de Kingsbridge et on espère tellement voir un jour en son centre la plus grande cathédrale d'Angleterre. 

 

Quelques personnages attachants de ce livre :

 

 Tom le bâtisseur, excellent architecte, qui rêve de construire une cathédrale. Après la mort de son épouse, et oui, c'est elle qui meurt au début de l'histoire, il va se lier à Ellen, et son fils Jack, également passionné d'architecture. 

 

Ellen, mère de Jack, elle vit dans les bois et certaines personnes imaginent que c'est une sorcière. Comme je l'ai précisé plus haut, elle s'unira à Tom le bâtisseur. 

 

Jack Jackson, fils d'Ellen, brillant architecte. Une grande histoire d'amour sera révélée entre lui et Aliena, fille du comte de Shiring. Il aura un rôle important dans l'élaboration de la cathédrale de Kingsbridge... 

 

Aliena, très belle, j'ai vu le film adapté ;-), travaille dans le commerce de la laine pour gagner sa vie (après la mort de son père). Elle se mariera deux fois, une fois avec le fils de Tom le bâtisseur, Alfred, qui sera un échec, et avec Jack.

 

Le prieur Philip, un moine dévoué, courageux et extrêmement juste, qui va beaucoup aider, par sa rigueur, à la construction de la fameuse cathédrale. 

 

William Hamleigh, personnage que nous ne pouvons que profondément détester. Il va semer le mal, la mort, partout où il passe. Vengeance et pouvoir sont ses maîtres mots! 

 

Il y a encore bien d'autres personnages, tous très bien décrits. Enfin, je dirais plutôt décrits à la perfection! On ne s'y perd jamais, on sait immédiatement à qui on a affaire. L'époque et l'ambiance sont également décrites d'une manière remarquable. Le côté historique de l'histoire est bien évidemment réel.

 

LES ROUTES DE LA SOIE – L’HISTOIRE DU CŒUR DU MONDE

Peter Frankopan

Edition Novicata

 2017

Avec son « histoire du cœur du monde », Peter Frankopan renverse notre récit traditionnel, qui gravite autour de la Grèce antique, de Rome et de l’irrésistible ascension de l’Occident.

Une approche réductrice, qui mérite une relecture urgente et approfondie.

L’auteur élargit la perspective et tourne son regard vers « une région située à mi-chemin entre Orient et Occident, qui va des rives orientales de la Méditerranée jusqu’à la mer Noire et à l’Himalaya ». C’est là qu’il place le curseur de sa lecture de l’histoire.

Salué par la presse internationale comme le « plus important livre d’histoire publié depuis des décennies », Les Routes de la Soie est un voyage grisant à travers les siècles, de l’Europe à la Chine, décentrant avec audace le regard du lecteur pour éclairer d’une lumière nouvelle notre compréhension du monde.

Depuis l’origine des temps, le centre de l’Asie fut le lieu de création des empires. Les plaines alluviales de Mésopotamie, alimentées par le Tigre et l’Euphrate, ont fourni la base de la civilisation elle-même – car c’est dans cette région que se sont formées les premières villes et cités.

L’agriculture systématique s’est développée en Mésopotamie et dans tout le « Croissant fertile », bande de terre très productive aux riches ressources en eau, qui s’étend du golfe Persique au littoral de la Méditerranée. C’est là aussi que certaines des premières lois connues ont été publiées il y a près de 4 000 ans par Hammourabi, roi de Babylone, qui y détaille les devoirs de ses sujets et édicte de féroces châtiments en cas de transgression.

La Route de la Soie était un réseau de routes commerciales entre l'Asie et l'Europe allant de Chang'an (actuelle Xian) en Chine jusqu'à Antioche en Syrie. Elle doit son nom à la plus précieuse marchandise qui y transitait : la soie, dont seuls les Chinois connaissaient le secret de fabrication. Cette dénomination de 'route de la soie' est due à un géographe allemand du XIXe siècle. Les caravanes partaient de Xi'an, empruntaient le corridor du Gansu puis contournaient le désert de Taklamakan par le nord au pied des hautes montagnes des Tian Shan ou par le sud au pied des Kunlun; ces deux routes étaient jalonnées de villes et caravansérails : au nord, Turfan, Urumqi, Karachahr, Koutcha, Aksou, Kashgar et au sud Dunhuang, Miran, Cherchen, Niya, Khotan, Yarkand. À partir de Kashgar et Yarkand, les pistes rejoignaient la Perse ou l'Inde à travers les hautes montagnes de l'Asie centrale (Pamir et Karakoram), puis par la Sogdiane (Samarcande, Boukhara, Merv), la Bactriane ou le Cachemire. Peu de caravanes effectuaient l'intégralité du trajet et les marchandises étaient revendues le long de la route dans les oasis qui devinrent des centres de commerce très prospères.

 

Historiquement, on considère que la Route de la Soie a été ouverte par le général chinois Zhang Qian au IIe siècle av JC; l’empereur l'avait envoyé sceller une alliance avec les tribus situées à l’ouest du désert de Taklamakan. Alexandre le Grand s’était arrêté bien avant d’atteindre le Turkestan chinois. Les Romains, qui n’étaient pas mieux renseignés, étaient convaincus que les Sérés ('peuple de la soie', c’est à dire les Chinois) récoltaient la soie sur les arbres. Les Parthes, les Sogdiens et les Indiens devinrent rapidement les principaux intermédiaires dans le commerce de la soie entre l’est et l’ouest, achetant le tissu aux marchands chinois qui l’acheminaient jusqu’à Dunhuang, et le revendant aux Syriens et aux Grecs. Chaque transaction augmentait considérablement le prix du produit qui aboutissait dans l’Empire romain par le biais d’intermédiaires grecs et juifs. La soie ne représentait qu’une petite partie du commerce effectué sur la Route de la Soie. Les caravanes qui partaient vers l’est emportaient de l’or, des pierres et des métaux précieux, des textiles, de l’ivoire et du corail, alors que celles qui allaient en Occident étaient chargées de fourrures, de céramiques, de cannelle et d’armes en bronze.

 

L’importance de ces nouveaux liens terrestres entre Orient et Occident se mesurent également aux idées et aux croyances véhiculées par les hommes qui accompagnaient ces caravanes. L'impact des pensées religieuses et philosophiques de l'Inde, de l'Asie centrale et du Moyen-Orient allait être immense tant en Chine que dans les autres pays de l'Asie; en particulier, le bouddhisme introduit au début de l'ère chrétienne connut une expansion rapide le long de la Route de la Soie et de nombreuses grottes et monastères furent construits dans les oasis; l'âge d'or du bouddhisme prendra fin en 845 lorsque l'empereur hostile aux religions étrangères les interdira. On a du mal à imaginer que des monastères bouddhiques dominaient autrefois la vie culturelle d'Asie Centrale.

 

Les apports de la Route de la Soie sont énormes : elle a permis de maintenir une culture internationale qui liait ensemble des peuples très divers; elle eut un fort impact d'intégration dans les régions traversées sur les tribus qui vivaient auparavant isolées; elle a amené le nestorianisme, le manichéisme, le bouddhisme et l'islam en Asie centrale et en Chine. A la religion et à l'art, il convient d'ajouter les technologies : des chinois, l'Asie centrale n'apprit pas seulement à couler le fer, mais aussi à fabriquer du papier. À la fin de sa gloire, la Route de la Soie a contribué à l'établissement du plus grand empire continental de tous les temps : L’empire des Mongols.

 

Vers la fin du VIIIe siècle, les routes maritimes qui reliaient le port méridional de Canton au Moyen-Orient étaient bien établies. L’art de la sériciculture avait été maitrisé par les Perses et, même si la soie ne fut pas produite en Europe avant le XIIe siècle, l’apogée de la Route de la Soie tirait à sa fin. La chute de la dynastie Tang au Xe siècle conduisit la Chine au chaos; à la même époque, des communautés entières dans les oasis disparaissaient suite au tarissement des sources. Les turbulences occasionnées par Gengis Khan et Tamerlan minèrent l'économie de la région. L'Asie centrale restera longtemps en dehors des préoccupations de l'Orient et de l'Occident jusqu'à l'arrivée des explorateurs russes et anglais au XIXe siècle.

 

Les premiers voyageurs chinois sur la Route de la Soie : - Zhang Qian : au IIIe siècle av JC, ses deux voyages en Asie centrale ouvrirent la Route et établirent le premier échange culturel entre l’Orient et l’Occident.  -  - Ban Chao : au Ier siècle de notre ère, il fut l’un des plus grands généraux de Chine et s’empara des royaumes de la Route de la Soie (Loulan, Khotan et Kashgar); il établit les premiers contacts avec les Parthes, les Babyloniens et les Syriens  -  - Fa Xian : au Ve siècle, fut le premier moine d’une longue série de bouddhistes chinois à faire le pèlerinage en Inde; il passa une grande partie de sa vie à traduire du sanscrit les soutras qu’il avait rapportés de ses longs périples. Le compte rendu de ses voyages au 5ème siècle "Un Mémoire sur les Royaumes bouddhistes" l’immortalisa aussi bien en Chine qu’en Occident.  -  - Xuan Zang : au VIIe siècle, le plus connu de tous les voyageurs de la Route de la Soie; deux récits de son voyage sont devenus des classiques chinois.  -  Marco Polo (1254-1324) Le vénitien Marco Polo est l'un des voyageurs les plus connus de la Route de la Soie. Parti pour ouvrir une route commerciale vers l'est, il alla plus loin encore que tout autre voyageur l'ayant précédé, jusqu'aux confins de l'Empire du Milieu. Proche de Kublai Khan, l'empereur mongol (et petit-fils de Gengis Khan), il devint un personnage important. De retour à Venise, vingt-quatre années plus tard, il dicta le récit de ses aventures dans un livre intitulé “Le devisement du monde”, également connu sous le titre “Le livre des merveilles”.

 

les sept plumes de l’aigle

Henri gougaud

Edition DU SEUIL

 1995

Luis A. est né en Argentine. Avant de quitter ce monde, sa mère, une indienne Quechua, lui a légué un savoir millénaire. Est-ce pour la retrouver que Luis, très jeune, est parti sur les routes de l’aventure mystique ?


L’initiation commence dans les ruines de Tiahuanaco, où l’adolescent fait la connaissance d’El Chura, chaman, « homme au plumage de renard ». Celui-ci lancera son disciple à la recherche des sept plumes de l’aigle, des sept secrets de la vie. Cette rencontre en entraînera d’autres : celle du « gardien du temps », du vieux Chipès, de doña Maria, de l’amour, qui est le premier mystère du monde.

Luis A. n’est pas un personnage de roman. Cette quête étrange, tourmentée, d’un savoir et d’une lumière, a bien eu lieu, un jour – une fois –, entre la Sierra Grande, les ruelles de La Paz et le plateau de Machu Picchu.

 

les thanatonautes

Bernard werber

EDITION ALBIN MICHEL

 1994

L’homme a tout exploré : le monde de l’espace, le monde sous-marin, le monde souterrain ; pourtant il lui manque la connaissance d’un monde : le continent des morts.
Voilà la prochaine frontière.


Michael Pinson et son ami Raoul Razorbak, deux jeunes chercheurs sans complexes, veulent relever ce défi et, utilisant les techniques de médecine mais aussi d’astronautique les plus modernes, partent à la découverte du paradis.


Leur dénomination ? Les thanatonautes. Du grec Thanatos (divinité de la mort) et nautès (navigateur).


Leur guide ? Le livre des morts tibétain, le livre des morts égyptiens mais aussi les grandes mythologies et les textes sacrés de pratiquement toutes les religions qui semblent depuis toujours avoir su ce qu’étaient le dernier voyage et le « véritable » paradis. Peu à peu les thanatonautes dressent la carte géographique de ce monde inconnu et en découvrent les décors immenses et mirifiques. Le mot terra incognita recule en même temps que, jour après jour, on apprend ce qui nous arrive après avoir lâché notre dernier soupir.

 

l’Évangile selon PIlate

Éric E. schmitt

EDITION  ALBIN MICHEL

 2000

Le Christ savait-il qu'il était le Messie" Eric-Emmanuel Schmitt mène l'enquête dans un roman iconoclaste et brillant...  Eric-Emmanuel Schmitt a rencontré Dieu au sommet du mont Tahat, dans le Hoggar. C'était il y a douze ans. Parti pour une simple promenade dans le désert, le futur auteur du Visiteur - grand succès de théâtre:

Dieu rencontrant Freud - perd son chemin. Surpris par la nuit au sommet de la montagne, il croit sa dernière heure arrivée. Après s'être ensablé pour échapper au froid - technique apprise en lisant Marguerite Yourcenar... - il ressent une troublante sérénité. Persuadé que la mort lui a donné rendez-vous dans ce coin de rocaille, il n'a, curieusement, pas peur. Au petit matin, il retrouve son chemin. De Damas. 

La question de la foi préoccupe ce normalien, agrégé de philo, depuis l'âge de 20 ans. Né dans une famille athée, Eric-Emmanuel Schmitt a longtemps laissé de côté les problèmes de religion. Mais la fréquentation des philosophes (Kant, Descartes, Pascal, surtout) lui apprend que si Dieu est pensable, alors Dieu est possible. Il se met à lire tout ce qui touche au sujet, les Evangiles, la Bible, bien sûr, mais aussi les historiens et les exégètes de tout bord. «Longtemps, dit-il, je suis resté au bord de la croyance. Croire, ce n'est pas savoir. C'est sauter. Je n'avais pas envie de sauter. Et puis, cette nuit-là dans le Hoggar, ça a sauté tout seul!» 


Il a fallu huit ans à Eric-Emmanuel Schmitt pour mener à bien l'écriture de L'Evangile selon Pilate, l'un des romans les plus excitants, les plus iconoclastes, de cette rentrée. D'une écriture sèche, sans fioritures, le romancier Schmitt a le bon goût d'éviter les reparties calibrées des dialogues qui ont fait son succès au théâtre. Avec, pour fil rouge, la question suivante: le Christ avait-il la conscience de sa messianité?

Depuis deux mille ans, la tradition est partagée entre deux positions. Selon les uns, Jésus savait dès le départ qu'il était le Messie; pour les autres, il l'a découvert peu à peu. Schmitt opte pour une troisième voie - pascalienne: le Christ fait un double pari. D'abord, qu'il est d'invention divine et non satanique; ensuite, qu'il est bien le fils de Dieu. Mais pour le prouver, il doit passer par l'épreuve de la Croix et de la Résurrection. 

Le titre du roman n'est pas tout à fait exact: le premier tiers du livre se présente sous la forme d'un prologue intitulé «Confession d'un condamné à mort le soir de son arrestation». C'est seulement dans la seconde partie que Pilate rapporte sa version des faits dans une série de lettres adressées à «son cher Titus». Jésus, donc. Dans cette Judée qui rend fous les Romains, prophètes et messies pullulent. Jésus, lui, consterne les rabbins. Il aime rire, boire, manger, on lui prête 1 000 liaisons féminines. A traîner avec des vagabonds, des ivrognes et des filles perdues, il fait honte à ses propres frères.

 «Qu'est-ce qu'on va faire de toi?» s'interroge le rabbin de Nazareth. Surtout, il professe une religion de l'amour qui subvertit les normes. Pour être un vrai messie, il faut avoir une stratégie, une ambition, un but. Lui n'a que de l'amour en partage. Et c'est insupportable. «Mon petit Yeshoua, lui dit sa mère, il ne faut pas trop aimer. Sinon tu vas beaucoup souffrir.» Elle n'avait pas tort. Jésus souffrira. Beaucoup. 

«Mauvais charpentier», «mauvais juif», son avenir s'annonce plutôt sombre. En désespoir de cause, il rend visite à son cousin Jean-Baptiste, qui lui paraît franchement bidon avec ses pauses de prophète allumé. Mais voilà que Jean-Baptiste le reconnaît comme le Messie! Et les ennuis de Jésus ne font que commencer, avec toute cette série de miracles qu'on lui attribue chaque fois. Lui n'y croit pas trop, il soupçonne même ses disciples de monter des arnaques en son nom! D'ailleurs, ses fidèles se fichent pas mal de son enseignement; ils se contentent de ses conseils de bon sens qui leur simplifient la vie. 

Jésus le provincial doit «monter» à Jérusalem Jésus, plus que jamais, doute. «Depuis trente ans, tout le monde avait un avis sur mon destin, sauf moi.» A ceux qui lui demandent: «Es-tu le fils de Dieu?», il répond seulement par un énigmatique: «C'est toi qui le dis!» A Judas, son disciple préféré, il confesse: «Je ne sais qui je suis.» Judas, en revanche, a compris. Jésus le provincial doit «monter» à Jérusalem pour accomplir les Ecritures. Il ne doit pas se livrer au Sanhédrin, ce qui reviendrait à reconnaître sa culpabilité, mais être trahi par ses proches. Judas est prêt à se sacrifier pour le succès de l'entreprise. Aussi, quand Jésus prévient: «L'un de nous doit me trahir», il se dévoue. 

Le problème de Pilate est tout autre. Garant de l'ordre romain, imperméable à la «folie juive», détestant ce trou perdu de Judée où on l'a envoyé, et, par-dessus tout, cette capitale du mensonge qu'est Jérusalem, il s'apprête à passer une Pâques plutôt plan-plan, avec quinze arrestations et trois crucifixions à peine. Sauf que, par la faute d'un rabbin contestataire, un bouseux galiléen nommé Jésus, dont tout le monde semble s'être entiché, et, en particulier, sa propre épouse, la très aristocratique Claudia, tout part à vau-l'eau. Pour sortir de ce guêpier, une seule solution: retrouver le corps du crucifié - mort ou vif! - afin d'étouffer la rumeur qui en fait déjà un ressuscité. Est-ce Hérode qui a fait le coup? Joseph d'Arimathie est-il complice de l'escamotage? Que cache l'association contre nature entre Caïphe et le Sanhédrin? Claudia est-elle la mystérieuse quatrième femme au pied de la Croix? Jésus est-il vraiment apparu à la fantasque Salomé? Bref, y a-t-il un «mystère Jésus» ou simplement une «affaire Jésus»? A mesure que Sherlock Pilate avance dans son enquête, le doute s'insinue dans son esprit. Et avec le doute, l'idée de foi. 

Première partie : Dans le Jardin des oliviers, un homme attend que les soldats viennent l’arrêter pour le conduire au supplice. Quelle puissance surnaturelle a fait de lui, fils de menuisier, un agitateur, un faiseur de miracles prêchant l’amour et le pardon ?

Deuxième partie : Trois jours plus tard, au matin de la Pâque, Pilate dirige la plus extravagante des enquêtes policières. Un cadavre a disparu et est réapparu vivant ! À mesure que Sherlock Pilate avance dans son enquête, le doute s’insinue dans son esprit. Et avec le doute, l’idée de foi.

 

le veilleur de pierre

 Marielle larriaga

 EDITION DES TRABOULES

 2004

 « Le Veilleur de pierre » retrace les souvenirs d’une petite fille, puis d’une adolescente qui a vécu à Lyon le temps de l’occupation, époque bruissante d’événements. Elle a observé beaucoup, s’est posé des questions alors que bien des adultes s’en posaient si peu…


Évoquant une de ses camarades, une jeune Juive disparue en 1943, Marielle Larriaga a écrit : « Et les enfants juifs, de quoi étaient-ils accusés ?... Je me dis que j’avais bien de la chance qu’Hitler n’ait décidé de punir les enfants blonds aux yeux bleus de confession chrétienne. Mais je ne voyais pas pourquoi j’avais mérité cette chance, pourquoi les enfants juifs méritaient leur malheur… »


C’est une question que j’avais moi-même posée à mon père « Qu’est-ce que c’est un Juif ? » Et papa – papa du crématoire – m’avait répondu : « Eh bien, ça m’embête de te le dire, mais je ne sais pas très bien… C’est la chasse qui est réouverte, alors il faut repartir et se cacher en attendant que le chasseur se fatigue… »


Dans ce livre, Marielle nous conte Lyon, la résistance dans cette ville « qui se prêtait, dit-elle, plus que tout autre, à l’opacité de la clandestinité », l’épopée des maquisards d’Oyonnax, sa ville natale, ce défilé insolent à la barbe des Allemands, les échos de la tragédie d’Oradour à laquelle elle n’échappa que par une étrange prémonition de sa mère.

 

l’HOMME de paroles

Claude HAGEGE

EDITION  FAYARD

 1998

Cet ouvrage nous parle des rapports entre l’homme et le langage à travers la diversité des langues humaines.

 

Recherches sur le langage avec comme corollaire l’unicité à parler malgré la diversité des langues.où vient la parole et comment elle fut transmise.

 

l’homme qui voulait voir mahona

Henri gougaud

EDITION ALBIN MICHEL

 2008

En moins d’un demi-siècle, dans une folle croisade d’or et de sang, une poignée de soldats espagnols, dressant des croix sur des pyramides de cadavres, font la conquête d’un nouveau monde. Une civilisation s’effondre, une autre va naître. Assoiffés de trésors, de légendes et de territoires inexplorés, des hommes prennent la relève.


1528. Une petite flotte de caravelles aborde les côtes inconnues de la Floride. Trois hommes survivent à l’expédition, anéantie par les naufrages, les épidémies et les flèches indiennes. Nunez Cabeza de Vaca, l’un d’eux, noble Andalou, découvre, au lieu de l’Eldorado promis, des villages faméliques peuplés de primitifs candides, malades, profondément religieux. Au nom du Christ, ses compatriotes se livraient à des massacres. Au nom de Mahona, divinité de ces peuples, le conquistador apporte la paix, la guérison et l’amour.


Une extraordinaire épopée commence, à la fois récit authentique et œuvre soulevée par la passion humaniste, le souffle de l’aventure et de la poésie, contée avec le style, l’art et la magie d’Henri GOUGAUD.

 

L’ILE  ROUGE

GERAUD DE BARRAIL

EDITION  ARQA

 2009

Arrivé au point final de ce polar  haletant qui met en scène bien des personnages connus, mais aussi tout à fait inconnu de l’Affaire de Rennes – le – Château, comme le très énigmatique Louis Paul François Cambriel, né en pays catalan à la Tour de France, le huit novembre 1784, on se demande bien comment l’auteur a réussi un tel tour de  force littéraire, comme un Maurice Leblanc des temps modernes, de nous maintenir constamment en haleine avec cette histoire terrible que l’on croyait  si  bien connaître et qui touche sans aucun doute au cœur du mystère audois.


On se demande également où l’auteur, celui qui se cache sous le pseudonyme de «  Géraud de Barrail » a bien  pu glaner de telles connaissances si impénétrables qui lui ont permis, sans rien ôter à l’Affaire de Rennes- le- Château, de nous faire découvrir, en plein Razès, un secret si extraordinaire que nul n’aurait pu imaginer…Il est  bien certain que notre auteur,  pour arriver à un tel résultat, a dû puiser à maintes sources d’archives ( détenues dans le Sud -Ouest de la France ) du côté de Toulouse semble-t-il, des dossiers de famille nous dit-il, et  a dû  avoir connaissance de certains rapports tenus sous le boisseau par des réseaux occultes, voire même des sociétés secrètes  voire très discrètes. Le plus exaspérant, dans ce roman initiatique, c’est qu’arrivé à la fin du livre, le lecteur n’a qu’une seule hâte, le relire à nouveau  pour en démêler le vrai du faux et s’apercevoir finalement que ce qu’il a entre les mains est certainement  bien plus troublant que d’authentiques livres d’histoire. Alors !... si  tout était vrai …

Magnifique et haletant polar où se mêle , le vrai, le faux, le romantique, les symboles maçonniques, les diverses hypothèses sur l’Abbé Saunière et les légendes templières, s’entrechoque le passé, le présent et le futur, les expériences sur la paranormal faites dans le passé, même récent comme l’Affaire de Philadelphie, les disparitions mystérieuses et toujours  le thème de l’immortalité recherché depuis toujours et inscrite sur les tablettes sumériennes et la légende de Gilgamesh, bref un livre de bonheur, qui fait passer un moment très agréable, tout en voyageant par le rêve.

Edition  ARQA   29  Boulevard de la Lise     Marseille   13012.    thot.arcadia@free.fr

17 M

  MOI, HOWARD PHILLIPS LOVECRAFT

Jacky Ferjault

Ed. L’Oeil du Sphinx

2018

Cette réédition de l’autobiographie imaginaire de Howard Phillips Lovecraft était très attendue. Le talent et l’érudition de Jacky Ferjault permettent au lecteur de vivre au côté de Lovecraft et d’approcher au plus près l’intimité psychologique de cet auteur exceptionnel.

 

Reprenons la présentation très juste réalisée par Joseph Altairac en début d’ouvrage : « A la lecture de cette biographie imaginaire décidément plus vraie que nature, on s’apercevra que la conception lovecraftienne du bonheur s’avère beaucoup plus simple qu’on pourrait le penser, et je connais plus d’une personne de mon entourage qui partage les aspirations du prétendu solitaire de Providence : davantage d’argent, davantage de livres, davantage de crème glacée (ou de toute autre spécialité gourmande de votre choix, le sanglochon, par exemple), davantage de ballades et de discussions avec les copains. Davantage de femmes ? Sur ce sujet, la réponse sera un peu réservée, surtout lorsque ces dernières se mêlent de renouveler votre chère garde-robe. Chez Lovecraft, le grignotage de gaufrettes au gingembre se transforme en festin pantagruélique, l’achat d’une édition moderne du Moine de Lewis devient une formidable trouvaille bibliophilique, et la visite du Québec rivalise sans peine avec la découverte du Machu Picchu ou l’exploration clandestine de Tombouctou. Lovecraft était un grand rêveur, on le savait, mais certains de ses lecteurs ignoraient sans doute à quel point, sur ce sujet, il pouvait se montrer proche d’eux.

 

Grâce à Jacky Ferjault, nous serons désormais plus nombreux à pouvoir dire : « Je suis un ami de Howard Phillips Lovecraft ». »Il est intéressant d’observer une certaine « normalité » chez celui qui, comme nous l’a rappelé Philippe Marlin, a conceptualisé la seule métaphysique totalement matérialiste. Il se dégage même du livre un certain « art de vivre lovecraftien » fait d’appréciation intense de choses simples et de songes extraordinaires nourris par la banalité. Jacky Ferjault puise dans une riche correspondance, souvent inédite en français, et les archives de Lovecraft pour récapituler les faits, petits et grands, qui fondent la personnalité de Lovecraft, la personne privée mais aussi la personne de l’écrivain. Il fait voler en éclat l’image habituelle, sombre et solitaire, de Lovecraft pour dresser le portrait d’un homme attachant, plein de joie de vivre, faisant face à ses contradictions personnelles comme professionnelles, soucieux de l’autre et capable d’une sociabilité soutenue.

 

Son œuvre prend ainsi une perspective différente. Elle n’est pas le fruit amer d’un « cerveau malade » ou d’un « ésotériste décalé » comme on a pu l’entendre dire mais bien une création remarquable d’auteur qui explore lucidement des dimensions peu courantes de la psyché humaine. Ce livre est une opportunité d’approcher le « vrai Lovecraft » et d’établir avec l’oeuvre fantastique du maître de Providence une relation renouvelée. L’image est tenace: Howard Phillips Lovecraft aurait vécu en reclus à Providence, dans l’Etat de Rhode Island, ne mangeant que de la glace à la vanille, ou presque. Un homme torturé, inquiet, qui a construit une cosmogonie remplie d’êtres aux noms imprononçables, de dieux anciens – et même très anciens – extraterrestres, tellement puissants que leur simple connaissance rend les hommes fous. Ils ont pour nom Cthulhu, «celui qui attend en rêvant», Nyarlathotep «le chaos rampant», Yog-Sothoth «le tout en un et un en tout» ou encore Shub-Niggurath «la chèvre noire des bois aux mille chevreaux»…

 

 

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Peu de textes ont suscité autant de suiveurs et de pasticheurs, de plagiaires aussi. Ni autant de contresens, voire d’incompréhension. Dès sa mort, on a reconstruit l’œuvre de Lovecraft, mais aussi sa vie, au point qu’il est difficile, entre la légende et l’histoire, de retrouver à la fois le créateur et ses créations. Les mondes d’Howard Phillips Lovecraft (1890-1937) empruntent au fantastique, à l’horreur et à la science-fiction, alors que lui-même se définissait comme un réaliste mécaniste. Loin d’un anthropomorphisme classique, il rend l’homme à sa petitesse spatiale, soulignant ainsi l’absurdité de ses actions et celle du monde. Il existe ailleurs des êtres gigantesques, inimaginables et indicibles. Ils constituent la réalité, qui est là sous nos yeux, mais que personne n’arrive à lire correctement, à l’exception des personnages lovecraftiens, pour leur plus grand malheur. C’est la mise en commun de connaissances éparses, la lecture d’ouvrages maudits, qui les conduit à découvrir certains détails de cette vérité, voire à rencontrer une de ces créatures. Leur destin est alors scellé dans la dépression, la mort, la folie ou la fuite sans espoir. C’est ce positionnement pascalien qui façonne le désespoir et donne à ces textes d’insupportables vertiges cosmiques.

Méconnu de ses compatriotes, Lovecraft n’a publié que dans des pulps, ces revues à bon marché d’avant-guerre, à la consommation aussi rapide que le prix était bas et à la durée de vie limitée. Il aurait très bien pu disparaître, comme la plupart de ses coreligionnaires du magazine Weird Tales. A peine décédé pourtant, son propre mythe se met en marche, notamment en France. Le pays est le premier à reconnaître l’importance de l’écrivain – comme elle l’avait fait pour son maître Edgar Allan Poe –, tout en adoptant de façon durable sa propre version de la légende. Pour ces premiers «découvreurs», il fallait que l’homme – «le plus grand artisan du récit classique d’horreur du XXe siècle» selon Stephen King – soit à l’image de ses créations, étrange, désespéré et cynique.

Au cœur de cette reconnaissance hexagonale de l’après-guerre se trouve Jacques Bergier, chantre du réalisme fantastique mêlant science et paranormal et grand lecteur de Weird Tales. Sous sa plume, Lovecraft devient le «reclus de Providence», connaît plusieurs dialectes africains et ne mangerait que de la glace à la vanille (y a-t-il un sens mystique à cela?). Surtout, il est transformé en prophète, celui qui a compris les implications de l’univers, le tout sous-tendu par la publication de photos, toujours les mêmes, montrant le visage émacié de l’écrivain, sans émotion. En 1969, Les Cahiers de l’Herne proposent une première monographie sur Lovecraft, et entérinent en même temps son statut solitaire, sombre et torturé. L’image perdure dans une certaine vision toujours fantasmée de l’auteur.

En faisant le point sur les travaux actuels, ce nouveau recueil d’études poursuit le travail de redéfinition initié notamment par Michel Houellebecq dans son étude H.P. Lovecraft, contre le monde, contre la vie et surtout ceux de S.T Soji, le nouveau gardien du temple, dont le travail d’étude et d’analyse est phénoménal outre-Atlantique. Elle présente un écrivain fan de science, plutôt pauvre, mais entouré d’amis, de correspondants fidèles notamment dans le monde effervescent du journalisme amateur. On évalue à quelque 100 000 le nombre de lettres qu’il a écrites, dont beaucoup constituent des éléments importants de son œuvre. Le livre propose d’ailleurs une série de missives échangées avec Robert E. Howard, le père de Conan. On y apprend aussi son mariage raté, son installation temporaire à New York, ses voyages à Montréal quand ses finances le permettaient. Au temps pour le «reclus de Providence», que le livre replace dans son contexte et dans la durée, notamment en ce qui concerne sa condition, son conservatisme – il votera pourtant démocrate sur la fin de sa vie – et son racisme ordinaire.

En plus de sa personnalité, son œuvre aussi a été réinterprétée, organisée dès son décès. En créant les Editions Arkham House en 1939, August Derleth avait comme objectif la reconnaissance et la pérennité du travail de son ami, alors confiné à un cercle très restreint d’admirateurs. Sans lui, Lovecraft aurait peut-être disparu des salles de lecture. Mais il a aussi «façonné» ses écrits pour les formuler en une cosmogonie organisée, le fameux Mythe de Cthulhu, ce qui n’était de fait qu’un jeu littéraire.

Censurant quelques textes, écrivant certaines nouvelles d’après quelques notes ou idées du maître, mais en y introduisant des concepts catholiques reformulés, comme le conflit entre le Bien et le Mal ou la chute des anges déchus, des idées très éloignés de celles d’un Lovecraft profondément athée et pour lequel l’homme est tellement insignifiant qu’il n’a aucune incidence sur l’univers. Ses divinités ne sont ni bonnes ni mauvaises: elles sont ce qu’elles sont et l’humanité qu’une fourmi qu’on écrase sans prendre garde. Derleth a ainsi embrumé les études sur l’écrivain, puisque c’est généralement cette construction qui est reprise par les multiples continuateurs et qui a été systématisée par le jeu de rôle L’Appel de Cthulhu, toujours bien vivant et flamboyant, qui constitue souvent la première porte d’entrée de l’univers lovecraftien.

On a donc reformulé la vie et l’œuvre de Lovecraft, jusque dans les traductions en français. Parmi les premières, certaines ont modifié le sens du texte et retiré les caractéristiques principales du style de l’auteur, celle de la juxtaposition d’adjectifs, de sa capacité à créer l’impression de sentir et d’imaginer l’horreur sans jamais vraiment la décrire. Lovecraft est l’écrivain de l’indicible, d’où la difficulté inhérente d’adapter ses textes, que ce soit par le dessin ou par le film.

 

MONTMARTRE ENSORCELḖ

Boucaud Alexis

Edition Marivole

 201_

Montmartre est devenue un mythe au fil des temps. Il fait partie de l’imaginaire de la poésie, de la littérature, de la chanson, du cinéma, de la peinture, non seulement par et à travers les personnalités qui ont fait Montmartre et ses réputations mais aussi dans la présence de ses habitants ou habitués, ceux qui sont l’âme de ce quartier parisien unique au monde.

 

Quand Montmartre est évoqué, ce sont les images du début du XXème siècle qui s’imposent, les années insouciantes, du moins en apparence, une frivolité trompeuse à   la fois célébration et déni de réalité. Quel que soit le Montmartre appelé, aussi différent soit-il d’un regard à un autre, la liberté, toujours, le caractérise.

 

Alexis Boucot, lui-même familier de Montmartre, évoque le Paris de 1900, celui de l’exposition universelle, de l’art nouveau et le Montmartre, alors village, butte terrain de jeu, de la Belle Epoque. Son Montmartre, porte magique, est à la limite du réel et de l’autre monde. Joane et ses amies, pensionnaires d’un orphelinat et Valgar le magicien, entraînent le lecteur dans un va-et-vient entre réalisme et fantastique. Il fait aussi se mêler des personnages qui ne sont destinés qu’à se croiser, besogneux du jour, fêtards de la nuit, exclus et nantis…

Joane Per, héroïne décalée, explore les recoins de la Butte, les lieux improbables et se rend au mystérieux Château des Brouillards qui a bien existé autrefois. Alexis Boucot fait revivre pour nous un Montmartre qui a vraiment existé et que manifestement il aime. Il fait référence aux « signes et prodiges apparus sur Montmartre le soir du dimanche douzième septembre 1621» qui alimentèrent les chroniques de l’époque et les légendes de la Butte.

L’alliance entre les enfants de l’orphelinat et le magicien Valgar permet aux enfants d’échapper à l’enfermement et de se découvrir en même temps qu’un monde étrange s’offre à eux.

 

«  Un courant d’air d’une grande force passa autour d’eux. Un champ magnétique saisissant traversa la crypte de part en part comme un fluide magique teinté de vert. Alors, le visage de Valgar leur apparut. Cette fois encore, l’image était toute vaporeuse et très incertaine, comme l’idée que l’on peut se faire d’un revenant. L’ensorcellement entravait cette manifestation surnaturelle ; à l’oeil nu, on voyait cette force contraire agir et se retranscrire dans le filet ligneux de ses veines qui bleuissaient fortement. Son esprit luttait. Toute son énergie était concentrée dans cette ultime intervention qui ressemblait fort à l’une de ces images projetées par le cinématographe. L’image du magicien n’avait pas d’ailleurs une expression démesurément sage et philosophique, si bien que sa contemplation provoqua un murmure admiratif. Puis, de sa voix vibrante et sonore, quasi désincarnée, il s’adressa aux enfants immobiles, saisis de respect. Le temps était compté, mais sa prise de parole s’entrecoupait malheureusement de silences :        - Jeunes gens, vous vous êtes rendu de bon gré dans mon sanctuaire afin de me prêter la main et je vous en suis très… reconnaissant. Mais le temps presse et je ne peux vous enseigner les…choses occultes et les fondamentaux… de la magie des limbes pour me sortir de ce trépas. Les forces du mal sont à nos portes et menacent notre monde, gagnant jour après jour  Si la magie ancestrale dont je suis le gardien et digne représentant n’est point rétablie... »

 

L’intrigue originale très réussie de ce troisième roman de l’auteur sert une évocation forte de l’esprit de Montmartre, de ses subtilités, de ses contradictions, de ses lumières et de ses ombres. L’appareil de notes, limité mais pertinent, permet au lecteur peu familier de la Butte et de ses mystères de plonger dans l’ambiance équivoque du lieu. Depuis la nuit des temps, Montmartre a été un lieu de culte : les Druides gaulois, les Romains avec les temples dédiés à Mars et Mercure, l’Église Saint-Pierre, la plus ancienne de Paris, reconstruite près de l’Abbaye Royale de Montmartre au XIIe siècle par le roi Louis VI et sa femme Adélaïde de Savoie… Enfin, le Sacré-Cœur, érigé à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, ce haut-lieu de prière demeure fidèle à sa tradition : Dieu y est bien présent !

 

Par sainte Geneviève, qui vivait au Ve siècle, nous connaissons l’existence de saint Denis. C’est par elle que ce premier évêque de Paris entre dans l’histoire ; car il est raconté dans la vie de cette sainte écrite par un de ses contemporains que, vers 475, elle décida le peuple parisien à élever une chapelle sur le lieu où il fut martyrisé. Saint Denis, premier évêque et martyr de Paris, ainsi que sa légende, illustrent cette période où les disciples du Christ triomphèrent La chapelle primitive construite sur la Butte en l’honneur de saint Denis tombait en ruine au IXe siècle. Elle fut reconstruite à cette époque, la colline de Montmartre étant un lieu de pèlerinage extrêmement fréquenté. Outre saint Denis, on y vénérait les ossements d’un grand nombre de chrétiens anonymes martyrisés au cours des persécutions et qui ont contribué à faire appeler la colline : « mont des Martyrs » (Montmartre).En 1559, un incendie détruisit une grande partie de l’abbaye des Bénédictines de Montmartre qui se trouvait au sommet de la Butte et, depuis lors, le mal alla s’aggravant jusqu’en 1611, époque où Marie de Beauvillier qui, pendant près de soixante ans, gouverna l’abbaye, entreprit la restauration du Martyrium qui se trouvait au flanc de la colline.

 

 Autour de cette chapelle fut construit une nouvelle abbaye dite « d’en bas » reliée à celle d’en haut par une galerie longue Au cours des travaux, le 11 juillet 1611, on mit à jour un escalier conduisant à l’ancienne crypte, sanctifiée, disait-on par saint Denis. Cette découverte fit grand bruit. Marie de Médicis et plus de soixante mille personnes se rendirent sur les lieux, créant un nouveau courant de dévotion.


Au début du XVe siècle, dans Paris en proie à la lutte des Armagnacs et des Bourguignons, les scènes d’égorgements et de pillage furent telles que les paroisses parisiennes se rendirent en procession sur la colline de Montmartre pour demander à saint Denis de sauver la capitale.

 

En 1525, quand François Ier eut été fait prisonnier à la bataille de Pavie, le peuple de Paris en foule vint à Montmartre prier le patron du royaume pour que cesse la grande désolation. Le 15 août 1534, c’est à Montmartre que saint Ignace, saint François-Xavier et leurs compagnons fondèrent, en quelque sorte, la Compagnie de Jésus. L’Abbaye de Montmartre, durant des siècles, est un foyer intense de vie religieuse et un lieu fréquenté de pèlerinages. En 1792, les Bénédictines sont dispersées par la Révolution française et le monastère détruit de fond en comble. La dernière abbesse, Marie-Louise de Montmorency-Laval, monte sur l’échafaud le 24 juillet 1794 et son sang permet la miraculeuse résurrection de vie religieuse qui s’opérera quatre-vingts ans plus tard sur la Butte sacrée. Il ne subsiste à l’heure actuelle de l’abbaye des Dames de Montmartre que l’église Saint-Pierre, dont le chœur servait de chapelle aux religieuses.

 

A l’origine de la construction de la Basilique, un vœu national : Le contexte : 1870, la guerre éclate entre la France et l’Allemagne. Le Concile qui se tenait au Vatican est interrompu et le pape, qui n’est plus protégé par les troupes françaises, se considère prisonnier dans la cité du Vatican ! En France, c’est la défaite militaire et l’occupation d’une partie du pays par les troupes allemandes. La démarche de Messieurs Alexandre Le gentil et Hubert Rohault de Fleury est spirituelle. Ils font vœu de construire une Eglise consacrée au Cœur du Christ « en réparation » (c’est-à-dire en pénitence pour les infidélités et les péchés commis) car pour eux, les malheurs de la France proviennent de causes spirituelles plutôt que politiques. Fin 1872 : Le Cardinal Guibert, archevêque de Paris, approuve ce vœu et choisit Montmartre. Fin 1873 : Il obtient de l’Assemblée Nationale une loi qui déclare d’utilité publique la Basilique, permettant ainsi que le terrain soit affecté à la construction d’une église. A cette époque, la construction d’une Basilique dédiée au Cœur du Christ contraste avec la série de Basiliques dédiées à Marie construites durant la même période : Lourdes, Notre-Dame de Fourvière à Lyon, Notre-Dame de la Garde à Marseille…Les travaux sont financés par des collectes de dons dans la France entière – souvent des offrandes modestes - dont les noms des donateurs sont gravés dans la pierre. De nombreux guides touristiques présentent le projet de construction de la Basilique comme une réaction aux exactions commises pendant la Commune de Paris. Afin de corriger cette idée communément répandue, parcourons de plus près l’histoire du Vœu National…

 

Fin novembre 1870, M. Beluze, membre du Conseil général des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul à Lyon, écrit à Adolphe Baudon (1819-1888), président général de ces Conférences, pour l’informer du Vœu des Lyonnais et lui suggérer un Vœu semblable pour Paris. Ce dernier propose une campagne à l’Univers, le journal de Louis Veuillot (1813-1883), qui dès le 13 décembre lance la suggestion d’une construction sur la butte Montmartre. Début décembre, M. Baudon écrit à son tour à son bras droit Alexandre Félix Le gentil (1821-1889), membre du Conseil général de cette même Société, et réfugié à Poitiers du fait de la guerre, pour lui en soumettre l’idée, proposant que la nouvelle église soit dédiée à la Vierge. Celui-ci accueille la proposition avec enthousiasme, mais suggère à son président que le sanctuaire soit dédié au Sacré-Cœur. Ce dernier, ainsi que les autres membres du Conseil général de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, se montrent réticents à ce changement de vocable, craignant que - la dévotion au Sacré-Cœur n’étant pas encore assez répandue dans les habitudes de piété des Français - il soit difficile de réunir les fonds nécessaires à l’érection de ce nouveau sanctuaire.

 

Le 8 décembre 1870, Alexandre Félix Le gentil, qui a pris entre-temps connaissance de l’opuscule du Père de Boylesve, fait part à ce dernier du courrier récemment reçu :« Mon Révérend Père, Il y a quelques jours, je reçus de M. Baudon, président général de la Société de Saint-Vincent de Paul, une lettre où je remarquais ce passage :"M. Beluze (fondateur du Cercle catholique du Luxembourg), en m’annonçant que Lyon avait fait le vœu de rebâtir Notre-Dame de Fourvière, dans le cas où la ville serait épargnée, proposerait un vœu analogue pour Paris. Qu’en pensez-vous ? Cela serait bien beau, mais bien difficile. Cependant, il ne manque pas d’églises à bâtir dans les quartiers annexés, et Notre-Dame de la Délivrance ne serait pas un titre vain, si on obtient cette délivrance. «Je répondis sur-le-champ à M. Baudon, que j’accueillais avec grand plaisir cette idée, et que je souscrirais certainement, dans la mesure de mes ressources, à l’érection d’une telle église,… ou d’une église dédiée au Sacré-Cœur. Monsieur Baudon insiste sur le vœu de bâtir une église à Paris, soit sous le vocable du Sacré-Cœur, soit sous celui de Notre-Dame de la Délivrance, et il fait observer, avec raison, qu’il serait utile de créer une paroisse dans un des quartiers qui en manquent le plus, parce qu’on serait, par-là, plus sûr de l’appui de l’Archevêché, lequel est indispensable.

 

Quoi qu’il en soit, mon Révérend Père, l’idée, sauf les détails de réalisation, me paraît bonne : vu les circonstances présentes, il me semble urgent de la propager. J’y attache d’autant plus d’importance, qu’exilé moi-même de Paris, et désirant ardemment y rentrer, je soupire après la délivrance, et je dis bien haut qu’elle ne peut venir que d’un acte éclatant de la droite du Très-Haut. D’après les conseils de mon excellent ami, M. Bain, je m’adresse à vous, en vous demandant vos conseils et votre appui pour propager l’idée que je viens d’exposer, et que je ne prétends pas avoir inventée. Vous verrez par quels moyens il est possible de provoquer des adhésions ou des souscriptions, parmi les exilés de Paris que vous pouvez atteindre au Mans, à Poitiers ou ailleurs, et aussi parmi les habitants de la province, car, en ce moment plus que jamais, la cause de Paris est la cause de la France. » A la suite de ce courrier, Alexandre Félix Le gentil - qui promet devant son confesseur le Père Gustave Argand S.J.(recteur du collège St-Joseph de Poitiers) de se dévouer à ce qu’il considère comme une œuvre de réparation indispensable au salut de la France - rédige une première formule de Vœu au Sacré-Cœur (le "Vœu de Poitiers"), qui a en vue la délivrance de Paris. Il la montre à Mgr Pie, évêque de Poitiers, et lui demande l’autorisation de la propager. L’évêque refuse d’engager sa propre responsabilité sur ce projet destiné à la capitale, mais laisse libre M. Le gentil d’agir comme il le désire. Aussitôt, celui-ci fait imprimer le texte du Vœu - nous sommes alors fin décembre - Vœu qu’il diffuse largement en France, et jusqu’en Suisse.

17 O

opus dei – les chemins de la gloire

Peter hertel

EDITION  GOLIAS

 2002

Cette réédition réactualisée nous fait pénétrer cette organisation ultra catholique riche et puissante. Elle cultive le secret, la discrétion, le prosélytisme confessionnel et demande à ses membres l’obéissance aveugle. On en parle peu mais elle détient de nombreux pouvoirs. L’auteur enquête depuis 30 ans sur cette organisation, il en est le meilleur spécialiste et nous livre ici son organigramme, ses buts et ses manies, son endoctrinement et ses méthodes peu avouables.

 

L’Opus Dei est une organisation fondée le 2 octobre 1928 à Madrid par un dénommé José maria Escriva de Balaguer, né en 1902 : un prêtre qui, lors d’une séance d’exercices spirituels, a une « révélation » et fonde l’organisation. Tout en poursuivant son ministère sacerdotal, il obtient en 1946 un doctorat en Théologie à l'Université du Latran et s’installe à Rome. Son travail de diffusion de la doctrine chrétienne s’exerce surtout en Amérique latine. José maria Escriva de Balaguer meurt en juin 1975 avant d’être, dix-sept ans plus tard, le 17 mai 1992, « béatifié » par Jean-Paul II sur la foi (c’est le cas de le dire, ah ! ah !) de son principal miracle : la guérison, en 1976, d'une carmélite de la Charité, la sœur Concepción Boullón Rubio, qui, à l’agonie, recouvra la santé de façon inattendue après la visite de Balaguer.

 

Rassemblant aujourd’hui 80 000 personnes à travers le monde (dont environ 1500 membres en France), disposant d’un site internet, l’Opus Dei invite ses membres à « vivre les enseignements de l’Evangile » en « sanctifiant leur travail ».Mais derrière la façade, certains reprochent à l’Opus Dei de mener un travail visant à promouvoir des idées particulièrement réactionnaires et autoritaires, au sein de l’Eglise elle-même aussi bien qu’au sein de la société civile : une secte dans l’église, un état dans l’Etat, un lobby occulte aux ramifications tentaculaires et à la puissance financière élevée et dont l’emprise sur les âmes comme sur les corps serait sous-estimée. Est-ce une réalité ?

 

 

Rappelons que l’Opus Dei comporte quatre sortes de membres : les « clercs et laïcs numéraires » (s’engageant à la pauvreté, la chasteté, l’obéissance et la vie commune), les « agrégés » (même engagements sauf la vie commune), les « surnuméraires » (laïcs qui vivent dans la société civile mais contribuent financièrement) et les « coopérateurs » (simples sympathisants). A l’abri de la Loi de 1901 sur les associations, l’Opus Dei est une organisation qui s’intègre dans la hiérarchie catholique mais qui se situe en même temps en marge de l’institution officielle. Elle dispose en effet du statut de « prélature personnelle » : un terme canonique abscons qui signifie que son chef (le cardinal Javier Echeverria) ne dépend que du pape et que les religieux et les fidèles sur lesquels il a autorité ne sont pas tenus de se faire connaître de l’évêque du diocèse où ils habitent ! 

 

Si ses membres ont une obligation de pauvreté personnelle (et reversent "spontanément" une partie de leur patrimoine à l'"Oeuvre" comme ils disent), l’Opus Dei, elle, nage dans l'opulence : centre du château de Couvrelles (appartenant à une association nommée l’ACUT) et nombreux locaux détenus par l’intermédiaire de diverses sociétés. Surtout, l’Opus Dei contrôle la « Société du Belvédère » à laquelle est reversée l’ensemble des droits audiovisuels que paient les télévisions du monde entier pour retransmettre les voyages du pape. C’est donc une organisation qui joue un rôle économique direct au sein du Vatican. Le nom de l’Opus Dei sera d’ailleurs mêlée à plusieurs reprises, directement ou indirectement, à divers scandales et notamment la faillite du Banco Ambrosiano (1982) dans laquelle le Vatican, principal actionnaire, versera 260 Millions de US Dollars de dédommagements mais soustraira le principal accusé (Mgr Marcinkus) aux poursuites judiciaires internationales.

 

D’ailleurs, l’Opus Dei, c’est une de ses valeurs, promeut ouvertement la réussite matérielle et sociale de ses membres au sein de leur univers professionnel, grâce à la recherche par chacun de la « perfection ». Il s’agit objectivement d’un travail d’évangélisation « par le haut », très élitiste dans son recrutement : l’Opus Dei ne fait pas dans les pauvres et les malades mais plutôt dans les riches et les biens portants. Rien à voir avec Mère Térésa.

 

En France, nombreux sont les personnages en vue (Claude Bébéar, Michel Albert) qui sont venus donner des conférences à son invitation mais il est difficile de faire reconnaître aux orateurs qu’ils ont de la sympathie pour l’Opus Dei et encore moins qu’ils en sont officiellement membres. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que le beau-père de José Aznar (Premier ministre espagnol) est membre de l’Oeuvre. C’est également le cas du beau-père d’Hervé Gaymard, ancien secrétaire d’Etat aux finances du gouvernement Juppé de 1997. Plus proche de l’Oeuvre encore était Raymond Barre, qui vint témoigner au… procès en béatification de José maria Escriva ( !) Quant à Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, il a commencé comme professeur d’histoire et d’allemand dans un collège privé de l’Opus Dei dans la ville de Valensole. Pour ce qui est des membres stricto sensu, on sait que ce fut le cas d’Antoine Pinay tout comme c’est le cas de l’actuel secrétaire du Comité d’Organisation des Jeux Olympiques (une référence en matière d’institution corrompue !) : Juan Antonio Samaranch.

 

Bref, l’Opus Dei, ça n’a pas une odeur… de sainteté… Elle est d’ailleurs loin de faire l’unanimité au sein des catholiques dont certains critiquèrent vivement la rapide béatification par Jean-Paul II de son fondateur (Balaguer ayant, peccadille, acheté le titre de noblesse de « marquis de Peralta » à la fin des années 60 après avoir été le directeur de conscience des époux… Franco et avoir placé un des membres de l’Opus Dei, Anael Lopez Amo comme précepteur du futur Juan Carlos) et protestèrent contre le rattachement direct de ses dirigeants au Vatican, sans contrôle par les évêques des diocèses. 

 

Au final, il semble avéré que l’Opus Dei tente d’étendre son influence et que celle dont elle dispose au sein du Vatican soit loin d’être négligeable. Difficile cependant d’en mesurer l’étendue réelle. Elle est objectivement bien implantée dans les pays hispaniques et notamment sud-américains où elle s’oppose aux prêtres jugés trop « progressistes » mais son influence, en France, reste assez discrète. Quant aux résultats de son lobbying, notamment à l’échelle de la Communauté Européenne, ils ne sont pour l’instant pas convaincants, notamment sur le plan de l’interdiction de l’IVG et de la contraception contre lesquelles elle lutte inlassablement ou pour ce qui est de la mention spéciale de la religion dans la "constitution européenne" de 2005. Ce qui est certain, en revanche, c’est que l’Opus Dei recrute ou tente de le faire. Votre serviteur fut lui-même approché : je peux donc confirmer ici quelques rares informations sur la base de mon expérience personnelle…

 

A l’ombre du jardin de Science-Po, durant mes études, je fus ainsi entretenu par un de mes condisciples de sa qualité de membre laïc d’une association nommée « l’Oeuvre de Dieu » (il avait fini par lâcher : «  l’Opus Dei : on en dit beaucoup de choses… »). Au fil de nos rencontres (l’individu était sympathique) et même s’il comprit rapidement ma méfiance à l’endroit de la chose cléricale, il répondit néanmoins à toutes mes questions de béotien : par exemple que tous les membres de l’organisation « se considéraient comme de vrais frères » et agissaient en tant que tels les uns envers les autres (partage, solidarité, vie en communauté), qu’ils avaient tous une ambition de réussite sociale car celle-ci « était mise au service de Dieu » et le but de chacun était de « vivre saintement sa vie personnelle et professionnelle »… Pour sa part, il avait participé à la construction d’une école en Arménie (c’était à l’époque du terrible tremblement de terre dans cette région).

 

Sans but religieux direct, je fus invité à une réunion d’information sur le comportement spéculatif des marchés financiers, fort intéressante du reste. La réunion fut animée par un ancien agent de change (j’ai oublié son nom, désolé !) devant 5 ou 6 spectateurs attentifs (dont moi) et il y fut dit que, naturellement, « les marchés ne sont pas purs et parfaits : seul Dieu est parfait ». Puis on me fit visiter quelques pièces du vaste hôtel particulier où avait eu lieu la réunion : un hôtel situé dans le VIIème arrondissement parisien avec parquets, boiseries, tableaux, larges pièces et hauts plafonds. On me présenta une bibliothèque dont le fonds était dû essentiellement aux dons personnels des membres de l’association. Mon cicérone, suite à mes refus ultérieurs de participer à d’autres réunions, comprit toutefois que je n’avais pas une tête à me faire embrigader par ses phrases creuses et son prosélytisme ambigu. Je ne frayai donc pas plus avant avec cette organisation, manifestement fortunée, constituée de gens de très bon niveau intellectuel, travailleurs, solidaires et discrets. Voilà pour mes souvenirs personnels.

 

Au plan général, rien ne vient donc aujourd’hui corroborer les élucubrations selon lesquelles l’Opus Dei éliminerait impitoyablement ceux qui se seraient mis, tels Jean-Paul 1er (si cela avait été le cas), en travers de sa route…Si l’ « Oeuvre », toutefois, excite la curiosité, c’est sans doute parce que son style et ses méthodes dissimulatrices, au final, laissent méfiant. Mon « sectateur » et moi avions abordé des thèmes de société et sur lesquels nos points de vue divergeaient, il avait conclu sur ce mot : « On peut parfois mentir, quand c’est pour la bonne cause… ».

 

OSCAR WILDE - QUI SUIS-JE ?

Danielle Guérin-Rose

Edition Pardès

 2014

Oscar Wilde naît à Dublin au sein d’une famille excentrique dont la liberté d’esprit l’influence durablement. Après de brillantes études à Trinity Collège et à Oxford, où il forge son personnage d’esthète et de dandy, il effectue une longue tournée aux Etats-Unis qui marque le début de sa célébrité, de ses frasques et de ses excentricités.

« Il est des moments où il faut choisir entre vivre sa propre vie, pleinement, entièrement, complètement, ou trainer l’existence dégradante, creuse, insipide et fausse que le monde actuel, dans son hypocrisie, ses mensonges et sa dureté, nous impose » -

Les années succédant à son mariage avec Constance Lloyd, dont il aura deux fils, sont une période d’épanouissement littérature où il écrit des contes, des essais et, surtout, ses principales pièces (L’éventail de Lady Windermere, Une femme sans importance, Un mari idéal, L’importance d’être constant, Salomé) et son unique et scandaleux roman, «  Le portrait de Dorian Gray ».
Mais sa rencontre avec un jeune Lord anglais, Alfred Douglas, avec lequel il nous une liaison passionnée, va tout remettre en question et le conduire en prison pour deux ans de travaux forcés qui le briseront. Quand Oscar Wilde meurt à Paris, il n’est plus qu’un pestiféré réprouvé pour son homosexualité, incertain de sa postérité.

Longtemps Wilde fut surtout considéré comme un auteur d’aphorisme, un bel esprit superficiel, à la vie entachée d’une très mauvaise réputation. Aujourd’hui, on redécouvre ses œuvres, leur flamboyance et leurs subversions, cachées sous un brillant de surface, et toute la poignante humanité de l’homme souffrant, l’auteur admirable de « De profundis » et de « La balade de la geôle de Reading » -

« Ceux qui n’ont approché Wilde que dans les derniers temps de sa vie, imaginent mal, d’après l’être affaibli, défait, que nous avait rendu la prison, l’être prodigieux qu’il fut d’abord. Certains le comparaient à un Bacchus asiatique ; d’autres à quelques empereur romain ; d’autres à Apollon lui-même, et le fait est qu’il rayonnait » - (André Gide 1910)

« Lisant et relisant Wilde à travers les années, j’ai noté quelque chose que ses panégyristes semblent n’avoir jamais suspecté : le fait probant et élémentaire que Wilde a presque toujours raison. Wilde, un homme qui, malgré l’habitude du mal et de l’infortune, garde une invulnérable innocence et une grande lucidité» - (Jorge Luis Borges 1952) -

« Aujourd’hui hors d’atteinte du scandale, ses meilleures œuvres consacrées par le temps, il se dresse devant nous, imposant larmes et rires mêlés, débordant de paraboles, de paradoxes et d’allégories, si généreux si amusant et si vrai » - (Richard Ellmann 1994) -

« Comme l’écrit Stephen Fry, qui a incarné Wilde au cinéma, dans son excellente préface à un choix d’aphorismes : Le courage de Wilde n’était pas d’avoir une sexualité parallèle, mais une parfaite liberté d’esprit. Ne voir en lui qu’un martyr, homosexuel avant la lettre, c’est, me semble-t-il, faire justement le jeu de ceux qui l’ont mis plus bas que terre voici un siècle » (Philippe Sollers 2008) –

« Mais si l’œuvre de Wilde n’est pas toujours facile à percer, contrairement aux apparences, c’est qu’elle recèle, en profondeur, une dimension que seuls peu d’exégètes ont mis en évidence : celle-là même que Charles Baudelaire, autre dandy, évoque en son « Cœur mis à nu » -Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. L’invocation à Dieu, ou spiritualité, est un désir de monter en grade ; celle de Satan, ou animalité, est une joie de descendre ». (Daniel Salvatore Schiffer, discours devant la tombe de Wilde au Père Lachaise 2011) -

17 P

POÉSIE -    LE  CHEMIN  DE  MONTAGNE  FROIDE

HAN  SHAN

EDITION  TERRE  BLANCHE

 2009

Vie et poèmes d’un ermite bouddhiste libertaire de la Chine ancienne. Han Shan est un des plus grands poètes bouddhistes et un des plus intéressants.

 

Il vivait en ermite dans les monts Tien Taï. On raconte qu’il écrivait ses poèmes sur les murs, les parois des cavernes, les feuilles des arbres. Dans sa poésie il parle de sa vie à Montagne Froide, qui est à la fois un lieu physique et mythique. Sa parole est toujours pure, lumineuse, elle exprime l’extrême fluidité du monde, la fragilité des êtres et des choses.

 

La pratique de tchan (le Zen), lui a permis de réaliser une certaine transparence au monde, et il décrit l’univers où il vit, tel qu’il lui apparaît, dans sa simplicité originelle, en dehors des calculs de l’égo et des méandres du mental.

 

Curieusement, il fut aussi un des principaux inspirateurs du mouvement « beatnik ». Ce sont le poète et sinologue Gary Snyder et son ami Jack Kérouac qui le firent connaître en occident. Kérouac lui a d’ailleurs dédié ses plus beaux écrits « Les clochards célestes ».

 

PIERRE NOTHOMB – QUI-SUIS-JE ?

Lionel Baland

Edition Pardès

 2019

Pierre Nothomb (1887-1966): «Une nation tranquille, endormie dans la paix et n'ayant d’autre orgueil, semblait-il, que sa richesse, sentit tout à coup peser sur elle la plus formidable menace. Cette guerre, qui devait l épargner  elle allait en être la première victime. L'odieux ultimatum allemand lui demanda l'Honneur ou la Vie. Elle répondit : la Vie. » (Les Barbares en Belgique.) Pierre Nothomb naît en Belgique en 1887. Il y étudie le droit et devient avocat. Démocrate-chrétien avant la Première Guerre mondiale, il combat au début du conflit dans la garde civique. Actif à partir de 1915 au sein des cercles gouvernementaux belges en exil en France, il est un des propagandistes du nationalisme belge et milite pour la réalisation, à l'issue de la guerre, d'une Grande Belgique résultant de l'annexion du Luxembourg, d'une partie des Pays-Bas et d'une partie de l'Allemagne. Au cours des années 1920, ami et adepte de Benito Mussolini ses adversaires le surnomment Mussolinitje (« petit Mussolini») , Pierre Nothomb dirige les Jeunesses nationales, qui affrontent physiquement socialistes, communistes et nationalistes flamands.

 

Après avoir pris part aux débuts du rexisme aux côtés de Léon Degrelle, il rejoint le Parti catholique et, en 1936, devient sénateur. Auteur de nombreux ouvrages, il est, jusqu'à l’année précédant son décès survenu en 1966, sénateur du Parti Social-Chrétien. Son fils, Charles-Ferdinand, devient vice-Premier ministre, président de la Chambre des députés et président du Parti Social-Chrétien. Son arrière-petite-fille est la romancière Amélie Nothomb. Ce «Qui suis-je?» Pierre Nothomb présente l'écrivain et l'homme politique nationaliste et catholique dont la vie est liée de manière intime à celle de son pays, la Belgique, et à la terre de ses ancêtres.

 

Pierre Nothomb apparait comme la figure de proue des mouvements nationalistes nés au lendemain de la Première Guerre mondiale. En 1919, Il fonde le Comité de Politique nationale (C.P.N.) : il regroupait des généraux, des hommes d'affaires, des juristes, des hommes de lettres, des politiciens (et même quelques socialistes). Mais l'engouement pour ce premier mouvement s'estompe rapidement après l'échec des plans d'annexion du Limbourg « hollandais » et du grand-duché de Luxembourg. Nothomb se tourne de plus en plus vers les problèmes de politique intérieure avec un discours résolument de droite. Son nationalisme perd alors la majorité de ses premiers adhérents, et il essaye de compenser cette perte d'influence par un discours de plus en plus violent. C'est dans cette optique que l'Action nationale sera créée.

 

C'est au début de 1924 que Pierre Nothomb et ses amis fondent la fédération d'Action nationale avec pour objectif de fédérer les divers groupuscules nationalistes. Le premier numéro de l'Action nationale, qui succède au Politique comme organe du C.P.N., paraît le 12 avril 1924 et entend influer sur la vie politique intérieure belge. La tendance, elle, est au catholicisme autoritaire, teinté de maurrassisme et de nationalisme corradinien. L'hebdomadaire est caractérisé par une hostilité farouche envers la démocratie parlementaire. L'ennemi par excellence est le marxisme fondé par le « juif boche » Karl Marx. Le mouvement était avant tout antisocialiste et manifestait une grande admiration pour Mussolini. L'idéologie restait plutôt vague, le programme positif prévoyait un gouvernement fort, responsable devant le roi plutôt que devant le parlement et la création d'organes corporatistes à compétences législatives.

 

L'Action nationale s'appuyait sur une organisation créée en 1925, les « Jeunesses nationales » (1925-1932). Comptant quelque deux à trois milliers de membres, principalement des élèves des collèges catholiques âgés de seize à dix-neuf ans. Ils ne portaient pas d'uniforme mais un insigne. Ils étaient de service lors des meetings, vendaient le journal, paradaient aux cérémonies patriotiques et se querellaient avec les socialistes et les nationalistes flamands. Leur plus célèbre action fut le saccage d'une exposition soviétique en janvier 1928. Comme leader, P. Nothomb, « Napoléon de la marmaille » comme l'appelaient ses adversaires, n'a jamais bénéficié d'un réel prestige. De plus, cet adversaire du parlementarisme essaiera plusieurs fois d'entrer au parlement (1925 et 1929, sur les listes catholiques), ce qui créera une certaine confusion au sein des membres du mouvement et contribuera à sa disparition. C'est le 9 août 1930 que paraît le dernier numéro de l'Action nationale. Les troupes de Nothomb s'effritent alors rapidement. Lorsque Nothomb engage ses derniers fidèles, souvent d'origine libérale, à rejoindre le parti catholique et ses Jeunes Gardes, c'est la débandade. Il sera sénateur pour le Parti catholique de 1936 à 1946 et du Parti Social-Chrétien de 1946 à 1965.

 

PABLO  CASAL,   UN MUSICIEN,  UNE CONSCIENCE

Jean-Claude  Bedu

Edition Gallimard

 2012

Né en Catalogne en 1876, Pablo Casals a vécu près d’un siècle. Il aura eu plusieurs vies. La vie d’un enfant fier et précoce, tombé amoureux de son violoncelle, qui très tôt subjugue par sa virtuosité.

La vie d’un musicien adulé, réclamé dans le monde entier. Celle d’un chef d’orchestre « engagé » honoré dans son pays. Celle, après la guerre et la prise du pouvoir par Franco en Espagne, vie d’un exilé au cœur brisé qui n’a de cesse de venir en aide à ses compatriotes réfugiés.

 

Celle d’un protestataire inflexible qui crie haut et fort son désaveu de toute forme de dictature en faisant taire son violoncelle. Celle d’un créateur de festival à Prades (66) dans ce Roussillon qu’il a tant aimé et auprès de qui les musiciens les plus prestigieux accourent.

 

La vie enfin d’un presque centenaire respecté, œuvrant inlassablement pour la paix dans le monde. Pas à pas Jean Jacques Bedu nous entraine à la découverte de ce musicien humaniste qui a fait du violoncelle l’égal du piano ou du violon. Il y a un avant et un après Casals.

 

Beaucoup d’images et un récit bien construit autour d’un génie de la musique et de son humanisme

 

pompÉi

Pierre gusman

EDITION  J. DE BONNOT

 2007

Le jour se lève sur Pompéi, ce 24 août de l’an 79 après Jésus-Christ. La fraîcheur du petit matin enveloppe la ville d’une vague brume laissant augurer une belle journée. Le Vésuve se détache dans le ciel rose de l’aurore, une lumière dorée ourle son cratère. La ville s’étire, paresseuse.


Hier, c’était la fête : Vulcania à la gloire du dieu du feu. C’est toujours une remise en route plus lente après un jour de repos. Les villes avoisinantes ont été privées d’eau, mais Pompéi, ville riche et turbulente, grâce à son commerce et à l’activité de ses entreprises, insouciante, a miraculeusement échappé à cette pénurie.


C’était pourtant un signe, ce manque d’eau. Il y avait bien eu quelques secousses les jours précédents, comme si une vague passait sous la terre, mais les Pompéiens étaient habitués. Pourtant, dans la matinée, les passants s’arrêtent dans les rues, tournent leur regard vers le nord. Ont-ils bien entendu ? On dirait une explosion. Plusieurs se succèdent. Cette fameuse vague roule sous la terre et une légère couche de cendres, portée par les vents du nord, tombe sur la ville.

Les uns rentrent chez eux, d’autres s’abritent dans les auberges, dans le marché couvert, sous les auvents. Vers treize heures un gros nuage s’échappe du Vésuve, accompagné d’une pluie de pierres ponces, des cailloux noirs calcinés s’y mêlent rapidement. Ces projections s’intensifient et s’accumulent sur la ville à raison de quinze centimètres par heure. Certains habitants laissent tout derrière eux et s’enfuient, franchissant les portes qui gardent le mur d’enceinte. Bien leur en a pris. Ceux qui ont choisi de se réfugier dans leur maison sont bientôt prisonniers sous les toits qui commencent à s’écrouler dès dix-huit heures. Dans la soirée, le phénomène s’accélère, les habitants sont asphyxiés, ou écrasés sous les décombres. L’activité du volcan redouble dans la nuit du 24 au 25 août : nuées ardentes, gaz brûlants, débris incandescents.


Quelques Pompéiens, ayant fui précipitamment, décident de revenir à Pompéi chercher ce qu’ils peuvent emporter de leurs biens. Ils croisent des voleurs désireux de profiter de l’occasion d’entrer dans ces maisons riches où quelques biens seraient faciles à dérober. Mais au petit matin, ce 25 août, une coulée de lave déferle du volcan. Les derniers survivants sont terrassés dans leur fuite. L’empreinte de leur corps imprime l’horreur de l’agonie. Vers huit heures, une ultime coulée ensevelit Pompéi pour près de mille sept cents ans jusqu’à sa résurrection en 1748, date à laquelle le site commence à être l’objet de fouilles.


C’est l’aventure de ces découvertes qui est relatée dans ce livre. Les recherches sont menées d’une façon sporadique jusqu’en 1860, dans le seul but de récupérer des peintures et des objets précieux. Puis la mise en place d’une méthodologie donne un caractère scientifique à ces travaux. Enfin, au XXème siècle, l’idée est de restituer à Pompéi ses œuvres d’art et son patrimoine et de laisser sur place ce qui peut évoquer la vie d’autrefois.

Le livre de Pierre Gusman est une impression de la cité ensevelie à la fin du XIXème siècle, une analyse de la vie à Pompéi, à la lumière des exhumations faites jusqu’alors. Il est écrit avec subjectivité, lyrisme et sensibilité.

 

pourquoi j’ai mangÉ mon pÈre ?

Roy lewis

Pocket

 2004

Approchez Homo sapiens ! Ce livre vous fera hurler de rire ! Faites la connaissance d’une famille préhistorique : Édouard, le père, génial inventeur qui va changer la face du monde en ramenant le feu ; Vania, l’oncle réac, ennemi du progrès ; Ernest, le narrateur, un tantinet benêt ; Edwige, Griselda et autres ravissantes donzelles…


Ces êtres délicieux font le monde autour d’un feu en dégustant des os à moelle. Regardez-les découvrir l’amour, s’essayer à la drague, se battre avec l’évolution…


Situations rocambolesques, personnages hilarants d’un monde où l’homme est pourtant déjà homme : batailleur, jaloux, ingrat et aussi rétrograde. Un miroir à consulter souvent. Pour rire et réfléchir.
Un super livre qui nous fait réfléchir sur nos origines avec beaucoup d’humour et de rire.

 

pour retrouver la parole

dachez – Bruno étienne & maffesoli

EDITION LA TABLE RONDE

 2006

Un an après le choc du Crépuscule des Frères, Alain Bauer revient sur ses interrogations. Le temps de la reconstruction succède à celui de la critique. Il s’agit désormais de Retrouver la Parole.


Roger Dachez, historien de l’ésotérisme, Bruno Étienne, sociologue du fait religieux, Michel Maffesoli, philosophe de l’imaginaire, l’accompagnent dans cette entreprise, lui répondent, et se répondent.


Qu’en est-il aujourd’hui de l’initiation et de la laïcité ? De la fraternité et de la société ? Du secret et de la médiatisation ? Des Maçons et de la France ? De la Franc-maçonnerie et du devenir de l’homme ?

  

POUSSIḔRES  D’ḖTOILES

Hubert  Reeves

Edition DU SEUIL

 1984

C’est Galilée qui, le premier, a regardé le ciel avec une lunette astronomique. En quelques nuits, il découvre tour à tour, les montagnes de la lune, les satellites de Jupiter et les étoiles de la voie lactée.

Cela se passe en 1609, il y a au moins 4 siècles. Depuis grâce à l’amélioration des instruments d’observation, les astronomes ont découvert un grand nombre d’astres nouveaux, comme les nébuleuses, les galaxies et plus récemment les pulsars et les quasars.

 

L’humanité doit à l’astronomie une riche moisson d’images célestes, tout comme elle doit à la biologie le spectacle de la vie microscopique.

 

L’homme d’il y a quelques siècles ignorait tout des galaxies et des microbes. C’est grâce à la technologie que ces réalités sont entré »es dans son champ de connaissance.

 

Dans ce best-seller, Hubert Reeves nous explique la naissance de l’univers, la formation et la vie des étoiles et toute la vie planétaire qui se passe au-dessus de nos têtes.

 

PROUST     QUI  SUIS- JE ?

PASCAL  IFRI

EDITION  PARDES

 2008

Marcel PROUST est sans conteste, le plus grand romancier du XXe siècle. Depuis la parution de « A la recherche du temps perdu », son chef d’œuvre, sa réputation n’a cessé de croître.

 

En moins de cent ans, des centaines de livres et des milliers d’articles lui ont été consacrés, et il est aujourd’hui avec Shakespeare, l’auteur le plus étudié et le plus commenté au monde. Son influence sur la littérature postérieure à la publication de ses romans a été et demeure considérable, la plupart des écrivains s’étant définis et continuant à se définir, d’une manière ou d’une autre, par rapport à lui.

 

Ce roman a été traduit et retraduit dans des dizaines de langues et a fait l’objet de centaines d’adaptations en tous genres : films, spectacles, programmes radiophoniques et télévisés, pièces de théâtre, ballets, bandes dessinées et même une comédie musicale à New York. Proust a tellement envahi l’espace culturel, au sens le plus vaste de l’expression, qu’on le rencontre partout : Omniprésent sur internet et personnifiant fréquemment le grands écrivain pour les médias, il apparaît également sur des posters, des calendriers, des montres etc.

Sa place est telle dans la littérature mondiale, qu’il est devenu une sorte de mythe universellement reconnu qui, même chez les personnes les plus incultes, évoque un mondain, un snob ou un asthmatique ou bien fait penser à une madeleine trempée dans du thé ou même à une chambre tapissée de liège.

Si Proust se trouve au pinacle du monde littéraire et culturel, il le doit essentiellement à la recherche du temps perdu, qui est le monument incontournable des lettres françaises modernes. Bien qu’il ait été toute sa vie imprégné par le roman du XIXe siècle, il a grandi à l’époque où le réalisme connaissait son dernier avatar : le naturalisme, et il a été l’un des premiers écrivains à comprendre que le nouveau siècle devait donner naissance à une nouvelle littérature romanesque, une littérature que son roman incarne à la perfection.

 

Le principal but de ce livre est de présenter l’homme et son œuvre, et surtout démystifier celle-ci, de corriger les conceptions erronées qui s’y attachent trop souvent, certes le style de Proust est particulier mais on s’y accoutume et succombe à ses délices et à sa beauté après quelques dizaines de pages.


En fait, loin d’être pénible, la lecture de « A la recherche du temps perdu » représente pour beaucoup une expérience unique, délicieuse et inoubliable dont le plaisir est intensifié par la durée.
Lire Proust c’est lire sa propre vie ou autobiographie, lire Proust c’est nous apprendre à déchiffrer la nature, un livre, un tableau, un morceau de musique, c’est apprendre à décoder les lois qui régissent les rapports sociaux, surtout les rapports amoureux, et la vie en général, c’est être constamment amusé par le regard jeté sur le monde par un narrateur qui sait admirablement discerner les ridicules et les travers des hommes, bref c’est une aventure humaine et intellectuelle hors pair.

 

17 Q

qumran

Éliette abecassis

EDITION  ALBIN MICHEL

 2001

Triller théologique qui met en scène les manuscrits de la Mer Morte, volés et recherchés par un jeune juif religieux.

Un mystère jalonné de cadavres.

 

QUAND LE TIBET S’ÉVEILLERA

Alexandre Adler

Edition le Cerf

 2020

Révisant les approches manichéennes de la crise tibétaine, Alexandre Adler éclaire ici l'avenir inquiétant de la Chine où le bouddhisme de Lhassa est appelé à jouer un rôle pacificateur. Un lumineux traité de géopolitique religieuse. Et si la lecture occidentale du conflit entre le Tibet et la Chine était complètement erronée ? Et si, au contraire des apparences, l'empire du Milieu avait pour ambition de faire du Royaume des temples un des fers de lance de son développement ? Et si, à rebours de l'histoire, le pouvoir chinois comptait sur une restauration du dalaï-lama ?

Telles sont les thèses étonnantes, détonantes, d'Alexandre Adler. De l'invasion du Tibet (1950) à la révolte de Lhassa contre Pékin (2008), et relisant un demi-siècle de relations conflictuelles, le plus prophétique des essayistes annonce dans ce lumineux traité de géopolitique la réconciliation inattendue entre Xi Jiping et Tenzin Gyatso.

En fin connaisseur des arcanes de la diplomatie, et après des années d'investigation, Adler s'attaque ici avec habileté à un des sujets les plus inflammables des relations internationales. Lucide et rigoureux, il nous ouvre les yeux sur le monde de demain. Après que des émeutes tibétaines ont remis en cause l’exercice de l’autorité chinoise sur l’ensemble du territoire tibétain au printemps 2008, un dialogue s’ouvre à nouveau entre les autorités chinoises et les membres du gouvernement tibétain en exil.

Au-delà de la résolution des problèmes actuels de gouvernement d’une région, ces négociations parviendront-elles à infléchir les points de vue historiques des belligérants sur le statut du Tibet et sur l’état de leurs relations passées ou bien avanceront-elles, et ce sera déjà beaucoup, vers une nouvelle définition de l’avenir de la région autonome du Tibet ?

 

Région profondément marquée – comme la Mongolie ou la Bouriatie – par une forme particulière du bouddhisme, dit véhicule du diamant le Tibet reste entouré d’un halo de mystère. Qu’on le connaisse à travers les ouvrages de l’exploratrice Alexandra David-Neel qui a réussi à déjouer tous les interditsDavid-Néel, A., Mystiques et magiciens au Tibet, Paris, Plon, 1ère éd. 1929 (Pocket n° 1921); Voyage d’une Parisienne à Lhassa, Paris, Plon, 1ère éd. 1926 (Pocket n° 2095) , les récits d’Ella Maillart ou de Tintin au Tibet, le «pays des Neiges» s’est retrouvé bien malgré lui à la une de l’actualité en 1951. En effet, dans le sillage de sa conquête de la Chine, Mao n’avait nullement l’intention de s’arrêter à une frontière qu’il ne reconnaissait pas, bien que le droit international relevait l’indépendance de fait de cette région d’Asie centrale. En juillet 1960, la Commission internationale des juristes publiait les conclusions de son Comité d’enquête sur la question du Tibet. Après examen approfondi, ce dernier a en effet constaté «que le Tibet était un Etat indépendant, tout au moins de facto, au moment où l’Accord dit ‘sur les mesures de libération pacifique du Tibet’ a été signé en 1951; de 1913 à 1950, le Tibet réunissait les éléments constitutifs d’un Etat, au sens du droit international public. En 1950, il y avait là une population fixée sur un territoire et régie par un gouvernement qui administrait les affaires intérieures sans aucune immixtion étrangère. De 1913 à 1950, les relations extérieures du Tibet relevaient de son propre gouvernement; il ressort des documents officiels que les pays qui entretenaient alors avec le Tibet des relations diplomatiques l’ont toujours traité en fait comme un Etat souverain»CIJ, Genève, juillet 1960, Le Tibet et la République populaire de Chine, p. 6.. Une lointaine suzeraineté de l’empereur de Chine en était la seule relativisation, mais dans la pratique, le Tibet se gouvernait bien lui-même. Prétextant la nécessité de «libérer» le peuple tibétain qui n’en était aucunement demandeur et d’éliminer «l’influence des forces agressives de l’impérialisme au Tibet»Préambule de l’«Accord» de 1951. , l’Armée rouge entra dans Lhassa en 1950 et prit ses quartiers en face de la résidence du dalaï-lama, le Norbulingka. Le 14e dalaï-lama Barraux, R. Histoire des dalaï-lamas, Paris, Albin Michel, 1993. , chef spirituel et temporel du peuple tibétain, avait alors tout juste 16 ans.

 

Un temps, il sembla qu’une sorte de coexistence soit possible. En effet, si l’«accord» imposé en 1951 à la partie tibétaine consacrait la fin de toute indépendance nationale, il affirmait aussi que «les autorités centrales n’altèreront pas le système politique existant au Tibet, ne modifieront pas non plus le statut établi, les fonctions et les pouvoirs du dalaï-lama. Les responsables des divers rangs resteront à leur poste comme d’habitude. Pour ce qui est des différentes réformes au Tibet  le gouvernement local du Tibet pourra mettre en œuvre les réformes selon son propre gré . Les croyances religieuses, les traditions et les coutumes du peuple tibétain seront respectées, et les monastères lamaïques seront protégés. Les autorités centrales ne toucheront pas aux ressources des monastères.» www.tibet-info.net/www/L-Accord-en-17-points.html

 

Puis fut mis en place un comité préparatoire pour définir le statut de la «Région autonome du Tibet», en réalité une tentative de piéger les notables tibétains, dilués dans une majorité de collaborateurs et de Chinois. Il apparut assez vite que l’«accord», malgré les efforts du gouvernement tibétain, n’était qu’une façade; dans le pays, le mécontentement face à l’envahisseur grandissait. En mars 1959, le commandement militaire de Lhassa invita le dalaï-lama à assister à un spectacle dans le cantonnement chinois, mais – contrairement au protocole – sans sa garde de vingt-cinq soldats tibétains et ses proches collaborateurs. Flairant le piège, craignant son enlèvement et son emprisonnement, la capitale se souleva. La répression qui s’ensuivit n’eut rien à envier à celle qui, trente ans plus tard, écrasera la révolte étudiante sur la place Tien An Men; un déluge d’artillerie s’abattit sur la ville et ses principaux monuments, laissant un large nombre de morts et de blessés. Le dalaï-lama dut s’exiler en Inde, suivi par des dizaines de milliers de ses compatriotes. Le gouvernement tibétain fut démis et une période d’implacable mise au pas commença. Pour un récit détaillé de ces journées décisives, lire Tenzin Gyatso Dalaï-lama, mon pays et mon peuple, Genève, Olizane, 1984 (éd. originale 1962).Depuis, il y a deux Tibet. Celui des communautés tibétaines en exil, environ 130 000 personnes habitant principalement en Inde mais aussi dans d’autres parties du monde – Europe et Etats-Unis – et celui des actuellement six millions de Tibétaines et Tibétains vivant sur place.

 

Le Tibet en exil choisit, sous la conduite du dalaï-lama, de se doter d’une gouvernance démocratique, avec un parlement élu par les communautés tibétaines du monde, un gouvernement responsable devant lui et une commission de justice; les Tibétain-e-s sont bien sûr soumis aux législations des Etats dans lesquels ils résident. Il développe une action soutenue pour rappeler la situation du peuple tibétain, et cherche en vain le dialogue avec le pouvoir chinois. En 2011, le dalaï-lama renonça à toute fonction politique, se concentrant sur son rôle de guide spirituel, et dispensant au monde son enseignement d’humanisme, de fraternité et de respect de la nature. La position du gouvernement en exil n’est pas, contrairement à ce que la propagande chinoise aime à faire croire, de retrouver une indépendance perdue, mais que la «Région autonome du Tibet» soit ce qu’elle prétend être.

 

Au Tibet, la révolution culturelle fut particulièrement dévastatrice. Temples, monastères, statues, enluminures, manuscrits précieux furent taillés en pièces, démantelés, jetés au feu ou anéantis d’une autre manière. Depuis 1959, 90% des biens et sites culturels, religieux et traditionnels tibétains ont été détruits et une petite partie seulement remise en état. Puis la région, devenue colonie de peuplement chinoise, a vu ses ressources naturelles saccagées et s’installer un mode de vie occidentalisé et consumériste à l’excès, si bien que le peuple tibétain se retrouve étranger dans son propre pays. La sédentarisation forcée de milliers de nomades a rendu leur mode de vie ancestral pratiquement impossible. Inutile de dire qu’il n’y existe – comme d’ailleurs partout en Chine – aucune liberté d’association ni d’expression. Si l’enseignement et la pratique de la médecine tibétaine semblent possibles, celles de la langue ou de la religion sont à la merci des humeurs des dirigeants chinois. Depuis quelque temps, des représentants du gouvernement et du parti ont pris le contrôle de la plupart des monastères et lieux de culte encore ouverts, veillant à ce qu’ils restent dans la ligne officielle.

2Les deux parties partent de postulats différents : une relation d’appartenance du Tibet à la Chine pour les Chinois, et une relation de maître spirituel à protecteur pour les Tibétains. D’emblée, les protagonistes se placent dans deux univers distincts : le premier est politique et fait référence à un territoire et un statut, le second fait appel à des notions religieuses, lesquelles ne sont toutefois pas exemptes d’implication politique. De fait, ces points de vues sont importants et offrent des interprétations divergentes des événements.

3L’historiographie chinoise moderne retient plusieurs dates clés pour justifier l’appartenance du Tibet à la Chine : le mariage de la princesse chinoise Wencheng (d. 680) avec le roi tibétain Srong btsan sgam po (617-649 ?), la remise de la régence du Tibet entre les mains de Sa skya Panchen par Godan-qan (en 1249), la réorganisation du Tibet par Khubilaï (en 1260, empereur de Chine de 1277 à 1294) et la réorganisation administrative des Qing (en 1792) accordant aux commissaires impériaux mandchous (amban) un droit de regard sur l’administration et la politique tibétaines. En dehors des périodes d’échanges militaires, culturels et religieux d’une grande intensité à l’époque royale au Tibet et sous la dynastie chinoise des Tang, le Tibet établit des relations avec deux dynasties étrangères – celle des Mongols (1277-1368) et celles des Mandchous (1644-1911) – alors qu’elles étaient les maîtres de la Chine et avaient choisi Pékin comme siège de leur empire. C’est pendant ces deux dernières périodes que les relations furent d’une grande importance du fait de l’adhésion, à des fins religieuses et/ou politiques, des empereurs mongols et mandchous à une ou plusieurs écoles du bouddhisme tibétain. De la sorte, au même titre que l’on ne qualifie pas l’Inde britannique du nom d’« Angleterre » mais d’« Empire britannique des Indes », il est important de garder en mémoire que la Chine fit partie des deux grands empires mongols et mandchous qui choisirent Pékin comme capitale et gardèrent des traits culturels qui leur étaient propres. Les relations sino-tibétaines prennent du même coup une dimension dont les limites dépassent largement le cadre étroit de contacts pacifiques ou belliqueux entre deux pays (le Tibet et la Chine). Elles s’inscrivent dans une dynamique qui touche l’ensemble du territoire asiatique, et ce, quelles que soient les époques.

La période royale tibétaine et la dynastie chinoise des Tang (7e – 9e siècles)

4L’accession au trône (618) du premier roi historique tibétain Srong btsan sgam po (610-650) fut concomitante de l’avènement de la dynastie chinoise des Tang (618-907). La Chine, depuis les Han (et jusqu’aux Ming), habituée à lutter contre les empires nomades du Nord – c’est sous les Tang que la deuxième période de construction de la Grande Muraille, après celle des IIIe et IIe siècles avant notre ère, eut lieu – se trouva confrontée sur sa frontière occidentale à un pouvoir militaire désireux d’étendre son empire et son autorité dans toutes les directions.

5À cette époque, l’empire tibétain atteignit sa dimension maximale : il conquit successivement le royaume de Zhangzhung dans la région du mont Kailash, les tribus Qiang du Sud-Est du Tibet, le royaume Azha dans la région du lac Kokonor et avança jusqu’au Népal. Il envahit le nord de l’Inde et avança vers le territoire chinois, au point que les soldats tibétains approchèrent des portes de Chang’an (actuel Xi’an), alors capitale de la dynastie chinoise des Tang (620-906). Srong btsan sgam po demanda en mariage une princesse chinoise en 634. Les hésitations de l’empereur furent vite balayées dès lors que l’armée tibétaine menaçait les Tuyuhun et ses frontières ; il accepta cette alliance matrimoniale. Ce mariage se concrétisa en 641, la princesse Wencheng (d. 680) rejoignant Lhassa ; ce qui allait instaurer une période de paix jusque vers 660. Puis, les Tibétains reprirent leurs attaques contre les Tuyuhun et avancèrent toujours plus avant en Asie centrale (régions du Sud-Ouest et du Nord du bassin du Tarim), devenant de féroces adversaires des Chinois. Pour finir, en 670, ils occupèrent le territoire des Tuyuhun. Leur puissance était telle que le roi ’Dus srong mang rje (676-704) conclut une autre alliance matrimoniale avec la Chine. À sa mort, il y eut alliance matrimoniale entre son fils (Khri lde gtsug btsan, 704-754) et la princesse chinoise Jincheng (d. 739) arriva au Tibet en 710.

6Les attaques tibétaines contre le territoire chinois se succédèrent et des traités de paix furent régulièrement signés jusqu’à ce que les Tibétains, affaiblis et dans l’impossibilité de récupérer les oasis perdues du bassin du Tarim, s’allient aux Chinois, alors partisans des Turcs, pour contre-attaquer les Ouïghours. Un traité de paix fut signé entre Chinois et Tibétains en 730-734.

7Au milieu du VIIIe siècle, Turcs et Ouïghours s’unirent ; les Chinois s’affaiblissant après la révolte d’An Lushan (755) qui obligea l’empereur à rappeler ses troupes à l’intérieur du pays. Sous le règne de Khri srong lde btsan (742-797 ? ; r. 755-797), les Tibétains reprirent leur progression et conquirent le Nanchao au sud-ouest de la Chine. Puis, alliés aux Ouïghours, ils occupèrent les régions au nord de la Chine et Chang’an, la capitale chinoise, en 763, ce que ni les Turcs, ni les Ouïghours n’avaient osé entreprendre. Ils intronisèrent un empereur fantôche, le frère de la princesse Jincheng.

8De 706 à 822, la Chine et le Tibet signèrent sept traités. Ral pa can (r. 815-838) signa le dernier d’entre eux en 821-822. Par ce traité, les belligérants se reconnaissaient mutuellement leurs frontières que la dynastie Tang à l’Est et la royauté tibétaine à l’Ouest s’engageaient à respecter.

9De l’époque dynastique tibétaine glorieuse, l’historiographie chinoise moderne ne mentionne que les mariages avec les deux princesses chinoises, arguant principalement qu’elles apportèrent le bouddhisme. Elle omet les cinq autres épouses de Srong btsan sgam po, ne comptant que la chinoise et la népalaise, ainsi que le choix du bouddhisme indien préféré au bouddhisme chinois, et passe sur l’élaboration d’une écriture proprement tibétaine, dérivée de l’alphabet sanscrit et non des caractères chinois. Les Tibétains, pourtant, surent tirer profit de leurs diverses conquêtes, empruntant aux uns les techniques, aux autres les systèmes de divination, par exemple, ainsi que le bouddhisme rencontré tant en Inde que dans les oasis d’Asie centrale au VIIe siècle ou au royaume du Nanchao au Yunnan au VIIIe siècle. Ils absorbèrent et adaptèrent les traits culturels et le développement qui leur manquaient. C’est ainsi que l’on retrouve aujourd’hui dans la médecine tibétaine des influences indiennes, chinoises et grecques venues de l’Iran. Le bouddhisme, devenu religion d’État sous Khri srong lde btsan, contribua également à l’évolution intellectuelle du pays, avec la construction de monastères, la recherche de textes et l’organisation de débats philosophiques.

10À partir du milieu du IXe siècle, des luttes intestines détruisirent l’unité impériale du Tibet qui perdit progressivement les territoires conquis pour ne conserver que la partie tibétaine à proprement parler. À l’époque de grandeur impériale succéda une période de chaos. Les clans, à la tête de principautés, se livrèrent à des guerres sans merci. Les monastères furent laissés à l’abandon et les moines se dispersèrent. Deux groupes distincts se réfugièrent l’un au Nord-Est du Tibet, en Amdo, l’autre au Nord, dans le mNga’ ris. De là, le bouddhisme reprit vigueur et des maîtres indiens furent de nouveau invités à se rendre au Tibet. De nouvelles écoles philosophiques furent créées, certaines finissant par prendre le pouvoir au Tibet.

11En Chine, le désintérêt des derniers empereurs de la dynastie Tang pour la guerre précipita leur fin. Le pays se morcela. Ce fut alors la cohabitation de cinq dynasties et des dix royaumes (907-960). Puis la coexistence entre la dynastie des Song du Nord (960-1127) avec différents royaumes du Nord et du Nord-Est – les Xixia (Tanguts, 1032-1227), les Liao (Kitan, 946-1125) et les Jin (Jürchen, 1115-1234). La dynastie chinoise des Song du Sud (1127-1279) se partagea le territoire avec les Jin du Nord (1115-1234).

 

 

 

17 R

raspoutine le paria…

Ph. VIDAL

EDITION  Mémoires Apocryphes

 1983

Vénal, fornicateur et alcoolique : la légende n’a retenu de Raspoutine que ce côté noir. L’auteur nous en dit un peu plus sur son autre face. Homme qui allait de monastère en monastère en quête d’une spiritualité et d’une mission : sauver la Russie. Comment et pourquoi devint-il le conseiller du Tsar et le favori de la Tsarine.

 

Si les uns l’accusaient de tous les péchés mortels, les autres le vénéraient comme un saint. La vie du simple paysan devenu ami de la famille du dernier tsar russe Nicolas Romanov, recèle un bon nombre d’énigmes. On ignore jusqu’à la date de sa naissance, sa biographie avant la période saint-pétersbourgeoise est émaillée de « taches blanches » et des légendes circulent toujours sur sa mort atroce.

 

Le futur favori du tsar vit le jour au village sibérien de Pokrovskoïe. Les villageois se souvenaient que dans sa jeunesse, Grigori leur donnait du fil à retordre : c’était un ivrogne doublé de bagarreur et de voleur. A la suite d’un vol, les paysans battirent quasiment à mort ce garçon égaré et à partir de ce moment, Raspoutine changea complètement : il devint religieux et fit des pèlerinages à pied dans des monastères situés à des milliers de kilomètres de son village natal. On disait même qu’il avait acquis le don de prophétie. On se demande si c’était vrai ou si Raspoutine était simplement un bon comédien mais les rumeurs sur l’étonnant « starets » Grigori finirent par atteindre Pétersbourg, capitale de l’empire. En 1904, Raspoutine commença à être reçu par les aristocrates de la capitale et bientôt on le présenta à la famille impériale.

 

Tous ceux qui contactaient Raspoutine notaient qu’il s’en dégageait une aura vraiment magique. Ce paysan sibérien était sans doute un excellent hypnotiseur. Dès la première rencontre avec le couple royal, Grigori prit sur lui un ascendant tout particulier.

Maurice Paléologue, ambassadeur de France en Russie écrivait : « Il les avait complètement subjugués comme sous l’effet d’un charme ». D’ailleurs, il y avait en plus de ce « charme », une raison plus importante qui expliquait l’attachement du tsar et de la tsarine pour Raspoutine : il soignait leur fils, l’héritier du trône Alexis. L’enfant souffrait d’hémophilie (trouble de coagulation sanguine) et la moindre égratignure pouvait lui devenir fatale. Les meilleurs médecins se déclaraient impuissants mais « le starets » parvenait curieusement à arrêter les saignements d’Alexis. « L’héritier vivra tant que je vivrai », suggéra Raspoutine au couple impérial, et il ajouta : « Ma mort sera aussi la vôtre ». L’influence de ce paysan inculte à la cour du tsar grandissait d’année en année.

 

 Raspoutine prenait des pots-de-vin pour faire du lobbying en faveur des transactions commerciales ou pour aider les fonctionnaires à obtenir des postes convoités. Personne n’osait rien refuser au favori du tsar. Grigori menait cependant un grand train de vie et le tout Pétersbourg faisait des ragots sur ses beuveries et ses parties de débauche avec les femmes de la haute société. Des rumeurs sordides coururent sur les liaisons intimes du « starets » avec la tsarine et ses filles. Le prestige de la dynastie régnante se dégradait à vue d’œil.

 

Grigori Raspoutine se mêla également de politique, en dissuadant Nicolas II de prendre part aux conflits armés. Ce paysan madré sentait que cela allait mal tourner pour la monarchie. La vie montra qu’il avait raison ! En effet, quand la Russie s’engagea finalement dans la Première guerre mondiale, Raspoutine convainquit le tsar de prendre le commandement de l’armée mais Nicolas II se révéla être un piètre chef militaire. La haine de Raspoutine ne tarda pas à embraser toute la société. Voulant sauver la famille du tsar de l’influence maléfique du « starets », plusieurs aristocrates décidèrent de tuer Raspoutine.

 

Dans la nuit du 16 au 17 décembre 1916, les conspirateurs l’invitèrent dans la maison du prince Félix Youssoupov. On lui servit des pâtés et du vin empoisonnés mais le puissant poison resta, curieusement, sans effet sur lui ! Alors Youssoupov lui tira dans le dos et Raspoutine s’effondra. Mais pendant que les conspirateurs se préparaient à se débarrasser du corps, « le cadavre » se ranima soudain, bouscula Youssoupov et se précipita dehors. Les conspirateurs lui fracassèrent le crâne et jetèrent le corps dans les eaux glacées de la Neva. L’expertise devait établir par la suite qu’empoisonné, criblé de balles et mutilé, Raspoutine était toujours vivant avant de plonger dans l’eau comme si un pouvoir inconnu tentait de le retenir en ce monde. La mort de « l’hypnotiseur » ne sauva pas la monarchie. Deux révolutions ébranlèrent la Russie en 1917, d’abord celle antimonarchique de février suivie de la révolution d’Octobre, qui fit table rase de l’ancien régime. Nicolas II et sa famille furent fusillés par les bolcheviks en 1918. Ainsi s’accomplit pleinement la prédiction de Raspoutine : « Ma mort sera aussi la vôtre »…

 

REBATET.  QUI SUIS-JE ?

PASCAL   IFRI

EDITION  PARDES

 2004

Lucien Rebatet   constitue un cas à part dans l’histoire intellectuelle de la France du XXe siècle. Non seulement, il a fait preuve d’un éclectisme rare, en abordant tous les domaines ou presque, mais encore il s’est illustré en chacun d’entre eux. Il est d’abord et avant tout, l’auteur des deux étendards, un immense livre que nombres de critiques et d’écrivains ont salué comme un chef d’œuvre et qui,  tôt ou tard sera universellement reconnue  comme un des grands romans de la seconde moitié du siècle. Il  a, en outre écrit le pamphlet  les Décombres, le bestseller de l’occupation, qui se situe dans la lignée des œuvres d’Agrippa d’Aubigné et de Léon Bloy et qui est considéré comme un des meilleurs documents sur la France des années trente et de Vichy.

 

Historien de l’art  également, il a composé une histoire de la musique qui s’est immédiatement imposée comme un ouvrage de référence sur le sujet et qui, plusieurs décennies après sa publication, continu à faire autorité et est régulièrement l’objet de nouvelles éditions. Qui plus est-il s’est distingué comme chroniqueur et journaliste. Critique d’art et de littérature, il a rédigé des milliers d’articles qui reflètent une vaste culture, une intelligence supérieure, une sensibilité et une sagacité  peu commune ainsi qu’une farouche indépendance d’esprit. Critique de cinéma et pionnier du genre sous le pseudonyme de François Vinneuil, il a montré, pendant plus de trente ans, une étonnante qualité de jugement qui lui a valu une énorme influence dans le milieu et la reconnaissance et l’amitié de nombreux réalisateurs, de Jacques Becker à François Truffaut. Journaliste politique, enfin notamment à l’Action Française et à  je suis partout  il s’est fait un des champions de la droite et du fascisme et, par sa véhémence et son âpreté  a considérablement influencé le débat public dans la France des années trente et du début des années quarante.

 

Toutefois ce côté monstrueux de la personnalité de Rebatet rend l’homme et son œuvre encore plus intrigant et soulève toutes sortes de questions. Le fait que l’intolérance  , la haine , le fanatisme et la furie meurtrière puissent se conjuguer , chez le même homme , avec une intelligence , un talent , une culture et une sensibilité hors du commun , constitue un mystère ou du moins un paradoxe passionnant et ne peut qu’accroître  l’intérêt d’une étude sur sa personne  et sa production .

 

RIEFENSTAHL LENI -  QUI SUIS-JE ?  

Gérard  Leroy

Edition  Pardès

 2015

Leni Riefenstahl (1902-2003): « Mon existence n’aura été qu’un exercice interminable d’équilibrisme. J’ai l’impression d’avoir vécu plusieurs vies, que je n’ai pas dirigées, qui m’ont conduite: par des hauts et des bas, des sommets et des précipices. Sans un instant de repos, comme sur les vagues d’un océan.

 

Mais toujours à la recherche de l’extraordinaire, du merveilleux, de tout ce qui fait les mystères du vivant.» (Mémoires.) Leni Riefenstahl demeure la cinéaste la plus controversée de l’histoire du cinéma parce qu’elle côtoya en amie Adolf Hitler et que ses monuments filmiques furent bâtis au temps du IIIe Reich. Née au sein d’une famille bourgeoise, jeune fille sportive, elle devient une danseuse expressionniste célèbre avant de devoir renoncer à une brillante carrière à la suite d’un accident au genou. Égérie du cinéma muet, Arnold Franck lui confie en 1926 son premier rôle d’actrice (La Montagne sacrée).

 

En 1932, elle réalise son premier film: La Lumière bleue, appel à la tolérance et au respect d’autrui (médaille d’argent à la Mostra de Venise). Sous le régime national-socialiste, elle connaît une immense renommée en tournant l’un des plus grands films de propagande, Le Triomphe de la volonté, en 1935, sur le congrès du Parti à Nuremberg (1934) il sera récompensé par la médaille d’or du cinéma, à Paris, en 1937) , ainsi que Les Dieux du stade (Olympia), en 1938, sur les Olympiades de Berlin, certainement le plus grand film sportif jamais réalisé (médaille d’or du Comité international olympique en 1948). Après la guerre, poursuivant toujours sa quête du Beau, elle devient la photographe émerveillée du peuple africain des Nouba et la cinéaste des fonds sous-marins (elle passe son brevet de plongée sous-marine en 1973, à 71 ans). Femme pionnière, elle a suscité admiration, haine et jalousie. Son dernier film, Impressions sous-marines, date de 2002. Morte à 101 ans, son «regard d’argent» portera à jamais la marque du Soleil, de la Lune et des étoiles.

Leni (Helene) Riefenstahl est née le 22-8-1902, à Berlin. On lui connaît au moins un frère cadet. Attirée par les activités culturelles et sportives, la jeune fille réunit ses deux pôles d'intérêt par la pratique de la danse. Mais une blessure à un genou l'oblige à abandonner la discipline. Alors, contre la volonté de son père, elle se tourne vers l'art dramatique. Selon certains historiens, on peut la voir dès 1925 dans «Wege zu Kraft und Schönheit», film dans lequel elle incarnerait une danseuse. Mais elle n'en parlera pas dans ses mémoires et l'information n'est donc pas certaine.

Sous l'égide d'Arnold Fanck…Assistant à la projection d'un “film de montagne”, «Der Berg des Schicksals/La montagne du destin» (1924), Leni est fascinée par la beauté des images. Ayant réussi à entrer en contact avec le réalisateur Arnold Fanck, elle parvient à se faire engager dans son prochain film, «Der Heilige Berg/La montagne sacrée» (1926). Ainsi commence une collaboration fructueuse entre le cinéaste et la jeune femme, qui se prolongera sur une demi-douzaine d’œuvres “montagnardes”.

 

Dans la lignée de ces œuvres magnifiques, lorsque se présente à elle l'opportunité de réaliser un film, Leni Riefenstahl choisit naturellement les Dolomites comme décor de «Das Blaue Licht/La lumière bleue» (1932). A la fois réalisatrice, actrice, co-scénariste, monteuse et productrice, “la femme à la caméra” assure la maîtrise totale de son œuvre, qui connaît un succès international, remportant la médaille d'argent de la Biennale de Venise (1932). Remarquée par les dirigeants du NSDAP (le parti national socialiste allemand) qui ne tarde pas à prendre, par les urnes, le pouvoir en Allemagne, c'est sous son contrôle qu'elle réalise un reportage sur le congrès du parti, «Der Sieg des Glaubens/La victoire de la foi» (1933). Le film annonce une plus grande implication dans la propagande nazi, concrétisée par le tournage de «Triumph des Willens/Le triomphe de la volonté» (1934). Montrer "… cet Adolf Hitler divin percer avec son avion les lambeaux de nuages au-dessus de Nuremberg pour descendre vers le peuple au Congrès du Parti qui l'attend" (Klaus Kreimeier, «Une histoire du cinéma allemand: la UFA») ne peut être considéré comme une simple création artistique, mais bien comme le résultat de la fascination qu'un homme et les valeurs de son système politique exercent sur la jeune femme. Elle reconnaîtra plus tard avoir rencontré Hitler "… qui me fit de discrètes avances auxquelles je n'ai pas répondu. S'il l'avait vraiment voulu, j'aurais été sa maîtresse, c'était inévitable…".

 

Certes, d'autres réalisateurs se firent les chantres de “la Peste Noire” pendant cette période de la même couleur. Mais Leni Riefenstahl le fit avec tant d'enthousiasme lyrique qu'il est difficile de croire qu'elle ne partageait pas certaines valeurs du nazisme naissant. Le Dr. Goebbels avait la haute main sur la presse et le cinéma et c'est bien le Ministère de la Culture qui finançait toutes ces œuvres. En 1936, Leni Riefenstahl se voit commanditer (mémoires d'Albert Speer) la réalisation d'un documentaire sur les Jeux Olympiques de Berlin. Selon elle, elle entreprend ce travail de sa propre initiative: "Malgré le peu d'enthousiasme du Führer pour les Jeux Olympiques, je préparai ce reportage que je voulais présenter comme un rejet de la théorie raciale de la supériorité aryenne". Les images de Jesse Owens, multiple vainqueur des sprints et du saut en longueur, plaident en faveur de cette affirmation. Cette oeuvre en deux volets, «Olympia/Les dieux du stade» (1936), fut toujours vantée pour son “esthétisme raffiné”. Les images chantent la victoire du corps et “le triomphe de la volonté”. Le succès du film (présenté le 30 avril 1938, jour anniversaire du Führer) fut considérable: la réalisatrice est félicitée par Walt Disney lors d'une rencontre sur le sol américain, tandis que Staline, outre une invitation à Moscou à laquelle elle ne donne pas suite, lui aurait proposé de venir travailler en Union Soviétique ! (Source: Encyclopédie Atlas du Cinéma, page 260). En juillet 2003, les droits du film seront rachetés par le Comité International Olympique.

 

On peut lire que la protégée du Führer s'attira la haine de Goebbels et de nombreux dirigeants du parti nazi. Toujours est-il qu'elle ne put mener à bien ses projets suivants, dont une illustration de la vie de Vincent Van Gogh. Aux premiers mois de la guerre en Pologne, on la vit préparer des reportages qu'elle pensait tourner sur les lieux même des combats. L'affaire tourna court pour des raisons obscures. Qu'elle en fut consciente ou pas, qu'elle s'en défende ou non, Leni Riefenstahl (qui, il faut le dire, n'adhéra jamais au NSDAP) fut au cinéma nazi ce que Speer fut à son architecture ou, de manière posthume, Wagner à sa musique. Entre 1945 et 1948, la cinéaste fera plusieurs séjours en prison, entrecoupés d'assignation à résidence. Qualifiée par une commission d'enquête de "sympathisante du régime nazi", aucune condamnation ne sera toutefois prononcée contre elle.

 

Son dernier film, «Tiefland/Le bas-pays», entamé en 1940, ne fut achevé qu'en 1954. Jean Cocteau en réalisa les sous-titres français et tenta vainement de le faire projeter au Festival de Cannes. L'oeuvre fit, plus tard, l'objet de plusieurs procès. Le scénario exigeant des figurants espagnols, "… elle leur substitua des Tziganes sélectionnés dans un camp de concentration, à Maxglan, près de Salzbourg. Elle a toujours nié s'être rendue à Maxglan. Elle a intenté à ce sujet, après 1945, deux procès en diffamation qu'elle a gagnés. Mais elle est loin d'avoir été lavée, pour autant, du soupçon d'infamie." écrit Lionel Richard dans un article du Monde Diplomatique.

La carrière de réalisatrice de Leni Riefenstahl semblait s'achever, comme elle avait commencé, par un film de fiction dans lequel elle tenait le premier rôle. En 1956, Leni Riefenstahl prépare un nouveau documentaire, «Schwarze Fracht» qui, s'il n'aboutira pas, lui permet de découvrir l'Afrique et de tourner un documentaire en 16 mm (inachevé) sur la peuplade soudanaise des Noubas.

 

Se lançant alors avec passion dans l'art photographique, elle retournera à plusieurs reprises au Soudan et publiera de ces voyages les albums «Les Noubas»" et «Les Noubas de Kau». Plus tard, ses travaux africains furent parfois jugés comme fascisants parce qu'ils exaltaient, dans la lignée des «Dieux du stade», la force et la beauté des Indigènes noirs. Aurait-t-on tenu de tels propos si ces reportages n'avaient été l’oeuvre de Leni Riefenstahl ? Il est vrai que l'on ne prête qu'aux riches…

A 71 ans, la désormais photographe, mentant sur son âge, parvient à obtenir son brevet de plongée sous-marine. Elle mettra ses dernières forces à profit pour publier un nouvel album, «Les jardins de corail». «Depuis toujours, je suis fascinée par la beauté, la force, la santé et la vie. J'ai trouvé tout cela sous l'eau. C'est un jardin de pure harmonie, une liberté absolue". Elle termine sa carrière en réalisant des reportages photographiques pour des magazines anglo-saxons, notamment sur les Jeux Olympiques de Munich et sur Mick et Bianca Jagger. Au cours des années 90, interrogée, la réalisatrice disait ne rien regretter de son passé. Aux derniers moments de sa vie toutefois, atteinte d'un cancer, elle déclarait: "Je regrette à cent pour cent d'avoir rencontré Hitler. Toute ma souffrance après la guerre est née de là". Ambiguë jusqu'aux derniers jours…

 

En 2000, âgée de 98 ans, elle est victime d'un grave accident d'hélicoptère alors qu'elle se rendait encore une fois au Soudan. La vieille dame se remet de ses nombreuses fractures. En 2002, elle produit un documentaire, «Impressions sous-marines», basé sur ses années de plongée. C'est à l'occasion de son centenaire, en octobre de la même année, que Lionel Richard, déjà cité, lui consacre, dans Le Monde Diplomatique, un article sévère intitulé ‘’indécente réhabilitation’’. La «dame de fer» a fait preuve d'une vitalité admirable (ce document est censé nous la présenter en mars 2003, à près de 101 ans. Si c'est vrai, c 'est tout bonnement incroyable !). Rejetée par ses compatriotes, pour qui elle incarnera éternellement le nazisme triomphant, c'est pourtant dans son pays qu'elle s'était fixée. Elle y décèdera le 8 septembre 2003, à Pocking, en Bavière. Petit livre de réflexion sur la beauté et la joie de vivre. C’est un livre de vie plein de poésie et de profondeur.

  

REDEVENIR SIMPLE

Michel BARBARIN

EDITION  Les 2 Océans

 1998

Petit livre de réflexion sur la beauté et la joie de vivre. C’est un livre de vie plein de poésie et de profondeur.

  

rue du temple – TOME 1

J. Paul martin

EDITION CAP BÉAR

 2005

Le Comte Ferdinand Salvadori descendant d’une riche famille patricienne de Venise est un personnage qui a bel et bien existé. Il est né dans la Sérénissime le 24.01.1802, fils du Comte Antonio SALVADORI et de Maria Magdalena Filiffi issue d’une famille de commerçants très aisés. Ferdinand est mort à Perpignan le 20.06.1860 et inhumé dans un caveau de l’église St Jacques. Marié à Fanny de Bruguère (08.03.1803 – 27.02.1890) d’une très ancienne famille perpignanaise, il laissera une descendance roussillonnaise de deux enfants :


 Marie sa fille aînée (16.08.1844 – 11.07.1933) mariée à Hippolyte Sirven.


 Armandine (27.07.1847 – 01.07.1919) célibataire.


Le roman s’inspire bien entendu de la courte vie tumultueuse de ce personnage attaché aux idées véhiculées par la Franc-maçonnerie de l’époque, dans une Europe du milieu du XIXème siècle en pleins bouleversements, sans toutefois être un roman biographique.

 

rue du temple – tome 2 – de minuit À minuit

Jean-Paul martin

EDITION LES PRESSES LITTERAIRES

 2007

Suite de la « Rue du Temple ».


« Rue du Temple » publié en 2005 dans les ateliers des « Presses littéraires » fut le premier roman écrit par Jean Paul Martin.

 
« De midi à minuit » retrace l’histoire rocambolesque de Ferdinand Salvadori, comte vénitien, chassé de sa ville natale et spolié de tous ses biens par les sbires de l’Autrichien Metternich à cause de son appartenance à la Franc-maçonnerie. Ferdinand se retrouve en terre catalane où il fonde un foyer et devient professeur de langues vivantes au collège de Perpignan.


Ses grandes qualités humanistes vont l’amener à entreprendre de surprenants voyages à Majorque d’abord sur les traces de François Arago, puis en Égypte à la demande de F. Jaubert de Passa, où il aura l’occasion d’affermir sa foi en l’homme et en l’humanité.


« De midi à minuit » est une œuvre d’imagination, se basant sur des faits historiques romancés, où l’histoire et le conte initiatique se retrouvent intimement mêlés.

17 S

SALAN  QUI SUIS-JE ?

 J. P. Angelelli et Bernard Zeller

Edition  Pardès

 2016

Raoul Salan (1899-1984): «Je suis le chef de l’OAS. Ma responsabilité est donc entière. Je la revendique. Je n’ai de compte à rendre qu’à ceux qui souffrent et meurent pour avoir cru à une parole reniée et à des en­ga­gements trahis.» (Extraits de la déclaration de Raoul Salan à son procès, le 16 mai 1962.) Un vers de Baudelaire ouvre les mémoires inachevés de celui qui incarnera le combat pour l’Algérie fran­çaise: «J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.» Ce «Qui suis-je?» Salan permet de suivre son excep­tionnel destin. Admis à Saint-Cyr en 1917, il choisit l’infanterie coloniale. Les combats de novembre 1918 marquent pour la vie ce jeune officier. Détaché dans l’administration coloniale en Extrême-Orient (1924-1937), il sort de la tourmente de 1940 avec trois citations.

 

En 1944-1945, du débarque­ment en Provence à l’Allemagne, il mène ses troupes jusqu’ à la victoire. En Indochine, aux côtés de Leclerc, en 1945, puis de De Lattre, en 1951, il défend ce pays qu’il a bien connu dans l’entre-deux guerres. Il y af­fronte un ennemi implacable: le Viet Minh. En Algérie, de 1957 à 1958, il combat un autre ennemi: le FLN, et rétablit une situation compromise, non sans échapper à un attentat politique (affaire du bazooka). En mai 1958, il couvre une révolte patriotique contre l’IVe République, appelant le général de Gaulle au pouvoir pour sauver l’Algérie française.

 

Nommé gouverneur militaire de Paris en 1959, le géné­­ral Salan s’inquiète des ambiguïtés algériennes de la politique gaullienne. En avril 1961, il s’associe à un coup d’État militaire qui échoue. Il plonge alors dans une résistance militaro-civile, l’OAS (Organisation de l’armée secrète), qu’il conduit jusqu’ à son arrestation en 1962. Condamné à la détention perpétuelle, il échappe à la peine de mort. Libéré en 1968, il se retire avec sa famille et recouvre tous ses droits. Jusque à sa mort, il n’oubliera ni ne pardonnera la liquidation tragique de l’Algérie française.

 

Saint-Cyrien, Salan entame une brillante carrière dans les troupes coloniales dès la fin de la Première Guerre mondiale. Il sert en Indochine de 1924 à 1937, puis de 1945 à 1947, après avoir participé à la Libération. Sa promotion est rapide: général de brigade (1944), commandant des troupes françaises de Chine et du Tonkin (1945), général de division (1947), directeur des troupes coloniales (1949), inspecteur général de la Défense du Territoire (1953), enfin commandant en chef en Algérie (décembre 1956).  

 

Il occupe toujours ce poste lorsqu’éclatent les événements du 13 mai 1958. Il contribue, bien malgré lui, à la sortie du désert de de Gaulle. En effet, René Coty, président de la République, fait appel à Pierre Pflimlin pour être le nouveau président du conseil, un centriste favorable aux négociations avec le FLN. Les partisans de l’Algérie française manifestent violemment dans les rues d’Alger et improvisent des comités de salut public favorables au retour du chef de la France libre. Salan protège ces comités et, le 15 mai, fait acclamer de Gaulle par la foule algéroise.  

 

Contre la politique algérienne du gouvernement, Il se retire peu après, prenant officiellement sa retraite en juin 1960. Participant toujours activement aux débats sur l'Algérie, il publie, en septembre 1960, un manifeste très virulent contre la politique algérienne du gouvernement. C’est la première étape de la lutte qu’il engage avec de Gaulle, qu’il a pourtant, quelques années plus tôt, aidé à revenir sur le devant de la scène politique. 

 

Interdit de séjour en Algérie, contraint à l’exil dans l’Espagne de Franco, il crée en 1961, à Madrid, la première OAS (Organisation de l’armée secrète) avec Lagaillarde. Le 11 avril de la même année, de Gaulle déclare, lors d’une conférence de presse: «La décolonisation est notre intérêt, et par conséquent notre politique». Salan et quelques-unes des plus hautes figures de l’armée française estiment que leur heure est enfin venue. Avec le concours des généraux Challe (à qui revient l? Autorité suprême), Jouaux et Zeller, Salan déclenche, le 21 avril, un coup d’Etat contre la République, le «Putsch des généraux». Sans réel soutien, ni des Français, ni de l’armée, il échoue rapidement.  

 

Destitué, condamné à mort par contumace, Salan entre alors en clandestinité. Il prend la tête d’une OAS élargie à d’autres groupuscules terroristes, avec pour objectif avoué de faire capoter les accords d'Evian. Il lance alors son mouvement dans une série d’opérations sanglantes en Algérie et en métropole, dont l’attentat de septembre 1961 contre de Gaulle. En mars 1962, Salan et plusieurs milliers de partisans se retranchent à Bâb-el-Oued. L’armée, dont il espérait la neutralité, donne l’assaut et Salan est arrêté quelques semaines plus tard à Alger. Sa peine est commuée en réclusion perpétuelle. Il est gracié en 1968 et réhabilité en 1982.  

 

SHAMROCK OU LES TROIS PORTES DE LA MUSIQUE SACRḖE

Olivier Manaud et Cécile Barrandon

Edition Dervy

 2018

 

Maître Oscar, luthier de renom, est terrassé par une maladie inexpliquée. Sur son lit de mort, il confie à son jeune disciple, Jérémie, une mission mystérieuse. Ce testament lui fera découvrir une tradition musicale remontant aux templiers. Ce jeune homme et son amie Constance vont être plongés dans une intrigue passionnante à propos de la puissance de la musique. Grâce aux cours et aux conseils de deux professeurs, Jacques Quintette et Aziliz Lecour, ils découvrent les trois portes de la musique sacrée. Cela leur donne les outils philosophiques nécessaires à leur enquête. Avec eux, le lecteur découvrira que les œuvres de musique sacrée contemporaines ne sont pas uniquement celles que l'on croit... Confrontés à l'antique confrérie des Batouros, ils seront amenés à risquer leur vie pour protéger la grande tradition du Salve Regina des templiers. Ce thriller philosophique et musical se présente comme une sorte d'enquête symphonique en trois mouvements, tous nécessaires pour saisir le mystère du chant sacré. Encore aujourd'hui, elle peut détruire ou construire.

 

Les auteurs sont pour l’un, enseignant à l’université et chercheur au CNRS au laboratoire d’architecture et philosophie Gerphau, UMR 7218 à Paris-La-Villette ; pour l’autre, assistante de recherche et médiatrice du patrimoine. Tous deux musiciens et archéo-acousticiens, ils interviennent ensemble pour des cours et des conférences sur les rapports entre musique et architecture. Leur objectif étant de rendre accessible au grand public des connaissances sur la musique sacrée en particulier, ils ont tenté de distiller ces connaissances à travers un roman. Pour ce faire, l’un des personnages n’est autre qu’un professeur d’université qui, au fil du roman, donne des conférences mensuelles sur « les trois portes de la musique sacrée ». Pour les amateurs de musique, de chant, de compagnonnage et de roman intelligent, ce livre est un régal ! L’intrigue autour de la puissance de la musique - oubliée de nos jours mais bien connue des anciens - est bien menée et voit se confronter deux antiques confréries. De nombreux outils philosophiques seront nécessaires à la résolution de l’enquête menée par deux jeunes disciples qui se les verront transmis par leurs deux professeurs.

 

Le lecteur bénéficie ainsi de nombreuses références tant philosophiques que musicales et des liens sur le web pour écouter ces dernières, avec une belle bibliographie pour les lecteurs désirant aller au-delà de l’aventure du roman. Un vrai travail de professeurs mis au service de leurs élèves dont on ne peut que remercier les auteurs ! Le lecteur est donc invité à passer à travers trois portes :

 

1ère porte : la voie cosmologique (Logos- Nature- Esprit) De la fascination pour le tout à l’intégration dans l’un : « Baigne-toi dans la Matière, fils de l’Homme. Plonge-toi en elle, là où elle est la plus violente et la plus profonde ! Lutte dans son courant et bois son flot ! C’est elle qui a bercé jadis ton inconscience ; c’est elle qui te portera jusqu’à Dieu ! » (citation de Pierre Teilhard de Chardin dans Hymne de l’univers) « Une lecture cosmologique de la musique contemporaine peut tout à fait s’inscrire dans la pensée de Teilhard de Chardin. (…) Il pousse sa réflexion jusqu’au rite de la messe. (…) C’est là aussi, en régime chrétien, que la musique trouve son discernement et sa compréhension. Il soulève aussi la question du matériau. (…) Le matériau d’une œuvre musicale n’est pas uniquement constitué de notes de musique, mais d’un contexte de déploiement, d’un écho-système spécifique. Il faut y adjoindre la douceur ou la rugosité des voix humaines et la matérialité des phénomènes acoustiques des voûtes pour et avec lesquelles l’œuvre a été conçue. »

 

2ème porte : la voie anthropologique (Nature- Esprit-Logos) « Ainsi, l’homme est compris comme un être « sonnant », aussi bien comme réceptacle ou comme acteur d’une production musicale. (…)L’homme est donc le point de contact entre le ciel et la terre. Il est porteur du chant du monde, et tendu vers les réalités d’en haut. En lui, et de manière éminente dans le Christ, il accomplit le passage de la terre au ciel. La musique témoigne de ce passage et peut le favoriser. » « Dans cette approche anthropologique, l’acte de chant des hommes est magnifié. (…) Lorsqu’il est vécu dans la foi, il constitue une forme d’expérience spirituelle fondamentale permettant ou renouvelant la traversée pascale. Et même s’il n’est pas vécu dans la foi, le chant porte en lui-même une puissance (autrefois décrite dans les mythes) capable de toucher profondément et de susciter un ébranlement intérieur très fort. »

 

3ème porte : la voie métaphysique (Esprit-Logos-Nature) «  La musique est cette forme qui nous rapproche au plus près de l’esprit, elle est le voile le plus ténu qui nous en sépare (…). Elle est le point de délimitation de l’humain, à cette frontière commence le divin. Elle est un témoignage éternel de ce que les hommes sont capables de pressentir de Dieu éternellement simple, s’écoulant de manière multiple et de façon dynamique, en lui-même et dans le monde comme Logos. » (Citation de Hans Urs Von Balthasar) « La musique participe à la restitution rythmique, mélodique et harmonique du Logos. Elle est l’écho audible de la part visible de l’invisible…Elle constitue le voile sensible d’un dévoilement d’une réalité qui pénètre toutes choses.

 

La musique se fait écho de l’image de Dieu en l’homme et au cœur de la création Elle est surgissement et déploiement du mystère. »«  Le fait de jouer (de la musique), de chanter ou de composer entraîne une sortie de soi pour tout musicien. L’enjeu est ici de se rendre attentif à ce qui se passe en nous lorsque nous vivons cette extase (…), le partager, accompagner son jaillissement pour que l’auditoire ou l’assemblée fasse une véritable rencontre : celle d’un absolu, et si possible celle de Dieu. Un musicien ou chanteur de musique sacrée est un « passeur d’âmes ». »Un concept théologique qui intègre le tissage des trois voies : l’écho-résonance Plusieurs églises sont citées dans cet ouvrage, notamment  la fameuse chapelle octogonale Sainte-Marie d’Eunate en Espagne, sur le Chemin de Saint-Jacques de Compostelle, si particulière avec sa triple enceinte.

 

Ici est développé le lien indissociable entre l’architecture des églises, la musique et le corps humain. « La musique liturgique  d’une part et l’église-bâtiment d’autre part portent donc, inscrit dans le son et dans la pierre, le mystère du corps du Christ. (…) On passe ainsi du corps du Christ, Temple véritable détruit par les hommes et relevé par Dieu en trois jours, au mystère de la pierre d’autel consacrée pour la célébration de la messe. Et de l’autel, pierre angulaire, on passe aux murs de l’édifice ; mais de l’autel, lieu où le Corps eucharistique est livré, on passe aussi à l’église-assemblée visible et invisible. (…) La musique liturgique est le jeu du Christ et de l’Eglise, expression du chant des corps, de cette communion d’amour du Christ et de l’Eglise. L’église-bâtiment joue aussi le rôle d’instrument de musique de l’Eglise-assemblée, lui permettant de retentir les harmoniques du salut. »Ce thriller philosophique et musical ouvre donc les portes du mystère du chant sacré… et une suite est annoncée : « Shibolet, ou les trois portes de l’architecture sacrée » ! On l’attend avec impatience !

 

SOUVENIRS D’UN FANTÔME  -  CHRONIQUE D’UN CIMETIḔRE

E.L DE Lamothe- Langon

Edition Otrante

2018

Descendant d’une ancienne famille du Languedoc, il est d’abord connu sous le nom de Lamothe-Houdancourt, puis sous celui d’Étienne-Léon, baron de Lamothe-Langon. Jusqu’en 1806, il vit à Toulouse où il avait rencontré quelques succès au Gymnase littéraire. Il a, à cette date, déjà composé quatre tragédies, six comédies, un vaudeville, un drame, trois nouvelles et deux romans. Il quitte alors sa ville pour Paris. Il devient auditeur de 1re classe au Conseil d’État impérial en 1809 sous Napoléon 1e. Il est nommé sous-préfet de Toulouse le 11 juillet 1811. Il est ensuite appelé en Italie pour devenir sous-préfet de Livourne le 13 décembre 1813 où il participe avec la troupe aux combats de Viareggio. Cela lui valut le titre de baron de l’empire. Pendant les Cent-Jours il est préfet de Carcassonne.

 

La Restauration le voit sous-préfet de Saint-Pons, mais il va perdre son emploi et avoir des revers de fortune qui l’ont obligé à revenir à Toulouse et à se mettre à écrire pour gagner sa vie. Le 12 février 1821, à la réception de Mgr de Clermont-Tonnerre, il lit le poème Constantin, ou le triomphe de la religion chrétienne. En 1822, il présente à ses confrères de l’Académie Quelques réflexions sur les poésies de Clémence. Il prend aussi une part importante à la rédaction des Biographies toulousaines dans laquelle on peut trouver des éléments sur sa famille, depuis Gaillard de Lamothe, neveu du pape Clément V et cardinal, jusqu’à son père, conseiller au parlement de Toulouse, guillotiné le 6 juillet 1794.Il a été jusqu’à ses vingt ans un poète connu pour ses poèmes historiques et patriotiques, puis a eu une carrière administrative, il est devenu à partir de 1824 un auteur prolifique, un graphomane, avec de nombreux noms d’emprunts, qui a traité des sujets très variés dans le genre médiéval et gothique, des mémoires qui se sont avérés être des faux.

En 1824, il écrit avec un certain succès M. le Préfet, puis peu après les biographies des préfets du royaume. Au total, il a écrit soixante-cinq romans, seize mémoires et l’Histoire de l’inquisition qui n’est pas moins fausse que le reste. Dans son livre Romanciers et viveurs du XIXe siècle, publié en 1904, Philibert Audebrand écrit qu’il a rencontré Lamothe-Langon et que celui-ci lui a montré la liste de ses 150 volumes parmi lesquels des Mémoires de vingt morts illustres qu’il a tiré de leurs sépulcres pour leur raconter leurs vies dont le public crédule a dévoré la prose. En 1844, il se retire à Paris où il vécut pendant vingt ans. Il repose aujourd'hui au cimetière de Limeil-Brévannes.

 

En 1838 Lamothe-Langon abandonne le gothique ou roman noir classique et offre à ses lecteurs une riche et complexe mosaïque de contes, récits traditionnels et nouvelles oscillant entre fantastique et merveilleux. Au fil de ces vingt-sept nouvelles l’auteur de La Vampire invite à une entraînante ronde de fantômes, chevaliers, magiciens, diables et lutins, tentations, pactes et usurpations, malédictions familiales, portraits animés, imitations de Lénore, spectres ou revenants ; réunissant parfois dans le même texte divers passages empruntés à Fantasmagoriana et d’autres recueils du temps, une main enchantée, le comte de Saint-Germain, quelques rondes des morts, et un très grand nombre de mortes amoureuses et autres nonnes sanglantes.

 

« Trouvez-vous demain, à minuit précis, dans le cimetière de la paroisse (nous étions dans un endroit assez loin de Paris), là je vous remettrai le manuscrit qui renferme ces histoires merveilleuses, ces contes, comme il vous plaira de les appeler. Faites-les imprimer : elles profiteront à quelques-uns ; elles amuseront le plus grand nombre. »« Les lecteurs fidèles des Editions Otrante reconnaîtront peut-être certaines scènes familières des Fantaisies Hofmanniennes (L’Heure de la mort, La Cheminée Gothique), de Fantasmagoriana (Les Portraits de famille, L’heure fatale, Le Revenant, La Chambre grise) ou de notre volume Diableries ; quelques-unes des nouvelles ou ballades de Memento Mori ou Mains enchantées ainsi qu’un très grand nombre de mortes amoureuses ou nonnes sanglantes imitées de La Morte fiancée, La Fiancée de Corinthe et quelques autres légendes et contes traditionnels, transposés ou parfois transformés et habilement mêlés par Lamothe-Langon. »

 Extrait de cet ouvrage : M. de Tavannes racontait chez moi la disparition bizarre de sa tante, la comtesse de Saulx, qui, une belle nuit, quitta son château, ou fut enlevée, sans qu’on n’en ait jamais retrouvé la trace, Une de ses pantoufles resta en témoignage. La chambre de cette dame n’avait qu’une issue, qui était gardée : les fenêtres en étaient solidement garnies d’énormes barres de fer ; tout, en un mot, se réunissait pour ajouter au mystère diabolique de cet envolement ; on lança des monitoires, on fouilla les lieux environnants, on étendit les recherches à l’étranger, elles furent vaines. J’écoutais ce récit avec une attention d’horreur qui me rendait très amusante. Je demandai si les perquisitions avaient été faites dans le château même, dans la chambre, sous le plancher. M. de Tavannes répondit affirmativement à tout ; j’en étais hébétée d’épouvante. Alors le comte de Lamothe-Houdancourt, prenant la parole, se mit à dire :« Je sais quelque chose à peu près de semblable. — Oh ! mon ami, » dis-je, « ne nous le taisez pas !— Mais je doublerai votre peur !— N’importe ! dites, dites toujours ! Cela fait tant de plaisir de se sentir frissonner. »

Ces messieurs se mirent à rire, et pourtant tombèrent d’accord que j’avais raison. Le comte de Lamothe-Houdancourt allait commencer lorsqu’on annonça M. de Fontenelle qui entra subito. La présence de celui-ci arrêta celui- ; je souffrais de sa réserve, je lui faisais des signes, lui adressais des regards impérieux, il éludait ; et moi, ne pouvant rendormir ma curiosité éveillée :« Monsieur de Fontenelle, » dis-je, « M. le comte de Lamothe-Houdancourt allait nous faire part d’un récit merveilleux, et il craint maintenant votre haute sagesse.— Monsieur le comte est injuste ! « Répondit le vrai sage, « s’il me prive d’un divertissement auquel j’ai toujours été sensible. Ce qui est extraordinaire me charme.Si peau d’Âne m’était conté, ·J’y prendrais un plaisir extrême.Cette réplique, qui répondait tant à mon désir, me charma : la citation était heureuse.

Le comte de Lamothe, ne pouvant pas se refuser à ce qui lui était demandé d’une manière si aimable, entra ainsi dans sa narration :« L’un de mes ancêtres, et l’aïeul de mon grand-oncle, le duc de Cardonne, maréchal de France, avait marié une de ses sœurs dans le midi de la France. Il y avait plusieurs années qu’il ne l’avait vue, lorsqu’elle lui envoya un exprès, porteur d’une lettre très pressante et conçue en tels termes que M. de Lamothe-Houdancourt, qui se titrait de chevalier Guillaume, ne put s’empêcher de condescendre à la fantaisie de sa sœur, qui ten Extrait dait à se retrouver avec lui avant de mourir ; il se détermina à traverser toute la France. En 580, ce n’était pas voyage facile.» À cette époque, les guerres civiles pour cause de religion désolaient le royaume ; et il convenait de marcher, ou bien déguisé, ou bien accompagné, si on voulait cheminer sans obstacle ou sans inquiétude. Notre aïeul prit ce dernier parti, il se fit suivre par une trentaine de soldats de son régiment, tous hommes de courage et de zèle.

» Madame de Najac habitait quelquefois Toulouse, patrie de la famille de son mari ; mais la plupart du temps, elle restait dans un château sur le revers méridional des montagnes Noires. C’était de ce lieu que sa missive était datée, et elle prévenait son frère qu’elle l’attendrait au château de Ferrais. Le messager devait servir de guide dès que l’on approcherait du manoir.» Le chevalier Guillaume, après avoir entendu dévotement la messe dans son fief noble d’Houdancourt, près de Beaumont-sur-Oise, partit bien escorter, ai-je dit, ce qui l’autorisa à déployer sa bannière !» De Paris, mon aïeul se rendit à Bourges, de Bourges il gagna Clermont, Saint-Flour, Aurillac et Rodez, car il profitait de cette lointaine chevauchée pour visiter des amis dont les seigneuries étaient parsemées çà et sur la route. Ses rapports agréables, sa haute réputation, sa nombreuse et vaillante escorte, le préservèrent de tout fâcheux accident. On lui fit partout la bienvenue, et catholiques et huguenots cherchèrent, par de bonnes façons, à se procurer son alliance.

 

STALINE  -   QUI SUIS-JE ?

Nicolas Tandler

Edition Pardès

 2007

Confidence de Staline à Kamenev et Dzerjinski: "Le plus grand plaisir consiste à guetter un ennemi, à tout préparer, à se venger, puis à aller dormir." Staline (1878-1953) ne participa jamais en personne à des tueries ou à des tortures ordonnées par lui, mais l'aspect vindicatif, le mépris de la vie humaine - pouvant aller jusqu'à une forme de sadisme - du " phare de l'humanité ", encensé durant un quart de siècle, est ce qui en subsiste pour l'essentiel au XXIe siècle. S'il n'avait été qu'un sectaire aux tendances de psychopathe, Staline n'aurait pas atteint les sommets. Lénine s'était déjà mépris sur les capacités de son subalterne, tout comme Trotski, qui estimait se heurter à un bureaucrate inculte. Servi par des concours de circonstances, le séminariste passé au vagabondage révolutionnariste sut conquérir les hautes fonctions par un mélange de ruse, de violence verbale, de séduction, d'exaltation de la conviction de sa supériorité, d'une méfiance maladive qui n'excluait pas la conscience des qualités d'autrui. Lecteur avide, réaliste et concepteur d'une société idéale inhumaine, ni les guerres extérieures ni les complots internes ne le renversèrent. Son régime lui a survécu près de quatre décennies. L'auteur de ce " Qui suis- je ? " Staline s'interroge sur la pertinence de l'appellation " tsar rouge "... Par son " socialisme dans un seul pays ", sans renier le marxisme, Staline s'est délibérément identifié aux tsars. Après plus d'un demi-siècle, son ambivalence se perçoit mieux, toute dissimulée qu'elle était derrière les monceaux de cadavres de ses victimes non communistes, méprisées par les historiens de renom du XXe siècle. "Les monceaux de victimes non communistes du pseudo Tsar rouge n'avaient pas trouvé avant Nicolas Tandler de défenseur aussi pertinent parmi les historiens consacrés."

 

Deux grandes actions engagées successivement en 1928 et 1930 illustrent la politique nouvelle que l'on nomme par la suite stalinisme : le premier plan quinquennal et la création du goulag. L'objectif des plans quinquennaux est de rattraper l'immense retard économique de l'URSS : l'industrialisation doit se faire à marche forcée. Ainsi, la NEP (Nouvelle politique économique) est supprimée et l'agriculture doit accepter une profonde réforme : la collectivisation de masse. En effet, pour permettre à l'industrie de fleurir, Staline veut s'appuyer sur un large effort du monde paysan. Mais ce dernier n'adhère pas avec enthousiasme à cette nouvelle économie. Les kolkhoses, immenses fermes d'Etat, sont perçus comme un nouveau servage. Joseph Staline démontre qu'il n'est pas surnommé "l'homme d'acier" sans raison, et qu'il n'a pas perdu la fermeté qui le caractérisait lors de la guerre civile. Les ennemis de la réforme sont immédiatement assimilés aux ennemis de la révolution et donc du peuple. Parmi eux, les "koulaks" sont particulièrement mal considérés. Une véritable guerre leur est livrée, donnant tout son sens au Goulag, lieu de déportation des ennemis du régime. Aux milliers d'exécutés et de déportés, s'ajoutent les millions de morts de la grande famine de 1932-1933. Staline, au courant de la situation, ne faiblit pas : la paysannerie se soumet.

 


Après avoir écarté dans les années 1920 ses adversaires potentiels dans les cercles restreints du pouvoir, Staline engage en 1936 la mise au pas de toute la société. C'est la période des grandes purges. Des milliers de fonctionnaires sont remplacés, des centaines exécutés dans tous les domaines de l’État et notamment dans l'armée. Les bolcheviques de la première heure servent d'exemples dans les procès de Moscou. Mais les actions staliniennes ne se limitent pas à la bureaucratie et aux élites : de vastes campagnes, aidées par une juridiction d'exception, permettent l'arrestation de plusieurs centaines de milliers de personnes. C'est ce que l'on nomme la "Grande Terreur". Pendant longtemps, le rôle de Staline a été minimisé dans ces actions. Mais l'ouverture des archives après la chute de l'URSS a permis de démontrer son engagement. D'ailleurs, il n'hésite pas, durant cette période, à autoriser l'arrestation et l'exécution de membres de sa belle-famille (de son premier mariage). A la fin des années 1930, entre 600 000 et 700 000 personnes auraient été exécutées tandis que l'URSS compte entre 5 et 10 millions de prisonniers politiques. Joseph Staline a mis en place un système totalitaire.

 

Staline et la Seconde Guerre mondiale/ Pendant qu'il tient le pays d'une main de fer, Staline doit pourtant s'inquiéter du contexte international et notamment de la montée des fascismes, violemment anti-communistes. Il cherche tout d'abord un soutien du côté des démocraties européennes, notamment l'Angleterre et la France. Si la politique intérieure est à l'heure de la répression, les PC européens sont invités à collaborer avec les démocrates, tandis que l'URSS rentre dans la SDN en 1934. Mais URSS et démocraties occidentales sont animées de la même méfiance mutuelle. Chacun espère qu'Hitler enverra ses forces contre l'autre. Non convié à la conférence de Munich, Staline se tourne vers Hitler. Il envoie Molotov signer le Pacte germano -soviétique le 23 août 1939. Dès lors, Joseph Staline fait confiance à Hitler, ou tout du moins espère retarder l'échéance de la guerre, certainement conscient du retard technologique de l'URSS. Cela lui permet notamment d'annexer une partie de la Pologne et les Etats baltes, mais aussi de mesurer la faiblesse de son armée contre la Finlande.

 


Ainsi, le 22 juin 1941, malgré les alertes récurrentes données par les renseignements, l'URSS est prise au dépourvu face au lancement de l'opération Barbarossa. Une grande partie de sa flotte aérienne est détruite au sol avant même que l'armée ait eu le temps de réagir. Staline met du temps avant de donner des ordres. La légende veut qu'il soit resté prostré plusieurs jours avant de réagir. En fait, il semble avoir pris le temps de la réflexion. Mais, de ce fait, l'armée recule, payant la perte de ses élites lors des grandes purges. Pourtant, cette défaite désastreuse est bientôt transformée au bénéfice du vojd. Face à la barbarie des nazis, Staline ressuscite et encourage le nationalisme grand russe. Refusant de quitter la ville de Moscou en péril, il s'identifie à la patrie et démontre une fermeté exemplaire. Les soldats partent au combat en chantant à sa gloire. Mais c'est aussi avec cette même fermeté qu'il refuse d'échanger le Maréchal Paulus contre son fils prisonnier des Allemands. Celui-ci se suicide pendant sa détention. En 1945, devenu maréchal, Joseph Staline bénéficie d'un nouveau statut dans ses frontières comme à l'extérieur : il est l'homme qui a sauvé le peuple et celui qui a battu Hitler. La guerre lui a permis de renforcer le culte de la personnalité et de centraliser encore plus de pouvoirs. Le "père des peuples" est presque considéré comme un dieu, il est au faîte de sa puissance et de sa gloire.

 

Staline et la guerre froide : Ainsi affermi, Staline replonge le pays dans la terreur durant les dernières années de sa domination. Si la guerre a permis une certaine libéralisation du régime, le retour à la paix favorise le retour à l'ordre. De surcroît, la guerre froide justifie un durcissement de l'idéologie. "L'impérialisme", synonyme de capitalisme, redevient l'ennemi premier, tandis que Tito remplace Trotski dans le rôle du "déviationnisme". De nouvelles arrestations ont lieu, comme lors de l'affaire de Leningrad. Staline pousse la logique totalitaire jusque dans ses extrémités. La culture, cible traditionnelle, est à nouveau sommée de se plier aux dogmes du réalisme. Réhabilité pendant la guerre, Chostakovitch, comme de nombreux artistes, est à nouveau condamné pour des tendances "bourgeoises" et "cosmopolites". Même la science doit avoir des conclusions convenables et arrangeantes pour l'Etat. Ainsi, Joseph Staline donne son soutien aux thèses de Lyssenko qui affirment que les acquis sont héréditaires.

 

Staline est de plus en plus omniprésent dans toute la vie de l'URSS, mais le personnage est de moins en moins visible. Depuis que sa seconde femme s'est suicidée en 1932, il semble avoir renoncé à un nouveau mariage et à une vie sociale "classique". Il vit essentiellement entouré de ses très proches collaborateurs. Il faut attendre septembre 1952 pour que le vojd daigne organiser le XIXe Congrès du Parti. Il s'est écoulé treize ans avant que se réalise un Congrès qui, jusqu'à la fin des années 1920, était annuel. Joseph Staline y fait une apparition courte où il annonce des réformes des institutions et accuse ses plus proches collaborateurs, comme Molotov, de connivence avec l'ennemi impérialiste. Quelques mois plus tard, la Pravda annonce un nouveau scandale : c'est le complot dit "des blouses blanches". L'appel à la vigilance bolchevique et aux délations prédit de nouvelles purges massives. La nouvelle cible de Staline est le "cosmopolitisme", souvent synonyme de judéité. Nourrissant une paranoïa grandissante, Staline suit cette affaire de très près jusqu'au 5 mars 1953, jour où il meurt d'une attaque cérébrale. Les funérailles de Staline sont grandioses, à la hauteur du culte de la personnalité cultivé de son vivant. Les communistes du monde entier manifestent pour lui rendre hommage. Pourtant, en quelques mois seulement, les portraits de Staline disparaissent progressivement des murs soviétiques. En 1956, Krouchtchev fait un rapport secret sur les excès de l'ancien dirigeant lors du XXe Congrès du PCUS. C'est le début de la déstalinisation.Les informations recueillies sont destinées à CCM Benchmark Group pour vous assurer l’envoi de votre newsletter.

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TESLA  -  L’ḖCLAIR DU GḖNIE

Massimo  Teodorani

Edition Macron

 2006

L’histoire de la science n’a pas toujours rendu l’hommage qu’ils méritaient à ses principaux acteurs. Au contraire, elle a souvent fait la part belle à des imposteurs, des opportunistes dénués de scrupules ou à de véritables plagiats


Nikola Tesla
a été l’un des plus grands inventeurs que le monde n’ait jamais connus. Nous lui devons l’énergie électrique, le courant alternatif en particulier, que nous utilisons tous les jours, mais aussi d’autres découvertes très nombreuses comme les ampoules fluorescentes (néon), la radio, la télévision, le radar, la turbine, les robots, les appareils électromagnétiques et électro-thérapeutiques, autant d’innovations qui ont trop souvent été attribuées aux stars des livres scolaires : Edison pour l’énergie électrique, Marconi pour la radio…

 

Nombre de personnes connaissent vaguement ou ont entendu parler de sa carrière, pluridisciplinaire mais contrariée, et sa mémoire est aujourd’hui encore occultée, comme celle de tous les génies incompris.

Ce livre souhaite tirer sa vie et ses inventions de ce type d’oubli rassurant afin de les restituer fidèlement aux faits, en rendant honneur à ses recherches, à son intelligence et à son originalité qui le conduisirent à rencontrer des obstacles en tout genre.

 

Cet ouvrage est structuré en deux parties : la première se penche sur l’homme et ses travaux, tandis que la seconde est plus strictement scientifique et plus technique.

 

TCHEKHOV  QUI-SUIS-JE ?

Jacqueline Blancart-Cassou

Edition Pardès

 2020

Anton Tchekhov (1860-1904): «La médecine est ma femme légitime; la littérature ma maîtresse. Quand l'une d'elles m'embête, je passe la nuit avec l'autre. Cette conduite, bien que désordonnée, est en revanche moins ennuyeuse. De plus, ni l'une ni l'autre n'ont strictement rien à perdre à mes infidélités.» (Lettre à Alexeï Souvorine, Vivre de mes rêves, Robert Laffont, 2016.) Anton Tchekhov est né à Taganrog (Russie) le 17 janvier 1860. Fils d'un épicier issu du servage, il connaît une enfance très dure. Il a seize ans quand son père fait faillite; toute la famille part pour Moscou, le laissant seul à Taganrog, où il fréquente le lycée et doit vendre la ­maison. Bachelier en 1879, il rejoint les siens à Moscou et mène de front des études médicales et la publication de petits récits dans des journaux.

En 1884, il est reçu médecin, ouvre un cabinet; mais il commence à cracher du sang. Il écrit toujours des nouvelles, entre autres La Steppe, et des pièces de théâtre. Il obtient le prix Pouchkine. En 1890, il part pour l'île de Sakhaline, afin de faire une enquête et un rapport sur la vie des bagnards et des relégués. En 1898, il découvre le Théâtre d'Art de Moscou, qui reprend La Mouette avec succès et va créer Oncle Vania, et il rencontre l'actrice Olga Knipper, qu'il épousera en 1901. Mais il est obligé de vivre à Yalta pour raison de santé. Élu académicien, il écrit encore des nouvelles, notamment La Dame au petit chien et L'Évêque, et de grandes pièces, Les Trois Sœurs et La Cerisaie. Il meurt en Allemagne, à Badenweiler où il est allé soigner sa tuberculose, le 2 juillet 1904.

 

TRISTES TROPIQUES

Claude Lévi-Strauss

Edition Plon

 1984

Pourquoi et comment devient-on ethnologue ? Comment les aventures de l’explorateur et les recherches du savant s’intègrent-elles et forment-elles l’expérience propre à l’ethnologue ? C’est à ces questions que l’auteur, philosophe et moraliste autant qu’ethnographe, s’est efforcé de répondre en confrontant ses souvenirs parfois anciens, et se rapportant aussi bien à l’Asie qu’à l’Amérique.

 

Plus encore qu’un livre de voyage, il s’agit cette fois d’un livre sur le voyage. Sans renoncer aux détails pittoresques offerts par les sociétés indigènes du Brésil central, dont il a partagé l’existence et qui comptent parmi les plus primitives du globe, l’auteur entreprend, au cours d’une autobiographie intellectuelle, de situer celle-ci dans une perspective plus vaste : rapports entre l’ancien et le nouveau monde ; place de l’homme dans la nature ; sens de la civilisation et du progrès.

 

Claude Lévi-Strauss souhaite ainsi renouer avec la tradition du «Voyage philosophique» illustrée par la littérature depuis le XVIe siècle jusqu’au milieu du XIXe siècle, c'est-à-dire avant qu’une austérité scientifique mal comprise d’une part, et le goût impudique du sensationnel de l’autre n’aient fait oublier qu’on court le monde d’abord, à la recherche de soi, avant celle des autres.
Claude Lévi-Strauss (1908-2009) nous a quitté en 2009, à 101 ans.

17 U

urgern – qui suis-je ?

Erik sablé

Edition PARDES

 2006

Le baron UNGERN est un personnage exceptionnel qui libéra la Mongolie occupée par les troupes chinoises en 1921. Ataman cosaque, le baron UNGERN vécut une vie d’aventures. Il fut un héros de la Première Guerre mondiale. Il habitera en Transbaïkalie, puis en Mongolie. Il parcourra la Mandchourie, la Chine, et se mariera avec une princesse chinoise.


« L’ancienne base de la justice, la vérité et la miséricorde, a disparu. À présent, il faut que règnent la vérité et une rigueur impitoyable. Le mal, venu sur la terre afin d’anéantir le principe divin dans l’âme humaine, doit être extirpé avec ses racines. Le peuple se trouve maintenant devant le problème : être ou ne pas être. »


Sa Division Asiatique de Cavalerie sera la dernière armée à se battre contre les troupes communistes. Passionné par le bouddhisme, il s’entourait de lamas. Il rêvait de créer une Asie unifiée qui serait en mesure de lutter contre une Europe qu’il jugeait décadente.

 

Après la prise d’Ourga, il s’empressa de remettre sur le trône le Koutouktou, l’équivalent mongol du Dalaï-Lama. Cependant, en ce qui concerne la personnalité du baron Ungern, la légende a souvent remplacé la vérité historique. On a affirmé que le baron était un être cruel, un fou paranoïaque et sanglant, on lui a attribué une pensée proche du paganisme. Maintenant, avec l’analyse de documents récemment sortis des archives ou de témoignages, comme celui de Perchine, nous pouvons avoir une idée beaucoup plus juste de ce qu’il était réellement.

En fait, ce n’était pas le baron UNGERN qui était fou et sanglant, mais l’époque dans laquelle il vivait. Le baron apparaît, au contraire, comme un individu d’une rare droiture, dénué d’ambitions personnelles, sincère, modéré dans ses actions, cultivé et beaucoup plus humain qu’il ne semble, malgré ses discours enflammés.


Avec ce « Qui suis-je ? » Ungern, pour la première fois en français, nous pouvons avoir une vision plus juste du caractère et des buts du baron von UNGERN STERNBERG.

17 V

VALENTINE DE SAINT-POINT – DES JEUX DE L’AVANT-GARDE ET L’APPEL DE L’ORIENT

P.A. Claudel et Elodie Gaden

Edition Presse Universitaire de Rennes

 2019

Morte au Caire en 1953, dans le dénuement le plus total, Valentine de Saint-Point a longtemps été reléguée dans l’ombre de l’histoire de l’art. Cette expérimentatrice hors du commun – qui fréquenta Rodin, Mucha, Marinetti et Canudo, écrivit coup sur coup le Manifeste de la Femme futuriste (1912) et le Manifeste Futuriste de la luxure (1913), révolutionna la chorégraphie en fondant une nouvelle danse sous le nom de Métachorie, se passionna pour la théosophie, puis finit par s’établir en Égypte et se rapprocher de l’Islam, tout en embrassant la cause anticolonialiste – avait littéralement disparu des mémoires. Qui était donc Valentine de Saint-Point ? On ne se souvenait d’elle, au mieux, que comme d’une arrière-petite nièce de Lamartine décidément bien excentrique… Après une éclipse d’un demi-siècle, cette expérience artistique au croisement des avant-gardes et des courants modernistes européens revient peu à peu à la lumière : Valentine de Saint-Point apparaît désormais comme une figure incontournable de la création artistique du début du XXe siècle. Le présent volume vise à prolonger le mouvement d’investigation entamé autour de cette artiste d’exception, en réunissant les spécialistes qui se sont, jusqu’à présent, intéressés à son parcours. Ce volume entend devenir une publication de référence pour celle qui est désormais considérée comme la principale femme d’avant-garde du panorama de la Belle Époque.

 

Née en 1875 à Lyon, Valentine de Saint-Point est l’arrière-petite-nièce de Lamartine, à qui elle voue une véritable admiration. En 1904, libérée de plusieurs histoires conjugales compliquées, elle devient une figure artistique de la Belle Époque : elle s’initie à la peinture avec Micha, pose pour Rodin, avec qui elle entretient une correspondance suivie, côtoie Rachilde et Maurice Ravel, et devient la compagne de Ricciotto Canudo. Cet artiste italien installé en France, théoricien du cinéma (il est l’auteur de l’expression « septième art »), fonde la revue Montjoie !, « organe de l’impérialisme artistique français, gazette bimensuelle illustrée » défendant la conception d’un art « cérébriste ». C’est dans ce milieu intellectuel et artistique de l’avant-garde qu’évolue Valentine de Saint-Point. En 1912, dans son atelier gothique tapissé de vieux ornements sacrés, elle organise des soirées apolloniennes où elle présente des spectacles, entre autres des représentations de Rachilde, de la musique de Moussorgski, de Claude Debussy ou de Maurice Ravel. Son atelier est un foyer d’activités artistiques et draine le passage de personnalités de cercles littéraires connus : celui de l’Abbaye de Créteil ou celui de Paul Fort. On y voit Apollinaire, Jean Cocteau et Marinetti, qu’elle est l’une des premières à accueillir dans son atelier de la rue de Tourville après l’avoir rencontré chez son éditeur Albert Messein. Cette rencontre est décisive pour Valentine de Saint-Point, qui devient la « femme futuriste » : le 27 juin 1912, salle Gavaud, elle déclame son Manifeste en présence des futuristes et proclame le nécessaire avènement d’une femme nouvelle et virile : la « Surfemme ».

 

Le déclenchement de la guerre en 1914 allait déstructurer le champ culturel parisien. Valentine de Saint-Point voit ses amis artistes partir dans les tranchées : elle décide d’entamer une série de voyages. Aux États-Unis d’abord, afin de diffuser ses idées sur la Métachorie, une danse idéiste et cérébrale qu’elle a créée quelques années auparavant ; en Espagne et au Maroc ensuite, où elle se convertit à l’islam (dans des circonstances qui restent relativement mystérieuses) ; en Égypte, enfin, où elle s’installe finalement de façon définitive et s’engage dans une lutte pour le nationalisme égyptien et syrien contre les intérêts de la Grande-Bretagne et de la France. Jusqu’à sa mort en 1953, elle ne publie que des textes politiques ou journalistiques (elle crée Le Phœnix, Revue de renaissance orientale qui paraît de 1925 à 1927, et publie La vérité sur la Syrie, un essai dénonçant le mandat français au Moyen-Orient. Le seul recueil poétique qu’elle publie en Égypte est La caravane des chimères en 1934). En mettant le pied sur le sol égyptien, Valentine de Saint-Point renonce donc à la fiction au profit d’une réflexion sur la renaissance de l’Orient et son apport spirituel à un Occident jugé trop rationnel. Elle avait compris ce que Samuel Huntington appela plus tard le « choc des civilisations ».

 

Valentine de Saint-Point, romancière sulfureuse de l’amour ? Valentine de Saint-Point est l’auteure de la Trilogie de l’amour et de la mort, composée de trois romans parus entre 1906 et 1911, soit pendant sa période « parisienne », qu’Henri Le Bret qualifie d’« individualiste ». Chaque texte correspond en effet à un stade de prise de conscience de l’individualité : « le stade animal, où l’être est une simple force de la nature ; le stade humain, où il prend conscience de son orgueil ; le stade surhumain, où il se réalise jusqu’à se croire un Dieu. Cet individualisme est total : il a paru excessif. Ne dépasse-t-il pas toutes les normes ? Ne renverse-t-il pas toutes les morales et toutes les religions ? » Les romans de Valentine de Saint-Point mettent en effet en cause l’ordre établi et la morale bourgeoise et judéo-chrétienne en abordant plusieurs tabous. Ces trois textes en prose forment un ensemble cohérent, tant sur le plan de la forme que sur celui des problématiques abordées, particulièrement ancrées dans une réflexion genrée sur l’amour, les relations filiales et la féminité. Ces œuvres sont plutôt bien accueillies par la critique d’avant-garde et la critique la plus progressiste – comme celle d’Henri Duvernois qui appelait à cesser de considérer le sexe de l’auteure pour juger de la qualité d’un ouvrage. Elles renouvellent l’étude de la psychologie et des comportements féminins en fonction d’un idéal de « Surfemme » à l’allure nietzschéenne.

 

Selon Valentine de Saint-Point, la femme doit avoir volonté, orgueil et énergie pour dépasser ce rôle auquel la société l’a assignée, celui de la bonne mère de famille mièvre et sentimentale. La femme que Valentine de Saint-Point célèbre doit être virile, capable de s’engager – fût-ce dans des batailles guerrières – et de déclarer à ses ennemis, à l’instar de Caterina Sforza à propos de son propre fils : « Tuez-le ! j’ai encore le moule pour en faire d’autres ! » Femme futuriste, elle va plus loin encore que Marinetti dans le rejet du sexe faible, comme l’indique une lettre qu’elle adresse au maître italien : « […] moi, femme que vous dépréciez tant, je suis d’accord avec vous, Futuristes, sur bien des points. Je suis aussi pour la guerre et les idées fortes qui tuent, je hais la morale et le féminisme socialisants. Les femmes ont mieux à faire que de s’échiner dans des usines ! Le problème, Marinetti, c’est que la société contraint les femmes à se transformer d’êtres supérieurs en personnages languissants et sentimentaux que je déteste autant que vous, tout comme je déteste ces rôles d’ouvrières anonymes que les féministes tiennent tant à promouvoir ».

 

voyage d’un europÉen À travers le xxÈme siÈcle

Geert mak

 EDITION  GALLIMARD

 2007

Au début de 1999, j’ai quitté Amsterdam pour entreprendre un périple d’un an à travers l’Europe. Un dernier état des lieux, en quelque sorte : où en était le continent à cette fin de XXème siècle ? Et en même temps un voyage dans l’histoire, dont j’ai suivi littéralement les traces, tout au long du siècle, d’un pays à l’autre, en commençant en janvier par les vestiges de l’Exposition universelle de Paris et le souvenir de l’effervescente Vienne, pour finir en décembre sur ruines de Sarajevo.


J’ai donc voyagé avec le siècle, empruntant un dédale de routes et de chemins qui m’ont conduit de Londres à Saint-Pétersbourg, de Lisbonne à Berlin… J’ai conversé avec les témoins du siècle : écrivains, politiciens, résistants, officiers. Le petit-fils de Guillaume II, des descendants de réfugiés espagnols dans les Pyrénées françaises, le secrétaire de la reine Wilhelmine, des dizaines d’Européens m’ont raconté leur histoire.
Dans ce récit de voyage, il est question du passé et de ce que le passé fait de nous. De discorde et d’incertitude, d’histoire et d’angoisse, de pauvreté et d’espoir. De tout ce qui divise et unit l’Europe d’aujourd’hui.

Au fil de quelque mille pages, Geert MAK dresse le tableau des principaux événements du siècle passé. À partir de témoignages et de rencontres, à travers l’expérience intime du voyageur sur des lieux chargés de mémoire, il nous donne à lire la dimension humaine, individuelle, des grandes destinées des peuples. D’une virtuosité rare, cet ouvrage, véritable vadémécum du XXème siècle, nous entraîne à notre tour dans un voyage unique.
Un pavé de 1000 pages, et un très bon livre qui mélange notre histoire avec nos anciennes traditions.

 

VOYAGE EN ORIENT en 2 Volumes

Gérard de NERVAL

Club des libraires de France

 1955

2 volumes pour ce texte archi-connu des F. M. romancé, certes, mais va savoir si Gérard de Nerval au cours de ses voyages en Orient n’a pas reçu une transmission orale ?  De toute façon c’est un excellent roman qui fait rêver, et entretien chez l’initié un intérêt pour le merveilleux, le moyen Orient, la transmission et pourquoi pas une parcelle de connaissance.

 

A peine arrivé au Caire, Nerval exprime bien d’autres préoccupations que d’aller voir les pyramides. Toute son activité est consacrée à organiser son séjour pour partager la vie des habitants, ce qui le conduit à rechercher une compagne, sous l’injonction du chef du quartier.

 

Il raconte ses démarches parmi des familles de la communauté Copte, pourvues de filles – parfois très jeunes – à marier, dans une veine humoristique. Il se donne le rôle d’un naïf se retrouvant dans une société complexe, qu’il cherche à comprendre, à moitié perdu dans les usages, autant que dans le dédale des rues de la vieille ville.

 

A la fin, face aux exigences des parents rencontrés, Nerval acheta une esclave d’origine javanaise, qui refusa obstinément d’accomplir des tâches ménagères, sans parler de devenir sa maîtresse.

Dans la réalité, les commentateurs précisent que c’est le compagnon de voyage de Nerval qui fit cette acquisition : les souvenirs de Nerval ont été largement transposés et son ami a été effacé de tout son récit.

Cette narration, en revanche, est l’occasion de faire voir le Caire dans sa vie quotidienne, par le regard d’un Européen à la découverte de l’Orient. Le récit de sa visite des pyramides vient en contrepoint de cette évocation populaire et mondaine à la fois, juste avant son départ d’Egypte, et prend la forme du compte rendu d’une initiation maçonnique.

 

Devant quitter le Caire pour Beyrouth, Nerval embarqua dans un bateau de sécurité douteuse, où il eut à subir quelques déboires : de navigation, dus à l’absence de vent pendant plusieurs jours ; d’approvisionnement, à cause du manque d’eau ; et relationnels, du fait de l’intérêt suscité par son esclave auprès de l’équipage. Ces mésaventures sont toujours racontées avec verve.

 

Les descriptions de la diversité de population et de croyance au Liban sont passionnantes. Elles nous permettent d’évaluer le chemin parcouru par ce pays et ses différentes communautés pour aboutir à la longue guerre civile des années 1970 et 1980 et à la situation toujours tendue que nous observons encore.

 

Par une notation curieuse, Nerval affirme que le Liban est l’héritage des croisades et qu’il «faut qu’il appartienne, sinon à la croix seule, du moins à ce que la croix symbolise, à la liberté ». Pouvait-on encore imaginer au XIXème siècle que la liberté était fille des croisades, surtout pour un libre penseur dans le genre de Nerval, modérément attaché à la religion catholique, mais plutôt versé dans un syncrétisme assez flou, sans jamais affirmer une foi profonde ? Il est vrai que toute la période de la décolonisation, largement postérieure à Nerval, nous a fait revoir les notions anciennes d’occident porteur de civilisation, mais déjà à l’époque, l’étude historique pouvait éclairer les croisades sous un jour plus sombre d’entreprises impérialistes menées sous couvert de la foi chrétienne pour « libérer les lieux saints ». Globalement cependant, Nerval ne porte pas de jugement politique sur les événements passés, y compris les campagnes de Bonaparte. Il constate seulement la ruine des villes libanaises, sans trop la déplorer, et marque un intérêt certain pour le foisonnement de peuples et de religions présent dans l’ensemble du Proche Orient.

 

Constantinople, où il séjourna après avoir quitté le Liban et laissé son esclave dans un monastère chrétien - qu’il dut payer pour assurer son entretien -, est déjà décrite par Nerval comme une ville moderne, foisonnante de diversité, avec sa population partagée entre quatre nations. Les quartiers de Pera et Galata étaient déjà à son époque à la mode européenne, alors que Stamboul, la ville turque et musulmane, avait acquis son caractère de longue date. Il insiste sur des éléments qui nous avaient déjà frappés lors de notre visite : les maisons en bois, les chiens errants, le pont de bateaux à l’entrée de la Corne d’Or. Parmi les caractères que Nerval ne mentionne pas, je suis surpris de retrouver les portefaix que nous rencontrions si communément dans la vieille ville d’Istanbul, aux abords des bazars, dans les ruelles pentues, où ils couraient recourbés sous la charge.

 

Au total, c’est un livre très étonnant que Nerval a écrit. Le décalage entre le voyage réel et le voyage raconté est sensible, à la lumière des quelques informations biographiques fournies. Il s’agit à la fois d’un document du type relation de voyage avec des visées ethnologiques, d’une analyse des sociétés traversées et, surtout, des religions, rapprochées dans une tentative de fusion des rites, des origines et des croyances. Deux grands textes incidents en éclairent la portée : les légendes du calife Hakem et de l’artiste Adoniram. Et au milieu de tous ces éléments, il y a les rêves, les fantasmes de Nerval, tels qu’il les a précisés dans Aurélia.

 

La documentation utilisée par Nerval était considérable, et ce côté académique est également flagrant dans de nombreux passages, en opposition fréquente aux impressions du voyageur Gérard, qui décrit le voyage fantasmé, et de Nerval lui-même, las parfois de la tristesse éprouvée lors de la découverte de la réalité de l’Orient réellement vu, de ses aspects sordides, de sa misère et de sa déchéance par rapport à la grandeur de son passé.

Ce qui rend son texte particulièrement attachant, c’est la suite de ces contrastes et l’animation produite par le goût manifesté pour la fête dans chacune des villes visitées. Il sait rendre cet enthousiasme dans son écriture très pure, qui offre par sa limpidité une lecture pleine d’attraits : le plaisir du texte analysé par Roland Barthes.

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