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Chapitre10   L  (Philosophie - Métaphysique - Grands Initiés - Mystiques - Spiritualité)

 

 

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la bible Images, mythes et traditions

 Centre de recherche sur l’imaginaire

Edition Dervy

 1995

Édité par le Centre de Recherche sur l’imaginaire, ce livre est le fruit de journées d’études qui se sont tenues à Grenoble en 1992.

 

C’est une nouvelle approche du texte biblique faite par des mythologues et des philosophes. En plus d’être un écrit ancien de référence pour l’humanité et la tradition judéo-chrétienne en particulier, elle se veut mythe fondateur pour l’occident.

 

On y trouve les interventions d’Armand Abecassis, J.J. Wunenburger, Claude Ambroise, Maurice de Gandillac, Antoine Faivre et bien d’autres.

 

la bible et l’Égypte

Patrick Négrier

Edition Ivoire-Clair

 2002

Patrick Négrier montre dans cet ouvrage, exemples à l'appui, comment les rédacteurs de la Bible empruntèrent des matériaux à la symbolique de l'antique culture égyptienne pour codifier leur propre tradition. Cependant ce livre n'est pas seulement un traité d'herméneutique appliquée des symboles communs des deux cultures égyptienne et biblique. C'est aussi un essai sur l'histoire de la culture qui atteste l'existence d'une authentique filiation historique entre les deux cultures égyptienne et biblique, filiation historique qui nous empêche de croire à l'identité spécifique du judéo-christianisme, lequel fut et demeure une reformulation simplifiée des noyaux philosophiques de la tradition primordiale codifiée par les anciens égyptiens dès la fin du Mme millénaire avant notre ère. Enfin, par les résultats spéculatifs de son herméneutique symbolique, ce livre apporte une contribution déterminante à la philosophie

L’Égypte, célèbre pour ses pyramides et pour son fleuve, le Nil, fut la première puissance mondiale dans l’histoire biblique. C’est à son ombre que la nation d’Israël a vu le jour et c’est sur son sol que Moïse, rédacteur des cinq premiers livres de la Bible, est né et a été instruit. L’histoire profane et l’archéologie corroborent-elles sa narration relative à cette puissance antique ? Considérons quelques exemples.

L’exactitude historique transparaît souvent dans des détails concernant les coutumes, les convenances, les noms, les titres de fonctionnaires, etc. Qu’en est-il sous ce rapport des deux premiers livres de la Bible, la Genèse et l’Exode ? À propos de ce que relate la Genèse sur Joseph, un fils du patriarche Jacob, ainsi que du livre de l’Exode, J. Duncan déclare dans son ouvrage Nouvel éclairage sur les origines des Hébreux (angl.) : “ [Le rédacteur de la Bible] connaissait extrêmement bien la langue, les coutumes, les croyances, la vie à la cour, l’étiquette et le fonctionnariat égyptiens. ” Il poursuit : “ [Le rédacteur] fait un emploi exact des titres en usage à l’époque dont il parle [...]. En réalité, rien ne prouve de façon plus convaincante l’intime connaissance de l’Égypte dans l’Ancien Testament et la fiabilité des rédacteurs que l’emploi du terme Pharaon à différentes périodes. ” J. Duncan dit encore : “ Quand [le rédacteur] met ses personnages en présence de Pharaon, il leur fait observer la bonne étiquette de cour et utiliser le langage qui convient. ”

Dans l’Antiquité, les Hébreux portaient la barbe. La Bible nous apprend pourtant que, avant de se présenter devant Pharaon, Joseph s’est rasé (Genèse 41-14). Pourquoi cela ? Pour respecter la coutume et l’étiquette égyptiennes, selon lesquelles les poils du visage dénotaient la malpropreté. Les Égyptiens “ mettaient un point d’honneur à être bien rasés ”, affirme La vie quotidienne dans l’Égypte antique (angl.). D’ailleurs, on a retrouvé dans des tombes des nécessaires de toilette constitués de rasoirs, de pinces à épiler et de miroirs, ainsi que leurs étuis. De toute évidence, Moïse était un chroniqueur méticuleux. On peut en dire autant des autres rédacteurs bibliques qui ont rapporté des événements relatifs à l’Égypte antique.

Jérémie, qui a écrit les deux livres des Rois, fournit des détails précis au sujet du commerce de chars et de chevaux que pratiquait le roi Salomon avec les Égyptiens et les Hittites. Il explique qu’un char coûtait “ six cents pièces d’argent, et un cheval [...] cent cinquante ”, soit le quart du prix d’un char. — 1 Rois 10-29. D’après Archéologie et religion israélite (angl.), autant l’historien grec Hérodote que des découvertes archéologiques confirment l’existence d’un commerce actif de chevaux et de chars pendant la royauté de Salomon. “ D’ordinaire, quatre chevaux [...] s’échangeaient contre un char égyptien ”, souligne d’ailleurs l’auteur, rapport de valeurs qui correspond à l’indication biblique. Jérémie et Ezra mentionnent également l’invasion de Juda par le pharaon Shishaq, précisant qu’elle a eu lieu “ dans la cinquième année du roi [judéen] Rehabam ”, soit en 993 avant notre ère (1 Rois 14-25 – 2 Chroniques  12 - 1). La Bible a longtemps été la seule à relater cet événement, jusqu’à ce qu’à Karnak (l’ancienne Thèbes), sur le mur d’un temple égyptien, on découvre un relief.

La sculpture représente Shishaq devant le dieu Amon, le bras levé pour frapper des captifs. On y lit aussi les noms de villes israélites vaincues, dont beaucoup ont été identifiées à des sites bibliques. Il y est également question du “ champ d’Abram ”, ce qui constitue la plus ancienne référence au patriarche biblique Abraham dans les annales égyptiennes. — Genèse 25-7.  Sans conteste, les rédacteurs bibliques n’ont rien inventé. Conscients qu’ils avaient des comptes à rendre à Dieu, ils ont écrit la vérité, même lorsqu’elle leur était peu flatteuse, comme dans l’épisode de la défaite de Juda face à Shishaq. Une telle franchise contraste vivement avec les chroniques embellies, exagérées des scribes égyptiens, qui s’interdisaient de consigner quoi que ce soit de peu élogieux concernant leurs souverains ou leur peuple.

Seul Jéhovah Dieu, l’Auteur de la Bible, est capable de prédire l’avenir sans se tromper. Notez par exemple ce qu’il avait annoncé par l’intermédiaire de Jérémie au sujet des villes égyptiennes Memphis et Thèbes. Memphis, ou Noph, était jadis un important centre religieux, politique et commercial. Pourtant, Dieu avait prédit : “ Noph deviendra un objet de stupéfaction et sera bel et bien incendiée, de sorte qu’elle sera sans habitant. ” (Jérémie 46-19). Et c’est ce qui s’est produit. Le livre Sur les traces de Moïse le législateur (angl.) révèle que “ les ruines colossales de Memphis ” ont été pillées par les conquérants arabes, qui s’en sont servis comme d’une carrière. Il ajoute que, aujourd’hui, “ sur les [kilomètres carrés] qu’occupait la ville antique plus une seule pierre ne dépasse de la terre noire ”.

Thèbes, autrefois No-Amon, ou No, a connu un sort similaire, de même que ses dieux impuissants. À propos de celle qui fut la capitale de l’Égypte et le principal centre du culte d’Amon, Jéhovah a dit : “ Voici que je m’occupe d’Amon [...] de Pharaon et de l’Égypte, de ses dieux [...]. Oui, je les livrerai en la main de [...] Neboukadretsar le roi de Babylone. ” (Jérémie 46-25). Comme prophétisé, le monarque babylonien a conquis l’Égypte et la glorieuse No-Amon. Puis en 525 avant notre ère, le dirigeant perse Cambyse II a porté un nouveau coup à cette ville, qui a peu à peu décliné avant d’être complètement dévastée par les Romains. Sans conteste, l’exactitude prophétique de la Bible en fait un livre hors du commun et donne confiance en ce qu’elle enseigne sur l’avenir.

La toute première prophétie biblique * a été rédigée par Moïse du temps de la puissance mondiale égyptienne. Consignée en Genèse 3-15, elle annonce que Dieu suscitera une “ semence ”, ou descendance, qui écrasera Satan et sa “ semence ”, c’est-à-dire ceux  qui adoptent ses voies mauvaises (Jean 8-44 et Jean 3-8). La “ semence ” principale de Dieu s’est révélée être le Messie, Jésus Christ. — Luc 2-9. La domination de Jésus s’exercera sur la terre entière, qu’il débarrassera de toute méchanceté et des gouvernements humains oppressifs. Plus jamais ‘ l’homme ne dominera l’homme à son détriment ’. (Ecclésiaste 8-9.) De plus, comme Josué, qui jadis a conduit Israël en Terre promise, Jésus fera entrer “ une grande foule ” d’humains craignant Dieu dans une “ terre promise ” autrement plus grandiose, une terre purifiée qui sera transformée en un paradis universel. —

Cette précieuse espérance rappelle une autre prophétie, également rédigée du temps de l’Égypte antique. Job 33-24 déclare en effet que Dieu délivrera les humains de “ la fosse ”, ou de la tombe, grâce à la résurrection. Oui, aux foules épargnées lors de la destruction future des méchants s’ajouteront les millions de personnes actuellement dans la tombe que Dieu ressuscitera. Leur perspective sera de vivre éternellement dans un paradis terrestre (Actes 24-15). “ La tente de Dieu est avec les humains, lit-on en Révélation 21-3. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus ; ni deuil, ni cri, ni douleur ne seront plus. ”

En 1896, dans un temple funéraire égyptien, des archéologues ont découvert ce qui a été appelé la stèle de Merneptah. Ce monument de granit noir vante les exploits du roi égyptien Merneptah, qui, pense-t-on, a régné à la fin du XIIIsiècle avant notre ère. Il comporte un hymne dont voici un extrait : “ Israël est anéanti, sa semence n’existe plus. ” Il s’agit du seul texte égyptien antique connu à faire allusion à Israël. C’est également la plus ancienne référence non biblique à cette nation. La stèle a été fabriquée à l’ère biblique des Juges, époque dépeinte dans le livre du même nom. Toutefois, à la différence des chroniques fanfaronnes des pharaons, le livre des Juges expose tant les exploits que les échecs d’Israël. Concernant les échecs, Juges 2-11 déclare : “ Les fils d’Israël se mirent à faire ce qui est mauvais aux yeux de Jéhovah et à servir les Baals [des dieux cananéens]. Ainsi ils abandonnèrent Jéhovah [...] qui les avait fait sortir du pays d’Égypte. ” Une telle franchise caractérise l’ensemble des Écritures.

Au sommaire :

Dissertation sur le symbolisme des lettres hébraïques -- Les passeurs Abraham, joseph, et moise -- Les quatre vents du ciel -- Le symbolisme traditionnel de la coupe -- La symbolique du mastaba dans la bible -- De la pyramide égyptienne à la croix de jésus -- Les pyramides des Maccabées -- La symbolique du complexe funéraire des pyramides dans la bible -- le symbolisme traditionnel de la porte -- Les origines égyptiennes de la version matthéenne du pater -- Le roi : corps ontologique et corps social -- Le ka comme notion globale du divin.

 

LA CHAIR ET LE REGARD DE L’ANGE

Jean Pataut

Editions Traditionnelles 

 2003

Ce livre pourrait avoir comme titre « L’élève sur le chemin initiatique » et correspondrait peut être mieux à son contenu. L’auteur nous mène en effet au long des trois œuvres alchimiques, noir, blanc et rouge, à visiter à partir du diagramme kabbalistique, l’Arbre de Vie, qu’il met en parallèle avec la caverne de Platon.

A propos de l’œuvre au noir et du rejet des certitudes qu’il nécessite, l’auteur propose une approche souvent contestatrice de notre vision du temps et de l’espace. Il en va de même de ses propos sur la nature ontologique des symboles, si reliés à la langue universelle, notamment en astrologie et dans le Tarot.

La purification psychique qu’implique l’œuvre au Blanc amène à s’interroger sur l’origine et la nature de la Chute et sur celle de l’orgueil, comme sur leur domaine. Ce dernier ne dépasse t-il pas très largement le domaine de l’humain, s’il concerne aussi les esprits inférieurs et les mondes infernaux ?

A propos de l’œuvre au rouge, le lecteur aborde les mystères chrétiens. Comment spécifier le Fils de l’Homme ? Et le Fils de Dieu ? Ou le Corps de Résurrection ? Quelle peut être l’origine de l’Immaculée Conception ? Pourquoi la vision islamique de la Crucifixion peut être compatible avec une compréhension ésotérique chrétienne ? Et que dire de l’antique querelle du filioque ? Quelles peuvent être, au sein de l’Arbre de Vie, les Sephiroth respectives de Jésus, du Christ et du Logos ?

Ce livre est une alchimie intérieure, le parcours des aspects apparents et des aspects subtils de la pensée traditionnelle à travers ses aspects exotériques et ésotériques et ses degrés ou niveaux de réalités. On sent bien que ces textes sont le résultat d’une vie méditative, d’un approfondissement ressenti des thèmes soulevés où l’éclairement de la sagesse et des questions de l’être ne font qu’un.

Le sang est aussi bien physiologique que spirituel, il porte son flux vibratoire pour la vie de chacun tout en conservant dans chacune de ses molécules une mémoire et une conscience. Le sacrifice du sang est aussi bien chair de l’esprit, que l’esprit qui se fait chair. C’est pourquoi l’homme est créé dans sa chair et incréé dans son esprit et sa conscience. La sève du temps et les pulsations de l’espace irriguent toutes les parties de la Création et toutes les particules de l’Homme.

Ce qui conduit Jean Pataut à soulever parmi tant d’autres mystères, celui du corps glorieux, du Corps de Lumière, le Corps de Résurrection qui se manifestera à la fin des temps dans sa totale plénitude. Une vision qui échappe – comme l’image de l’infini- à l’analyse objective, si ce n’est que l’infini comme le temps échappent à la temporalité sensorielle que nous voudrions leur attribuer.

Au sommaire de cet ouvrage :

L’Arbre de Vie : Signification - Synthèse des voies initiatiques - Les Sephiroth et la place du psychisme -

L’œuvre au noir : Le mythe de la caverne de Platon - La prière - l’honneur et la propriété - l’amour et la guérison - le hasard et le temps - l’espace, la Science et l’individu - La révolution française - la rétribution karmique - eschatologie et égalité -

Aperçus sur la liberté : La liberté du siècle des « Lumières » - Liberté d’autonomie ou liberté programmée ? - la liberté de soumission - Une société sacralisé et qui se désacralise -

De la nature du Symbole : Fondement du sens ésotérique - la multiplicité des significations - La contemplation - Du symbole dans les Ecritures -

Aperçus sur les fondements ésotériques de l’astrologie : La nature est bien vivante - Les dieux grecs sont toujours vivants - Le zodiaque - Mandalas, numérologie et archétypes -

A propos du Tarot : Son histoire - son utilisation - le secret du Tarot -

De la lecture transversale : Exemples des transversales - L’initiation préalable - Avant les temps modernes et depuis -

La purification psychique  ou l’œuvre au blanc : Quelques données psychologiques et sociales - L’ego et sa chute - le lieu de l’orgueil et ses dérivés -

Le pardon : Pardon de l’homme et de Dieu - Karma de l’homme - pardon collectif - une parole du Christ -

L’élève et l’initiateur : « De mon âme à ton âme » - Le Maître invisible - la Maîtrise - Vers son pôle céleste - les devoirs de l’élève et les devoirs du Maître - les droits du Maître et de l’élève -

La Gnose ou l’œuvre au rouge : Réflexions sur le prologue de St Jean - Le Logos - les Ténèbres - Jean-Baptiste - L’incarnation -

Il faut naître d’en haut : Nicomède - Si Dieu n’est pas avec lui - Le royaume de Dieu - Naître d’en-haut - Naître d’eau - Naître d’esprit - Tu es Maître en Israël - Le « Fils de l’homme, Fils de Dieu » - Elever le serpent - Il a donné son fils - Le jugement - Au nom du Fils - Celui qui fait la Vérité -

Du Corps glorieux : Trois visions à la gloire de la Transcendance - Krishna et Jésus transfigurés - Séraphim de Sarov - La victoire sur la mort - La mort d’Œdipe, d’Hénok, et de Moïse - L’Ascension de Jésus et d’Elie - La victoire sur la naissance - L’apparition de Mamré - Melchisédek - Jésus en corps apparitionnel -  

 

la critique et la conviction

Paul ricœur

Edition Hachette

 2001

Ce grand philosophe contemporain nous livre ici son itinéraire personnel, qui l’a entraîné sur les chemins, philosophiques, métaphysiques et de l’herméneutique à l’éthique.

C’est une passionnante réflexion sur l’existence et la mort et les rapports des savoirs et des cultures.

 

Pourquoi faudrait-il dresser la conviction contre l’esprit critique ? C’est qu’il y a un esprit critique qui ronge et abat toute conviction, une sorte de doute paresseux, d’incrédulité a priori, qui ne laisse rien vraiment debout, mais qui ne rend pas même la peine de rien critiquer à fond. Cette incrédulité qui passe pour évidence ne déconstruit rien, et laisse tout un peu abîmé, inutilisable.

 

La religion, la politique, la justice, l’histoire, la mémoire, le langage même, et bien sûr la presse, rien n’y échappe. Et dans ce paysage, les convictions religieuses, particulièrement les convictions chrétiennes, sont de toute façon déplacées, ridiculisées ou honteuses. Un penseur chrétien ? Le voici parfois d’avance disqualifié, récusé. Il ne peut être objectif, ni tolérant, ni laïc, ni critique, ni même compétent. Il a des attachements coupables, dans un temps voué à l’émancipation.

 

Un philosophe tient à l’esprit critique comme un poisson tient à son élément aquatique ! Mais la critique dont nous parlons ici est presque étouffante, aussi étouffante pour la pensée que les dogmatismes de jadis. Comme si nos sociétés ne pouvaient qu’osciller dramatiquement entre un excès dogmatique et un excès sceptique. Le philosophe Paul Ricœur, dans un livre récent, écrivait ainsi que l’époque avait changé depuis les Lumières : « il s'agissait alors de lutter contre la crédulité et l'imposture ; il s'agit maintenant de lutter contre l'incrédulité et la volonté d'oublier ».

Car s’il n’y a plus de conviction, plus rien à quoi nous puissions croire, tout s’efface et retourne au sable, les témoignages les plus criants finiront par se taire. Et les véritables convictions, en retour, ne fuient pas la confrontation critique.

Pour Ricœur, on ne peut donc opposer platement la critique et la conviction : la philosophie la plus critique comporte des convictions fortes, et la conviction religieuse abrite aujourd’hui un sens critique qui a souvent déserté nos sociétés.

 

Car si on accepte que l’on puisse tout dire et tout prouver, la seule chose qui reste c’est d’être le plus fort, et d’affirmer ses opinions avec assez d’aplomb pour rassurer et entraîner les indécis. La fascination exercée par les Hitler vient de là — et il y a souvent d’autant plus de véhémence et de fanatisme qu’au fond l’on ne croit pas à ce qu’on dit. Aujourd’hui encore, nous avons sans cesse besoin d’être rassurés par des preuves indiscutables, ou par des vérités magiques qui donneraient enfin à notre monde trop complexe une solidité, une simplicité démagogique. Ici les rôles de la critique et de la conviction s’inversent. Des convictions bien pesées peuvent ensemble refonder, co-fonder un débat plus intelligent, et rendre à tous le sentiment qu’on peut s’orienter dans le monde pour y parler et y agir ensemble.

 

La conviction, qui a analysé avec soin toutes les données pour aller chercher une petite information qui manque encore, sait que le monde n’est pas fini. Elle ne se contente pas d’informer, elle interroge, elle ouvre d’autres questions possibles, elle s’arrache aux présuppositions qui enferment les discussions dans des bornes fermées. Un témoin crédible, que ce soit dans les confrontations de la justice, de l’histoire, de la politique ou de la religion, sait laisser la place aux autres témoignages, parce qu’il ne se met pas lui-même en avant, ne prétend pas à lui seul tout comprendre. Mais un témoin crédible accepte courageusement d’avoir une voix, et pas seulement un discours interchangeable, et de vouloir ce qu’il dit — c’est tellement plus facile de ne pas prendre sa propre parole au sérieux ! Et parce qu’il ose donner son interprétation, la confier sans l’imposer aux autres, il donne à ceux qui l’entendent confiance dans leur propre voix.

 

LA GENḔSE – VOLUME DE LA CONNAISSANCE SACRḖE

Jean Claude Mondet

Ed. Numerilivre

 2017

Si, pour les croyants, la Bible et en particulier son premier livre, la Genèse, sont censés véhiculer la parole divine, de plus en plus d'entre eux admettent, comme le font les spiritualistes, qu'il s'agirait plutôt d'un recueil de traditions orales, exprimant la façon dont les anciens, peut-être « inspirés », avaient répondu à leurs questions existentielles : D'où venons-nous ? Où allons-nous ? Quel est le sens de la vie ? En ces temps reculés, le langage étant peu adapté à la réflexion abstraite, ils ont procédé par analogie, transposant à des exemples concrets les idées qu'ils voulaient faire passer, ainsi sont nés les symboles et les mythes. Dans le monde antique, l'auditeur, était invités à s'identifier aux héros présentés et de la sorte, à vivre en esprit les aventures que ceux-ci étaient réputés avoir vécues réellement et donc à recevoir le message transmis, relatif à sa propre destinée.

La Genèse fourmille d'épisodes célébrissimes, preuve s'il en était besoin qu'elle reste d'actualité. Qui ne connaît ceux concernant la Création de l'homme, la côte d'Adam, le fruit défendu, le déluge, la tour de Babel, Abraham et Isaac, Sodome et Gomorrhe, Loth et ses filles, Jacob et le plat de lentilles, sa lutte contre l'ange, Joseph et la femme de Putiphar, les vaches grasses et les vaches maigres, etc. etc. ? Derrière l'histoire racontée, ce sont chaque fois de nouvelles connaissances sur nous-mêmes que nous sommes appelés à découvrir. L'auteur présente ici le résultat de sa propre lecture, à la fois symbolique, allégorique et mythique de ce texte, il invite le lecteur à le suivre dans le voyage qu'il raconte, celui de l'humain dans sa quête spirituelle, et à s'en forger sa propre interprétation.

 

Interprétation Esotérique de La Genèse (1,21-22) : 21.- Étant donné que Kether et Hochmah sont UN, que Père et Fils sont UN (exprimé en termes christiques), nous comprenons, ainsi, qu'en ce 6 ème Jour, la Divinité Travaille simultanément à deux niveaux distincts. Nous avons vu le premier, voyons à présent le deuxième, c'est-à-dire celui de la création d'Adam. Fabre donne à ce mot la signification de genre humain ou, plus précisément celle de Règne Hominal. Moïse nous dit que Dieu a fait Adam homme et femme en même temps, c'est-à-dire hermaphrodite. Et il en fut ainsi tel que nous l'avons prouvé dans certains de nos textes, (Le Grand Livre de Cabale Magique, Une Vie Changée... etc.)  Et, c'est dans ce 6 ème  Jour que nous pourrons récupérer l'Unité perdue au début de notre parcours humain, épisode qui nous sera explicité par Moïse, dans le Deuxième Chapitre, lorsqu'il décrira les Travaux réels, effectifs, réalisés par la divinité. Car, dans ce Premier Chapitre il est en train de nous exposer ce que Dieu a fait en puissance, sur plans pourrions-nous dire, et qui était appelé à se déployer dans son Oeuvre.

 

L'Adam, auquel Moïse fait référence, est l'Adam du 6 ème  Jour, le Règne Hominal selon la manière de s'exprimer de Fabre. Il n'est pas l'homme primitif, le sauvage, mais celui qui, après une très longue évolution, est arrivé à constituer le Règne Humain. C’est l’Homme-Roi,  à qui Dieu a donné pouvoir sur tout ce qui est sur Terre ; sur la Terre Emotive et sur la Terre Mentale qui sera notre Terre lors du 6 ème   Jour, car c'est la plus inférieure des Terres de ce 6 ème  Jour (voir La Cosmogonie des Rose+Croix de Max Heindel). Oui, dans le Chapitre suivant, nous seront racontés les Travaux de ce 4 ème Jour dans lequel nous nous trouvons, et nous assisterons à la formation d'Adam avec de l'argile de la terre, selon les traducteurs conventionnels de la Bible.   Au 6 ème Jour l'Oeuvre s'achève, bien qu'en réalité le pouvoir de Kether n'aurait dû nous être transmis (disions-nous) que le 7 ème Jour. Tout s'accélère. Et cette accélération de l'histoire nous devons la comprendre comme un don fait par Hochmah, un don d'Amour. Dans le 6 ème  Jour le Corps Mental, dont la graine fut plantée lors du 3 ème  Jour, atteindra la phase 2°Hé et sera en état de régner sur tout ce qui a été créé, mais la fécondité créative ne sera atteinte que le 7 ème  Jour, de la même manière que le Corps du Désir n'aura atteint son pouvoir Créateur que le 6 ème Jour. Au 7 ème  Jour, tel que nous l'avons déjà signalé, nous assisterons à une sorte de répétition générale de ce que sera notre propre Création dans le prochain Grand Jour de Manifestation.

 

Nous serons, en effet, en état de créer, mais nous ne disposerons pas d'un espace qui nous appartienne véritablement. Nous effectuerons nos créations sur des structures super-organisées, et nous serons un peu comme ces enfants qui apprennent à dessiner sur des schémas déjà tracés, dans lesquels ils ne doivent qu'ajouter la couleur et quelques traits. Nous savons que nos cobayes dans ce 7 ème  Jour, seront les composants de la Vague de Vie aujourd'hui minérale et qui, alors, sera humaine, Ce seront eux qui nous fourniront les matériaux pour cette Grande Répétition.   Nous arrivons à la fin d'un sujet où rien n'a été encore dit. Tel que nous l'avons progressivement observé, les traduc­tions dont nous disposons de ce Premier Chapitre du Livre de la Genèse, ne traduisent pas la pensée de Moise, inspirée par Jéhovah. Fabre d'Olivet nous indique qu'il existe trois façons de lire le texte de Moïse, mais il s'intéresse rarement au sens symbolique et même lorsqu'il s'y intéresse, Fabre d'Olivet ne possède pas de manière suffisante, la connaissance cabalistico-astrologique pour pouvoir interpréter convenablement ce que Jéhovah a voulu nous dire au travers du médiateur Moïse.

 

Le schéma de la Création que Max Heindel présente dans sa Cosmogonie nous permet de suivre le fil des Travaux, de façon plus convaincante. Cependant, là aussi des écarts se font jour, concernant l'inéluctable raisonnement logique offert par l'étude de l'Arbre Cabalistique ; écarts que nous ne voulons pas mettre en évidence mais que le Lecteur remarquera sans aucun doute.  Disons, pour finir, que certains énoncés pourront se trouver en contradiction avec ce que nous avions consigné dans d'autres textes (ouvrages de Haziel et de Kabaleb). Certes, nous pourrions rectifier les points qui ne sont pas concordants, pour les faire coïncider avec nos observations passées (tout au moins avec les plus récentes), mais ce travail de rectification devrait être permanent. Et, d'autre part, si notre itinéraire nous a conduit à ces évidences de plus en plus claires et précises, un tel parcours devra donc également être utile à tous ceux qui nous suivent. La capacité de capter la Vérité augmente au fur et à mesure que nous la captons et ceci étant, nous sommes constam­ment obligés de mettre en question ce que, précédemment, nous considérions vrai et immuable. Dans un Univers vivant et lancé vers une toujours plus grande perfection, la Vérité immuable n'existe pas.

 

la foi d’un hÉrÉtique

J.M. van hille

Edition DU PRIEURÉ

 1997

Ce petit livre s’adresse à tous ceux qui, à un moment de leur vie, s’aperçoivent qu’il leur est devenu impossible de croire en la résurrection des morts, aux miracles, à l’ascension, au jugement dernier etc. et qui souvent en ressentent un peu d’effroi quand ce n’est pas la honte…


Dénonçant vigoureusement la détestable foi du charbonnier qui est une véritable insulte à Dieu, l’auteur propose une nouvelle lecture des textes du Nouveau Testament, débarrassée des mythes encombrants que l’interprétation primaire imposée par l’éducation religieuse traditionnelle rend aujourd’hui insupportables, seule façon à son avis de devenir le chrétien irréligieux que Dietrich Bonhoeffer avait déjà évoqué et d’évoluer vers la connaissance approfondie de soi, indispensable à celle de Dieu, par l’approche parallèle mais non exclusive des textes apocryphes et de la Gnose, sans jamais tomber dans les excès d’un pseudo-ésotérisme de pacotille.

Les Églises établies ont intentionnellement donné au terme hérétique une connotation péjorative et même agressive, oubliant que son sens premier qualifiait celui qui a fait un autre choix.


Un petit livre souvent décapant qui, évitant toute polémique, en surprendra plus d’un ou en dérangera d’autres, mais qui constitue une étape décisive de la recherche spirituelle des temps nouveaux.

 

l’agir et l’Être initiatique

Alain pozarnik

Edition Dervy

 2003

Dans ce nouveau livre, l’auteur nous explique l’éveil de la conscience, et la soumission de la connaissance à l’expérience rationnelle. Pour cela il faut fonctionner en harmonie avec les Lois de la création. Il faut mettre en action les rites, les rituels et les symboles traditionnels.

 

Devant la difficulté à faire “passer” un savoir à travers un enseignement frontal, l’agir et le faire sont généralement promus comme une panacée pédagogique. C’est la solution évidente dans laquelle plonge tout béotien qui veut que les “choses” changent dans l’éducation. En fait, cette proposition n’est pas neuve. Depuis quatre cent ans, elle est à la base de toutes les pédagogies dites “actives”.

 

Montaigne, puis Rousseau, s’étaient déjà faits les chantres de l’action “des mains” pour apprendre.

Dans ses Essais (1588), l’humaniste français proposait déjà des pratiques propres à éveiller l’intérêt des enfants, par le goût de l’observation et l’utilisation de jeux. Le philosophe genevois souhaitait que le maître ait une attention toujours en éveil pour offrir à l’élève des activités qui puissent susciter curiosité, réflexion, voire émotion.


Emmanuel Kant, toujours au XVIIIème, théorisera cette idée ; il fera de l’action une des “bases de l’entendement humain”. Un demi-siècle plus tard, ce sera l'éclosion d’un ensemble d’écoles de par le monde basées sur ce principe. Duruy à Chicago, Montessori à Rome, Kerschensteiner à Munich, Decroly à Bruxelles expérimenteront cette approche. Et en 1912, John Dewey, philosophe et psychologue américain lancera son mot d’ordre : “learning by doing”, apprendre par l’action, en mettant en avant la spontanéité et l’élan “désiré” de l’élève. Ce que les psychologues Edouard Claparède, Jean Piaget et Henri Wallon confirmeront, expériences à l’appui au cours de ce siècle.

 
En effet, l’apprendre peut être considéré comme une “suite d’actions intériorisées”, comme le proclame le psychologue genevois. L’enfant apprend en puisant sa dynamique dans des actions. Dès lors, le “c’est en agissant que l’on apprend” deviendra le slogan préféré des différents mouvements d’Education Nouvelle. Et Célestin Freinet fera du “tâtonnement expérimental” un de ses trois principes de sa pédagogie. “Ce n’est que par l’exercice que (l’élève) peut apprendre (...), il n’apprendra jamais si vous ne le lâchez pas dans l’aventure”.
Les limites de l’action

 

l’alchimie du rÉel

Lee lozowick

Edition  DU RELIE

 2000

Introduit au public francophone par l’ouvrage de Gilles Farcet « l’Homme se lève à l’Ouest », Lee Lozowick est capable de passer sans transition de l’austérité à l’extravagance. Il incarne sous des apparences relativement détendues, voire farfelues, ce que la voie a de plus rigoureux et exigeant  pratique, discipline, intégrité, persévérance.


Au fil de cet ouvrage, Lee Lozowick réaffirme en un style on ne peut plus direct et contemporain la quintessence de son enseignement qui n’est autre que celle de toutes les voies d’éveil.


En fait cet homme, à l’instar de tous les maîtres authentiquement reliés, celui que ses élèves appellent Mr Lee fait remonter du fond de nous-mêmes une voix que nous préférerions oublier : celle de notre être essentiel qui n’a cure de nos opinions ou préjugés et se soucie peu de préserver nos sécurités de surface.


Il est question d’éveil, d’égo, des pratiques spirituelles, de la méditation, de l’intériorité, des questions, du doute, de la réceptivité, des Tantras, de la sainteté.

 

la mÉtaphysique religieuse de simone weil

Miklos vetö

Edition l’Harmattan

 1997

Un livre sur la pensée religieuse de Simone WEIL qui de juive a évoluée vers le christianisme après une activité syndicale et une expérience ouvrière très riche et très active. On y parle de la notion de décréation, du désir, d’énergie, du vide, l’expérience du beau, le temps et le moi, l’action non agissante.

 

 

Alain, qui fût son maître, l’appelait la « martienne », ses camarades de Normale « la vierge rouge », la philosophe Marie-Madeleine Davy la qualifie de « prophète ». Quant à Simone de Beauvoir, elle dit d’elle dans ses Mémoires « J’enviais un cœur capable de battre à travers l’univers entier ». Syndicaliste, chrétienne, mystique, pour tous ses contemporains, Simone Weil demeure un être à part, « archangélique » et mystérieux, sorte de cerveau monté directement sur cœur, d’une capacité intellectuelle hors du commun, dénuée de tout cynisme et vouée sans conditions à une seule cause : la vérité.

 

L’Enracinement, son œuvre la plus achevée, essai politique d’une lucidité vertigineuse, est republié chez Gallimard, dans le cadre d’une parution des œuvres complètes entamée en 1988. Terminé en 1943, quelques semaines avant sa mort, on le considère comme son « testament spirituel ». C’est aussi un des écrits politiques les plus saisissants du XXème siècle, dimension que s’attache à mettre en valeur l’édition admirablement annotée par Patrice Rolland et Robert Chenavier. Dans cet essai écrit dans une langue lumineuse, illustré par un art de la métaphore limpide, Simone Weil met le doigt dans la plaie de notre époque : le déracinement, cause principale selon elle, de la débâcle de 40. Mais, n’en déplaise aux néo-barrésiens adeptes de théories remplacistes, ici les racines ne sont pas celles de l’arbre de Monsieur Taine, où se mélangent la terre et le sang, mais plutôt des racines spirituelles et culturelles. Et le déracinement est moins dû à des logiques de métissage qu’à la technicisation progressive du monde et la bureaucratisation jacobine du « monstre froid » étatique.

 

L’histoire pour Simone Weil, loin d’être linéaire, est plutôt un océan de mensonges écrits par les vainqueurs où surnagent de temps à autres des « ilots de vérités », trésors égarés de l’âme humaine qu’il s’agit de retrouver. Guérie du patriotisme par le Traité de Versailles (« les humiliations infligées par mon pays me sont plus douloureuses que celles qu’il peut subir »), Simone Weil y sera ramené par le danger et se rangera de tout son cœur du côté du « pouvoir spirituel » de la France libre. Dès lors, pas question de jeter le bébé du patriotisme avec l’eau sale du pétainisme. La défaite nous oblige à « changer notre manière d’aimer la patrie ». Il ne s’agira plus d’un amour nationaliste, maurrassien, pour une France éternelle fondée sur une fausse grandeur, mais d’un « sentiment de tendresse pour une chose belle, fragile et périssable ». Il faut aimer la France, non pas avec le goût nostalgique des splendeurs révolues, mais avec la tendre sollicitude qu’on a pour ce qui est en danger. La patrie, loin d’être un absolu fantasmé, est une chose temporelle et terrestre, un moyen parmi d’autres (le syndicat, la corporation, la région) qui permet d’atteindre ce  « besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine » qu’est l’enracinement.

 

Chez cette penseuse systémique, la critique politique ne fait qu’un avec la critique sociale. Ainsi, si l’enracinement passe par l’attachement à la patrie, c’est le travail qui sera le lieu fondamental de notre participation au monde.  Dans sa critique d’un cycle travailler-manger, propre aux temps modernes où l’accroissement est la seule finalité reconnue par le libéralisme, Simone Weil veut redonner toute sa valeur au travail et pense que la grande vocation de notre époque, et son unique rédemption, doit être « la constitution d’une civilisation fondée sur la spiritualité du travail ».

 

Chrétienne refusant l’Eglise, syndicaliste opposée à la révolution, antimoderne sans être réactionnaire, Simone Weil est une véritable funambule de la pensée, qui nous déroute et nous émerveille à chaque ligne. Une pensée intransigeante et fulgurante qui doit transpercer notre modernité comme un glaive plongé dans un cadavre vérifie s’il est bien mort, pour préparer sa résurrection. Camus lui-même écrivait: « Il paraît impossible d’imaginer pour l’Europe une renaissance qui ne tienne pas compte des exigences que Simone Weil a définies ».

 

Comme le décrit subtilement Robert Chenavier dans l’avant-propos qu’il consacre à l’ouvrage, L’Enracinement est le Timée de notre temps, le « livre du philosophe qui retourne dans la caverne », et vient distribuer le pain de la vérité aux mortels. On connaît le sort qu’il advint au philosophe qui est retourné parler aux hommes dans le mythe de Platon « ceux-ci, incapables d’imaginer ce qui lui est arrivé, le recevront très mal et refuseront de le croire : ne le tueront-ils pas ? ». Simone Weil, elle, mourra- ou se laissera mourir- de cette indifférence des hommes à la vérité. On peut lire dans son dernier cahier ses derniers mots poignants, pleine d’une amère lucidité dont seul sont capables les authentiques génies : « Silence de la petite fille dans Grimm qui sauve les 7 cygnes ses frères. Silence du juste d’Isaïe « Injurié, maltraité, il n’ouvrait pas la bouche ».  Silence du Christ. Une sorte de convention divine, un pacte de Dieu avec lui-même condamne ici-bas la vérité au silence ».

 

L’AMOUR  TRANSPERSONNEL

M.M DAVY, M.A. DESCAMPS, THARTCHIN, VITRAY-MEYROVITCH

EDITIONS  TRISMEGISTE

 1989

Ce que l’on appelle « amour » n’est souvent qu’une forme de narcissisme égotique du Moi. L’amour transpersonnel, dépassant ce Moi, prend ses racines dans le Soi (Jung) et rayonne aussi bien dans la relation privilégiée du couple, que dans l’amour universel de tous les êtres et dans l’expérience mystique. Dans ce livre l’amour est donc abordé à la fois du point de vue psychologique et du point de vue spirituel :

-         La psychologie de l’amour afin d’apprendre à aimer, par M.A. Descamps

-         L’amour chrétien avec en particulier l’école rhénane et sa préparation par le courant féminin des Béguines, par Marie Madeleine Davy

-         L’amour dans le monde musulman avec la voie des soufis, par Vitray-Viremouneix

-         L’amour aux Indes en liaison avec les Ecritures et le Yoga, par M.A. Descamps

-         L’amour universel dans la Bouddhisme, par Jampa Thartchin.

Ce livre ne se limite pas à décrire des états d’amour mais permet de mieux se connaître et donne des outils pratiques de développement personnel de ses capacités d’amour. Il s’adresse au grand public tout, tout comme aux « psy », mais surtout aux personnes intéressées par des voies spirituelles.

 

la mystique du silence

Dr Jacques vigne

Edition ALBIN MICHEL

 2003

L’auteur interprète le silence de l’Himalaya (lieu où il vit la plupart du temps) et le confronte aux traditions de l’Inde, du soufisme, du bouddhisme zen, à la Kabbale et à l’orphisme. Il interprète le silence comme une libération « car si l’homme moderne a de temps en temps du temps libre, le silencieux, lui, devient de plus en plus libre du temps ».


Un livre qui nous fait réfléchir sur le schéma et la solitude. Un grand livre méditatif qui nous aide dans notre réflexion

 

Le docteur Jacques Vigne, éminent psychiatre et auteur de nombreux ouvrages de psychologie spirituelle, nous offre depuis son ermitage himalayen un précieux support de réflexion sur la signification du silence. Tâche paradoxale, mais assumée ici dans un itinéraire qui embrasse toutes les traditions, de l'Inde au soufisme et du bouddhisme zen à la kabbale et à l'orphisme, que l'auteur confronte à la mécanique ondulatoire ou la physiologie acoustique. Cette écoute du silence à travers l'histoire, les sciences et les civilisations sonne ici comme une libération, car si " l'homme ordinaire a parfois du temps libre, le silencieux, lui, devient de plus en plus libre du temps ". Dans ce silence où tout fait sens, se rejoignent Aristote, Rûmî, saint Jean de la Croix et Baudelaire, et une mélodie harmonieuse s'élève, que l'auteur nomme " la résonance de l'Unité ". Il nous invite à tendre l'oreille vers notre propre silence intérieur, à reconnaître dans toutes ces paroles la basse continue de la vérité. Le propre d'un grand texte est de se poursuivre même quand on en a achevé la lecture : tel est le trésor que recèle La Mystique du silence.

 

L’ÂNE D’OR  - INTERPRÉTATION DU CONTE D’APULÉE

MARIE LOUISE VON FRANZ

ÉDITION LA FONTAINE DE PIERRE

 1978

Marie-Louise von Franz, qui fut pendant près de trente ans la collaboratrice de C.G. Jung dans les recherches décisives qui occupèrent la seconde partie de sa vie, est généralement reconnue comme sa continuatrice la plus fidèle et la plus originale.

 

Psychothérapeute, écrivain, conférencière internationale, elle a assuré dans le monde entier la présence vivante du génie de Jung.

 

Le célèbre conte fantastique d’Apulée lui fournit l’occasion d’une illustration de la psychologie des profondeurs fourmillante de vues incisives et d’applications pratiques. La métamorphose en âne du héros Lucius conduisant à son initiation aux mystères d’Isis et Osiris met en lumière la façon dont les « cultes secrets » de l’antiquité revivent, renouvelés dans l’individuation junguienne.

 

Ce livre peut être considéré comme l’équivalent, pour la psychologie masculine d’un autre ouvrage de M.L von Franz, le Femme dans les contes de fées.

 

Il est le premier d’une série de 7 études consacrées aux contes, le tout formant un ensemble unique que ce sujet, tant par son ampleur que par la merveilleuse perspicacité de l’auteur.

Nous trouvons au sommaire de cet ouvrage :

La vie d’Apulée et ses vues philosophiques, Les deux compagnons et le conte d’Aristomène, Lucius rencontre Byrrhéna, Photis et les outres en peaux de chèvres, L’âne, Amour et Psyché, Suite du conte d’Amour et Psyché, Les travaux de Psyché, Tlépolème et l’ombre chtonienne, L’âne au service de plusieurs maîtres, Lucius redevient lui-même, La déesse Isis, L’initiation de Lucius, La matière et le vase mystique.

   

l’Âne d’or autrement dit les mÉtamorphoses

apulee

Edition J. de Bonnot

1991

Ce philosophe né en 125 après J.C. s’initia en Grèce à la philosophie de Platon.

 

D’une éloquence rare, il fut partout couvert d’honneur. L’Âne d’or est son meilleur ouvrage. Ce livre raconte l’histoire d’un jeune homme voulant devenir oiseau par la magie d’une drogue.

 

Une erreur de manipulation le fit devenir âne. C’est donc l’histoire et les pérégrinations de cet âne qui nous sont comptés.

 

Ce récit est plein de symboles qui nous font découvrir la force cachée des hommes.

 

L’ÂNE D’OR OU LES MÉTAMORPHOSES

Apulée

Edition Gallimard

 2010

Il était une fois un dénommé Lucius, plutôt brave et gentil, chez qui la bonne volonté l’emportait sur la malice, malgré cela il avait la cervelle vagabonde. Notre Lucius curieux de pénétrer les mystères de la magie, assista à certains tours de passe-passe, si maladroitement qu’il se retrouva dans la peau d’un âne et ne put retrouver sa condition humaine qu’après bien des vicissitudes.

L’âne a toujours été un symbole d’ignorance, de têtu aux grandes oreilles, de bêtise et d’ignorance qui fait pensée à l’obscurité dans la pensée, la nuit dans la tête, les ténèbres intérieures, ce qui nous amène aux divers symboles évoluant dans cette obscurité intérieure, dont Satan et son cortège diabolique.

Notre Lucius qui s’est conduit comme un âne en mêlant la curiosité intellectuelle à des satisfactions non intellectuelles aura toutes les difficultés pour revenir à son état normal, mais il y arrivera lorsque l’homme en lui, occulté comme la belle princesse de Perrault, sera l’objet d’une résurrection intérieure, c'est-à-dire lorsque Lucius sera passé des voluptés médiocres à des félicités quasi surnaturelles et supraterrestres, c’est à dire lorsque il aura atteint son point maximum de la métamorphose spirituelle.

L’auteur, Apulée né vers 125, il part en Grèce faire ses études, et ramène à Carthage un brevet d’avocat et toute la panoplie grecque de philosophie, des mythes, des penseurs tel que Pythagore et Platon, et toutes les rhétoriques qui lui serviront non pas comme avocat mais comme conférencier, mélangeant adroitement la magie et la philosophie, il a la verve gaie et la galéjade permanente, il fait rire, ce qui plait à tout le monde.

Son livre sur l’âne d’or raconte la conversion du héros (Lucius) à la religion d’Isis, divinité salvatrice et providentielle cachée dans la couronne de roses, il brode sur le surnaturel qui n’est que du naturel encore inconnu, car, et il le dit dans son livre « Rien n’est impossible », le problème est qu’il faut pour lui, dépasser le niveau de l’intelligence et aller comme lui vers les mystères, vers le mystère et vers un appétit mystique.

Lucius changer en âne va aller vers les mystères d’Isis qui l’entraineront d’épreuves en épreuves dans la voie de la purification et du salut en Isis. Cette voie, Apulée nous en donne la clé, c’est la péripétie de la psyché avec Eros, la curiosité, l’amour, et au final la rédemption pour Lucius qui broutera des roses, ainsi se terminera cette aventure pleine d’injustices et de souffrances mais riches dans l’expérience et la sagesse.

Apulée justifiera ce conte par la recherche de l’amour sous un ton plaisant et libre, s’y mêle le fabliau, l’anecdote libertine, le crime monstrueux, l’histoire de brigands, le conte bleu, l’idylle amoureuse et périlleuse, des dénouements sanglants, de la bouffonnerie graveleuse, un vrai pot-pourri, auquel on peut y accoler le vocable de mascarade et de caricature irrespectueuse impliquant la satire. C’est une rhapsodie de légendaire et de  comique, d’érotisme galant et de pornographie gaillarde.

Les métamorphoses émeuvent, évoquent la dévotion et l’irrévérence, la frivolité et le mysticisme, l’amour et le libertinage, le tragique et la gaudriole, le tout nappé du réalisme solide en vogue à l’époque, et qui plaisait beaucoup.

Le décousu de la composition s’accorde à la diversité des péripéties. Rapts, viols, naufrages, incestes, assassinats, baisers fougueux, en sont la trame, ainsi une foule de personnages venus de tous les milieux : riches marchands de Corinthe et les brigands des montagnes, côtoient les mégères imprudentes, les vierges souillées, les prêtres retors ou imbéciles, les matrones goulues, les puceaux ingénus, les pirates et les sorcières qui peuplent ce conte et en font une sorte de roman balzacien avec la mystique en plus.

Un magnifique conte initiatique.

 

LANZA DEL VASTO - APPROCHES DE LA VIE INTÉRIEURE

Lanza Del Vasto

Edition DU ROCHER

 1992

La vie de Lanza del Vasto, à l’image de sa pensée, relie entre eux des univers très différents. Poésie, métaphysique, sculpture, musique médiévale, vie communautaire, travail manuel, action non-violente, rien ne lui est étranger ! Tentons de résumer en quelques lignes cette trajectoire exceptionnelle.

 

Issu d’une famille aristocratique du sud de l’Italie, le jeune homme étudie à Paris, puis à Florence et à Pise où il soutient en 1928 une thèse de doctorat en philosophie. Porté par un immense appétit intellectuel, mais aussi par un intense goût de vivre, il hésite entre une carrière universitaire et une vie d’artiste. Il fréquente les écrivains du temps, noue une amitié puissante avec Luc Dietrich, voyage en Italie, en Allemagne et en Grèce…

 

Mais bientôt le désir de « regarder le monde dans les yeux » le lance vers des horizons plus lointains. En Inde, qu’il traverse de Ceylan jusqu’à l’Himalaya, le poète philosophe se fait vagabond et pèlerin. Au centre de ce voyage, la rencontre décisive avec Gandhi, qui lui donne un nouveau nom : Shantidas, serviteur de paix. Toute sa vie, désormais, est marquée par la non-violence, non comme un simple idéal moral, mais comme un levier de transformation spirituelle et sociale.

 

Une vie exceptionnelle : De retour en France, Lanza publie en 1943 le Pèlerinage aux sources, qui relate son voyage et le rend célèbre. Il a le grand projet de fonder un « ordre gandhien d’Occident » d’inspiration chrétienne, ouvert à tout homme de bonne volonté. Mais les années de guerre l’obligent à patienter. En 1948, il fonde la Communauté de l’Arche, à laquelle il se dévouera pendant trente-trois ans, délivrant dans le monde entier un message de sagesse et de paix. Il meurt en Espagne, le 5 janvier 1981, dans sa quatre-vingtième année. Chaque étape de ce parcours est étonnamment riche et mérite d’être regardée de près. Poète, pèlerin, patriarche, prophète, Lanza del Vasto semble avoir vécu plusieurs vies en une !

 

Ce livre est le cœur d’un message de L. Del VastoIl nous parle de la non-violence et nous donne les clés afin de discipliner le corps et l’esprit. La connaissance ; le don de soi qu’il décline en 3 phrases: La Lumière / Vérité / Dieu. Le moi ou vie intérieure, le Toi ou respect des autres.

 

LANZA DEL VASTO - LA TRINITÉ SPIRITUELLE

LANZA DEL VASTO

Edition Du ROCHER

 1994

Le maître livre de Lanza del  Vasto  50 ans de réflexion avant de le publier. La trinité spirituelle esquisse la voie philosophique du dépassement des tensions et des conflits.

 

La connaissance des pratiques hindoues et chinoises se joint à la dialectique occidentale, ravive la pensée Chrétienne et métaphysique. Il combat le dualisme qui est pour lui la maladie occidentale.

 

Les contributions plus proprement philosophiques ont été axées sur la question essentielle qui se pose à propos de la philosophie de Lanza del Vasto: que faut-il penser des relations trinitaires multiples que l’auteur découvre dans la réalité humaine et divine?

 

C’est à les mettre en lumière qu’il a consacré son ouvrage philosophique, La Trinité Spirituelle, version réélaborée  du mémoire de maîtrise. Bien des commentateurs ont souligné cet aspect trinitaire et ont cru y reconnaître l’élément fondateur de sa philosophie. En effet, Lanza del Vasto nous propose un système trinitaire de relations; on a voulu rendre compte de cela par la formule «La relation est le fondement» (A. Fabris) et c’est sur ce concept que D. Vigne a bâti son volumineux mémoire soumis à la Sorbonne.

 

Cependant sa philosophie, dont il peut sembler qu’elle confère aux concepts une portée absolue dans un esprit néo-idéaliste en son volet trinitaire (A. Fabris), inclue également une philosophie en tant qu’expérience (G. Salmeri) et une philosophie en tant que récit (E. Baccarini) qui ont pris leur essor surtout lorsqu’il a directement connu le pluralisme des races, des langues, des cultures, des religions, des civilisations, à l’occasion du voyage en Inde, ainsi que du pèlerinage à pied au Proche Orient.


Face à ce pluralisme quasi infini, il a cherché un point de convergence et l’a trouvé en repérant dans l’hindouisme le thème homologue de la trinité chrétienne. Mais voilà que ce point d’ancrage devenait celui auquel aboutit la recherche d’une multitude de consciences (P. Trianni), et même de toute conscience. Cette recherche s’appuie par ailleurs également, de façon concrète, sur les réflexions des grands mystiques (M. Vannini) et peut notamment se reconnaître à l’emploi des doubles négations, qui justement caractérise largement les Orientaux et les mystiques et dont un exemple parfait est l’expression même de «non-violence», chère à Gandhi (A. Drago).

 

Pour une compréhension de la philosophie de Lanza del Vasto dans son intégralité, s’avère fondamentale la distinction établie et exposée par le professeur G. Reale entre la métaphysique ontologique, caractéristique de l’Occident (soit qu’il en ait fait le fondement de la philosophie, soit qu’il lui ait refusé toute valeur), et l’hénologie ou métaphysique de l’Un, typique de l’antiquité grecque, mais qu’Aristote a assujetti à l’ontologie, qui seule a survécu dans la mentalité des modernes. Les néo-plotiniens seulement ont donné suite (par moments) à la tradition hénologique, ce qui explique que Lanza del Vasto ait considéré Nicolas de Cuse comme son précurseur. Ainsi donc, la conception trinitaire de Lanza del Vasto relève d’une orientation philosophique différente de la conception trinitaire traditionnelle. Notre auteur a une position originale dans le giron de la pensée trinitaire (D. Bertini, F. Vermorel, P. Pellegrino), parce que sa préoccupation dominante est celle de la conciliation de l’Un de l’hénologie et du Trois de la trinité.

 

C’est ici qu’intervient la dialectique, dont Lanza del Vasto, dès son mémoire de maîtrise, où il s’était montré extrêmement critique à l’égard de la philosophie occidentale, en particulier à l’égard de Descartes, de Kant, de Hegel (A. Fabris), avait compris à quel point elle constitue un terrain semé d’embûches. Il a considéré le dernier des philosophes cités comme son «ennemi intime» car, d’un côté, il admettait qu’il représente «une pierre angulaire dans l’histoire de la philosophie» et que «l’on ne peut éviter de se rapporter à lui»; mais, d’autre côté, il réduisait sa philosophie à une «critique de la raison impure», dans la mesure où il lui semblait que l’auteur eût traité de la dialectique d’une façon fallacieuse et déroutante. Cette définition, certes, est une boutade, mais elle rend bien compte de l’embarras dans lequel sombrent tous ceux qui s’efforcent de comprendre et de faire avancer la dialectique de Hegel. Lanza del Vasto est de l’avis, lui, qu’il faille remonter au «divin maître de Cuse», dont il veut éclaircir et améliorer la méthode de telle façon qu’à partir du multiple on parvienne à l’Un, de la duplicité à l’unité, de la variété à l’union. Son programme est celui de la «philosophie de la conciliation».

 

Comme on le voit, à partir de la vie pratique et de l’enseignement de la non-violence aux disciples dans sa communauté ainsi qu’aux gens des divers pays du monde, l’engagement de Lanza del Vasto s’est élevé jusqu’à un niveau théorique, où il a mis à jour la question qu’il considère essentielle de toute philosophie: celle de la dialectique trinitaire. Et c’est à ce niveau qu’il a placé le point de convergence entre la philosophie de l’Occident et celle de l’Orient. Il est vrai qu’il n’a pas parachevé sa dialectique; il n’est parvenu qu’à proposer des formules d’amélioration de la méthode de Nicolas de Cuse. Mais à une période où Lanza del Vasto devait s’atteler à de tout autres tâches, on peut bien dire que son énergie intellectuelle a accompli un travail remarquable, ne fût-ce qu’en renouant avec les grands problèmes et en attirant l’attention sur ce qui peut permettre à la philosophie occidentale, après la grave et très longue crise qui a été la sienne, de redevenir «amour de la sagesse».

 

LANZA DEL VASTO - le grand retour

Lanza del vasto

Edition DU ROCHER

 1993

On ne peut agir véritablement dans la non-violence sans qu’elle soit profondément ancrée en soi. Pour la vivre pleinement, pour que « le dehors soit comme le dedans », il est essentiel d’atteindre l’unité intérieure. Dans ce but, Lanza del Vasto propose un certain nombre d’exercices – la maîtrise de la respiration, la prière et la méditation – qui se révèlent autant d’étapes sur le chemin de la connaissance de soi. Il expose les dispositions nécessaires à leur pratique.


L’exercice du Grand Retour, qui donne son nom au présent recueil, constitue, par un enchaînement de poses yogiques, un « hymne et un récit de la création, de la chute et du relèvement ». On en trouvera ici, pour la première fois, l’intégralité. À lui seul, il symbolise la démarche entreprise par Lanza del Vasto : retour à soi, mais aussi retour à Dieu, et à l’origine de toutes choses.


Ce livre renvoie à tout son enseignement : « Vous, compagnons et amis, disait-il, faites le tour de la doctrine. Ne vous lassez pas d’en envisager toutes les faces et de contrôler comment l’une se lie à l’autre. Sachez qu’il y a là effectivement de quoi compenser nos défauts et nos manques dont nous ne devons jamais désespérer. »

 

LANZA DEL VASTO - LES 4 PILIERS DE LA PAIX de LANZA DEL VASTO

LANZA DEL VASTO

Edition  Du ROCHER

 1992

Vérité, justice, Amour et Liberté tels sont les 4 piliers que développe Lanza Del Vasto.

L’image que l’on a gardée de Lanza del Vasto est effectivement celle d’un homme engagé dans l’action non-violente (contre la torture en Algérie, contre la bombe atomique, pour la sauvegarde du Larzac), d’un maître spirituel explorateur de la vie intérieure  et d’un fondateur de communautés. On oublie qu’il fut d’abord un penseur et un praticien de la simplicité volontaire.


Dès 1933, il décide de prendre la route. Trente ans avant les Beatniks, il fait l’expérience radicale du détachement absolu. Ses Principes et préceptes du retour à l’évidence, publiés en 1945 à partir des aphorismes élaborés en marchant, en mettant « les pieds dans les pas de ses pensées », portent pour sous-titre Éloge de la vie simple.

C’est le début d’un cheminement, qui conduira Lanza del Vasto, quinze ans plus tard, et après son séjour auprès de Gandhi, à fonder des communautés sédentaires et néanmoins soucieuses de la révision des besoins. Bien avant la naissance du concept de « décroissance » (qui date de 1972), il saisit à quel point notre civilisation est condamnée si elle poursuit sa course effrénée à la production et au développement, dans une posture résolument prédatrice.

Dans son ouvrage majeur d’analyse politique et économique, intitulé Les quatre fléaux, Lanza del Vasto cherche à identifier l’origine des quatre calamités que l’homme s’inflige à lui-même : la misère, la servitude, la guerre et la sédition. Et il pense pouvoir la discerner dans ce qu’il appelle « le Péché Originel », c’est-à-dire « l’esprit de profit, de lucre et de domination ». C’est pourquoi les communautés de l’Arche excluent de leurs structures mêmes toute accumulation de biens et toute exploitation de l’homme par l’homme, et cultivent à loisir la sobriété et l’esprit de service. C’est ce qui fait de Lanza del Vasto l’un des plus éminents précurseurs de la décroissance.

 

lanza del vasto – sa vie – son œuvre – son message

Arnaud de mareuil

Edition DANGLES

 1998

Lanza del VASTO… le nom est aujourd’hui célèbre et pourtant, l’homme resta trop méconnu de son vivant. Disciple occidental du Mahatma GANDHI, comme lui convaincu – avant que cela ne devienne évident pour tous – de l’urgence à militer pour le dialogue interreligieux et le réveil spirituel, mais aussi pour l’action écologique et, surtout, la non-violence. La non-violence, comme respect de la vie, mais aussi la non-violence érigée en méthode de combat public, arme véritablement spirituelle et universelle dont la pertinence ne cesse de se faire sentir et qui doit être proposée au monde de demain.

Lanza del Vasto fut un marcheur, un guide, infatigable voyageur et découvreur. Homme d’action et de terrain, il fut aussi un poète remarquable, un penseur, un écrivain dont les textes illuminèrent bien des consciences. Il fut surtout un pèlerin, véhément, contestataire, prophétique, qui a traversé le siècle en se lançant dans toutes les épopées que ses pas ont rencontrées ou suscitées. Il a créé la Communauté de l’Arche qui poursuit aujourd’hui son action et continue de transmettre son message à travers le monde.

Arnaud de Mareuil, poète, compagnon et membre de l’Arche, nous offre ici la première biographie complète de Lanza del Vasto, et nous permet de découvrir l’une des figures majeures de notre temps.

 

En paraissant pour le cinquantenaire de la mort du Mahatma Gandhi, cet ouvrage prend toute sa dimension.

 

la parole

phÈne

Edition  LES 2 OCÉANS

 2000

L’intuition de la sagesse, c’est voir ce que l’on dit et non plus dire ce que l’on voit. C’est être sensible à la parole du cœur.

La parole est une faculté profondément mystérieuse, dont les lois, mieux connues, élucideraient bien des énigmes et permettraient de résoudre bien des problèmes. L'Essence universelle de la parole se rattache aux mystères les plus occultes de la création, dont le Verbe divin fut l'indescriptible agent. Pénétré de notre inaptitude à la concevoir comme à l'exprimer, cet ouvrage étudie  seulement, ici, quelques aspects de sa fonction particulière dans l'être individuel.

   Il est courant de définir la parole : l'instrument par lequel l'homme exprime ses pensées. On peut ajouter qu'elle exprime non seulement des pensées, mais encore des sensations et des sentiments, conformément à la division ternaire de l'homme .Le but de la parole est de propager au dehors une impression intérieure, de faire partager une conviction, d'insuffler un enthousiasme, en somme, d'imprimer à la matière un ébranlement spécial, dont les modalités soient les signes sensibles de notre émotion intime.    Cette activité est le reflet de l'activité créatrice du Verbe, dont chaque type créaturel exprime un aspect.

   La totalité de la création est donc bien, comme le soutenaient les anciens, le livre des livres, le poème du Verbe, le texte formidable dont l'homme déchu ânonne péniblement l'alphabet. Mais, de même que nos paroles tirent de nous leur être et leur dynamisme, sans être nous pour cela, de même la création exprime le Verbe, sans que celui-ci se confonde avec son oeuvre. Ainsi, la parole, image du Verbe, s'inscrit en faux contre toute interprétation panthéistique de la genèse des mondes.     Autre remarque, la bouche, organe de la parole, est placée entre le cerveau, instrument de la pensée et les poumons, réservoirs du souffle ; entre la pensée et la matière. De l'air, plasme passif, indifférent en soi mais apte à revêtir toutes formes, la volonté humaine fait jaillir le son.

   Ici encore, nous observons la loi universelle du ternaire, et, fait digne d'attention, c'est dans l'élément intermédiaire de cette triplicité que se résout en manifestation créatrice le conflit des deux éléments extrêmes, comme l'ont signalé, entre autres, Malfatti de Montereggio et Papus. Or, de même que le son est de l'air spécialisé et animé par la volonté humaine, de même l'univers est substance, animée et spécialisée par le Créateur. Par analogie, nous pouvons conclure que l'acte de création est le résultat du concours de deux principes primordiaux, irréductibles, quoique complémentaires, que l'on pourrait définir ainsi : L'Un sans second, le Principe même, ou le Diviseur ; La Cause seconde, le Principe autre, ou le Divisible.  Et, remarquons ici en passant, que les divergences de tous les systèmes cosmogoniques traditionnels, proviennent d'un désaccord fondamental au sujet des relations mutuelles et de la prééminence respective de ces deux principes. Nous nous proposons de revenir un jour sur ce sujet important, car cette divergence métaphysique a eu (et a encore), les plus formidables conséquences psychologiques, morales et historiques.

Revenons à la parole. Il serait curieux d'étudier les rapports ésotériques des termes qui ont servi à la typifier dans les langues antiques.    Mais nos langues modernes, nos langues vivantes, recèlent également bien des arcanes que nous négligeons, car nous négligeons presque toujours ce qui est à notre portée, pour nous enquérir de cc qui est lointain et nébuleux. Ne sont-elles pas d'ailleurs les filles et les héritières des idiomes qui les ont précédées ? Le principe de la parole est divin, or il n'y a pas de bâtard ni de déshérité parmi les enfants de Dieu !

   Que nous examinions le tudesque Word, le gaëlique Lafar, le français Verbe, ou le latin Vox (analogue au sanscrit Vatch), nous y retrouverons toujours la même idée d'énergie virile et créatrice, exprimée par le mot Parole. Le radical de ce mot P'R, se rattache de près à l'hébreu Berua, qui signifie créer et que nous retrouvons dans le composé Dabar, signifiant parole et Verbe.

   Enfin, nous avons le signe même du Verbe, d'après Fabre d'Olivet, O, U, qui vient animer et illuminer, pour ainsi dire, ces éléments sensibles, afin d'en faire jaillir la parole créatrice, dont nos pauvres paroles terrestres, empoisonnées par la calomnie et stérilisées par le mensonge, ne sont que de lointaines, très lointaines images.    C'est ainsi que les mystères de la parole divine, sont accessibles à ceux-là seuls dont la parole humaine s'applique à exprimer et non à déformer ou à trahir la vérité. C'est ainsi que le Verbe ne nous révèle les arcanes du Royaume divin, que dans la mesure où nous réalisons, dans notre sphère la loi d'amour, qu'il est venu nous enseigner lui - même, voici deux mille ans.

 

la pesanteur et la grÂce

Simone weil

Edition   Plon

 2002

Animée d’une soif d’absolu elle rend compte dans ses écrits de cette aventure exceptionnelle. Ce livre est le recueil de ses pensées, de ses réflexions et témoigne de cette exigence et de son destin.

Dieu est tout le bien possible. Il n’a donc pu créer que moins bien que lui : il n’a pu créer que le mal. C’est le paradoxe de la création : « La création est de la part de Dieu un acte non pas d’expansion de soi, mais de retrait, de renoncement. Dieu et toutes les créatures, cela est moins que Dieu seul. »

Le monde n’existe que parce que Dieu s’en est retiré. C’est en quoi « l’existence du mal ici-bas, loin d’être une preuve contre la réalité de dieu, est ce qui nous la révèle dans sa vérité. » Car la vérité de Dieu, dans le monde, c’est son absence. Ceux qui adorent quoi que ce soit ici-bas – le pouvoir, l’argent, l’humanité – sont des idolâtres.
 
Pourquoi Dieu a-t-il créé le monde ? « Par amour, pour l’amour : Dieu n’a pas créé autre chose que l’amour même et les moyens de l’amour. » Mais cet amour est distance, retrait, dépossession. C’est le contraire de la violence : « Prendre puissance sur, c’est souiller. Posséder, c’est souiller. Aimer purement, c’est consentir à la distance, c’est adorer la distance entre soi et ce qu’on aime. » Pureté et douceur vont ensemble. Tel est l’esprit du christianisme : « La Création, la passion, l’Eucharistie… Toujours ce même mouvement de retrait. Ce mouvement est l’amour. »
 
Le monde n’est pas Dieu ; mais il garde sa trace, qui est la beauté. Celle-ci se donne dans la contemplation, qui est un désir sans convoitise : « Le beau est ce qu’on désire sans vouloir le manger, comme un fruit qu’on regarde sans tendre la main. » L’esthétique mène à la mystique : « Une mélodie grégorienne témoigne autant que la mort d’un martyr », et « L’attention absolument pure est prière. »

La “décréation” C’est s’anéantir en Dieu : « Faire passer du créé dans l’incréé » ; remonter vers la source, mais qui serait l’Océan. C’est l’équivalent, chez Simone Weil, de ce que les mystiques appellent « mourir à soi-même ». Mais c’est pour vivre davantage. « Dieu m’a donné l’être, écrit-elle, pour que je le lui rende. » A la fin, il n’y a plus que Dieu : « Dieu renonce, en un sens, à être tout. Nous devons renoncer à être quelque chose. Dieu s’est vidé de sa divinité. Nous devons nous vider de la fausse divinité avec laquelle nous sommes nés. Mon Dieu, accordez-moi de devenir rien. A mesure que je deviens rien, Dieu s’aime à travers moi. »

 

la philosophie Éternelle

Akdous huxley

Edition    PLON

 1948

Philosophia Perrenis, la formule a été créée par Leibniz ; mais la chose – la métaphysique qui reconnaît une Réalité divine substantielle au monde des choses, des vies et des esprits ; la psychologie qui trouve dans l’âme quelque chose d’analogue, ou même d’identique, à la Réalité divine, l’éthique qui place la fin dernière de l’homme dans la connaissance du Fondement immanent et transcendant de tout ce qui est – la chose est immémoriale et universelle.

On trouve des rudiments de la Philosophia Perrenis parmi le savoir traditionnel des peuples primitifs, dans toutes les régions de la terre, et, sous ses formes les plus pleinement développées.

 On y parle :

De la personnalité, de la sainteté de l’incarnation divine

La religion et le tempérament

Dieu dans le monde

De la prière

De la charité

De la souffrance

De la mortification, du non-attachement, et de la vie qu’il convient de mener

De la foi

De la Vérité

De l’idolâtrie

De la connaissance de soi-même

De l’appel aux émotions

De la grâce et du libre arbitre

Du miraculeux

Du bien et du mal

Du rituel, du symbole, des sacrements

Le temps et l’éternité

Des exercices spirituels

Du salut, de la délivrance, de l’illumination

De la persévérance et de la régularité

De l’immortalité et de la survie

De la contemplation, de l’action et de l’utilité sociale

Du silence

 

 

LA PROVIDENCE

Selon : Robert Amadou – Epictète – Marc-Aurèle

Arcadia

 2012 

«La Providence est par définition, l’action par laquelle Dieu - Grand Architecte de l’Univers, conduit les événements et les créatures vers les fins qu’il leur a assignées dans sa sagesse et sa bonté ».

Le dictionnaire français nous dit : La Prudence est la volonté divine considérée comme la Sagesse qui gouverne le monde avec ses desseins impénétrables »

Dans l’ouvrage « Anthologie de la non-dualité » il est dit : La Providence, exige une attitude d’acceptation totale, qui trouve son prolongement pour la philosophie stoïcienne, dans une conception métaphysique du monde. Pour Epictète, la Providence n’agit que pour le bien, même si celui-ci n’est pas immédiatement perceptible parce qu’il dépasse l’idée que l’homme s’en fait. Pour l’homme, le bien est toujours en rapport avec ses intérêts personnels, il l’assimile à la disparition de la souffrance, à une quiétude qu’aucun événement contraire ne viendrait entamer.

Le bien serait alors de changer entièrement le monde pour qu’il corresponde à ses besoins et désirs. Dans la plupart des traditions religieuses, la souffrance, les obstacles, par les questions qu’ils suscitent, sont autant de signes qui invitent à la prise de conscience d’une réalité divine située au-delà. Pour le stoïcisme, la Providence œuvre toujours en fonction du bien total de l’univers. Toutes les parties de l’univers doivent donc coopérer à cet ordre cosmique et l’homme en tant que partie du tout, doit soumettre ses intérêts particuliers à l’intérêt général, ce qui aboutit pour lui-même au dépassement que prônent les voies religieuses.

« Tu es ici-bas pour obéir aux dieux, pour prendre en bonne part tout ce qui t’arrive et pour y acquiescer volontairement et de tout ton cœur, comme à des choses qui viennent d’une providence très sage et très bonne. Je désire toujours ce qui arrive, car je regarde ce que Dieu veut comme meilleur que ce que je veux, je m’attacherais à Lui comme un serviteur, comme son suivant ; mes propensions sont les siennes, mes désirs, les siens ; en un mot, sa volonté est la mienne » Epictète –

Epictète cite également cette phrase de Chrysippe : «  Si je savais vraiment que la maladie a été décrétée pour moi maintenant par la destinée, c’est même avec ferveur que le l’accepterais ». Un témoignage récent montre que l’acceptation peut être spontanément redécouverte en tant qu’attitude évidente face à Dieu.

Cette notion de Providence divine qui fait partie intégrante du stoïcisme – et que l’on retrouve au cœur des religions – n’est pas indispensable pour étayer la philosophie stoïcienne. Même sans l’idée d’une providence, le raisonnement d’Epictète n’est pas remis en cause en ce qui concerne l’acceptation des événements qui jalonnent notre vie de chaque instant, nul n’étant à l’abri des deuils, de la pauvreté et de la maladie qui sont le lot habituel de l’homme, un bonheur permanent implique une impassibilité à l’égard des événements. Que l’on croit ou non à une action divine sur le monde, l’acceptation de ce qui est, demeure une attitude logique et cohérente.

«Les œuvres des dieux sont pleines de providence, les événements fortuits ne sont pas en dehors de la nature, c'est-à-dire de cet ordre dont la Providence règle l’enchainement et le concert ; c’est de la Providence que découlent toutes choses. A ce principe se rattachent et la nécessité et ce qui est utile à l’harmonie de l’univers dont tu es une partie. Le bien pour chaque partie de la nature, c’est ce qui est conforme au plan de tout l’ensemble et ce qui tend à la conservation de ce plan.

C’est pour un bien que la nature est forcée d’agir comme elle le fait, car tout ce qui arrive, arrive justement. Abandonne toi sans résistance à la Parque, et laisse la filer ta vie avec les événements qu’il lui plaira. Accommode-toi aux événements que le sort te destine. Aime uniquement ce qui t’arrive, le sort que t’a fait la destinée, qu’y a-t-il en effet de plus convenable ?

Ce ne sont pas les objets qui viennent à toi, quand tu es troublé par le désir ou la crainte ; c’est toi en quelque sorte qui t’avances vers eux : mets donc en paix ton esprit à leur sujet et les objets resteront en repos eux-mêmes, et l’on ne te verra plus ni les désirer ni les craindre. L’homme a un bien grand pouvoir, celui de ne rien faire d’autre que ce que Dieu doit approuver et de recevoir avec résignation tout ce que Dieu lui envoie ». Marc Aurèle.

Selon Robert Amadou dans son « Anthologie de l’occultisme » l’homme est entre deux puissances, le destin et la providence. En dessous de lui est « le destin », nature nécessitée et naturée ; au-dessus de lui est « la Providence » nature libre et naturante, l’homme étant dans le règne hominal, la volonté médiatrice, la force efficiente qui unit et réunit ces deux puissances, forme avec elles une action très forte qui domine l’univers.

Mais revenons à ce Destin, nature nécessité et naturée, son action est appelé fatalité et sa manifestation se nomme nécessité, c’est elle qui lie la cause à l’effet ; les trois règnes de la nature, minéral, végétal et animal sont le domaine du Destin, cat tout s’y passe d’une manière fatale et forcée selon les lois déterminées d’avance.

Au moment où l’homme arrive sur terre, il appartient au Destin qui l’entraine souvent dans le tourbillon de la fatalité, mais quoique plongé dans ce tourbillon, il porte en lui un germe divin qui ne saurait jamais se confondre entièrement avec lui. Ce germe, réactionné par le Destin lui-même, se développe pour s’y opposer. C’est une étincelle de la volonté divine qui, participant à la vie universelle, vient dans la nature élémentaire pour y ramener l’harmonie.

La Providence est la partie supérieure et intelligente de la Nature universelle que Robert Amadou appelle « nature naturante ». Cette Providence est une loi vivante, émanée de la divinité, au moyen de laquelle toutes les choses se déterminent en puissance d’être. Le but de la Providence est la perfection de tous les êtres, et pour cela elle est aidé par le temps, or le temps n’existe pas pour elle, elle le conçoit comme un mouvement d’éternité.

L’homme est un germe divin que la Providence sème dans la fatalité du Destin, afin de donner à l’homme une volonté qui sera libre et s’exercera aussi bien sur l’action de la Providence que sur celle du Destin ; mais avec cette différence que si elle change réellement l’événement du Destin qui est fixe et nécessaire, elle ne peut rien contre l’événement providentiel, parce que la Providence quoiqu’on fasse parviendra toujours à son but. Seul le temps et la forme varient, mais la Providence n’est enchainée ni à l’un ni à l’autre.

 

LA PUISSANCE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Brigitte Boudon

Edition Ancrages

 2017

Les philosophes antiques offrent une pensée toujours neuve, et leur route croise sans cesse la nôtre. Rien n'est plus d'actualité que la vision du monde en devenir que l'on trouve chez le philosophe présocratique Héraclite. De nombreux livres vantent les bienfaits de la morale stoïcienne en temps de crise. Sans oublier Socrate qui continue de faire la une des magazines, comme s'il était le dernier maître à penser. Cela signifie-t-il que l'on n'invente jamais rien ? Nullement. Mais il n'en est pas moins vrai que tout est en germe dans les commencements, dans la puissance des origines. Penser, c'est s'éveiller, c'est être toujours neuf. Les philosophes antiques sont les plus jeunes de nos sages occidentaux, les premiers à avoir voulu vivre éveillés.

 

La philosophie antique comprend la naissance de la philosophie au 6ème siècle avant J-C. sur les côtes ioniennes, puis l’élaboration de la pensée des grands philosophes classiques, Platon, Aristote, les Stoïciens, les Epicuriens, les Sceptiques, les Cyniques et les philosophes néoplatoniciens ( à partir de Plotin aux débuts de l'ère chrétienne). Elle s'arrête pour certains à la fermeture de l’Ecole d’Athènes en 529, ou à l'œuvre de Saint Augustin au 5ème siècle. Elle a duré plus d'un millénaire. Grâce à sa fécondité, elle a servi de source d’inspiration et de référence à tous les philosophes ultérieurs, mais aussi à tous les penseurs politiques, scientifiques, métaphysiciens, religieux etc. Son cadre géographique est celui de la Méditerranée. Née sur les rivages d'Asie Mineure (Ephèse, Milet), elle s'est déplacée vers la Sicile, avant de se fixer à Athènes. Ensuite, Rome et Alexandrie seront de grands carrefours des divers courants de la philosophie antique. Tous les domaines philosophiques se sont constitués à cette époque : la métaphysique, la physique, l’éthique, la logique, la théorie de la connaissance, la philosophie du langage, la philosophie de l’esprit, l’anthropologie et la cosmologie, la philosophie politique, l’esthétique ou la philosophie des sciences. Tous ces domaines étaient considérés comme interdépendants, et la philosophie antique a élaboré une grande variété d’approches, de théories et de stratégies d’argumentation qui constituent encore de nos jours des points de référence incontournables de la réflexion philosophique.

 

Le terme grec logos a de nombreuses significations. Il vient du grec legein, qui veut dire rassembler, unir, recueillir. Par extension, il renvoie à la raison, au discours, au langage, qui lient les choses entre elles et font apparaître leurs relations. Pour les Anciens, vivre selon le Logos ou selon la raison voulait dire vivre dans l'harmonie, pas seulement l'harmonie cosmique ou  l'harmonie sociale, mais vivre dans l'harmonie créée à la suite d'une prise de conscience de sa vie. Cette vie selon la raison prend le nom de philosophie, "amour de la sagesse". Le logos implique le rassemblement sur soi, l'union avec soi-même. Comme le dit Héraclite, l'homme qui n'est pas éveillé vit replié dans son monde. L'homme éveillé vit au contraire ouvert au monde commun des hommes. Cette ouverture, il la doit au logos. D'où vient ce concept de logos ? La philosophie n'est pas née de rien. Avant elle, existait le monde du mythe, le mythos. La philosophie est issue du mythe. Un mythe, nous dit Mircéa Eliade, le grand historien des religions, est un récit qui nous raconte comment les choses se sont passées à l'origine. Avec des mots humains, le mythe décrit ce qui s'est passé avant que l'homme ne soit là. Le mythe est tourné vers ce qui dépasse l'homme. C'est la raison pour laquelle il s'exprime par des images et des symboles. Seuls les images et les symboles permettent d'avoir accès au monde du mythe, en nous donnant des comparaisons que nous pouvons comprendre.

 

Les mythes grecs mettent en scène une force divine, le Theos, qui organise le monde. Les Grecs décrivent les manifestations de cette force à travers la mythologie qui raconte l'histoire des dieux. Un dieu est une manifestation particulière de la force divine universelle organisant toute chose. Dire qu'il y a des dieux voulait dire que cette force est présente partout, dans la terre, dans la mer, dans le feu ainsi que dans toutes les activités humaines. Le divin faisait partie de la vie quotidienne. Il était présent dans chaque geste. Le Theos organise le monde, il ne le crée pas, il est ce qui permet de passer du Chaos au Cosmos, l'univers organisé, intelligent et intelligible. Aussi étonnant que cela puisse paraître, c'est la présence du mythe qui explique la naissance de la raison, du logos. En fait, le logos est la continuité du mythe et c'est pourquoi mythe et logos vont coexister. L'œuvre de Platon en est un exemple parfait. Pourquoi ? Le mythe dit que tout a du sens. Il invite l'esprit à faire attention à tout. C'est de cette attention donnée à tout que la raison est née.

 

Hegel a bien résumé cette naissance en disant que la raison est née le jour où l'esprit humain a donné du sens au fait de donner du sens, en essayant de comprendre cette activité au lieu de simplement la vivre inconsciemment. Au lieu d'être traversé passivement par des images, des rêves, l'homme se met à produire activement des significations. Il pense. Il sait ce qu'il fait, ce qu'il vit, ce qu'il perçoit. La raison permet de comprendre le mythe. Le cosmos grec est pensé comme une création divine. C'est un univers organisé selon certaines lois qu'il est possible de connaître et de comprendre. Le cosmos est un univers intelligible. Les notions de cosmos et de logos sont donc reliées entre elles.

 

 La conscience de soi : Connais-toi toi-même ! Réaliser que la vie est pleine de sens et se mettre à vivre de façon mesurée et responsable. Sur le temple d'Apollon à Delphes, on pouvait lire cette sentence : Gnoti seauton. Connais-toi toi-même ! Socrate a repris cette exhortation et fait de l'homme le cœur de son enseignement. Sommes-nous sûrs de savoir qui nous sommes ? Etre conscient, se connaître soi-même, ce n'est pas se replier sur soi, afin de se regarder et s'analyser, mais s'ouvrir sur soi, et à partir de cette ouverture, s'ouvrir sur le monde. Il ne s'agit pas d'exalter le moi, mais avant tout sortir de la complaisance vis-à-vis de soi, afin de vivre une réelle expérience d'ouverture. Pour Socrate, l'homme véritable est celui qui sait ce qu'il fait, qui est conscient de ce qu'il est et fait. Accéder à cette conscience ne va pas de soi. Pour y parvenir, il faut accepter que son identité provienne d'une présence profonde et secrète en soi. Elle est plus invisible qu'on ne le pense. D'où la nécessité de faire le deuil d'une image évidente de soi pour renaître sur un autre plan. Il convient d'accoucher de soi-même. C'est l'apport essentiel de Socrate à la philosophie de l'Occident, la maïeutique. Il a cherché à accoucher les âmes de son temps, en les éveillant par des questions. Conscience de soi. L'homme devient conscient grâce à une présence en lui qui l'inspire.

 

La question du destin, de la responsabilité, de la vertu. L'invention de l'éthique, reliée à la logique et à la physique. De même que la philosophie est issue du mythe, elle est aussi issue de la tragédie. Les tragédies grecques de Sophocle, Eschyle, Euripide montrent les hommes face aux dieux. Ces tragédies avaient pour objectif une catharsis, dont le spectateur ressortait lavé et purifié. La tragédie était l'occasion d'apprendre que l'homme ne doit pas céder à la démesure, à l'hubris, par exemple en voulant faire sa loi, en se prenant pour un dieu. Alors, il devient ivre de lui-même, se comporte comme un tyran et sombre dans le délire. On connaît le destin d'Icare qui a chuté dans la mer après avoir voulu voler près du soleil avec ses ailes en cire. La volonté d'être responsable et mesuré dans ses actes est l'exigence que l'on trouve dans la philosophie. L'homme s'affranchit de la fatalité du destin en le prenant en main. Par la pensée, la philosophie antique invite les hommes à la responsabilité au lieu de rester dans une irresponsabilité inconsciente. L'homme est guidé par un principe de justice, comme l'univers et la Cité. L'homme est un microcosme, un univers miniature. 4. La philosophie du doute, avec le scepticisme. La suspension du jugement.

 

La question posée par Socrate sur l'homme a eu d'immenses conséquences. Et notamment, celle du doute. En se demandant qui nous sommes vraiment, Socrate a fait apparaître que l'image que nous nous faisons de nous-mêmes ne correspond pas vraiment à ce que nous sommes. Il peut y avoir de l'ignorance, des illusions de la conscience, des fausses images que nous véhiculons à propos de nous-mêmes. D'où la nécessité de critiquer et de remettre en question les idées-images que nous pouvons nous faire de nous. En ce sens, Socrate, par ses questions, a ouvert la porte à une critique possible de la conscience et des idées. C'est tout du moins ainsi  que l'a interprété Pyrrhon, au 3ème siècle avant J.-C., le fondateur du scepticisme antique.

 

Comme le fait remarquer Pierre Hadot, on ne comprend rien à la pensée antique si l'on n'a pas à l'esprit que les Anciens ont vécu pour savoir parce qu'ils ont en fait voulu savoir pour vivre. Pas un savoir abstrait, mais un savoir qui aide à vivre. Comme l'écrit Platon, "une vie sans examen ne vaut pas la peine d'être vécue". La connaissance de soi n'est donc pas une connaissance abstraite, mais un acte pratique. Inversement, la pratique n'est pas l'absence de toute pensée, mais la pensée même. Un mot le symbolise très bien, celui de theoria, qui signifie contemplation. Aujourd'hui, la théorie signifie un discours abstrait qui produit une sorte de modèle idéal de la réalité. Pour les Anciens, la théorie signifiait la contemplation, une perception active des choses, voir, exercer son regard, vivre autrement selon ce nouveau regard. Avec toujours en ligne de mire, obtenir l'harmonie intérieure.

 

Prenons l’exemple de la physique des Stoïciens. Pour eux, l’étude de la physique – en tant que connaissance du système de la nature - avait pour unique fonction de fonder la possibilité d’un choix existentiel. Selon les stoïciens, le monde ou cosmos était conçu à l’image d’un grand être vivant comme un agencement bien réglé au sein duquel tout a rapport avec tout, tout est dans tout, tout a besoin de tout. Harmonieux, le monde des stoïciens était également juste et bon. Mettre en pratique la physique consistait alors, dans une première étape, à s’ouvrir à la dimension cosmique : se replacer soi-même et replacer chaque événement dans la perspective de l’univers tout entier. Dans une seconde étape, l’homme devait apprendre à accepter et à aimer le monde tel qu’il est : dire « oui » à l’univers dans sa totalité, vouloir ce qui arrive, même si ce qui arrive semble contraire à ses désirs. Le consentement à l’univers représentait l’aspect essentiel de la physique vécue. La vie bonne, pour les stoïciens, c’était la vie réconciliée avec ce qui est. Le premier devoir est de revenir à soi, de s’appliquer à soi-même, d’avoir souci de sa propre vie. C’est un tel souci que revendique Socrate dans son Apologie lorsqu’il rappelle à ses juges qu’il a consacré toute sa vie à la pratique de l’examen, c’est à dire à la mise en question de soi-même. Avant de chercher à acquérir richesse, réputation ou honneurs, il convient de s’occuper de soi-même, c’est à dire de son perfectionnement moral et intellectuel. Seules une telle vigilance et une telle attention à l’égard de soi-même peuvent donner un sens à la vie.

 

LE COMBAT DES PHILOSOPHES DU MOYEN-ÂGE ET DE LA RENAISSANCE

Brigitte Boudon

Edition Ancrages

 2017

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, ils provoquent le réveil de la philosophie au cœur de la société et se déploient dans le champ oublié de la politique. Ils questionnent la religion en s'appuyant sur les sciences, les mathématiques et la physique.

 

Dans un élan créateur, avec de l'audace, de l'enthousiasme, et une assurance démesurée, les philosophes modernes cherchent à tout penser par eux-mêmes, à lutter contre les préjugés, à fonder une nouvelle philosophie avec un vieux langage. Ils s'autorisent une rupture avec le passé tout en s'inscrivant dans un processus préparé par la Renaissance. Il leur faut repenser le monde et refonder la connaissance

 

Ainsi donc, la concurrence entre philosophie et christianisme s’est jouée sur le terrain de la spiritualité : lorsque le christianisme a été amené à délimiter strictement son domaine de compétence par rapport à celui de la philosophie, celle-ci s’est trouvée dépouillée de la psychologie, des exercices spirituels, qui sont passés du côté de l’ascétique ou de la mystique monastique. Et l’on peut dire en somme que les directeurs de conscience chrétiens ont mis les philosophes « au chômage spirituel ».

 

La philosophie s’est ainsi trouvée limitée à une activité théorique et abstraite, à un simple travail conceptuel destiné à fournir à la théologie un outillage notionnel logique et métaphysique. La philosophie universitaire n’est que l’aboutissement de ce processus.

 

Contrairement à une idée héritée des auteurs humanistes de la Renaissance (Pétrarque et Érasme, particulièrement), les scolastiques n’ont pas « dé-spiritualisé » la philosophie, ils ont hérité d’une philosophie déjà desséchée, que pour cette raison ils ont placée en dessous de la théologie , tandis que les exercices spirituels de la philosophie antique influençaient largement la spiritualité monastique, qui en a considérablement modifié la portée en les plaçant dans un cadre sotériologique surnaturel.

La tâche d’un philosophe ou plus exactement d’un maître à la faculté des arts « se limite à commenter, expliquer et éventuellement, développer la vérité découverte par la raison naturelle et contenue dans les écrits d’Aristote.

C’est donc un travail uniquement intellectuel ». Le scolastique chrétien est un savant qui cherche à résoudre les problèmes herméneutiques que la raison se pose à propos des écrits d’Aristote (à la faculté des arts) ou de la Bible et des écrits patristiques (à la faculté de théologie), et qui se donne pour mission d’expliquer aux élèves les solutions à ces problèmes.

 

On définit souvent l’unité de la scolastique médiévale à partir de la méthode davantage que d’un contenu doctrinal propre (les propositions de foi sur lesquelles les scolastiques s’accordent sont trop générales pour ne pas englober parmi eux Descartes ou Pascal). C’est le grand adage scolastique « croire pour comprendre » qui en définit l’unité : la scolastique met la raison au service de la foi et exige le déploiement d’une argumentation rationnelle qui rende compte aussi loin qu’il est possible des vérités de la révélation. Fondé sur ce principe et cette exigence de déploiement rationnel des vérités de la foi, le commentaire (lectio) qui occupait une place privilégiée dans l’enseignement universitaire donnera naissance à la disputatio. La dispute permet de dépasser la compréhension du texte pour traiter les problèmes qu’il soulève. La lectio se développe en quaestio : une problématique remplace l’exégèse.

 

les deux personnages <opponens-respondens>? constituent une équipe dialectique dont le but est de mettre en œuvre la méthode du sic et non en vue d’une meilleure compréhension des implications, des nuances et des conséquences du problème soulevé. La disputatio scolastique est en somme la méthode de réconciliation des textes faisant autorité et, plus généralement, la méthode pour concilier autorité et argumentation. L’origine de la disputatio dans la lectio implique que cette manière de questionner apparaisse d’abord à l’occasion de la lecture des textes et plus précisément à l’occasion du scandale qui s’élève lorsqu’il y a conflit entre deux autorités ou entre deux passages d’un même auteur, car la vérité paraît alors entrer en lutte avec elle-même. On peut prendre Pierre Abélard comme point de repère majeur dans l’histoire de la dispute scolastique : il en a théorisé les bases dans son Sic et Non souvent comparé à une sorte de discours de la méthode de la dialectique scolastique : il faut amener une thèse comme solution d’une difficulté née de la contradiction entre les opinions autorisées. La méthode fonctionne comme une véritable dialectique au sens hégélien : les différents points de vue, apparemment irréconciliables, sont subsumés dans un troisième, l’ad tertium, qui les englobe et les dépasse. La Somme théologique est l’illustration parfaite de cette méthode : en retournant au conflit d’autorité initial, dont il dégage deux aspects, Thomas d’Aquin fait ressortir que chacune des positions contradictoires correspond en réalité à un aspect particulier de la quaestio qu’on peut dépasser en les conciliant dans une perspective plus générale.

 

Abélard rattache cette procédure de confrontation des points de vue à l’autorité d’Aristote en matière de logique : La première clef de la sagesse, c’est une interrogation continuelle ; Aristote a dit qu’il n’est pas inutile de douter de chaque chose. En effet qui doute est conduit à chercher ; qui cherche saisit la vérité .Un témoignage de Cicéron permet de voir que c’est sous l’aspect d’un art de douter qui oppose le pour et le contre que la « méthode » d’Aristote va passer à la postérité :J’ai toujours aimé la méthode des Péripatéticiens […], qui consiste à traiter de tout sujet en examinant le pour et le contre […] Aristote fut le premier à la pratiquer et ses successeurs la reprirent .La dispute scolastique s’inspire donc d’un style attribué à Aristote et centré sur deux éléments : i) la philosophie procède à partir d’une interrogation qui ouvre une option entre l’affirmation et la négation (ainsi la question « le monde est-il éternel ? » est une prémisse dialectique alors que la question « qu’est-ce que le monde ? » ne l’est pas). ii) La dialectique ne part pas de prémisses certaines, comme la science, mais de prémisses qu’Aristote appelle des endoxa et qu’il définit dans les Topiques comme des opinions partagées par tous les hommes ou par presque tous ou par ceux qui représentent l’opinion éclairée, et pour ces derniers soit par tous, soit par presque tous ou par les plus connus et les mieux admis 

 

LE DḖSENCHANTEMENT DES PHILOSOPHES CONTEMPORAINS

Brigitte Boudon

Edition Ancrages

 2017

Peut-on encore parler de philosophie après Hiroshima ? Cette question résume à elle seule le désarroi, l'angoisse ou le désenchantement des philosophes de la seconde moitié du XXe siècle après les atrocités des deux guerres mondiales. Mais ce désarroi était en gestation dès le XIXe siècle, suscité notamment par ceux qu'on appelle les « philosophes du soupçon », qui remettent en cause l'optimisme et la confiance dans la raison caractéristiques des Lumières. Nous n'avons pas beaucoup de recul certes, mais nous allons nous demander ce qui fait la spécificité de la philosophie contemporaine et en quoi consiste le désenchantement de ses philosophes

 

Mais qui sont ces philosophes désenchantés : Il s’agit de ceux dont le regard est tourné vers la science et la technique. Souvent scientifiques eux-mêmes, ils ont mesuré par leur propre expérience combien la science qui se fait est loin de suivre une méthode scientifique, combien la notion de rationalité est vague, et combien les facteurs humains et sociaux sont décisifs en matière de recherche. Ils sont allés dans la cuisine et voient différemment ce qu’on mange dans la salle du restaurant. Ils observent l’impact de la technique sur le monde et sur l’homme. Les comparaisons classiques avec le passé sont pour eux à relativiser à cause des vitesses de transformation et des ordres de grandeur. Leur objet d’étude, la technoscience, leur semble surtout aveugle et irresponsable

 

Les intellectuels de type 1 considèrent en général que les idées philosophiques qui sous-tendent ces travaux sont des postures proches du postmodernisme et du relativisme. Ils ne disent pas que ce sont des « philosophies spontanées de savants », on n’emploie plus ce vocabulaire, mais ils admettent que ces idées appartiennent aux réactions subjectives que la science a toujours suscitées chez les personnes dont les principes éthiques sont bousculés par les possibilités offertes par l’innovation technique. En retour, les intellectuels de type 2 considèrent que les premiers sont des conformistes qui continuent à penser le progrès avec bienveillance, sans plus, comme le faisaient Renan, Claude Bernard ou même Bachelard, et qu’à cause de cela, ils entretiennent « la cuisine du mangeur d’homme », pour reprendre une expression utilisée en d’autres circonstances. Le mangeur d’homme est ici le nouveau courant eugéniste, dont les accents triomphalistes qui s’affichent aux États-Unis n’ont pas l’air d’émouvoir les intellectuels de type 1.

 

Si on pousse la symétrie, dans la région qu’observent les intellectuels de type 1, les croyances, on peut craindre que la grande masse des individus concernés ne changeront ni de foi religieuse, ni de références éthiques, ni de comportement par les seuls propos de ces intellectuels. Mais dans la région que considèrent les intellectuels de type 2 non plus. Les chercheurs, dans leur nette majorité, sont des producteurs qui semblent se soucier comme d’une guigne des intellectuels et de leur glose sur la technoscience. Un point devrait tout de même faire une différence entre ces deux populations « à inertie », c’est que les scientifiques, en principe, sont des gens qui réfléchissent…

 

La science n’est pas faite que de constats. Aller voir suppose une interprétation préalable dont on veut examiner la rencontre avec d’autres interprétations, ou comment se combinent ses prolongements. Elles sont plus que des analogies, des métaphores, elles ressemblent à des divinations profanes, toujours dans toute la complexité d’un langage en formation. Clarifier leur mystère, trouver leur place légitime dans une pensée qui serait elle-même compréhensible est le grand apaisement que tout le monde recherche, mais, hélas, toutes les tentatives globales en ce registre du sens se figent, elles visent trop haut et ne savent généralement pas s’effacer sans violence. La seule issue n’est-elle pas que les scientifiques assument les sources de leur talent ? Ils sont ancrés socialement et, pour leur imagination créative, culturellement dépendants. D’autant plus que voici venir l’époque où les anthropotechniques font voler en éclats tout référentiel éthique. Dès lors qu’on modifie l’homme, si on reprend la distinction de Karl Jaspers, l’entendement de chacun continue à fonctionner, mais la raison se brouille.

 

La modification génétique de l’homme nous projette brutalement dans une zone de flottement moral pour l’humanité tout entière et, à cette échelle, c’est assurément une perte immense que de se vouer à l’une des nombreuses idéologies candidates à l’hégémonie. Le seul substitut à la sagesse collective qui manque est le pluralisme, comme la démocratie l’a éprouvé en politique. Mais, dès qu’on parle de pluralisme en matière de connaissance, c’est la levée de boucliers. On sort la vieille machine de guerre, qui date d’Aristote, qui consiste à confondre pluralisme et relativisme. Il n’y aurait que trois possibilités : (i) une ontologie ; (ii) pas d’ontologie du tout (nihilisme, pragmatisme) ; Pourtant, les interprétations, dès lors qu’on exige un certain niveau de cohérence, ne sont pléthore ni en mathématiques ni en politique. En trouver une nouvelle est chose assez rare et difficile.

 

Prenons un exemple. Lorsqu’une crise financière conduit à la variation brusque d’une devise par rapport aux autres, elle peut faire l’objet de deux principales interprétations économiques. D’abord, celle des entreprises productrices ou commerciales qui font leur bilan dans ladite devise. Considérant que la qualité de leur gestion n’est pas en cause, puisqu’elle était bonne avant la crise et qu’elle n’est pas modifiée, elles estimeront qu’il s’agit d’un mouvement spéculatif qui a attaqué leur devise. Ensuite, celle des observateurs financiers des autres puissances, qui jugeront qu’il s’agit là d’un réajustement salutaire, la situation antérieure étant peu transparente ou mal informée. Chacune de ces deux interprétations peut se décliner dans tous les rouages de la description économique. Dans ces conditions, si l’on pense, d’une part, que les mouvements spéculatifs de capitaux existent de temps à autre, d’autre part, que des réajustements salutaires existent aussi parfois et, enfin, que dans tous les cas deux interprétations principales seront possibles, est-on relativiste pour autant ? Cela signifierait qu’on admet autant d’interprétations économiques cohérentes possibles de la crise qu’il y a d’agents économiques – ce n’est pourtant pas la thèse avancée.

 

Pourquoi veut-on absolument confondre pluralisme et relativisme ? Pour une raison très profonde, délicate à extirper de la pensée occidentale : le préjugé de supériorité analytique. Il consiste en l’argument suivant : si ce que je crois est vrai, alors les autres croyances sont n’importe quoi. Non seulement elles sont fausses, mais je ne leur donne même pas le droit d’une charpente logique cohérente. Le « ex falso sequitur quodlibet » de la logique aristotélicienne imprègne intimement notre vision de la connaissance. Il faut insister ici sur quelques points logiques fondamentaux : cette règle analytique (du faux suit n’importe quoi), qui donne aux théorèmes toute leur valeur (énoncés démontrés), vaut à l’intérieur d’une théorie (syntaxe) mais non pour ce qui est des diverses interprétations entre elles (sémantique). Il y a plusieurs interprétations des mathématiques, mais, en pratique, on n’en utilise que quelques-unes, dont l’interprétation non standard d’Abraham Robinson, qui, faut-il insister, n’est pas du tout n’importe quoi. De même, plus localement, on peut donner trois ou quatre interprétations de la théorie du potentiel, mais guère plus.

 

Nous arrivons donc au point suivant : comme, à chaque instant, la science est constituée, pour chaque chercheur, non seulement de faits mais d’interprétations qui projettent des enjeux sur les expériences à faire, ces interprétations se regroupent forcément, comme en politique, en quelques grandes familles qui sont parfaitement légitimes. Le chercheur doit prendre conscience de son rôle déterminant sur l’avenir par ses choix d’investigation ainsi que de la légitimité des valeurs qu’il défend, même si elles sont, pour une bonne part, socialement construites. Il y a une balance : plus son discours est spécialisé, plus il doit le justifier politiquement. De toute façon, il doit favoriser toutes les formes de mise en place d’instances institutionnelles permettant de discuter les avancées au sein d’une pluralité de positions éthiques.

 

L’AUDACE DES PHILOSOPHES MODERNES

Brigitte Boudon

Edition Ancrages

 2017

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, ils provoquent le réveil de la philosophie au cœur de la société et se déploient dans le champ oublié de la politique. Ils questionnent la religion en s'appuyant sur les sciences, les mathématiques et la physique. Dans un élan créateur, avec de l'audace, de l'enthousiasme, et une assurance démesurée, les philosophes modernes cherchent à tout penser par eux-mêmes, à lutter contre les préjugés, à fonder une nouvelle philosophie avec un vieux langage. Ils s'autorisent une rupture avec le passé tout en s'inscrivant dans un processus préparé par la Renaissance. Il leur faut repenser le monde et refonder la connaissance

 

La philosophie est un mot d'origine grecque signifiant « amour de la sagesse ». Un philosophe est un penseur réfléchissant sur le monde, l’homme et la condition humaine.... Le XVIIIe siècle est un siècle de grands philosophes, surtout en France (principal "lieu de concentration" des Lumières)

 

La vie intellectuelle est concentrée à Paris, et le Français s’impose comme la langue de la culture. Les Lumières ne concernent qu’une élite: la grande noblesse et de la bourgeoisie. Les penseurs se réunissent dans des salons et des cafés, devenus des lieux d'échanges. Le philosophe des Lumières maîtrise bien l'art de parler en société: il aime le dialogue et qui séduit son auditoire.

 

C'est un homme qui aime vivre, et qui tient à sa liberté de penser. Il aime aussi la société et croit au progrès en essayant d'examiner les choses lucidement, sans préjugés. Il possède des qualités morales, le bien des autres motive ses actions et réflexions. Il conteste et critique, se mêle des querelles, et se passionne pour la politique. Le philosophe est surtout un homme de lettres: la philosophie s'exprime par des contes, le théâtre ou par des romans. Les philosophes tenaient généralement à leur laïcité et s'éloignent de la religion. il refuse le fanatisme et "l'obscurantisme" de l'Eglise. L'obscurantisme, c'est vouloir empêcher la diffusion du savoir, ce qui était contraire aux principes des philosophes. bien sûr, ceci est une description généralisée des philosophes.

 

Les principales valeurs et combats des philosophes : Au XVIII° siècle, les valeurs suivantes étaient assez répandues parmi les philosophes: La quête du bonheur, le respect de la nature, le travail, la bienfaisance et l'utilité. Ils menaient aussi de nombreux combats contre les "injustices du monde, de la société", la violence et plusieurs autres choses qu'ils n'approuvaient pas, comme l'intolérance et le fanatisme, la barbarie de la guerre. Ils rejetaient l'absolutisme et prônaient donc la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) mais étaient généralement favorables au régime monarchique, sauf Rousseau qui était pour la démocratie. Lutter pour la démocratie impliquait aussi de lutter contre les discriminations, et pour le respect de l'individu et des libertés (citation de l'Encyclopédie: "Les hommes naissent tous libres. C'est le plus précieux de tous les biens que l'homme puisse posséder. Il ne peut ni se vendre ni se perdre") dont la liberté d'expression, limitée par la censure. Ils prônaient la tolérance qui, d'après voltaire, doit respecter les libertés (sociales, politiques, religieuses...) et l'égalité: nous pouvons citer Rousseau, "Les hommes naissent égaux». Ils faisaient l'apologie de la raison qui, pour eux, était le moyen d'acquérir des connaissances et se battaient aussi contre l'obscurantisme qui s'opposait au progrès et à l'innovation qu'ils recherchaient.

 

LA  QUÊTE DU SENS

Divers Auteurs, sous la direction de Marc de Smedt

Edition Albin Michel

 2000

La modernité remplit notre quotidien d’informations et elle a élevé l’individu à sa plus grande dignité, mais elle a multiplié les solitudes. La condition humaine reste déterminée par ces deux pôles : une venue au monde qu’on n’a pas demandée, une mort dont on ne connait pas l’heure. Comment transformer aujourd’hui cet entre-deux en une existence pleine et entière, qui fasse sens par-delà nous-mêmes ?

 

Des penseurs de tous horizons – soufis, moines zen ou tibétain, médecin, prêtre, écrivains…- explorent ici les voies et les étapes de cette quête intérieure qui nous dépasse. Un dialogue qui résonne comme une invitation à ne pas passer à côté de la vie.

 

Lorsqu’on lui parlait de la quête du sens, le Maître zen Taisen Deshimaru répondait avec force : «  A chacun de négocier la Voie », celle qui mène à l’éveil et à la résolution de cette question : « Quel sens a donc mon action au monde, quel est vraiment le sens de mon existence, où se trouve le sens de la vie ? »

 

Au sommaire de cet ouvrage on y trouve l’analyse des penseurs suivants :

 

Claude Baumel : La quête du sens dans notre existence. Pour lui cette quête est d’abord un travail d’intériorisation afin d’arriver à ce lâcher-prise qui va permettre  la libéralisation.

Stan Rougier - Educateur : Des jeunes à la recherche du sens de leur vie. Un proverbe portugais dit : « Dieu écrit droit avec des lignes courbes ou torves », c’est ainsi qu’est expliqué les itinéraires sauvages et les trajectoires farfelus et bizarres de certains. L’auteur spécialiste-éducateur de jeunes raconte les problèmes et les questions que les jeunes se posent.

Roland Rech – Moine Zen - : Zen, retour à l’origine du sens de la quête. Après de nombreux questionnements, l’auteur s’est mis en quête d’une révolution spirituelle mais sans système de croyances, dépouillé de tous dogmes. Il trouve le zazen au Japon et en même temps trouve la réponse au sens de sa vie. La pratique du zazen, permet de mettre au repos ce mouvement du cerveau gauche qui sépare moi et les autres, moi et la nature, la pratique et le but, la créature et le créateur, l’être que je suis et Dieu, la vie et la mort…

Lama Puntso : Les outils de la sagesse. Où en sommes-nous ? Nous sommes sérieusement préoccupés par nous-mêmes, centrés sur nous-mêmes, le matin, le midi et le soir. Notre égo est omniprésent et il nous amène là où il veut, certainement pas dans mon intérêt. L’orgueil, les émotions, les addictions, les tentations, les défauts, c’est comme un grand filet et moi je suis le poisson. Alors que faire ? Nous avons un potentiel de sagesse mais nous ne savons pas nous en servir, mais au fond le voulons-nous ?

Swâmi Devanath Saraswati : La voie du yoga : transformation et évolution. La pratique du yoga est une discipline qui peut donner du sens à sa vie, par la pratique de la respiration, de la méditation, la recherche d’une autre vie intérieure, la relaxation, la prise de conscience que le yoga peut être une voie de réalisation spirituelle. L’éveil est important.

Jean Paul Guetny – Journaliste- : Le goût de l’Orient chez les chrétiens occidentaux. Cela fait plusieurs siècles que l’occident est fasciné par la spiritualité orientale, mais l’inverse est aussi vrai, les orientaux viennent chercher en Occident les technologies et une certaine culture. Tout comme les diverses décapitations en Europe, les penseurs ont séparé les êtres et les idées, le scientisme a fait des dégâts, et l’homme est devenu individualiste et solitaire.

Cheikh Khaled Bentounès est un des maîtres spirituel de la confrérie soufi Alawiya : Le sens chez l’homme intérieur. La tradition soufie considère qu’il y a deux façons de répondre à la question du sens de la vie. La première est celle d’attendre que les réponses viennent d’autrui, il peut s’agir de maître d’école, d’iman, de philosophes, de maîtres à penser, ou tout simplement de livres sacrés ou non. La deuxième façon est de chercher en soi-même, profondément avec volonté, pas à pas, cette quête que nous portons en nous.

Richard Moss : Oui à la quête de la vie, la voie du laisser-être. L’auteur développe son exposé sur le combat que chacun de nous devrait avoir contre les défauts, les tentations, nos impulsions… et qui souvent nous aveuglent et posent problèmes dans notre vie de tous les jours. Est6on à l’écoute de notre spiritualité ? de notre devenir ? du sens de notre vie ?

Marie de Hennezel –Précurseur des soins palliatifs en France: Une vie menacée, une vie créative. L’auteur a côtoyé très longtemps des personnes porteuses du virus VIH, elle a découvert chez eux, à côté de leurs souffrances et de leurs solitudes, la force et les ressources dans l’accomplissement de leur difficile chemin, elles ont découverts en eux la mort et la vulnérabilité, ce qui pour certains les a amener vers plus de spiritualité et de retour vers les autres.

Christiane Singer. Elève d’un centre Graf Durkheim : Les sens nous livrent le sens. L’auteur fait le parallèle entre la perte de sens et la perte de sang, les deux s’écoulent par la même plaie si on ne colmate pas. Toutes les souffrances du monde arrivent à nous déstabiliser, les tueries d’enfants aux USA ou ailleurs, les guerres, les accidents, les tsunamis et autres incidents atomiques, tout cela concourt à nous enlever notre sérénité et notre ligne droite. Et que dire des atrocités de la Shoa et des pogroms. La compassion, l’auto culpabilité, les dons et les messages de solidarité ne suffisent ils pas à effacer de notre cerveau cette émotivité qui arrive à nous déstabiliser.

 

LA QUÊTE SPIRITUELLE

Philippe ROY

Edition  DU COSMOGONE

 2007

La quête spirituelle traduit un réel impératif vital où l’être cherche à s’élever jusqu’à un accomplissement, une stabilité, une autre naissance. Qu’est-ce qu’une recherche spirituelle aujourd’hui. Comment se détermine- telle et vers quoi est-elle portée ?

 

Dans les siècles passés, on adhérait à une religion par culture ou par conversion. Ceux qui cherchaient  voulaient sceller un lien avec le Divin. Ensuite, par le développement des savoirs et des espaces de réalisation, on cherchait davantage à s’élever hors de l’ordinaire pour obtenir plus de pouvoir sur sa vie. Aujourd’hui, on veut aussi savoir, c'est-à-dire comprendre et connaître ce qu’on éprouve en profondeur pour s’identifier à une image personnalisée du sacré, du cosmique ou de toute autre représentation donnée à l’absolu.

 

L’objet de la spiritualité est donc davantage une quête qu’une recherche, car la recherche suppose bien un questionnement, suscite une investigation, mais elle peut se dérouler dans le seul domaine mental ou intellectuel.  La quête suppose la réalisation de quelque chose, elle est tendue vers un objectif et le chemin emprunté se confond avec la vie.

 

La démarche, pour trouver le centre s’appelle le retournement. Les anneaux du parcours spirituel en décrivent la circumambulation. Avec les développements et les objectifs qui lui sont propres, la philosophie chinoise qualifie elle-même ce processus spirituel de retournement de la lumière. Le récit de la caverne donné par Platon symbolise aussi le retournement.

 

D’ après Platon, la Raison  (le connaisseur) possède un pouvoir contemplatif qui mène l’esprit vers l’essence des choses. La contemplation est une activité spirituelle car il s’agit bien d’observer ou de percevoir, mais depuis un point très ancré dans le deuxième cercle de l’intériorité.

 

Le retournement vers l’entrée de la caverne consiste à déplacer l’axe de la conscience vers le point sensible, à changer symboliquement la direction du regard. Dans la mouvance du quotidien, lorsqu’on cherche une assise plus stable, on se tourne vers l’intérieur pour ajouter aux agissements de l’esprit actif le regard de l’esprit cognitif mieux à même de voir ce que le moi ne vois pas ; on parle de prendre du recul.

La recherche n’exclut pas de participer à la vie du monde en jouant un rôle social parce qu’on y trouve de l’expérience et une légitimité mais le retournement dissout la sphère des apparences et toutes les répétitions qui la contingentent. Le jeu social ne constitue plus une référence existentielle. Le Chercheur est passant.   La dissolution du monde en soi est une notion classique de la spiritualité qui touche au détachement préconisé par les voies. C’est un temps fort du retournement et lorsqu’ elle est plus qu’une simple idée et plus qu’un ébranlement émotionnel c’est un des états de conscience, une étape initiatique dans laquelle la différenciation s’affirme.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

La fonction et l’intention éthique : -   les puissances de la vertu    -  le modèle cathartique   -    la liberté   -    le principe d’unité et le dessein individuel   -  

L’exploration du monde intérieur : L’héritage spirituel  -  de l’Absolu  -  le fait religieux   -  le problème moderne   -  la transmission et la pratique spirituelle   -   les modules actifs  -  la méditation   -  la concentration  -   le symbole  -

L’expérience spirituelle : L’être  -   le transnaissant   -  Enstase et extase   -   Le temps de l’éternité   -

 

l’arbre de la connaissance

érik sablÉ

Edition DERVY

 2000

Nos racines culturelles nous habitent beaucoup plus profondément que nous le pensons. Nous sommes imprégnés, modelés, bien au-delà du masque superficiel, dans les profondeurs invisibles de notre psyché, par nos ancêtres et les idées collectives dans lesquelles nous baignons. Des archétypes fortement chargés émotionnellement demeurent dans les soubassements de notre être.


L’auteur, dans une première partie, tente de décrypter l’histoire de cette tradition secrète qui est toujours demeurée en arrière-plan de l’histoire officielle.


Dans une deuxième partie, il examine le contenu de cette doctrine, de quoi parle-t-elle ?...


Elle aborde la totalité des interrogations humaines sur Dieu, le problème du mal, la création, la nature. Elle situe l’être humain dans une relation originale avec le Cosmos. En même temps, l’auteur essaie d’actualiser cette connaissance, de lui donner un sens pour notre vie. Car si elle est immuable, elle est aussi susceptible de s’adapter. Elle n’est pas simplement un objet d’étude pour historiens des idées, mais elle nous interpelle directement, car elle est toujours actuelle, toujours extraordinairement vivante pour qui sait en saisir le fil. Un fil parfois obscur, voilé, mais présent pour ceux qui savent le voir.


Pour l’auteur, la tradition secrète de l’Occident constitue la source à laquelle nous pouvons revenir pour résoudre les multiples problèmes individuels et collectifs auxquels nous sommes confrontés. Elle nous donne « la vision juste », celle qui demeure immuable à travers les aléas de l’histoire et se transmet secrètement à travers des hommes.


Enfin, et c’est là l’essentiel, elle nous donne à penser le « Dieu Mystère », à rétablir le dialogue perdu avec la nature, à retrouver le chemin de notre       « âme angélique » pour aboutir à la Régénération, qui est finalement le but ultime de la nature humaine.

 

l’arc & la flÈche

Annick de souzenelle

Edition LE RELIÉ

 2001

« On ne parle pas de l’éros à mots domptés ». C’est un fleuve de feu qu’Annick de Souzenelle laisse dévaler vers nous. Un fleuve de vie, cette puissance de l’éros dont la pulsion sexuelle est le principal partenaire, et que symbolisent l’arc et la flèche.

 

Si la flèche manque sa cible et s’investit dans le monde extérieur au lieu d’atteindre directement son but au-dedans de l’être, elle peut devenir meurtrière. C’est tout le jeu de l’éros, avec ses merveilles et ses tragédies. Également l’auteur nous donne une signification pour l’Amour et les trois termes grecs pour expliquer AGAPÉ, ÉROS et FILIA.

 

On raconte donc que Cupidon naquit de Jupiter et de Vénus. Dès sa naissance, Jupiter, reconnut à sa physionomie tous les troubles qu'il causerait, (!!) alors drame >.il voulut obliger Vénus à s'en défaire. Pour le dérober à la colère de Jupiter, elle le cacha dans les bois. Aussitôt qu'il put manier l'arc, il en fabriqua un en frêne, et des flèches de cyprès et essaya sur les animaux les coups qu'il destinait aux hommes.

Plus tard, il échangea son arc et son carquois contre d'autres en or... Cupidon se montre dans l'air, le feu, sur la terre et la mer. " Il conduit des chars, touche la lyre, ou monte des lions, des panthères et quelquefois un dauphin, pour indiquer qu'il n'y a point de créature qui échappe au pouvoir de l'Amour."


"S'il porte le casque, la pique et le bouclier, il affecte de prendre une attitude, une démarche guerrières, montrant ainsi qu'il est partout victorieux, et que Mars lui-même se laisse désarmer par l'Amour "

 La flèche en tant qu'éclair est le trait de lumière qui perce les ténèbres de l'ignorance : symbole de la connaissance. Les flèches font une ligne continue de l'arc à la cible impliquant une notion de continuité et l'efficacité du rapport qu'établit le roi en tirant des flèches vers le ciel, la chaîne de flèches s'identifiant à l'axe du monde. Ce qu'atteint la flèche c'est le centre de l'être, c'est le soi.


L'arc est la tension d'où jaillissent nos désirs liés à notre inconscient. L'arc avec ses flèches est symbole et attribut de l'amour. Il est aussi le symbole du destin. En maniant l'arc, Dieu, l'amour et le soleil exercent un rôle de fécondation. La flèche ayant toujours un sens mâle, pénètre

 

la recherche de la vÉritÉ

Michel barat

Edition  DERVY

 2005

Ces quelques pages sont celles d’un Franc-maçon qui est professeur de philosophie pour ne pas dire philosophe. Elles ne sont en rien un morceau de littérature maçonnique. On n’y trouvera aucune révélation sur l’organisation de la Grande Loge de France, l’obédience à laquelle j’appartiens, et où j’ai exercé et exerce des fonctions importantes. Ces lignes sont d’abord philosophiques. Elles sont une réflexion libre à travers la philosophie sur ce que la philosophie et la Franc-maçonnerie ont en commun : la recherche de la vérité.

 

Mais en philosophie comme en Franc-maçonnerie, l’institution peut étouffer la recherche dans un système, qui risque de s’achever en pensée totalitaire pour la première, qui défigure la tradition en un hideux traditionalisme qui risque la coupure avec le siècle et la perversion du délire illuminé par la seconde. Ces risques, celui qui entre en philosophie et celui qui entre en Franc-maçonnerie les partagent. Pour l’un et pour l’autre, il en va de ce qui est la condition même de toute recherche de la vérité : la liberté de penser, l’absolue liberté de conscience. Le philosophe se doit de ne jamais tenir pour vrai que ce qu’il a par lui-même reconnue comme tel. Or cette formulation très cartésienne est aussi celle d’une déclaration des principes maçonniques.

 

Le Franc-maçon, du jour où il est entré dans le cabinet de réflexion, fait sienne la devise du temps de Delphes, de manière à ce que la connaissance de soi devienne aussi celle du monde et des Dieux. Mais aucune pensée authentique et forte ne va sans danger. Oui, la pensée philosophique est dangereuse, oui, l’initiation maçonnique est périlleuse car elle engage à conquérir l’endurance nécessaire pour une recherche qui se sait sans fin.

Le philosophe et le maçon s’y aventurent en s’armant de l’instruction protectrice que leur délivrent deux personnages mythiques Socrate et Hiram, le premier des philosophes que ses concitoyens athéniens condamnèrent à mort pour leur avait fait accéder à la pensée sans entrave et au sens de la vérité, le premier des maçons, l’architecte du Temple que trois mauvais compagnons assassinèrent pour lui arracher les secrets qu’ils ne comprenaient pas parce qu’ambitieux, ignorants et fanatiques.

Au cours de ces pages, le Franc-maçon peut sembler disparaître derrière le philosophe. Il n’en est rien. Cette réflexion sur la recherche de la vérité, qui est en fait la seule philosophie qui vaille, est celle d’un homme qui a appris à être libre dans sa loge et espère ainsi être devenu un philosophe libre dans l’histoire et les textes de la philosophie comme un citoyen dans une cité libre. Je souhaite que le lecteur comprenne que le combat de Socrate et celui d’Hiram sont les mêmes, que la philosophie est bien une initiation à la vérité et que l’initiation maçonnique est bien philosophique en tant qu’amour de la sagesse.

La vérité est d’abord une valeur et c’est en tant que telle qu’elle doit être interrogée. Il faut considérer la vérité comme désirable avant d’en déterminer la nature, les critères et les conditions. C’est le propre de la philosophie que de la penser ainsi, ce qui signifie que philosopher est avant tout un choix éthique, une conviction qu’il est préférable d’acquiescer à ce que la raison indique de céder aux impulsions ou au croire sans réfléchir par soi-même. La recherche de la vérité est donc un choix : nous pouvons en effet préférer d’autres choses que la vérité (le pouvoir, le plaisir, etc.) et refuser de voir dans l’effort de la raison vers la vérité le signe de notre dignité humaine.

Ainsi, le problème de la vérité n’est pas seulement de la définir, la penser, la dire : il s’agit de la vivre. Cette quête de la vérité en soi, la vérité de l’être, ne peut être qu’une recherche extérieure et intérieure, exotérique et ésotérique, aboutissant ainsi à une vérité une et unique : sa vérité.

 

la rencontre

phÈne

Edition LES 2 OCÉANS

 1999

Savoir se rencontrer c’est savoir entendre l’appel de soi-même afin de retrouver ce Dieu unique, ce cœur où rayonne la quiétude. Se rencontrer, c’est tout simplement être soi-même.

 

Les expériences par lesquelles nous passons conduisent à nous rencontrer. Elles orientent le chercheur de vérité – le fidèle d'amour – qu'est tout être humain vers la rencontre. Savoir se rencontrer, c'est savoir entendre l'appel de soi-même à soi-même afin de retrouver le lieu unique, ce cœur où rayonne la quiétude. Se rencontrer, c'est tout simplement être soi.

On est formé de deux aspects principaux appelés le moi humain et le Moi universel.  Chacun de ces aspects possède son ADN propre, vous avez donc un ADN humain et un ADN divin ou universel.  Pour vous incarner sur Terre dans un corps physique, vous naissez dans une famille.  Vous avez des parents et possiblement des frères et des sœurs, ainsi qu’une famille plus étendue comprenant les grands-parents et autres ancêtres, les oncles, tantes, cousins et cousines.  Petite ou grande, que vous la connaissiez ou pas, cette famille demeure la vôtre durant toute votre vie terrestre.

Il en va de même pour votre Moi universel.  Lorsqu’on a été originellement créés, on a été créés avec certaines composantes qui définissent votre type d’être : la masse de votre conscience, votre lignée spirituelle ainsi que votre forme.  Chaque type d’être occupe une fonction bien précise dans l’organisation de l’univers et la notion d’hiérarchie n’existe pas; c’est un concept humain de créer des inégalités en croyant que quelque chose ou quelqu’un est plus important qu’un autre.  Par exemple, certains êtres de lumière sont créés avec une conscience universelle et n’ont pas besoin de s’incarner dans un corps physique pour que leur conscience puisse grandir.  D’autres êtres, tels les êtres évolutionnaires que sont les humains, ont été créés selon une formule qui dit qu’ils doivent s’incarner dans un corps physique pour parfaire leur évolution afin de parvenir à élargir leur conscience au niveau universel.  Il y a d’innombrables types d’êtres et chacun joue un rôle essentiel dans la création.

 

la rÉvÉlation du feu & de l’ocÉan

O.M. aïvanhov

Edition  PROSUETA

 2002

Idées, impressions, sensations, images, tout s’enregistre et laisse des traces en nous. Chaque jour, notre vie psychique est modelée par les forces que nous laissons nous habiter, les influences dont nous acceptons l’imprégnation.

 

C’est pourquoi il est essentiel de trouver des images vers lesquelles nous pouvons revenir souvent, des images qui nous accompagneront jour et nuit afin que notre pensée soit liée à tout ce qui est le plus élevé, le plus pur, le plus sacré. Et quoi de plus beau, de plus poétique, de plus rempli de sens que l’eau et le feu, et les différentes formes sous lesquelles ils nous apparaissent ?

 

Toute notre vie peut être remplie de ces images. Même si désormais nous n’avions plus rien d’autre que la présence du feu et de l’eau pour alimenter notre vie spirituelle, ce serait suffisant… « En nous concentrant chaque jour sur ces images, nous serons vivifiés, purifiés, illuminés. »

 

la rose est sans pourquoi

Angelus silesius

Edition  ALBIN MICHEL

 2003

La rose sans pourquoi est composée d’extraits du Pèlerin chérubinique d’Angelus Silesius, chef d’œuvre de la littérature allemande du XVIIème siècle.

 

Médecin de profession, protestant converti au catholicisme, puis ordonné prêtre, Silesius fut très tôt passionné de poésie mystique. Dans ses maximes dont la portée est universelle, s’exprime toute l’âme amoureuse du Silésien, et son ardeur à franchir les limites de l’inconnaissable et de l’ineffable.


Créées autour des écritures gothiques de l’époque, les calligraphies de Vincent Geneslay traduisent à merveille le cheminement spirituel de ce grand mystique.

 

Mêlant l’esprit traditionnel de la lettre à des compositions contemporaines, il souligne la profondeur d’un art requérant souffle, virtuosité et lumière.

 

la sagesse des oiseaux

Erik SABLÉ

Edition  Zulma

 2001

La vie des oiseaux ressemble parfois étrangement à celle des humains, c’est ce que montre ce livre qui est avant tout poétique et empreint de sagesse. On y parle de migrations, de parades, de chants de combats, de nidifications, de l’œuf et de bien d’autres mystères de la Nature. L’oiseau pourrait-il sans le savoir aider l’homme à trouver son chemin ?

Dans beaucoup de mythologies, l’âme est un oiseau. Si le corps appartient à la terre, l’âme se lie au ciel... Et l’homme ne cesse de vouloir s’affranchir de son corps, et d’envier le vol des oiseaux. Bien sûr Erik Sablé a lu Rémy Chauvin et Konrad Lorenz. Mais il a aussi beaucoup observé les oiseaux, dont la vie ressemble parfois étrangement à celle des humains et peut lui servir de miroir. Ainsi les migrations, les parades, les chants, les combats, la nidification, l’œuf, etc. sont tour à tour l’objet de pensées où se mêle aussi le rêve et l’humour. Sans oublier l’oiseau Rokh des Mille et une nuits ou bien le mythique Simorgh des contes persans. Finalement, sa réflexion s’étend à tout ce qui porte une aile : l’âme, l’ange, saint François, les chamans de la préhistoire ou les « immortels » taoïstes qui se mêlaient aux nuages... 

Zeus avait pour emblème un aigle. Athéna était souvent représentée en compagnie d'une chouette (c'était une chouette chevêche Athéna noctua). La sagesse de l'oiseau était celle de la civilisation grecque triomphante. Cléopâtre, jamais sans ses faucons Horus et Râ. Râ qui porte le disque solaire, pouvoir de l'astre sur cette terre et du pharaon sur l'Egypte.
Des croisades, les chevaliers chrétiens ramenèrent la technique et la passion démesurée des fauconniers arabes et turcs. Pendant le siège d'Accon, Philippe Auguste, roi de France, offrit mille pièces d'or à ses ennemis turcs pour récupérer un faucon qui s'était échappé.


Frédéric II Barberousse était tellement passionné qu'il se livrait à cette chasse même en présence de ses adversaires. Revenu de guerre en 1250, Saint Louis s'empresse de créer la charge de "fauconnier du roi". Signe d'honneur, un gentilhomme a le droit de rentrer dans l'église armé de son épée et avec son oiseau de proie sur le poing.

 

L’ASCENSION VERS LA LUMIÈRE  Douce illuminance des Anges

Christiama NIMOSUS

Edition  EDIRU

 1994

85 Pages de grande spiritualité.

 

Comprendre les harmonieuses relations de la lumière spirituelle avec la hiérarchie céleste et le silence mystique.

 

Un livre dense et lumineux qui ne peut laisser indifférent le lecteur épris de lumière et solidaire du divin.

 

L’auteur a écrit entre autre un livre lumineux sur le symbolisme des croix et le symbolisme des nombres.

 

LA SCOLASTIQUE – ARISTOTE ET LE MOYEN-ÂGE

Divers Auteurs 

ARCADIA

 2003

Si on veut définir la scolastique en quelques mots, on peut dire que son étymologie vient du grec scholê, au sens de temps libre, d’inactivité, puis tenir école, donner des cours. Au Moyen Âge seuls les religieux avaient la scholê, c'est-à-dire le loisir d’étudier et de donner des cours. La scholastique est donc un enseignement philosophique propre au Moyen Âge par lequel l’Eglise entendait assurer sa domination intellectuelle, spirituelle et culturelle sur la chrétienté. C’est une méthode qui tente de concilier l’héritage culturel antique (notamment celui d’Aristote) et le message idéologique chrétien contenu dans le livre saint.

 

Les sources antiques auxquelles s’abreuvent la scholastique sont  avant tout: Saint Augustin avec la tradition néoplatonicienne, les écrits de Denys l’Aréopagite, Boèce qui a transmis la logique aristotélicienne et plus tard viendra l’ensemble des textes d’Aristote.

 

On distingue trois périodes de la scolastique

La première scolastique (XIe – XIIe), elle engendre la fameuse querelle des Universaux. L’influence du monde arabe est importante car elle importa entre 800-1200 la culture islamique qui a permis la transmission de la philosophie et des sciences grecques et fit connaître les œuvres d’Aristote, d’Avicenne, d’Averroès et d’Avicébron. Pierre Abélard, saint Anselme de Cantorbéry et Guillaume de Champeaux en sont les premiers docteurs en scholastique.

La deuxième période appelée - haute scholastique – (XIIe-XIIIe siècle) – elle voit l’opposition entre les Franciscains et les Dominicains au sujet de la pensée aristotélicienne (le film au nom de la rose l’explique bien). Albert le Grand,  Thomas d’Aquin, Ramon Lulle, Roger Bacon et saint Bonaventure, en sont les figures emblématiques.

La troisième période est appelée - la scholastique tardive – (XIVe siècle) – Guillaume d’Ockham  impose la critique des systèmes métaphysiques des anciennes écoles, la nouvelle voie (nominalisme) va de pair avec un épanouissement des sciences naturelles (Nicolas d’Oresme et Jean Buridan)

 

Albert le Grand (1206-1280) fut le premier docteur dominicain et maître de Thomas d’Aquin, il eut une grande influence sur les théologiens, il écrivit une œuvre immense dont –Commentaire du livre de la théologie mystique de Denys l’Aréopagite- il fut un artisan de la scholastique et disciple de St Augustin. Le choix mystique d’Albert le Grand fut d’établir une solide relation entre une expérience philosophique et théologique de type aristotélicien et une vision mystique de tendance platonicienne.

 

Thomas d’Aquin (1225-1274) rencontre son maître Albert le Grand vers 1245, il devient alors philosophe, alchimiste, exégète et mystique, très tôt sa doctrine se distingue de son Maître pour s’orienter vers un primat de l’intelligence sur la volonté. D’Aristote il hérite une confiance en la possibilité de l’intellection humaine, il fondera son œuvre sur la Parole divine et s’attachera à l’exégèse afin d’enraciner sa pensée philosophique au sein même de l’Ecriture. Son vocabulaire est très simple : Béatitude, Contemplation et Amour. Il universalisera la connaissance de Dieu et s’opposera à la Gnose.

 

Gérard Reynaud dans un très long article, développe la méthode de raisonnement spirituel dans la scolastique à travers certains aspects de la métaphysique de l’Ecole, comme philosophie de l’Être.

 

Erwin Panofsky à travers son excellent ouvrage « Architecte gothique et pensée scholastique » nous parle de l’Abbé Suger de Saint Denis qui fut le premier promoteur des cathédrales gothiques en France, il avait comme ambition de renforcer le pouvoir royal, dont il était l’ami et le conseiller, il se donna aussi corps et âme dans la construction de sa cathédrale de saint Denis.

 

L’autre grande figure est Saint Bernard qui tout en prêchant les croisades, fustigea la richesse, et construisit de très nombreux monastères, il fut le conseiller du Pape et régna sur l’Europe spirituelle.

 

Alors quels sont les liens entre pensée scholastique et architecture gothique ? L’auteur explique qu’une concordance existe, dans ces deux domaines. Il y a depuis le IXe siècle avec Scot Erigène un renouveau philosophique et théologique, courants quelquefois divergeant mais souvent complémentaires.

 

Un nouveau style de pensée philosophique et architectural se met en place et c’est Suger et Bernard qui en seront les premiers concepteurs, constructeurs et diffuseurs, l’un par la construction gothique, l’autre par sa puissance spirituelle, les deux styles se marieront et donneront naissance à  ces constructions spirituelles exceptionnelles que sont les cathédrales, les abbayes et les monastères.

 

LA SIGNIFICATION DES RITES

L’Alliance mondiale des religions  (Fondé par Maryse Choisy)

Edition  DÉSIRIS

 1993

Philosophes, métaphysiciens, théologiens, chacun des intervenants explique à l’intérieur de sa confession ou de ses pensées, la place et l’importance du rite/rituel dans la société moderne.

 

Toutes les sociétés humaines, depuis la nuit des temps, ont leurs rites et leurs symboles. Ils sont inséparables des civilisations : rites funéraires, rites religieux, rites militaires, prestations de serment judiciaire, rites matrimoniaux, rites de salutations, etc. Les symboles ne sont pas moins nombreux. Les uns et les autres sont partagés par un grand nombre de personnes qui les reçoivent comme une évidence. Comme au sein de toute société initiatique, le Compagnonnage possède ses rites et ses symboles, mais comme ils sont moins extériorisés et pratiqués seulement par un petit nombre de personnes, ils suscitent la curiosité.

 

Certains rites sont encore pratiqués à l’extérieur : la conduite (cortège organisé pour le départ d’un compagnon), la guilbrette (accolade au cours de laquelle les compagnons boivent bras dessus bras dessous), la chaîne d’alliance (à minuit, à l’issue de la fête patronale, ou autour du cercueil d’un compagnon décédé). D’autres sont pratiqués uniquement entre compagnons, dans leurs sièges : rites d’entrée de chambre précédant une réunion, rites de réception. Le pèlerinage à la Sainte-Baume, en Provence, constitue également une étape spirituelle pour les compagnons du Devoir. 

 

 Dans tous les cas, leur fonction est de transmettre une morale, d’affirmer la fraternité du groupe, d’éduquer, de conférer de la dignité, d’élever l’ouvrier au-dessus de ses actes quotidiens. L’exécution stricte d’un rite pousse à la maîtrise de soi, ce qui, au sein d’un groupe de jeunes gens jadis turbulents, n’était pas inutile pour les intégrer plus tard au sein de la société. Tout comme les rites, les symboles du Compagnonnage sont un langage qui n’est plus composé de gestes mais d’images. Sa fonction renforce la cohésion du groupe car il est d’abord transmis et compris par ses membres. Le symbole suscite les questions, excite l’imagination et la recherche, plus qu’une parole ou un écrit. Le florilège des symboles compagnonniques est important et il a évolué selon les époques et les corps de métiers. Il en existe qui sont liés aux couleurs (le rouge pourra signifier la force ou le courage, le blanc la lumière, la pureté).

 

Les outils aussi sont des symboles : le compas évoquera les notions de précision, de juste mesure, de pensée ou de divin. L’équerre, celles de droiture, de conformité à la règle, ou encore de matière. Le niveau symbolisera l’égalité, la balance, la justice. Certains symboles sont issus de l’Antiquité gréco-romaine et de la Bible : le labyrinthe suggèrera le parcours difficile du candidat à la réception, la tour de Babel, l’échec inévitable d’un parcours inspiré par l’orgueil.

 

Enfin, la vie et les vertus de fondateurs légendaires ont donné aux compagnons le sentiment d’être issu d’un passé glorieux, souvent associé à la construction du temple de Salomon. Les légendes de Maître Jacques, du Père Soubise, du roi Salomon et de son architecte Hiram s’élaborent en réalité assez tard, aux XVIIIe et XIXe siècles. Les épisodes de leur vie et de leur mort servent de modèles pour guider le nouveau compagnon sur les valeurs de son Devoir.

 

LA SOLITUDE INITIATIQUE   -   Préface de Jean-Yves Leloup    -

Alain Delourme

Edition Accarias

2016

Tantôt aventure intérieure choisie, tantôt handicap ou fardeau, le sentiment de solitude habite chacun de nous. Ainsi que la peur qui parfois l'accompagne. Les démographes annoncent qu'aujourd'hui il y a plus de solitaires qu'hier et que demain il y en aura plus qu'aujourd'hui. La solitude peut être une épreuve liée à la perdition réelle ou imaginaire mais elle peut aussi être délibérément choisie pour se concentrer sur la réalisation de soi. Redonner un sens à la solitude, trouver une représentation spirituelle de l'existence, communier avec autrui sans s'y fondre, telles sont donc des quêtes vitales.

 

Quelles sont les conditions d'une solitude habitée et paisible ? Peut-on trouver sa place dans la foule solitaire ? La solitude douce et nourrissante est-elle une utopie ou un projet accessible ?

 

Ces sujets intéressent chacun d'entre nous. La solitude à penser et à construire est une odyssée spirituelle. Elle implique une remise en cause de notre conception ancienne de nous-mêmes, une sorte de mort de nos certitudes dépassées ou erronées, tout en engendrant un rapport nouveau à soi, au monde et au sacré, une forme de renaissance.

 

Opportunité d'une transmutation, elle se traduit par une verticalisation de l'être. Il s'agit d'explorer et d'exprimer les conditions d'une solitude libérée et vitalisante. Alain Delourme s'adresse à des solitaires qui ne sont pas hors du monde mais dans le monde, y compris dans le couple, même si cela peut sembler paradoxal. Il nous incite à une démarche qui peut faire de la solitude une occasion d'ouverture à la transcendance, une invitation au secret que tout être humain porte en lui, une opportunité quotidienne d'éveil.

 

Extrait de l'introduction :

« Une solitude libre et reliée, propice à l'éveil de la transcendance intérieure. La solitude sera explorée à l'attention de ceux qui y sont confrontés (c'est-à-dire nous tous) et qui souvent en souffrent ou n'en perçoivent pas les portées initiatique et thérapeutique. La solitude sera appréciée dans ce qu'elle a de plus apaisant, de plus intériorisant, de plus spiritualisant. Afin que cette recherche leur profite. Afin que sa dimension initiatique, au sens de «s'initier à», engendre une capacité accrue de reprendre l'initiative, d'être «initiateur de», d'une vie plus sensée, plus haute, davantage reliée à ce qui la permet et la transcende.


Elle est une possible initiation en ce sens qu'elle peut mettre sur le chemin et favoriser des passages vers d'autres niveaux d'être et de conscience. Certaines conditions seront précisées, comme l'utilité de trouver un but digne de notre vie et de notre mort, ou comme l'intérêt de quitter le désœuvrement et d'agencer ce temps qui n'appartient qu'à soi, ce temps dit «libre» que certains redoutent car ils s'en sentent victimes. Une solitude active et organisée, donc féconde et non oisive et sans but (nous verrons que rester dans un silence méditatif est une action et que s'affairer du matin au soir peut être une forme de passivité). Cette solitude-là favorise la rencontre avec ce qui excède nos savoirs antérieurs, scolairement acquis mais souvent non réfléchis. Elle implique une remise en cause de notre conception ancienne de nous-mêmes, une sorte de mort de nos certitudes dépassées ou erronées, tout en engendrant un rapport nouveau à soi, au monde et au sacré, une forme de renaissance. Opportunité d'une transmutation, elle se traduit par une verticalisation de l'être.


Elle est un équilibre entre le oui de l'acceptation et le non du retrait. Elle augmente la faculté de refuser la réduction profane et d'accueillir l'élévation sacrée ; mais aussi la capacité à dire non à ce qui du passé fait souffrir et à dire oui à ce qui du futur fait sourire. La solitude de l'homme face à la communauté de ses semblables et face aux dieux est la dynamique interne de cette recherche. Mais pas la solitude au sens d'un isolement tragique et statique, spécialisée dans le détachement rancunier et consistant surtout à fuir l'implication et l'action. Ce qui nous intéresse est d'explorer et d'exprimer les conditions d'une solitude libérée et vitalisante. Nous nous situerons à l'opposé de ce qui prédomine dans notre culture à savoir un fanatisme de l'image et une exigence de spectaculaire. La solitude à penser et à construire est une odyssée existentielle, un choix réfléchi et un abandon assumé à l'appel du tout-autre qui bruisse en chacun de nous en un frisson rapide que l'on peut capter puis stabiliser. Pour cela, nous entendrons cet appel dans ce monde- ci et plutôt dans le silence, la lecture et la réflexion vive mais paisible que dans la pollution sonore, télévisuelle, violente et abrutissante. Notre esprit, toujours prêt à se divertir, à se disperser à la surface du monde, a besoin d'aide. De soutien certainement mais aussi de canalisation, d'aimantation vers le préférable et le profond au détriment des pièges du futile, ce «triste exil».

 

Alain Delourme a suivi des formations initiales de psychologue clinicien, de psychanalyste freudien et de psychothérapeute intégratif auxquelles se sont ajoutés un Doctorat en psychologie, un troisième cycle en philosophie éthique, les thérapies transpersonnelles, la fréquentation d'un Maître spirituel indien, la pratique quotidienne de la solitude, de la méditation et du silence, quantité de lectures pluri et transdisciplinaires et l'écriture d'une dizaine d'ouvrages sur les différentes formes de relation d'aide.

 

Au sommaire :  Solitude et libre arbitre -  personne ne peut vivre à votre place  -  solitudes multiples  -    la peur d’être seul, peur de la mort, peur de l’exil   -    une solitude initiatique  -   la complexité  -  l’affectivité   -   l’amour comme antidote de l’angoisse   -    se faire du bien  -   vivre un voyage spirituel  -   générer des pensées neuves   -  la solitude transpersonnelle   -  niveaux de reliance  -  relié à soi, à l’humanité, à la nature, au cosmos et au sacré   -  le silence  -  la respiration  -  la méditation  -  la marche  -  savoir se ressourcer   -  les moments numineux  -  conte initiatique peul  -  prendre soin de l’être solitaire  -  aides les solitaires en souffrance  -  le groupe thérapeute  -   élargissement de la conscience par la respiration amplifiée   -  la solitude dans le couple  - 

 

LA   SOPHIA  ET  SES  DIVINS  MYSTÈRES

JEAN MARC  VIVENZA

ARMA   ARTIS

 2009

Si un nom se distingue nettement dans la longue liste des pieux amis, des discrets serviteurs de « Sophia », à la suite de Jacob Boehme ou de Gichtel, c’est incontestablement, au XVIIIe siècle, celui de Louis Claude de Saint Martin (1743-1803), qui consacra une bonne part de son activité littéraire à nous révéler les mystères de celle qu’il désignait sous le vocable de « Sophie », et dont il déclarait ouvertement, que l’homme immatériel avait été originellement le fils, nous prescrivant, à ce titre, comme impérieuse mission, de nous rendre capable de retourner, comme le Réparateur,  « à la région de l’élément pur qui a été notre corps primitif, et qui renferme enfin l’éternelle Sophie, les deux teintures, l’esprit et la parole, sachant que ce n’est qu’à ce prix, que les choses qui se passent dans le royaume de Dieu peuvent aussi se passer en nous »

 

Dès lors, si l’on confère un certain crédit aux subtiles déclarations du théosophe d’Amboise, qui craignait de trop parler de la Sophia de peur que les hommes n’en fussent pas assez dignes : « J’ai une telle idée de la Sagesse que je ne présume pas que la route qui y conduit puisse être développée dans toute sa profondeur, et encore moins divulguée à la multitude » écrivait-il. La Sagesse, Sophia ou éternelle Sophie, occupe une place centrale dans la Révélation judéo-chrétienne et, depuis l’origine la plus lointaine, après avoir traversée les traditions de l’Egypte (où son nom était Maât, déesse de la sagesse, de l’équilibre cosmique, mais aussi de la justice et de l’ordre) et de la Mésopotamie et de l’Assyrie (où elle s’appelait Mé). Elle est intimement liée et associée à l’activité divine dans les livres sapientiaux de la Bible, des Proverbes et de l’Ecclésiaste. Dès les premiers commencements nous la voyons présente aux côtés de l’Eternel, s’imposant dans son rôle essentiel, ainsi que nous l’expose le Livre des proverbes de Salomon, fils de David, roi d’Israël

 

Sophia est la figure centrale du Gnosticisme, un mouvement philosophique et mystique chrétien originaire de Rome et de la Perse, qui a pour but la réalisation individuelle de l’être divin grâce à l’expérience extatique. La nature de Sophia y est présentée comme la connaissance intérieure plutôt que la connaissance acquise par le monde extérieur. D’après les mythes gnostiques, Sophia est née du silence et a donné naissance à son tour au Féminin et Masculin qui, ensemble, ont créé les éléments de notre monde matériel. Le Féminin Divin a ensuite donné naissance à deux entités : Jéhovah (le Dieu des Chrétiens) et le Fils des Ténèbres, Ildabaoth. Lorsque les humains furent créés, Sophia tomba en amour avec eux (et c’est ce passage qui m’a fasciné). Son affection envers les humains éveilla une jalousie chez Ildabaoth et Jéhovah. Espérant garder les humains faibles et ignorants, les frères les interdirent de manger le fruit de l’arbre de connaissance. Leur mère, le Féminin Divin, décida alors de descendre sur terre sous la forme d’un serpent pour apprendre aux humains comment désobéir aux deux dieux envieux. Sophia fut si désespérément amoureuse des humains qu’elle décida de vivre parmi eux. À sa surprise, ils l’ignorèrent. Elle tenta de leur parler mais l’ignorèrent toujours. Elle cria du haut des plus grands sommets, et l’ignorèrent encore. Dans son angoisse, Sophia quitta les humains en leur disant : « vous m’avez nié et ignoré, je ferai donc de même lorsque vous serez en détresse. Seulement ceux qui seront à ma recherche avec de la sincérité au cœur mériteront mon amour et ma bienveillance. » Certains croient que, sous la forme d’une colombe, Sophia est à l’origine de l’immaculée conception et que sous la forme de Jésus, elle tente de s’unir avec les mortels qu’elle adore.

 

Judéo-christianisme : Dans l’Ancien Testament, Sophia est l’origine de tout, la source de sagesse, la mère de tout, l’aspect féminin de Dieu et gardienne de la connaissance. Les Chrétiens perçoivent deux aspects chez Sophia: la Sophia des cieux, représentée comme une vierge pure et immaculée et la Sophia déchue, représentée comme une prostituée, une âme tombée sur Terre et incarnée, perdue dans le monde et en besoin d’élévation spirituelle. Dans les Évangiles, les deux Marie sont son incarnation terrestre : la Sophia des cieux est représentée par la Vierge Marie et la Sophia déchue est représentée par Marie-Madeleine qui est « sauvée » par Jésus.

 

Le Graal : Sophia est aussi considérée comme la déesse du Graal. Elle est souvent représentée en Dame Noire qui protège le Graal (note intéressante : le Graal était d’abord représenté par un chaudron !) pour le bien-être des habitants de la Terre. C’est ainsi qu’elle fut associée aux Vierges Noires et à Marie-Madeleine. Une de ses prêtresses (source perdue) a déjà affirmé que Sophia était la gardienne du féminin sacré, étant associée au Graal. Sophia serait responsable du retour de la Déesse en cette période de l’humanité. Cette même prêtresse représente Sophia comme une fleur : plus les humains entretiennent une relation avec le féminin divin, plus la fleur reprend et si nous ignorons le féminin divin, cette fleur fane.

 

Ses origines et attributs : Sa véritable origine est impossible à retracer. Elle est présente dans plusieurs cultures et époques. Elle est associée à Isis, Ishtar, Shekinah, Marie, Hécate, Marie-Madeleine, Anath, Eve, Déméter, Perséphone et Héra. Sa fête est le 28 novembre et on lui associe les couleurs rouge et blanc. Son sanctuaire sacré se situe à Istanbul, Hagia Sophia (désormais un musée) et un temple gnostique a été construit à Los Angeles en son honneur par l’église orthodoxe. Ses symboles sont la colombe, le croissant de lune, l’étoile, la coupe et l’arbre. Sophia est toujours vénérée en Russie, où une forme de syncrétisme de croyances païennes et de croyances chrétiennes vit toujours, surtout à la cathédrale de Sainte-Sophia à Kiev.

 

Sophia est une déesse de justice, de sagesse, de bienveillance, de connaissance et d’honnêteté. Elle est grande, créative, initiatrice et enseignante. Une femme dévouée à Sophia n’a aucune peur de la vérité. On dit que Sophia a trois filles : Foi, Espoir et Charité. Ce sont ses cadeaux à l’humanité, des outils bien précieux pour affronter les épreuves de la vie humaine qui peut apporter désespoir, confusion et souffrance. Elle donne un sens à l’expérience humaine et donne la capacité de comprendre son destin. Elle permet de prendre une distance face à nos émotions qui nous paralysent nous empêchent de comprendre que mêmes les expériences les plus traumatisantes sont sources de grandes leçons. Sophia est la source du sens donné à sa vie.

 

la spiritualitÉ au quotidien

Pascal MICHEL

Edition  DU ROCHER

 2004

Le but de ce livre est de permettre au lecteur de découvrir et de vivre la spiritualité au quotidien en se construisant lui-même.

 

Pour l’auteur, il n’existe pas de spiritualité authentique si elle n’est pas quotidienne, vécue dans le bureau ou à l’usine, le supermarché ou la cuisine, les conflits… et aussi ses joies. Partant d’une expérience spirituelle personnelle, l’auteur souligne l’existence de lois spirituelles sur lesquelles chacun peut totalement se reposer et dont la plus élevée est l’amour inconditionnel, qu’il importe de pratiquer à l’égard de soi autant que des autres.


C’est donc une spiritualité de tous les instants, une spiritualité pour tous, qui n’a pas besoin – mais ne rejette pas non plus – de temples ni de lieux sacrés ni de circonstances particulières pour s’exprimer et se vivre : être spirituel devient un état de conscience, une manière d’être.


À travers « Le simple art de bénir »,  l’auteur nous fait retrouver le sens originel de la bénédiction, en dehors de toute doctrine religieuse, et nous propose de poser un nouveau regard sur le monde et ceux qui nous entourent.

 

Il y est développé les sujets suivants : écouter, choisir, agir, se taire, ressentir, apprendre, mentir, souffrir, mourir, consommer, voyager, changer, travailler, penser, rire, prier, être.

 

la tradition & la connaissance dans la spiritualitÉ de l’occident

Paul naudon

Edition DERVY

 1973

Nos ouvrages antérieurs nous ont conduit à cette constatation que le problème essentiel, voire unique, de la philosophie, au sens transcendantal de ce mot, est celui de la Connaissance. Il implique en effet tous les autres grands problèmes métaphysiques : au premier chef celui de Dieu, qui s’identifie à celui de l’Absolu, objet même de la Connaissance ; ceux de la vie et de la matière ; du monde extérieur et de l’expérience sensible ; de l’âme et des facultés rationnelles et spirituelles ; de la liberté enfin car le monde de la Connaissance est par définition dégagé de toute contingence, de tout déterminisme.


Cette recherche de l’Absolu, si elle relève du domaine purement spéculatif, n’est pourtant pas sans interférences pratiques d’une haute importance. Ne conditionne-t-elle pas la destinée, autrement dit tout le bonheur de l’homme, bonheur qui pour être vrai doit être un état stable et définitif, non subordonné aux changements et aux vicissitudes des choses et des êtres ?

 

Un courant de renouveau spirituel et matériel traverse la planète. Une vision renouvelée de l’homme et du monde est en train de naître, grâce aux recherches effectuées durant ces vingt dernières années, dans les Sciences Humaines et Physiques, par des hommes comme Mircéa Eliade, Edgar Morin, Frithjof Capra ou Gilbert Durand. Encore peu connus du grand public, ces chercheurs réintroduisent le sens du global, la vision systémique, l’Imaginaire et le Sacré dans les sociétés humaines. Paradoxalement, leurs travaux permettent de redécouvrir, par de nouvelles voies, la logique du Vivant dont parle la Tradition depuis plusieurs millénaires.

 

Ce livre ne propose pas une doctrine personnelle, ni une nouvelle idéologie, ni une nouvelle mystique. Il s’agit plutôt d’inviter le lecteur à emprunter les Voies de la Connaissance d’hier et d’aujourd’hui, à sortir de l’oubli, afin de récupérer la mémoire de ses Origines. Ce "retour au Sacré" apparaît comme une démarche nécessaire à l’homme contemporain qui veut participer des mutations spirituelles et matérielles de son époque et qui veut devenir capable de comprendre, et pas seulement de connaître. Il permet de poser les fondements d’une vision renouvelée, bien qu’éternelle, du monde.

 

la tradition primordiale dans les religions

j. duchaussoy

Edition  DERVY

 1993

C’est de la Tradition Primordiale que sont issues toutes les croyances des civilisations passées ou présentes. Et nombreux sont les mythes, particuliers à divers pays, notamment ceux qui bordent la méditerranée, qui s’y rattachent. L’auteur nous fait découvrir, entre autres, ce que furent les croyances et les rites des Sémites primitifs, au début du quaternaire. Il nous montre aussi comment les vestiges d’une antique révélation, faite sans doute aux habitants de continents disparus à l’époque où les dieux parlaient aux hommes et conservés dans les mystères des temples du Yucatán, de l’Égypte ou du Tibet, ont été retrouvés, assimilés, perpétués et mis en application en Occident soit par un ordre religieux comme les Bénédictins, soit par ces célèbres moines soldats que furent les Templiers dont l’esprit a perduré jusqu’à nos jours.

Il existe une tradition primordiale, c'est-à-dire un enseignement purement spirituel, qui n'a été conçue par aucune intelligence humaine aussi brillante soit-elle, dont s'est inspiré tous les grands maîtres spirituels à travers l'histoire comme Zoroastre, Mani, Bouddha, Moïse, Jésus, Mahomet, etc. Cet enseignement suprahumain est présent dans tout l'univers. Il existe sous une forme vibratoire ou ondulatoire. Au moment que vous lisez ces lignes, il est présent tout autour de vous et il attend que vous soyez réceptif pour y puiser les principes fondamentaux de l'univers, de la Terre, de l'être humain et de l'existence. 

La tradition primordiale est la source originelle de toutes les religions. Après la disparition des prophètes, les prêtres qui leur ont succédé l'ont tous plus ou moins déformés à défaut d'une interprétation claire et juste, afin de s'en servir à des fins socio-politiques. Un facteur important d'altération du message originel consiste en ce que chaque religion est adaptée à la culture à laquelle elle appartient. Chacune utilise ses propres termes, ses propres interprétations. La tradition primordiale doit être considérée comme une religion universelle dont les préceptes n'obéissent à aucune détermination d'ordre culturel. Elle s'adresse sans exception à tous les êtres humains honnêtes et sincères qui désirent s'instruire avec un esprit suffisamment ouvert, c'est-à-dire qui n'est assujetti à aucun préjugé ou dogme. Le but de cette section est de restituer à la tradition primordiale, avec le plus d'objectivité possible, sa signification originelle. 

Comment les anciens prophètes sont-ils parvenus à puiser des éléments d'information à partir de la source originelle ? Comment nos sens de la vue et de l'ouïe perçoivent-ils les stimuli environnants ? L'œil capte la lumière que l'on définit comme un rayonnement (une onde) que l'on nomme spectre visible. L'œil peut capter une longueur d'onde se situant entre 380 et 780 nanomètres. En conséquence, l'œil ne peut capter ni les rayonnements ultraviolets (inférieurs à 380 nm) ni les rayonnements infrarouges (supérieurs à 780 nm). L'oreille capte les sons que l'on définit comme une fréquence (une onde). L'oreille peut capter une fréquence se situant entre 20 et 20 000 hertz. En conséquence, l'oreille ne peut capter ni les infrasons (inférieurs à 20 hz) ni les ultrasons (supérieurs à 20 000 hz). Dans les deux cas, l'œil et l'oreille humaine ne peuvent pas capter toutes les nuances de la lumière et du son qui se manifestent autour de nous. 

Ce qu'il est essentiel de retenir, c'est que les ondes environnantes, d'abord captées par les organes des sens, sont ensuite décodées par le cerveau. Si nous pouvons voir des formes et des couleurs et entendre des sons, c'est que le cerveau parvient à convertir ces ondes en formes, en couleurs et en sons. Sans les organes sensoriels et le cerveau, la lumière et le son seraient imperceptibles. Ce n'est donc pas avec les yeux que nous voyons ni avec les oreilles que nous entendons, mais bien avec le cerveau. Le principe est le même pour les ondes radiophoniques. À l'état d'ondes, ni l'oreille humaine ni le cerveau ne peuvent les capter. Cependant, grâce à une antenne et à un convertisseur (poste de radio) qui convertissent ces ondes en sons, il est possible de capter une émission de radio. 

Sans ces deux éléments indispensables, les ondes radiophoniques demeurent imperceptibles, mais cela ne les empêchent pas d'être partout autour de nous de façon permanente. Ce principe est le même pour l'esprit, car n'oublions pas que les lois spirituelles ne s'écartent pas des lois physiques. L'esprit est pourvu d' ''organes'' que l'on nomme les chakras. Le chakra qui nous intéresse est le chakra se situant entre les deux yeux que l'on nomme le troisième œil. Le troisième œil est en mesure de percevoir des ondes éthériques et télépathiques que ni les organes des sens ni le cerveau charnel ne peuvent décoder. Il existe dans l'univers un champ informationnel mieux connu sous le nom d'annales akashiques qui capte et enregistre en permanence toutes les pensées émises de toute l'humanité, incluant celles des êtres désincarnés.  

Lorsque nous pensons à une idée, elle semble d'abord surgir du néant. En réalité, elle surgit de notre esprit. Dès qu'elle a traversé notre conscience, elle semble s'évaporer ou parfois elle subsiste durant un certain temps dans notre mémoire avant de s'en retourner dans les annales akashiques. Lorsque Dieu pense, ce qu'il pense demeure éternellement sous forme vibratoire dans l'univers. Le champ informationnel est en quelque sorte la ''mémoire de Dieu'' dans laquelle nous pouvons aller puiser un savoir pour notre évolution spirituelle. Mais pour puiser des informations dans les annales akashiques, il faut d'abord être réceptif, c'est-à-dire qu'il faut disposer notre esprit à les capter, un peu comme lorsque nous cherchons une fréquence particulière avec un poste de radio. 

Un individu qui ne croit ni en Dieu ni en la possibilité de communiquer avec lui ferme son esprit à toute réceptivité. Un individu qui, sans y croire dur comme fer, admet la possibilité que Dieu existe et qu'il est possible de communiquer avec lui, est plus réceptif que le sceptique inébranlable. Celui qui a la foi en Dieu est tout à fait disposé à recevoir son enseignement. L'incarné disposé à s'instruire devient une véritable antenne émettrice-réceptrice. Son esprit est capable de convertir les ondes du champ informationnel en un enseignement d'ordre supérieur. Les anciens prophètes, que beaucoup admirent comme des hommes saints, étaient-ils des élus de Dieu ? La réponse est évidemment non. L'explication est plutôt celle-ci: ils étaient des hommes ordinaires, profondément pieux, donc plus réceptifs à recevoir cet enseignement suprahumain.

 

la vie & l’œuvre de renÉ schwaller de lubicz

érik sablé

Edition  DERVY

 2003

SCHWALLER de LUBICZ est surtout connu pour ses travaux sur l’Ancienne Égypte. Il fut le maître à penser et le fondateur de l’école dite « symbolique » qui considère la civilisation égyptienne comme un univers entièrement différent de notre monde moderne. Un univers basé sur l’intelligence du cœur et la connaissance de la Grande Loi d’Harmonie.


Mais René Schwaller de Lubicz n’est pas simplement un égyptologue un peu particulier. Il fut aussi toute sa vie passionné par le « monde des causes », la loi unique de genèse que l’on retrouve aussi bien dans le développement d’un univers que dans celui d’un œuf ou d’une société.

 

À partir de cette connaissance qui lui fut révélée à Suhalia, il donna un enseignement remarquable de profondeur qui éclaire tous les domaines de l’ésotérisme et le processus de transfiguration de l’être humain.


Ce petit livre parle d’abord de la vie de René Schwaller de Lubicz, depuis son enfance en Alsace jusqu’à sa mort au Plan de Grâce, en tentant d’éclaircir le sens de ses principaux ouvrages, et notamment du Temple de l’Homme.

Dans une deuxième partie, l’auteur donne une synthèse de la pensée de René Schwaller de Lubicz à travers les trois thèmes principaux autour desquels s’articule sa doctrine : l’intelligence du cœur, le symbolisme et la loi de genèse.

Enfin, il expose de manière précise les polémiques que provoqua l’œuvre de Schwaller de Lubicz avec certains tenants de l’égyptologie officielle.

 

Voir les autres livres de Schwaller de Lubicz  au chapitre 19 S

 

la voie de l’homme reliÉ   -              PrÉsentation PAR JEAN MOUTTAPA   -

 Divers auteurs

Edition  Albin Michel

 1997

Dans sa présentation Jean Mouttapa explique : « Il est des paroles qui vous restent fichées dans le cœur comme un aiguillon à jamais impossible à extraire, tels sont pour moi ces mots écrits un jour par Daniel Pons, et qui résument certainement tout ce que j’ai pu apprendre de lui : Tu n’es que par ce que tu transmets et non par ce que tu crois être

 

Etant entendu que, dans l’esprit du poète, le don implique l’écoute – nulle générosité sans réceptivité : transmettre, c’est restituer ce qui a été reçu en partage- encore faut-il être capable de recevoir. L’homme est peut être « un être pour la mort » mais il est avant tout un « être pour transmettre », creuset d’échanges multiples qu’il lui appartient de ciseler, de peaufiner et d’améliorer, jusqu’à la transparence afin que le message transmit soit d’une grande qualité

 

Voilà ce que j’ai appris au contact de ce grand poète : une tension toujours renouvelée vers l’archétype de l’homme relié. Relié et conscient qu’il n’est que relation, que tout n’est que relations. Or, il me semble que cet archétype rejoint l’esprit mutant de notre temps, il me semble qu’à l’ère de la physique quantique, de la psychologie des profondeurs et de la pensée écologique, « la relation  de qualité » devient un paradigme de plus en plus fécond. J’en veux pour preuves les quelques textes réunis dans cet ouvrage et qui sont encore très loin de couvrir le champ des harmoniques possibles d’une telle intuition.

Par définition l’homme relié est l’homme non violent qui comme l’arc en ciel essaie de relié la terre au ciel, l’homme au divin »  - Jean Mouttapa

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

La « poétique » de Daniel Pons ou la voie de l’homme relié  par Jean Mouttapa

 

Lhomme relié à lui-même : Il nous faut chanter par Serge Wilfart

Entrer dans la danse  par Simone Jacquemard

Retrouver le rire essentiel  par Annick de Souzenelle

Le corps, centre de la relation  par Jacques Breton

De la relation intérieure comme exercice  par Ysé Tardan-Masquelier

 

L’homme relié au cosmos : Le symbole, relation au mystère  par Julien Riès

L’homme foyer de relations cosmiques  par Jean-Marc Kespi

Le vrai silence est relation  par Jacques Brosse

De l’interdépendance comme loi universelle  par Lama Denis Teundroup

Le langage des fleurs  par Michel Cazenave

 

L’Homme relié à l’autre : Du tangentiel au radial dans la relation humaine  par Jean Onimus

Mort-Renaissance dans la relation éducative  par René Barbier

De l’Eros à l’amour de l’amour  par Christiane Singer

A la frontière du visage, le vertige de l’ouverture  par Gabriel Ringlet

La puissance du pardon  par Alphonse Goettmann

 

la voie de l’individuation dans les contes de fÉes

M. Louise von franz

Edition  LA FONTAINE DE PIERRE

 1978

Marie-Louise Von Franz nous introduit ici dans ce que les contes de fées ont de plus essentiel et de plus secret, et qui est le cœur de la voie de C.G. Jung : la réalisation de cette « totalité psychique », source d’harmonie et de paix, que Jung appelle « Soi ». Cette recherche du Soi i est le but et la finalité de « l’individuation ».


Pour cela, elle nous enchante en nous racontant des histoires qui sont parmi les plus captivantes du patrimoine de l’humanité, utilisant ainsi la ruse immémoriale des conteurs de tous pays.


À partir de ces récits, elle n’a aucune peine à nous conduire, de la façon la plus naturelle et sans fatigue, à la découverte de ce domaine merveilleux qui est en chacun de nous et nous montre la manière d’y vivre, sans pour cela rien délaisser de l’existence quotidienne.


Dans cet ouvrage comme dans les autres de la même série, le symbolisme alchimique est largement utilisé. Le lecteur se voit ainsi mettre entre les mains la clé pratique de « l’art royal » conduisant à la confection de « la Pierre » et introduisant dans « le jardin des sages ».

 

L'imagination active permet à notre inconscient de nous envoyer des images. À nous de ne pas les juger, ni même de chercher à les analyser, car le risque est grand d'en perdre la substance. Soyons légers pour une fois, jouons, acceptons ces images comme des visites. Allons même jusqu'à considérer qu'elles sont une autre réalité, à côté de celle qu'habituellement nous considérons comme "vraie".

 

L'individuation n'est-ce pas quitter un peu notre personnalité construite dans le monde, par le monde, pour le monde ? L'ôter comme une peau épaisse, pour tâcher de se reconnecter avec l'originelle source, qui "sait". Y puiser notre part numineuse, qui manque à toute complétude. Et pour cela être comme le héros du conte, accepter l'aide des êtres de l'invisible, qui sont ces fameuses images de l'inconscient, les personnifications de nos forces insoupçonnées, car divines ? je crois que le conte ne parle que d'individuation. Ou en tout cas des divers chemins de cet art incontournable pour qui veut s'accomplir.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Préface d’Etienne Perrot  -  Contes, rêves et synchronicités  -  le perroquet blanc (conte espagnol)   -  le bain de Badguerd (conte persan)   -   le prince Hassan Pacha (conte du Turkestan)   -   L’oiseau aux trilles de fleurs (conte persan)   -   le rossignol de Gisar (conte albanais)   -   l’oiseau de Wehmus (conte autrichien)   -   le symbolisme de l’oiseau   - 

 

LA VOIE LIBRE DE L’INTḖRIORITḖ

  Jean  Lavoué

Edition  Salvador

 2012

Journal, méditation, prière, poème, ces carnets, ancrés dans l'expérience de l'écriture parole de Jean Sullivan, explorent les voies d'un christianisme d'Exode et d'intériorité, d'un Evangile en dialogue avec la culture et la modernité, ouvert au souffle des grandes sagesses d'Asie, surtout chinoises. Il ne s'agit aucunement de syncrétisme, mais d'un dialogue méditatif vivant, enraciné dans l'Évangile mais sans peurs de l'étranger. C'est aussi un livre d'exercice où l'écriture s'ordonne peu à peu autour d'un vide, d'un silence qui la constitue : ouvrage de filiation et de transmission qui creuse le sillon d'un humanisme évangélique, rendu nécessaire du fait de l'envahissement de nos existences par les rationalités instrumentales de la science et du marché.

Voilà un livre qui bouscule bien des convictions sur la foi, sur Dieu et sur le christianisme. Il ne s’adresse pas qu’aux « croyants ». Il intéressera, aussi, ceux qui font « confession » d’athéisme, d’agnosticisme, ou, tout simplement, d’indifférence par rapport aux religions. Et qu’une approche nouvelle – et décapante – du christianisme peut concerner.

Son auteur, Jean Lavoué (57 ans), est Breton. Il a écrit sur des auteurs bretons : Lamennais, Perros, Sulivan, Grall, dont il apprécie  le parcours « dans les marges ».  Jean Lavoué dirige une association d’action sociale dans le Morbihan. Sa pensée se nourrit du message des Évangiles et aussi de tous ceux qui ont exploré les voies d’un christianisme dépoussiéré – de rupture, « d’exode » – loin de l’état de chrétienté, comme l’ont fait, en leur temps, Jean Sulivan, Dietrich Bonhoeffer ou les plus grands mystiques à l’image de Maître Eckhart. Sa pensée se nourrit aussi des apports de la psychanalyse ainsi que des spiritualités d’Orient, notamment de Chine, en particulier dans leurs expressions corporelles.

Que nous dit au fond Jean Lavoué ? Qu’il faut en finir avec la métaphysique du dualisme et  du rationalisme (hérités de la pensée grecque et du droit romain), qui font de Dieu un être extérieur à notre être le plus profond. C’est en nous, estime l’auteur, que Dieu se révèle. À travers ce que Jean Lavoué appelle « le souffle ». Il invite donc chacun à cultiver son intériorité, autrement dit cette flamme spirituelle qui l’habite. Car cette intériorité est, selon lui, la voie royale d’accès au désir, au mieux-être, à l’amour, à la vie révélée dans son intensité. En soi et avec les autres. Une voie de l’intériorité que « le Christ était venu manifester et que l’Occident n’a cessé de refouler, tandis que l’Orient s’est toujours déployé de plain-pied avec elle ».

Pas question, pour autant, de faire du syncrétisme. « Dans le grand orchestre des sagesses, des spiritualités, il revient à chacun de trouver son instrument », écrit Jean Lavoué. Pour sa part, il puise inlassablement dans le creuset évangélique (à la manière de Bernard Feillet, Maurice Bellet et beaucoup d’autres…) même s’il ne néglige pas, loin s’en faut, les sagesses d’Orient, comme l’avait fait en son temps Jean Sulivan dans l’ashram indien du Breton Henri Le Saux.

Jean Lavoué nous parle donc d’un Dieu qui « se laisse sourdre du dedans » ou d’un « Christ toujours à naître », d’un Dieu « qui n’est pas à chercher au-dehors » car « il est au-dedans, dans ce vaste puits des silences qui nous alimentent en eau pure ». D’où son appel à laisser croître en soi le germe d’un tel silence.

« Chrétien ayant renoncé, une bonne fois pour toutes, à rester là à regarder le ciel », Jean Lavoué mise sur la pertinence des « petits groupes nomades, éphémères et fidèles », prêts à « avancer dans les brèches », pour faire émerger une nouvelle intelligence du christianisme, loin de « la classe sacerdotale » dont « Jésus annonçait la dispersion avec la destruction du Temple ». Au point de parler, à la suite de Etty Hillesum, d’un « Dieu, non pas venu pour nous sauver, mais à sauver au plus intime de soi ». Car « Dieu, c’est l’homme qui le fait advenir », dit Jean Lavoué. Une voie royale, selon lui (c’est bien le sens du « Royaume » annoncé), à emprunter  à la suite des enseignements d’un Christ qui renvoyait chacun vers lui-même, « dans la joie d’être transformé, apaisé, réconcilié ».

 

LE CHANT DU SERVITEUR

Mathieu Yon

Edition Arma Artis

 2011

Toutes les Ecritures sont des textes nés de la Parole et qui, pour ne pas déchoir au rang des pauvres textes, de mots moribonds cloués sur pages, ont besoin d’être ravivés par un regard frais, des yeux d’enfants.

 

C’est particulièrement vrai des Evangiles, usés par deux mille ans de lectures pesantes, chargées d’arrière-pensées, d’enjeux inavouables et de noirs desseins pavés de bonnes intentions. Le miracle de ce texte, l’Evangile, c’est qu’il est toujours prêt à ressusciter, à jaillir du tombeau édifié par tant d’appropriations. Il suffit encore une fois, d’un seul regard frais, d’une seule innocence.

 

L’auteur chante ici son soulèvement intime au contact de la Parole, il est un poète amoureux du verbe qu’il sait manier pour ouvrir sue des paysages clairs, balayés par un vent porteur d’esprit. Certaines de ses phrases résonnent longuement comme des aphorismes, d’autres claquent et s’évanouissent comme une présence invisible.

 

Quelques chose a eu lieu, il y a deux millénaires, et ce quelque chose était si puissant qu’un jeune homme s’en trouve aujourd’hui fécondé, obligé d’entonner son chant du serviteur et de témoigner de son amour et attachement à ces textes. Un chant respectueux, sobre et posé, pas d’interprétations arrogantes, juste un chant et quelques fulgurances, telles celles à propos de Judas, l’homme aux 30 deniers.

 

L’auteur nous parle avec passion et poésie de :

L’Annonciation - Le calame - Les impôts - Bête de somme - Une nuit - Le levain - L’Ivraie - Le souffle brisé - Traduction -

Pierres - Feuilles d’herbe - Petites fleurs - Jérusalem - Silences - Résurrection

 

l’Échelle de jacob ou la dernière croisade

J. P. corria

Edition  M.C.O.R

 2003

Ce livre est un cri du cœur afin de nous faire prendre conscience de la décadence de l’être humain qui massacre la terre et s’enfonce dans les ténèbres marécageuses de la société actuelle.

 

Il lance un appel à l’homme afin qu’il prenne conscience de cet état et de son libre arbitre .L’échelle représente un développement et une montée par degrés ; ainsi, la prière s’élève de la terre vers le Ciel, mais le but à atteindre est Dieu qui se tient au-dessus de l’Echelle. Par la prière, Jacob cherche son chemin jusqu’à Lui, il veut Le trouver et parvenir jusqu’à Lui.

 

Alors, Dieu lui montre en rêve le chemin qu’il doit poursuivre et comment la pensée doit, par échelons, se dégager des liens terrestres jusqu’à ce qu’elle ait trouvé Dieu au sommet de l’échelle ; et comment l’Eternel descend jusqu’à terre pour y prodiguer ses bienfaits lorsque l’homme s’élève vers Lui, de même que les anges d’abord remontent, et ensuite descendent vers la terre, pour déposer toutes les prières terrestres devant le trône céleste du Tout-Puissant.

 

Selon l’explication du Midrach, cette échelle comporte quatre paliers. Maïmonide, également, y reconnaît une ascension en quatre étapes ; les termes du récit biblique font allusion aux quatre stades que la pensée doit franchir pour parvenir jusqu’à Dieu. « Et voici, une échelle était dressée sur la terre » ; ici, l’échelle désigne le lien et les rapports des différents êtres de l’Univers.

« Elle (l’échelle) était « debout, dressée sur la terre », désigne le monde terrestre, le monde des perceptions et de l’expérience d’où émane toute connaissance. « Et son sommet atteignait le ciel », nous enseigne que la connaissance progresse à partir du monde sensible vers le monde des êtres saints et des sphères supérieures. « Et voici, les anges de Dieu montaient et descendaient », fait allusion au monde supra-sensible des anges, où la connaissance pénètre plus avant ; et enfin, le quatrième et dernier échelon de l’évolution (spirituelle), représente le but de la connaissance et de la prière en même temps : « Et voici, Dieu se tenait au-dessus » (Guide des Egarés).

 

Les quatre échelons successifs franchis par la connaissance naturelle, correspondent en tous points au processus par lequel la nature nous instruit. A partir de l’expérience qui se déroule dans le monde des phénomènes sensibles, la raison parvient à la loi immanente de la « forme » des choses. La question des causes actives qui se pose ensuite, nous conduit logiquement au « monde des forces », jusqu’à ce que l’enchaînement de la pensée aboutisse à la raison suprême qui n’est rien d’autre que « le monde transcendant de l’esprit pur ». C’est ainsi que l’esprit spéculatif doit s’élever sur l’échelle de la connaissance jusqu’à ce qu’il accède au Créateur de l’Univers ; c’est ainsi que l’homme en prières doit d’abord traverser ces quatre mondes, afin de pouvoir, comme Jacob, trouver, au sommet de l’échelle, le Dieu que son intelligence et son cœur recherchent

 

L’ḖCHELLE DE JACOB  REVISITḔE

Marie Paule Gandemer

Edition le temps Présent

2016

Dans cet ouvrage, l'Echelle de Jacob (celle de la Bible bien entendu) est «revisitée», c'est à dire mise en relation avec l'homme zodiacal (dont on dit parfois qu'il n'a plus de sens) et avec l'Arbre des Sephirot de la tradition hébraïque qui est aussi en relation avec le corps humain. Cette double analogie permet de décrire un cheminement extérieur correspondant à notre «descente» (nous naissons par la tête et partons «les pieds devant») mais également à un cheminement intérieur «montant» des pieds vers la tête, que nous gravissons... ou pas. Cette dimension intérieure, propre à l'homme mais aussi à l'humanité dans son ensemble, peut également se lire sur une «Echelle» construite sur la base de la succession des êtres, formant ainsi la «Grande Année Christique». L'auteur s'approprie ainsi la tradition kabbalistique mais aussi l'astrologie et l'échelle de Jacob, revisitée donc, devient le fil conducteur d'un postulat selon lequel l'Homme serait en constante évolution vers une perfection divine dont il se veut un des éléments constitutifs. --.

 

 « L'Échelle de Jacob revisitée » présente les liens analogiques reliant L'Arbre des Sephirot de la tradition hébraïque, le jeu de la marelle, l'homme zodiacal et, bien entendu, l'Échelle que Jacob a vue en rêve dans le texte biblique. Ce travail s'est construit au fil des années, à partir d'un questionnement quasi permanent. Il décrit une structure préexistante de notre potentiel d'évolution individuelle. Ce potentiel est propre à chaque être humain, mais il peut également correspondre à l'évolution de l'humanité dans sa globalité. La descente de l'Échelle correspond alors à notre évolution extérieure, dont nous verrons tous la fin, alors que la montée de l'Échelle correspond à notre évolution intérieure, qui, elle, est beaucoup plus aléatoire. Le propos de ce livre repose essentiellement sur une quarantaine de citations bibliques, sur les écrits d'Annick de Souzenelle, de Pierre Teilhard de Chardin, de Karlfried Graf Dürckheim, de Shanti Jeannot, et de Beat Imhof. Toutes les grandes traditions religieuses sont reliées dans cette démarche universaliste qui devient de la sorte une synergie constructive

 

Dans le récit de la Bible on ne peut pas être plus bas et plus dénué de tout que ce Jacob cette nuit-là et pourtant il est au pied d’une échelle qui le relie au ciel. Cette échelle est sans échelons, et le texte nous dit que Dieu est à la fois au sommet de l’échelle et en même temps avec lui, Jacob, qui est à terre. De sorte que Jacob lui-même est cette échelle. Et Dieu n’est pas au sommet d’une échelle qu’il faudrait gravir par notre sagesse et notre spiritualité, mais Dieu, littéralement, est à la tête de l’échelle, ce qui peut se traduire également en hébreu à l’origine de l’échelle. Dieu n’est donc pas loin au-dessus de Jacob à l’autre bout d’une haute échelle, mais il est à l’origine de cette échelle sans barreaux qu’est Jacob, qu’est l’homme. Et le dénuement de Jacob, sa faiblesse, ainsi que le fait qu’il n’ait rien fait pour étudier et prier, qu’il n’ait rien demandé à Dieu ni cherché. Tout cela montre que tout homme est capable de Dieu par nature. Tout homme, même totalement abattu comme l’est ici David, n’est jamais si bas que Dieu ne puisse le rejoindre. Et être au-dessus de lui, juste au-dessus, tout contre lui, pour lui, avec lui. De sorte que Dieu fait de nous cette échelle, ce conducteur entre ces deux pôles que sont la terre et le ciel.

 

Cet être debout, réconcilié, c’est l’humain, chaque être humain. Et c’est une vision de l’humanité, pas seulement de l’église, bien entendu, c’est explicitement une vision de toutes les familles de la terre, dans l’espérance de Dieu. Et ces messagers qui montent et descendent ne sont pas des légions d’anges sur une échelle nous reliant à un Dieu lointain. Ces messagers représentent ainsi la circulation de la grâce en nous, c’est Dieu lui-même travaillant par sa Parole à unifier notre être dans ses différentes dimensions, faisant circuler de vrais échanges en nous-mêmes et avec lui, permettant l’expression des rêves et des besoins, le passé et les projets, les attachements et les craintes, les doutes. Et c’est alors que nous ne sommes plus seulement une âme, une vie spirituelle qui aurait été versée dans un corps animal, mais que nous sommes une échelle dressée, puis un espace de dialogues multiples entre Dieu et nous, notre tête, notre cœur, nos jambes et nos mains, notre passé et notre avenir, nos espérances et nos peurs…

 

Et c’est alors, quand nous avons un peu avancé dans ce travail que nous pouvons accepter d’être également Jacob et Ésaü. Et cesser de considérer la vie en ce monde comme une charge, cesser de vouloir sortir de cette tension entre la terre et le ciel en éliminant un des deux pôles, faisant exploser l’échelle, perdant les deux, comme le craint Rébecca, invitant Jacob à ce temps de retraite, en expliquant : « Pourquoi serais-je privée de vous deux en un même jour ? »(27:45) Rébecca est prophète, perdre un des deux c’est perdre l’échelle, c’est perdre les deux. Il y a là une différence radicale, déjà polémiques à l’époque, avec certaines pensées orientales qui visent à résoudre cette tension entre le spirituel et l’animal en tentant d’éliminer au maximum le désir et le sentiment d’avoir soi-même, en tant que personne individuelle, une importance essentielle. La Bible oui, conseille de mettre le spirituel au-dessus, Dieu, au-dessus, mais collé. Dieu à l’origine, le spirituel comme source de notre échelle, et en tension féconde, assumée, pacifiée avec nos pieds sur terre.

 

LE CHEMIN DE THÉOPHILE  et  ANTHOLOGIE DU PÈLERIN

Roland van Rijckevorsel

Edition du Miroir d’Isis

 2011

La «  voie droite », « la voie de droite  «  la voie étroite », « la voie sainte », « la voie peu fréquentée »… Quel est donc ce chemin ? Où mène t-il ? Et pourquoi tant d’insistance à travers les siècles et les traditions pour nous le recommander ?

 

Voilà le chemin que l’auteur nous invite à chercher et à suivre, voilà la Quête de Théophile, une quête en forme de pèlerinage, une quête réchauffée par la méditation d’extraits de livres de spiritualité anciens et modernes. Un tel chemin ne peut cependant être emprunté sans la présence d’un guide au côté de celui qui s’y aventure.

 

De tout temps, obéissant à la loi divine du secret, les Sages se sont servis des images de ce monde pour rappeler à leurs frères humains, les réalités divines qu’ils rencontraient en eux-mêmes ou qui, quelquefois se manifestaient hors d’eux-mêmes après une longue et patiente gestation.

 

Quelle punition, quelle ignorance, nous avançons avec un voile noir sur la tête, nous voilà submergé par les vanités de ce monde prisonnier de la mort,  l‘homme a beau être de la race de Dieu, hélas quand l’ignorance le tient, elle le livre à sa propre folie et à lui-même. Au milieu du chaos de notre vie, la parole de Dieu annoncée par les Sages est là, elle se fait entendre, rappelant à tous la destinée de chacun. Théophile est un de ces simples croyants qui cherche la voie, il fouille les écrits sacrés des anciens philosophes, il scrute le moindre mot, la moindre phrase qui le mettra sur la piste de son Dieu intérieur. Un travail long et solitaire, fait de ferveur, d’incertitudes, d’égarements, de chutes et de découragements, mais il garde toujours cette étincelle de certitude qui comme un guide, va le conduire pas à pas vers un lieu encore inconnu.

 

L’ouvrage est fait en 2 parties.

 La première se présente sous forme de dialogues entre Théophile et son guide, ange gardien ou maître intérieur ou Maître secret, sur la nécessité de suivre cette voie droite qu’avait perdue Dante mais qu’il pu retrouver grâce à son accompagnateur Virgile, et sur le pourquoi et le  comment de ce chemin initiatique.

 

La 2e partie, dénommée Anthologie du Pèlerin est faite de phrases ou réflexions sur des sujets divers par des Ecrits sacrés comme la Bible, le nouveau testament ou le Tao te King  et des Maîtres à penser comme Platon, Plutarque, Scott Erigène, Lao Tseu, Homère, Krishna, Hermès, Empédocle, Héraclite, Xénophon, Pindare, Virgile, Ovide, les Evangiles, l’Ancien testament, les évangiles apocryphes et les canoniques,  St Paul, Dante, Lulle, Don Pernetty, Pic de la Mirandole, Rabelais, Sohrawardi, Origène, Anselme de Cantorbéry, Emmanuel d’Hooghvorst, le Coran,  Blaise Pascal, Louis Cattiaux, et d’autres…

 

l’Éclectisme maçonnique

Patrick nÉgrier

Edition  Ivoire- Clair

 2003

L’herméneutique maçonnique et la philosophie biblique sont à l’origine de la Franc-maçonnerie anglaise vers 1356 date à laquelle elle était catholique avant de devenir anglicane en 1534. Le contenu biblique des textes fondateurs atteste l’essence originellement biblique de cette maçonnerie.

 

Ce livre retrace cette recherche à travers les époques et à partir de 1356.

 

On visite les calvinistes, les grands courants écossais et anglais. On y parle des constitutions d’Anderson, des illuminés d’Avignon, de la naissance de l’Étoile Flamboyante, les cathédrales gothiques et les programmes philosophiques des courants maçonniques européens.

 

LE  CODE SECRET DE BENJAMIN FRANKLINFranc-maçon  exemplaire  -       N°   51   -

Jean-Paul de Lagrave 

Edition  Maison de  Vie 

 2012

Philosophe, physicien et homme politique américain, Benjamin Franklin (1706-1790) fut aussi un Franc-maçon remarquable, pratiquant la « religion des Sages ». A partir d’un document retrouvé sur le cœur de Franklin lors de son décès, l’auteur a pu déchiffrer son code secret, lié à une mystique cosmique qu’illumine la lumière intérieure. Remontant à l’Antiquité, cette vision spirituelle a fait de Franklin un « chevalier du soleil » dont le message demeure actuel.

 

Condorcet qui a écrit le plus bel éloge de B. Franklin, n’a pas manqué d’y souligné « qu’il croyait à l’existence d’un Dieu bienfaisant et juste, à qui il rendait dans le secret de son cœur un hommage libre et pur »  Condorcet était à même de formuler une telle affirmation, car plusieurs fois il avait eu l’occasion d’échanger ses idées avec Franklin, entre autre à l’Académie royale des Sciences de Paris.

 

Dans cet extrait de l’éloge en question, Condorcet reconnaît qu’une mystique inspirait l’œuvre de Franklin, mais en quoi consistait cette mystique ?

 

Ce livre va tenter d’y répondre à partir d’ouvrages écrits par Franklin. La notion du Déisme, telle que donnée par la plupart des historiens, s’est avérée inadéquate ; ce n’est pas le seuil de l’athéisme, car pour les déistes la Divinité est au cœur de leur foi, elle est aussi vivante, sinon plus que celle des théologiens des religions révélées ; et, caractéristiques remarquable, les hommes qui en vivent ou qui en vivaient prônaient la liberté et la tolérance ; Franklin fut un de ces hommes.

Voici donc un personnage qu’on peut classer sans hésitation au nombre des bienfaiteurs de l’humanité. Ne fut-t-il pas l’un des grands savants de son époque, un homme politique et premier plan et le plus célèbre des imprimeurs ? Ses connaissances, acquises par lui-même, il les mit au service de la Liberté et du respect de la vie. L’invention du paratonnerre et la libération de l’Amérique sont les deux points de sa biographie.

 

Mais son activité va au-delà, car sur le plan éthique et moral son combat contre toute forme de tyrannies fur exemplaire. Mais où puisait-il cette force, cette certitude de la justesse de sa mission ? Selon son biographe, Franklin s’est façonné une vision originale du monde divin, vision qui se rapprochait de celle des scientifiques de son époque, cat toute sa vie fut marqué par une quête de la Vérité « Chercher la nature de Dieu était le problème fondamental de sa philosophie 

Mais quelle fut la religion de Franklin ? La Franc-maçonnerie ?, la Gnose ? le déisme ? Son credo qui ne correspondait à aucun de ceux des religions du Livre, fut trouvé sur son cœur, il en gardait le texte depuis plusieurs années. Dans ses correspondances il affirme que le Dieu qu’il adore est le « Dieu Soleil », rappel certainement du grade de «  Chevalier du Soleil », qui développe la Gnose, le système planétaire et les vertus et qui correspondrait davantage à sa vision. Si tel est le cas, cela prouverait son amour pour la Franc-maçonnerie et son enseignement. Franklin adhéra en 1731 à Philadelphie à un mouvement maçonnique qui dans ses constitutions prônaient non seulement la Paix et la Liberté, mais le Dieu du Soleil

 

le corps, le cœur de l’homme et l’esprit

Dr Marc haven

Edition  PAUL DERAIN

 1961

Un petit livre de 70 pages écrit par un grand ésotériste du début du 20ème siècle.

 

Une très bonne étude sur ce cryptique : corps, cœur et esprit.

 

Le docteur Haven était le gendre de Monsieur Philippe également ésotériste et occultiste.

 

le discernement spirituel

J.C. futrell

Edition  CERF

 1994

Thème central de la spiritualité de Saint Ignace de Loyola, le discernement n’est rien d’autre qu’une pédagogie de la décision : comment vivre, dans le concret du quotidien, à l’exemple du Christ, le commandement de l’amour, les Béatitudes, le Sermon sur la montagne, ce qu’on appelle « faire la volonté de Dieu dans ma vie ». Il est un chemin vers la vraie liberté. Dans nos temps d’incertitudes et de changements, il n’est peut-être pas de voie spirituelle plus réaliste que celle-là.

 

Le discernement est un processus par lequel on découvre l’invitation de Dieu dans sa vie. Il agit un peu comme une boussole qui coupe à travers le brouillard pour nous aider à nous orienter au milieu d’idées et de désirs parfois flous.  Comme le dit saint Augustin, Dieu nous est plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes…

 

Le désir profond qu’il met en notre cœur ne nous est pas étranger; il peut au contraire nous aider à unifier notre vie et à la rendre plus belle… et féconde! Dieu nous appelle à l’Incarnation, à vivre de la vie de Dieu au cœur de ce monde. Le discernement spirituel s’enracine dans une relation personnelle avec le Seigneur, à travers l’écoute de sa Parole. C’est en apprivoisant la voix de Dieu en sa vie, petit à petit, qu’un discernement spirituel de sa volonté sera possible. C’est dans cette relation intime avec Dieu qu’une confiance s’établit et permet de miser sa vie sur Dieu.  Divers outils s’offrent à celui ou celle qui veut discerner l’appel de Dieu dans sa vie. Des temps de retraite de discernement, divers ouvrages ou encore des groupes peuvent aider à avancer dans cette voie. Un accompagnement spirituel régulier est aussi très important en ce sens

Réfléchir sur le discernement suppose que l'on ait acquis quelques repères sur la conscience morale. Nous supposons acquis les résultats suivants : La conscience droite est d'abord ce goût et cette soif du bien toujours en quête d'une perception et d'une connaissance plus universelle de ce bien. Ensuite, elle est une loi intérieure qui me convoque à faire ce que je crois être bien et à éviter ce que je crois être mal. Enfin, elle est une instance de jugement entre ce qui est perçu comme le bien à faire et ce qui a été effectivement réalisé.

Notre conscience est aussi appelée à s'exercer, et si possible chrétiennement, lorsqu'elle se trouve affrontée à une situation inattendue. Ainsi lorsque nous rencontrons des personnes qui ont fait d'autres choix de vie que le nôtre : un concubinage plutôt qu'un mariage, … ; ou que nous sommes agressés par des modes de vie incompatible avec le nôtre : pratique raciste sur le lieu du travail, … ; enfin lorsque tel ou tel nous appelle à une responsabilité que nous n'avions pas envisagée pour nous-mêmes, tel service dans une association caritative, telle nouvelle mission confiée par l'évêque, … . Dans tous ces cas, une situation nouvelle met en crise notre perception du monde, notre inscription dans ce monde qui est le nôtre et dans lequel nous avions réussi plus ou moins facilement à faire notre trou, à trouver notre rythme.


La crise, au sens du grec "krisi", est le " moment décisif ", exactement au sens où le moment critique est justement le plus petit commencement de mouvement (momentum, movimentum) qui suffit à faire pencher le fléau de la balance d'un côté plutôt que de l'autre. " La krisi", c'est encore l'action de juger, d'apprécier ou encore le résultat de cette action à savoir l'arrêt de justice.


Voilà qu'il va falloir faire appel à notre capacité de jugement, à notre conscience pour nous repositionner dans ce monde qui bouge sans nous en demander la permission. Nous sommes alors convoqués au discernement qui renvoie finalement à la question : Que dois-je faire ? Quelle est la volonté de Dieu ? Pour nourrir notre réflexion, nous nous appuierons sur des données anthropologiques et spirituelles. C'est-à-dire que lorsqu’il s'agit de se décider à orienter notre vie dans un sens ou dans un autre, il s'agit d'impliquer tout l'homme, toute notre personnalité, aussi unifiée que possible dans l'acte de discernement. Car une fois la décision prise, rien n'est pire que l'intelligence qui est convaincue de la décision et le cœur qui la regrette.

 

le divin commerce

Philippe bouet

Edition J. CURUTCHET

 1995

Le monde moderne allant de l’intelligence à la crédulité, l’auteur se propose de revenir avec des mots très accessibles à tous, de la croyance à l’intelligence et pour cela il nous propose par notre propre réflexion et à l’aide des Évangiles de retrouver notre finalité divine et notre propre place dans l’Univers.

 

Le côté obscur et cependant merveilleux de la technologie moderne ne parvient pas à masquer ni à corriger le désordre évident du monde actuel dans les domaines sociaux politiques et même religieux les interrogations sur le sens de la vie de la société de la destination de l’homme n’ont reçu de réponses satisfaisantes ni des philosophes ni des églises ni même des sociétés secrètes contrairement à l’idée dominante de progrès la civilisation occidentale est en effet passée de l’intelligence a la crédulité en une langue accessible à tous et sans user de mots savants l’auteur nous propose de parcourir le chemin inverse de la croyance a l’intelligence en examinant tout simplement le nombre croissant des superstitions qui nous aveuglent au plus fort du modernisme rationaliste il nous aide à retrouver par notre propre réflexion et à l’aide des évangiles notre origine et notre finalité divines et donc notre vraie place dans l’univers

 

le festin d’immortalitÉ, le banquet cÉleste

par j. bonnet

Edition  Dervy

 1997

Préfacé par J. Kelen ce livre traite du banquet céleste dans les traditions Hindoue – Scandinave – Celtique -  Chinoise et Judéo-chrétienne –

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Le thème du banquet dans les différentes traditions. Le thème de la nourriture et du festin est, on le sait, universel. Il n'est pas surprenant que l'ensemble des traditions religieuses ait transposé dans l'ordre spirituel une donnée aussi fondamentale, aussi constitutive de l'homme et des êtres vivants que l'alimentation et la boisson : c'est cela le festin d'immortalité.

 

Connaisseur averti des cultures d'orient et d'occident, Jacques Bonnet examine ici en profondeur les mythes fondateurs et les rites qu'observe, en diverses civilisations, le banquet des dieux.

 

Que ce soit en Inde, en Chine, dans l'ancien monde celtique, au sein du judéo-christianisme ou dans les légendes du Graal, il s'agit toujours de réunir l'humain et le divin autour d'un repas festif où la joie partagée n'est plus celle de ce monde. Echange, dialogue, ouverture sur en-haut, la consommation de mets raffinés et de vins capiteux dans une ambiance harmonieuse, chargée de musique céleste et accompagnant de nobles propos, prélude à la transformation sacrificielle de la nature humaine en celle des dieux.

 

Car loin d'alourdir, de river l'homme ici-bas, le sens du festin ouvre au contraire vers la légèreté sans attaches : l'immortalité n'est pas reconduction perpétuelle de nécessités terrestres mais l'élévation vers des noces spirituelles, libération en un mot. La vraie gratuité préside à ce repas : celle qui consiste, pour l'homme, à se dégager des tentations et à partager ; et, pour dieu, à s'offrir en nourriture pour la vie éternelle.

 

le fil de pÉnÉlope   -Tome  1 -

Emmanuel d’hooghvorst

Edition  LA TABLE D’ÉMERAUDE

 1996

Les Éditions Beya présentent à leurs lecteurs la réédition du premier tome du Fil de Pénélope, d’Emmanuel d’Hooghvorst. Cette nouvelle édition a été revue, corrigée, et augmentée de plus de cinquante pages. En outre, elle a été enrichie d’un nouveau chapitre intitulé « Les aphorismes du Nouveau-Monde », le dernier écrit que l’auteur laissa peu avant de quitter ce monde. Il constitue la forme la plus condensée de sa pensée.

Le Fil de Pénélope, ou « la clef les fables », est le recueil hermétique des Temps Nouveaux. L’auteur y met en évidence la trame dont sont tissés des textes apparemment disparates et éloignés. Il commente les Contes de Perrault et l’Odyssée, la cabale judaïque et l’Énéide, les Tarots et l’alchymie, La Divine Comédie et le Quichotte, le mythe du Roi Midas et Le Message Retrouvé, la légende d’Isis et Osiris et les Écritures saintes.

Emmanuel d’Hooghvorst y voit l’identique message prophétique d’Hermès, exprimé diversement, selon les endroits et les époques, par les maîtres de la Parole. Tous disent à quoi la chose ressemble, selon la formule habituelle des rabbins cabalistes, car ils ne parlent jamais que par allusion. C’est toujours cet identique message d’Hermès que, depuis les origines, les Maîtres de la grande famille de la Gnose de l’Homme se sont transmis et ont révélé à l’humanité exilée.

Telle a été la quête patiente de l’auteur, savant érudit en Lettres Anciennes, scrutant les mots des Écritures Saintes et Sages comme autant de coffrets scellés, et guidé, comme par un puissant aimant, par son amour de Dieu et de ses semblables. En a-t-il retrouvé la clef magique qui dévoile le secret de l’Homme enseveli ? Car c’est bien du mystère de la Nature et de l’Homme dont il s’agit concrètement, et non d’une érudition extérieure et spéculative.

Nous devons à Emmanuel d’Hooghvorst (Bruxelles, 1904 - 1999) d’avoir eu le flair de remarquer, grâce à une critique de René Guénon parue dans les Études traditionnelles, l’authenticité du Message Retrouvé de Louis Cattiaux, publié en 1946. Les écrits d’Emmanuel d’Hooghvorst, que nous offrons à la méditation des amoureux de la Sainte Parole, en sont un commentaire éclairé.

Louis Cattiaux écrivait dans Le Message Retrouvé : « Nous avons recueilli les dons du ciel et nous les offrons gratuitement à tous ». Cette phrase semble pouvoir s’appliquer au précieux recueil que le lecteur tient entre ses mains. À lui à son tour d’en retrouver la trace authentique, guidé par le parfum de la Rose chymique
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« Certains s’étonneront peut-être en lisant le sommaire de ce recueil où voisinent les Contes de Perrault et l’Odyssée, la Cabale judaïque et l’Énéide, les Tarots et l’Alchymie ; mais la diversité des thèmes n’est pas nécessairement dispersion. Depuis les origines, les Maîtres de la grande famille de la Gnose de l’Homme se sont transmis, en la révélant à l’humanité exilée, l’identique message prophétique d’Hermès…

Telle a été la quête patiente du Baron D’Hooghvorst, savant érudit en Lettres Anciennes, scrutant les mots des Écritures Saintes et Sages comme autant de coffrets scellés. En a-t-il retrouvé la clef magique qui dévoile le secret de l’Homme enseveli ? Car c’est bien du mystère de la Nature et de l’Homme dont il s’agit concrètement, et non d’une érudition extérieure et spéculative… ! »

 

Le tome 2 se trouve dans le chapitre Alchimie

 

l’ÉgrÉgore de la colombe ou le rÉgne de la paix

O. Mickaël AIVANHOV

Edition  PROSUETA

 1982

« Combien de gens travaillent actuellement pour la paix dans le monde ! Mais en réalité ils ne font rien pour que cette paix s’installe vraiment. Ils n’ont jamais pensé que c’est d’abord toutes les cellules de leur corps, toutes les particules de leur être physique et psychique qui doivent vivre d’après les lois de la paix et de l’harmonie afin d’émaner cette paix pour laquelle ils prétendent travailler.

 

Pendant qu’ils écrivent sur la paix, qu’ils se réunissent pour parler de la paix, ils continuent à alimenter la guerre en eux, car ils sont sans cesse en train de lutter contre une chose ou une autre.

 

Alors, quelle paix peuvent-ils apporter ? La paix, l’homme doit d’abord l’installer en lui-même, dans ses actes, ses sentiments, ses pensées.

 

C’est à ce moment-là seulement qu’il travaille véritablement pour la paix ».

 

leibniz

R. bouveresse

Edition  PUF

 

Leibniz est un génie universel. Il contribua aux mathématiques, à la logique, au droit, à l’histoire, à la théologie, à la géologie, à la linguistique, à la science et à la technologie de façon telle qu’à chaque fois son nom mérita de garder une place importante dans l’histoire. C’est en philosophie pourtant que son apport est le plus décisif.

 

Très vitre reconnu comme une des constructions majeures de l’histoire de la métaphysique, son système n’a cessé d’être commenté et discuté. Sa philosophie a été susceptible d’interprétations différentes. En effet, ce système, comme l’univers qu’il décrit, est comparable à une ville qu’on peut apercevoir d’une infinité de points de vue.

 

On peut par exemple l’aborder en physicien, en métaphysicien, ou en théologien, même s’il est possible de s’interroger sur l’existence d’une perspective centrale, réalisant l’accord des perspectives particulières, comme Dieu a un point de vue qui enveloppe tous les autres. La doctrine de Leibniz comporte plusieurs paliers et prend parfois plusieurs formes, exotériques suivant qu’elles sont destinées à certains publics, ou ésotériques lorsqu’il a réservé à lui-même ses idées peut-être les plus essentielles à ses yeux.

 

Dans son âme multiple, quel appétit de savoir ! C'est sa première passion. Il a envie de tout connaître, jusqu'aux limites extrêmes du réel, et au-delà, jusqu'à l'imaginaire.  Il avait tout appris : d'abord le latin et le grec, la rhétorique, la poésie ; au point que ses maîtres, étonnés de son appétit insatiable, craignaient qu'il ne restât prisonnier de ces premières études ; mais dans ce moment même, il leur échappait. De la philosophie scolastique et de la théologie, il passait aux mathématiques, pour y faire plus tard des découvertes de l'ordre génial ; il allait des mathématiques à la jurisprudence.

 Il s'engageait dans l'alchimie, cherchant ce qui est secret, ce qui est rare, ce qui mène peut-être, par des chemins inaccessibles au commun des mortels, vers l'explication des apparences. Il voyagea, vit les villes allemandes, la France, l'Angleterre, la Hollande, l'Italie, visita les musées, fréquenta les compagnies savantes, enrichit son esprit par mille contacts, faisant de sa vie une perpétuelle acquisition. Il consentit à être bibliothécaire, prêtant l'oreille aux appels incessants de toutes les pensées humaines ; l'historiographe pour embrasser le plus possible du passé, du présent ; correspondant universel ; conseiller des princes ; encyclopédie toujours prête à se laisser consulter.

De sa conscience en travail, remuant et brassant les acquisitions de toute espèce, venaient à surgir, au gré des jours, les inventions utilitaires, les systèmes philosophiques, ou les rêves généreux. Il finissait par posséder toutes les sciences et tous les arts, sans compter les matériaux infinis de ses constructions idéales ; il était, comme on l'a dit, "mathématicien, physicien, psychologue, logicien, métaphysicien, historien, juriste, philologue, diplomate, théologien, moraliste" ; et dans cette activité prodigieuse, que nul enfant des hommes n'a pratiquée au même point, ce qui lui plaisait par-dessus toutes choses, c'était la variété. La réduction à l'unité : telle est, en effet, la seconde passion de Leibniz, moins sensible aux contrastes qu'aux concordances, attentif à découvrir la série de gradations menues qui lient la lumière à l'ombre et le néant à l'infini.

 

Il voudrait unir entre eux les savants : car d'où vient que la science progresse avec tant de lenteur, sinon de l'isolement de ceux qui la pratiquent ? Qu'on crée dans chaque pays des Académies, que celles-ci communiquent de nation à nation. Bien plus, Leibniz voudrait instituer une langue universelle. En vérité, le monde offre un douloureux spectacle de mésentente ou de discorde : partout des barrières, des demandes qui demeurent sans réponse, des élans vers la vérité, qui sont condamnés à retomber dans le vide : confusion qui dure depuis des siècles. Ne serait-il pas possible de supprimer quelques-uns au moins des obstacles dont la seule vue choque la raison ; et, pour commencer, de s'entendre sur le sens des mots ? On créerait une langue qui vaudrait pour tous, et qui non seulement faciliterait des relations internationales, mais porterait dans son être de tels caractères de netteté, de précision, de souplesse, de richesse, qu'elle serait évidence rationnelle et sensible. On s'en servirait pour toutes opérations de l'esprit, comme les mathématiciens se servent de l'algèbre.

Il souffre de la désunion de l'Allemagne, de la désunion de l'Europe, qu'il voudrait pacifier, quitte à diriger vers l'Orient le trop-plein de ses activités guerrières. Et si nous pénétrons dans les demeures plus profondes de son esprit, nous y trouvons le Mem désir. Sa grande découverte en mathématiques, le calcul infinitésimal, est un passage du discontinu au continu ; sa grande loi psychologique est celle de la continuité : une perception claire est liée à des perceptions obscures, qui nous mènent de proche en proche, par une série de degrés insensibles, à la vibration première de l'effort vital. L'harmonie demeure la suprême vérité métaphysique. En elle finissent par se fondre les diversités qui semblent irréductibles, qui se composent en un tout où chacune a sa place, d'après un ordre divin. L'univers est un vaste chœur ; l'individu a l'illusion d'y chanter seul son chant, mais en réalité, il ne fait que suivre pour son compte une partition immense, où chaque note a été placée de telle sorte que toutes les voix se correspondent, et que leur ensemble forme un concert plus parfait que l'harmonie des sphères rêvée par Platon.»

 

LE  LÂCHER PRISE                         Collection OASIS

JR ROBERT

Edition  BERGES Poche – Canada

 2000

Des moments de fatigues, de doutes, de questionnement. Vous avez voulu prendre la vie, alors que c’était la vie qui voulait vous prendre. Laissez-vous prendre.

Le lâcher prise peut s’expliquer et s’appliquer de bien des façons. Une manière très simple de l’apprivoiser consiste à l’opposer à son contraire: le contrôle. Tous, à des degrés divers, nous aimons bien avoir le contrôle, que ce soit sur notre travail ou des parties de celui-ci, sur notre vie personnelle, sur nos émotions, sur les autres peut-être. Nous aimerions bien parfois avoir le contrôle sur des événements qui, justement, sont hors de notre contrôle. Lorsque nous réalisons que nous ne pouvons changer ni les événements ni les autres et que nous pouvons seulement changer notre façon de percevoir, nous sommes dans le lâcher prise. Nous nous donnons alors une chance de vivre moins de stress. De la même façon, lorsque nous modifions notre action pour arriver à un résultat, nous faisons preuve de flexibilité et de notre habileté à décrocher d’une conduite stérile. Dans tous les événements qui nous arrivent, il est important de faire la différence entre ce que nous pouvons contrôler, ce que nous pouvons influencer et ce que nous ne pouvons ni contrôler, ni influencer.

1 Une petite histoire

On raconte que, dans la forêt équatoriale, un homme chassait le singe. Comme il connaissait bien un de ses travers, il pouvait l’attraper vivant et sans la moindre blessure. Après avoir vidé une courge qu’il remplissait ensuite de riz, il la fixait solidement à un arbre. Le singe, attiré par la nourriture, s’approchait et insérait ses doigts par l’ouverture. S’emparant d’une poignée de riz, il ne pouvait plus retirer sa main pleine maintenant trop grosse pour passer par l’orifice. Pendant qu’il s’acharnait, le chasseur s’approchait et attrapait le singe ainsi retenu. Vous pensez sans doute que l’animal n’avait qu’à abandonner le riz pour retrouver aisément sa liberté. Bien sûr, mais pour y arriver, il aurait dû renoncer à quelque chose d’important et même de vital pour lui: sa nourriture.

Est-ce à dire que lâcher prise implique de renoncer à nos buts, à nos objectifs ? Pas nécessairement. Lâcher prise, dans l’immédiat, peut être parfaitement compatible avec l’action, mais impliquera parfois une action différente ou différée. Prenons un exemple simple qui permettra de mieux comprendre. Il vous est sans doute déjà arrivé d’avoir un nom sur le bout de la langue et de vous acharner pendant de longues minutes pour le retrouver, mais en vain. On dirait que plus vous faites des efforts, moins vous vous en souvenez. Puis, vous passez à autre chose, vous lâchez prise sur votre recherche. Soudain, le nom recherché arrive de lui-même et sans aucun effort. Penser de façon obsessionnelle à un problème est la plupart du temps complètement inefficace et ne le règle surtout pas. On appelle cela de la résistance. Au contraire, s’en détacher provisoirement peut permettre à notre cerveau de faire émerger certaines solutions et surtout de laisser la place à l’originalité et la créativité.

Pourquoi trouvons-nous si difficile de laisser aller notre besoin de contrôle? Parce que nous nions ou parce que nous sommes très peu conscients des peurs liées à l’absence de contrôle. Par exemple, on peut craindre des autres qu’ils nous dominent, avoir peur de se tromper, peur de ne pas être adéquat, peur de manquer de quelque chose. Plus on cherche à contrôler, que ce soit les collègues, le conjoint, ses enfants, une manière de faire les choses, l’opinion des autres ou même son apparence, plus cela est signe d’insécurité et moins on lâche prise. Lâcher prise est un acte de confiance. Cela nécessite l’acceptation de nos limites, la reconnaissance des autres dans leurs différences et la capacité de faire avec ce qui est dans le présent (voir encadré). La tentation est grande toutefois de refuser ce qui n’est pas conforme à nos désirs, de résister à ce qui est. Le besoin de contrôle nous fait nous acharner sur ce qui aurait pu être ou ce qui devrait être et oublier ce qui est présentement.

Comment peut-on s’y prendre pour développer la capacité à lâcher prise? De plusieurs façons. Mais la première et la plus importante n’en demeure pas moins la prise de conscience. Devenir conscient de nos émotions face à ce qui arrive et pouvoir l’exprimer sont une importante étape. Devenir également conscient de l’absurdité du contrôle sur ce qu’on ne peut ni changer ni influencer. Devenir conscient de toute la perte d’énergie et de bien-être que représentent le perfectionnisme et l’acharnement.

Par exemple, vous partez en voyage à l’étranger dans l’intention bien précise d’en profiter pour faire de la photographie, une de vos passions. Dès votre arrivée, votre appareil ne fonctionne plus. Il est impossible de le faire réparer sur place ou de s’en procurer un autre. Entretenir en vous la frustration, la colère, le dépit par rapport à cette contrariété peut gaspiller vos vacances et ne corrigera en rien la situation. Alors, ne vaut-il pas mieux recadrer cette situation ? Vous dire, par exemple, que vous pouvez peut-être profiter autrement des belles images qui s’offrent à vous ? Peut-être serez-vous plus sensible aux brochures, aux cartes postales, aux vidéos que vous pourrez vous procurer ? Peut-être ne pas être embarrassé d’un attirail de photographe vous permettra-t-il de faire des activités différentes ? Peut-être que de couper court à ces pensées moroses vous permettra-t-il de ne pas rater vos vacances et, la prochaine fois, de partir avec un plan B : une deuxième caméra ou, tout simplement, un appareil photo jetable ?

 

le livre des sagesses

F. LENOIR & Yse TARDAN  –  MASQUELIER

Edition BAYARD

 2002

Qui sont ces maîtres de vie, ces sages, ces mystiques qui ont façonné l’aventure spirituelle de l’humanité ? Quels sont les grands textes qu’ils ont écrits ou suscités, quelles sont les sources de leur inspiration ? Du Bouddha à Thérèse d’Avila. De Sénèque à Gandhi, d’Ibn’Arabi à Simone Weil, des sages égyptiens aux lamas tibétains contemporains, des maîtres du hassidisme aux gurus de l’Inde moderne… ce livre évoque d’abord l’expérience transformante des plus grandes figures spirituelles de l’histoire de l’humanité. S’ensuit une anthologie de textes du monde entier, le plus souvent dans des traductions originales, dont les thèmes scandent cette aventure singulière et universelle : le scandale de la souffrance et l’aspiration au bonheur, le chemin spirituel, la prière et la méditation, l’amour et la compassion, la liberté et la mort et l’au-delà… Une superbe fresque des quêtes spirituelles de l’humanité.

Cet ouvrage est une somme anthologique documentée et pédagogique sur tout ce que l’humanité a pu créer en matière de sagesses. Cette fresque embrasse cinq mille ans  d’histoire et dans toutes les contrées de notre planète – des sages égyptiens à Gandhi et Simone Weil, en passant par Homère, Moïse, Mahomet,  Bouddha, Jésus et Saint Paul… Un usage raisonnable et équilibré de l’éclectisme, Il fallait au moins 2 000 pages de papier bible pour prétendre compiler de manière exhaustive l’ensemble des sagesses produites par l’humanité depuis l’invention de l’écriture. Les codirecteurs de ce pavé ont tenu le pari…

C’est un monument d’érudition auquel ont collaboré quelque cinquante spécialistes. Il privilégie  la lisibilité des récits biographiques et l’accessibilité des textes avant de se clore sur une série de panoramas historiques, c’est un immense travail de mémoire qu’ont effectué  les auteurs avec d’autres spécialistes. Voilà une œuvre magistrale qui répond aux aspirations bien actuelles de ceux qui cherchent un sens à leur vie.

  

l’Éloge de la folie

       Érasme

Edition  Maisonneuve

 1989

Le fou est-il sage ? Et un sage sans folie est-il sage ? Un monument à la gloire de la folie.

Érasme est un voyageur, un errant qui, malgré les fatigues et les dangers dont il fait état dans certaines de ses lettres, s’est voulu comme un pèlerin de l’ouverture, de la tolérance et de la connaissance. Il a parcouru toute l’Europe occidentale, ou presque, liant des amitiés avec des hommes de sa trempe, des éditeurs, des prélats, des commerçants et des hommes de pouvoir, conciliant curiosité insatiable, missions diplomatiques au service de Charles Quint, et boulimie d’écriture autant que de lecture.

Il est à l’image de l’Éloge de la Folie qui fut publié à Paris en 1511, et c’est à dessein que je fais la comparaison dans ce sens et pas dans celui auquel on devrait logiquement s’attendre. Car Érasme est une personnalité complexe, et si l’on devait filer l’image du miroir comme cela a été le cas dans les fiches 1 (Machiavel) et 2 (More), c’est à un miroir à facettes qu’il faudrait comparer l’œuvre   et l’homme.
Constamment sur la masse de ses écrits et jusqu’à sa fin, il a retouché, modifié, principalement pour ses milliers d’Adages tirés des auteurs grecs et latins et qui ont connu un immense succès dans les milieux instruits de l’époque.

Mais encore, il n’a pas hésité à attaquer par les mots tout ce qui lui semblait absurde dans son monde. Il a pourtant eu l’habileté de toujours rester en deçà de certaines limites, notamment en ce qui concerne l’Église, pour éviter de graves ennuis.

Alors, Érasme, reflet de Moria, la « folie », en grec, de son éloge ? Oui, parce que le texte de l’humaniste, probablement d’abord difficile pour ses contemporains et pairs, parce que truffé de citations, de jeux de mots en latin, d’un mélange de grec et de latin, est aussi un texte éminemment ironique, voire facétieux et parfois féroce. Le créateur de Moria est aussi, quoiqu’il soit amené à s’en défendre en usant de rhétorique dans le texte, son alter ego, lui pourtant le plus sage des hommes. Et c’est ce qui fait que l’Eloge est un texte passionnant et déroutant tout à la fois. Nous y reviendrons.

De 1499 à 1514, Érasme parcourt donc le continent. En 1499, lors d’un séjour en Angleterre, il se liera d’une amitié indéfectible, presque paternelle pour son cadet Thomas More. Conseiller de Charles Quint de 1517 à 1521 il continuera ses voyages pour son propre compte (il sera reçu dans plusieurs universités célèbres) et pour le compte du prince. Comme More, ce catholique imprégné d’évangélisme combattra les thèses de Luther à partir de 1524. Mais là où More se situera sur le terrain de l’action politique, en un mot, de la répression, avant la sécession fatale de son souverain d’avec l’autorité pontificale, Érasme restera toujours un homme des mots. Et ses combats, il les mènera avec l’arme de la langue. Luther ne s’en laissera pas compter, qui le combattra aussi à travers ses écrits. Catholique convaincu, il s’oppose aussi bien au faste de la papauté (point qu’il a en commun avec son ennemi allemand), qu’à l’ignorance crasse du clergé et à la corruption générale de l’Eglise depuis le Saint-Siège jusqu’aux moines réguliers.

Son évangélisme n’est pas un évangélisme d’affrontement (cela, c’est ce qu’il pense de Luther), mais un retour au message des textes sacrés, Ancien et Nouveau Testaments, épîtres de Paul, imprégnés de charité, de tolérance (n’oublions pas que Paul a préconisé d’abandonner les interdits des juifs orthodoxes de son époque pour s’ouvrir aux « gentils », par exemple, en abandonnant la « cashrout » dans le domaine alimentaire). S’il stigmatise ce qu’il pense être le fanatisme luthérien, il tourne en dérision (particulièrement à la fin de l’Éloge) les « fous en Dieu » du catholicisme qui, à son sens, ne comprennent pas le message du Christ et des Apôtres, ou du moins le subvertissent en prenant la folie de la pensée du Messie au pied de la lettre. Enfin, il moque avec une ironie mordante et parfois avec cynisme, la bigoterie, les superstitions, en bref, l’hypocrisie généralisée du monde auquel il appartient.

Mais ses combats se situent malgré tout aussi, sur un plan politique. Érasme est un chrétien qui croit au rassemblement (ecclesia) des Européens. Il est, comme Machiavel et More, spectateur des luttes entres puissances, et des guerres d’Italie, théâtre de ces opérations absurdes et coûteuses. Cependant, s’il fut au service de l’Empereur, il n’eut aucune fonction politique dans aucun état : son engagement restera fort, sincère, parfois périlleux, mais son action sera celle du pèlerin de la paix. Les multiples facettes du miroir de Moria, la folie, réunies en Érasme vont lui attirer durant sa longue carrière aussi bien les admirations les plus enthousiastes, que les haines les plus féroces.

 

LELOUP - ARS MORIENDI– LES LIVRES DES MORTS TIBḖTAIN - ḖGYPTIEN & CHRḖTIEN

Jean-Yves LELOUP

Edition ALBIN MICHEL

 1997

Les rites et les coutumes liés à la mort sont multiples de par le monde, mais toujours riches en enseignements sur les différentes conceptions de l’après-vie. Parmi toutes ces traditions, certaines ont laissé des textes majeurs qui constituent les fondements d’un véritable accompagnement des mourants. Jean-Yves Leloup nous en présente trois dans des traductions qui font autorité : le Bardo Thödol ou Livre tibétain des morts, trésor de spiritualité qui remonte à l’époque de Padmasambhava (VIIIème siècle), le Livre des morts des anciens Égyptiens, textes vieux de plus de vingt siècles avant Jésus-Christ, et l’Ars Moriendi chrétien dont la publication d’origine date de 1492, à Paris.

Réunis, pour la première fois en un seul volume, ces Livres des morts sont mis ici en valeur par Jean-Yves Leloup qui présente les données anthropologiques sur la mort telle qu’elle se vit en cette fin de siècle. L’auteur de l’Absurde et la Grâce et de nombreux essais de spiritualité comme Désert, déserts, esquisse les réponses qu’il conviendrait d’apporter aux mourants, à leurs proches, et à ceux qui les accompagnent dans le cadre des soins palliatifs.


Jetant un pont entre tradition et modernité, un ouvrage unique pour réfléchir sur ce grand passage qu’est la mort, à partir des textes anciens dont la sagesse perdure.
Le temps est aux dialogues. Le dialogue entre hommes et femmes de différentes religions et de différentes traditions est de la plus haute urgence, si nous voulons éviter les drames sanglants qui font la une de nos actualités.

Un thème de rencontres s’impose : celui de « l’art de mourir » : les grands textes : le Bardo-Thödol, tibétain, le Livre des morts des anciens égyptiens et l’Ars moriendi chrétien, sont présentés ici. La mort, c’est ce que nous avons irrémédiablement en commun et nous avons les façons les plus diverses de la célébrer, de l’accompagner, de l’attendre ou de la redouter. C’est le thème de nos plus simples convergences et de nos plus flagrantes oppositions.

De nouveau il nous faut apprendre à ne pas mélanger et à ne plus opposer, mais à « distinguer pour unir » si nous voulons éviter syncrétisme et sectarisme.


Au-delà de nos diversités de races, de religions, de milieux sociaux, il est bon de nous rappeler que nous sommes tous de couleur de peau ou de couleur « glaise » (adamah en hébreu) ; ainsi l’intérêt de ce livre n’est-il pas seulement d’enrichir notre érudition comme le ferait un livre d’anthropologie classique ou d’ethnologie, mais d’ouvrir notre conscience et notre responsabilité face au thème de la mort.


Tout en prenant en considération les a priori et les conséquences d’un humanisme clos et désespéré, il nous invite davantage à un « humanisme ouvert » où l’homme ne saurait se réduire à la somme des éléments qui le composent : comme l’ont souvent dit Élisabeth Kübler-Ross et Marie de Hennezel, la mort est « le plus haut moment de notre vie » et l’occasion, peut-être, de « passer » sur une autre fréquence. Ce « passage » n’enlevant rien à l’intensité et à la vérité du drame qui peut se vivre alors : en présence de la souffrance et de la mort, mieux vaut d’abord se taire.

 

LELOUP - DE NIETZSCHE A MAÎTRE ECKHART

Jean-Yves Leloup

Edition Almora 

 2014

Jean-Yves Leloup nous propose ici deux lectures magistrales de deux géants de la culture occidentale : Nietzsche, l’athée et Maître Eckhart le théologien-mystique. Il tente de remettre « à l’endroit » un texte de Nietzsche, - Ecce Homo -, souvent cité pour justifier tous les athéismes.

Leloup montre que le Dieu en lequel Nietzsche voyait une « antithèse de la vie » n’a rien à voir avec le Dieu des Evangiles qui est au contraire une puissance de vie et de libération, une claire lumière par laquelle le monde est vu.

L’auteur avec Maître Eckhart nous entraine ensuite au-delà des contraires, au-delà même de Dieu et de tous les Absolus que nous imaginons, vers notre essentielle et silencieuse liberté. Ce livre magnifique nous montre, comme le disait Pascal, que « l’athéisme est une marque de force d’esprit, mais jusqu’à un certain degré seulement »

L’athéisme est une maladie des yeux, la religion aussi. Littéralement, le mot athée veut dire : sans vision, le mot theos que l’on traduit par Dieu, décrit un état de vision, de contemplation, qui chez Platon donnera le mot « théoria ».
 

Cet état de vision ou absence de vision peut être liée à une infirmité ou à un refus, le refus de voir le Réel dans son intégrité visible ou invisible. On se souvient que si theos en grec veut dire vision, le même mot en latin, dérive de dies qui signifie : le jour. Voir Dieu, c’est voir le jour, c’est voir sa lumière et toutes les choses qui y apparaissent.

L’athéisme peut être également considéré comme un état d’ignorance, non des choses qui apparaissent dans le jour, mais ignorance du jour qui nous permet de les voir ; ignorance de l’existence qui nous donne d’exister, ignorance de la Conscience qui nous rend capable non seulement d’être conscient d’exister, ignorance encore de l’Amour qui nous rend capable non seulement d’être conscient d’exister mais capable d’aimer et de se réjouir de cette existence.

L’athéisme serait alors une triple ignorance ou un triple refus de la réalité : « Existence, Conscience et Amour » ; arké, logos et agapé.

Jean Yves Leloup nous propose une lecture d’ecce homo version Nietzsche, qu’il appelle recto et sa version décodée chrétienne et humaine qu’il appelle verso.

Au sommaire de cet ouvrage :

« Ecce Homo » et son double - Un lecture de Nietzsche - L’erreur c’est l’oubli de la vérité contraire

Armand Robin - Un poème indésirable - De l’homme libre de tout - Une lecture du sermon 52 de Maître Eckhart -

 

LELOUP - DÉsert, dÉserts

J. Yves LELOUP

Edition Albin Michel 

 2001

Qu’évoque pour nous le mot désert ? Silence, vastitude, vent brûlant ? Mais aussi mirages, soif, scorpions… et la rencontre du plus simple de soi-même dans le regard étonné de l’homme ou de l’enfant jailli d’on ne sait où entre les dunes ? Il y a les déserts de pierre et de sables, du Hoggar, de l’Assekrem, du Ténéré, du Sinaï et d’ailleurs – le désert est toujours l’ailleurs, un ailleurs qui nous conduit au plus proche de nous-mêmes.

Il y a les déserts à la mode où l’on se retrouve en peuple bavard dans des espaces choisis où nous seront épargnées les brûlures du vent et les soifs radicales ; on en revient bronzé comme d’un séjour à la plage mais avec en plus des prétentions à la « grande expérience » qui ferait de nous pour toujours de « grands nomades »… Enfin il y a les déserts intérieurs ; c’est de ceux-là qu’il nous faut parler, sachant reconnaître ce qu’ils ont de douloureux et de torride, mais en essayant aussi d’y découvrir la Source cachée, l’oasis, la Présence inattendue qui nous accueille sous un palmier de sourires, autour d’un feu où la dans des « passants » se joint à celle des étoiles. Car le désert n’est pas un but, il est un lieu de passage, il est une traversée, chacun a sa terre promise, son attente à décevoir, son espérance à éclairer. Certains vivent cette expérience du désert dans leur corps ; que cela s’appelle vieillir, être malade, subir les conséquences d’un accident. Ce désert-là est parfois long à traverser.

D’autres vivent le désert au cœur de leurs relations, désert du désir ou désert de l’amour, des sécheresses et des ennuis qu’on n’a pas appris à partager. Il y a aussi les déserts de l’intelligence, où le plus savant se heurte à l’incompréhensible, le plus conscient à l’impensable. Connaître le monde et ses matières, se connaître soi-même et ses mémoires ne va pas sans déserts à traverser. Il y a enfin les déserts de la foi, le crépuscule des idées et des idoles dont on avait fait des dieux ou un Dieu pour rassurer nos impuissances et opprimer nos plus vives questions.

Chacun a son désert à traverser, il s’agira à chaque fois d’en démasquer les mirages mais aussi d’envisager ses miracles : l’instant, l’alliance, la docte ignorance et la féconde vacuité. De pierres ou de sable, du Hoggar, de l’Assekrem ou du Sinaï, le désert est toujours l’ailleurs. Un ailleurs qui nous conduit au plus proche de nous-même, au centre de notre être. Mais il y a aussi les déserts intérieurs, douloureux et torrides, certains vivent cette expérience parfois longue à traverser, dans leur corps : vieillesse, maladie, infirmité… D’autres, au cœur de leurs relations ; désert du désir, de l’amour ou de la solitude.

Dans les déserts de l’intelligence, le plus souvent se heurte à l’incompréhensible, le plus conscient à l’impensable. Connaitre le monde et ses manières, se connaitre soi-même, ne va pas sans déserts à parcourir. Il y a enfin les déserts de la foi, le crépuscule des idées et des idoles inventées par l’homme pour fuir ses questions les plus vives.

Evoquant toutes ces expériences, Jean-Yves Leloup nous invite à démasquer en chacune les mirages, mais aussi à découvrir les miracles de la vie : l’instant, l’alliance, le « docte ignorance » et la féconde vacuité.

Un lien incontournable et une invitation à la méditation.

Au sommaire de cet ouvrage de réflexion :

Chacun a son désert à traverser - Le désert du Sinaï - Le désert dans la tradition chrétienne - Poèmes du désert -

Le désert, n’est-il pas Dieu lui-même tombé en poussière ? L’homme essayera vainement d’en recoller les grains, pour édifier ses idoles, alors qu’il fallait accepter d’aller au-delà de Dieu, dans la transparence nue de la Déité, là ou plus rien ne fait obstacle à la Lumière.

 

LELOUP – DICTIONNAIRE AMOUREUX DE JÉRUSALEM

Jean Yves Leloup

Edition Plon

 2010

Un Dictionnaire amoureux de Jérusalem est un dictionnaire amoureux de l'archéologie, de l'histoire, de la politique, de la Thora, de l'Évangile, du Coran et de leurs multiples interprétations et incarnations. C'est aussi un dictionnaire amoureux des souks, des chats, des épices, des tapis, des bijoux, des chapeaux, des costumes et des immondices... C'est un dictionnaire amoureux de tous les pèlerins et voyageurs qui à travers les siècles ont hanté ses murs et y ont trouvé la source de leur foi ou de leur désespoir, en tout cas un prétexte à de nombreux récits, et à beaucoup de littérature poétique, stratégique, théologique et religieuses...

 

Jean-Yves Leloup est théologien et philosophe et c'est en pèlerin plus qu'en touriste qu'il aborde la ville sainte, du Judaïsme, du Christianisme et de l'Islam, en amoureux qui respecte le corps chargé de mémoires et de symboles, d'une cité à la fois terrestre et céleste, sans trop chercher à la saisir, à l'expliquer, mais sans jamais renoncer à la comprendre.

Car c'est de cette compréhension que dépend peut-être l'avenir de Jérusalem et à travers elle l'avenir de la biodiversité humaine dont Jérusalem est le vivier et le microcosme.

Ainsi ce dictionnaire pourrait nous conduire à travers informations, éruditions, mais aussi intuitions, prophéties, vers une vision plus haute de l'unité qui n'est pas abolition mais exaltation et respect des différences et, à une autre vision de la paix qui n'est pas consensus mou, concorde hypocrite, mais affrontement cordial et généreux de pensées contraires ? Une issue en quelque sorte à toute forme de totalitarisme, politique, idéologique ou religieux. " Sainte ? C’est-à-dire Autre irréductible, inassimilable telle est Jérusalem, telle est ma Bien-Aimée..."

La série à succès des Dictionnaires amoureux des éditions Plon entraîne naturellement ses auteurs aux vagabondages et autres pas de côté. Cela peut dérouter le lecteur, qui a peut-être un jour ouvert l’un de ces ouvrages dans l’espoir d’y trouver des réponses claires à des questions précises et s’est trouvé fort dépourvu en tombant sur un article trop personnel pour être simplement informatif. Mais c’est aussi ce qui fait le charme de cette collection qui ne se veut pas vraiment encyclopédique, laisse à chaque auteur une grande liberté et réserve bien des surprises. Consacrer l’un de ces Dictionnaires amoureux à Jérusalem était une affaire compliquée.

D’abord, pour des raisons politiques – on peut le déplorer mais rien de ce qui se dit sur la Ville trois fois sainte n’est neutre dans le contexte actuel du conflit israélo-arabe. Ensuite, pour des raisons proprement religieuses : Jérusalem est de ce point de vue un lieu on ne peut plus chargé où chacun s’efforce de défendre son pré carré face aux concurrents. Pour nous en tenir aux chrétiens, on peut penser au Saint Sépulcre – l’Anastasis – dont la garde est confiée à six Églises différentes qui sont loin de cohabiter dans une parfaite paix évangélique sur le lieu même où la tradition situe la Résurrection…

Il fallait donc trouver un auteur capable à la fois de s’extraire de ces lourdes contingences et de comprendre de l’intérieur ce qu’elles signifient et comment elles peuvent de fait être dépassées. Le choix du théologien, philosophe et écrivain Jean-Yves Leloup pour rédiger ce volume est habile. Spécialiste de la pensée chrétienne des origines, traducteur et penseur chrétien original, cet auteur connaît son sujet et n’est pas spontanément rattaché à telle ou telle institution religieuse.

Libre et intéressé par tout ce qu’il voit et entend, il sait donner à son dictionnaire un ton à la fois concret et profondément spirituel. Celui d’un amoureux, comme il se doit. Il l’écrit lui-même dans la préface : « L’amour ne rend pas aveugle – les amoureux n’ignorent pas qu’ici c’est la guerre, mais les amoureux de Jérusalem savent que celle-ci n’est supportable pour eux, que parce qu’ils pensent à “autre chose”… »

Avec plus de 900 pages et plusieurs centaines d’entrées, le parcours est forcément riche. On trouvera bien sûr des articles sur les « incontournables » du lieu : Pèlerinage, Saint Sépulcre, Gethsémani, Mont des Oliviers, David, Paix, Yad Vashem… Mais aussi quelques entrées inattendues : Epictète – mais que vient faire ici ce vieux philosophe stoïcien ? –, Mickey – oui, la souris de Disney… –, Éthique, Tapis de prière… Beaucoup de petites notices rappellent aussi les liens rattachant de grandes personnalités – le traducteur André Chouraqui, l’orientaliste Louis Massignon, le philosophe et rabbin André Néher, le poète Lamartine… – à cette ville que d’aucuns présentaient parfois comme le centre du monde.

 

LELOUP - ÉCRITS SUR L’HÉSYCHASME - Une tradition contemplative oubliée

Jean-Yves Leloup

Edition Albin Michel

 1990

L'hésychasme est la tradition millénaire qui nous enseigne cet "art des arts" que sont la méditation et la prière dans le christianisme, des pères du désert à nos jours. Jean-Yves Leloup, connu comme "père Jean Séraphin" dans l'orthodoxie, nous transmet ce qu'il a lui-même reçu au mont Athos et durant ses séjours dans les ermitages d'Orient et d'Occident. Les différentes approches de ces écrits, historique, théologique, leur ouverture sur l'anthropologie comparée et l'apport des témoignages contemporains font de ce livre une introduction sérieuse et vivante à l'esprit et à la pratique de l'hésychasme, tradition encore trop mal connue en Occident, source toujours vive du christianisme, trésor du patrimoine spirituel de l'humanité.

L'hésychasme est un mouvement spirituel de l'Église d'Orient, marqué principalement par la répétition du nom de Jésus ; il remonte aux premiers siècles du christianisme, où il concernait principalement les provinces orientales de l'empire byzantin : Égypte, Palestine, Syrie. Il connut un renouveau spectaculaire au XIVe siècle, au cœur de l'empire byzantin et au mont Athos, suscitant une polémique autour de sa légitimité théologique, et finit par être adopté comme doctrine officielle de l'orthodoxie. Après la chute de l'Empire byzantin, il eut une existence souterraine, en pays d'islam puis dans les monastères slaves. La publication d'un recueil de textes hésychastes, la Philocalie, à la fin du XVIIIe siècle, provoqua un nouvel essor de ce mouvement spirituel, qui de nos jours déborde sur les Églises d'Occident

Le mot hésychasme a un double sens dans l'Église byzantine. Il désigne soit une vie solitaire, hésychaste est alors synonyme d'ermite, soit une forme de prière intérieure, continuelle, qui mène l'orant à prendre conscience de la présence du Christ en lui. Ces deux sens cohabitent dans les sources. Ainsi, au VIe siècle, Jean Climaque, abbé du monastère du Sinaï, l'actuel monastère Sainte-Catherine, écrit dans son Échelle : « Mieux vaut un cénobite pauvre qu'un hésychaste distrait » (Échelle, degré 27, 59), où l'hésychaste s'oppose au cénobite, le moine menant la vie commune dans un monastère ; mais il écrit aussi : « Hésychaste est celui qui dit : je dors mais mon cœur veille » (degré 27, 18), qui évoque la prière continuelle.

Plus généralement, on appelle hésychasme le mouvement spirituel qui remonte aux origines du monachisme et qui, par la prière intérieure, recherche la présence sensible de Dieu et la déification de l'orant. D'abord réservé aux ermites, il s'est répandu peu à peu dans les monastères, pour se diffuser dans le monde à partir du XIVe siècle.

Hésychasme vient du grec hèsychia qui évoque le silence et la tranquillité. Jean Climaque écrit : « Le commencement de l'hèsychia est d'éloigner tout bruit, parce que le bruit trouble les profondeurs de l'âme. Et sa perfection est de ne craindre aucun trouble et d'y demeurer insensible. » Pour atteindre cet état, il faut se garder de toute pensée. La pensée – ou raisonnement – distrait de Dieu, et le démon utilise les pensées pour troubler le moine ; le moine mène donc le combat contre ces pensées pour acquérir la paix du cœur. Selon Jean Climaque, « l'ami de l'hèsychia est celui dont la pensée, toujours en éveil, se tient avec courage et intransigeance à la porte du cœur pour détruire ou repousser les pensées qui surviennent. »

La route vers l'hèsychia passe par la prière de Jésus. Il s'agit d'une prière monologique, c'est-à-dire composée d'une phrase courte, indéfiniment répétée, qui unifie alors que l'abondance de paroles disperse. Abba Macaire, un moine du désert de Scété au IVe siècle, disait déjà : « Point n'est besoin de se perdre en paroles ; il suffit d'étendre les mains et de dire : "Seigneur, comme il vous plaît et comme vous savez, ayez pitié." » (Apophtegmes des Pères du désert). Très tôt, le nom de Jésus devient le centre de cette invocation. Diadoque, évêque de Photicé en Grèce au Ve siècle, écrit : « L'esprit réclame de nous, lorsque nous fermons toutes ses issues par le souvenir de Dieu, une œuvre qui satisfasse pleinement sa capacité d'exercice. Il faut donc lui donner le "Seigneur Jésus" comme la seule occupation pour arriver entièrement à ce but. » .

Dès le VIe siècle, la prière de Jésus fait partie de l'équipement du moine. « Arme-toi de la prière, écrit Jean Climaque, flagelle tes ennemis [les démons] avec le nom de Jésus ». Elle devient progressivement la caractéristique de l'hésychasme. Hésychius, moine au monastère de Batos, près du Sinaï, écrit : « Ne cessons de faire tournoyer le nom de Jésus dans les espaces de notre cœur comme l'éclair tournoie au firmament quand s'annonce la pluie. »

À l'expérience de la garde du cœur et de la prière de Jésus se joint une mystique de lumière. Bien qu'on en trouve des traces dès les Pères du désert, cette mystique se développe surtout au Ve siècle, dans un corpus de textes que les historiens restituent à un certain Syméon de Mésopotamie, mais qui fut lu par les moines byzantins comme une œuvre de Macaire – on l'appelle aussi, de ce fait, le Pseudo-Macaire. Dans ses Homélies spirituelles, cet auteur décrit des expériences de vision de Dieu et d'extases lumineuses. L'homme gratifié de ces visions devient lui-même lumineux, tel Moïse descendant… du Sinaï précisément.

Dès le IVe siècle, l'effort spirituel des moines du désert égyptien se partage entre la prière intérieure et l'ascèse, cherchant une harmonie entre les deux. Et pourtant déjà une déviation menace, qui portera sur l'hésychasme la suspicion des théologiens : certains moines qu'on appelle euchites, les « prieurs », prétendent ne rien vouloir faire d'autre que prier. Contre cette tentation, les Pères recommandent rigoureusement le travail manuel, qui accompagne la prière tout en permettant d'aider de plus pauvres que soi. L'expérience spirituelle des Pères du désert est théorisée à la fin du IVe siècle par l'un d'entre eux, Évagre le Pontique, qui expose de manière synthétique la démarche de l'hésychaste : celui-ci doit passer par les étapes de l'ascèse corporelle – jeûne, veille – puis de l'ascèse des pensées – lutte contre l'orgueil, la colère, l'envie – pour parvenir à la prière pure, « relation intime avec Dieu » qui doit être sans figure ni imagination.

Au Ve siècle, la déviation « euchite » devient menaçante : tout un courant sectaire, celui des messaliens – traduction syriaque du grec euchites – se répand dans les provinces orientales de l'empire. Leur doctrine, qui exclut tout ce qui n'est pas la prière et donc les sacrements et la vie ecclésiale, consiste à dire que le baptême est inutile et que seule la prière continuelle peut expulser le démon qui habite en tout homme dès sa naissance ; le départ du démon provoque une expérience sensible de l'Esprit Saint, seule garante du salut. Ce mouvement sera condamné par le concile d'Ephèse en 431. En fait, le messalianisme n'est que la frange sectaire d'un mouvement spirituel plus vaste, celui que représente le Pseudo-Macaire. Ce mouvement, qui plonge ses racines en Syrie et en Mésopotamie, s'oppose à la tentation d'intellectualisme désincarné qui était en germe dans la théorisation d'Évagre ; à côté de la prière pure, sans figures, d'Évagre, Syméon-Macaire redonne une place à l'affectivité, au « goûter Dieu » dans la plénitude du cœur.

 

LELOUP  -   IL N’Y A QU’UN SEUL DIEU, LEQUEL ?

Jean-Yves Leloup

Edition Philippe Rey

 2018

Une réflexion originale, libre et intelligente sur la question de Dieu. " Aujourd'hui nombreux sont ceux qui parlent de Dieu pour dire qu'il n'existe pas ou qu'il existe, affirmations péremptoires, dénuées souvent de toute argumentation.

 

Plus grave, certains au nom de Dieu considèrent comme "vermines infidèles" ceux qui n'y croient pas, ce qui leur donne tous les droits et même parfois le devoir de supprimer tous les mécréants qui encombrent notre belle planète bleue. Athées convaincus, agnostiques, croyants affirmatifs feraient bien de préciser de quel Dieu ils parlent quand ils nous obligent à ne pas y croire, à en douter ou à nous y soumettre aveuglément. Avant d'examiner ce qu'on place derrière le mot "Dieu", il faut préciser que chacun a le Dieu de son niveau de conscience.

 

Pour les uns et les autres, Dieu peut être une interrogation ou une exclamation, un point de départ ou une contemplation...

 

Dans cet ouvrage qui aimerait stimuler une réflexion, nous passerons aussi en revue les noms de Dieu, nous poserons la question " Dieu est-il une personne ? ", nous verrons l'éventualité d'une spiritualité sans Dieu, la possibilité d'une coexistence de Dieu avec le mal et la souffrance présents au cœur de l'humanité, nous tenterons d'expliquer le fameux " Dieu est amour ", ou encore nous réfléchirons à ce que veut dire " un seul Dieu " pour les religions monothéistes. Loin des dogmes ou des fanatismes, ce livre propose une exploration sereine du plus grand mystère qui hante les hommes depuis la nuit des temps. "
Jean-Yves Leloup

 

Sous la plume du Second Isaïe, Dieu parle haut et fort. Il affirme qu'il est l'unique, le premier et le dernier. Dieu se manifeste comme unique et universel. Néant tous les autres dieux ! À nous qui avons hérité d’une Bible bien constituée, il est difficile de se représenter la lente genèse du Livre et la progressive image de Dieu qui s’y dessine. L'une des richesses du livret du Second Isaïe est de marquer une étape fondamentale dans la lente révélation de Dieu à son peuple. En effet le Dieu du Second Isaïe est toujours celui de l’Exode, mais il se pare d’attributs nouveaux, dont l’importance et les conséquences sont considérables.

 

À chaque Dieu son sol : Avant l’exil, au temps où les Israélites vivaient derrière leur roi, autour de leur Temple, Yahvé, leur Dieu, partageait sa divinité avec d’autres dieux. Tout d’abord, les Israélites, comme leurs voisins, croyaient qu’un dieu ne régnait que sur son pays : Yahvé n’était Dieu que sur sa terre. À l'étranger il ne parlait donc pas, et les croyances des autres peuples étaient légitimes, puisqu’ils avaient leurs dieux : “ Si tous les peuples marchent chacun au nom de son dieu, nous, nous marchons au nom du Seigneur ” (Mi 4,5). Du moins c’était la théorie, car, en pratique, les prophètes dénonçaient fréquemment la persistance de cultes païens; par exemple la reine Jézabel, au temple, entretenait un corps de prophètes de Baal et le roi Manassé, au VIIe siècle, faisait dresser des idoles dans le Temple. Dans un tel contexte, l'exil est pour le peuple non seulement un traumatisme physique et affectif, mais il oblige à une vraie révolution mentale. La question de l’existence de Dieu se pose de façon radicale : fallait-il que les exilés se tournent vers les dieux des vainqueurs, puisqu’on était sur leur sol ? Yahvé était mis au défi : était-il capable de suivre son peuple, loin de sa terre ?

 

Un coup de force : Le prophète anonyme de l’exil aborde ce terrible désarroi de plusieurs manières. Il reconnaît d’abord, presque sous forme de concession, que le Dieu d’Israël est un Dieu caché : « En réalité, tu es un dieu qui se cache » (45,15).1 Il invite en même temps ses auditeurs à intérioriser davantage leur conception de Dieu. Il suscite leur aptitude spirituelle à voir et leur expérience. Cela s’observe dans le texte à la fréquence des questions qu’il pose : « Ne le saviez-vous pas ? Ne l’entendiez-vous pas dire ? N’aviez-vous pas compris ? » (40,21) « Qui est comme moi ? » (44,7). Enfin, le Second Isaïe s’attelle au fond de la question. Il sait que son Dieu, qui a autrefois fait traverser la mer, est toujours présent à son peuple. Cette foi est son seul bagage. Il va donc au bout de son savoir. Si Dieu est avec son peuple, ici, à Babylone, c’est qu’il est aussi Dieu en Babylonie, donc le Dieu unique, le Dieu universel. C'est un vrai coup de force : Yahvé prend le pouvoir sur les autres dieux. Mais d’une façon absolue. Les autres grands dieux, Mardouk, Ishtar et les autres, ne sont même plus des « petits dieux » subordonnés : ils ne sont rien.

 

Une victoire contre la pensée magique : Pour conduire son argument contre les idoles dressées en l’honneur des autres dieux, le prophète se place sur le terrain de l’efficacité : « Au moins, faites bien ou faites mal, que nous éprouvions de l’émoi ou de la crainte. Voici, vous êtes moins que rien, et votre œuvre, c’est moins que néant, vous choisir est abominable » (41,23~24). En contrepoint, Yahvé est celui qui crée, qui fait toute chose neuve : « C’est moi, Yahvé qui ai fait toutes choses, qui seul ai déployé les cieux, affermi la terre sans personne avec moi » (44,24). Il est aussi derrière chaque main humaine. Ce n’est pas un dieu mécanicien, mais celui qui fait faire. Dieu est créateur du monde entier parce qu’il est intérieur à toute force. Ces diatribes contre les idoles sont une victoire pour tout homme parce qu’elles le libèrent d’une pensée magique.

 

« Îles, écoutez-moi… » La seconde affirmation essentielle du livre, conséquente à la première, est que Dieu est universel. Il est non seulement le Dieu d’Israël, mais celui des autres nations, que le Second Isaïe appelle parfois « les Iles ». Il expose l’universalisme de Yahvé sur plusieurs plans. Il annonce d’abord une sorte de revanche d’Israël sur ses vainqueurs d’hier : « Élargis l’espace de ta tente, déploie sans lésiner les toiles qui t’abritent... ta race va déposséder les nations » (54,2-3). Puis, son projet s’approfondit de façon pacifique. Ce sont les nations qui viendront vers Jérusalem, ville sanctuaire de Yahvé. Mais comme cette découverte semblait s’opposer à l’idée qu’Israël soit un peuple élu, choisi, particulier, ses conséquences ont été lentes à se traduire dans les faits. Les textes ultérieurs de la Bible évoquent un pèlerinage des peuples vers Jérusalem, mais seulement à la fin des temps. C’est le christianisme qui réalisera, sans Jérusalem, cet universalisme de Dieu découvert en exil.

 

Au sommaire de cet ouvrage : 6 points sur une feuille blanche  -  de quel Dieu parlons-nous ?  -  les noms de Dieu  -   Dieu est-il une personne ? Peut-on parler de spiritualité sans Dieu ?   -   Dieu est amour  -  évolution de la conscience et représentation de Dieu   -  à propos des échelles de l’amour et de la conscience  -  l’œil du chérubin  -   Job, ou le problème du mal   -  « Tuer Dieu » ou en prendre soin ? de Friedrich   -   de Nietzsche à Etty Hillesum   -   les malentendus de la foi   -  Il n’y a qu’un seul Dieu lequel ?  -

 

LELOUP - HOMÉLIES DE JEAN CHRYSOSTOME SUR L’INCOMPRÉHENSIBILITÉ DE DIEU

Jean-Yves Leloup  

Edition du Cerf

 1998

Entre 344 et 350, à l'époque où l'Eglise reçut de la munificence de Dieu Ambroise, Jérôme et Augustin, naquit à Antioche de Syrie un enfant dont la renommée égalerait leur gloire. Derrière lui, nul passé. Il serait de ceux qui n'ont, dit La Bruyère, ni aïeuls ni descendants : ils composent seuls toute leur race. Le long des siècles, la postérité continuera de l'appeler Chrysostome, la bouche d'or.

Son père, Secundus, brillant officier romain, entrevit à peine ses premiers sourires. Avec une petite sœur qui décèderait bientôt, il le laissa, par sa mort, à la responsabilité d'une mère grecque de vingt ans. Fière de son prestige de capitale d'Orient, car le légat impérial y résidait ; toujours ensoleillée, au bord de ses quatre rivières et sur le flanc de son coteau ; ceinturée de faubourgs, dont le célèbre Daphné ; opulente en statues et monuments, fresques et collections d'art ; gardienne des ruines majestueuses des temples de Jupiter, Junon et Apollon ; parée d'avenues, parmi lesquelles une enfilade de portiques qui se déployaient parallèlement à l'Oronte, sur un parcours de sept kilomètres, Antioche comptait alors plus de deux cent mille habitants, pêle-mêle, Romains, Grecs, Perses, Arméniens, Arabes et Juifs, riches et pauvres à l'extrême, tous volontiers turbulents. Mais elle était si abondamment éclairée que les fauteurs de désordre et les amateurs de frasques nocturnes étaient repérés aussitôt et, fussent-ils princes ou dignitaires, guéris de récidive.

Cette grande cité lettrée, voluptueuse et non moins commerçante, se considérait d'autant mieux l'égal d'Alexandrie et de Constantinople, sinon de Rome, que les empereurs, plus attentifs, en ses murs, aux frontières inquiétantes de la Perse, aimaient son séjour, la comblaient de faveur. C'est à Antioche que naquit la première communauté chrétienne issue du paganisme, celle pour qui fut forgé le nom de Chrétiens, et d'où partirent Paul et Barnabé, Marc et Luc. Saint Pierre, avant de partir à Rome, avait occupé le siège d'Antioche. Saint Jean Chrysostome appellera, dans un de ses sermons, l'Eglise d'Antioche : Mère de toutes les églises. L'évêque d'Antioche, depuis 325, avait la préséance sur ses quelques cent cinquante collègues de l'éparchie d'Orient dont il présidait chaque année, à la mi-octobre, la réunion.

Sa mère se réserva son éducation religieuse. Mais, quoique citée parmi les plus grandes chrétiennes qui honorèrent cette époque, elle attendit pour le faire baptiser. Car l'usage retardait la cérémonie à la maturité, à la vieillesse, même aux approches de la mort. Le prétexte d'une préparation sérieuse, la crainte de l'apostasie en temps de persécution, coloraient souvent un calcul moins surnaturel : on escomptait que, avec la grâce de l'onction baptismale, qui efface les fautes et supprime leur pénalité, le bonheur éternel succéderait ainsi sans intervalle aux délices de la terre. L'Eglise réprouvait la pratique de ce baptême intéressé, de la dernière heure, capable de procurer la gloire céleste en dehors de tout mérite.

Jean venait d'atteindre sa dix-septième année quand le nouvel empereur, Julien, secoua rudement la souriante mollesse de l'Eglise d'Antioche où l'on pratiquait un arianisme modéré sans vouloir aller jusqu'au schisme. Euzoius, l'évêque en place, un arien radical, avait succédé à Mélèce déposé en 361 pour être trop orthodoxe, tandis qu'exerçait aussi Paulin, arien modéré ; Julien, pour mieux diviser les Chrétiens qui représentaient plus de la moitié des habitants de la ville, permit à tous les évêques de résider à Antioche : l'Eglise d'Antioche, déjà fort divisée, éclata en trois ou quatre églises (arienne radicale, arienne modérée, orthodoxe radicale, orthodoxe modérée).  Ce bel esprit de Julien se targuait d'abattre en se jouant le christianisme par ses sarcasmes. Il lança maints pamphlets contre le Sauveur, interdit l'enseignement aux chrétiens, les surchargea d'impôts, les chassa des fonctions publiques et les priva d'avancement dans l'armée.

Mais, pas plus que son persiflage cavalier, ne triompha sa tyrannie. Jean garda seulement l'horreur d'avoir vu massacrer de vertueux personnages qui préférèrent le martyre à l'abjuration. L'avènement de Valentinien pacifia la province et permit aux lettres et aux arts de reprendre leur vogue. Jean fréquenta l'école du philosophe Andragathius. Entre les rhéteurs et les philosophes réputés primait Libanius, plus habile phraseur qu'homme de savoir et de goût. Il avait collaboré aux libelles impies de Julien l'Apostat, et c'était, selon Chrysostome, le plus superstitieux des païens. Anthuse n'osa toutefois détourner son fils de ses cours, tant la louange, à la ronde, illustrait sa chaire. N'entendait-elle pas les bateliers, en ramant, les ouvriers, à leur travail, scander leur effort au rythme harmonieux d'un de ses exordes ?

Libanius, qui discerna vite le talent de son élève, ne put lui insuffler son admiration poétique du paganisme ; mais sa luxuriance de couleurs et d'images envoûta le jeune auditeur et prolongera sa fascination. Chrysostome aura beau refuser à la littérature la touchante fidélité de saint Basile et de saint Grégoire de Nanzianze, et ne voir dédaigneusement en elle qu'une fumée d'orgueil ; il aura beau raconter avec facétie de menues anecdotes de la vie de Socrate, d'Aristote et de Diogène, ou bracarder telle de leurs sentences, son éloquence gardera l'empreinte des souvenirs classiques. Platon traversera ses homélies, les amplifications fastueuses ou le cliquetis verbal de Libanius résonneront parfois en ses périodes.

A vingt ans, distingué, ardent et subtil, Jean s'inscrivit au barreau comme, en leurs cités respectives, saint Ambroise, saint Paulin et Sulpice Sévère. Mais, après des débuts prometteurs, sans tendresse pour les avocats et les juges, il s'éloigna d'un milieu qui ne lui avait révélé que petites chicanes et grandes injustices. Anthuse le mit en relation avec l'évêque d'Antioche, Mélèce, prélat de haute vertu, glorifié par l'exil, et si bon que saint Basile lui écrivait : Quand je reçois une de vos lettres, je l'aime d'abord à proportion du nombre de ses lignes, et mon bonheur s'accroît durant toute la lecture. Cet homme dont le regard prêchait, gagna la confiance de Jean. Secondé par Flavien, futur évêque d'Antioche, et Diodore, le futur évêque de Tarse, il lui expliqua les saints Livres et le prépara au baptême. Jean fut baptisé dans la nuit de Pâques 368, puis continua d'étudier les saintes Ecritures sous Diodore et après qu'il eut accédé au lectorat (371), Mélèce se l'attacha pour secrétaire.

Brève collaboration, car le frère de Valentinien, Valens, avait hérité Antioche, et cet Arien fanatique reprit avec fougue la persécution. Mélèce fut banni, sans que la séparation ni le temps affaiblissent la vénération de ses diocésains. L'astuce et la violence sévirent. De louches individus dénoncèrent un prétendu complot de maléfices contre Valens. On décapita, brûla ; des familles périrent ; Antioche, terrorisée, ruissela de sang. Jean faillit être victime. Comme je me promenais, avec un ami, en ces jardins amènes qui bordent l'Oronte, il aperçut, glissant au fil de l'eau, un livre dont il s'empara. C'était un formulaire de philtres inachevé, qu'un rédacteur, poursuivi, avait lancé dans le fleuve. Je contestai en riant la propriété du butin, et, pendant notre dispute, un soldat nous rejoignit. Mon compagnon put à peine dissimuler le volume. Qui eût admis notre bonne foi lorsque nous aurions allégué le hasard ?

Cette angoisse décida le jeune clerc à la vie solitaire et ascétique. Sa conscience, ennoblie par le désir de Dieu, lui signalait le clinquant des espérances mondaines. Sous les palmeraies du désert ou dans une grotte de quelque roche escarpée, il disciplinerait la sève de ses passions. L'amour maternel d'Anthuse protesta. Me prenant par la main, elle me conduisit à sa chambre, me fit asseoir près du lit où elle m'avait mis au monde, pleura et m'attendrit plus encore par ses plaintes : " Ne me rends pas veuve une seconde fois ; ne ranime pas ma douleur assoupie. Quand tu m'auras prochainement, dans le tombeau, réunie à ton père, rien ne t'empêchera d'entreprendre de longs voyages. Mais, de grâce, mon enfant, supporte la présence de ta mère ; ne t'ennuie pas de vivre avec moi. "

Elle sut avec souplesse consolider sa victoire. Ménageant à son fils, dans sa maison, une impression d'isolement, elle feignit d'ignorer ses veilles et ses jeûnes. Non qu'il eût à expier quelque défaillance. Un examen rigoureux de sa jeunesse lui dévoilera seulement l'attrait du théâtre. Il pourra écrire sur la virginité en familier de la vertu. Sa répulsion du vice l'invitera même aux exagérations, quand l'éloge de la continence lui fera réduire la condition du mariage à une émulation d'antipathie et de querelles, et avancer avec candeur ce paradoxe contraire à l'humanité et à l'Evangile : Puisque l'union conjugale ôte la libre disposition de soi-même, qui ne regimberait devant cette loi tyrannique ?

Quand sa mère fut morte, Jean se retira dans le désert, loin de la ville, du forum et de leur tumulte, pour se mettre pendant quatre ans à l'école d'un vieux moine, puis, pendant deux ans, il se retira en solitaire dans une caverne (372-378). La santé fort altérée par le jeûne, l'abstinence perpétuelle et des mortifications trop fortes, Jean dut quitter le désert et la vie pénitentielle pour retourner à Antioche. De retour à Antioche, il fut ordonné diacre par Mélèce (381) qui allait partir au concile de Constantinople, et servit dès lors dans ce ministère jusqu'à ce que Flavien, successeur de Mélèce, l'ordonnât prêtre, apparemment  vers la fin de 385 ou au tout début du carême de 386 qu'il prêcha.

Presque tous les traités et homélies que l'on a de lui datent de son époque diaconale. Prêtre, Jean Chrysostome fut surtout chargé de prédication et la plupart de ses homélies datent de cette époque.

 

LELOUP - INTRODUCTION AUX VRAIS PHILOSOPHES – Les Pères grecs, un continent oublié de la pensée occidentale

Jean-Yves Leloup  

Edition Albin Michel

 2014

Aux premiers siècles de notre ère, les Pères de l’Église se nommèrent eux-mêmes « vrais philosophes » en opposition aux « sophistes », ces orateurs qui maniaient brillamment l’art du langage sans pour autant agir selon leurs propres paroles.

 

Or, le « vrai philosophe » ne spécule pas, ne manipule pas. Son but n’est ni d’avoir raison ni de changer le monde, mais de se transformer lui-même pour participer à son propre devenir. Bouddha, le Christ et les grands sages de l’Orient avaient cette même vision de la philosophie, vision proche, du reste, de ses origines.

En Grèce antique, en effet, la philosophie constituait surtout un art de vivre doublé d’un exercice spirituel. Dans l’esprit des Pères, la « vraie philosophie » relève d’un art d’éclairer, de « voir clair » et d’une pratique thérapeutique qui prend soin, soigne et guérit.

Retraçant la vie et l’oeuvre des plus grands Pères grecs – Origène, Clément d’Alexandrie, Evagre le Pontique, Jean Chrysostome, Jean Cassien, Grégoire de Nysse… -, Jean-Yves Leloup, docteur en philosophie, psychologie et théologie, met ici en lumière leur enseignement et leur « gnose », en un mot leur sagesse toujours vivante

On désigne par Pères apologistes les pères de l'Eglise qui à partir du 2èmè siècle vont porter témoignage de leur foi devant les païens et les empereurs de cette époque. Ils vont sans cesse débattre de toutes sortes de questions relatives à la foi chrétienne et notamment des "hérésies". Les plus connus d'entre eux sont :

Justin Martyr (milieu du 2ème siècle) - Clément d'Alexandrie (fin du 2ème siècle) - Théophile d'Antioche (milieu du 2ème siècle) - Tertullien (fin du 2ème siècle) - Minucius Félix (milieu du 2ème siècle) - Tatien (milieu du 2ème siècle) - Athenagoras d'Athènes – Irénée - et d’autres…

Tous ces philosophes/apologistes vont s'efforcer de réfuter les nombreuses calomnies dont le christianisme fait alors l'objet et de montrer que celui-ci est une philosophie qui peut rivaliser d'égale à égale avec la philosophie grecque. En fait les apologistes vont procéder en quelque sorte au mariage entre la philosophie grecque néo platonicienne et le judaïsme revu et complété par le christianisme. Les concepts de "verbe" ou "logos" vont s'associer à celui de fils de Dieu. Il est surprenant de voir comment les Pères utilisent abondamment ces concepts abstraits pour convaincre les païens en lieu et place de témoignages historiques remontant au personnage fondateur du Christianisme c'est à dire à Jésus de Nazareth. Hormis Justin les autres Pères du milieu du 2ème siècle dont il est question ici n'utilisent jamais de référence à Jésus de Nazareth dans leurs Apologies. L'interprétation chrétienne classique veut que le phénomène historique associé à Jésus soit quelque peu masqué pour ne pas choquer les païens plus enclins à entendre un discours philosophique général qu'une histoire invraisemblable. Il faut attendre la fin du 2ème siècle avec Tertullien et Clément d'Alexandrie pour voir Jésus placé au centre de l'apologie.

En fait selon l'interprétation mythique l'histoire en question qui s'élabore tout doucement au fil du temps commence seulement à être acceptée comme mythe fondateur par certains Pères tout en restant à l'écart du corps de doctrine principal, un peu comme une illustration que l'on ajoute à un texte pour mieux éclairer celui-ci et qui joue au demeurant un rôle secondaire. Les philosophies grecques étaient d'ailleurs elles-mêmes accompagnées de mythes populaires avec leur lot de personnages extraordinaires et de surnaturel. On peut comprendre que la nouvelle philosophie chrétienne naissante qui comme on l'a dit plus haut représente une symbiose entre un certain platonisme et la tradition judaïque ait peu à peu intégré le mythe issu des évangiles. L'intégration du courant paulinien d'inspiration apocalyptique viendra compléter le tout pour donner naissance à la religion chrétienne telle que nous la connaissons aujourd'hui.

L'œuvre d'Athénagoras est une apologie intitulée "Une Plaie pour les chrétiens" et destinée à l'Empereur Marc Aurèle. Il y est question une fois de plus du Logos et du fils de Dieu mais pas de son incarnation en la personne de Jésus de Nazareth. Jésus Christ n'est d'ailleurs jamais mentionné. Il parle de philosophie platonicienne et des mythes grecs mais pas de la vie terrestre de celui qui est au centre de la religion naissante. Quelques maximes chrétiennes semblables à celles du Sermon sur la Montagne sont citées mais sans référence aucune à leur auteur présumé.

Les trois pères apologistes certainement les plus importants de cette époque partagent avec les autres pères le goût pour la philosophie grecque (ils vivent tous dans un monde imprégné de culture hellénistique) et vont donc continuer dans la ligne du mariage de cette philosophie avec la théologie chrétienne naissante. Il s’agit de Tertullien, Clément d’Alexandrie et d’Irénée. A la différence des autres pères ils semblent avoir complètement intégré le récit des évangiles qui devient de ce fait le "canon" des écritures chrétiennes. On peut dire qu'avec eux commence la période "classique" du dogme.

Irénée, évêque de Lyon qui a connu Polycarpe fait explicitement référence à l'évangile selon Saint Jean mais n'est pas très bavard sur son contenu. S'il est vrai que les évangiles semblent être définitivement admis vers la fin du deuxième siècle leur contenu pourtant si riche (vie de Jésus, miracles, paraboles …) est rarement commenté. Dans son combat contre les hérésies (Gnosticisme et Docétisme) Irénée ne s'appuie jamais sur ces récits pourtant si fondamentaux. Il est cependant à l'origine de la constitution du "canon" biblique.

Clément d'Alexandrie ainsi appelé parce qu'il passa une grande partie de sa vie dans cette ville part en lutte contre le paganisme et fait l'apologie d'un christianisme synthèse de la philosophie grecque et des traditions religieuses de son époque (Judaïsme) mais sans références directes à Jésus de Nazareth. Le Christ est pour lui "La Raison incarnée". Le Christianisme est ici dépeint comme une nouvelle philosophie. La vie et les enseignements du fondateur de cette nouvelle religion sont complètement passés sous silence. Cette attitude commune à la plupart des premiers Pères de l'Eglise est tout simplement incompréhensible selon les points de vue chrétien et rationaliste.

Indépendamment des textes évangéliques Tertullien dans son Apologie prétend que Tibère a pris la défense de Jésus devant le Sénat romain ce qui aux yeux de certains historiens constituerait une confirmation indépendante de l'existence de Jésus. Cependant l'authenticité du texte est discutable dans la mesure où aucun commentateur contemporain ne cite ce passage et également à cause du fait bien connu celui-là de l'intolérance de cet empereur envers les cultes étrangers. Il est extrêmement improbable en effet qu'un empereur romain quel qu'il soit ait d'ailleurs pu prendre la défense d'un personnage qu'il ne pouvait connaître que par des témoignages chrétiens indirects.

 

LELOUP - JÉSUS, MARIE- MADELEINE ET L’INCARNATION

Jean-Yves Leloup

Edition Albin Michel

 2008

Quelle fut la nature des relations entre Jésus de Nazareth et la grande figure féminine que la tradition chrétienne a nommée Marie-Madeleine ? Si " le Verbe s'est fait chair ", s'il faut prendre au sérieux le mystère de l'Incarnation, peut-on imaginer que le Christ se soit interdit tout amour charnel ? L'histoire, les Evangiles canoniques, les apocryphes et la théologie ont-ils quelque enseignement à nous livrer à ce sujet ? L'auteur d'Une femme innombrable, spécialiste de ces questions et traducteur notamment des Evangiles de Marie, de Philippe et de Thomas, aborde la relation " amoureuse " de Jésus et de Marie-Madeleine à la lumière de la parole de Paul : " Tout est pur pour celui qui est pur. " Son propos précis et sans tabou n'entend pas scandaliser, mais stimuler notre étonnement face au " réalisme de l'Incarnation ". Ce livre est paru en grand format sous le titre Tout est pur pour celui qui est pur.

 

Marie de Magdala ou Marie-Madeleine est, selon le Nouveau Testament, une disciple de Jésus de Nazareth. Marie-Madeleine serait née en l’an 3 de notre ère et aurait été la fille de l'archiprêtre Syrus le Yaïrite, prêtre de David. Son père officiait dans la synagogue de Capharnaüm. Eucharie, sa mère, aurait appartenu à la lignée royale d'Israël mais non davidique. Connue sous le nom de Marie-Madeleine, Marie de Magdala, c’est-à-dire originaire de la ville de Magdala (de l'hébreu migdal, tour) sur la rive occidentale du lac de Tibériade, était une femme qui, selon le Nouveau Testament a été délivrée de sept démons par Jésus (Lc 8, 2). Elle devint une de ses disciples — peut-être la disciple la plus importante du Christ — et l'a suivi jusqu'à sa mort (Mc 15, 40-41). Elle est également la femme la plus présente du Nouveau Testament. Elle fut le premier témoin de la Résurrection de Jésus (Mc 16, 1s), ce qui lui donne une importance considérable, mais elle ne le reconnaît pas tout de suite et essaie de le toucher, ce qui lui vaudra la phrase Noli me tangere (« Ne me touche pas »).

La tradition catholique (Grégoire le Grand Homiliae in Evangelium 2, 33) l'a identifiée avec Marie de Béthanie, sœur de Lazare et de Marthe, et avec la pécheresse citée en Lc 7, 36-50. Grégoire de Tours, en 590, mentionne son tombeau à Éphèse : « Dans cette ville repose Marie-Madeleine, n'ayant au-dessus d'elle aucune toiture ». La dépouille présumée de Marie-Madeleine reposait probablement dans l'atrium précédant un sanctuaire, tradition typiquement éphésienne. Grégoire de Tours ne précise pas où se trouve ce sanctuaire. Dans la tradition catholique, le titre de Sponsa Christi, ou « Épouse du Christ », est donné à l'Église et non pas à la disciple Marie-Madeleine.

Selon la légende du Moyen Âge des Saintes Maries, Marie-Madeleine (sœur de Lazare, c’est-à-dire Marie de Béthanie) serait venue se fixer en Provence après avoir débarqué aux Saintes-Maries-de-la-Mer et se serait retirée dans le Massif de la Sainte-Baume et aurait été ensevelie dans la crypte de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume. Un texte apocryphe, l’Évangile selon Marie du codex copte de Berlin, porte son nom. Il s'agit d'un texte gnostique comprenant un dialogue entre le Christ et Marie de Magdala, celle-ci le restituant aux apôtres, suivi de dialogues entre Marie et eux.

Dans l'art sacré, Marie-Madeleine est très souvent représentée dénudée, avec les cheveux longs et dénoués, comme les prostituées de Palestine. La vie et le rôle de Marie-Madeleine ont été exploités dans des livres destinés au grand public à partir de théories sans valeur scientifique reconnue dans les milieux universitaires. Selon ces théories, Marie-Madeleine aurait été la femme du Christ et aurait eu des enfants avec lui. L'Église aurait étouffé ces faits par la force et la terreur et œuvré pour cacher la vérité, non seulement en occultant le rôle majeur joué par Marie Madeleine dans la transmission de l’enseignement de Jésus, mais encore en effaçant le mariage du Christ et de sa « disciple préférée ». Elle en aurait ensuite fait une prostituée pour condamner le désir charnel.

« Le Graal est littéralement l’ancien symbole de la féminité et le Saint Graal représente le féminin sacré et la déesse, qui bien sûr a disparu de nos jours, car l’Église l’a éliminée. Autrefois, le pouvoir des femmes et leur capacité à donner la vie était quelque chose de sacré, mais cela constituait une menace pour la montée de l’Église majoritairement masculine. Par conséquent, le féminin sacré fut diabolisé et considéré comme sale. Ce n’est pas Dieu mais l’homme qui créa le concept de « péché originel », selon lequel Ève goûta la pomme et fut à l’origine de la chute de la race humaine. La femme qui fut sacrée, celle qui donnait la vie fut transformée en ennemi »

La théorie faisant de Marie-Madeleine l’incarnation du « féminin sacré » est un thème récurrent des ouvrages féministes néo-gnostiques. Leurs auteurs essaient de réécrire l’histoire des débuts de l’Église en se fondant sur des écrits gnostiques qui datent, au plus tôt, du IIIe siècle de l'ère chrétienne. Un certain nombre de textes apocryphes, notamment l’Évangile de Marie, l'Évangile selon Thomas et l’Évangile selon Philippe, sont utilisés pour accréditer la thèse du mariage de Marie Madeleine et de Jésus ainsi que l’importance primordiale accordée aux femmes par l'Évangile. Au Moyen Âge, la Légende dorée fait de Marie-Madeleine l'épouse de Saint Jean l'Évangéliste. Le tombeau de Marie-Madeleine à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (France), gardé par les Franciscains, est considéré comme le 3e tombeau de la chrétienté.

 

LELOUP - KARL GRAF DURKHEIM – TEXTES ET TÉMOIGNAGES

Jean-Yves Leloup et Castermane 

Edition du Relié 

 2012

Karlfried Graf Durckheim (1896-1988) fut l’un des grands passeurs du XXe siècle entre l’Orient et l’Occident. L’un des premiers à transmettre le concept et la pratique d’une méditation laïque en Europe à partir de son célèbre centre de Todmoos Rütte en Forêt Noire allemande. Ce recueil, publié dans la revue Question de et plusieurs fois réédité, nous restitue l’enseignement de ce maître d’éveil à travers les témoignages de personnalités qui l’ont bien connu : Jean-Yves Leloup, Jacques Castermane, Henri Hartung, Bernard Rérolle, Jacques Breton, Alphonse et Rachel Goettmann, le Dr Jean Marchal… Ils nous parlent des méthodes et de l’esprit de K. G. Durckheim qui faisait vivre à autrui une véritable expérience initiatique, en déclenchant chez lui un itinéraire de transformation personnelle. Des textes inédits, extraits de ses leçons et conférences, concluent cet ouvrage remarquable où toute la force spirituelle et intellectuelle de ce personnage hors norme se trouve revivifiée.

Jean-Yves Leloup qui fut pendant plus de dix ans l’élève et l’ami de Graf Durckheim, nous introduit à la grande Thérapie Initiatique de Durckheim : « Toute thérapie s’appuie sur une conception de l’homme, de son Être essentiel et de sa destinée. « On fait depuis quelque temps une différence entre petite et grande thérapie. Par petite thérapie, on entend les traitements s’adressant aux névroses et visant à rétablir la santé psychique. Son but est de rendre un sujet apte à faire son chemin dans la société, à y travailler, à s’y créer des contacts.

La première condition est de le libérer de son angoisse, de sa culpabilité, de son isolement… c’est une thérapie purement pragmatique. (Mais parfois) la souffrance humaine, physique ou psychique, s’enracine si loin au-delà du psychologiquement accessible, elle atteint le noyau de l’être métaphysique, se situant donc à une profondeur de l’inconscient dont les manifestations ont un caractère numineux : la vie spirituelle est alors en jeu. La « guérison » n’est alors possible que si le « malade » apprend à se percevoir à ce niveau. Il lui faut comprendre son échec dans le monde comme le blocage d’une réalisation de soi-même à travers laquelle son Être transcendant lui-même devrait percer. Une telle thérapie… tend au témoignage de l’Être essentiel dans le moi profane et, en ce sens, à la réalisation du Soi véritable : on l’appelle la grande thérapie… Elle doit avoir un sens initiatique ».

 De noblesse allemande, le comte Durckheim est né en 1896 à Munich dans une famille chrétienne. Très jeune, il est fasciné par le mystère. Dans l'église du village natal, ses parents possèdent une « loge » du haut de laquelle le jeune Karlfried peut voir la sacristie et suivre le rite sacerdotal, sans en comprendre le sens intellectuellement, mais en le ressentant avec son cœur. Cela l'amènera à dire un jour : « Ce ne sont ni les images, ni les pensées qui comptent au cours d'une liturgie, mais l'attitude. Il faut être là, dans une attitude de don et d'abandon ; alors seulement quelque chose peut naître et se développer en nous. »

 

Après une enfance riche d'expériences mystiques, son adolescence est marquée par la guerre de 1914-1918. Soldat, c'est au front, face au spectacle macabre, qu'il découvre en lui cette fascination et cette répulsion devant la mort. Durant toute la guerre, elle restera sa compagne quotidienne, surtout lors de la bataille de Verdun. Il affirmera plus tard qu'il n'a jamais été un héros, qu'il a toujours eu peur lorsqu'il était seul. En tant qu'officier, il n'a jamais eu de mal à faire son devoir lorsqu'il avait la responsabilité de ses hommes. Pendant quarante-six mois, il lui sera toujours épargné d'être en face de quelqu'un pour le tuer.

 

Après la guerre, à 24 ans, alors qu'il se trouve dans l'atelier du peintre Willi Geiger à Munich, il entend sa future épouse, Enja von Hattingen, lire à haute voix le onzième verset du Tao te King de Lao-Tseu. À cet instant, le voile se déchire, il s'éveille à une autre réalité. II se sent empli d'une grâce extraordinaire qui le comble de joie et le plonge dans un grand silence. Cet événement passé, il entame des études philosophiques à Munich et émigre à Kiel avec ses amis. Avec eux, il forme un petit groupe de recherche, le Quator, destiné à mettre en oeuvre une certaine pratique spirituelle comme des exercices en silence et d'assise méditative.

 

À cette époque, il vit en communauté et suit les cours de l'université où il abandonne la philosophie pour se consacrer à la psychologie. C'est durant cette période qu'il découvre les écrits de maître Eckart et l'Évangile de saint Jean. Après l'obtention d'un doctorat en 1923 et son mariage avec Enja, il effectue un séjour en Italie, au cours duquel il travaille sur la philosophie de l'Unité, fasciné par un problème  « Ressentir qu'il existe une Unité qui étreint tout et, dans une ordonnance intérieure, donne naissance à des formes. » Puis il est nommé professeur à l'institut de psychologie de Leipzig en 1925, puis à l'Académie de Breslau en 1931.

 

Chargé de mission culturelle au Japon pour étudier l'arrière-plan spirituel de l'éducation japonaise, il y séjourne de 1937 à 1947. Il profite de ce long séjour pour vérifier ses intuitions en s'initiant au zen rinzaï, par la pratique de la méditation et du tir à l'arc conçu comme exercice spirituel. Rentré en 1948 en Allemagne, il fonde avec une analyste jungienne, Maria Hippius, le centre de méditation et de psychologie initiatique de Todtmos-Rütte, en Forêt Noire. Son oeuvre pratique et intellectuelle vise à opérer une synthèse harmonieuse des pensées et des pratiques orientales et occidentales qui permettent à l'homme de s'ouvrir à la transcendance qui est en lui et à partir de là se transformer. Ce qui a toujours préoccupé Graf Durckheim c'est l'Homme dans sa profondeur, c'est-à-dire ce qui en l'homme est en deçà ou au-delà de toutes différences. Et cela en acceptant chacun dans sa différence. Selon lui : « L'homme est prédisposé à l'expérience de l'Être, non parce qu'il est chrétien ou bouddhiste, mais parce qu'il est un Homme. C'est en cette qualité qu'il a part à l'Être surnaturel par son Être essentiel. » Ce qu'il propose « ne concerne pas tel ou tel aspect de l'individu. Il s'adresse à l'homme entier. Tant à celui pour qui Dieu, au sens chrétien, existe qu'à celui qui a grandi dans une famille incroyante. Pour l'un comme pour l'autre pourra s'accomplir la vraie transformation, celle qui conduit à la conscience absolue, à la sérénité et à l'harmonie intérieure ».

 

LELOUP – LA MONTAGNE DANS L’OCÉAN – Méditation et compassion dans le Bouddhisme et le Christianisme

Jean-Yves Leloup  

Edition Albin Michel

 2007

Extrême-Orient, la montagne symbolise traditionnellement la méditation, et l’océan, la compassion. Rappelant les principes de méditation – comment se recueillir, prier, trouver la paix en soi, se mettre en contact avec un silence fondateur... – et ceux de la compassion – comment vraiment aider, aimer autrui, être plus fraternel, partager à bon escient, protéger, donner… –,

 

 Jean-Yves Leloup construit ici une remarquable réflexion sur ces axes essentiels au bouddhisme comme au christianisme, en cernant leurs divergences, leurs similitudes et leurs complémentarités.


Cet ouvrage dresse le tableau de ce que pourrait être une spiritualité œcuménique inscrite dans une éthique moderne. À la lumière des enseignements du christianisme et du bouddhisme, Jean-Yves Leloup nous propose un véritable art de l’approfondissement intérieur pour une action juste, aimante et sage
. Dans une voie de compassion, on ne médite jamais pour soi-même – ce serait limiter les bienfaits de la méditation -, mais pour le bien de tous. Le plus utile, c’est d’apaiser notre mental. Si nous sommes réellement en paix, un lieu au moins dans le monde est en paix, et l’apaisement de notre esprit se communique à tous les vivants et à la société en général.

 

LELOUP - L’APOCALYPSE  DE  JEAN

Jean-Yves LELOUP

Edition ALBIN MICHEL

 2011

Dans notre monde soumis à des bouleversements intenses, les nombreuses prédictions « apocalyptiques » sont à la mode, celle de Jean, que les prophètes de malheurs aiment à solliciter, a-t-elle pour visée de nourrir nos angoisses et nos phobies ? Pour Jean-Yves Leloup, la révélation de ce qui arrive, de ce qui vient, peut être vue dans différentes lumières, et c’est à un regard ni résigné ni effrayé devant les événements que nous invite l’Apocalypse de Jean. Elle situe la réalité actuelle et future du monde dans la lumière de Dieu et dans la lumière de l’agneau, vision à la fois de justice et de miséricorde. Plutôt que de faire de l’Apocalypse l’annonce d’une destruction nihiliste, il est possible et souhaitable de lire à travers sa symbolique si riche la « révélation » de l’ultime réalité : Tout s’effondre sauf la Vie.

A travers une traduction inédite et un commentaire abondant de ce texte fondamental de la spiritualité universelle, l’auteur à qui l’on doit une remarquable traduction de l’Evangile de Jean et des Evangiles apocryphes de Thomas, Philippe et Marie, nous fait porter un autre regard sur le monde présent et à venir.

Le rôle d’une apocalypse et particulièrement celle de Jean, n’est pas de nourrir nos phobies, ni même d’éveiller une peur ou une angoisse (Tchernobyl –Fukushima) qui face à ces situations pourrait s’éprouver comme salutaire ; c’est davantage la révélation d’une issue, l’exercice d’une lucidité non désespérée. La révélation de ce qui arrive, de ce qui vient, peut être vu sous différentes lumières, et c’est à ce regard ni résigné ni effrayé devant les événements que nous invite l’Apocalypse de Jean.

Il y a deux révélations dans le livre de l’Apocalypse : celle du diabolique et celle du symbolique. Révélation du dia-bolos, de ce qui « ce qui se jette entre, qui sépare, qui divise, détruit, déchire, consomme, consume et  épuise. Révélation de ce qui oppose les hommes entre eux, les sépare de l’univers et de son origine. A côté de cette révélation, il y a une révélation du symbolon « ce qui tient les deux, qui rassemble » archétype de la synthèse.

Dans cet ouvrage, l’auteur nous parle de :

L’Apocalypse aujourd’hui – Une phénoménologie de l’Esprit – Yohanan – les lectures de l’Apocalypse – Une interprétation de l’Apocalypse – Un messianisme de l’instant – Première révélation : Ne craignez rien ! Je suis ! Je serais – Lettres aux sept appelés – Les personnages de l’Apocalypse – L’Apocalypse comme révélation d’un inconscient – YHVH, l’Abîme – Satan – L’Agneau – Le Dragon – Les quatre vivants – Les quatre cavaliers – La colère de l’Agneau – Les sept chofars – Les sept coupes – La femme, l’enfant et la prostituée – La bête – Les ailes – Les pierres de la nouvelle Jérusalem – Les derniers mots – Les deux Jérusalem et la fiancée – Les couleurs et la symbolique des nombres –

 

LELOUPLA SAGESSE QUI GUÉRIT

Jean-Yves Leloup 

Edition Albin Michel

 2015

Dans la continuité de Prendre soin de l’être et de Manque et Plénitude, Jean-Yves Leloup approfondit ici l’histoire et la pratique de Philon d’ Alexandrie et des Thérapeutes, fondateurs d’une école philosophique et spirituelle qui joua un rôle majeur dans l’élaboration du christianisme primitif. Leur sagesse, héritière des quatre grandes écoles grecques (platonisme, aristotélisme, épicurisme et stoïcisme) est aussi en lien avec la pratique et l’enseignement des Pères du désert. L’auteur nous montre les richesses que recèle son dialogue avec les différentes traditions spirituelles et les pratiques analytiques d’aujourd’hui.


Cette sagesse, qui prend en compte l’intégralité de l’être humain (corps-âme-esprit-pneuma), place celui-ci au centre de ses préoccupations pour l’amener à la découverte de son Être authentique et le guérir des diverses maladies spirituelles déjà diagnostiquées par les maîtres de l’Antiquité. On retrouve ainsi l’approche holistique et transdisciplinaire qui caractérise le livre de Jean-Yves Leloup

Jean-Yves Leloup (Père Jean-Séraphim), est Docteur en philosophie, psychologie et théologie, écrivain, conférencier, dominicain puis prêtre orthodoxe. Athée dans sa jeunesse, il se convertit à Istanbul au christianisme oriental suite à une expérience le laissant pour cliniquement mort. Plus tard, il recherche ses racines occidentales et devient moine dominicain catholique à la Sainte-Baume. Au sein de cet ordre, il peut se consacrer à une quête intellectuelle rigoureuse qu'il met au service de sa foi. Il s’intéresse notamment à Maître Eckhart. Après quinze ans de vie monastique catholique, il revient à l’orthodoxie qu’il considère comme le patrimoine commun des Églises. Il offre à travers ses livres, conférences et séminaires un approfondissement des textes sacrés, ainsi qu'une approche et une réflexion d'une grande richesse sur la spiritualité au quotidien grâce à une formation pluridisciplinaire d'une rare complémentarité. Membre de l'Organisation des Traditions unies, docteur honoris causa es sciences à l'Université de Colombo (Sri Lanka), Jean-Yves Leloup enseigne en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud dans différentes universités et instituts de recherche en anthropologie fondamentale.

En mai 2015, est sortie son dernier livre "La sagesse qui guérit" : "Qu’est-ce que la maladie ? Pourquoi suis-je malade ?" Jean-Yves Leloup interroge les Thérapeutes d’Alexandrie, les penseurs de l’Antiquité, les différentes traditions spirituelles et les pratiques analytiques d’aujourd’hui, afin de nous conduire à nous " souvenir de l’essentiel ". Et c'est aussi vers cet Essentiel, que nous invite Jean-Yves Leloup dans son témoignage pour mon livre "L'avenir est en nous".

« J’ai vécu à l’âge de dix-neuf ans une « mort clinique ». Mourir au moins une fois dans sa vie, effectivement cela change la vie ! Ce que beaucoup prennent pour le réel s’est révélé être une illusion, ce que beaucoup prennent pour une illusion s’est révélé être le Réel. Après cela, il s’agit de voir toutes choses dans la clarté de ce Réel, sans illusion. Épiphanie d’une lumière qui se tient toujours cachée dans sa manifestation même. On ne voit pas le regard avec lequel on voit. Le monde actuel, comme le monde passé ou le monde futur, est une illusion qui n’est pas faite pour durer.


Cette évidence m’émerveille plus qu’elle ne me terrifie. Tout ce qui existe témoigne de la gratuité et du Don qui fait tout exister. Mieux vaut célébrer plutôt que de se plaindre, bénir (bene – dire ou dire du bien de ce qui est) : enlever de la souffrance à la souffrance plutôt que maudire (mal – dire ou dire du mal de ce qui est : rajouter de la souffrance à la souffrance).

Nous sommes tous embarqués – cela est sûr ! Compagnons de voyage, nous avons à le devenir. Pour cela, il est nécessaire de s’entendre sur le sens et le but du voyage. Si nous venons de la lumière et retournons à la lumière, il n’y a pas de problème. Si, comme le moindre de nos souffles, nous venons de l’infini et retournons à l’infini, non seulement il n’y a pas de problème, mais il est bon de respirer et de vivre ensemble, consciemment. Si nous venons de Dieu et retournons à Dieu, alors non seulement nous sommes compagnons de voyage, mais nous sommes consanguins, du même âge, frères et sœurs d’une même terre et d’un même ciel ; nous partageons l’orage et l’éclaircie...

Athée dans sa jeunesse, il se convertit à Istanbul au christianisme oriental suite à une expérience le laissant pour cliniquement mort. Plus tard, il recherche ses racines occidentales et devient moine dominicain catholique à la Sainte-Baume. Au sein de cet ordre, il peut se consacrer à une quête intellectuelle rigoureuse qu'il met au service de sa foi. Il s’intéresse notamment à Maître Eckhart. Après quinze ans de vie monastique catholique, il revient à l’orthodoxie qu’il considère comme le patrimoine commun des Églises. Il offre à travers ses livres, conférences et séminaires un approfondissement des textes sacrés, ainsi qu'une approche et une réflexion d'une grande richesse sur la spiritualité au quotidien grâce à une formation pluridisciplinaire d'une rare complémentarité. Membre de l'Organisation des Traditions unies, docteur honoris causa es sciences à l'Université de Colombo (Sri Lanka), Jean-Yves Leloup enseigne en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud dans différentes universités et instituts de recherche en anthropologie fondamentale.

 

LELOUP - L’ASSISE ET LA MARCHE

Jean-Yves LELOUP

Edition Albin Michel

 2011

Jean-Yves Leloup nous livre ici une réflexion profonde nourrie par son expérience personnelle de l’assise et de la marche, notamment dans le désert. Il déploie dans cet ouvrage un véritable traité de vie, fondé sur l’art de ces deux postures complémentaires. Marcher, pour ne pas rester prisonniers des liens qui nous entravent, mais être toujours relié au mouvement de la vie. Méditer pour ne pas se laisser disperser par nos désirs, mais rester au contraire en connexion avec soi-même. Ces deux expériences, dont il explore l’utilisation par tant de sagesses et de mystiques, se trouvent parachevées dans le pèlerinage, fait de marches et de méditations. Et c’est à cet art finalement que Jean-Yves Leloup convie son lecteur au fil des jours. Car chaque pas du pèlerin le rapproche de lui-même, désencombré de toutes les fausses identités et de toutes les valises qui l’alourdissent. Marchant sans cesse vers lui-même, il se rend présent au meilleur de lui-même.

Une autre parole à « tenir debout» m'a été donnée par quelqu'un qui aimait beaucoup les œuvres de Carlos Castaneda : « Quel que soit ton chemin, quel que soit le chemin que tu prends, demandes toi si ce chemin à un cœur.

Tu peux marcher sans carte et sans guide, mais ne marche pas sans boussole! » II ne s'agit pas seulement de marcher doucement, il s'agit de marcher en étant orienté, en ayant soi-même un point de repère, une boussole.

Par temps de brouillard, par temps difficile, elle nous indique le nord, elle nous oriente, elle nous garde de la désorientation au sens physique du terme. Avoir une boussole, c'est avoir un centre, c'est être centré. Et, pour un être humain, c'est avoir un cœur, non seulement au sens d'organe des sentiments, de l'émotion, ou de l'affection, mais un cœur en tant que lieu d'intégration de tous les éléments de notre personnalité, en tant que centre où notre intelligence et nos pulsions se rejoignent, se réintègrent.

Avoir un cœur, c'est être centré. On peut marcher « avec cœur» ou marcher « sans cœur ». Lorsque le chemin nous est imposé, on n'en profite pas vraiment. Par contre, que l'on se perde ou que l'on s'égare, si le cœur y est, et que l'on marche en sa présence, une lumière est dans la marche. «Va, va où ton cœur te mène».

Aller où notre cœur nous mène est un risque, qui nous conduit parfois dans des impasses, ces « chemins qui ne conduisent nulle part» dont parle le philosophe Heidegger. Ne confondons pas le cœur boussole et le cœur girouette. Sachons quelle est notre boussole et quelle est notre girouette.

Quelle est notre girouette toujours prête à tourner à tous vents? Pour certains, ce sera la tête, le mental, les pensées qui suivent tous les vents, toutes les modes. Elle indique où va le vent, ce qui se passe peut-être dans le présent, mais elle ne donne pas la direction juste à prendre. Pour d'autres, ce seront les émotions. Derrière la girouette que nous sommes souvent, il s'agit de retrouver la boussole ; son cœur, son orient, son orientation vers la lumière.

Dans nos vies, le plus difficile, c'est de savoir ce que l'on désire vraiment. Une multitude de désirs nous assaillent et nous désorientent. Quel est notre désir profond? Celui qui nous conduit justement à l'Orient, à la Lumière? Se tenir proche de ce désir, c'est se tenir proche de son propre chemin. «  Mieux vaut mourir dans sa propre loi que sous la loi d'autrui», enseigne la Bhagavad-Gîtâ. Mieux vaut mourir selon sa propre loi, sa propre voie et voix - qui nous parle de l'intérieur -, que d'écouter même parfaitement la voix d'un autre. Suivre sa propre voie, même imparfaitement, plutôt que de suivre parfaitement la voie d'un autre, la loi d'un autre.

Avoir une boussole, ce n'est pas découvrir un chemin tout tracé. Plus qu'un chemin, cette marche est une itinérance. Le bonheur est dans la façon de marcher. Il ne s'agit ni de suivre un itinéraire ni d'être dans un état d'errance. L'itinéraire tout tracé risque de nous enfermer et de nous faire passer à côté d'un paysage, d'un trésor, d'une lumière, d'un état de conscience, d'un niveau d'être qui nous était destiné ... Mais il ne s'agit pas non plus d'être dans l'errance, de se faire le jouet de tous les vents, de tous les appels qui viennent d'ici ou de là. Celui qui marche en suivant sa boussole peut garder le cap, il a reconnu en lui son orient. Jean-Yves Leloup -

 

LELOUP - L’ÉLÉGANCE DU SOI – PETIT TRAITÉ DE L’HOMME NOBLE

Jean-Yves Leloup

Presse du Châtelet

 2020

Cette élégance et cette noblesse ne sont jamais perdues, elles demandent seulement notre attention et l'exercice nécessaire à leur dévoilement. Cette " révolution " de l'élégance et de la noblesse est la seule que nous n'ayons pas encore essayée, révolution-révélation de la conscience et de l'amour incarnés. Jean-Yves Leloup, comme maître Eckhart en son temps, nous invite à cette aventure, guidant chaque être humain dans ses métamorphoses vers le meilleur des possibles.

 

Il faut d’abord que l’on sache, et la Révélation nous l’apprend d’ailleurs, qu’il y a dans l’homme deux natures : le corps et l’esprit. C’est pourquoi il est dit dans l’Ecriture : qui se connaît lui-même connaît toutes les créatures ; car toutes les créatures sont ou corps ou esprit. Aussi l’Ecriture dit-elle en parlant de l’homme, qu’il est en nous un homme extérieur et un autre, l’homme intérieur. Fait partie de l’homme extérieur tout ce qui, bien qu’inhérent à l’âme, est lié et mêlé à la chair et agit en coopération corporelle avec chaque membre, œil, oreille, langue, main, etc. Et c’est tout cela que l’Ecriture appel le vieil homme, l’homme terrestre, l’homme extérieur, l’homme ennemi, l’homme esclave. L’autre homme qui est en nous, c’est l’homme intérieur ; celui-là, l’Ecriture l’appelle un nouvel homme, un homme céleste, un homme jeune, un ami, un homme noble. Et c’est de celui-là que parle Notre Seigneur, disant qu’un homme noble s’en fut en un pays étranger, se conquit un royaume et s’en revint chez lui. C’est encore à cela qu’il nous faut penser, quand saint Jérôme rapporte l’enseignement commun des maîtres selon que tout homme, du fait même qu’il est homme, a un bon esprit, un ange, et un mauvais esprit, un démon. Le bon ange nous conseille et nous attire sans cesse vers ce qui est bon et divin, ce qui est vertueux, céleste, éternel. Le mauvais esprit conseille et attire sans cesse l’homme vers ce qui est temporel et périssable, ce qui est pécheur, mauvais et diabolique. Ce mauvais esprit est toujours en coquetterie avec l’homme extérieur, par l’intermédiaire duquel il guette constamment l’homme, Adam. L’homme intérieur, c’est Adam, l’homme dans l’âme. C’est lui le bon arbre dont Notre Seigneur parle, qui toujours et sans cesse produit de bons fruits ; il est également le champ où Dieu a planté son image et sa ressemblance et où il jette la bonne semence, la racine de toute sagesse, de tout art, de toute vertu, de toute bonté, semence de nature divine. Cette semence, c’est le Fils de Dieu, le Verbe de Dieu !

 

L’homme extérieur lui est hostile et il y a semé et jeté méchamment l’ivraie. C’est de lui que saint Paul dit : « Je trouve en moi quelque chose qui m’entrave et contrarie ce que Dieu commande et conseille », ce que Dieu a commandé, ce qu’il a dit et dit encore dans ce qu’il y a de plus noble, au fond de mon âme. Ailleurs il se lamente et dit encore : « Malheur à moi, infortuné ! Qui me délivrera de mon corps qui m’apporte la mort ? ». Et dans un autre passage il écrit que l’esprit et la chair de l’homme sont toujours en lutte l’un contre l’autre. La chair conseille le vice et le mal, l’esprit de Dieu conseille l’amour de Dieu, la paix, la joie et toutes les vertus. Celui qui obéit à l’esprit et vit selon ses conseils appartient à la vie éternelle ; mais celui qui obéit à la chair, celui-là meurt. L’homme intérieur est celui dont Notre Seigneur dit qu’un homme noble s’en fut en un pays lointain ; il est également le bon arbre dont Dieu dit qu’il porte toujours de bons fruits et jamais de mauvais ; car il veut le bien et recherche le bien et est suspendu dans le bien même, insensible à ceci ou à cela. L’homme extérieur est le mauvais arbre qui ne peut jamais donner de bons fruits.

 

A propos de la noblesse de l’homme intérieur et spirituel et de la vulgarité de l’homme extérieur et charnel, les maîtres païens Cicéron et Sénèque disent aussi qu’aucune âme rationnelle n’est privée de Dieu. La semence de Dieu est en nous. Si elle trouvait toujours un cultivateur habile et un jardinier diligent, elle croîtrait d’autant mieux et monterait vers Dieu, dont elle est la semence, et son fruit deviendrait pareillement une nature de Dieu. La graine du poirier croît et devient poirier, la graine du noyer croît et devient noyer ; c’est la semence de Dieu qui monte vers Dieu ! Mais si la semence rencontre un semeur et un cultivateur fous et méchants, l’ivraie s’y mêle, qui couvre et étouffe la bonne semence, si bien que celle-ci ne peut voir le jour ni parvenir à maturité. Mais Origène, un grand docteur, nous dit : « Comme c’est Dieu lui-même qui a semé en nous cette semence, qui l’a imprimée en nous et nous l’a rendue connaturelle, on peut bien la couvrir et la cacher, mais jamais on ne pourra la détruire totalement ni l’éteindre ; elle continue sans arrêt de brûler et de briller, de luire et de resplendir, et sans cesse elle tend à s’élever vers Dieu. »

 

Le premier degré de l’homme intérieur, de l’homme nouveau, comme dit saint Augustin, c’est que l’homme vit à l’imitation d’hommes bons et saints, mais qu’il marche encore en se tenant aux chaises et aux murs et se nourrit encore de lait. Le second degré, c’est qu’au lieu d’avoir les yeux fixés uniquement sur ses modèles ou encore sur des hommes bons, il court et se hâte maintenant vers les enseignements et les conseils de Dieu et de la Sagesse divine, qu’il tourne le dos aux hommes et la face vers Dieu, quitte le giron de sa mère et sourit à son Père céleste. Au troisième degré, l’homme se soustrait de plus en plus à l’influence de sa mère et s’éloigne de plus en plus du sein maternel, échappe à la sollicitude et rejette toute crainte. Quand bien même il aurait la possibilité de faire le mal ou de porter tort à quelqu’un, sans en recevoir pour autant aucun dommage, il n’en aurait pourtant aucune envie ; par l’Amour il est, en effet, lié et confié à Dieu dans un zèle constant, jusqu’à ce que Dieu l’ait placé et établi dans la joie et la douceur, là où il répugne tout ce qui est dissemblable et étranger, tout ce qui ne convient pas à Dieu. Au quatrième degré, l’homme croît de plus en plus et s’enracine dans l’amour de Dieu, au point d’être toujours prêt à assurer, de bon gré et de bon cœur, avidement et avec joie, toutes sortes de tribulations et d’épreuves, d’ennuis et de peines. Au cinquième degré, l’homme vit partout et spontanément dans la paix, calme et tranquille dans la richesse et la jouissance de la plus haute et indicible Sagesse. Au sixième degré, l’homme est dépouillé de lui-même et revêtu de l’éternité de Dieu, parvenu à la perfection complète ; il a oublié la vie temporelle avec tout ce qu’elle a de périssable ; il a été entraîné et transformé en une image divine ; il est devenu un enfant de Dieu. Il n’y a pas d’autre degré, de degré supérieur ; là est le repos éternel, la béatitude. Car le but dernier de l’homme intérieur, de l’homme nouveau est la vie éternelle.

 

Au sujet de cet homme intérieur, de cet homme noble, en qui est imprimée l’image de Dieu et semée la semence de Dieu, comment cette semence et cette image de la nature divine et de l’essence divine qui sont le Fils même de Dieu, s’y révèlent et comment on en prend conscience ; comment il arrive parfois qu’ils soient cachés, tout cela, le grand maître Origène nous l’expose dans une parabole : le Fils de Dieu, dit-il, image de Dieu, est au fond de l’âme comme une source d’eau vive. Quand on y jette de la terre, c’est-à-dire des désirs terrestres, elle est recouverte et cachée au point qu’on ne la connaît et qu’on ne l’aperçoit plus. Mais, en elle-même, elle reste vive ; dès qu’on enlève la terre qui la recouvre à sa surface, elle réapparaît et on la revoit. Et il dit encore que cette vérité se trouve indiquée au premier livre de Moïse, où il est écrit qu’Abraham avait creusé dans son champ des puits d’eau vive, mais que des gens mal intentionnés les avaient comblés de terre ; mais quand on en eut sorti la terre, les sources redevinrent vives.

 

Quand l’âme de l’homme, dit saint Augustin se tourne complètement vers l’éternité, là-haut, vers Dieu seul, l’image de Dieu paraît en elle et devient brillante, mais quand l’âme se tourne vers l’extérieur, fût-ce en des exercices extérieurs de vertu, l’image est entièrement cachée. C’est ainsi que, selon la doctrine de saint Paul, les femmes doivent avoir la tête couverte et les hommes la tête nue ; car cette partie de l’âme, qui tend vers le bas, recherche l’objet vers quoi elle se tourne : un voile, un mouchoir de tête ; mais cette autre partie de l’âme qui s’élève, se dénude afin de recevoir l’image de Dieu et que Dieu naisse en elle ; Dieu est sans voile et sans contrainte dans l’âme pure de l’homme noble. De même l’image de Dieu, le Fils de Dieu, la semence de la nature divine, n’est jamais détruite en nous, bien qu’elle puisse être cachée. David dit dans un de ses psaumes : « bien qu’il tombe sur l’homme beaucoup de néant sous forme de douleur et de désolation, il demeure dans l’image de Dieu et l’image en lui ». La vraie lumière brille dans les ténèbres, bien qu’on ne s’en aperçoive pas.

 

Dieu dit : « Je suis le Premier et de Dernier ». Aucune différence n’existe ni dans la nature de Dieu ni dans les personnes divines, considérées dans l’unité de leur nature. La nature divine est Unité, et chaque personne est également Unité, cette même Unité qui est leur nature. La distinction entre essence et existence est résorbée ici dans l’Unité : elles sont unité et identité. C’est seulement quand l’Unité cesse de se reposer en elle-même qu’elle possède une distinction et que par cette destruction elle opère. Aussi bien dans l’Unité on trouve Dieu, et celui-là doit devenir unité qui doit trouver Dieu. Notre Seigneur dit : « Un homme s’en fut ». Dans ce qui comporte destruction, on ne trouve ni Unité, ni Être, ni Dieu, cesse, ni bonheur, ni satisfaction. Sois unité, afin de pouvoir trouver Dieu ! En vérité, si tu étais entièrement unité, tu resterais également unité dans la distinction, les distinctions deviendraient unité pour toi et cesseraient de te faire obstacle. L’Unité reste aussi bien unité, dans des milliers et milliers de pierres aussi bien que dans quatre pierres, et mille fois mille est en vérité un nombre aussi simple que quatre. Un maître païen dit que l’Unité est née du Dieu suprême. Sa propriété est d’être unité dans l’unité. Celui qui cherche cette unité au-dessous de Dieu, celui-là se leurre lui-même. Le même maître (à qui je puis ici me référer pour la quatrième fois) souligne aussi que cette Unité n’est vraiment liée d’amitié qu’avec des esprits vierges et chastes. Saint Paul dit d’ailleurs : « C’est en vierges chastes que je vous ai fiancées à l’Un ». Et c’est de la même façon que l’homme devrait être uni à l’Un, qui ne peut être que Dieu.

 

« Un homme s’en fut », dit Notre Seigneur. Un « homme » ! Si nous prenons le sens propre du mot latin, ce terme désigne, du moins d’après une certaine interprétation, quelqu’un qui se soumet entièrement à Dieu, avec tout ce qu’il a, qui lève les yeux vers Dieu, au lieu de les abaisser vers ce qui est à lui et qu’il sait être derrière lui et au-dessous de lui ; voilà la parfaite, la véritable humilité. Son nom lui vient de la terre (je n’en dirai pas davantage ici). Mais le mot « homme » signifie également quelque chose qui est au-dessus de la nature et du temps, de toute ce qui est espace ou matière, de toute ce qui est soumis au temps et porte la saveur de l’instabilité, en tant que spatial et corporel. Mais, lorsqu’il a progressé davantage encore, l’homme n’a plus rien de commun avec le néant. D’abord en ce sens qu’il n’est pas formé d’après tel ou tel modèle, qu’il n’y ressemble pas, qu’au total, il ne sait plus rien du néant, est périssable, qu’en lui on ne trouve plus la moindre trace du néant, qu’il est si totalement dépouillé du néant qu’on ne remarque plus en lui qu’être pur, vérité, bonté. Et celui qui est ainsi fait, lui seul, est un homme noble, et personne d’autre que lui.

 

Il est encore une autre façon de comprendre et d’enseigner ce que Notre Seigneur entend par « homme noble ». On doit savoir, en effet, que ceux qui connaissent Dieu sans voile, connaissent en même temps la créature. Si la connaissance est la lumière de l’âme, vers quoi tous les hommes tendent naturellement, il est sûr qu’il n’est rien de meilleur. La connaissance est un bien. Or les maîtres nous enseignent ceci : quand on connaît les créatures telles qu’elles sont en elles-mêmes - ce que j’appellerai une connaissance du soir - on ne voit la création que dans des images distinctes. Mais quand on connaît les créatures en Dieu - ce que j’appellerai une connaissance du matin - on voit la créature sans la moindre distinction, sans aucune des images qui la représentaient et sans ressemblance avec quoi que ce soit, dans l’Unité qui est Dieu même. Et c’est bien ce que Notre Seigneur entend quand il dit qu’un homme noble s’en fut. Noble, parce qu’il est un et que dans l’Unité il connaît également Dieu et la créature.

 

LELOUP – L’ENRACINEMENT ET L’OUVERTURE

Jean-Yves Leloup

Edition Albin Michel

 1995

Les conférences de Jean-Yves Leloup ici réunies furent données au Centre international de la Sainte-Baume, lieu d'une expérience œcuménique et pluridisciplinaire sans précédent au milieu des années quatre-vingt.

 

Elles traitent de sujets aussi divers que la transmission de la connaissance dans le christianisme, la tradition contemplative hésychaste, la psychologie initiatique, l'itinéraire de libération intérieure de Maître Eckhart, la prière et la méditation, art de l'instant, et surtout le dialogue possible entre le christianisme et les autres religions, notamment le bouddhisme. Car il est vrai que l'ouverture à l'autre peut féconder notre quête spirituelle d'Occidentaux, si nous savons redécouvrir les racines qui sont les nôtres.

La Sainte-Baume est d’abord une curiosité géologique : sa barre rocheuse, qui s’allonge sur douze kilomètres, a surgi des fonds marins à l’ère secondaire et sa forêt, protégée par la falaise, est une « relique » de celle qui couvrait la Provence à la fin du tertiaire. La grotte naturelle creusée par l’érosion (baumo, en provençal) est devenue un des lieux de pèlerinage les plus anciens du monde chrétien : sainte Marie-Madeleine y aurait vécu trente-trois années de sa vie.

Dans les Evangiles, Marie-Madeleine est cette femme que le Christ a libérée de sept démons, qui devint alors son disciple, fut présente au pied de la croix et à qui Jésus apparut en premier au matin de Pâques. Selon la Tradition de Provence, elle fut expulsée de Palestine avec plusieurs disciples lors des premières persécutions contre les chrétiens après l’Ascension.

Confiés à un frêle esquif sans voile ni gouvernail, les exilés abordèrent miraculeusement les rivages provençaux au lieu appelé désormais Les Saintes-Maries-de-la-Mer et devinrent les premiers évangélisateurs de la Provence. Marie-Madeleine prêcha à Marseille en compagnie de Lazare puis elle s’établit dans cette montagne escarpée, dans la Grotte qui depuis porte son nom. Telle la bien-aimée du Cantique des Cantiques, « colombe cachée au creux du rocher, en des retraites escarpées », elle put s’adonner à la prière et à la contemplation dans la solitude.

En 1295, quand les fouilles conduites par Charles II d’Anjou à Saint-Maximin mirent à jour son tombeau, le pèlerinage à la Grotte connut un nouvel essor. Les dominicains prirent alors le relais d’une longue lignée de moines établis en ces lieux depuis le Vème siècle comme gardiens de la tradition magdaléenne. Aux siècles de foi, le mouvement des pèlerins ne cessa de s’amplifier jusqu’à la Révolution. En 1859, ému par l’abandon du site, le Père Lacordaire entreprit la restauration des lieux saints de Provence et la construction de l’Hostellerie de la Sainte-Baume. Aujourd’hui, la communauté des frères et sœurs dominicains continue cette mission d’accueil des croyants comme des incrédules, tous pèlerins sur les pas de Marie-Madeleine.

 

LELOUP - LES COLLATIONS DE JEAN CASSIEN OU L’UNITÉ DES SOURCES

Jean-Yves Leloup 

Edition du Cerf  

 1992

Jean Cassien était considéré au Ve siècle comme l'une des principales figures de l'Eglise avec saint Augustin et comme un représentant autorisé de la Tradition, qu'il avait recueillie à Constantinople le auprès de saint Jean Chrysostome ("Bouche d'Or"), et en Egypte et Syrie auprès des premiers moines du désert. C'est à l'âge de dix-huit ans qu'il part, avec son grand ami Germain, pour un long pèlerinage aux sources de l'Orient chrétien, au cours duquel les deux vagabonds de Dieu vont s'entretenir avec les maîtres les plus réputés du monachisme naissant.

 

Jean-Yves Leloup nous présente ici ces Collations, entretiens passionnants sur des thèmes comme l'amitié, la pureté de cœur, la prière, l'ascèse et la contemplation, qui constitueront le fondement spirituel des monastères que Cassien développera ensuite en Gaule, méritant ainsi le nom de "Père de l'Eglise de France".

Malgré les très nombreuses études qui lui ont été consacrées, Cassien est mal connu. On ne sait si le nom de Jean lui fut donné à son baptême ou quand il devint moine, ni s'il naquit en Dobroudja (Roumanie) ou en Provence. Il est certain que, très jeune, il fut moine à Bethléem. Vers 385 — il devait avoir environ trente-cinq ans —, il partit pour l'Égypte avec un fidèle compagnon, le prêtre Germain, et il y passa une quinzaine d'années à visiter les monastères, alors à leur apogée. Vers 400, il se rendit à Constantinople, où Jean Chrysostome l'ordonna diacre. Durant les persécutions que subit ce grand saint, Cassien se montra son disciple fidèle et reçut de son maître une mission à Rome.

Il semble que Cassien revint en Orient et que, vers 415, après une seconde mission à Rome, il s'établit à Marseille. Dans cette ville, il fonda deux monastères, Saint-Victor pour les hommes et Saint-Sauveur pour les femmes. À la demande de Castor, évêque d'Apt, il composa vers 417 les Institutions cénobitiques, où il exposait son expérience des usages monastiques. Il écrivit ensuite ses célèbres Conférences ou Collationes. Il adressa les dix premières à Léonce, évêque de Fréjus, et à un certain Hellade, les sept suivantes à Honorat, abbé de Lérins ; les sept dernières parurent alors qu'Honorat était évêque d'Arles. Sur les instances du futur pape saint Léon Ier, Cassien composa un traité sur l'Incarnation, contre Nestorius, patriarche de Constantinople. Il mourut vers 435. On le fête à Marseille le 23 juillet.

En théologie, Cassien adopta des positions qui le rangèrent parmi les tenants du semi-pélagianisme et lui attirèrent de violentes critiques de la part du fidèle disciple de saint Augustin, Prosper d'Aquitaine. Mais il fit connaître en Occident la vie monastique orientale. Tout en prétendant raconter ses souvenirs d'Égypte, il y a mêlé des réminiscences des moines de Palestine et il a adapté le tout aux possibilités de l'Occident. Par les Institutions et les Conférences, dont le succès fut immense et durable, Cassien tient une place essentielle dans la tradition monastique. La règle de saint Benoît en cite de longs passages, parfois en s'en écartant, le plus souvent en les suivant. Les Conférences ont été lues par toutes les générations de moines depuis le ve siècle. Au Moyen Âge, on avait l'habitude de les lire pendant le repas du soir, qui en reçut le nom de « collation ».

 

LELOUP  - LE PHILOSOPHE ET LE DJIHADISTE

Jean-Yves Leloup

Presses du Chatelet

 2016

Le Philosophe et le Djihadiste de Jean-Yves Leloup est paru en mai 2016. Inspiré de de faits réels, le lecteur remonte le temps jusqu’en 2004. Cette année-là, un jeune marocain s’appelant Mohammed planifie sa mort destructrice au cœur de la chapelle Sixtine dans la salle du « Jugement dernier »… au nom d’Allah. Mis au parfum de ce sombre dessein, Jean-Yves Leloup se rend à Rome afin de désamorcer une bombe humaine doublée d’une bombe idéologique.

La composition du Philosophe et le Djihadiste retient notre attention. Sur le même modèle qu’une projection débat, l’ouvrage se décompose en deux parties. La première relate la rencontre entre les deux hommes sur fond de confrontations de deux lectures et interprétations théologique des textes islamiques. Le fil de l’action, mettant en scène une course contre la montre, entrecroise un fil bien plus profond et complexe que la trame initiale.

Le factuel rencontre les lignes coraniques, l’intrigue se suspend durant deux chapitres pour laisser place à une exposition du concept de Djihad « Majeur » et « Mineur »… Ouvrir une fenêtre sur ces hommes et leurs réflexions, c’est ouvrir une fenêtre sur le conflit actuel et les tensions que rencontrent non seulement les croyants mais aussi la société face à l’Islam. L’intérêt réside également dans l’introspection de Jean-Yves Leloup, qui dans son combat intellectuel en vient à faire évoluer sa propre pensée et nous invite à prendre encore plus de hauteur. La fin du Philosophe et le Djihadiste tombe comme un couperet, dont la morale n’est autre que l’éternelle instrumentalisation de toute forme de spiritualité et de croyance, au service d’un instinct animé par le désir de reconnaissance dans la mort et le néant.

La seconde partie est organisée en 15 questions adressées à Jean-Yves Leloup et permettent d’approfondir les éléments de la narration qui précède, voire même de les dépasser. Qu’implique le processus de paix, comment accepter à part égale le bien et le mal, comment l’auteur a-t-il vécu les attentats de Charlie Hebdo ou encore existe-t-il un équilibre entre idolâtrie et iconoclasme… Autant de questions dont l’approche philosophique au-delà de la spécificité théologique est plus qu’enrichissante.

 

LELOUP - LES ÉPÎTRES DE JEAN

Traduites et commentées par Jean-Yves Leloup

Edition Albin Michel 

 2014

Aimer ou ne pas aimer, là est la question. L'amour nous manque-t-il vraiment ? De quel amour parlons-nous ? Y a-t-il un amour pervers et un amour divin ? Un amour qui serait un " diable " et un autre qui serait Dieu ? Pour l'auteur des Epîtres de Jean, c'est cet Etre divin même qui parle et agit dans le corps de Jésus et révèle l'Amour qu'Il est. Cet Amour dénonce le monde dans lequel nous vivons, le monde de nos pensées et de nos convoitises, " le monde pour la mort " ; mais en même temps, il veut le " sauver ", car il y a en lui une pensée et un désir qui l'ouvre à plus grand que lui. Il y a dans l'homme un silence heureux et une tranquillité efficace capables de vrais rencontres.

 

C'est vers cette réalité que Jean-Yves Leloup, à la suite de Yohanan, " le disciple bien aimé ", nous invite. Comme dans ses précédentes traductions et interprétations de l'Evangile de Jean et du Livre de l'Apocalypse, ces " épîtres johanniques " nous restituent le goût d'infini, les " saveurs " originelles et toujours d'actualité du premier christianisme.

La première épître de Jean n'est pas signée, mais elle se donne, dès les premiers mots, pour l'écrit d'un témoin oculaire de la vie du Sauveur. (1.1-3) Elle s'ouvre par un préambule solennel (1.1-4), qui rappelle le prologue de l'Evangile ; les idées exprimées comme les termes employés sont semblables. Des rapprochements avec l'Evangile se présentent à chaque ligne de l'épître : même langage inimitable dans sa limpide simplicité et sa sublime grandeur ; même marche de la pensée qui revient sur elle-même et s'élève graduellement comme dans une spirale (Jean 1 :1, première note) ; même profondeur du sentiment religieux et même contemplation intuitive de la vérité qui pénètre jusqu'à ce qu'il y a de plus intime dans la communion de l'âme avec Dieu.

Dieu, le Fils de Dieu, les enfants de Dieu, la foi, l'amour de Dieu et des frères se confondent aux yeux de l'auteur en un tout qu'il considère avec un cœur profondément pénétré des besoins spirituels de son Eglise... Jean se meut en un cercle autour de l'unique objet de sa contemplation, et les mêmes choses se présentent plus d'une fois à ses regards sous le même aspect. Ces répétitions qui semblent, au premier abord, une grande imperfection, ne sont donc peut-être qu'une perfection d'un ordre supérieur.

Rempli des enseignements de son Maître, le disciple est transporté par eux à une hauteur d'où la vie en Dieu lui apparaît dans un contraste absolu avec la vie du monde. L'homme est dans la lumière ou dans les ténèbres ; dans la vérité ou dans le mensonge ; il aime ou il hait ; il est dominé tout entier par l'amour du monde ou par l'amour du Père ; il est enfant de Dieu ou enfant du diable, dans la vie ou dans la mort. Les mêmes antithèses absolues se retrouvent dans l'Evangile. Dans les deux écrits, elles s'expriment en des termes qui ne se trouvent pas ailleurs : vie, vie éternelle ; lumière, vérité, synonymes de sainteté ; faire le péché, l'iniquité, la justice ; être de Dieu, du monde ; être né de Dieu, demeurer en lui, garder sa parole, ses commandements ; voir Dieu. Ce qui leur est commun également, ce sont certaines habitudes de style, celle, par exemple, qui consiste à exprimer une pensée tour à tour par l'affirmative et par la négative : Il déclara et ne nia point (Jean 1.20) ; nous mentons et nous ne pratiquons point la vérité. (1Jean 1.6)

 

LELOUP - LES PROFONDEURS OUBLIÉES DU CHRISTIANISME

Jean-Yves Leloup

Edition du Relié

 2007

À la suite des découvertes de Nag Hammadi, l'intérêt croissant pour les Évangiles apocryphes, les personnages qui s'y manifestent (Marie- Madeleine, Judas, Thomas...) et les informations qu'ils véhiculent sur les premières années du christianisme, entraîne beaucoup de confusions et d'approximations. Karin Andrea de Guise (de l'université de Sao Paulo) interroge ici Jean-Yves Leloup, dont l'approche philosophique transdisciplinaire, faite de rigueur et d'ouverture, est reconnue par un vaste public en Europe et outre-Atlantique. Dans la continuité de ses précédents ouvrages, il nous invite à explorer, avec force et clarté, Les Profondeurs oubliées du christianisme : les questions du féminin, le problème du mal, la connaissance rationnelle et contemplative, la place de la gnose... et autres thèmes essentiels, y sont abordés. Jean-Yves Leloup ne nous dit pas ce qu'il faut penser, il nous rappelle simplement « qu'il faut penser ».

Certains diront que le christianisme, inspiré par l’Esprit Saint est resté fidèle à celui des origines, et que l’Eglise catholique, gardienne vigilante et sourcilleuse de la parole évangélique transmet fidèlement la pensée de Jésus. Ceux-là se détourneront de ce livre, et peut-être même ne manqueront-ils pas de prier pour l’âme de l’auteur. Et pourtant, chacun sait que la doctrine chrétienne a été élaborée plusieurs siècles après la mort de Jésus, lors du concile de Nicée. Faute de documents irréfutables, il est extrêmement difficile de se faire une idée de ce qu’était le christianisme pré-nicéen. Ce constat n’a pas rebuté le prêtre orthodoxe Jean-Yves Leloup qui entreprend dans ce petit bouquin passionnant de retourner aux sources afin de comprendre quel était le message original de Jésus, en s’appuyant sur les évangiles apocryphes et les textes canoniques.

Outre celle de Jésus, ce brillant théologien s’intéresse à deux figures essentielles pourtant mal connues de la vie de Jésus, à savoir Judas l’Iscariote et Marie de Magdala. En s’appuyant sur de nombreux mystiques dont Maître Eckart et sur la psychanalyse jungienne, Leloup arrive avec brio à nous donner un portrait lumineux de Jésus, celui d’un maître spirituel dont l’enseignement est consacré à l’amour inconditionnel. Cet amour, appelé agapé n’est possible qu’après un long travail sur soi-même, afin de devenir comme le dit souvent l’auteur, des hommes qui aiment non à cause de leurs manques mais grâce à leurs complétudes. Devenir un homme total en intégrant toutes nos dimensions y comprise la sexuelle tant réprimée par les Eglises, tel serait donc notre but, celui dont Jésus nous a montré la voie. Dans cette optique, la chasteté ne doit pas être comprise comme une abstinence sexuelle mais comme une sacralisation de l’acte, une sublimation de l'amour entre deux personnes d'origine divine.

Ce livre est très court mais aussi très dense, il ne peut être lu que par petites doses et nécessite une grande attention, mais c’est indiscutablement un dépoussiérage passionnant de la vie de l’homme qui a le plus marqué notre civilisation.
Enfin, l'auteur se livre à une étude comparée des religions entre le christianisme, le judaïsme, l’hindouisme et le bouddhisme et nous suggère que loin d'être opposées, ces philosophies se rejoignent quelque part, peut-être à l'infini comme les parallèles dans la géométrie euclidienne?
 

 

LELOUP – LETTRES A UN AMI ATHÉE

Jean-Yves Leloup

Edition Philippe Rey

 2008

Peut-on croire en Dieu ? Pourquoi être chrétien ? Quelle est la fonction des Églises ? Quelles places donner au corps, à la sexualité, à la méditation dans une quête de sens et de vérité ? A ces questions essentielles qu'un jeune philosophe athée lui pose, Jean-Yves Leloup ne se dérobe pas. Il n'impose jamais son point de vue mais partage son expérience et explique la tradition orthodoxe qui est la sienne. Il dénonce aussi - parfois avec humour - les faiblesses intellectuelles et humaines des athéismes contemporains dont il fut autrefois un ardent défenseur. Par-delà cet " ami athée ", grâce à ces textes lumineux, Jean-Yves Leloup s'adresse à tout être qui a un corps, une intelligence et un cœur " vivants ".Ces lettres furent écrites par J.Y Leloup lors de son séjour au Mont Athos, après avoir eu un accident et une ’’mort clinique’’

Tu me demandes ce que je fais, là, au Mont Athos. « Après tout ce que j’ai vécu, je ne vais tout de même pas me “rendre à Dieu”, à l’évidence… Jusqu’ici nous nous sommes très bien passés de cette hypothèse… » « Je ne croirai jamais, me dis-tu, que la grâce te soit tombée sur la tête, je crois plutôt que tu fuis. Tu renonces au réel, tu vas rejoindre la horde des rêveurs d’outre-monde, tu vas cacher derrière une barbe, des volutes d’encens et sans doute bientôt une robe noire, ta vanité ou ta vacuité. Je ne doute pas, connaissant tes goûts esthétiques, que le mont Athos soit un refuge idéal pour ta lâcheté…

Après tout, pourquoi ne pas vivre ta vie absurde, accompagné de chants   byzantins, de belles icônes, dans une nature préservée, un climat agréable, parmi des architectures historiques d’une grande beauté et des hommes sans doute intelligents et d’une fine douceur ?… »

Si j’étais le cynique que tu imagines, je te dirais : oui, pourquoi pas ? Est-ce être lâche que d’aimer la beauté, le calme, et la compagnie de ceux qui les apprécient ? N’est-ce pas toi, le fou ou le malade ? Continuer à vivre dans un monde que tu considères, tu me l’as dit, de plus en plus laid, lourd, invivable ? Qu’est-ce qui te fait courir ainsi ? T’épuiser non seulement dans le travail, mais aussi dans toutes sortes de rencontres ou relations que tu juges de plus en plus vaines ? Tu me disais un jour que la médiocrité te semblait insupportable et que pourtant « il fallait y consentir… Désirant ce qu’il n’a pas ou ayant ce qu’il désire, dans un cas comme dans l’autre, l’homme est malheureux… » Ne pense pas que j’ai vendu ma lucidité pour un peu d’« eau de vie » (ouzo) et quelques loukoums ? Avant d’arriver ici, j’ai pris le soin et le temps de me suicider… La « grâce » pour un athée fervent et dogmatique comme toi, ne pouvait prendre que des allures fatales… Mais, rassure-toi, rien ne m’est tombé sur la tête, c’est le corps simplement qui s’est écroulé ! De fatigue, de poisons… j’ai eu peur ! Comment ai-je eu peur, moi qui disais : « On ne peut pas avoir peur de “rien” »… puisque j’étais persuadé qu’il n’y avait rien, ni avant la mort ni après la mort. Mais ce « rien » n’était qu’une pensée, une représentation, sans ressemblance avec la réalité, celle à laquelle on n’y pense plus, mais où simplement on « est ». C’est la réalité qui nous intéresse, n’est-ce pas ? Alors allons-y : que reste-t-il quand il ne reste plus rien ? C’est difficile à dire, puisque justement il ne reste plus personne pour le dire. Et pourtant je dois t’avouer ce qui s’est passé, à ma grande surprise et bien indépendamment de ma volonté… J’ai déjà fait le récit de cette aventure, je ne vais rien y ajouter :

Arrivé à Istanbul, je tombai gravement malade. On m’a dit par la suite que j’avais dû être empoisonné mais je ne trouve personne à accuser sinon moi-même qui, dans mon indifférence, pouvait manger ce qui restait dans les rues après un marché et boire des eaux qui ne coulaient pas toutes de source. Je mangeais si peu qu’à mon avis c’est dans les eaux sales du Bosphore qu’il faut chercher le microbe fatal. On me trouva dans la rue sans connaissance. Voyant que j’étais européen, on me conduisit dans un hôpital où vivaient encore des médecins et des infirmiers français. Après les examens d’usage,   dont un électro-encéphalogramme, on me déclara « mort ». Je n’étais pas le premier de ces jeunes Européens qu’on retrouvait ainsi. Drogue, misère, empoisonnement, peu importe, on les déclarait vite morts et,   s’ils n’avaient pas de papiers, ce qui était mon cas, on ne tardait pas à les enterrer, ce qui allait être mon cas. On décida néanmoins d’attendre un peu et de m’installer dans une chambre fraiche, à l’écart. Raconter ce que j’ai vécu alors me semble bien difficile ; d’abord parce que, avec un électro-encéphalogramme plat, on ne pense plus, ensuite parce que mon expérience n’a rien de très original lorsqu’on connaît les nombreux récits de near death experience dont on parle aujourd’hui.

Je suis toujours étonné de l’abondance d’images et de lumière dont témoignent ces rescapés de la mort. Pour moi ce fut plutôt le vide. Rien, mais j’avoue n’avoir jamais connu un état de plénitude semblable à ce vide, à ce Rien. Je vais essayer d’être le plus honnête possible et te décrire avec des mots ce que je sais hors d’atteinte des mots. Les concepts en effet appartiennent à l’espace-temps, et font toujours référence à un « quelque chose » ou au monde. Or cette expérience ne s’est pas vécue dans notre espace-temps et demeure donc hors d’atteinte des instruments qui y sont forgés. D’abord, « je ne voulais pas mourir » ! J’avais souhaité la mort, je m’y étais préparé de toutes sortes de façons, conscientes et inconscientes, et, au moment où « cela » arrivait, je disais, non ! J’ai peur, et plus je dis non, plus je souffre… quelque chose d’intolérable, une révolte de tout mon corps, de tout mon psychisme, non ! Puis, devant l’inéluctable, l’intolérable surtout de la souffrance, quelque chose en moi craque, sombre, et en même   temps acquiesce. À quoi bon lutter ? Oui. J’accepte… À l’instant même de ce « oui », toute douleur s’évanouit. Je ne sentais plus rien, ou quelque chose de très léger. Je comprenais le symbole de l’oiseau dont on se sert pour représenter l’âme.

J’étais toujours dans ma petite boîte ou dans ma cage, mais l’oiseau déjà étendait ses ailes, prenait son vol. Sensation d’espace, « horizon non empêché », mais toujours conscience, extrêmement vive, lumineuse, que je percevais à la fois dans mon corps et hors de mon corps. Puis, pour reprendre l’image (inadéquate), « l’oiseau sortit de sa cage », sortit du corps et du monde qui l’entourait, mais l’oiseau avait encore sa conscience d’oiseau, autonome et bien différenciée de sa cage… L’« âme » existe bien en dehors du corps qu’elle informe ou qu’elle anime, cela a été rapporté par d’autres témoins. Puis… comment dire, comme si le vol sortait de l’oiseau, un vol qui   continue sans l’oiseau et qui s’unit à l’Espace… Il n’y eut plus de conscience, plus de « conscience de quelque chose », corps, âme ou oiseau : rien… Mais ce rien, ce nothing (pas une chose, disent mieux les Anglais), c’était l’Espace qui contenait le vol, la cage et l’oiseau, cette vastitude contenait la conscience, l’âme et le corps, ce n’était rien de particulier, de déterminé, d’informé. Cela n’est Rien, cela Est… c’est tout ce que je peux dire. Pendant ce « temps-là », ou plutôt pendant cette « sortie de ce temps-là », on préparait mon enterrement… Que s’est-il passé ? Je me souviens seulement d’un homme qui a crié en français : « Il n’est pas mort ! » et on entreprit alors des choses désagréables pour me réanimer. Le vol revint dans l’oiseau, l’oiseau redescendit dans sa cage, l’oiseau suffoquait, il n’arrivait pas à respirer, on lui mit dans les poumons « un air qui n’était pas le sien », on lui transfusa dans les veines toutes sortes de liquides qui n’étaient pas son sang… Quand il commença à gémir, tout le monde fut rassuré : « Il sort du coma. »

 

LELOUP  -    FAIRE LA PAIX

 Jean-Yves  Leloup

Edition Albin Michel

 2016

Jean-Yves Leloup nous pose une question radicale : qui est l’autre, qui est mon prochain et comment l’aimer plutôt que le haïr ? Il nous rappelle que pour faire la paix, que cela soit en couple, en famille, en société, entre ethnies, entre religions... donner ce que l’on a de meilleur à l’autre n’est pas donner si cela ne répond pas au désir de l’autre. Le problème de la violence demande une approche transdisciplinaire : la sociologie, la philosophie, la spiritualité peuvent éclairer nos comportements et nous préparer à des actes « ajustés » aux situations particulières. Mais l’essentiel est ailleurs. Tout comme le dit saint Séraphim de Sarov : « Trouve la paix intérieure et une multitude sera sauvée à tes côtés. »

 

La paix intérieure est une expérience commune au corps et à l'esprit. Le profond repos physique expérimenté durant la pratique de la Méditation Transcendantale permet de dissoudre le stress et la fatigue accumulés. Un système nerveux détendu permet de faire face aux différentes situations de la vie avec plus de calme.

 

En ajoutant l'expérience du calme de la Méditation  à votre routine quotidienne, la paix intérieure grandit. La tendance naturelle de l'esprit est de se diriger vers davantage de bonheur et de paix. Avec la pratique de la Méditation, ce processus prend place naturellement et automatiquement. Les recherches scientifiques ont montré que la Méditation diminue l'anxiété, la dépression ainsi que les symptômes de stress post-traumatique.

 

La paix intérieure est l'état de calme et de recentrage qui est nécessaire pour être pleinement efficace. Chez les sportifs, on dit : " être dans la zone ". Pour les athlètes, cela signifie être à l'apogée de ses possibilités tout en maintenant un point de vue global calme. Vous n'avez pas besoin de... vous retirer au sommet d'une montagne pour trouver la paix intérieure. Il suffit de pratiquer la Méditation  deux fois par jour.

 

En ajoutant l'expérience apaisante de la Méditation  à votre routine quotidienne, la paix intérieure se développe. Tout comme un tissu qui serait alternativement plongé dans la teinture, puis exposé au soleil qui le décolorera, jusqu'à ce qu'il garde totalement la couleur désirée. De la même façon, l'alternance de la méditation et de l'activité produit rapidement un état de calme intérieur qui vous permet de n'être jamais dépassé par les expériences stressantes de la vie. Peu importe les difficultés qui surviennent, vous y faites face avec un état d'esprit de plus en plus fort et stable.

 

 

LELOUP -  LE CANTIQUE DES CANTIQUES

Jean-Yves Leloup

Ed. Presses du châtelet

2017

Peu de livres de l’Ancien Testament ont été autant commentés que le Cantique des cantiques, long poème chantant l’union du Bien-Aimé et de la Bien-Aimée. On ne l’aborde pas sans en être transformé, car il y brûle un feu singulier autant qu’universel…

 

Les nombreuses exégèses de ce texte, qu’elles soient chrétiennes, hébraïques ou profanes – union de l’âme avec Dieu, illustration de la Création divine, poème érotique – se complètent plus qu’elles ne se contredisent. Chacun approche le Cantique de façon unique, avec sa crainte et son émerveillement, son savoir et son désir…

 

L’intensité de la lumière qu’il en reçoit dépend de la qualité du regard qu’il lui porte. Écoutant le chœur des différentes traditions et analysant leur richesse, Jean-Yves Leloup offre à son tour une vibrante traduction de ce « buisson ardent de mots exotiques », d’où rayonnent toutes les étincelles de l’Amour

 

Pénétrer le parc paradisiaque du Cantique des cantiques, c’est entrer dans ce beau jardin sensuel des fleurs et des animaux exotiques, des épices et des aromates aphrodisiaques, des fruits exquis et du vin parfumé.

Ce jardin éveille et excite tous les sens. On aspire la senteur des parfums qu’exhalent la myrrhe, le nard, ainsi que la fragrance du pommier en fleur. On regarde les bondissements des gazelles sur les montagnes. On savoure des gâteaux de raisins et de dates et on déguste le meilleur des vins et des liqueurs. On entend les roucoulements de la tourterelle et de la colombe. On cueille des lis et caresse le poil doux d’un faon. La bien-aimée invite son amour à entrer dans son jardin pour manger de ses fruits exquis (4.16). Il y vient pour recueillir sa myrrhe avec ses aromates, manger son miel et boire son vin (5.1). Il y descend, comme une gazelle, pour paître parmi les lis (6.2-3,11). Ce jardin, comme le vignoble, le verger ou le champ, symbolise le corps, plus précisément, la sexualité.

 

Voilà pourquoi ce Cantique est « Le Cantique des cantiques » au sens superlatif. C’est le chant incomparable, le poème le plus beau, le cantique sublime1. Entrer dans ce paradis (Pardès, 4.13) des amoureux, dans lequel sentir ces fragrances et savourer ces délices symbolisent le désir et le plaisir, c’est évidemment franchir le seuil du monde de la métaphore. Les métaphores du Cantique éveillent les sens, d’où la conscience de la sensualité. Aspirer des parfums, c’est l’appréciation mutuelle de leurs attraits et l’anticipation de l’amour de l’autre. Cueillir des fruits ou paître parmi les fleurs, c’est jouir des intimités: embrasser, étreindre, caresser, manger ou boire les délices, voire s’enivrer, c’est la jouissance sublime mutuelle, l’extase sexuelle (4.16-5.1). Si le désir est gourmand, l’assouvissement du désir, le plaisir, est gastronomique. Il ne manque pas de mets  Dans le monde de ces amants, le bien-aimé n’est pas seulement un berger ou un jardinier. Pour elle, lui, c’est aussi un « roi », et même un « Salomon » Quant à la bien-aimée, si elle est bergère ou jardinière, elle est aussi, pour lui, une « Salomonesse » (shulamit, 7.1), une « fille d’un prince » (7.2). Tous les mets succulents, les festins et banquets, la litière somptueuse sont dignes de ce couple « royal » au jour de leurs noces (3.11) et de leur lune de miel

 

Contrairement à nos usages de la métaphore, qui renvoient souvent à la forme ou à la qualité d’une chose comparée, dans le Cantique, la métaphore, mettant en rapport deux choses différentes, véhicule un effet ou un état. Ainsi, en entendant « tes caresses sont meilleures que du vin », on ne cherche pas le rapport entre les caresses, ou plus précisément la jouissance sexuelle  et la substance liquide du vin, que ce soit son aspect, son goût ou son odeur, mais l’effet ou l’état que celui-ci produit: l’allégresse, l’exaltation, l’ivresse (5.1). La mise en rapport métaphorique du vin (le donneur de sens) et de l’amour (le récepteur de sens) vise à dynamiser la jouissance suprême. Et voici le fondement (le point de comparaison) de la métaphore: cette jouissance dépasse la réjouissance produite par le vin, le plaisir sexuel est plus exaltant que l’effet enivrant du vin.

 

En effet, la vigne dans le Cantique est une métaphore très appropriée de la sexualité de la bien-aimée (1.6, 8.12). La vigne est la source du vin, tout comme le corps de l’un est la source du plaisir de l’autre. C’est dans les vignobles que la bien-aimée souhaite donner son amour à son amant. Pour que le vignoble donne son fruit à la personne pour laquelle il est cultivé, il faut, comme elle le fait, bien le garder. Le vignoble est entouré d’un mur et, en son sein, il y a des tours. Face à la question de sa chasteté avant le mariage, elle déclare: « Je suis un rempart et mes seins sont des tours ». Le gardiennage du vignoble consiste aussi à chasser les « renards », ces « creuseurs de trous » en hébreu, qui ravagent les « vignes » (2.15), métaphore ici, comme dans des poèmes d’amour du Proche-Orient ancien, des coureurs de jupons. Ravager est le même mot (habal), traduit plus loin par « concevoir, devenir enceinte »: elle veut éveiller son bien-aimé sous un pommier, « le même où ta mère t’a conçu » (8.5). Dans ce monde des amoureux, où le désir risque de frôler le plaisir « avant l’heure », elle ressent la grande responsabilité que représente le gardiennage de cette « vigne à moi dont je dispose »

 

LELOUP - L’ECCLḖSIASTE - QÔHELET -  LA SAGESSE DE LA LUCIDITḖ

Jean - Yves Leloup

Ed. Presses du Châtelet

2016

Peut-on être lucide sans être désespéré ? La Sagesse, c’est l’expérience de “laisser Dieu être Dieu”. Ne pas lui créer d’obstacle et s’abandonner au mouvement de la Vie qui se donne. Première étape sur le chemin de la sagesse et de l’amour proposé par les livres bibliques attribués à Salomon (l’archétype du Sage), L’Ecclésiaste est le plus décapant : la lucidité est essentielle car, sans elle, contemplation et amour ne sont que vanité. Mais, si « tout est évanescence et poursuite du vent », ne nous reste-t-il pas encore le miracle et la joie de l’instant ? Telles sont les questions que le Qohélet nous pose. Dans cette nouvelle traduction, enrichie d’une interprétation originale, Jean-Yves Leloup montre l’actualité de ce « grand grognard » dont les paradoxes sont aussi ceux de notre temps.

 

Le sens de Qohéleth serait la prédication personnifiée. Mais qui est ce prédicateur ? Le titre semble dire que c'est Salomon, ce que paraissent au premier coup d'oeil confirmer la parole 1.1 : « Moi, l'Ecclésiaste, j'ai été roi à Jérusalem, » et la description de la magnificence, des jouissances de toute sorte, de la vie luxueuse que s'est accordées l'auteur (chapitres 1 et 2), aussi bien que de la sagesse qu'il a cultivée avec tant de soin (1.16-17). Mais l'expression même : « J'ai été roi, » ne permet guère de penser à Salomon lui-même ; car Salomon ayant été roi jusqu'à sa mort, il ne pouvait lui-même parler de son règne comme d'une chose passée. L'auteur dit encore, 2.9 : « Je devins grand, toujours plus grand, plus que tous ceux qui ont été avant moi à Jérusalem. » Or, Salomon n'avait eu qu'un prédécesseur à Jérusalem, David. Cet unique exemple ne pourrait justifier l'expression « tous ceux. » De plus, l'état de désordre social dont ce livre offre le tableau ne peut s'appliquer aux quarante années du règne de Salomon, qui ont été une époque d'ordre et de prospérité sans pareille. La situation supposée dans tout le livre est bien plutôt le triste état du peuple sous la domination persane, tel qu'il ressort des livres d'Esdras et de Néhémie.

 

Enfin, le livre abonde en termes qui n'appartiennent qu'à une époque bien postérieure au temps de Salomon et dont on ne retrouve des analogues que dans les tout derniers écrits de l'Ancien Testament, ceux qui sont postérieurs à l'exil, comme Esdras, Néhémie et en particulier le prophète Malachie. A tous égards, pour le fond comme pour la langue, l'Ecclésiaste n'a son pareil que dans l'écrit de Malachie : culte cérémonial fidèlement pratiqué extérieurement, mais sans piété intérieure ni vraie crainte de Dieu ; argumentation par voie d'interrogations humiliantes et poignantes. « De tous les livres de la Bible, dit le savant Ewald, c'est celui de Malachie qui ressemble le plus à l'Ecclésiaste. » Il n'y a pas jusqu'au terme d'ange de l'Eternel, pour désigner le souverain sacrificateur, qui ne soit commun à ces deux écrits, et à eux seuls (Ecclésiaste 5.6 et Malachie 2.7). Ces indices sont suffisants pour prouver que ce ne peut être le roi Salomon qui a écrit cet ouvrage.

 

D'où vient donc qu'il lui soit attribué dans le livre ? Salomon, tenu pour l'auteur des Proverbes, était envisagé comme le représentant de la Sagesse, dont il avait tracé l'admirable tableau (Proverbes chapitre 8). Les sages qui écrivaient après lui n'étaient que les continuateurs de son oeuvre. L'un d'eux, l'auteur anonyme de l'Ecclésiaste, voulant faire ressortir avec force la vanité des biens de la terre, met ses méditations dans la bouche de l'homme qui, ayant possédé ces biens au plus haut degré, avait pu faire, comme aucun autre, l'expérience de leur insuffisance pour procurer le bonheur, d'autant qu'à la jouissance de tous les plaisirs et de tous les divertissements, de la richesse et de la gloire, il avait joint la possession d'une science, d'une sagesse et d'un génie incomparables. Mais, tout en mettant dans sa bouche ce qu'il veut dire au monde qui l'entoure, le prédicateur a soin de faire entendre, par les paroles que nous avons citées, que ce n'est là qu'une forme littéraire et qu'il n'a nullement voulu se faire passer pour le vrai Salomon.

 

Cette manière de voir, qui est maintenant généralement admise, n'a point été, nous le reconnaissons sans peine, celle de l'antiquité juive. Alors, sans doute, on était loin de s'entendre sur la valeur spirituelle et morale de l'Ecclésiaste. Bien des docteurs, l'école de Schammaï en particulier, se demandaient si ce livre, qui, à ce que l'on pensait, avait été reçu au nombre des écrits canoniques par les mêmes gens d'Ezéchias qui s'étaient occupés de compléter le livre des Proverbes (Proverbes 25.1), méritait bien cet honneur, et s'il ne convenait pas de le reléguer parmi les Apocryphes. On lui reprochait de renfermer des contradictions, d'exprimer des sentiments dangereux, propres à scandaliser les faibles et à miner les croyances en l'immortalité de l'âme et en la vie à venir. Ce ne fut que grâce à sa conclusion, où est fermement proclamée, en fin de compte, la nécessité absolue de la crainte de Dieu, que les soixante et douze rabbins qui composaient le synode de Jabné, l'an 90 de notre ère, le déclarèrent solennellement digne de figurer parmi les écrits sacrés.

 

Mais personne, dans ces temps-là, ni l'école de Schammaï, ni celle de Hillel, ne doutait aucunement qu'il eût Salomon pour auteur. Le Cantique des cantiques passait sans contestation pour être un fruit de la jeunesse, les Proverbes de l'âge mûr, l'Ecclésiaste de la vieillesse de Salomon. On s'était laissé prendre par la fiction, assez transparente cependant, que nous avons signalée, et d'ailleurs on n'avait, à cette époque, absolument aucun sens pour l'étude comparée des monuments littéraires qu'un peuple a pu élever dans les diverses périodes de son histoire. Il faut descendre jusqu'à Luther pour trouver un pressentiment de la vérité. Dans ses « Propos de table, » il déclare que l'Ecclésiaste est l'un des plus jeunes livres de l'Ancien Testament et qu'il est peut-être de Jésus, fils de Sirach, l'auteur de la Sapience.  

 

LELOUP  -  LA SAGESSE DE SALOMON

Jean-Yves Leloup

Edition Albin Michel

 2018

Si la sagesse de Salomon diffère par son style et son contenu de L'Ecclésiaste, il s'enracine dans une même lucidité décapante : tout est illusion, impermanence. Mais là où L'Ecclésiaste se contente de dire : « Tout est poussière et retourne à la poussière », la Sagesse de Salomon préfère : « Tout est lumière et retourne à la lumière ». La mort n'est pas le dernier mot, et l'homme mortel n'est pas la fin de l'homme.

 

Comme il a décrypté le Qohélet, Jean Yves Leloup dévoile ici l'importance d'un livre charnière entre la philosophie et la Révélation, mais aussi entre Premier et Second Testament, dont Paul de Tarse et Jean d'Éphèse se sont largement inspirés. À la suite de Salomon, considéré comme le roi le plus sage de l'Ancien Testament, il nous invite à découvrir la Sagesse de la sagesse : rigueur (justice) et tendresse (miséricorde).

 

Ce livre est appelé la Sagesse de Salomon, parce que Salomon, dit-on, écrivit aussi ce livre. Il contient l'enseignement de la justice et apprend à discerner les hommes méchants de ceux que le zèle du bien anime; il prophétise touchant le Christ. Il apprend qu'il est besoin d'un long travail et d'un vif désir pour obtenir la sagesse. Il décrit certaines parties de la nature; il s'élève contre les idoles, contre ceux qui les font, contre ceux qui mettent en elles leur espérance et qui les adorent. Hymne et actions de grâces pour toutes les choses admirables survenues aux Israélites en présence de leurs ennemis et qui furent l'oeuvre de Dieu. Tel est le contenu de tout ce livre; mais la récapitulation selon l'ordre des chapitres est celle-ci

Au commencement, exhortation du juste à la piété et blâme infligé à l'impie blasphémateur. « N'imitez pas les antéchrists, car ils sont fils de la mort.» Ainsi, les impies en sont venus au point de crucifier le Dieu de gloire, en mettant au-dessus de lui le siècle présent. Ils ont poursuivi de même et mis à mort les Apôtres. Il arrivera que plusieurs mépriseront la loi de Dieu et que d'autres la pratiqueront.

 

Dieu n'épargnera pas la multitude de ceux qui sont impies envers le Christ. Mais Dieu. veille sur un seul juste qui a mis sa confiance dans le Christ, même lorsqu'il meurt jeune« Ce n'est pas le long espace du temps qui fait une vieillesse vénérable. » (IV, 8.) L'impie méprise la mort de celui qui croit dans le Christ, mais celui-ci est discerné par le Christ lui-même. Les impies seront livrés à une ruine ignominieuse et ceux-là sont réservés à un jugement sévère et à la condamnation, qui auront persécuté les serviteurs du Christ, car ils verront la gloire du Christ et de ses disciples, tandis qu'eux-mêmes seront livrés au supplice.

 

La richesse amène à sa suite l'orgueil. Quelle est la colère de Dieu contre ceux qui se (564) sont montrés impies envers le Christ. Exhortation aux princes d'Israël pour qu'ils croient au Christ, ou plutôt exhortation aux chefs de l'Eglise catholique sur la manière de gouverner après qu'il aura quitté le monde. Quelle est la Sagesse, c'est-à-dire le Fils de Dieu. Comment le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous. Car, dit-il, j'ai souffert les mêmes choses que vous, étant homme et soumis à la loi par l'ordre de Dieu. Concernant le Christ : c'est par la sagesse de Dieu que j'ai la connaissance de toutes choses; « nous sommes entre ses mains, nous et nos discours. » (VIII, 16.) Quelle est la sagesse et comment elle est venue parmi les hommes; « elle est unique et elle peut tout, elle demeure en elle-même et elle renouvelle toutes choses. » (Ibid. XXVII.)J'ai aimé la sagesse dès ma jeunesse, dit-il, et j'ai reçu d'elle tous les biens de la chair et de l'esprit. Ayant connu la grandeur de la sagesse, j'ai prié le Seigneur de me donner son Esprit-Saint qui me la ferait connaître. Et il m'a été envoyé de sorte qu'il m'est venu en aide dans mes œuvres. Car, « les pensées des mortels sont sans force. »

 

Quelles sont les œuvres de la sagesse. Comment elle a gardé le premier homme; de quels maux Dieu délivre ceux qui croient en lui et quels grands biens il leur accorde, ainsi qu'il arriva à Noé, Abraham , Lot, Jacob, Joseph, aux Israélites qu'il délivra des mains des Egyptiens par la main de Moïse et qu'il rassasia de l'eau sortie du rocher. Comment il envoya les guêpes à sept nations et ensuite, usant de longanimité, il leur donna le temps du repentir, enseignant par-là à son peuple à se montrer miséricordieux. Contre les adorateurs des éléments, des grenouilles, des moucherons, des rats, des sauterelles, des guêpes, des serpents. Contre les adorateurs des idoles d'or ou d'argent, de bois ou de pierre. Que par le bois le salut sera accordé à ceux qui croient. De ceux qui fabriquent les idoles ou qui en font la représentation. De tous les maux qui résultent de l'idolâtrie. Des mauvaises religions et combien de maux en découlent. De la céramique et des idoles de terre cuite. De toutes les idoles qu'adorent les nations, les animaux ennemis de l'homme, les serpents, les chats et autres semblables.

 

Que Dieu accorda un bienfait au peuple d'Israël, envoyant des cailles au lieu des grenouilles. Que contre la morsure des serpents le salut fut donné au peuple par le serpent d'airain suspendu à la croix; mais les ennemis d'Israël furent mis à mort par les serpents et parles rats. Que Dieu nourrit son peuple de la nourriture des anges, accommodée au goût de chacun et renfermant toutes les saveurs. Qu'il envoya la grêle et le tonnerre pour détruire les richesses des Egyptiens. Qu'il envoya aux Egyptiens les ténèbres palpables et les maux qui les accompagnaient, mais qu'il envoya à ses saints la lumière en Egypte et la comme de feu dans le désert. En punition de la mort des enfants hébreux, il envoya la mort aux premiers-nés des Egyptiens et il engloutit l'armée dans les ondes, et tandis que les premiers-nés étaient frappés de mort, le salut était accordé à Israël par le sang de l'agneau. Pour les justes menacés de mort dans le désert, Aaron fléchit le Seigneur en priant et offrant de l'encens; pour la mort des Egyptiens submergés dans la mer Rouge, la colère de Dieu fut sans miséricorde, et le passage du peuple s'accomplit d'une manière admirable: Que les Egyptiens soutinrent ces maux à cause de leur inhumanité envers des étrangers, de même que les habitants de Sodome. Que tous les éléments sont soumis à la volonté divine du Christ, prêts à obéir à son commandement, comme les cordes de la cithare obéissent aux doigts de celui qui tient l'instrument. Dans ces choses est toute la substance du livre de la Sagesse de Salomon, qui mérite le nom de Panarétique.

 

LELOUP -  LE LIVRE DE SALOMON – LA SAGESSE DE LA CONTEMPLATION                                                                        

Jean-Yves Leloup

Ed. Presses du Châtelet

2017

D’un style et d’un contenu bien différents de L’Ecclésiaste (Qohélet), le Livre de Salomon s’enracine pourtant dans la même lucidité décapante : tout est illusion, buée, impermanence. Devant toute parole, il s’agit de savoir « qui » parle, d’où vient cette parole ou cette écriture, quelle est la source de son inspiration ? Proposant une nouvelle traduction et une interprétation originale de ce livre essentiel (à la charnière entre la philosophie et la Révélation, mais aussi entre le Premier et le Second Testament), Jean-Yves Leloup montre l’importance de ce texte, dont Paul de Tarse et Jean d’Éphèse se sont largement inspirés. À la suite de Salomon, archétype du sage, l’auteur nous invite à découvrir la Sagesse de la contemplation : rigueur (justice) et tendresse (miséricorde).

Ce livre est appelé la Sagesse de Salomon, parce que Salomon, dit-on, écrivit aussi ce livre. Il contient l'enseignement de la justice et apprend à discerner les hommes méchants de ceux que le zèle du bien anime; il prophétise touchant le Christ. Il apprend qu'il est besoin d'un long travail et d'un vif désir pour obtenir la sagesse. Il décrit certaines parties de la nature; il s'élève contre les idoles, contre ceux qui les font, contre ceux qui mettent en elles leur espérance et qui les adorent. Hymne et actions de grâces pour toutes les choses admirables survenues aux Israélites en présence de leurs ennemis et qui furent l'oeuvre de Dieu. Tel est le contenu de tout ce livre; mais la récapitulation selon l'ordre des chapitres est celle-ci

Au commencement, exhortation du juste à la piété et blâme infligé à l'impie blasphémateur. « N'imitez pas les antéchrists, car ils sont fils de la mort.» Ainsi, les impies en sont venus au point de crucifier le Dieu de gloire, en mettant au-dessus de lui le siècle présent. Ils ont poursuivi de même et mis à mort les Apôtres. Il arrivera que plusieurs, mépriseront la loi de Dieu et que d'autres la pratiqueront. Dieu n'épargnera pas la multitude de ceux qui sont impies envers le Christ. Mais Dieu. veille sur un seul juste qui a mis sa confiance dans le Christ, même lorsqu'il meurt jeune « Ce n'est pas le long espace du temps qui fait une vieillesse vénérable. » (IV, 8.) L'impie méprise la mort de celui qui croit dans le Christ, mais celui-ci est discerné par le Christ lui-même. Les impies seront livrés à une ruine ignominieuse et ceux-là sont réservés à un jugement sévère et à la condamnation, qui auront persécuté les serviteurs du Christ, car ils verront la gloire du Christ et de ses disciples, tandis qu'eux-mêmes seront livrés au supplice.

La richesse amène à sa suite l'orgueil. Quelle est la colère de Dieu contre ceux qui se (564) sont montrés impies envers le Christ. Exhortation aux princes d'Israël pour qu'ils croient au Christ, ou plutôt exhortation aux chefs de l'Eglise catholique sur la manière de gouverner après qu'il aura quitté le monde. Quelle est la Sagesse, c'est-à-dire le Fils de Dieu. Comment le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous. Car, dit-il, j'ai souffert les mêmes choses que vous, étant homme et soumis à la loi par l'ordre de Dieu. Concernant le Christ : c'est par la sagesse de Dieu que j'ai la connaissance de toutes choses; « nous sommes entre ses mains, nous et nos discours. » (VIII, 16.) Quelle est la sagesse et comment elle est venue parmi les hommes; « elle est unique et elle peut tout, elle demeure en elle-même et elle renouvelle toutes choses. » J'ai aimé la sagesse dès ma jeunesse, dit-il, et j'ai reçu d'elle tous les biens de la chair et de l'esprit. Ayant connu la grandeur de la sagesse, j'ai prié le Seigneur de me donner son Esprit-Saint qui me la ferait connaître. Et il m'a été envoyé de sorte qu'il m'est venu en aide dans mes oeuvres. Car, « les pensées des mortels sont sans force. » (IX, 14.)

Quelles sont les oeuvres de la sagesse. Comment elle a gardé le premier homme; de quels maux Dieu délivre ceux qui croient en lui et quels grands biens il leur accorde, ainsi qu'il arriva à Noé, Abraham , Lot, Jacob, Joseph, aux Israélites qu'il délivra des mains des Egyptiens par la main de Moïse et qu'il rassasia de l'eau sortie du rocher. Comment il envoya les guêpes à sept nations et ensuite, usant de longanimité, il leur donna le temps du repentir, enseignant par-là à son peuple à se montrer miséricordieux. Contre les adorateurs des éléments, des grenouilles, des moucherons, des rats, des sauterelles, des guêpes, des serpents. Contre les adorateurs des idoles d'or ou d'argent, de bois ou de pierre. Que par le bois le salut sera accordé à ceux qui croient. De ceux qui fabriquent les idoles ou qui en font la représentation. De tous les maux qui résultent de l'idolâtrie. Des mauvaises religions et combien de maux en découlent. De la céramique et des idoles de terre cuite. De toutes les idoles qu'adorent les nations, les animaux ennemis de l'homme, les serpents, les chats et autres semblables. Que Dieu accorda un bienfait au peuple d'Israël, envoyant des cailles au lieu des grenouilles.

Que contre la morsure des serpents le salut fut donné au peuple par le serpent d'airain suspendu à la croix; mais les ennemis d'Israël furent mis à mort par les serpents et parles rats. Que Dieu nourrit son peuple de la nourriture des anges, accommodée au goût de chacun et renfermant toutes les saveurs. Qu'il envoya la grêle et le tonnerre pour détruire les richesses des Egyptiens. Qu'il envoya aux Egyptiens les ténèbres palpables et les maux qui les accompagnaient, mais qu'il envoya à ses saints la lumière en Egypte et la comme de feu dans le désert. En punition de la mort des enfants hébreux, il envoya la mort aux premiers-nés des Egyptiens et il engloutit l'armée dans les ondes, et tandis que les premiers-nés étaient frappés de mort, le salut était accordé à Israël par le sang de l'agneau. Pour les justes menacés de mort dans le désert, Aaron fléchit le Seigneur en priant et offrant de l'encens; pour la mort des Egyptiens submergés dans la mer Rouge, la colère de Dieu fut sans miséricorde, et le passage du peuple s'accomplit d'une manière admirable: Que les Egyptiens soutinrent ces maux à cause de leur inhumanité envers des étrangers, de même que les habitants de Sodome. Que tous les éléments sont soumis à la volonté divine du Christ, prêts à obéir à son commandement, comme les cordes de la cithare obéissent aux doigts de celui qui tient l'instrument. Dans ces choses est toute la substance du livre de la Sagesse de Salomon, qui mérite le nom de Panarétique.

 

LELOUP - l’Évangile de jean

 Jean Yves LELOUP

Edition ALBIN MICHEL

 1989

Traduit et commenté par Yves Leloup -L’Évangile de Jean est incontournable pour tout chercheur. L’auteur ésotériste reconnu nous donne ici ses commentaires.


Jean Yves Leloup a relevé dans sa traduction de l’Evangile de Jean les nombreux « Ego Eimi » que le « théologien » met dans la bouche de Yeshoua. Ils sont traduits généralement par « Je Suis » ou « c’est moi ». Certains sont suivis par un qualificatif (Je Suis la Vérité, la Lumière, le Pain, etc.). D’autres ont le caractère abrupt ou ambigu d’une affirmation qui donne un poids inouï à la présence même de Yeshoua : « Avant qu’Abraham fut : JE SUIS ».

De nombreux auteurs anciens et modernes reconnaissent là le Nom même de Dieu révélé à Moïse dans le Buisson Ardent, ce qui expliquerait la colère des Iehoudim et leur accusation de blasphème quand ils entendent ce « Je Suis » dans la bouche de Yeshoua ; ce qui expliquerait également la terreur des gardes au moment de son arrestation : « Quand il leur eut dit “Je Suis”, ils tombèrent à la renverse.» Saint Jean attribue ainsi au Nom une puissance qui ne s’adresse pas qu’aux croyants, les soldats romains n’étant pas des plus versés dans l’exégèse savante du Tétragramme Sacré.

Après avoir rappelé quelques interprétations de ce Tétragramme, il importe donc de savoir dans quels contextes Yeshoua « s’approprie » ainsi le Nom Divin, et comment ce « Je Suis » semble structurer et dessiner le « mandala » de l’Evangile de saint Jean. Nous pourrons ensuite nous interroger sur le  caractère particulier de la Révélation contenue dans le « Je Suis » du Christ, en le mettant en résonance plus qu’en le comparant avec les « Je Suis » absolus de saints et de Sages appartenant à d’autres Traditions

Dieu est l’Être – l’Être est Dieu. » « Ce qui est au-dessus de tout nom n’exclut aucun nom. Il inclut au contraire dans une indistinction d’égalité toutes sortes de noms. Aucun d’eux, par conséquent, n’est propre à Dieu, à l’exception de Celui qui est au-dessus de tout nom, en raison de sa commune immanence à tous les noms. Or, l’Être est commun tant à l’universalité des noms qu’à l’universalité des Êtres. “Être” est donc le Nom Propre de Dieu seul. »

Ainsi, pour Maître Eckhart, la Transcendance de Celui qui Est se manifeste pour ainsi dire dans sa Présence à tout ce qui est. De là, il tirera une conclusion importante pour l’expérience mystique : du simple fait d’être, nous « sommes en Dieu ». Il ira même plus loin, en disant : « Nous sommes Dieu. » « Qu’est-ce que Dieu ? Celui sans lequel rien n’est. Il est autant impossible que quelque chose soit sans lui que lui, sans lui-même. Il est l’Être de lui-même et de toutes choses et ainsi, en quelque façon, lui seul EST, qui est son propre Être et l’Être de toutes choses. » Eckhart reprend ici les passages augustiniens du De Consideratione de Saint  Bernard. Il cite également la Bible : « Si lui n’est pas, qui donc est ? » (Job 14, 4) Peut-on penser alors au Christ ou à Hallaj qui, au moment de leur effacement suprême, laissent monter jusqu’à leurs lèvres d’homme le « Je Suis » de « Celui-là seul qui Est » ?

Le nom, pour un Sémite, c’est l’essence d’un être. C’est sa présence même. Ainsi, le Nom de Dieu est redoutable, car c’est Dieu lui-même se manifestant. A l’époque de la rédaction des Evangiles, le Nom était entouré d’un tel respect qu’il ne pouvait être prononcé que dans des cas très particuliers (par le Grand Prêtre, au Temple, le Jour des Expiations). Le désir de connaître le Nom de Dieu est néanmoins légitime. Ce fut le désir de Moïse et de son peuple. Le problème commence lorsqu’il s’agit de traduire ou d’interpréter ce Nom, source d’innombrables spéculations ; autant dire tout de suite qu’il est intraduisible : « Moïse dit à Dieu : “Je vais trouver les enfants d’Israël et je leur dis : Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous ! Mais s’ils demandent quel est son Nom, que leur répondrai-je ?” Dieu dit alors à Moïse : “Ehyèh asher  Ehyèh.” Et il ajouta : “Voici en quels termes tu t’adresseras aux enfants d’Israël : ‛Ehyèh’ m’a envoyé vers vous”. » (Ex. 3, 13/14).

Dans « Ehyèh », nous retrouvons la racine du verbe « être » (hyh). Ce verbe, en hébreu, signifie « une existence, une présence active », d’où la traduction la plus courante : « Je Suis ». La Bible grecque des Septante va  traduire « Ehyèh asher Ehyèh » par « Ego Eimi ho ôn », et la Vulgate « Ego Sum qui Sum », d’où les traductions françaises qui s’en inspirent : « Je Suis Celui qui Est » – « Je Suis Celui qui Suis » – « Je Suis qui Je Suis ». Le livre de l’Apocalypse propose une version développée de ce même Nom, « Ho ôn kai ho ên kai o erkhomenos » – Celui qui est et qui Etait et qui Vient, rappelant ainsi que le « Je Suis » divin embrasse tous les temps. Certains interprètent le « Je Suis qui Je Suis » comme un refus de la part  de Dieu de se nommer. « Tu verras bien Qui je suis – Marche en ma Présence et tu découvriras mon Être … » Thomas Merton va jusqu’à traduire : « Je suis Celui qui n’existe pas » pour rappeler que Dieu n’est pas un « existant » comme les autres, sinon il serait mortel comme tout ce qui existe. « Je n’existe pas – JE SUIS. » Il rejoint là une des tendances de l’exégèse contemporaine qui tient à montrer que la signification du verbe hébreu « hayah » ne correspond pas à celle de son homologue indo-européen.

La racine « es- » : se rapporte à ce qui est « authentique, consistant, vrai », à ce qui est immuable ; en revanche, le verbe hébreu signifie plutôt un devenir, « une existence se manifestant par une activité. » « Je Suis qui je serai » – « Je Suis ce que je ferai avec toi ». Pour E. Jacob, YHWH est Celui qui Est, mais en un sens relationnel et non métaphysique. « Dieu est Celui qui est « avec » quelqu’un. » Il rejoint ainsi l’interprétation talmudique et midrashique : « Je suis (Ehyèh) “avec” eux dans cette détresse » et je suis « avec » eux dans les autres détresses. Moïse dit devant lui : Maître du monde, à chaque moment suffit sa peine ! Dieu lui répondit : Tu l’as bien dit = ainsi, tu parleras aux fils d’Israël : « Ehyèh » m’envoie vers vous… C’est ainsi que Rashi résume l’enseignement des Anciens. En disant cela, les Anciens voulaient insinuer que par cette question « s’ils me disent : quel est son Nom ? » Moïse chercha que Dieu leur transmette le Nom qui apporte un enseignement complet concernant l’existence et la providence. Le Saint, béni soit-il, leur répondit : Pourquoi demandent-ils mon Nom ? Ils n’ont pas besoin d’autre preuve, sinon que Je Suis avec eux en toutes leurs détresses. « Qu’ils m’invoquent, et je les exaucerais. » Faut-il le rappeler : un des Noms de Yeshoua retenu par la tradition chrétienne est « l’Emmanuel », littéralement : « Dieu avec nous. » Un autre respect qu’incarnera Jésus et qui est aussi contenu dans le mystère du Nom, c’est la Miséricorde :

«Sache que l’action du Nom Suprême, qui est EHYEH, est l’action de la Miséricorde Parfaite. C’est le Nom qui fait du bien et qui accorde le don gratuit. Il exerce la Miséricorde, car il n’est pas du côté du jugement, mais du côté de la Miséricorde Parfaite. Comme il est dit (Ex. 33, 19) : devant toi, je prononcerai le Nom de YHWH, je ferai grâce à qui je ferai grâce et j’exercerai la miséricorde avec qui j’exercerai la miséricorde ; le tout selon la volonté qu’aucun être créé ne peut connaître. Grâce à la mesure séphirotique du Nom Ehyèh, qui est entièrement Miséricorde, les Israélites sortirent d’Egypte. »

« Dieu avec », « Miséricorde » : le christianisme ancien reprendra ces thèmes, en précisant que le Nom Divin nous dit que « Dieu EST », mais ne nous dit pas « ce qu’il est ». Il demeure dans son « JE », « Au-delà de tout » (Grégoire de Naziance), au-delà même de l’Être (le Pseudo-Denys). Pourtant « ÊTRE » est le Nom qui lui convient le mieux. Pour Maître Eckhart et d’autres auteurs du Moyen Âge : » Dieu est l’Être – l’Être est Dieu « 

 

LELOUP - L'ÉVANGILE DE MARIE

Jean-Yves LELOUP

Edition ALBIN MICHEL

 2000

En 1945 à Nag Hammadi en Égypte, furent découverts des manuscrits fascinants, parmi eux l’Évangile de Marie « Myriam de Magdala » Évangile écrit vers 150 après J.C.

Cet Évangile commenté et traduit par J.Y. Leloup, nous permet d’approcher Marie Madeleine, amie intime de Jésus, et détentrice d’une parole cachée.

L’Evangile de Marie est l’évangile attribué à Myriam de Magdala. Cet évangile transmet les paroles de Jésus, celles de Marie et celles des apôtres, mais également les échanges entre Marie et les disciples après la mort du Maître.

L’évangile de Marie est sans conteste, un évangile gnostique, c'est-à-dire qu’il enseigne la connaissance des choses cachées. Antérieur aux quatre évangiles officiels, dits synoptiques (qui embrasse l’ensemble) de l’Eglise catholique triomphante, il fut, avec bien d’autres dits apocryphes (suspect, douteux, tenu secret), considéré comme hérétique.

Rome s’est acharnée contre les textes gnostiques et s’est efforcée de les détruire, mais peu à peu ils sont retrouvés. C’est le cas du Codex de Londres, de Berlin et de Nag Hammadi. La pistis sophia reprend forme et les textes reprennent vie et donnent à cette époque et aux dits de Jésus une autre coloration et des niveaux de lecture plus proche de la vérité.

Cet évangile ô combien précieux (écrit vers +150), nous permet d’approcher Myriam de Magdala, cette Marie Madeleine qui fut le premier témoin de la Résurrection, et qui nous transmet ici les enseignements secrets qu’elle a reçus en vision. La pécheresse des Evangiles canoniques se révèle alors comme l’amie intime de Jésus, détentrice d’une parole cachée, même aux apôtres.

Ce texte est divisé en deux parties, la première est constituée par la révélation du Sauveur, la deuxième, par la révélation de Marie. Malgré l’absence des pages 1 à 6, on peut présumer que la révélation du Sauveur occupait entièrement ou presque la première partie du texte. Le Sauveur y répond aux questions de ses disciples notamment sur le destin final de la matière. Le Sauveur répond à cette question et à une autre relative à Pierre (7,10) concernant la nature du péché du monde, en expliquant qu’il n’y a pas de péché inhérent au monde ou à la matière, mais que le péché pénètre le monde grâce son association impropre avec l’esprit, et que le rôle du Bien est de séparer ces éléments. Le Sauveur quitte ses disciples après ces explications et une dernière exhortation (8,14-9,5).

Après son départ, les disciples sont affligés et irrésolus. Marie intervient alors et, se référant à l’enseignement du Sauveur, les console et les encourage. Pierre demande ensuite à Marie de leur rapporter d’autres paroles qu’eux, les disciples du Seigneur, n’auraient pas entendues. La réponse de Marie est un discours de révélation, discours qui est déterminé par une vision du Sauveur (10,7). L’enseignement de Marie, qui débute avec la description de cette vision, est également incomplet, il manque les pages 10 à 15. Le discours reprend avec l’explication sur des différentes fonctions des trois éléments de l’Âme dans l’accès à la vision (pneuma, noûs, psyché), et se poursuit avec le récit des différents stades de l’ascension de l’Âme et les réponses de chacune des puissances gardiennes des quatre Cieux. Le récit se termine par la victoire de l’âme et son accession au repos dans le Silence.

La révélation de Marie suscite une réaction assez violente de la part d’André et surtout de Pierre, qui refuse cette fois de croire que le Sauveur ait pu transmettre son enseignement à une femme, à l’insu de ses disciples (17, 10-18, 5-21). Lévi intervient à son tour pour réprimander Pierre et témoigner de la préférence que le Sauveur accordait à Marie. Reprenant quelques-unes des paroles de l’exhortation finale du Sauveur, il invite enfin les disciples à proclamer l’Évangile. Finalement, ceux-ci se mettent en route pour annoncer et prêcher

Dans son introduction et son commentaire, Jean-Yves Leloup décrit le texte comme un exemple de la pensée gnostique et comme un révélateur des tensions existant entre les différentes communautés chrétiennes dans les premiers temps du christianisme. L’auteur établit un lien entre, d’une part, les thèmes principaux abordés par Marie Madeleine dans son discours, notamment l’ascension de l’âme dans les quatre cieux et la description des quatre puissances gardiennes de ces cieux et, d’autre part, les différents écrits gnostiques ainsi que des sources se trouvant dans le Nouveau Testament et particulièrement l’Épître aux Romains. Traçant également la tradition du conflit entre Pierre et Marie à travers les autres écrits gnostiques, l’auteur démontre que les deux figures représentent deux traditions ecclésiastiques différentes : la première, incarnée par Pierre, est la tradition orthodoxe ou celle qui tend à le devenir. Cette tradition dénigrera l’autorité des révélations reçues lors de visions et interdira aux femmes toute participation active à l’intérieur de l’Église. L’autre, dont Marie est ici la figure symbolique, est légitimée avant tout par des révélations secrètes ou des visions et par une possible égalité entre les hommes et les femmes. Ces traditions ont aussi des approches théologiques différentes, notamment sur le thème de l’androgynie de Dieu qu’Anne Pasquier présente comme une des importantes croyances de certaines communautés gnostiques, et qui est mis en évidence dans l’Évangile selon Marie.

 

LELOUP - LES PORTES DE LA TRANSFIGURATION

Jean-Yves Leloup

Ed. Albin Michel

2018

On parle beaucoup aujourd’hui du développement des capacités cybernétiques de l’être humain menant vers un éventuel Homo Deus. Jean-Yves Leloup propose une alternative à ce projet transhumaniste : la voie de la transfiguration, chère à tous les mystiques. Il est pour cela nécessaire de passer par un processus de transformation de soi menant à la métamorphose de notre être, afin de donner du sens à notre existence et transfigurer notre corps. Il faut ouvrir les portes de notre perception afin de tout transformer en conscience et en amour, c’est-à-dire en lumière intérieure. C’est à cette alchimie que nous introduisent les pratiques de silence et de méditation.

 

« L’esprit saint qui se joint à notre esprit » n’est pas un phénomène virtuel mais bien une participation consciente à ce qui est à la fois plus grand que nous et au-delà de tout. Il s’agit de retrouver l’infini qui nous informe et nous contient. Dans cet essai passionnant et pertinent, Jean-Yves Leloup nous invite à trouver le Royaume céleste qui est en nous, sans céder aux mirages de la technologie, mais en nous recentrant sur notre être.

 

La cybernétique est une science du contrôle des systèmes, vivants ou non-vivants, fondée en 1948 par le mathématicien américain Norbert Wiener. Notre monde est intégralement constitué de systèmes, vivants ou non-vivants, imbriqués et en interaction.

Peuvent ainsi être considérés comme des "systèmes": une société, une économie, un réseau d'ordinateurs, une machine, une entreprise, une cellule, un organisme, un cerveau, un individu, un écosystème…Les ordinateurs et toutes les machines intelligentes que nous connaissons aujourd'hui sont des applications de la cybernétique.

La cybernétique a aussi fourni des méthodes puissantes pour le contrôle de deux systèmes importants: la société et l'économie. Un système cybernétique peut être défini comme un ensemble d'éléments en interaction, les interactions entre les éléments peuvent consister en des échanges de matière, d'énergie, ou d'information. La révolution cybernétique déclenchée par les travaux de Norbert Wiener se situe sur trois plans distincts: le plan de la machine, le plan de la nature,

 

Le plan de la pensée. Révolution sur le plan de la machine/ Si l’on se penche sur l’histoire de la technique, on voit que la notion de machine a subi une évolution qui l’a conduite du stade de la machine statique, simple transformatrice de mouvements, à celui de la machine dynamique, qui transforme des énergies de manière à les rendre utilisables pour des buts déterminés (se déplacer, comprimer de l’air, etc.). Ces machines, au début, devaient être conduites par l’homme. Avec le développement des techniques d’automatisme, cette conduite a progressivement pu être abandonnée aux machines elles-mêmes, celles-ci travaillant alors suivant des programmes établis par l’homme et y incorporés. Les machines cybernétiques, elles, sont des machines qui ne travaillent plus selon des programmes rigides mais qui peuvent s’adapter, dans certaines conditions, à des situations non prévues par leur constructeur. Elles imitent, en cela, certains comportements des êtres vivants.

 

La notion de machine cybernétique élargit le concept classique de machine dans des proportions telles que l’on ne peut plus, actuellement, lui assigner de limite. Le point de départ de cette évolution fut marqué bien avant Wiener par l’apparition de la régulation dans l’industrie. Cela date de l’époque où le régulateur de Watt, inventé dès 1788, fut monté sur des machines à vapeur. Lorsqu’une machine ainsi équipée voit sa charge diminuer et se met donc à accélérer, des masses tournantes, soulevées par l’action de la force centrifuge accrue résultant de l’augmentation de la vitesse, agissent sur un levier interrompant en partie l’admission de la vapeur. Et inversement. Un réglage approprié permet d’obtenir une vitesse constante de la machine (aux fluctuations près, qui sont nécessaires au fonctionnement du dispositif).Mais le progrès va consister à rendre de plus en plus souple l’autoguidage des machines, qui deviendront d’autant plus « cybernétiques » qu’elles se dégageront davantage des sujétions des programmes.

 

Cette révolution de la machine cybernétique conduit à une libération, pour l’homme, des tâches serviles, et à l’automation des usines qui se fait peu à peu dans les pays les plus industrialisés. Les conséquences de ce phénomène sont considérables. Elles peuvent avoir des incidences dangereuses si on n’arrive pas à les prévoir. A des stades encore plus évolués, la machine cybernétique peut être mise en interaction avec l’homme. Citons, pour fixer les idées, l’anesthésie cybernétique et la prothèse électronique, où l’on utilise directement des manifestations électriques de la pensée pour commander le sommeil ou bien le mouvement de certaines prothèses, une main artificielle par exemple. Par une extrapolation hardie, le Dr Page, des Laboratoires de Recherches de la Marine américaine, à Washington, envisage même la possibilité d’établir des relations directes entre l’homme et les machines les plus complexes au moyen d’une sorte de transmission électronique de la pensée même. Toutes les ressources d’un puissant cerveau électronique pourraient ainsi être mises directement au service du cerveau sur lequel il serait branché, provisoirement ou définitivement On pourrait même dire alors qu’il ferait partie du cerveau de l’homme, cette combinaison homme-machine étant de très loin supérieure à n’importe quel surhomme imaginable.

 

Tels sont, avec d’autres, quelques développements auxquels Wiener a ouvert la voie. Il n’est pas exagéré de parler de révolution à ce sujet. Peut-on aller jusqu’à envisager l’existence de machines capables de se reproduire, ce qui conduirait à la notion de machines non construites par l’homme ?Bien que se situant, pour le moment, sur un plan quasi théorique, de telles machines sont parfaitement concevables. Examinons le raisonnement par lequel le mathématicien John Von Neumann a montré la possibilité d’une auto reproduction de machines. Il commence par axiomatiser, d’après Turing, la notion d’automate. Un automate calculateur est essentiellement un appareil capable, si on lui donne une instruction et une suite finie de nombres, de poursuivre indéfiniment le développement de cette suite selon la loi fournie par l’instruction. C’est ainsi qu’un calculateur peut exister, qui reçoit comme instruction n’importe quelle loi de fonctionnement caractéristique d’un automate particulier. D’après Von Neumann, on peut étendre cette notion d’automate universel et l’appliquer à des machines capables de produire, sur instruction, des séquences et des agrégats constitués, cette fois, non plus par des nombres imprimés sur un ruban, mais par des éléments de machines. Le problème de l’autoreproduction peut alors être énoncé comme suit: peut-on construire un agrégat fait de pareils éléments de machines, de telle manière que si l’on place cet agrégat dans un réservoir où flottent d’autres éléments en grand nombre, ce premier agrégat commencera à en construire d’autres, dont chacun, à la fin, sera un automate semblable à l’original ? C’est réalisable, a dit Neumann.

 

Le généticien britannique Penrose a perfectionné la notion de machine reproductrice, en fabriquant des modèles présentant de nombreuses analogies, mais cette fois sur les plans de la chimie et de la biologie, avec les organismes vivants. Ces modèles sont rudimentaires, mais on peut aller plus loin. C’est ainsi que le Dr Edward Moore, des Bell Telephone Laboratories, pense que, dans quelques décennies, on pourra construire des machines auto-reproductrices économiquement utiles. Ce seraient, par exemple, des machines minières ou des moissonneuses amphibies, qui nous ramèneraient du minerai du sous-sol marin ou des moissons de l’océan. Ces machines seraient autonomes en ce sens qu’elles utiliseraient de l’énergie solaire, ou encore celle de carburants ou d’aliments qu’elles trouveraient au cours de leur travail, en même temps qu’elles fabriqueraient, quand la nécessité s’en ferait sentir, d’autres machines de leur espèce. De tels esclaves mécaniques nous enrichiraient, non seulement en travaillant, mais aussi en se reproduisant. Pour la plupart des tâches, cependant, il ne sera pas nécessaire que les machines se reproduisent au sens strict. On pourra leur demander seulement d’établir les projets de machines plus perfectionnées ou de se perfectionner elles-mêmes. On a déjà utilisé des cerveaux électroniques pour collaborer à l’invention d’autres cerveaux électroniques. Les implications sont évidentes et stupéfiantes.

 

Révolution sur le plan de la nature/L’histoire de la pensée nous conduit à envisager, dans le passé, deux attitudes face à la nature: l’attitude réaliste et l’attitude idéaliste. Les humanismes anciens étaient tous fondés sur l’idée de nature. C’est évident pour la Grèce ou pour l’Europe de la Renaissance mais il en alla semblablement à toutes les époques et sous toutes les latitudes. Si le Médiéval, le Byzantin, l’Égyptien, le Chinois n’ont pas le même souci que le Grec ou l’homme de la Renaissance de reproduire les formes extérieures et d’étudier les rapports quantitatifs, ce n’est pas qu’ils méprisent la nature, mais bien qu’ils la conçoivent d’une autre manière, qui est qualitative et symbolique. Ainsi, en s’entendant sur le sens des mots, on peut dire qu’une constante demeure: les humanistes d’autrefois furent tous des réalistes. A leurs yeux, la vérité, la beauté, la bonté sont là, devant et avant l’homme, qui n’a qu’à les reconnaître. Ces notions peuvent être conçues fort différemment par l’empirisme aristotélicien, qui les poursuit dans les faits sensibles, ou par le rationalisme platonicien ou cartésien, qui les situent dans un monde spirituel. Elles peuvent être immanentes ou transcendantes, cela n’a pas d’importance à notre point de vue. Le fait et l’idée ont en commun d’être donnés, de devoir être reconnus. D’où la sécurité en face du monde, qui caractérise l’homme traditionnel: immobiliste comme Parménide, mobiliste comme Héraclite ou conceptualiste comme Socrate; il se repère et s’assure dans un monde préétabli.

 

La mentalité idéaliste, qui se fait jour dans le courant du XVIIIe siècle, se place à un point de vue tout différent. Sa caractéristique fondamentale est d’insister, dans tous les domaines, sur l’initiative du sujet connaissant, sentant, agissant. C’est ainsi que pour Rousseau, par exemple, l’action morale n’est pas l’accomplissement d’une loi préalable. Elle se mesure à l’intensité vécue de l’intention. Le beau, pour Hugo, au lieu d’accomplir l’ordre, se révèle dans l’originalité et la vitalité du créateur. La vérité, pour Kant et Hegel, n’est plus à abstraire ou à « intuitionner », elle procède de l’esprit qui constitue, sinon crée, le réel. Les orientations actuelles inspirées de la cybernétique inaugurent un troisième moment de la connaissance du monde, qui dépasse simultanément le réalisme et l’idéalisme. L’art, qui est toujours précurseur, ne croit plus à l’objectivité toute faite d’une nature qu’il n’y aurait qu’à exprimer. Mais il refuse avec la même force le simple cri de la subjectivité, pour tenter de construire un monde où l’homme et la nature se compléteraient, comme dans les réalisations de Nicolas Schoffer. L’itinéraire de la science est similaire. Après être passée du réalisme de Meyerson à l’idéalisme de Bachelard, elle découvre une voie à mi-chemin de la nature et de l’esprit avec l’idonéisme de Gonseth.

 

Mais c’est dans l’aménagement technique du monde que la transformation est la plus grande. On y trouve un double mouvement de technicisation de la nature et de naturalisation de la technique. Le monde technique, tout en se naturalisant, technicise désormais la nature en la recouvrant de son extension en l’annexant comme organe et comme moment, transmutant sa matière même dans sa substance à lui. Le monde technique d’aujourd’hui n’est plus un troisième règne entre l’homme et la nature, un métacrisme selon Dessaouer, car il ne vient plus s’ajouter aux deux autres en les laissant intacts. C’est plutôt un nouveau règne unique qui inclut en lui les deux autres, se substituant à eux en les mettant dans des rapports qui les réinterprètent. C’est ce que l’on peut appeler, d’une expression impropre mais utile, une réalité médiane. A la limite de la concrétude, il n’y a plus ni nature ni artifice, mais une synthèse originale et mouvante que l’on peut appeler une nature artificielle ou un artifice naturel. Le monde est de plus en plus dominé par les objets techniques. Et comme cette technicisation s’étend indéfiniment dans l’espace et dans le temps, on peut dire que la technique concrète de la cybernétique formera demain non seulement notre paysage, mais encore notre horizon, comme l’avait entrevu Teilhard de Chardin.

 

Révolution sur le plan de la pensée : La cybernétique apporte une troisième révolution, qui se situe sur un plan purement intellectuel: la cybernétique est essentiellement un mode de pensée par analogie. Elle utilise largement la méthode des modèles et des simulateurs. Dans son livre classique, La théorie physique, le savant français Pierre Duhem oppose aux modèles mécaniques qu’utilisent les Anglais (Maxwell, Lord Kelvin, et d’autres) la logique française. Mais il ne s’agissait guère là que de modèles empiriques, qui étaient considérés comme des expédients interchangeables. C’est avec Wiener, et plus tard avec Louis Couffignal, que le raisonnement analogique et l’emploi systématique des modèles allaient être codifiés.L’expérimentation sur le réel n’étant pas toujours possible (êtres vivants, sociétés, cas unique), un modèle ou un simulateur peut constituer un bon instrument d’étude. Il matérialise l’influence des grandeurs en jeu les unes sur les autres. Les cas déjà observés servent d’étalonnage et cela permet d’étudier ensuite des cas différents.

 

Remarquons que le modèle se distingue du simulateur. La différence apparaît clairement si l’on considère d’une part la logique d’un système, qui s’exprime dans son principe de fonctionnement, et d’autre part la technologie du système, qui caractérise sa nature physique (forme, matière, etc.). On peut alors dire qu’un système physique et son modèle ont les mêmes logiques mais des technologies différentes, tandis qu’un système physique et son simulateur ont des logiques différentes et n’ont en commun que les données et les résultats.Ces méthodes d’investigation qu’apporte la cybernétique tendent à devenir universelles, ainsi qu’en témoignent les emplois chaque jour plus nombreux qui en sont faits. Citons, pour fixer les idées et en nous limitant à la France, leur utilisation en linguistique par Mandelbrot, Guiraud et Métais, en biologie par Meyer et Cahn, en ethnologie par Lévi Strauss, en esthétique par Moles, en psychanalyse par Lacan, en droit par Simone Lévy et Aure! David, dans les sciences humaines par Moles et Palmade, en épistémologie par Simondon, en théologie par le Pasteur Morel. Et l’on pourrait allonger la liste.

 

Au sommaire de cet ouvrage : L’ouverture des portes de la perception  -  la vue et l’écoute  -  de l’ouverture de la main : de la griffe à la caresse  -  l’ouverture des narines  -  l’ouverture de la pulsion au désir d’une sexualité non arrêtée par les objets de sa libido   -  l’art de bien mourir  - du néo cortex et de ses frémissements synaptiques   -   le système limbique et ses affects   -   l’imagination créatrice et la foi non arrêtée   -  au-delà du principe de plaisir et de la pulsion de mort  -   les chemins de la Transfiguration   -   la Transfiguration du Christ chez saint Jean  -   La Lumière luit dans les Ténèbres et les Ténèbres ne peuvent l’atteindre   -   Il n’est pas la Lumière mais le témoin de la Lumière   -  Le Logos est la Lumière véritable qui éclaire tout homme  -  L’Epitre de Pierre  -  les Evangiles synoptiques   -   Pierre, Jacques et Jean  -  Au sommet de la montagne  -  Moise et Elie   -   le délire de Pierre : de la tente à la nuée   -  Regarde, écoute  -  Viens, vois, écoute, va   -    l’éclatement ou l’envol ?   - 

 

LELOUP - LE TESTAMENT DE MYRIAM DE MAGDALA – SI JE ME TAIS…LES PIERRES CRIERONT

Jean-Yves Leloup

Edition Lazare et Capucine

 2018

Marie-Madeleine, ou Myriam de Magdala, la pécheresse flamboyante libérée des sept démons chez les catholiques romains, l'apôtre des apôtres chez les orthodoxes, est un immense personnage du christianisme. Celle qui a reçu la meilleure part de l'enseignement de Jésus, la première à l'avoir vu ressuscité, nous offre une méditation universelle sur notre spiritualité qu'il convient de redécouvrir. À travers elle, c'est notamment le questionnement sur la place de la femme dans l'Eglise qui s'impose peu à peu. Cette pièce de théâtre nous présente une femme bien vivante aujourd'hui et qui ne veut plus se taire. Elle vient nous révéler un message : le message de Celui qu'elle aimait, Celui dont elle a épousé la Parole. Dans les Évangiles et la tradition patristique, trois femmes ont été identifiées avec Marie-Madeleine : Marie de Magdala, Marie de Béthanie, et la pécheresse anonyme. Il existe un débat parmi les exégètes sur l’assimilation de ces trois femmes à Marie-Madeleine. Mais l’enseignement de l’Église sur cette belle figure unifiée reste d’actualité : Marie-Madeleine est la grande repentie, contemplative et apôtre.

Les démons de Marie de Magdala : Marie de Magdala est la femme guérie de sept démons que nous présente saint Luc (Luc 8, 2). Les quatre évangiles la nomment ensuite au tombeau, le matin de la Résurrection. C’est saint Jean qui en fait la première à recevoir l’apparition de Jésus ressuscité le matin de Pâques (Jean 20, 15-18). Marie de Magdala évolue dans le même cercle que la femme de l’intendant du roi Hérode : c’est une femme d’un haut niveau social, qui assiste de ses deniers les femmes et les disciples qui suivent Jésus. Que retenir de cette possession démoniaque ? Les sept démons ont suscité des interprétations diverses. La Tradition les associe au péché. Une certaine exégèse féministe a récemment souligné l’ambivalence des figures de possédées féminines, arguant du caractère de fuite que pouvait offrir la maladie aux femmes en résistance face aux contraintes sociales de leur temps.

L’onction par le parfum : La deuxième femme que l’on associe à Marie-Madeleine est une anonyme que l’on rencontre chez saint Luc (Luc 7, 36-50). Il s’agit de la femme venue oindre les pieds du Seigneur avec du parfum. Elle approche Jésus en larmes et répand le parfum à ses pieds en signe de repentir profond. Ses péchés sont pardonnés parce qu’elle a « montré beaucoup d’amour ». Mais l’histoire se corse. Une deuxième onction par le parfum est en effet rapportée par saint Jean qui l’attribue à Marie de Béthanie, la sœur de Marthe et de Lazare (Jean, 12, 1). Cependant cette onction diffère du geste de la femme pécheresse : Marie de Béthanie oint les pieds de son Seigneur par amour, en une sorte de préfiguration des parfums utilisés pour  la sépulture de Jésus. La scène se déroule d’ailleurs quelques jours avant la Passion. Marie ne pleure pas et le Christ ne la pardonne pas : il loue son geste comme une glorification de son corps encore vivant parmi les hommes.

Marie de Magdala et Marie de Béthanie : La superposition de ces trois femmes n’est pas absurde. Il importe de souligner que les Pères de l’Église et la Tradition ont exprimé des vues différentes et que la question est encore débattue. Dans la Tradition patristique occidentale, ces trois personnages des évangiles n’en sont qu’un. La similarité des deux onctions laisse penser qu’elles ont été réalisées par une seule femme. La pécheresse anonyme qui, chez saint Luc, oint les pieds du Christ de ses larmes, serait Marie de Béthanie, qui répète ensuite chez saint Jean le même geste d’onction des pieds de Jésus en souvenir de sa conversion avant la Passion. La présence de Marie-Madeleine lors de l’ensevelissement du Christ et son association aux parfums pour embaumer le corps mort rendent séduisante l’assimilation de ces femmes oignant le Christ de parfum à Marie-Madeleine. Cette tradition est particulièrement vivace à la Sainte-Baume en Provence : le sanctuaire y est consacré à Madeleine, venue, nous dit-on, en ce lieu, avec Lazare et Marthe, son frère et sa sœur. Cette tradition identifie donc fermement Marie de Béthanie à Marie-Madeleine. La grotte où la sainte aurait passé les trente dernières années de sa vie, aujourd’hui encore gardée par les Dominicains, est un haut lieu de la dévotion à Marie-Madeleine. De récentes découvertes de reliques témoignent en la faveur de l’ensevelissement d’une femme du Ier siècle dans la grotte de la Sainte-Baume.

Un débat qui dure : Mais une autre branche de la Tradition, proche de la liturgie des églises orientales et soutenue par l’exégèse contemporaine, hésite à assimiler Marie, sœur de Marthe, à Marie de Magdala. Les tenants de cette tradition mettent en avant le fait que les noms  différencient ces femmes : la première est originaire de Magdala, petite bourgade près de Tibériade, quand la seconde vient de Béthanie, en Judée, à 100 km de là. Qui plus est, Marie de Béthanie apparaît dans une famille visiblement proche de Jésus, puisqu’il s’arrête chez eux sur la route vers Jérusalem : elle ne joue pas le rôle de la femme pécheresse. La liturgie de l’Église catholique, enfin, distingue ces deux femmes, puisque sainte Marie-Madeleine est fêtée le 22 juillet et sainte Marie de Béthanie, le 29, avec Marthe et Lazare. Notons que l’identité de ce personnage n’engage pas de dogme de foi, et fait jouer des autorités différentes ! C’est à Grégoire le Grand, pape du VIe siècle, que l’on doit la fusion de ces trois femmes en une. La superposition peut s’expliquer par un contexte de fortes divisions au sein de l’Église, qui trouvait en cette nouvelle Marie-Madeleine, amie de Jésus, une figure de pardon et de repentance. Mais le succès de cette figure dans la foi populaire n’a pas empêché certains pères de l’Église d’être prudents.  Origène et Jérôme, aux IIIe et IVe siècles, ne faisaient pas l’assimilation. Au XVIe siècle, les humanistes proto-réformateurs français s’emparent du « cas Marie-Madeleine ». Jean Lefebvre d’Etaples, un des précurseurs de la réforme protestante resté fidèle à l’Église, est une des grandes figures de cette affaire. Réconcilier, ou opposer ? Peut-être qu’il ne s’agit pas de cela ici. Distinguer les différentes Marie n’est pas un handicap pour notre foi. L’Église nous donne à méditer, avec Marie-Madeleine, une repentie, une contemplative et une grande évangélisatrice : avec ou sans Marie de Béthanie, Marie de Magdala reste une grande figure de foi.

Marie-Madeleine grandit dans la Tradition. La progression de son culte est un cas intéressant d’hagiographie, c'est-à-dire de formation d’une tradition autour de la vie d’une sainte. La femme de Magdala rencontre un succès foudroyant auprès, successivement, des moines, des nobles et des pauvres. L’histoire de la sainte rencontre d’abord un franc succès dans les milieux monastiques. Une Vie écrite au VIe siècle assimile Marie-Madeleine à une autre Marie appelée « Marie l’Égyptienne ». Le personnage est fictif mais son destin devient intéressant parce qu’il rejoint le fil de la vie de la sainte. Marie se retrouve ainsi envoyée au désert après la résurrection du Seigneur. Elle y est nourrie par des anges, ses cheveux poussent pour couvrir sa nudité et un prêtre vient la voir pour lui donner la communion. Ce récit lègue à la légende de Marie-Madeleine ses éléments les plus colorés ; il associe également, et de manière très forte, la sainte à l’ascétisme, à l’Eucharistie et à la pénitence. Autour de l’an mil, le destin de Marie-Madeleine va croiser celui des élites européennes. C’est la découverte de la vie de Marie l’Égyptienne par Geoffrey, abbé de Vézelay, qui est à l’origine de l’enthousiasme foudroyant de la noblesse guerrière française pour la figure de la sainte. Geoffrey développe la dévotion pour les reliques de la sainte : les miracles se multiplient et la réputation du sanctuaire associé à Marie-Madeleine ne cesse de grandir. Vézelay, étape du chemin de Saint-Jacques, devient un point de rendez-vous des chevaliers au départ de la croisade.

Troisième et dernier chapitre de la formation de cette tradition : la découverte des reliques de la sainte, au XIIIe-XIVe siècle, près de la Sainte-Baume. Le site provençal faisait déjà l’objet d’une dévotion à la sainte : la légende voulait que Marthe, Lazare et Marie de Béthanie y aient accosté au Ier siècle de notre ère. Lazare aurait été le premier évêque de Marseille, Marthe aurait affronté la monstrueuse Tarasque, et Marie de Béthanie/Magdala se serait retirée dans une grotte à la Sainte-Baume. Au tournant du XVe siècle, le sanctuaire est confié aux dominicains et les miracles fleurissent là aussi. Trait caractéristique : ce sont des miracles populaires et très semblables à ceux que la Vierge opèrera au XIXe siècle. Patronne des accouchées, des femmes perdues ou forcées, des enfants abandonnés, Marie-Madeleine acquiert en effet une aura populaire que la Vierge Marie n’a pas encore, en cette fin de Moyen Âge. Moines, nobles, pauvres, et… Français. De Vézelay à la Sainte-Baume, Marie-Madeleine devient une sainte française. Non que son culte ne franchisse pas l’Hexagone ! Mais bien parce qu’une dévotion particulière envers cette figure s’enracine en France. Il n’est que d’y voir les nombreuses chapelles, églises et sanctuaires consacrés à sainte Marie-Madeleine : la dévotion provençale est devenue une dévotion française.

 

LELOUP - L'ḖVANGILE DE PHILIPPE

Jean-Yves LELOUP

Edition Albin Michel

 2003

Cet Évangile retrouvé à Nag Hammadi en 1945 fait partie des textes apocryphes écrits en copte. Cet Évangile gnostique date du 2ème siècle après J.C. Le personnage de Marie-Madeleine y prend une grande importance. Le texte est d’un côté en copte, de l’autre en Français. L’Evangile de Philippe. est un patchwork de divers matériaux cousus maladroitement ensemble. Intact. Sujets majeurs : sexualité mystique, les rites de la cellule des Mystères, le nymphion, l’onction par la Lumière Organique, l’immunité à l’intrusion des Archontes, les enseignements sur la sémantique et la mésattribution (mésusage du langage), la stérilité déroutante de Sophia (corrélée à la protestation des Gnostiques contre la procréation), la réconciliation entre les genres. Ce traité contient le célèbre épisode de Jésus embrassant Marie Magdeleine sur la bouche.

Comme c’est une compilation plutôt qu’une composition, cela ne fait pas de sens de lire l’Evangile de Philippe de façon séquentielle car il n’y pas de séquence à suivre, il suffit de le lire de façon thématique. Six thèmes principaux sont évoqués mais ne sont pas traités de façon linéaire. Nous trouvons des paragraphes, et même des phrases isolées, relatifs à chaque thème éparpillés au hasard dans tout le document.

Le paragraphe 54 continue sur ce thème mais ajoute un autre aspect: “La vérité amena les noms à l'existence... parce qu'il n'est pas possible d'apprendre la vérité sans ces noms.” On nous dit maintenant que même si les définitions sont dépassées dans le sens absolu (dans le sens des Eons, de la connaissance éternelle), elles sont nécessaires dans un sens relatif, sinon nous ne serions pas capables d'apprendre ce qui est vrai, ici et maintenant. Le paragraphe 67 réitère ce point: “La vérité ne vint pas en ce monde nue, mais elle vint en espèces et en images.


Le monde ne recevra pas la vérité d'une autre façon.” (Les passages 54 et 67 devraient être séquentiels. Nous avons ici de nouveau un enseignement subtil sur la sémantique, très proche de l'enseignement Bouddhiste sur la vérité absolue et la vérité conventionnelle.
Les enseignements Gnostiques veillent étroitement à nous rendre attentifs à cette épreuve et plus particulièrement dans le domaine de l'idéologie et de la croyance religieuse. Rappelons ce passage étonnant du Second Traité du Grand Seth, qui met en garde contre l'esclavage de “mourir en Christ”. “C'est une honte de se laisser réduire en esclavage par le concept de rédemption alors que notre mental possède la faculté d'auto-libération.” En fait, le terme théologique de rédemption est une mésattribution: il s'agit d'asservissement et non point de rédemption.

 

La notion de mésattribution est encore abordée dans d'autres passages de l'Evangile de Philippe. Le passage 56 présente une discussion peu claire au sujet des noms “Jésus”, “Christ” et “le Nazaréen”. Les deux premiers termes, comme d'habitude, sont indiqués en Copte sous forme de code. L'affirmation selon laquelle “Jésus n'est pas propre à un langage particulier” est étonnante parce qu'elle souligne que le terme Jésus est communément adopté dans tout le monde. Est-ce dû à une perception spirituelle universelle du personnage du sauveur, Jésus? Les Gnostiques diraient que non. Cela vient plutôt du fait que quelque chose est toujours appelée par ce nom même lorsque ceux qui l'utilisent ne sont pas conscients de la nature de cette chose. L'universalité de ce nom signifie que les gens ne savent pas de ce dont ils parlent. Ils pensent qu'ils s'adressent à Jésus mais “Jésus est un nom caché”. Ce passage fait allusion à l'enseignement Gnostique relatif au Mesote le guide. Contrairement à Jésus, “Christos est un nom révélé”.

 

Le terme “résurrection” fait partie des termes mésattribués communément trouvés dans l'idéologie Judéo-chrétienne. L'Evangile de Philippe contient de nombreux passages remarquables (et de nouveau non séquentiels) à ce sujet. Ce texte est implicitement anti-juif et anti-Chrétien dans le sens qu'il démolit et inverse la conception littérale de la résurrection promue par ces religions. Nous devons souligner que le courant principal du Judaïsme ne croit pas en la résurrection du corps physique au contraire de l'idéologie Zaddikim de la secte de la Mer Morte. Ce fut contre les doctrines rédemptrices des Zaddikim, (“le complexe du rédempteur palestinien”) que les Gnostiques protestèrent avec le plus de véhémence.

Cet Evangile décodé et commenté par J. Yves Leloup, nous parle de :

L’invention des Evangiles

L’évangile de Philippe et qui était Philippe

Les grands thèmes abordés dans cet Evangile

L’étreinte sacrée, conception et naissance

Le souffle qui unit. Le baiser de Yeshoua et de Myriam

La chambre nuptiale et le Saint des Saints.

 

leloup - l’Évangile de thomas

Jean-Yves LELOUP

Edition ALBIN – MICHEL

 1986 

L’Évangile de Thomas, découvert en 1945 à Nag Hammadi, est sans doute le plus célèbre des évangiles apocryphes. Le plus singulier aussi, puisqu’au lieu de raconter la vie et les miracles de Jésus, il nous livre le cœur de son enseignement en cent quatorze logia ou aphorismes. Certains sont communs avec les évangiles canoniques, mais la plupart jettent une lumière nouvelle sur la figure du Christ, qui y apparaît comme un maître spirituel aux accents gnostiques, dont la voix appelle à la méditation autant qu’à l’action. Cette traduction permet à chacun de mettre en œuvre sa parole : « Celui qui cherche trouvera – à celui qui frappe de l’intérieur, on ouvrira. »

Logion 42 Jésus disait : Soyez passant.

Le thème du passage ou de la Pâque est important dans le christianisme (Peschar, la Pâque, veut dire passage en hébreu). Nous sommes des pèlerins et des passagers sur la terre. Nous sommes de passage… on ne construit pas sa maison sur un chemin ou sur un pont. Il faut passer. Les années passent. Tout passe. Qu’est-ce qui ne passe pas ?

Psychologiquement, c’est déjà un signe de santé que de se considérer comme « passant » : c’est la Réalité. Savoir que cette souffrance intolérable, elle « passera », la rend déjà plus supportable. Savoir que ce plaisir fascinant, il « passera », nous rend plus libre à son égard et moins triste   lorsqu’il s’éloigne.

On connaît l’histoire de ce roi qui, une nuit, rêva qu’il possédait un anneau merveilleux. Lorsqu’il était déprimé, malheureux, et qu’il le regardait, un grand calme se faisait en lui. Lorsqu’il était enthousiaste ou se laissait aller à une jubilation intempestive, s’il regardait l’anneau, un grand calme de nouveau se faisait en lui, sa joie devenait paisible. Le matin, au réveil, le roi demanda à ses serviteurs de réaliser pour lui un tel anneau ou d’en trouver un semblable quelque part dans son royaume…

Après bien des recherches, les serviteurs trouvèrent enfin cet anneau au doigt d’une vieille femme qui extérieurement n’apparaissait pas comme « extraordinaire ». Elle était simplement sereine. Bien volontiers, elle donna son anneau au roi. L’effet magique ou merveilleux fut immédiat. Après quelques jours, le roi semblait sorti de ces manies maniaco-dépressives, de cette suite sans fin d’exaltations et de dépressions. Au-delà du rire et des larmes, il découvrait la grandeur et la   beauté du sourire. Empêcher le flux et le reflux de la vie de passer, c’est cela qui cause la souffrance. Laisser passer ce qui passe. Demeurer dans ce qui demeure.

« Soyez passant » ! C’est aussi être en chemin vers l’autre rive, des ténèbres vers la lumière, de ce « monde » vers le Père, disait Jésus. Passer de ce qui passe à ce qui ne passe pas, s’éveiller à la vie non née, ressuscitée, à l’autre rive de soi-même. On disait de saint Bernard qu’il avait le visage de quelqu’un qui va vers Jérusalem, le visage d’un passant, au regard terriblement attentif. Un passant voit toutes choses pour la première et la dernière fois. Il ne se retournera pas en arrière. Il goûte chaque instant comme le lieu même du passage vers l’Éternel présent.

Découverte au début du siècle, sculptée en caractère arabes sur le porche de l’ancienne ville Fateh-pu-Sikri, construite au sud de Delhi par le Grand Mogol Akbar le Juste, on peut lire cet écho de notre logion : « Jésus, la Paix soit sur Lui, a dit : le monde est un pont – passe dessus mais n’y établis pas ta demeure. »

 

LELOUP  -  L’ḖVIDENCE DE L’INVISIBLE : ANAMNḔSE ESSENTIELLE

Jean Yves Leloup

Edition Actes Sud

 2018

"L'anamnèse, qu'on traduit généralement par souvenir ou par remémoration, est une pratique qu'on retrouve différents domaines. En médecine, il s'agit de retracer l'histoire d'une maladie. En psychanalyse, c'est l'histoire même du sujet, des traumatismes des symptômes et de leur résolution aléatoire inaccomplie. Dans la liturgie chrétienne, il s'agit du moment où l'on fait mémoire de la passion, de la mort et de la résurrection du Christ, et de sa présence réelle et vivante." Dans ce texte, Jean-Yves Leloup nous invite à comprendre comment l'anamnèse peut s'avérer une voie thérapeutique. Il ne s'agit pas de se remémorer seulement les chocs émotionnels ou les troubles de notre petite enfance ou de notre vie d'adulte, mais plutôt les moments numineux où nous avons été touchés par une autre dimension, une aube conscience, un tout autre Amour.

 

Un amnésique n’a pas de mémoire. Or, le Seigneur a dit à ses disciples au soir de la Cène : « Vous ferez cela en mémoire de moi ». Faire mémoire, c’est empêcher l’amnésie, l’oubli du don que le Seigneur Jésus nous fait de sa vie. Le chrétien ne saurait être un oublieux des merveilles de Dieu. Déjà présent dans livre de l’Exode, particulièrement à propos de l’institution de la fête de la Pâque : « Ce jour-là sera pour vous un mémorial » (Ex 12, 14), faire mémoire est un acte de culte dans lequel on s’appuie sur un fait passé (le buisson ardent, la sortie d’Égypte, l’institution de l’Eucharistie) pour en célébrer l’actualisation, tout en annonçant son avenir. Et saint Paul l’exprime parfaitement : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11, 26). Ainsi l’anamnèse eucharistique s’appuie-t-elle sur un fait passé (la mort et la résurrection du Seigneur), en célèbre l’actualité (le Seigneur est vraiment vivant et présent) et en annonce l’avenir (la venue du Seigneur dans la gloire à la fin des temps).

 

Une acclamation paradoxale : Le Seigneur vient de se rendre présent à l’assemblée sous la forme du pain et du vin consacrés, et la liturgie nous fait aussitôt demander : « Viens, Seigneur Jésus ! » Si nous croyons qu’il est vraiment là, pourquoi lui demander de venir ? Parce que la foi est une dynamique, une dynamique de l’attente active du Seigneur, de la vigilance : « Restez en tenue de service et gardez vos lampes allumées » (Luc 12, 35). Le croyant est habité par un désir fort : celui de la plénitude de la présence du Seigneur qu’il a déjà dans l’Eucharistie, mais de façon mystérieuse et cachée. Se contenter de cette présence nierait la promesse du Seigneur qu’il « viendra dans la gloire » et réduirait l’objet de notre foi à ses seuls prémices. La dynamique de la foi fait de notre vie une marche à la suite du Christ, dans laquelle l’Eucharistie est le pain pour la route. C’est ce que l’anamnèse annonce et célèbre.

 

Quelle anamnèse proclamer ? Il s’agit pour nous, par fidélité à la mémoire du Seigneur, de proclamer avec exactitude le mystère de la foi. Quelques critères simples aideront à bien choisir. Tout d’abord, l’anamnèse s’adresse au Christ de manière directe : « Gloire à toi… Nous rappelons ta mort, Seigneur ressuscité ». En effet, l’anamnèse ne parle pas du Christ, n’en raconte pas l’histoire ; elle s’adresse à Lui, elle Lui parle. « Christ est venu, Christ est né » n’est donc pas une anamnèse puisqu’elle ne s’adresse pas au Christ et, qui plus est, s’achève par « Christ est là ! », nous ramenant au présent immédiat au lieu de nous ouvrir au désir de la venue à l’avenir et donc à l’espérance.

 

Ensuite, les trois composantes de l’anamnèse ont une raison d’être. Ainsi on entend parfois chanter : « Que tes œuvres sont belles » ou « Souviens-toi de Jésus Christ ». Si louables et si beaux soient ces refrains ou d’autres, ils n’ont pas leur place à l’anamnèse parce qu’ils effacent toute la dynamique de la foi qui s’appuie sur la mémoire du passé (« Gloire à toi qui étais mort » ) pour affirmer le présent (« Gloire à toi qui est vivant ») et nous ouvrir à l’espérance (« Viens, Seigneur Jésus »). Et puis, pourquoi vouloir écrire, bricoler le plus beau cri d’amour qu’offre la liturgie : « Viens, Seigneur Jésus » ?

 

Il nous faut donc avoir le courage, sans pour autant culpabiliser, de supprimer de nos répertoires toutes ces anamnèses qui ne respectent ni l’adresse du Christ, ni le triple contenu. C’est la foi de nos assemblées qui est en jeu, la foi de l’Église. Cependant, d’autres anamnèses que les trois proposées par le missel existent. Si elles respectent bien les critères énoncés, elles sont acceptables. Ainsi par exemple : « Mort sur la croix… Ta mort, Seigneur… Aujourd’hui, nous te proclamons… ». Il s’agit donc de choisir avec un minimum de discernement en évitant de se jeter sur toute nouvelle proposition. Reste enfin une question. Comment se fait-il qu’un certain nombre d’anamnèses ne comportent pas l’invitatoire du célébrant : « Il est grand le mystère de la foi » ou « Proclamons le mystère de la foi » ? Il conviendrait d’y remédier parce que l’anamnèse est l’axe autour duquel tournent les différentes composantes de l’Eucharistie, et même de toute la vie de foi. Nous risquerions, à l’oublier, de devenir des oublieux de notre foi et donc des amnésiques.

 

 

LELOUP- L’ICÔNE, UNE ÉCOLE DU REGARD

Jean-Yves Leloup

Edition du Pommier

 2012

De même qu’il y a différentes façons de regarder le monde, il y a différentes façons de « lire » une icône et de l’interpréter. Les « lectures d’icônes » proposées ici ont pour but non seulement de nous faire mieux connaître les traditions dans lesquelles elles furent conçues, mais aussi de nous initier à la pratique visionnaire qui les a inspirées, de nous permettre d’intégrer, dans le tissu de notre existence, les éléments dont elles sont composées : les couleurs et les formes qui les structurent, la Présence discrète et forte dont elles sont l’évocation efficace… L’icône est une école du regard, en cela elle s’oppose à l’idole.


Les icônes présentées ici le sont pour la première fois ; elles appartiennent à une collection privée. D’origine russe, elles ont été peintes entre le XIVe et le XIXe siècle. Pour assurer à ce livre son caractère d’ouvrage de référence, nous y avons ajouté quelques icônes plus connues, ainsi que des références à l’art occidental.

L’icône, théologie inspirée est une sainte image et non une " image sainte " ou une image pieuse. Elle a son caractère propre, ses canons particuliers et ne se définit pas par l’art du siècle ou d’un génie national, mais par la fidélité à sa destination qui est universelle. Elle est une expression de l’économie divine, résumée dans l’enseignement de l’Église orthodoxe : " Dieu est devenu homme pour que l’homme devienne dieu. " Telle est l’importance que l’Église attribue à l’icône que la victoire sur l’iconoclasme fut solennellement déclarée Triomphe de l’Orthodoxie, triomphe qui est toujours fêté à la première semaine du Grand Carême.

Pour l'Église orthodoxe l’image, aussi bien que la parole, est un langage exprimant ses dogmes et son enseignement. C’est une théologie inspirée, présentée sous une forme visuelle. Elle est le miroir reflétant la vie spirituelle de l'Église, permettant de juger des luttes dogmatiques de telle ou telle époque. Les époques de la floraison de l’art liturgique correspondent toujours à un essor de la vie spirituelle : ce fut le cas de Byzance, des autres pays orthodoxes et de l’Occident à l’époque romane. À ces moments, la vie liturgique est réalisée pleinement dans son ensemble harmonieux, ainsi que dans chacun de ses domaines particuliers.

Toutefois, l’image ne se borne pas à exprimer la vie dogmatique et spirituelle de l'Église, sa vie intérieure. À travers l'Église, l’image reflète également la civilisation qui l’entoure. Lié par ceux qui le créent au monde d’ici-bas, cet art est aussi un miroir de la vie du peuple, de l’époque, du milieu et même de la vie personnelle de l’artiste. Il est aussi en quelque sorte l’histoire du pays et du peuple. Ainsi, une icône russe, tout en ayant la même iconographie qu’une icône byzantine, diffère de celle-ci par ses types et son caractère national, une icône de Novgorod ne ressemble pas à une icône de Moscou etc... C’est précisément cet aspect extérieur de l’art sacré qui forme l’objet de la grande majorité des études actuelles.

Le contenu liturgique de l’image sacré fut perdu en Occident au XIIIe siècle et dans le monde orthodoxe, suivant les pays, aux XVe, XVIe et XVIIe siècles. Ce n’est que vers la fin du XIXe siècle que les connaisseurs, les savants, les esthètes découvrirent l’icône. Ce qui semblait auparavant une tache sombre, engoncée d’un riche revêtement d’or, apparut soudain en sa miraculeuse beauté. Nos ancêtres iconographes se révélèrent non seulement des peintres de génie, mais des maîtres de la vie spirituelle, ayant su donner des formes à la parole du Seigneur : Mon Royaume n’est pas de ce monde (Jn).

Or, l’incompréhension du contenu de cet art n’est pas due à notre supériorité, ni à une perte de sa force vitale ou de son importance, mais à notre décadence spirituelle profonde. Sans parler des personnes qui sont complètement en dehors de l'Église, nous sommes en présence, même chez les croyants, d’un péché essentiel de notre époque : la sécularisation de notre esprit, la déformation complète de l’idée même de l'Église et de la Liturgie.

On peut dire qu’en général on ne voit plus de la vie spirituelle que son côté moral. Son fond dogmatique, devenu le domaine des " savants théologiens ", est considéré comme une science abstraite et n’a plus aucun rapport avec la réalité de notre vie quotidienne. Quant à la Liturgie, guide infaillible de notre chemin spirituel, profession de notre foi, elle n’est plus pour beaucoup qu’un rite traditionnel ou bien un usage pieux et touchant. L’unité organique du dogme et de la loi morale dans la Liturgie s’est brisée, désagrégée. Cette absence d’unité intérieure détruit la plénitude liturgique de nos services divins. Les éléments qui les composent et dont nous ne saisissons plus le but commun - la parole, le chant, l’image, l’architecture, l’éclairage etc... - s’en vont, chacun dans sa propre voie, à la recherche de son sens et de ses effets particuliers. Ils ne sont plus unis les uns aux autres que par la mode de telle ou telle époque (baroque, classicisme etc...) ou par le goût personnel. Ainsi, l’art de l'Église ne vit plus de la révélation du Saint-Esprit, de la vie dogmatique de l'Église, mais se nourrit de la civilisation de tel ou tel moment historique. Il n’enseigne plus ; il cherche et tâtonne avec le monde.

L’icône montre l’invisible dans une « intentionnalité inversée », où ce n’est plus l’homme qui regarde le divin, mais Dieu qui contemple l’homme. L’idole, au contraire, réduit Dieu à la mesure du regard de l’homme. L’icône ne dit rien, elle ‘’montre’’. Elle exprime les limites du langage en le transcendant dans une expérience vécue. L’icône ne représente pas, au sens où une toile ou une photographie peuvent être l’image d’un personnage absent, elle rend le divin réellement présent à l’homme. L’icône est liturgique. 

On a beaucoup parlé de la perspective inversée dans l’icône sans en comprendre toujours la signification Le renversement du regard est une invitation à l’intériorité. « Le Royaume des cieux est en vous », dit le Christ. L’icône fait voir le ciel en nous ! La perspective qui triomphe dans la peinture religieuse est celle de la domination technique du monde et de la séparation du sujet et de l’objet. L’icône est le signe visible d’une réalité invisible, ce qui est définition même du sacrement.  L’art religieux, au contraire, donne à voir en circonscrivant la vision aux limites du regard. Elle possède donc, selon moi, un caractère idolâtrique. L’icône n’est pas faite pour être « regardée » mais pour être priée. Comme l’écrit saint Grégoire de Nysse, dans l’expérience spirituelle authentique, « voir consiste à ne pas voir ». L’icône nous invite à dépasser le stade de la vision pour nous introduire dans les ténèbres lumineuses. La voie apophatique s’applique à l’icône de manière éminente. Avec elle nous passons de la vision au « contact » mystique, qui peut être aussi charnel. Je vous rappelle qu’en Orient les icônes sont vénérées, c’est-à-dire embrassées. 

L’icône est l’expression picturale d’une définition dogmatique Une icône peut être fausse, jamais une œuvre d’art. L’art religieux en occident témoigne d’un éloignement progressif de la foi en la divinité du Christ. La nature divine du Christ est peu à peu occultée au profit de la nature humaine. Nous constatons que l’Esprit saint est occulté dans la conscience de l’occident de la même manière que dans l’art religieux. Ce dernier témoigne en effet d’une pneumatologie « essoufflée » qui est l’aboutissement de la conception latine de la grâce comme effet créé. Cet « essoufflement » théologique de la peinture religieuse occidentale provient du fait dans celle-ci se sont dissociées les trois dimensions fondamentales qui caractérisent l’icône aussi bien que la liturgie byzantine : liturgique, théologique et mystique. L’art religieux ressemble souvent plus à une exaltation des passions qu’à leur transfiguration Au contraire, l’icône orthodoxe montre un visage apaisé et apaisant, transfiguré par la grâce. « L’icône ne montre pas seulement Dieu qui se fait homme, écrit Olivier Clément, mais aussi l’homme qui se fait Dieu » La spiritualité s’exprime donc dans l’icône. « Les icônes sont tristes », disent certains. En réalité, elles ne sont ni tristes ni gaies, elles n’entrent pas dans les catégories affectives de l’homme déchue parce qu’elle exprime l’antinomie pascale de la croix et de la résurrection, la douloureuse joie.

 

LELOUP – MANQUE DE PLÉNITUDE

Jean-Yves Leloup

Edition Albin Michel

 2001

A la lumière de la psychologie contemporaine, Jean-Yves Leloup relit ici ce qu'écrivait à l'aube de notre ère le philosophe juif Philon d'Alexandrie au sujet d'une étonnante communauté spirituelle, celle des "thérapeutes". Ceux-ci entendaient prendre soin de l'homme dans sa globalité - corps, âme, esprit -, et Jean-Yves Leloup réactualise ce grand projet en s'inspirant des recherches de Karlfried Graf Durckheim, mais aussi d'autres écoles contemporaines d'investigation de l'inconscient (Freud, Jung, Reich, Lacan). Il nous invite à pratiquer "l'anamnèse essentielle", que l'on peut définir comme une remémoration, par les moments privilégiés ou "numineux" qui nous ont touchés, de l'Origine qui sans cesse nous fonde. Une telle expérience n'est pas ressassement du passé : elle est ouverture de l'intelligence du cœur et du corps, par un véritable travail de recentrage sur le Soi.
Ponctuant sa réflexion de nombreux exemples empruntés aux traditions orientales ou monothéistes, Jean-Yves Leloup cerne les éléments constitutifs d'une "mémoire de l'essentiel" capable de nous conduire sur la voie d'une guérison spirituelle.

 

Le parcours de Jean-Yves Leloup est, d'abord, celui d'un thérapeute de l'âme et il cite souvent ses cours aux infirmières des hôpitaux comme faisant partie de l'essentiel de son action - car donner des conseils pour apprendre aux autres à vivre et à mourir reste le don majeur. Sur cette expérience face à la souffrance, il publie un ouvrage fondamental :’’Manque et plénitude’’. En voici l'un des premiers chapitres, qui pose le problème.

Ce qui ne va pas, c'est justement ce qu'on a du mal à dire ou ce qu'on dit trop vite - c'est toujours ce qu'on ne dit pas... Le thérapeute, normalement, est celui qui écoute ce qui ne se dit pas, ce qu'on ne peut pas dire, ce qui nous a fait perdre “l'allant”, que cela soit à chercher du côté de la phobie, de l'angoisse, de la violence ou du désir, que cela se somatise du côté du sexe, de la vésicule ou de l'estomac... Des pieds à la tête, il y a toutes sortes de bleus et de blessures qui saignent et signent la perte de “l'aller-bien”. Mais qu'est-il, cet “allant” (ce talent) perdu ? Suffit-il de savoir que “ça n'a jamais été”, qu'il n'y a nulle part où aller, que la vie, la mort, “ça va, ça vient”... pour que ça aille mieux ? Parfois sans doute, mais il arrive aussi au thérapeute d'écouter sinon d'entendre un sens qui appelle au cœur de la détresse, un objet perdu dont la blessure fait trace, un être oublié dont la nostalgie creuse dans l'homme un abîme. Clinique oblige, le thérapeute doit d'abord observer le symptôme, que cette observation le conduise ou non à l'appréhension d'une “cause” supposée de la souffrance, du malheur ou du mal-être de celui qu'il accompagne.

Il peut remarquer alors derrière les symptômes physiques, affectifs, mentaux, trois grandes “pertes subies” que le travail thérapeutique aura à transformer en “manques acceptés sinon choisis” : ces trois grandes pertes n'en sont en réalité qu'une : la perte de l'illusion ou plutôt, la perte des facultés de l'illusion - la possibilité de s'illusionner si ce n'est de vivre dans l'illusoire.

La perte de l'illusion de la santé et d'une pérennité relative de la vie humaine, engendre les détresses de l'être souffrant et mortel. La volonté d'“avoir” quelques biens, d'“avoir” un corps ou, plus radicalement, d'“avoir” à vivre, peut en être touchée. La perte du corps qui dure atteint l'identité et sa représentation, elle conduit à cette perte de l'illusion d'être, qui est sans doute la plus “affolante” dans ses manifestations. Découvrir sa non-identité, le sans-nom que nous sommes, conduit bien au-delà des blessures narcissiques qui ne faisaient que relativiser notre situation dans le monde. Ce qui est touché ici, ce n'est pas une situation mais une essence : le pur fait d'exister. Naît alors la détresse de ne pas être, de n'avoir jamais été que comme illusion. Cette illusion s'appelle bien “je”, “moi”. La nier, c'est encore l'entretenir ; si on arrive à en rire, il y aura sans doute trace d'un autre exister, d'un sans-forme dans la forme

 

LELOUP – MARIE- MADELEINE A LA SAINTE BAUME : LA VIE DE CETTE FEMME, ERMITE, SAUVAGE ET ANGÉLIQUE

Jean-Yves Leloup 

Edition du Relié

 2012

Du temps où il était frère dominicain, Jean-Yves Leloup a vécu plus de dix années à la Sainte Baume comme directeur spirituel du monastère du même nom. Il était en contact permanent avec la forêt relique et la grotte où Marie-Madeleine, premier témoin de la résurrection de Jésus Christ, avait terminé sa vie en ermitage. Il évoque au contact des antiques récits, l'archétype de la " femme sauvage angélique ", particulièrement important pour les hommes et les femmes de notre temps qui ayant souffert de trop de dualismes s'appliquent à rechercher l'unité du monde de la nature et du monde de l'esprit... Plus de trente ans en effet, Myriam de Magdala aurait été immergée au sein de cette nature. Comment a-t-elle pu survivre à la faim, aux loups, aux sangliers et aux hivers rigoureux ? Mais comment a-t-elle aussi traversé sa solitude, ses tentations, ses visons, ses joies et ses peurs ? Ce sont des questions très concrètes que tous ceux qui passent à la Sainte Baume ne peuvent pas s'empêcher de se poser...

Pour celui ou celle qui a faim que pèse toute la philosophie, la spiritualité, la poésie, devant un plat de lentilles ? Rien… Que nous font les beaux discours, sur la vérité, sur l’amour, la patience, l’impermanence de toutes choses, etc. quand on a le ventre creux et que le ventre prend toute la place et nous dévore le cœur et le reste ? Myriam ne pensait à rien d’autre, ne vivait pour rien d’autre que pour un plat de lentilles. Les arbres de la St Baume pouvaient bien lui donner toutes sortes de fleurs et de parfums, cela ne faisait que l’énerver et la creuser davantage. « J’ai faim » – est-ce une prière que Dieu n’entendrait pas ? Ce jour - là toutes les paroles de Yeshoua lui semblèrent vaines, insultantes plutôt : « Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. » Est-ce que Yeshoua n’avait jamais eu faim ? Est-ce que il n’avait jamais marché nu en plein hiver dans une forêt hostile pour parler ainsi ? Myriam avait faim, elle était nue, elle était inquiète pour sa vie, elle était prête à renier tout l’Evangile qu’elle avait entendu pour un plat de lentilles… Que celui qui n’a jamais eu le ventre creux ; que celui qui n’a jamais eu faim lui jette la première pierre…

Tous les écrits de Sagesse n’ont été écrits que pour des ventres pleins, pensait elle, pour ceux qui peuvent s’offrir le luxe d’avoir un esprit ou une grande âme, parce qu’ils n’ont pas de ventre qui leur fait mal. Myriam comprit qu’elle n’était qu’une bête, elle qu’on prenait pour la fiancée d’un Dieu, elle qu’on prenait déjà comme une incarnation de la   Sophia… Non, une bête, une femme sauvage, qui ne savait pas chasser mais qui sentait pousser en elle toutes sortes de griffes, elle était prête à bondir sur n’importe quoi, n’importe qui, elle en oublia le plat de lentilles, c’était une image, une pensée de trop, un souvenir, qui la coupait de son instinct, de son impulsion à faire ce qui est juste dans le moment présent. Elle se jeta à terre et c’est en rampant, le nez dans les feuilles mortes qu’elle trouva sa nourriture, mais était-ce encore un nez, plutôt un mufle, un groin, comme ceux des sangliers, ses frères de la forêt – ce n’était pas un plat de lentilles qu’elle découvrait, ni rien de ce qu’elle avait connu, cela avait un goût et une odeur indescriptibles, c’était sans doute ce qu’on appellera plus tard des truffes…

Elle se nourrit encore d’un peu de terre et d’herbes et bu à la source. Elle comprit alors ce que Yeshoua voulait dire par « ne pas s’inquiéter ». Cela voulait dire « ne pas en rajouter », ne pas rajouter sa faim future à sa faim présente, sa douleur à venir à sa douleur présente – cela suffit. Ce qui nous est donné dans l’instant présent, c’est l’unique nécessaire. Myriam observa davantage les bêtes de la forêt, effectivement elles ne s’inquiétaient pas du lendemain, elles ne semblaient s’inquiéter que lorsqu’elles avaient faim, mais non, elles ne s’inquiétaient pas, elles se réveillaient, elles avaient faim et c’est leur faim qui leur dictait les   actes nécessaires pour trouver la nourriture dont elles avaient besoin, avant de retourner à leur repos, à leur tranquillité qui semblait être leur nature essentielle. « La vie n’est-elle pas plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement ? » Comment la Vie peut-elle être une nourriture ? Les disciples en lui indiquant la forêt de la Sainte Baume comme refuge imaginaient sans doute qu’elle se   nourrirait « d’amour et d’eau fraîche ». Savaient-ils vraiment ce qu’était la faim ? Mais elle, savait-elle ce que c’est « se nourrir de la Vie » ? Elle venait ici pour l’apprendre…

Il lui fallut plusieurs mois pour comprendre que « l’homme ne vit pas seulement de pain », de lentilles, de truffes montées de terre ou de cailles tombées du ciel ; mais aussi d’air et de souffle… Elle apprenait à respirer   profondément, il y avait là une nourriture subtile, elle ne l’avait jamais pensée ou imaginé, pourtant elle se souvint que Yeshoua mangeait si peu, sauf lorsqu’Il était avec des amis, les viandes grasses et le bon vin, Il savait alors les apprécier… Quand les disciples s’inquiétaient à propos de sa faim, il répondait : « J’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas… Ma nourriture c’est de faire la volonté de mon Père. » Autant de paroles étranges qu’ici elle comprenait mieux. « Abba » – ce n’était pas pour Lui seulement un mot, mais une Présence, la Présence qui l’accompagnait et cette Présence Lui remplissait non seulement le cœur et l’esprit, mais aussi le ventre, Il se tenait tout entier en Sa Présence… Elle se souvenait encore d’une autre parole : « Je suis » est le pain de vie. Celui qui me mange n’aura jamais faim » – cette parole avait fait fuir beaucoup de disciples. « Comment nous donnerait-Il son corps à manger ? » 

Les effets ne se firent pas attendre – Yeshoua, « Je Suis » demeurait vraiment en elle, calmait toutes ses faims, toutes ses inquiétudes. Elle affrontait chaque épreuve, en Sa Présence, une épreuve à la fois, une souffrance à la fois, un plaisir à la fois… Sans se soucier de ce qui allait venir – ce qui allait venir, c’était encore du présent, une occasion d’Être avec « Je Suis », en Sa Présence… Demain n’existe pas, n’a jamais existé, comme hier n’existe pas, n’a jamais existé. Il n’y a jamais eu qu’aujourd’hui, hier lorsque je l’ai connu, c’était comme « aujourd’hui », demain, je ne pourrai le connaître que comme « aujourd’hui ». On ne peut aimer qu’au présent. Dire : j’ai aimé, c’est ne plus aimer ; dire : j’aimerai, ce n’est pas aimer encore. On ne peut vivre qu’au présent. Dire : j’ai vécu, c’est ne plus vivre ; dire : je vivrai, ce n’est pas vivre encore. Réfléchissant à cela, elle sentit sa vie se simplifier considérablement. L’unique nécessaire, c’était de considérer le présent comme l’unique nécessité « Qui d’entre vous d’ailleurs peut, en s’en inquiétant, ajouter une seule coudée à la longueur de sa vie ? Et du vêtement, pourquoi vous inquiéter ?   Observez les lys des champs, comme ils poussent : ils ne peinent ni ne filent. Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. Que si Dieu habille de la sorte l’herbe des champs, qui est aujourd’hui et demain sera jetée au four, ne fera-t-il pas bien plus pour vous, gens de peu de foi ! Ne vous inquiétez donc pas en disant : Qu’allons-nous manger ? Qu’allons-nous boire ? De quoi allons-nous nous vêtir ? Ce sont là toutes choses dont les païens sont en quête. Or votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela. Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous inquiétez donc pas du lendemain : demain s’inquiétera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine. »

À chaque jour suffit sa faim… Vivre sa faim, ne pas en rajouter avec de faux appétits, ne pas s’inquiéter – c’était la loi de la forêt, des animaux et des plantes qui l’entouraient. Elle souriait à la pensée du Roi Salomon, là il y avait sans doute une   erreur, si les lys des champs sont en effet très bien vêtus, une femme comme elle, de quoi Dieu pouvait-il bien la vêtir ? Elle avait froid et n’aurait pas supporté de se revêtir de peau de bêtes comme Jean-Baptiste ou de plumes d’anges comme dans ses rêves. C’est alors qu’elle remarqua que sa chevelure depuis son arrivée à la St Baume s’était beaucoup allongée et épaissie et que son corps revêtu de cette toison n’avait rien à envier à la fourrure des louves. Elle avait aussi appris à lutter contre le froid avec sa respiration et l’invocation du Nom de Yeshoua était parfois en elle comme un feu, plusieurs merles peuvent en témoigner, on voyait en hiver, la neige fondre à l’approche de son corps et de ses cheveux. Mais là n’est pas la question, les magiciens de toutes les contrées connaissent bien tous ces phénomènes qui naissent de notre intimité avec la nature. L’important pour elle c’était de « chercher d’abord le Royaume de Dieu et Sa Justice sachant que tout le reste lui serait donné par surcroît. »

La plupart des hommes cherchent d’abord le surcroît : « la richesse, la santé, la beauté, la réussite, la paix, la connaissance etc., tout ce qu’il peut y avoir de désirable… » Ils cherchent le désirable avant de connaître quel est leur plus profond   désir, et leur énergie se disperse dans cette quête sans fin d’une infinité de désirables… Qu’est-ce qui règne sur moi ? pensait-elle. Quel est véritablement le Maître de mon désir ? et aussitôt elle se joignait à la prière de « Yeshoua – Je Suis » présent en elle : « Que ton Règne vienne », c’est-à-dire, que Ton Esprit, Ton Souffle de liberté m’anime, que je ne sois l’esclave, ni de moi-même (de mes pensées, de mon passé) ni de personne. Que je n’obéisse qu’à l’Amour, que ce soit la volonté de la Vie qui se fasse, qui se réalise en moi…

Et de nouveau, elle invoquait le Nom, elle « s’ajustait » à la Présence de « Je Suis » en elle, afin qu’il établisse son règne dans toutes les dimensions de son être : charnelles, affectives, mentales et spirituelles. Elle cherchait d’abord cela, qui est partout et toujours présent ; en Sa Présence, dans Sa lumière et Son Amour, tout lui était donné par surcroît. Elle comprenait enfin dans cette solitude que d’autres auraient trouvée atroce et insupportable, une des paroles de l’Enseigneur qui lui avait semblé tellement injuste : « À celui qui a on donnera, à celui qui n’a pas on prendra même ce qu’il a. » À celui qui a l’amour en lui, tout lui apparaîtra comme un don, tout lui sera donné comme par surcroît, gratuitement, gracieusement, « grâce sur grâce »…

Marie Madeleine, femme sauvage et angélique ! Dans un essai éblouissant, Jean-Yves Leloup évoque la vie de Marie Madeleine à la St Baume, immergée en pleine nature. Il nous offre une lecture éclairante d’une Myriam de Magdala lumineuse de modernité pour toutes les femmes d’aujourd’hui

 

LELOUP - « Notre pÈre »

Jean-Yves leloup

Edition ALBIN MICHEL

 2007

« Je ne crois pas en Dieu. Dieu n’existe pas. Mais je le prie tous les jours » : lorsqu’un ami lui confie cette pensée, évoquant sa fidélité à la récitation du Notre-Père de son enfance, Jean-Yves Leloup décide d’écrire ce livre. Comment se dire athée et prier tous les jours ? De quel athéisme s’agit-il ? (Rebelle, raisonnable ou mystique ?) Jean-Yves Leloup interroge la prière de Yeshoua dans l’Évangile et le désir qui s’y exprime.

L’interprétation plus philosophique que religieuse qu’il donne du Notre-Père peut étonner : elle rejoint les questions fondamentales du monde contemporain, celles de l’Origine, de la paternité, du Nom… celles de l’identité, de la nourriture, de la dette et du pardon, de l’épreuve et de la perversion…Il nous rappelle également que Yeshoua de Nazareth n’a jamais transmis une « Loi » (Thora, Charia ou Dharma), mais une prière, c’est-à-dire une relation, une attention à l’Autre, qui peut réorienter l’intelligence, le désir et les actes, dans les situations les plus triviales et les plus sublimes de l’existence humaine.

La fréquentation quotidienne de la prière de Yeshoua, c’est encore ce qui transforme nos plus intimes questions en sources vives d’émerveillement et de contemplation : Qui est mon père – qui est ma mère ? Quelles sont mes racines, mes origines ?

Qui est le père, l’origine, le Principe des mondes, l’origine des choses, l’origine de l’être qui a un visage ? D’où me vient l’expérience de la paternité, de la maternité ? Qu’est-ce que je dis quand je dis : « Abba, notre Père qui êtes aux cieux » ? Quel est mon nom ? Quel est le nom par lequel la vie m’appelle à être ? Qui suis-je ?

Quel est le Nom de l’Être qui est ? du Je Suis que Je Suis ? Comment discerner ce Nom, le différencier de tous les noms, l’honorer ? Qu’est-ce que je dis quand je dis : « Abba, que ton Nom soit sanctifié » ? Qui est le Maître de mon désir ? Qu’est-ce qui règne sur moi ? Qui me délivrera de toutes formes de tyrannies extérieures ou intérieures ? À qui puis-je remettre mon désir, être en confiance, m’abandonner ? Qu’est-ce que je dis quand je dis : « Abba, que ton Règne vienne » ?     Qu’est-ce que je veux vraiment ? Qu’est-ce qui veut en moi ? Qu’est-ce que la vie et l’Amour veulent en moi ?   Qu’est-ce que je dis quand je dis : « Abba, que ta volonté soit faite » ? Qu’est-ce qui me nourrit vraiment ?   Quelle est la nourriture de mon être essentiel ? Quelle est l’unique et le plus « nécessaire » pour vivre ?   « On devient ce qu’on mange » – qu’est-ce que je deviens ?   Qu’est-ce que je dis quand je dis : « Abba, donne-nous aujourd’hui la nourriture nécessaire à notre Vie » ?   Qu’est-ce que je dois ?   Qu’est-ce qu’on me doit ?   Quelles sont mes dettes et mes débiteurs ?   Qu’est-ce qu’on ne me pardonne pas ?   Quels sont mes torts, mes offenses, mes manquements ?   Qu’est-ce que je ne pardonne pas aux autres ?   Qu’est-ce que je ne me pardonne pas ?   Qu’est-ce qui pardonne en moi ? Peut-on pardonner l’impardonnable ?   Qu’est-ce que je dis quand je dis : « Abba, libère-nous de nos dettes, comme nous-mêmes libérons nos débiteurs »   ? ou « Abba, pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés » ?     Qu’est-ce qui me tente ?   Qu’est-ce qui me détourne de la voie que je ressens comme juste ?   Qu’est-ce qui m’éloigne et me fait oublier ce que « Je Suis » ?  

Comment suis-je « éprouvé » ?   Quelle est ma plus grande épreuve ? Celle qui me conduit à désespérer ? à ne   plus croire ? à ne plus aimer ?   Qu’est-ce qui en moi est plus fort que la tentation et me permet de ne pas   être emporté par l’épreuve et de m’identifier à mon expérience ?   Qu’est-ce qui m’empêche de sombrer ?   Qu’est-ce que je dis quand je dis : « Abba, ne nous laisse pas emporter par   l’épreuve » ?     Qu’est-ce que m’empêche d’être en paix ? d’être heureux et libre ?   Qu’est-ce qui fait « obstacle en moi » à l’Amour, à la vérité, à la Vie ?   Qu’est-ce que j’ai de plus mauvais, de plus sombre, de plus pervers en moi ?   Qu’est-ce qui peut être pire que le pire de moi-même ?   Qu’est-ce que me rendra libre de mes fonctionnements pervers ?   Qu’est-ce que me permettra d’accepter mon ombre et d’être libre à son égard ?   Qu’est-ce que je dis quand je dis : « Abba, délivre-nous du pervers » ?     Qu’est-ce que je dis quand je dis enfin : « YHWH, à Toi appartiennent le Règne, la Puissance et la Gloire » Quand je signe par ce « oui », cet « amen », mon adhésion à l’Être qui Aime et ma liberté à l’égard de tout autre règne, puissance et gloire.    

Yeshoua de Nazareth n’a jamais transmis de « Loi » à ses disciples (Thora, charia ou dharma), Il leur a transmis une prière, c’est-à-dire, un art de vivre en relation instant après instant avec ce qui nous fonde et nous donne d’être vivant.   Ce fondement, cette Source de Vie il l’a appelé « Abba », ce qui ne veut rien dire ou dire simplement que nous ne sommes pas ici par hasard ou par nécessité, mais que nous sommes « aimés », appelés à être et à être libre « avec » les autres êtres et que le mieux et le meilleur que nous ayons à faire si nous ne voulons pas disparaître c’est de nous aimer.Il nous a transmis, un désir, une orientation du cœur et de l’intelligence vers le Libre, le Beau, le Vrai et le Bien. Le désir d’un autre règne que ce qui domine parmi les hommes, une autre puissance que les pouvoirs qui ont cours dans nos cités, une autre gloire que celle qui brille sur nos écrans…   mais ce n’est pas « un autre monde », c’est sans doute le même, mais aimé et vécu « autrement ». Il nous a transmis une qualité d’attention, de Souffle qui nous relie à tout ce qui vit et respire. Demeurer dans ce souffle et cette vigilance, ce n’est plus réciter sa prière, c’est « être » sa prière, c’est « être avec lui jusqu’à la fin du monde ». « Lui (Je Suis) en nous – et nous en Lui »

 

LELOUP - PAROLES DE JÉSUS

Textes présentés par Jean-Yves Leloup

Edition Albin Michel  

 1994

Les paroles de Jésus sont des semences, du grain jeté en terre, elles doivent traverser l’hiver, celui de nos doutes ou de nos explications inutiles. Puis un jour « la Parole se fait chair ». On comprend parce qu’on a vécu, parce qu’on a mis en pratique. Comme si l’Intelligence de l’Amour ne se révélait qu’aux actes. Des actes précis, tendres ou fiers, avec un je-ne-sais-quoi de « gratuit ». On comprend alors que le Dieu de Jésus est en   nous. Nos limites sont des berceaux d’infini.

 

Son enseignement est là pour faire fleurir le meilleur du meilleur de nous-même et encore quelque chose de plus. Ce plaisir-là ne tient pas boutique dans les rues, il n’est ni à acheter ni à vendre. Paix et joie étranges, purs échos d’une Présence inconnue.

 

Jésus a prononcé de nombreuses paroles et toutes n'ont pas été écrites, mais les auteurs des Evangiles ont été inspirés afin d'écrire celles qui sont nécessaires à notre foi. Mais ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom. Jean 20:31

 

Déjà, ce passage nous montre combien il est important de lire et connaitre Ses paroles fondement de la vraie foi en Lui qui est la source de la vie éternelle. Les paroles du Seigneur Jésus-Christ, sont précieuses pour nous instruire et nous encourager, nous avertir et nous mettre en garde. Il a voulu qu'elles nous soient fidèlement rapportées et il a confié cette tâche à ses premiers disciples.

 

Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Matthieu 28.19. Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, concernant la parole de vie, -  car la vie a été manifestée, et nous l’avons vue et nous lui rendons témoignage, et nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous a été manifestée, - ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, à vous aussi, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous. Or, notre communion est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ.  Et nous écrivons ces choses, afin que notre joie soit parfaite. 1 Jean 1.1-4 Mais ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom. Jean 20:31

 

Les quatre Evangiles nous rapportent de nombreuses paroles de Jésus. Chacun peut en prendre connaissance et je trouve que nous ne les lisons ou relisons pas assez souvent. Lorsque nous prenons le temps de les lire, de les méditer, d'y réfléchir, nous découvrons que le Seigneur nous a laissé des paroles lumineuses, simples et claires, qui apportent des encouragements, des instructions et aussi des avertissements. Nous pouvons dire des paroles de Jésus, ce que le psalmiste disait des paroles de Dieu qu'il connaissait :

 

LELOUP - PAROLES DU MONT ATHOS

Jean Yves LELOUP

Edition Albin Michel 

 1991

Jean Yves Leloup ne s’est pas rendu au mont Athos ni en touriste ni en curieux, ni en spécialiste de l’œcuménisme, mais en pèlerin soucieux de changer son cœur. Il s’est mis à l’écoute des moines dont il partageait la vie, et en a rapporté ce recueil de paroles qui sonnent clair et élèvent l’âme de chacun.

Le lecteur se trouve ainsi plongé au cœur du monachisme chrétien oriental, à travers l’entretien d’un jeune homme, épris de vérités essentielles, avec les Anciens qui l’ont précédé sur la voie de la prière et de la quête intérieure. Devenu dominicain, puis prêtre orthodoxe, J. Y. Leloup n’avait aucune ligne à changer à ce témoignage : la tradition orthodoxe plus que millénaire qui se vit au mont Athos, toujours empreinte de l’éternelle jeunesse de l’Evangile, répond en effet aux questions les plus cruciales de notre monde en quête de sens.

Il est difficile de parler du Mont Athos, car il faut résister à deux tentations : celle d’en faire une icône, de voir partout ruisseler la lumière divine et de canoniser, sous prétexte de tradition, les attitudes les plus superstitieuses et aberrantes. Puis de faire attention aussi d’en faire une caricature et d’en parler comme en parlent les journaux, c'est-à-dire avec mépris en caricaturant sa crasse ou son homosexualité.

Peut-être faut-il trouver un compromis entre les deux, entre l’art de l’icône et celui de la caricature, c’est à dire parler de l’art du portrait.

Ces paroles de moines écrites dans ce livre sont un essai de synthèse de nombreux entretiens que l’auteur a eu avec divers moines et higoumènes du Mont Athos. La parole n’est pas seulement dans la bouche de celui qui parle, elle est aussi dans l’oreille de celui qui écoute. Le résultat de ces paroles est aussi le résultat d’une lente maturation que l’auteur a eu pour restituer ces paroles.

Il nous restitue également le fruit de ses réflexions sur de nombreuses questions qu’il s’est posées sur la finalité des moines, sa vie, son but, ses moyens pour réaliser cette fin, sur le jeûne, le silence, la pauvreté, les veilles, l’obéissance, savoir ce qu’est l’hesychia, l’apathéia, la grâce, comment acquérir le saint esprit, la prière du cœur, comment prier, comment connaitre la volonté de Dieu, comment discerner les pensées, quel est le rôle du Père spirituel, comment prier pour tous les homme ?

L’auteur nous donne les réponses des moines et des Pères à toutes ces questions, avec de très nombreuses références aux Ecritures, aux apothèmes et aux Pères de l’Eglise, ce qui donne un écho vivant de la Tradition, car l’auteur a remarqué que les moines de l’Athos avaient une véritable envie de transmettre ce qu’ils avaient eux -même reçu de leurs Pères, ceci avec également l’envie de partager une expérience personnelle, afin que chacun puisse y trouver des réponses de joie et de bonheur.

 

LELOUP - PHILON D’ALEXANDRIE – PRENDRE SOIN DE L’ÊTRELES THÉRAPEUTES

Jean-Yves LELOUP

Edition  ALBIN MICHEL 

 1993 

Philon et les Thérapeutes d’Alexandrie. Juif de culture hellénistique, Philon d’Alexandrie, (-20/ +40) contemporain du Christ, est très représentatif des mouvements spirituels d’un milieu où se côtoient les syncrétismes les plus audacieux et les sectarismes les plus violents. Précurseur d’Origène, il est surtout connu pour son art de l’interprétation des rêves et des textes sacrés, qui n’est pas sans rappeler celui de la psychologie des profondeurs au XXe siècle.

Dans son livre les Thérapeutes, présenté et commenté ici par J.Y. Leloup, Philon se fait le chantre d’une communauté dont on connaît mal la nature, mais qui se caractérise par son hospitalité et son attention à l’Être dans toutes ses dimensions : Corps, Âme et Esprit. Les Thérapeutes, par cette vision globale de l’homme, enracinée dans l’anthropologie biblique, préfigure déjà les psychologies contemporaines ouvertes aux domaines du corps et de la spiritualité.

Autre sujets d’intéressements : Les Thérapeutes vivent aux environs d’Alexandrie, véritable bouillon de culture de l’époque, lieu de rencontre des civilisations d’Orient et d’Occident, où les syncrétismes les plus délirants entrainent leurs corollaires de sectarismes obtus et parfois violents. Il y a aussi rencontre de l’anthropologie et des concepts sémites et grecs. La façon de lire les textes et les Ecritures posent aussi problèmes selon la culture de chacun.

Du temps de Philon, le thérapeute est un tisserand, un cuisinier, mais aussi un sage, un intercesseur et un psychologue.  Il prend soin du corps, il prend soin aussi des images qui habitent son âme, il prend soin des dieux et des logoï (paroles) que les dieux disent à son âme, c’est un psychologue qui s’occupe aussi de son éthique de vie débouchant sur la sagesse. Le thérapeute sait prier pour la santé de l’autre (comme le chaman) en appelant sur lui la présence et l’énergie du Vivant, qui seul peut guérir, le thérapeute ne guérit pas, il prend soin et coopère afin de mettre le malade en condition de guérir.

Rentrer chez les Thérapeutes, c’est d’abord changer d’habits, se revêtir de « lin ». Changer d’habit, c’est changer de climat, de temps, c’est entrer en spiritualité, en tous cas c’est changer de psychisme. Le thérapeute doit se tisser symboliquement un habit de contemplation de l’Eternité, les moines  par la suite suivront l’exemple de ce symbolisme (robe, scapulaire, ceinture…). Chez les thérapeutes la cuisine était très importante, la viande était bannie et le repas était frugal. Ils disaient : « Ne plus se nourrir de cadavresLaissez les bêtes manger les bêtesOn devient ce que l’on mangeCe qu’il y a dans notre assiette est notre meilleur médecin » 

Les Thérapeutes prenaient soin du désir, c'est-à-dire de leur égo, leur fantasme, leur matérialité refoulée. Ce désir était l’objet de toute leur attention, il ne s’agissait pas de le stimuler ou de le détruire mais de le « réorienter quand il est perdu ». Nous sommes là aux racines de ce qu’on appellera plus tard l’Ethique ou encore la Morale. Le péché (du grec hamartia= manquer la cible) est avant tout une maladie du désir, une perversion ou une désorientation.

Le but des thérapeutes et le premier effet de leur enseignement  sera de redire à l’homme le but et la finalité de son désir. Ce qu’actuellement en métaphysique on peut appeler, lutter contre son égo et ses vices,  non pas en le tuant mais en le maîtrisant. Les Thérapeutes tout comme leurs frères Esséniens de Galilée prônaient et pratiquaient cette ascèse du corps et de l’esprit.

 

LELOUP - PRAXIS ET GNOSIS D’EVAGRE LE PONTIQUE, OU, LA GUÉRISON DE L’ESPRIT

Jean-Yves Leloup  

Edition du Cerf

 1992 

Né en 345 dans la province romaine du Pont en Cappadoce, Evagre fut longtemps l'élève du célèbre théologien et poète Grégoire de Nazianze, avant de s'illustrer à Constantinople puis à Jérusalem par son intelligence, son habileté dialectique... et sa vie personnelle mouvementée. Puis il se retire dans le désert d'Egypte où il demeurera quatorze ans, jusqu'à sa mort.


C'est de cette dernière époque, où l'enseignement spirituel des Pères du Désert, comme Macaire l'Egyptien, vient compléter avec bonheur celui qu'il avait reçu de ses premiers maîtres dialecticiens, que datent les deux opuscules présentés ici par Jean-Yves Leloup : la Practikè, où Evagre décrit les exercices du méditant pour orienter sa psyché vers l'Esprit (Pneuma) ; et la Gnostikè, qui traite de harmonie du psychisme enfin devenu capable de contemplation.

Dans son travail intitulé Le traité pratique Evagre le Pontique, l’un des pères de l’église du IVème siècle définit une praxis par laquelle l’Homme peut entièrement être orienté et dynamisé par l’esprit, et ainsi laisser libre cours à la capacité de dépassement qui le caractérise.


Il va définir logismoï, ou baisses de l’âme, ou maladies de l’égo, qui sont susceptibles d’empêcher l’Homme d’accéder à son humanitude, à la réconciliation avec Dieu :

Gastrimargia (toutes les formes de pathologies orale : boulimie, anorexie, bavardage, gourmandise, alcoolisme…), la philarguria (avarice), la pornéia (obsession sexuelle), l’orgé (la colère), la lupé (la tristesse), l’acédia (la dépression à tendance suicidaire), la kénodoxia (la vaine gloire, l’inflation de l’égo), et l’upérèphania (le délire schizophrénique).

La philarguria : La philarguria est une sorte d’attachement irrationnel à un bien quelconque (livre, vêtement, voiture…) mais également à l’égard d’une idée pratique ou d’une posture particulière. On peut ici nouer des liens avec la psychologie contemporaine, et utiliser la notion de stade anal chez Freud : Un enfant peut éprouver une peur indescriptible à la vue de ses excréments, pour lui c’est son corps qui se décompose, et si sa mère n’est pas là pour le rassurer et le remercier de ce cadeau, il va éprouver une certaine crainte qui peut le conduire à se retenir, ou au contraire à se vautrer dans ses excréments. Ainsi on peut avoir deux modes de manifestation de la philarguria; une rétention forte ou à l’inverse un excès, une théâtralisation, voire une parodie.

La pornéia : La pornéïa noue des liens très étroits avec la philarguria. Chez Evagre le pontique il s’agit d’un mauvais équilibre psychologique qui concentre toute l’énergie et l’attention au niveau génital. Pour libérer cette énergie, il y a une véritable pulsion sexuelle qui en son point culminant arrive à la masturbation. On peut aussi évoquer le fait que son propre corps, mais aussi le corps de l’autre, n’est considéré ici que comme une chose, une matière sans âme, un simple objet de plaisir.

La kénodoxia : C’est une combinaison de la philarguria et de la pornéïa. C’est une inflation démesurée de l’égo. On peut évoquer l’image de la grenouille qui veut être plus gros que le bœuf. Le moi exige une reconnaissance, une admiration de tous, il faut que l’individu soit au centre des attentions et que tous les regards soient dirigés sur lui. Plus le sentiment d’insécurité est grand, plus on aura besoin d’exploits ou de relationsrelevant de l’importance illusoire.

L’orgé : Comme la colère nous met hors de nous on comprend bien comment l’orgé peut nous éloigner de notre humanité. Evagre le pontique la définit comme « notre difficulté d’accepter l’autre en tant qu’autre, s’il ne correspond pas à l’image qu’on se fait de lui notre esprit s’irrite et le ressentiment nous ronge ». Il écrit même qu’ « aucun vice ne fait devenir l’intellect démon autant que la colère ». La colère est une forme d’immaturité, c’est un enfant qui veut tout toute de suite par exemple. Evagre remarque d’ailleurs que lorsque l’être est en colère il est à bout de souffle, il perd son souffle, son spiritus capable de donner du volume à notre être.

La lupé : Elle vient souvent du fait de penser la vie en termes de besoins, ici l’être confond les désirs et les besoins, ce qui amène une frustration. Ainsi une relation déçue à l’autre peut conduire à de la tristesse. La lupé est l’épreuve du vide que l’on fait et que l’on n’est pas prêt à faire, et le premier manque propre à l’Homme et qu’aucun ne peut jamais combler est la mort, cette peur irréfragable de l’inconnu et du vide. Il est sain d’être insatisfait, mais il faut comprendre pourquoi. Plus on va remplir notre vie et notre être pour combler ce vide, plus on va être confronté au vide et plus il faudra remplir.

L’acédia : C’est la forme ultime de la lupé, c’est une pulsion de mort, un « a-quoi-bonisme » qui peut donner naissance à des tendances suicidaires. L’acédia se rapproche fortement de la mélancolie, mais aujourd’hui on utilise plutôt le terme de dépression.

L’upérèphania : C’est le summum de la kénodoxia, de l’égologie. Ici on est dans une satisfaction égologique proche de l’autisme. C’est prendre ses rêves pour la réalité et ne plus se référer au jugement des autres, de la société et du monde. Etre dans l’upérèphania c’est perdre la conscience que l’altérité est validante, et que personne n’y échappe. C’est se déployer et vivre dans son propre monde, avec sa seule personne pour instance validante. Le lien avec l’altérité est ici complètement coupé.

 

LELOUP - QUI EST ‘’JE SUIS’’ ? - Connaissance de soi et connaissance de Soi

Jean-Yves Leloup

Edition Le Relié 

 2009

Jean-Yves Leloup analyse ici cette célèbre et énigmatique formule du Christ : Ego Eimi, «Je suis», véritable kôan chrétien que l'on retrouve exprimé sous diverses formes dans les Evangiles, mais aussi dans la Bible et dans de nombreuses traditions spirituelles du monde. Il s'interroge sur les états multiples de l'être et sur ce «Je suis» qui nous concerne tous. Car qui suis-je ? Qui pense être «Je suis» ?


Il nous donne ainsi des éléments de réflexion pour avancer dans notre interrogation sur notre propre incarnation. Avec ce livre, on y trouvera un CD audio où Jean-Yves Leloup développe encore sa pensée. Voici donc une invitation à parfaire la connaissance de Soi.

 

Quand Moïse demande à Dieu qui il est, celui-ci répond par une affirmation qui a fait couler beaucoup d’encre : « Je suis celui qui suis », trois mots en hébreu qui recèlent tout le mystère de la nature divine. Le hasard fait d’ailleurs que la référence de ce verset dans la Bible est Exode 3,14, or « 3,14 », c’est le nombre Pi, et comme Pi est la clé du calcul du cercle, Exode 3,14 est la clé de toute la Bible.

Pourtant le sens de cette affirmation est bien mystérieux, déjà elle est traduite de bien des manières différents : « je suis qui je suis », ou « je suis qui je serai», ou « je suis l’être»... 

A l’inverse, on peut faire une interprétation forte de notre verset, une interprétation ontologique, parce que le verbe « être », quand il est utilisé en hébreu l’est toujours au sens fort. Et on peut donc penser que ce n’est pas de la part de Dieu une fin de non-recevoir, mais au contraire, une réponse : « je suis l’être » (comme l’a compris la traduction grecque des Septante : « ego eimi o ôn »). Cela, c’est l’onto-théologie représentée en particulier par Thomas d’Aquin au XIIIe siècle. Pour simplifier, l’idée, c’est que dans le monde, il y a des choses qui sont : ce bulletin est, moi je suis, or tout ce qui « est » participe à quelque chose de commun qui est l’être. Cet être, c’est ce qu’a en commun tout ce qui est. Mais qu’est-ce que l’être en tant qu’être ? Puis-je imaginer l’être pur sans quelque chose qui soit ? C’est la question de la métaphysique, ou de l’ontologie, et la théologie médiévale a dit que cet être auquel participe toute chose, c’est Dieu. Dieu est ainsi l’être en soi, ce qui est et ce qui fait être chaque chose, ce qui donne l’être à tout ce qui est. Plus près de nous, des théologiens modernes ont dit que Dieu était « la puissance d’être », ce qui pousse toute chose à être et à plus être, à mieux être.

Alors une lecture plus hébraïque est de se demander à quel temps il faut le traduire : Dieu dit-il : « je suis qui je suis », ou « je suis qui je serai ? ». C’est compliqué, parce qu’en Hébreu, il n’y a pas de temps comme en français, il y a juste un accompli pour les actions passées, et un inaccompli pour une action qui se prolonge dans le futur, qu’elle soit passée présente ou future. Donc le « Eheyé » hébreu  peut se traduire par « je suis », « j’étais », ou «je serai », et en fait c’est les trois à la fois. Dieu dit donc : « je suis celui qui était, qui est, et qui sera ». C’est ce qu’a compris l’Apocalypse, qui appelle Dieu ainsi. L’idée est bonne : tout dans ce monde est passager, un jour n’était pas et un jour ne sera plus. Mais tout ne peut pas être passager, qu’est-ce qui est l’intemporel, ce qui demeure, la structure du monde, l’absolu, la transcendance ? C’est cet absolu que nous appelons Dieu. C’est d’ailleurs de là que vient le nom de YHWH (Yahweh, ou Yéhova) que les protestants ont eu l’idée de traduire par: «l’Eternel ». C’était une très bonne idée : Dieu, c’est l’intemporel par définition, ce qui est hors du temps, hors de tout processus de genèse et de corruption. Et croire en Dieu, c’est s’attacher à l’éternel, fonder sa vie sur l’intemporel, sur l’absolu et le transcendant. Et puis, il y a ceux qui donnent un sens plus faible au verbe «être », comme les existentialistes. Pour eux, il y a deux choses différentes : être et exister. Exister, c’est pour les choses, les objets, ce qui est matériel et visible. Et pour eux : Dieu n’existe pas, il est. Dieu, en effet, n’est pas un objet, pas une chose, il n’a pas d’existence comme vous ou moi ou quelque chose. Mais il est. 

La théologie apophatique : Alors il est quoi ? C’est une fausse question, il est, tout court, il est, sans «quoi». Je reconnais que c’est difficile à imaginer, voire même impossible. Et peut-être est-ce là l’essentiel : Dieu, c’est difficile à penser, c’est compliqué, et dire brutalement : « je crois en Dieu », « Dieu existe », ou « Dieu n’existe pas » ne peut se faire qu’à partir d’images souvent enfantines et préconçues de Dieu. Donc finalement, ma première idée du « va te faire cuire un œuf » n’était pas si bête et mes professeurs avaient tort, d’une certaine façon, Dieu refuse de répondre : on ne peut pas donner un nom à Dieu, ni dire exactement ce qu’il est. Le nommer, c’est l’enfermer dans images humaines, or Dieu est ce qui dépasse tout, il est l’indicible, l’au-delà de tout, le « tout autre ». Pour les juifs, son nom est même imprononçable et inconnaissable. Dieu, c’est l’indicible. Cette idée, c’est ce qu’on a appelé la « théologie apophatique », et elle a raison : dire quelque chose de Dieu, c’est forcément dire quelque chose de faux. L’important, c’est comment l’idée que l’on en a nous fait vivre, et ce qu’elle génère en nous d’amour, de générosité et d’action positive dans ce monde. Donc Dieu est, parce qu’il y a du bien à accomplir dans ce monde, quand à dire ce qu’il est vraiment, je ne saurais le dire.

 

LELOUP  -  REQUIEM

Jean-Yves Leloup

Edition Le Relié

 2018

Dans cet ouvrage majeur, Jean-Yves Leloup s'interroge sur l'attitude à avoir devant la souffrance, la maladie et la mort, la nôtre comme celle de nos proches. Il se livre à un vaste questionnement sur le sens de la vie en s'aidant des diverses traditions chrétiennes, mais aussi bouddhiste, taoïste, soufie ou indienne. Il nourrit sa réflexion avec la psychologie transpersonnelle mais aussi avec des penseurs humanistes tels Dürckheim, Sartre, Brecht, Freud, Jung, Goethe, Dostoïevski ou Elisabeth Kübler-Ross et Marie de Hennezel... Il pose la question de la réincarnation et de la résurrection, celle du suicide et de l'euthanasie, des soins palliatifs et de l'art subtil de naître " d'en haut ". Il trace une radicale anthropologie de l'inévitable fin qui attend tout être, et de l'énigme qu'elle recèle. Ce livre a aussi un côté pratique car l'auteur propose des rituels et des façons de se comporter face au mourant comme face au décès. Il nous conduit sur les chemins de la quiétude, vrai sens du mot Requiem, afin d'élargir notre espace intérieur et vital ! Cette réflexion est accompagnée d'un CD audio avec un Requiem original de Jean-Paul Dessy

 

Actuellement, la violence physique faite au corps et la pieuse comptabilité des mérites et des rachats par la souffrance relèvent d’un passé révolu et font place à une conception où l’amour seul peut réparer les fautes et diminuer les peines entraînées par le péché. La douleur fait partie de la condition humaine depuis le péché originel, elle transforme l’âme et la rapproche de Dieu : « ... dans la souffrance se cache une force particulière qui rapproche intérieurement l’homme du Christ, une grâce spéciale » écrit Jean-Paul II dans « Le sens chrétien de la souffrance ». La douleur garde une dimension expiatoire dont la religion ne parvient pas à se défaire complètement, mais qui se transforme : l’accent n’est plus mis sur l’identification à la passion de la croix mais sur l’amour qui jaillit de la croix, c’est à dire la capacité de l’homme à maintenir en lui sa force d’âme : la souffrance de Jésus ne serait rien sans l’amour dispensé par son sacrifice. Mère Teresa suggérait de faire bon usage de la lèpre pour apprendre à aimer ceux que personne n’aime. L’offrande de douleur jadis valorisée perd son sens, de même que l’idée d’une douleur envoyée par Dieu en punition des péchés ou comme moyen d’acquérir des mérites en vue de la vie future ou encore comme signe d’élection. Ainsi la tradition catholique s’est ouverte aux valeurs contemporaines, l’Eglise admet aujourd’hui la lutte contre la douleur, l’anesthésie ou la péridurale. Mais les « hérésies » médicales nourries du climat catholique n’ont vraiment disparu que depuis peu, telles que la délivrance plus que parcimonieuse d’antidouleurs de crainte de provoquer une dépendance ou l’affirmation de l’inutilité des analgésiques chez les enfants sous prétexte que leur cerveau n’est pas assez développé pour percevoir la douleur.

 

Le christianisme a toujours accordé beaucoup d’importance au corps. Il l’a libéré des injonctions de pureté en vigueur dans les autres monothéismes, telles que la purification du cadavre ou de la femme ou les interdits alimentaires. Il a détruit la barrière entre le sacré, identifié au pur, et le profane, identifié à l’impur. La parabole du lépreux annonce que la lèpre n’est pas une condamnation ou une expiation et que la pureté ne peut être un élément de discrimination. Mais la société moderne réintroduit ces notions sous la forme d’idéalisation du corps : impératifs d’hygiène sociale, contradictions entre la valorisation du désir roi et les injonctions santé culpabilisantes ou promettant des enfers, idéal de beauté formatée, jeunisme. Le christianisme juge outrancière cette valorisation : le corps est mortel, fragile, il faut lui témoigner de l’attention, mais sans lui accorder un soin idolâtrique et obsessionnel qui méconnaît sa précarité.

 

L’Eglise critique le libertarisme ambiant qui privilégie le bien individuel, l’attente subjective, l’insouciance du bien commun. Ainsi la liberté sexuelle demeure un point de conflit. La sexualité garde pour l’Eglise sa finalité procréatrice et n’est valorisée que dans ce cadre, même si, toujours dans ce cadre, on reconnaît qu’elle apporte un certain épanouissement. L’Eglise redoute surtout la banalisation de l’acte sexuel, ce qui le détournerait de son but. Elle se méfie aussi de l’ambiguïté du plaisir : même si le lien ancien entre jouissance et péché s’est défait, la jouissance amène un risque d’enfermement en soi. Pour l’Eglise, revendiquer une égalité « anthropologique » entre couples homo et hétérosexuels ne parait pas marqué par le souci du bien commun : le refus des exclusions ne doit pas conduire à des dérèglements dont les générations futures paieront le prix. On ne peut pas faire l’économie de la différence sexuelle, une société de l’indifférenciation sociale ou sexuelle est génératrice de perte d’identité des personnes et donc source d’angoisse existentielle. La question n’est en fait pas individuelle, niveau où le dialogue au cas par cas peut se maintenir, mais sociale.

 

De même, le respect du corps pousse le magistère à n’accepter que les méthodes dites naturelles de contraception (Ogino) mais de très nombreux fidèles et prêtres prônent la largesse d’esprit : il faut à la fois éviter de banaliser l’acte sexuel et éviter le risque mortel, ce qui revient à permettre d’employer un préservatif... si on ne peut s’empêcher d’avoir une relation. Le corps doit être respecté et entouré et l’importance qui lui est donnée justifie (entre autres arguments) le refus de l’euthanasie. Décider d’avoir un droit de vie sur soi-même, c’est instituer avec soi-même, avec son corps, un rapport d’instrumentalisation. L’interdit de donner la mort ne peut être transgressé et la mort ne peut être banalisée. D’où aussi certaines réserves vis à vis de la crémation... et du corps médical qui identifie le patient à ses organes, alors que l’Eglise écoute le patient.

 

Au sommaire de cet ouvrage :  Quies et Requiem chez Maître Eckhart -  Présupposés anthropologiques  -   Rencontre avec l’inévitable  -  Mort et résurrection  ou la loi ontogénétique fondamentale   -  le rituel de la Dormition  -  L’énigme  -   « Naître au ciel » et « naître d’en haut »   -   Résonnance au requiem de Michel Onfray  -  Du Dies irae au Dies misericordioe   -   Notes préparatoires au Requiem de Jean-Michel Dessy   -   Requiem, nouvelle genèse . Oratorio   -  

 

LELOUPSECTES, ÉGLISES ET RELIGIONSEléments pour un discernement spirituel

Jean-Yves Leloup 

Edition Albin Michel

 1998

Je suis un individu qui parle à d’autres individus, un individu qui, heureusement, sait un peu de quoi il parle. En matière de sectes, il m’a été donné de visiter et de demeurer auprès d’un certain nombre de leurs membres — qui ne se présentent d’ailleurs jamais comme étant une secte.

En matière d’églises, il m’a été donné de m’engager dans l’église orthodoxe, d’abord comme baptisé, puis comme prêtre ; j’ai également bien connu l’église catholique romaine, puisque après ma formation philosophique et théologique, j’y suis resté comme père dominicain pendant plus de quinze ans, et c’est dans ce contexte que me furent données un certain nombre de missions auprès des sectes dites “dangereuses”.

En matière de religions, bien qu’enraciné dans le christianisme, je me suis toujours intéressé à ce qui pourrait alléger ou délivrer l’homme de sa souffrance et donner du sens à sa vie. Dans ce domaine, les religions orientales me semblèrent utiles et fécondes. Ces dernières années, de nombreux voyages en Israël-Palestine me permirent d’approfondir mes connaissances du Judaïsme et de l’Islam, et des conflits qui en découlent. La diversité de ces expériences et de ces rencontres m’autorise et m’invite à aborder ce thème avec circonspection, respect et esprit critique. »

Dans quel   état est leur esprit à eux ? Parfois les entités se nomment, et les « véhicules », « canaux » ou « channels » diront : « Attention, ce n’est plus moi qui parle, c’est Untel. C’est l’ange, c’est la Vierge Marie, c’est le Christ ou bien Dieu lui-même », conférant ainsi à ce qui est dit une autorité spirituelle, angélique ou divine… Ces paroles transmises avec foi et conviction rencontreront l’étonnement, l’émerveillement et l’adhésion d’un certain nombre d’auditeurs, comme elles rencontreront parfois le jugement et la condamnation d’autres auditeurs qui ne verront dans tout cela que des manifestations dangereuses,   inutiles, voire démoniaques. Ces messages venus d’ailleurs rencontreront également le scepticisme et   seront considérés comme des « remontées d’un inconscient » plus ou moins encombré ou mal exploré ; on parlera alors de « bouffées délirantes »,   symptômes de mal-être dans une histoire particulière ou plus largement de « malaise dans la civilisation ». 

  Reste à trouver une attitude qui ne soit ni adhésion aveugle, ni condamnation tout aussi aveugle, ni encore l’ironie facile et humiliante des clercs   psychanalystes ou théologiens. « La voie du milieu », de l’entre-trois-dires   (là où précisément se trouve le sujet qui écoute, entre le dire du conscient   et celui de l’inconscient ; ce troisième demeure l’inconnu dont les deux   premiers dires tentent d’être les témoins), cet entre-trois ne pourra être que le centre d’une interrogation honnête ou d’une foi qui cherche à   comprendre, une foi incrédule qui n’est pas prête à croire n’importe qui ou n’importe quoi sans examen, mais qui ne fait pas non plus du doute incessant   son absolu.

Il y a des choses qu’on ne peut pas comprendre que parce que d’abord   on y croit, il faut aimer ce qu’on cherche à comprendre.   L’interrogation, cela suppose en premier lieu la reconnaissance des faits sur   lesquels on s’interroge et la reconnaissance que ces faits ne sont pas si   nouveaux et se manifestent régulièrement dans l’histoire. Il s’agira de   considérer ensuite l’interprétation que l’on donne de ces faits, parce que là est sans doute le problème, interpréter ou ne pas interpréter, « là et la question », là est aussi notre liberté. L’examen des faits et de leurs interprétations ne dit pas encore s’il s’agit   de vrais ou de faux prophètes, de vrais ou de faux mystiques, d’authentiques médiums ou d’authentiques charlatans. Il n’est pas dit non plus si ces « enseignements » sont de réels messages et signes pour notre temps, espérance   d’un monde meilleur, d’une nouvelle vie, ou illusions, fantasmes, messages et   signes d’un triste temps, d’une époque malade, d’un cycle qui touche à sa   fin.   Pour trouver quelques éléments de discernement, il ne sera pas vain de faire   appel aux recherches de la psychologie contemporaine et à la sagesse des   grandes traditions spirituelles de l’humanité.

Depuis les temps les plus reculés, des hommes et des femmes disent recevoir   des signes ou des messages de puissances transcendantes. En Inde, on les   appelle des rishis, des voyants. Dans les traditions sémitiques, on les   appelle des nabis, des inspirés ou des prophètes. Les uns et les autres disent que ce qu’ils savent, ils ne l’ont pas acquis ; il ne s’agit pas d’une connaissance, fruit de leurs études et de leurs   investigations ; cette connaissance leur est venue d’en haut ou de la   profondeur, ils l’ont reçue d’une plus haute conscience ; elle leur a été donnée gratuitement, révélée. On parlera effectivement alors de Révélation.   Qu’est-ce à dire ? Selon Tresmontant, le mot français révélation est un   simple décalque du latin revelatio, qui se rattache au verbe revelo,   revelare, lequel signifie : ôter le voile, le velum, découvrir. Ce mot latin   revelatio traduit le grec apokalypsis qui signifie : action de découvrir, et se rattache au verbe apokalyptô qui signifie : découvrir, dévoiler. En grec,   le kalymma, c’est ce qui sert à couvrir, le voile, l’écorce. Kalyptô signifie   couvrir, envelopper, cacher.

 

LELOUP - SUR LES CHEMINS DE L’INFINI,

Jean-Yves LELOUP et Ferrante FERRANTI

Edition Philippe Rey  

 2007

Terre mythique, difficile d’accès, interdite aux femmes, le Mont Athos, en Grèce, est un haut lieu de la chrétienté. Perchés à flanc de falaise ou dressés sur le rivage, ses 20 monastères et leurs ermitages, renferment l’une des plus grandes collections d’art du monde, offerte à la vénération des moines et des pèlerins : iconistases flamboyantes, bibliothèques pleine d’incunables précieux, églises couvertes de fresques dont les plus anciennes remontent au 7e siècle.

 

Partant de son expérience de la vie à la Sainte Montagne, Jean Yves Leloup raconte pourquoi il est un « suiveur du Christ » et comment il est venu à l’hésychasme, spiritualité fondée sur la prière du cœur, chère aux orthodoxes. Un passionnant index historique, théologique et anecdotique du Mont Athos retrace l’histoire de ce lieu.

 

 A travers diverses lettres que l’auteur envoi à un de ses amis, J.Y. Leloup développe des leçons de théologie orthodoxe et explique la vie du Mont Athos, par exemple : «  Tu me diras : et Dieu dans tout ça ? Je te rappelle que Dieu n’existe pas ; s’il existait, comme tout ce qui existe, il serait voué à disparaitre… Quel intérêt d’avoir un dieu qui existe ? ou d’avoir la « vérité » ? Comme tout ce qu’on a, un jour on ne l’aura plus…L’important ce n’est pas le « dieu qu’on a mais le dieu qu’on est », l’important ce n’est pas « la vérité, la vie qu’on a, mais la Vérité, la Vie qu’on est ». Je te rappelle également que dans la Bible il n’est nulle part question de Dieu, mais davantage de YHVH, d’Adonaï, de Schaddaï, d’Elohim, de Schabbaot… chacun de ces noms est une tentative pour mettre un mot sur une expérience, l’expérience de l’inconnu, du Silence ineffable du cœur et de tout ce qui vit et respire : l’expérience d’un sens qui nous oriente, nous structure et nous conduit, l’expérience du monde comme manifestation d’une force et d’une énergie incommensurable.

Parmi les icônes du Mont Athos, il n'en est pas de plus répandu, de plus vénérées que celles de la Vierge. Le culte des saintes icônes étant devenu, depuis la querelle iconoclaste, un moyen d'élévation spirituelle et un témoignage de foi, il est naturel que la dévotion mariale se manifeste surtout envers les icônes qui glorifient Marie, le chef-d'œuvre de Dieu. Sur l'iconostase de chaque église, une place rituelle est réservée à l'image de la Théotokos, à gauche des portes royales, alors que le Sauveur occupe, comme il se doit, le panneau de droite. Nombreuses sont également les icônes mariales qui reproduisent les divers types de l'iconographie byzantine et nous permettent ainsi de refaire par la pensée tout l'itinéraire terrestre de la Vierge. Mais, au Mont Athos, outre ces icônes qui nous permettent de saisir la nuance particulière de la piété et de la théologie mariales byzantines, il en existe d'autres qui sont plus vénérées et devant lesquelles brûlent un plus grand nombre de cierges, de veilleuses. Ce sont les icônes anciennes dites miraculeuses. Il serait fastidieux d'en dresser une liste. Bornons-nous à retracer brièvement l'histoire de quelques-unes d'entre elles.

Notre-Dame de l'« Axion Estin ». — Cette icône se trouve actuellement à l'église de Karyès, au-dessus du trône épiscopal. L'histoire de l'icône, que nous empruntons aux tropaires de la fête se résume ainsi: Un soir, un vieil ermite inconnu vint frapper à la porte de l'ermitage d'un jeune moine pour lui demander l'hospitalité. Pendant l'office de nuit, l'hôte mystérieux, au lieu de suivre les indications du livre liturgique se met à chanter un verset mariai d'une beauté exceptionnelle. Surpris, le jeune moine demande à son hôte les paroles de cette hymne, que celui-ci trace sur une tablette à écrire: «Il est vraiment juste (= Axion Estin) de vous glorifier, ô Vierge bienheureuse et immaculée, Mère de Dieu. Vous êtes plus digne d'honneur que les chérubins, et incomparablement plus glorieuse que les Séraphins, vous qui, restant pure, avez mis au monde Dieu le Verbe: nous vous exaltons ». Après quoi, il disparut. Ce mystérieux « mélode » était l'archange Gabriel. L'icône devant laquelle l'hymne fut chantée pour la première fois reçut de nom d'Axion Estin, et l'antienne mariale est récitée actuellement à la messe et à certains offices.

Un superbe livre de 220 pages grand format, des photos superbes, et des explications sur la vie de ces 20 monastères du Mont Athos, qu’Yves Leloup a pu parcourir durant plusieurs mois, il nous en restitue ici, non seulement le journalier des moines, mais la vie spirituelle, la fabrication des icônes, et de nombreux détails sur cette communautés très indépendante vis-à-vis des autorités politiques de Grèce, mais aussi des autorités religieuses orthodoxes et même entre les monastères ils gardent jalousement leurs droits et prérogatives.

 

LELOUP - tout est pur pour celui qui est pur

Jean-Yves Leloup

Edition ALBIN MICHEL

 2005

Quelle fut la nature des relations entre Jésus de Nazareth et la grande figure féminine que la tradition chrétienne a nommée Marie-Madeleine ? Si « le Verbe s’est fait chair », s’il faut prendre au sérieux le mystère de l’Incarnation, peut-on imaginer que le Christ se soit interdit tout amour charnel ? L’histoire, les Évangiles canoniques, les apocryphes et la théologie ont-ils quelque enseignement à nous livrer à ce sujet ?

L’auteur d’Une femme innombrable, spécialiste de ces questions et traducteur notamment des Évangiles de Marie, de Philippe et de Thomas, aborde la relation « amoureuse » de Jésus et de Marie-Madeleine à la lumière de la parole de Paul : « Tout est pur pour celui qui est pur ». Son propos précis et sans tabou n’entend pas scandaliser, mais stimuler notre étonnement face « au réalisme de l’Incarnation ».
L’auteur explique les métamorphoses de la libido, le docétisme, l’Évangile de Philippe, le sacré dans la rencontre, la sexualité du Christ et la confession de foi.

Le succès fulgurant du " Da Vinci Code " a rendu toute son actualité à la sulfureuse question de la vie sexuelle de Jésus, en contradiction avec la perception que l'Eglise se fait de la sexualité. Pour autant, en prenant le dogme à la lettre, si le Verbe s'est vraiment totalement fait chair, il n'y a aucune raison de penser que le Christ ait ignoré cet aspect primordial de la vie humaine. Jean-Yves Leloup, qui travaille depuis fort longtemps sur cette question, nous livre ici la synthèse de ses travaux. En juillet 2003 après la publication de sa traduction des Evangiles apocryphes de Philippe, de Marie et de Thomas, cet auteur, ordonné prêtre orthodoxe, avait écrit, à la demande des hiérarques de son Eglise, une confession de foi assurant notamment : "Rien ne me permet d'affirmer que Jésus ait exercé la plénitude de sa sexualité (celle-ci n'étant évidemment pas réduite à la génitalité) avec Marie-Madeleine ou avec toute autre femme. Dans le respect de la plus stricte orthodoxie et du dogme de l'incarnation, rien ne me permet non plus de le nier." Il revient donc ici sur ce sujet hautement sensible de l'incarnation humaine de Jésus et de ce qui l'unissait à Marie-Madeleine.

A partir de l’évangile de Jean : « Et le Verbe s’est fait chair », le monde chrétien s’est déchiré, alors pourquoi l'Église attache-t-elle tant de prix à garder intacte la foi des premiers conciles, sinon dans ses formules, solidaire, de la culture d'alors, du moins dans sa visée centrale ? Pour elle, Jésus est réellement le Fils de Dieu, et il est réellement homme. Tenir fermement cette affirmation, qu'est-ce que cela change ? Disons qu'il y va d'une vision nouvelle de toutes choses ; davantage, d'une vie nouvelle qui nous est offerte à nous, les hommes.

Pourquoi avons-nous tant de mal à entrer dans le mystère de l'Incarnation ? On nous dit que Jésus est réellement Dieu et réellement homme. Mais qu'est-ce que Dieu ? Qu'est-ce que l'homme ? Nous prétendons le savoir d'avance. Notre seul souci sera alors de vérifier que nos conceptions spontanées de Dieu et de l'homme s'appliquent bien à Jésus. Or, ici, la foi demande un renversement radical.

Il nous faut apprendre à découvrir Dieu et à découvrir l'homme à partir de Jésus-Christ. Rares sont, parmi les chrétiens, et même parmi les théologiens, ceux qui s'y essaient. Pascal l'a dit magnifiquement : "Non seulement nous ne connaissons Dieu que par Jésus-Christ, mais nous ne nous connaissons nous-mêmes que par Jésus-Christ ; nous ne connaissons la vie, la mort que par Jésus-Christ. Hors de Jésus-Christ nous ne savons ce que c'est ni que notre vie, ni que notre mort, ni que Dieu, ni que nous-mêmes". A la lumière du Verbe incarné, nous sommes appelés à voir Dieu autrement, à voir l'homme autrement.

 

LELOUP - UN ART DE L’ATTENTION

Jean-Yves Leloup

Edition Albin Michel

 2000

Dans un monde survolté, pressé ou le stress nous fait croire à la performance alors qu’il empêche de goûter la vie, Jean-Yves Leloup propose un remède : l’attention. Pour lui, elle nous fait revenir de l’enfer qui est absence de miséricorde, oubli de nous-même, oubli de l’Etre. Un livre pour être attentif à soi-même pour redécouvrir le vrai sens de l’écoute et de la communication. Etre attentif aux autres et aux choses c’est leur donner la capacité d’évoluer, de se transformer, de changer. L’introduction du cœur dans l’attention évite au regard de « s’arrêter » en ce qui qu’il voit. Il devient sensible au sacré là où il risquait de faire de sa perception une idole.

Au moment de t’engager sur une voie, demande-toi si cette voie a un cœur », disait Don Juan, l’initiateur de Carlos Castaneda. Il ne s’agit pas ici du cœur physique, ni même du cœur affectif   et émotionnel, mais du cœur comme centre d’intégration de toutes les facultés de la personne, ce cœur – « centre » de l’homme – dont témoignent à peu près toutes les grandes traditions de l’humanité.

Un des drames de l’homme contemporain, c’est qu’il a perdu son cœur. Entre le cerveau et le sexe, il n’y a rien ; quelquefois, quand même, une immense nostalgie… mais souvent on passe des analyses les plus froides aux débordements pulsionnels le plus inconsidérés. L’homme devient ainsi de plus en plus schizophrène, ayant perdu le centre d’intégration, de « personnalisation » de son être : le cœur. Une intelligence sans cœur n’est pas vraiment humaine. Un ordinateur, lorsque sont décuplés ses banques de mémoires, est plus « intelligent » que l’homme. L’intelligence sans cœur, « la science sans conscience », éclaire nos sociétés d’une lumière froide où l’homme « se gèle   », s’analyse et s’ennuie.

Une sexualité sans cœur n’est pas une sexualité vraiment humaine, quelle que soit la quantité de nos intensités pulsionnelles, ce n’est que dans une relation de personne à personne que le plaisir bref peut se transformer en bonheur durable. « Dans le véritable amour », disait   Nietzsche, « c’est l’âme qui enveloppe le corps ». C’est le cœur qui donne du sens à nos étreintes, comme c’est le cœur qui peut orienter les découvertes de l’intelligence (cf. la physique nucléaire) dans un sens positif à la vie de l’humanité.

Nous sommes à l’époque des néons et des couvertures électriques, des lumières froides et des chaleurs opaques. On ne se réchauffe pas auprès d’un néon électrique, on ne s’éclaire pas auprès d’une couverture chauffante. Nous avons perdu la flamme qui est à la fois lumière et chaleur. « Redire ad cor » – « retourne à ton cœur », la parole du prophète est plus que jamais d’actualité.

 

LELOUP - UNE DANSE IMMOBILE

Jean-Yves Leloup

Edition Le Relié

 2015 

Lui, l'homme, passait une partie de son temps libre affalé devant la télé jusqu'à ce qu'une émission sur le zen l'incite à se redresser, au sens propre comme au sens figuré, et le conduise dans un temple à Kyoto, au Japon. -Elle, la femme, est une grande danseuse que son art a menée aux lisières de la folie mystique. -Ils se croisent un jour dans un parc à New York.

 

L'auteur nous raconte cette histoire d'amour improbable et d'éveil partagé, entre immobilité et mouvement, entre silence et univers sonore, entre intériorisation et extériorisation portées au-delà de toutes limites.

Comment qualifier "Une danse immobile" ? Court roman ? Grosse nouvelle ? Difficile de le dire, la seule certitude est qu'il s'agit d'un joli conte philosophique. Jean-Yves Leloup raconte la rencontre improbable entre un homme qui a appris à savourer pleinement chaque minute de sa vie dans un temple zen et une jeune femme en mouvement perpétuel, bavarde et fantasque.
Ces deux-là n'auraient jamais dû se rencontrer... Mais, les contraires s'attirent paraît-il ? Chacun des deux personnages trouve une résonance chez le lecteur. En effet, qui n'a jamais ressenti l'envie, si ce n'est le besoin, de tout lâcher pour une autre vie ?

Qui n'a jamais eu besoin de combler le vide et le silence par le mouvement perpétuel et le bruit ? Chacun de nous peut, ou plus exactement a, vécu l'une ou l'autre, voir l'une et l'autre de ces situations. Jean-Yves Leloup en créant la rencontre de ces deux personnages complètement opposés mais qui, pourtant, vont tomber amoureux l'un de l'autre rappelle l'un des grands principes bouddhistes : l'harmonie ne se trouve que dans le juste équilibre.

Le juste équilibre ou La voie du milieu est un terme bouddhique qui comporte de nombreuses connotations. Pour simplifier, il suggère une approche équilibrée de la vie et la régulation des instincts et du comportement de chacun. Ce concept se rapproche de l’idée de « juste milieu » d’Aristote, selon laquelle « chaque vertu se situe à égale distance des deux extrêmes, chacun de ces extrêmes étant par conséquent un vice ». Toutefois, bien que le terme « milieu » suggère un équilibre, il ne faut pas confondre la voie du milieu avec la passivité ou une forme de compromis modéré. S’engager dans la voie du milieu demande au contraire des efforts permanents. Au sens le plus large, la voie du milieu désigne la réalité de la vie, ainsi que les actions en adéquation avec cette réalité - actions créatrices de valeurs pour soi et pour les autres. Ainsi, le bouddhisme lui-même est parfois désigné comme la voie du milieu, ce qui indique une transcendance et la réconciliation de points de vue divergents.

Toutes ces idées sont illustrées par la vie de Shakyamuni lui-même, telle que nous l’a rapporté la légende. Né prince, Shakyamuni a été élevé dans la joie et le confort matériel. Mais, ne pouvant se satisfaire de la poursuite de plaisirs éphémères, il quitte sa famille à la recherche d’une vérité plus profonde et plus durable. Il entre dans une période de pratique ascétique extrême, se privant de sommeil et de nourriture, ce qui l’amène au bord de l’effondrement physique. Ressentant la futilité de cette voie, il commence à méditer, profondément déterminé à comprendre la vérité de l’existence humaine, qui lui a échappé autant dans sa période d’ascétisme que dans sa période d’opulence. C’est à ce moment-là que Shakyamuni s’éveille à la véritable nature de la vie, à son éternité, à sa source profonde de vitalité et de sagesse infinies.

Par la suite, dans le but de guider ses disciples vers la même voie du milieu, il enseigne l’octuple voie : huit principes, tels que l’action juste, la parole juste, etc., en vertu desquels chacun peut déterminer son comportement et développer la vraie connaissance de soi. Depuis, à différentes périodes de l’histoire du Bouddhisme, les érudits bouddhistes ont tenté de clarifier et de définir la vraie nature de la vie. Aux alentours du 3e siècle, la théorie de Nagarjuna sur la nature non-substantielle de l’univers expliquait qu’il n’existe aucun « objet » permanent derrière le phénomène en constante évolution de la vie, que la réalité ne s’appuie sur rien de fixe. Pour Nagarjuna, cette conception était la voie du milieu, le point de vue fondamental sur la vie.

Les idées de Nagarjuna ont ensuite été développées par Tiantai (Zhiyi) dans la Chine du 6e siècle. D’après lui, tous les phénomènes sont la manifestation d’une seule entité, la vie elle-même. Cette entité de vie, que Tiantai appelait la vérité de la voie du milieu, présente deux aspects : un aspect physique et un aspect non-substantiel. Le fait d’ignorer ou de privilégier l’un d’entre eux nous donne une image erronée de la vie. Par exemple, nous ne pouvons pas conceptualiser de façon réaliste une personne à laquelle il manquerait un aspect physique ou un aspect mental ou spirituel. Tiantai a ainsi clarifié l’interrelation indivisible entre le physique et le spirituel. C’est de là que proviennent les principes bouddhiques de l’inséparabilité du corps et de l’esprit et de l’inséparabilité de soi et de l’environnement.

De ce point de vue, la vie, la sagesse et l'énergie vitale qui pénètrent le cosmos et se manifestent à travers tous les phénomènes, est une entité qui transcende et harmonise les contradictions apparentes entre le physique et le mental, et même entre la vie et la mort. Les individus et les sociétés dans leur ensemble s’orientent souvent vers une conception de la vie à dominante matérielle ou à dominante spirituelle. Les effets négatifs du matérialisme qui envahit le monde industrialisé moderne sont visibles à tous les niveaux de la société, de la destruction de l’environnement à l’appauvrissement de la spiritualité. Toutefois, repousser d’emblée le matérialisme équivaut à l’idéalisme ou à l’évasion et compromet notre capacité à répondre de manière constructive aux défis posés par la vie.

 

LELOUP - UNE FEMME INNOMBRABLELE ROMAN DE MARIE MADELEINE

Jean-Yves LELOUP

Edition Albin Michel

 2002

Qui était Marie-Madeleine, la Myriam de Magdala des Evangiles ? Une provocante et innocente beauté ? Une femme paradoxale, initiée et prostituée ? Une amoureuse et une mystique ? Rien de tout cela et tout à la fois, car Myriam de Magdala est la femme archétype, dans toutes ses dimensions, des plus charnelles aux plus spirituelles : elle est la femme éternelle.


Philosophe et théologien, Jean-Yves Leloup philosophe et théologien nous livre ici une belle histoire, celle de Marie-Madeleine, celle des Évangiles, une femme paradoxale, initiée, prostituée amoureuse et mystique, peut-être que oui, peut-être que non, en tout cas une femme Éternelle. Le Philosophe et théologien mêle ici histoire et fiction, poésie et théologie, pour embrasser les infinies facettes de Myriam, dans une oeuvre inclassable et foisonnante, dont le fil qui relie les chapitres est aussi souple qu'un cheveu qui vole et ondule mais jamais ne rompt. Une femme innombrable rappelle une très ancienne mémoire ou une urgente prophétie, esquisse d'un autre christianisme ou d'une autre humanité
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L’auteur philosophe et théologien nous livre ici une belle histoire, celle de Marie-Madeleine, celle des Évangiles, une femme paradoxale, initiée, prostituée amoureuse et mystique, peut-être que oui, peut-être que non, en tout cas une femme Éternelle. Philosophe et théologien,

Au sommaire de cet ouvrage :

Une icône à Venise - Sarah-Lazare - la princesse - Salomé- Yohanan le baptiseur - la possédée - la pécheresse - la contemplative - l’angélique - sa voix - son chant - ses larmes - Jean-Judas - Mourir - ressusciter - Vingt siècles plus tard - Myriam de Magdala ou les métamorphoses du désir

 

LELOUP – UN HOMME TRAHI – LE ROMAN DE JUDAS

Jean-Yves Leloup

Edition Albin Michel

 2006

Qui est Judas l'Iscariote ? Un Zélote, un homme « rempli de zèle » pour la maison de Dieu, et qui voudrait voir le royaume de Dieu enfin s'établir sur la Terre promise ? Un homme qui se sent trahi par Jésus dans ses espérances politiques ? À la lumière des évangiles, des textes apocryphes, et notamment d'un codex copte qui serait l'évangile de Judas, Jean-Yves Leloup retrace l'itinéraire passionnant de cet homme désespéré, depuis les élans de sa conversion jusqu'aux événements qui le conduiront à son forfait. Jésus et Judas ne sont-ils pas les deux faces d'une unique Révélation ? Avec le personnage de Judas, c'est la question du mal, du « mal en personne » et du pourquoi de son existence qui se pose. N'est-il pas là comme une « ombre » qui mettrait davantage en relief « la lumière du Très Beau » ? Au-delà des faits historiques, l'auteur d'Une femme innombrable : le roman de Marie-Madeleine décrit le cruel dilemme auquel chaque homme est confronté lorsqu'il lui faut choisir entre les exigences de la réalité et les élans de son cœur.

Où il est rappelé, après avoir fait lecture du fameux passage biblique du repas de la Cène lorsque Jésus fait la déclaration suivante à ses disciples " l’un de vous me trahira", que la traduction du texte par utilisation du mot "trahir" n’est sans doute pas la bonne.

Et que la traduction exacte est plutôt l’emploi du mot "livré". Judas étant considéré alors comme celui qui "livre le Christ".

Jean-Yves Leloup analyse alors la psychologie de Judas comme étant quelqu’un de profondément déçu par son maître Jésus et qui se sent lui-même à son tour trahi dans ses propres attentes. Et un homme se sentant trahi peut-il devenir lui-même autre chose qu’un traître ?

Lorsqu’on se sent nous-même trahi par quelqu’un, faut-il en vouloir nécessairement à ce quelqu’un ?...Ou ne seraient-ce pas plutôt nos propres attentes que nous projetons sur ce quelqu’un qui sont à remettre en cause ?

Car Judas faisait partie des zélotes, c’est à dire de ce courant judaïque ultranationaliste ("sioniste", dirait-on aujourd’hui), et pourrait-on dire, jusqu’au-boutiste car prêt à défendre sa terre d’Israël les armes à la main (il portait le "sicaire", c’est à dire le poignard, d’où son nom de Judas "l’Iscariote") contre l’occupant romain. Et les zélotes attendaient le messie qu’ils imaginaient comme un redoutable guerrier qui les délivrerait du joug romain. Las, le Christ fut tout le contraire d’où l’immense déception de Judas. Et pourtant, contrairement aux pharisiens, c’est à dire à ce courant ’universaliste’, ’pacifiste’ et qui ’collaborait’ avec le pouvoir romain (tiens, tiens voilà qui fait penser à une autre période bien plus récente de notre histoire liée, elle aussi, à une période de "collaboration"...), Jésus n’a jamais, à aucun moment, eu de phrases de condamnation envers Judas qu’il appelait même ’mon ami’. Judas, le violent, l’extrémiste, le "traître", bref en un mot, la figure incarnée du "Méchant" en opposition avec la figure de l’homme "Bon" qu’était Jésus aura été le "livreur de lumière". Voilà qui remet formidablement en question les schémas binaires que nous avons peut-être en tête sur la notion de ’Bien et de Mal’.

Extrait du livre de Leloup : " Judas regarda Yonahan (Jean) en souriant : ’- Qui est le créateur de Satan ? Satan n’a-t-il pas une fonction, une mission pour le bien de tous ? Relis les Ecritures, Yonahan, souviens-toi : dans le livre de Job, Satan est un fils de Dieu, sa fonction est de tester les justes, de sonder ce qu’ils ont dans le ventre, dans le cœur, dans la tête...Sa fonction, c’est d’éprouver la vérité, le poids de chacun. Son nom ne vaut-il pas dire ’obstacles’ ? Sans obstacles, sans épreuves, comment pourrions-nous nous connaître nous-mêmes et grandir ? Satan, c’est Dieu lui-même, ajouta Judas. 

Arrête, tu blasphèmes !’ crièrent ensemble Simon Pierre et Yonahan. ’-Décidément vous ne connaissez pas les Ecritures’ reprit Judas. ’Relis le livre des Nombres : ’un ange de Dieu sortit en chemin (Vayityatzev Malak Hachem border) pour lui faire obstacle (Le-satanne lo)’ ne faut-il pas traduire : ’un ange de Dieu sortit en chemin pour être Satan ? Judas se mit à rire : ’ Voyez, il ne faut pas avoir peur. Dieu, le diable, ce sont des noms que l’on donne à une unique réalité celle qui nous fait rire, qui nous fait pleurer, qui nous fait fleurir, qui nous fait faner. Si votre Dieu n’est que lumière, c’est un faux Dieu, car que devient la réalité de l’ombre ? Si votre Dieu n’est que du Bien, alors pourquoi le Mal ? Ne vous faites pas un Dieu à l’image de vos plus grandes qualités, n’oubliez pas toutes les horreurs dont vous êtes capables - Dieu n’est-il pas là aussi ?

Il ajouta à voix basse, pour que personne ne puisse l’entendre : ’ Un messie qui ne serait que lumière et bonté ne peut être qu’une illusion, il incarnerait un Dieu incomplet...un Dieu qui n’est pas tout. Moi Judas, je l’aiderai à s’accomplir et, s’il n’y a pas de péché en lui, il lui manque ce qui justement fait de l’homme un humain. Je serai tout le mal qui lui manque pour être Dieu, pour être tout...Oui mon lumineux Yeshoua, ma belle moitié, tu ne seras pas Dieu sans ton sombre Judas...’ " "Satan, c’est Dieu !" Voilà qui fait sursauter ! Et si le Mal, l’épreuve n’avaient d’autre but que de nous délivrer in fine de toutes nos fausses illusions et nos fausses attentes pour que ne survive que ce qui est purement humain et éternel en nous ?

 

LELOUP - UN OBSCUR ET LUMINEUX SILENCE – LA THÉOLOGIE MYSTIQUE DE DENYS L’ARÉOPAGITE

Jean-Yves Leloup

Edition Albin Michel 

 2013

La théologie mystique est l’œuvre d’un auteur anonyme connu sous le nom de Denys l’Aréopagite ou Denys le théologien. Ce court traité datant du 6e siècle fut le texte le plus lu et médité par les penseurs orientaux et occidentaux du Moyen Âge. Son influence, déterminante pour les différents courants de la mystique rhénane et flamande, continue de se faire sentir jusqu’à aujourd’hui.

Jean Yves Leloup nous offre ici une traduction intégrale, augmentée des 7 lettres de Denys qui en prolongent la réflexion. Il propose un commentaire faisant suite au texte, et poursuit la réflexion par une mise en résonnance de la théologie apophatique du Corpus dyonisiacum avec différents auteurs et traditions issus du christianisme mais aussi du judaïsme, de l’islam et des mystiques orientales et occidentales.

Dans son parcours, Denys va devenir l’archétype du philosophe converti au christianisme, et que la tradition appelle « un vrai philosophe ». Son goût de L’Ultime Inconnu l’ayant éveillé, la triple sensibilité au mystère, à la recherche des causes de la Vie, du mouvement et de l’être, et celle du Christ ressuscité, sera le leitmotiv de sa théologie patristique en écho avec la « Ténèbre supra-lumineuse » ou « l’obscur et lumineux silence ».

Dans sa lettre à Dorothée, Denys écrit : L’obscur et lumineux silence, la ténèbre divine est cette « lumière inaccessible » où il est dit que « Dieu habite ». C’est l’excès de sa clarté qui la rend invisible, le débordement de ses manifestations lumineuses et suressentielles qui la dérobe à tous les regards, c’est dans cet obscur et lumineux silence que naît quiconque digne de connaitre et de comprendre qu’il s’élève vraiment dans ce qui est au-delà de la vue et de la connaissance.

Ne sachant rien de lui, sinon qu’il transcende le sensible et l’intelligible, il s’écrit avec le prophète « savoir prodigieux, qui me dépasse, hauteur que je ne puis atteindre ».

C’est en ce sens qu’on a pu dire de Paul (celui de Damas) qu’il a vu Dieu, parce qu’il a vu que Dieu transcende tout acte de l’intelligence et tout mode de connaissance, ainsi peut-il affirmer que « ses voies sont impénétrables et ses décrets insondables et que  sa paix surpasse toute intelligence, car il a découvert Celui qui est au-delà de Tout, et il a su, selon un mode qui dépasse toute connaissance, que Celui qui est à l’origine de toutes choses n’est lui-même aucune de ces choses »

Au sommaire de cet ouvrage l’auteur décrit :

La théologie mystique et les 7 lettres de Denys

La prière inaugurale et la vie de Moïse

De l’adequatio à l’aletheia, de quelle vérité parlons-nous ?

L’exercice proposé à Timothée – explication de l’apophase et cataphase

Petit résumé de la voie dionysienne – Résonnances et variations

Une béguine anonyme : Hadewijch d’Anvers et le nuage d’inconnaissance

Denys – Eckhart - Jean de la Croix, trois témoins de l’avant et de l’au-delà de Dieu

L’infini (Ein Sof) et sa réception (Shekhina) dans la tradition juive.

Ni ceci, ni cela : l’Apophatisme par Denys et Çankara, théologie mystique et advaïta vedanta

Denys et Nagarjuna : autour du tétralemme

Une traduction « dionysienne » de la Prajnaparamita ou le sutra du cœur.

Taologie mystique. Et Xinxin Ming

 

LELOUP - ZEN ET CHRISTIANISME

Evelyn de Smedt

Edition Albin Michel

 1990

Une longue et très belle préface de Jean-Yves Leloup, qui explique les interactions qu'’il y a entre ces deux philosophies qui peuvent parfaitement être complémentaires.


En 1973, Evelyn de Smedt rencontra Maître Taisen Deshimaru auprès duquel elle passa une dizaine d'années à travailler, aussi bien à travers la pratique de zazen que la rédaction et la publication de ce qu'il enseignait.
Depuis sa mort, elle continue à transmettre son enseignement. A l'aurore du XXIe siècle, dans un monde en grandes mutations, on constate que les mouvements spirituels, tout en renvoyant en premier lieu à leurs fondateurs ont tendance à s'ouvrir les uns aux autres.

 

En particulier, la rencontre Orient-Occident fait que des chrétiens pratiquent le bouddhisme zen et vice-versa. Le Maître zen Taisen Deshimaru a dirigé de son vivant plusieurs sessions de méditation au sein de monastères chrétiens : ces rencontres furent l'occasion de passionnants échanges, dont cet ouvrage se fait l'écho. Les paroles du Christ retranscrites dans les Evangiles, les expériences des mystiques chrétiens et les paroles du Bouddha n'expriment-elles pas dans leur essence la même vérité sur les problèmes fondamentaux de l'homme et de son devenir

A première vue, beaucoup de choses séparent les voies bouddhiste et chrétienne. Le bouddhisme, contrairement au christianisme, ne ferait pas référence à Dieu, et ne promettrait pas la vie éternelle. Le but serait plutôt d'atteindre une sorte d'extinction (nirvana) qui mettrait fin au cycle des réincarnations, conception totalement étrangère au christianisme, pour lequel il n'existe qu'une seule vie personnelle.

La liste de différences qu'on peut trouver est encore longue, et il ne sera pas ici question de la poursuivre. Il s'agira au contraire de trouver un terrain commun sur lequel ces deux religions peuvent s'entendre. Il apparaîtra en procédant de cette manière que les contradictions que l'on peut établir entre elles sont pour la plupart de l'ordre des apparences et des représentations superficielles, et qu'en pénétrant profondément au sein de ces deux doctrines, des ressemblances frappantes se feront jour.

L'un des aspects communs qu'il est possible de mettre en évidence entre ces deux religions est l'évocation d'une dimension de la réalité supérieure à ce qu'on pourrait appeler la dimension phénoménale, c'est-à-dire celle dans laquelle tous les êtres humains évoluent naturellement, et qui comporte les besoins matériels, sociaux, affectifs, et intellectuels. L'accès à cette dimension cachée semble être une expérience si singulière qu'il serait impossible d'en rendre compte de façon complète avec le langage. Le seul moyen d'en communiquer quelque chose serait de permettre à quelqu'un de vivre lui-même l'expérience de cette dimension. C'est la raison pour laquelle bon nombre de rationalistes sont insatisfaits des enseignements religieux qui, contrairement aux disciplines scientifiques, sont incapables de définir avec précision leur objet et de le mettre en évidence simplement grâce à des axiomes et à des démonstrations.

On imagine que si l'on pouvait donner une définition complète et immédiatement compréhensible de termes tels que "Dieu", "Royaume de Dieu", "Esprit Saint", "Bouddha", "Nirvana", "Dharma", etc. une grande partie des réserves des rationalistes seraient levées car l'analyse logique de ces notions permettrait d'en juger la valeur effective. Mais si ceux-ci désignent des aspects de cette dimension ineffable dont il est question dans les enseignements, alors il est clair que toutes les explications qu'on pourrait en donner par une approche discursive ne sauraient en épuiser la signification, et l'attente d'une "preuve" rationnelle se trouvera toujours déçue 

Il convient ici de faire une mise au point sur la théologie et le rôle qu'elle joue dans la doctrine religieuse. La comparaison du bouddhisme et du christianisme, si elle s'effectue au niveau de leurs théologies respectives, aboutit très vite, on l'a vu, au constat de grandes différences. Ce serait aller trop vite en besogne que d'en conclure une radicale et définitive altérité entre les deux religions, de même qu'il serait incorrect d'établir des correspondances bijectives entre les termes des deux théologies pour forcer la ressemblance entre elles, ce qui aurait pour effet de nier leurs spécificités propres et de tomber dans un syncrétisme de bas étage. Bien que certaines similitudes s'imposent toutefois d'elles-mêmes par leur évidence, et que certains rapprochements peuvent se révéler tentants, ce n'est pas cette approche qui sera préconisée ici. En effet, ces deux démarches comparatives participent de la même confusion, qui consiste à faire des signifiés concernés par la théologie des concepts, des notions, des choses. Si en effet la théologie est un discours sur une dimension indicible de la réalité qui ne peut qu'être expérimentée, alors il est évident que tout attachement à un concept représente une impasse dans le sens où cela tend à circonscrire par le langage quelque chose qui appartient au domaine de l'inexprimable. Il n'est cependant pas question de faire fi de la théologie et de l'outrepasser comme bon nous semble lorsque celle-ci se révèle être un obstacle au dialogue entre religions. Il doit être bien clair que la théologie, quelle que soit la religion à laquelle elle se rattache, permet au pratiquant d'évoluer au sein d'un cadre et de repérer les impasses dans lesquelles il est susceptible de tomber.

La réserve sur laquelle il est important d'insister concerne l'attachement exclusif à l'aspect spéculatif de la théologie. En tant que discipline intellectuelle, celle-ci ne peut que donner une explication intellectuelle du sens des enseignements. Aussi profonde que puisse être cette interprétation, elle sera toujours accompagnée d'un sentiment d'insatisfaction car elle ne pourra en aucun cas produire la conversion (métanoïa) dont il est question dans les textes. Par conséquent, un pratiquant uniquement attelé à l'étude de la théologie, aussi haut qu'il parvienne dans cette discipline, ne manifestera qu'une pratique religieuse vidée de sa sève vitale. Nous comprenons donc mieux pourquoi introduire le dialogue entre bouddhisme et christianisme, en terme de compétition théologique aveugle peut s'avérer désastreux et source de profonde incompréhension. Il doit donc être bien clair, d'une part, que les termes qu'ils utilisent procèdent de constructions sémantiques différentes, et d'autre part que la dimension de l'expérience spirituelle vécue lors de la pratique doit avoir un rôle de premier plan.

Comme nous l'avons dit, cette expérience revêt un caractère inexprimable. Cet aspect tient apparemment au fait que la dimension à laquelle le pratiquant accède est non-duale. Le vocabulaire employé par ceux qui y accèdent se rapporte en effet à l'unité, à l'union avec Dieu, à l'indifférenciation, à l'intuition que toutes les choses sont une. La dimension phénoménale étant marquée par la dualité et la logique du tiers exclu (B ne peut être à la fois A et non-A), les moyens qu'elle propose pour communiquer sur la dimension spirituelle demeurent considérablement inadaptés et insuffisants. Tout au plus, il est possible grâce à eux d'indiquer une direction à prendre, ou alors de mettre en évidence les limites de cette manière de penser (par l'usage de paradoxes, par exemple), mais ils ne permettront jamais de faire vivre l'expérience à une personne si celle-ci se contente d'une attitude d'attente passive. Voilà pourquoi les enseignements religieux prennent souvent une forme autoritaire et dérangeante.

La plupart des maîtres spirituels, tels que Jésus ou les patriarches du zen, ne procèdent pas à une explication rationnelle de leur enseignement, mais s'expriment souvent de manière à déconcerter leur interlocuteur, lui faisant prendre conscience d'un manque qu'il ne peut combler s'il s'en tient à un mode d'intellection ordinaire, dual. Dans les Evangiles, la non-dualité apparaît à plusieurs reprises, en particulier lors des épisodes où Jésus est interrogé par les pharisiens, qui tentent de le piéger. Ceux-ci viennent en effet présenter une situation avec une vision dualiste des choses : soit Jésus respecte la loi mosaïque, soit il agit en conformité avec son message d'amour universel, mais dans l'esprit des pharisiens, il est obligé d'opter pour l'une ou l'autre de ces options qui semblent s'exclure mutuellement. Jésus répond d'une manière qui laisse pantois et insatisfaits ses interrogateurs, car il déjoue leur piège en restant fidèle à la fois à la loi et à l'amour. Autrement dit il répond à la vision dualiste des pharisiens par des paroles non-dualistes. Le bouddhisme comprend également un nombre très important de sentences non-duales, qui peuvent passer pour des absurdités ou des mauvaises plaisanteries pour un public non-averti.

La non-dualité semble donc être une clef commune à ces deux spiritualités, bien qu'elle ne soit pas couramment considérée comme un élément central de la théologie catholique, dont le langage est principalement celui de la philosophie duale grecque. Le bagage non-dual de la théologie chrétienne n'est néanmoins pas à négliger. On le trouve chez les mystiques rhénans et leurs héritiers (notamment Nicolas de Cues, dont la "convergence des opposés" est une traduction possible), mais aussi chez des docteurs de l'Eglise revêtus d'une grande autorité comme Saint Thomas d'Aquin ou Saint Bernard de Clairvaux. Certaines citations des chrétiens antiques indiquent clairement que ceux-ci aussi avaient saisi intuitivement la non-dualité qui se trouve dans l'expérience de Dieu. Il y a par conséquent fort à parier que revisiter la pensée non-duale au sein de la théologie occidentale permettra un rapprochement fécond du christianisme vers le bouddhisme.

L'une des spécificités du christianisme est le dogme de la résurrection : après être mort sur la croix, Jésus apparaît à ses disciples, qui ne le reconnaissent pas au premier coup d'œil. Les Ecritures indiquent donc l'existence d'un corps de résurrection, qui diffère du corps physique. Les récits bouddhistes ne relatent pas que le Bouddha ait ressuscité et soit apparu à ses disciples après sa mort, mais ils signalent malgré tout l'existence d'un "corps de Dharma" (Dharmakaya) ("Dharma" signifiant "enseignement" ou "vérité"), qui est le corps du Bouddha subsistant après la mort physique de celui-ci. Le bouddhisme tibétain prétend qu'il est possible d'avoir la vision de maîtres du passé dans leur corps de sambhogakaya, un autre des trois corps que recense la doctrine bouddhiste. Les "trois refuges" du bouddhiste sont le Bouddha, le Dharma, et la Sangha (assemblée des fidèles), ce qui indique que le bouddhisme accorde une importance particulière à la dimension collective de la pratique religieuse, de même que la quasi-totalité des mouvements chrétiens affirme que la participation à la vie de la communauté est un complément indispensable au cheminement spirituel personnel et aux oeuvres individuelles.

Une mention particulière mérite enfin d'être faite sur les pratiques méditatives et contemplatives du bouddhisme et du christianisme. C'est en effet sur ce point que l'entente entre les deux religions peut être la plus complète. Puisqu'en effet ce sujet ne concerne nullement des points de doctrine, mais des mécanismes spirituels (s'il est permis de s'exprimer ainsi) mis en oeuvre dans la pratique, la comparaison ne risque pas d'être parasitée par des différences de vocabulaire. Il est remarquable que ce sont le bouddhisme et le christianisme qui ont le plus développé le monachisme, qui existe assez peu dans la plupart des autres religions. Les règles monastiques du bouddhisme et du christianisme frappent par leurs ressemblances : importance donnée au travail manuel, à la contemplation et à la méditation, à la psalmodie et la prière en commun, au silence et à la sobriété dans les activités quotidiennes. Dans certains ordres, la vie des moines ne se conçoit pas comme un retrait total et perpétuel du monde, mais a une utilité sociale, par les travaux d'intérêt généraux auxquels ils sont astreints. Il est difficile de ne pas voir que les pratiques contemplatives des deux religions sont également extrêmement proches. Il s'agit dans les deux cas d'atteindre un silence intérieur absolu, par la suppression des représentations mentales qui entretiennent l'attachement au monde, ou qui empêchent de recevoir Dieu tel qu'il est en l'enfermant dans une image personnelle finie et forcément réductrice.

Même si la méditation chez les chrétiens tient une place moins importante que le zazen chez les bouddhistes, la tradition chrétienne est riche de pratiques de ce genre. La prière hésychaste, la récitation du chapelet ou la prière du cœur sont des équivalents forts valables de la méditation zen, de la pratique du nembutsu ou de la méditation transcendantale. Une remarque mérite également d'être faite sur le parallèle entre les retraites spirituelles des deux religions. Les sesshin du zen évoquent sous de nombreux aspects les retraites effectuées pour la pratique des exercices spirituels de Saint Ignace de Loyola : coupés du monde pendant plusieurs semaines, dans un petit espace, les pratiquants s'adonnent à la pratique intensive de la méditation, de la prière, et des travaux manuels, ce qui est l'occasion pour eux d'une plongée en eux-mêmes et d'un progrès spirituel considérable. Ces éléments, en plus de ceux qui sont évoqués dans les paragraphes précédents, autorisent à conclure qu'il existe, malgré des différences certaines, une proximité très profonde entre bouddhisme et christianisme. La question est cependant immensément vaste, et d'autres aspects pourraient être traités, comme les dimensions eschatologique et cosmologique des deux traditions, ou l'importance du maître spirituel. Cependant cet article ne prétend pas à l'exhaustivité.

 

LE MAÎTRE CACHÉ. DU MOI AU SOI AVEC VIMALAJI

Christine townend

Edition  LE LOTUS D’OR

 2005

Partageant son temps entre l’Inde et son Australie natale, l’auteur nous entraîne ici dans l’aventure intérieure qui l’a conduite vers les plus hauts sommets de la spiritualité. Sa recherche est inspirée, par celle qu’elle appelle Vimalaji (Vimala Thakar), le « Maître Caché », un de ces « êtres vraiment réalisés qui jamais ne se proclamaient comme tels, qui fuyaient la publicité et qui souvent même, voilaient leur personnalité pour dissimuler leur rayonnement. »

Dès sa première rencontre avec Vimalaji, Christine rapporte une expérience exceptionnelle :

«Alors, j’ai pu voir que j’étais Dieu… J’étais la Source de l’être, de l’existence. L’univers entier émanait de moi, Néant universel et infini.»

Il lui faudra cependant déployer beaucoup d’efforts pour que ces états «transcendants» deviennent de plus en plus «naturels». Sa pratique intense lui permet de devenir extrêmement réceptive à la «grâce» du Maître, une Énergie d’amour transformatrice, qui l’établit peu à peu en son véritable Soi.

Parallèlement à ce « Journal de bord », l’ouvrage est aussi un hommage à Vimala dont elle expose les principaux enseignements et la fascinante personnalité.

Un livre d’une grande richesse, qui semble dévoiler de nouveaux secrets à chaque nouvelle lecture !

 

le mAÎtre intÉrieur

Erik sablÉ

Edition  DERVY

 2007

Nous savons tous ce qu’est un maître extérieur. C’est un personnage, en principe plein de Sagesse, qui peut nous guider sur le chemin spirituel comme dans notre existence quotidienne. Mais il existe un autre maître, lui aussi susceptible de nous éclairer sur notre vie. Il est beaucoup plus proche de nous, puisqu’il demeure dans le secret de notre cœur.


Certaines personnes, qui ont pénétré dans un autre état de conscience (mystiques, malades en état de coma, voyants, etc.), ont été parfois confrontées à un « être de lumière », rayonnant, plein de Sagesse et de Savoir. Cette relation les a profondément marqués. Or, cet être est une expression du « maître intérieur ».

 

Car l’homme est beaucoup plus vaste que le croit la pensée matérialiste contemporaine. Il est non seulement constitué par le subconscient qu’étudie la psychanalyse, mais aussi par cet « être de lumière ».


Ce petit livre montre ce qu’est le maître intérieur, comment nous pouvons nous ouvrir à lui et comment il peut influencer la destinée. Car, finalement, le but de l’existence est d’unifier notre regard avec le sien.

 

le mal

Divers Auteurs

Edition  ALBIN MICHEL

 1996

Le maître zen Taisen Deshimaru disait que le bien et le mal étaient les deux faces d’une même pièce : la réalité. Nier le mal s’avère un leurre : il suffit d’ouvrir un journal, regarder les informations télévisées ou simplement méditer sur son propre esprit pour se rendre compte de sa présence insidieuse, permanente.

Un adage tibétain nous dit avec vigueur que « l’horreur existe dans l’esprit de l’être humain » et nous savons intimement que cela est vrai. Non que nous soyons tous des criminels ou des bourreaux en puissance, mais tout simplement parce que les démons des désirs, des phantasmes, de l’égoïsme, de la mesquinerie, de la jalousie, de l’orgueil, de la méchanceté, de l’anxiété…, nous assaillent sans cesse. Nous sommes tous des Dr Jekill et Mr Hyde.


Et le grand intérêt des pratiques de méditation telles qu’elles nous ont été transmises par l’enseignement des rishis de l’Inde et les sages bouddhiques, au-delà des dogmes et religions, reste de nous apprendre à repérer en nous ces deux personnages, le meilleur et le pire, celui qui recherche la sagesse, le calme et la paix et celui qui demeure avide d’agitation, de pouvoir et de mainmise.

Pour cela, il suffit de s’asseoir, d’écouter sa respiration et de se regarder soi-même. La contemplation du mouvement perpétuel de notre conscience, ce cheval fou, nous en apprendra non seulement plus sur nous-mêmes que toutes les analyses, mais nous permettra d’aller au-delà du constat premier que le délire et le chaos nous habitent. Et ce, en nous permettant d’épurer, de par ce regard attentif sur nous-mêmes et sur notre respir (clé de toutes les pratiques de méditation, vent qui chassera les nuages), tout le contenu de notre mental qui, ainsi, d’obscur devient clair.

 

 Ce travail (au sens que Gurdjieff donnait à ce mot) est évidemment à recommencer sans cesse, quotidiennement. Car chaque journée entraîne son lot de pollutions – celles venues de l’extérieur et celles suscitées par notre propre être intérieur. Un texte traditionnel zen, le Sandokaï, nous dit que : « Dans l’obscurité existe la lumière. » Cette dualité, qui est la nôtre, ne doit pas faire peur. Elle est. Par contre, il nous faut apprendre à en prendre conscience pour la transcender. En cette époque où tout semble aller de travers, cela semble être une tâche urgente, à la portée de tous puisqu’elle concerne chacun.

 

Mare Tenebrosum – François l’Yvonnet

Sur l’irrévocable

Maurice de Gandillac

Un instant d’inattention – Le De Malo de Saint Thomas d’Aquin

Rencontre avec André Compte-Sponville

Désespérément vertueux

Rencontre avec Clément Rosset

Puritain, mais dans le bon sens

Claude Birman

L’Alliance mise à mal – Notion du mal et tradition juive

Frédéric Laupies

Le Mal n’est pas – Réfutation augustinienne du manichéisme

Jean-Paul Milou

Entre l’un et l’autre – La question du bien et du mal dans le Lao-zi

Bataille, Sartre, Hyppolite, Adamov, Daniélou

Discussion sur le péché

Louis Massignon

Une âme cachée (Lettre inédite)

Rencontre avec Jacques Lacarrière

Le retournement de l’inévitable

Pierre Rocalve

Berdiaev et le mal - Au commencement était la liberté

MM Davy

Chroniques

François Angelier

L’Abeille et la Bête – Figures de l’Hostilité chez Saint François de Sales

Monsieur Ouine – Béatrice Cantoni

Une métaphore du mal

Alain Blottière

Comme une image

Bernard Sarrazin

Le comique du mal

Nicole Caligaris

Melmoth, le témoin

Rencontre avec Daniel Sibony

Une éthique de l’être

François Lelandais

Malade ou méchant ? La méchanceté en psychopathologie

Daniel Laguitton

Que cette coupe s’éloigne de moi … … sauf si elle sert

Maurice Mourier

L’œuvre au noir de Robert Bresson

Carole Desbarats

Au cinéma, la nuit, le mal

Murielle Gagnebin

L’esthétique et le mal

Pierre Boutang & George Steiner

Dialogue sur le mal

 

LE MANUSCRIT  D’HÉLIOTROPE

HENRI  LA  CROIX-HAUTE

Edition  LE  MERCURE  DAUPHINOIS

 2008

Le manuscrit  d’Héliotrope est une version développé par l’hermétiste Coton-Alvart et mis en forme pour édition par Henri la Croix-Haute.


Il se compose de trois parties : 1/ le manuscrit d’Héliotrope lui-même, c’est une suite de réflexions de l’auteur sur les diverses étapes de la vie de Jésus, son message évangélique qui comporte l’enseignement ésotérique de la trajectoire de l’âme incarnée et explique comment vivre sur terre. Il y est questions des diverses annonciations et de l’Ascension avec l’élément air  (l’alchimie est toujours sous-jacente), le Baptême avec l’élément eau, la Mission de l’Homme élément terre, l’auteur explique comment l’âme doit prendre le dessus sur le corps et ses instincts, afin de comprendre et d’appliquer l’enseignement du Christ et se comporter comme le pélican. Enfin la crucifixion, élément feu, il explique pourquoi pendant la période paléo-chrétienne et les siècles d’art roman, il n’y eut pas de représentation du Christ «mort sur la croix », puisque à l’évidence « on ne peut être à la fois mort et vivant », il parle des différentes utilisations faites de la croix de Jésus.

 

2/ La seconde partie est un texte concernant l’Âme et la Conscience. Il y est question de la descente du Saint Esprit, des différentes étapes de l’âme, de l’évolutionnisme de Darwin, de la substance de l’âme,  le culte de la tête, de la sérénité de la conscience et de son illumination par la grâce.

 

3/ La troisième partie parle de la croix grecque, qui conjugue l’art et la philosophie sur un des plus anciens signes dessinés par l’homme et donne à méditer la juste mesure pour atteindre l’équilibre idéal de la vie. Cette croix qui est un des quatre symboles fondamentaux avec le cercle, le point et le carré. On y trouve la croix chaldéenne à 8 pointes, la croix grecque à 4 croisillons, la croix celtique, la croix de fer, le Tau ou croix de Saint Antoine, la croix mystique, la croix de Jérusalem, la croix latine, la croix du Temple, la croix de Saint André, la croix de Lorraine, la croix gammée ou le swastika, la croix janséniste, la croix orthodoxe etc.

 

Pour info :
Une Héliotrope est une fleur blanche, bleue ou mauve, qui embaume la vanille, elle s’ouvre à l’aube et se ferme au crépuscule. Si on parle d’héliotrope minéral, c’est une variété de calcédoine, formé de quartz et d’opale, de couleur vert foncé, elle se trouve facilement en Auvergne, si sa couleur est rouge on l’appelle cornaline. Lorsqu’on dit  un héliotrope (au masculin), on parle d’un miroir réfléchissant les rayons solaires à grande distance, servant à émettre des signaux et utilisé en géodésie.

   

Le meurtre fondamental abel hiramjÉsus

A. D. GRAD

Edition  A. LEFEUVRE

 1981

L’histoire de l’humanité commence par un meurtre. Le meurtre d’Abel par son frère Caïn.


Deux meurtres exemplaires suivront, qui donneront naissance à un Ordre initiatique et à une Religion : le meurtre d’Hiram, l’architecte du Temple de Salomon, et le meurtre de Jésus.

Entre ces trois meurtres, quels liens ?


D’Abel à Jésus, et jusque sur les Colonnes du temple maçonnique,- c’est la femme qu’on assassine – en compagnie de l’intrus.


La matière du meurtre d’Abel est aussi riche pour le psychanalyste que pour le rabbin ou le théologien. Le sang d’Abel ne cesse de crier, même dans les sociétés étrangères à l’enseignement de la Bible. Le meurtre d’Hiram est une invention de la Franc-maçonnerie. En lui superposant le meurtre de Jésus, les Maçons chrétiens ont-ils véhiculé par la bande une sorte d’«antisémitisme spirituel» et une misogynie toute paulinienne ? Qui croirait par ailleurs pouvoir comprendre la Franc-maçonnerie sans se référer à la Kabbale n’en saura jamais grand-chose.

Quant au meurtre de Jésus, il semble bien qu’il s’agisse du même meurtre que celui d’Abel. Jésus est haï dans la mesure où il est à la fois «l’INTRUS» et l’incarnation du Principe Féminin.


Le kabbaliste A.D. Grad n’a pas cherché à éviter l’écueil de la controverse. C’est pourquoi, le meurtre fondamental esquisse au passage une analyse critique de quelques enseignements rabbiniques, maçonniques ou christocentriques.

 

LELOUP - LES DITS DE LA FEMME QUI BRÛLE    -   MARGUERITE  PORETE

Jean – Yves Leloup

Edition  Almora

2018

Marguerite Porete est née entre 1250 et 1260, sans doute à Valenciennes. La date et le lieu de sa mort sont plus précis : Marguerite fut brûlée vive le 1er juin 1310 à Paris, place de Grève, par la " Sainte inquisition ".
Qu'avait-elle fait pour mériter un tel sort ? écrire un livre sublime sur la plus haute mystique chrétienne : Le miroir des âmes simples et anéanties, condamné pour hérésie.
Elle sera brûlée, mais son livre exercera une profonde influence sur la spiritualité du Moyen âge, notamment sur Maitre Eckhart – le plus grand mystique chrétien de l'histoire. Eckhart, à n'en pas douter, a lu le livre de Marguerite Porete, et sans qu'elle soit jamais citée, il reprendra parfois mot pour mot quelques-uns de ses écrits pour tenter de dire l'ineffable de l'expérience qu'il partage avec elle, dans le fond sans fond de son être.
Jean-Yves Leloup nous redonne ici la saveur des textes de Marguerite en commentant certaines de ses plus profondes paroles. Comme le dit lui-même l'auteur : " Je n'ai récolté ici que quelques étincelles, quelques braises de ce buisson ardent. On ne trouvera donc pas dans ce petit livre une étude exhaustive ou résumée de son œuvre, je n'y ai recueilli que ce qui était suffisant pour soulager le froid de mon âme ".
Voici un livre qui peut mettre à notre âme, le feu de l'amour et de la Présence.

 

Marguerite Porete fait partie des grandes mystiques de l’Histoire mais ce n’est pas à ce titre qu’elle m’a touchée. Il y a d’abord eu ce titre, Le Miroir des simples âmes anéanties, puis des coïncidences : l’héroïne de mon prochain roman publié s’appelle Marguerite, et Porète est si proche de poète. Mais quand je l’ai découverte, j’ai compris que c’était quelqu’un d’extraordinaire, une de ces personnes qu’il faut sortir du cercle confidentiel dans lequel elles sont maintenues. Elle nous vient du Moyen Age et on ne sait quasiment rien d’elle sinon que c’était une béguine des Flandres, mais son livre a traversé les siècles comme une onde de choc dont beaucoup de mystiques s’imprègnent encore.

 

Marguerite Porète était la reine de la transgression.  Elle  décrit son approche de Dieu et son expérience mystique dans ce livre incandescent,  étonnant mélange de poésie lyrique et de subtilité théologique, elle qui n’est pas religieuse et qui n’appartient pas au monde universitaire, pire : elle l’écrit en langue vernaculaire et non en latin ! Autant dire qu’elle accumule toutes les preuves d’indépendance d’esprit. Elle n’a pas utilisé le latin obligatoire pour tout texte religieux et elle écrit en langue d’oïl de manière à toucher le peuple. C’est une réussite car le succès est immense dès la parution du Miroir.

 

De plus Marguerite est une femme qui n’a pas prononcé de vœux religieux et qui appartient à une communauté s’autorisant à penser par elle-même. Marguerite dérange et elle le sait. Sa façon de vivre en marge de l’ordre féodal chez les béguines, d’écrire un livre  qui ose, c’est multiplier les affronts à l’ordre établi. Le  scandale est à la mesure du succès et dès la parution du Miroir, aux alentours de 1290, les ennuis commencent. Le livre est très vite condamné pour hérésie en 1300 puis brûlé sur la place de Valenciennes en 1306 sur ordre de l’évêque de Cambrai. Marguerite refuse de retirer son livre et continue de le laisser diffuser. Elle a peut-être le sentiment que son texte répond à un besoin, que la spiritualité vivante ne se transmet pas en latin : He ! Ame lassee, come tu yes encombree !

 

Marguerite, elle, a fait le vide. Brûlée par l’amour divin, son âme transformée par l’expérience mystique comme l’œuvre au noir transforme le plomb en or, elle n’est plus dans le temporel, portée par son âme anéantie elle ne peut accepter de compromis. Dieu m’a créée comme du non être qui a l’air d’exister, afin qu’en renonçant par amour à cette existence apparente, la plénitude de l’être m’anéantisse. On ne sait pas très bien quelles sont les propositions de son livre qui ont été condamnées par le tribunal de l’Inquisition, car très peu nous sont parvenues. Par contre on sait que sa doctrine elle-même n’était pas mise en cause et que rien ne justifiait de la brûler en place de Grève le lundi de Pentecôte premier juin 1310. En ce temps-là on avait, il est vrai, le bûcher facile : trois semaines avant Marguerite les Parisiens avaient assisté à l’autodafé de 53 templiers condamnés après leur procès.

 

Marguerite dérangeait : trop de force, d’intelligence, de lyrisme, une femme ne doit pas être comme cela, c’est péché d’orgueil. Condamnée par l’Inquisition Marguerite meurt sur le bûcher, mais son courage et sa sérénité impressionnent la foule, un compte-rendu de l’événement a traversé les siècles. Comme les Hindous l’ont vu, la grande difficulté pour chercher Dieu, c’est que nous le portons au centre de nous-mêmes. Comment aller vers moi ? Chaque pas que je fais me mène hors de moi. C’est pourquoi on ne peut pas chercher Dieu. Le seul procédé, c’est de sortir hors de soi et de se contempler du dehors. Alors, du dehors, on voit au centre de soi Dieu tel qu’il est. Sortir de soi, c’est la renonciation totale à être quelqu’un, le consentement complet à être seulement quelque chose.

 

Stupéfiant, non ? Je vous rappelle que ce texte a plus de sept cents ans. L’ouvrage de Marguerite fut pourchassé, ses exemplaires traqués, brûlés, mais il continua sa vie souterraine. En Angleterre, en Allemagne et en Italie l’ouvrage fut recopié dans  des monastères de Chartreux et de Bénédictins qui reconnaissaient sa valeur mystique. En France ce livre écrit pour les laïcs chemina par les laïcs, raison sans doute pour laquelle on ne trouve pas de traces écrites du  Miroir des âmes simples et anéanties et qui seulement demeurent en vouloir et désir d’amour, titre complet de l’ouvrage, avant le XVIème siècle.

 

le miroir des Âmes simples & anÉanties

Marguerite porEte

Edition  ALBIN MICHEL

 1997

Chef-d’œuvre de la première littérature mystique de langue française, le Miroir des âmes simples et anéanties révèle une richesse spirituelle qui place son auteur, Marguerite Porete, dans la lignée de Saint Bernard, Maître Eckhart ou Hadewijch d’Anvers.

 

Du cœur de l’expérience religieuse la plus radicale – Dieu est Amour –, Marguerite Porete pose les questions qui, de l’Évangile au rationalisme moderne, ont façonné l’âme occidentale : l’Amour vrai est-il soumis à autre chose qu’à lui-même ?

Fût-ce à la morale ? À la religion ? À Dieu, même ? La force et l’audace de ces interrogations, qui en 1310 conduiront Marguerite Porete au bûcher de l’Inquisition, traversent les siècles à la rencontre de tous ceux qui, aujourd’hui comme hier, « fin Amour demandent ».

Née vers 1250, probablement à Valenciennes, la béguine Marguerite Porete écrivit vers 1290 ce chef-d'œuvre de la mystique flamande.

Empruntant la forme médiévale du " miroir " (reflet de la réalité ou du lecteur, mais surtout invitation à contempler et, par- là, à devenir), ce texte appartient à la littérature courtoise, au sens fort : lorsqu'il s'agit de surmonter toutes les épreuves pour gagner le " Fin Amour ".

Au travers de courts chapitres où dialoguent l'âme, Amour, Vérité, Raison, etc., il dessine avec clarté le chemin d'une âme qui, abandonnant corps et volonté, devenue simple et néant, parvient à se faire miroir du Pur Amour divin : " Dieu se voit alors en elle, par sa majesté divine qui illumine cette âme de lui-même ".

On sent dans ces pages un véritable souffle de liberté, souffle qui est celui-là même de l'Esprit. Une liberté que I ‘Eglise de ce temps (" Sainte-Eglise-La-Petite "), à l'heure où, se pliant aux vœux de Philippe-le-Bel, elle condamnait les Templiers, ne pouvait ni comprendre ni tolérer.

Excommuniée, Marguerite Porete refusera de se renier, portant témoignage de la liberté à l'œuvre dans son livre. C'est accompagnée de celui-ci qu'elle sera brûlée vive à Paris en 1310.

 

Elle nous vient du Moyen Age et on ne sait quasiment rien d’elle sinon que c’était une béguine des Flandres, mais son livre a traversé les siècles comme une onde de choc dont beaucoup de mystiques s’imprègnent encore. Marguerite Porète était la reine de la transgression.  Elle  décrit son approche de Dieu et son expérience mystique dans ce livre incandescent,  étonnant mélange de poésie lyrique et de subtilité théologique, elle qui n’est pas religieuse et qui n’appartient pas au monde universitaire, pire : elle l’écrit en langue vernaculaire et non en latin !

Autant dire qu’elle accumule toutes les preuves d’indépendance d’esprit. Elle n’a pas utilisé le latin obligatoire pour tout texte religieux et elle écrit en langue d’oïl de manière à toucher le peuple. C’est une réussite car le succès est immense dès la parution du Miroir. De plus Marguerite est une femme qui n’a pas prononcé de vœux religieux et qui appartient à une communauté s’autorisant à penser par elle-même. Marguerite dérange et elle le sait. Sa façon de vivre en marge de l’ordre féodal chez les béguines, d’écrire un livre  qui ose, c’est multiplier les affronts à l’ordre établi.

Le  scandale est à la mesure du succès et dès la parution du Miroir, aux alentours de 1290, les ennuis commencent. Le livre est très vite condamné pour hérésie en 1300 puis brûlé sur la place de Valenciennes en 1306 sur ordre de l’évêque de Cambrai. Marguerite refuse de retirer son livre et continue de le laisser diffuser. Elle a peut-être le sentiment que son texte répond à un besoin, que la spiritualité vivante ne se transmet pas en latin : He ! Ame lassee, come tu yes encombree!  elle, a fait le vide. brûlée par l’amour divin, son âme transformée par l’expérience mystique comme l’œuvre au noir transforme le plomb en or, elle n’est plus dans le temporel, portée par son âme anéantie elle ne peut accepter de compromis. Dieu m’a créée comme du non être qui a l’air d’exister, afin qu’en renonçant par amour à cette existence apparente, la plénitude de l’être m’anéantisse.

On ne sait pas très bien quelles sont les propositions de son livre qui ont été condamnées par le tribunal de l’Inquisition, car très peu nous sont parvenues. Par contre on sait que sa doctrine elle-même n’était pas mise en cause et que rien ne justifiait de la brûler en place de Grève le lundi de Pentecôte premier juin 1310. En ce temps-là on avait, il est vrai, le bûcher facile : trois semaines avant Marguerite les Parisiens avaient assisté à l’autodafé de 53 templiers condamnés après leur procès. Marguerite dérangeait : trop de force, d’intelligence, de lyrisme, une femme ne doit pas être comme cela, c’est péché d’orgueil. Condamnée par l’Inquisition Marguerite meurt sur le bûcher, mais son courage et sa sérénité impressionnent la foule, un compte-rendu de l’événement a traversé les siècles.

Elle dit aussi dans son livre : « Comme les Hindous l’ont vu, la grande difficulté pour chercher Dieu, c’est que nous le portons au centre de nous-mêmes. Comment aller vers moi ? Chaque pas que je fais me mène hors de moi. C’est pourquoi on ne peut pas chercher Dieu. Le seul procédé, c’est de sortir hors de soi et de se contempler du dehors. Alors, du dehors, on voit au centre de soi Dieu tel qu’il est. Sortir de soi, c’est la renonciation totale à être quelqu’un, le consentement complet à être seulement quelque chose. »

L’ouvrage de Marguerite fut pourchassé, ses exemplaires traqués, brûlés, mais il continua sa vie souterraine. En Angleterre, en Allemagne et en Italie l’ouvrage fut recopié dans  des monastères de Chartreux et de Bénédictins qui reconnaissaient sa valeur mystique. En France ce livre écrit pour les laïcs chemina par les laïcs, raison sans doute pour laquelle on ne trouve pas de traces écrites du  Miroir des âmes simples et anéanties et qui seulement demeurent en vouloir et désir d’amour, titre complet de l’ouvrage, avant le XVIème siècle.

 

le moine & le philosophe

J.F. revel & m. ricard

Edition NIL

 1998

En quoi consiste exactement le bouddhisme ? Pourquoi fait-il aujourd’hui tant d’adeptes en Occident ? Comment expliquer le succès d’une forme de sagesse à la fois si ancienne et si nouvelle ?


Pour répondre à ces questions, voici un livre issu de circonstances tout à fait exceptionnelles dans l’histoire des hommes et des idées. Né en 1946, Matthieu RICARD, docteur en biologie, s’installe définitivement en Asie et devient moine tibétain auprès de son maître le Dalaï-Lama. Tout semble désormais l’opposer intellectuellement à son père, Jean-François REVEL, philosophe agnostique déclaré.

 

Mais les deux hommes n’ont jamais cessé de se voir et, en 1996, dans la solitude du Népal, ils décident de confronter leurs interrogations et leurs curiosités réciproques au cours d’entretiens spontanés d’une lumineuse intelligence.

 

le panthÉisme maçonnique

Régis blanchet

Edition Du Prieuré

1994

Qu’est-ce que le panthéisme ? Franc-maçonnerie et Église catholique au XVIIIème siècle, position du Vatican face au panthéisme, les constitutions d’Anderson et l’article Ier John Toland  – Platon et aux néo-platoniciens.

 

De l’Antiquité à nos jours, au-delà des religions officielles et sous toutes les latitudes, une conception spirituelle et unitaire de Dieu et de l’Univers a fait un chemin particulier jusqu’à nos jours, à savoir le panthéisme (gr. pan, tout, et theos, dieu). En Europe, ce sentier fut parcouru, tout au long des siècles, par de grands penseurs comme : Thalès de Milet, Xénophane de Colophon, Parménide d’Élée, Zénon de Citium, Diogène de Laerce, Cléanthe, Cicéron, Marc Aurèle (Empereur Romain), Plotin, Proclus Diadochus, David de Dinan, Giordano Bruno, Spinoza, John Toland (inventeur du mot panthéisme), Dom Deschamps, Hegel (panlogisme), Schelling, Bergson, Albert Einstein, Carl Sagan, etc., etc. En fonction de la liste de ces quelques auteurs, on peut déjà dire que le panthéisme est aussi ancien que la philosophie. Tous les systèmes métaphysiques ou religieux qui réunissent Dieu et le monde, pour n'en former qu'un être unique, se rattachent à cette doctrine. Extrêmement nombreux et de formes très différentes, ces systèmes ne sauraient être ramenés à un seul type ; ils ont toutefois ceci de commun qu'ils considèrent Dieu comme identique à l'ensemble des réalités et n'admettent pas la distinction, chère au théisme traditionnel, entre Dieu et l'univers.

 

En un concept de synthèse on peut déjà oser avancer que le panthéisme est la doctrine philosophique qui assimile Dieu à l’Univers et à tous les univers éventuels et possibles. Dieu ne serait pas créateur et extérieur à l’Univers ; Il serait et est simplement toutes les choses de l’univers ainsi que son âme. Tout ce qui existe est en Dieu et réciproquement. Selon la pensée panthéiste Indoue (panthéisme acosmique ou panenthéisme de Sankara), l’âme n’est pas une chose dont on puisse dire qu’elle a été ou qu’elle sera ; elle est sans naissance, constante, éternelle, incorruptible, inépuisable, indestructible, universelle, permanente, immuable, inaltérable. Dans notre dimension elle prend corps autant de fois qu’il est nécessaire à sa mission (réincarnation).

 

En un premier temps, et pour simplifier, on peut soutenir qu’un certain nombre de penseurs/chercheurs, au cours des siècles, ont avancé qu’il s’agit d’une doctrine philosophique selon laquelle tout ce qui existe est en Dieu qui est lui-même le Tout, l’Univers/conception, la divinité et la nature étant confondue. À l’encontre du monothéisme, le panthéisme, pense donc un Dieu immanent, ni extérieur ni supérieur au monde. Ni créateur, ni personnel, le Dieu du panthéisme tend à s'identifier avec la nature (Spinoza, Éthique, IV, Préface). Si on peut reconnaître des formes ou des tendances panthéistes dans le stoïcisme, le néo-platonisme et dans certaines religions (hindouisme, mais aussi chrétienté), la théorie de Spinoza s'est imposée comme archétype pour penser le panthéisme. Faire de celui-ci un athéisme ou un matérialisme caché est un contre-sens polémique sur la pensée de Spinoza ; contre-sens plus ou moins volontairement commis au XVIIIe siècle par les adversaires et les défenseurs du monothéisme traditionnel. Plus une philosophie religieuse qu'une religion, le panthéisme met en exergue une difficulté du monothéisme : individuer (lui donner une forme individuelle) Dieu est le limiter (fût-ce pour lui donner une infinité d'attributs), et le séparer du monde supprime son infinité.

 

On distingue un panthéisme naturaliste (ou matérialiste), qui identifie Dieu au monde (Diderot, d'Holbach) et un panthéisme qui identifie le monde à Dieu (Spinoza). La première version étant accusée à juste titre de n'être qu'un athéisme déguisé. On pourra constater, au travers des pensées des auteurs ci-après que le panthéisme n’est pas seulement un système unitaire du monde, mais il parvient à une sorte de conscience de soi ; c’est aussi une sorte de voie philosophique devant conduire à une expérience. Il s’agit de la modalité vécue selon laquelle la conscience exaltée éprouve cette unité du monde, unité passionnante à la fois par la force des liaisons rationnelles qu’elle dévoile et par la splendeur du contenu cosmique avec lequel la conscience se trouve concrètement unifiée. Cette voie rationnelle menant à l’expérience quasi mystique, notamment chez Plotin et sur un registre nettement supérieur chez Spinoza.

 

Si la philosophie n’est rien d’autre, aux yeux des panthéistes, que la connaissance de l’unité, ce n’est pas seulement en raison de l’exigence d’intelligibilité rationnelle que comporte l’idée de philosophie, c’est aussi parce que la philosophie est en réalité à la recherche d’un accord profond avec soi-même et le monde ; or seuls les systèmes monistes peuvent accéder au sentiment d’un tel accord et à l’expérience d’une certaine joie d’être. On peut déjà avancer que le monisme panthéiste est une des expressions les plus hautes de l’entreprise philosophique elle-même, en tant qu’elle tente de délivrer l’homme des arrières mondes introspectifs et de l’angoisse qu’ils entraînent. En toute honnêteté intellectuelle on devrait réserver le terme de panthéisme (créé pendant le Renaissance) à un petit nombre de philosophes chez lesquels apparaît explicitement l’affirmation de l’identité de Dieu avec le tout de l’être, celui-ci englobant la nature ou se réduisant à elle. L’affirmation principielle du panthéisme porte donc sur l’Unité de l’Être, c’est-à-dire sur l’unité homogène et dynamique de la Totalité. Nous passons, ci-après, en revue ce que nous estimons êtres les principaux acteurs correspondants à cette pensée panthéiste au travers des siècles :

  

le pÉlerinage à compostelle – une quÊte spirituelle

     Michel Armengaud

Diffusion Rosicrucienne

 2002

Le pèlerinage à Compostelle n’est pas un voyage touristique : c’est un parcours initiatique qui répond à un appel intérieur et permet au pèlerin de « dépouiller le Vieil Homme » afin que naisse le Nouvel Homme.

Au fil des jours, le pèlerin apprend à s’harmoniser avec la nature, se libère du mental et s’ouvre à la conscience, laissant progressivement la place à l’expérience de l’âme.

Le chemin de Saint-Jacques revêt alors sa véritable et ultime dimension : celle d’un laboratoire au cœur duquel s’opère de jour en jour une alchimie spirituelle qui transforme l’être tout entier. à l’issue de cette transformation, le pèlerin, riche de cette expérience, peut retourner dans le monde pour y poursuivre, sous d’autres formes, son voyage intérieur.

Les motivations des marcheurs sont bien moins religieuses qu’autrefois : quête spirituelle, randonnée culturelle, phénomène de mode, défi sportif, aventure, dépassement de soi ou trek pas cher, à chacun sa réponse. Le pèlerinage de Compostelle se caractérise essentiellement par la notion de « Chemin » et ne se limite pas à la visite d’un lieu saint (par exemple, Lourdes).

Le pèlerin d’aujourd’hui quitte son quotidien en quête de spiritualité, le plus souvent pour « faire le point » à une articulation de sa vie (fin des études, chômage, mariage, retraite, divorce), tourner une page, faire un deuil, renaître après une maladie ou un accident, fuir le stress d’une société de plus en plus exigeante, ou parce qu’il a besoin de quelques semaines de répit, sans rien faire d’autre que marcher vers l’étape suivante, manger, dormir en savourant, tout simplement, l’instant présent.

Cette prise de distance est facilitée par son statut particulier et par le regard nouveau porté sur lui. L’important n’est plus ce qu’il est, mais ce qu’il est en train d’accomplir. De plus, dans sa marche vers l’ouest, en suivant le parcours apparent du soleil, il renoue avec les rêves ancestraux de l’humanité : atteindre le bout de la terre, le Finistère.

De fait il porte les inquiétudes et les espérances de son entourage, mais aussi des gens qu’il croise en route. On lui confie bien souvent des intentions, il fera une prière, déposera un cierge. Porteur de rêves, se dirigeant vers un lieu sacré, il a besoin d’être reconnu et protégé, c’est pour cela qu’il a toujours eu un équipement permettant de l’identifier et de l’accueillir sans risques.

 « Il y a de ces voyages qu’on dirait faits pour illustrer la vie même et qui peuvent servir de symboles à l’existence », écrivait Joseph Conrad. Le voyage à Compostelle est un chemin initiatique jalonné de signes et de rencontres, d’épreuves et de joies, c’est aussi une traversée ponctuée, au cours des étapes, par des rituels de purification et d’enrichissement autour de l’eau, de la terre et du feu.

« Quitter », … Yahvé dit à Abraham : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai … ». Genèse XII, 1. De tout temps le chrétien – à l’image d’Abraham qui a quitté sa terre et des apôtres qui ont tout abandonné pour suivre Jésus – s’est défini comme un homme de passage, un étranger sur terre, un voyageur en marche vers la Jérusalem Éternelle. La pérégrination traduit cette adhésion de la cité terrestre, le croyant s’achemine vers la cité céleste.  « Quitter », c’est à la fois rompre avec le quotidien, se détacher, voir ailleurs, se perdre peut-être pour se retrouver. C’est aussi, s’enrichir de l’autre différent, changer de vie pour la comprendre et mieux l’habiter. C’est finalement faire confiance et cheminer, parfois dans la souffrance, mais toujours dans l’espérance. Si marcher vers Compostelle, c’est retrouver en soi la trace d’un chemin perdu quelque part dans les méandres de la vie, de sa vie, le pèlerinage reste malgré tout une énigme  qui se résout en avançant.

L’expérience montre que c’est le fait de marcher, c’est la longueur du trajet (une dizaine de semaines), c’est l’effort demandé au corps et au mental, c’est le grand spectacle de la nature douze heures par jour, ce sont les rencontres avec les autres marcheurs, qui font la spécificité et la beauté du chemin de Compostelle. Les chemins ne manquent pas, chacun peut les parcourir, selon ses possibilités physiques et mentales, en entier ou en partie, en une seule fois ou par étapes. L’important est de se mettre en route et de marcher vers Sa Compostelle. Il n’y a pas de bon chemin, en revanche, il y a toujours, quand on marche sur Le Chemin, détachement, patience, humilité, amitié, partage et tolérance.

Un voyage spirituel hors du temps

 

le petit livre de la vie & de la mort

Douglas e. harding

Edition DERVY

 2003

Le petit livre de la vie et de la mort est un régal. Il résonne de l’écho du rire cosmique. L’humour et la simplicité de son style sont à la hauteur de la tâche qu’il s’est fixée, c’est-à-dire affronter les démons conceptuels de la mortalité et dénoncer le mensonge de la mort. Je suis stupéfait de constater qu’un si petit livre puisse anéantir aussi totalement des croyances bien ancrées sur des sujets allant de la naissance à la vieillesse et jusqu’à l’Au-delà, et ce sans douleur et même dans la joie. C’est le signe de la vraie compassion qui émane du Vide.


Suivant la tradition du Bouddha qui nous recommandait de ne pas écouter l’avis des autres sur la vérité de l’existence, mais de nous fier plutôt à notre propre expérience, Douglas E. HARDING, nous propose un certain nombre d’expériences provocatrices qui annulent l’une après l’autre toutes les idées préconçues que nous avions sur nous-mêmes.

 

Avec la même obstination intransigeante qu’un Ramana MAHARSHI, il nous fait pénétrer de plus en plus profondément dans le pays de la non-personne, le pays de « Neti, Neti » (Pas ça, pas ça !), jusqu’à ce nous atteignions le point où nous sommes… Notre voyage nous conduit à travers la science occidentale (expériences proches de la mort et quarks) et les traditions mystiques d’Orient et d’Occident. Inlassablement, D.E.H. rejette les lentes ascensions que proposent les doctrines telles la réincarnation et le Karma, en faveur de la voie Zen abrupte et sans garde-fou.

D.E.H. se situe dans la tradition des « coquins spirituels ». Le fait que son corps soit âgé de 79 ans, nous dit-il, lui inspire un sentiment d’urgence extrême fort contagieux dans les temps incertains que nous vivons, car il réalise que s’il ne réussit pas à cesser d’être quelqu’un avant de mourir, il finira, selon les termes de Rumi, « avec un appartement dans la cité de la mort ». Mais je ne suis pas dupe. Il joue simplement avec nous. Il est digne de l’accolade donnée aux grands maîtres que l’on appelle « les morts vivants ».

 

Après ce livre, je prédis que la littérature relative à la mort ne sera plus jamais la même.

 

LE PONT DES ÂMES   -   De Zoroastre à l’imaginaire médiéval

Xavier-Laurent  Salvador

Edition  Signatura

 2012

Il se trouve en Italie, dans la région des Abruzzes, un petit village d’allure médiévale qui a conservé ses enceintes et ses rues pavées, avec tout autour des oliviers, son nom : Loreto.

Au cœur de ce village se trouve une abbaye et en face une église qui est appelée Santa Maria in Loreto aprutino, à l’intérieur une chose incroyable tant par son degré de conservation que par la beauté du mystère qu’elle exhale : une fresque.

 

Alors quel est le mystère et la beauté de cette fresque ? Il s’agit d’un affresco, d’une peinture faite à même le mur selon une technique basée sur l’usage de la terre mélangée à des pigments ; c’est efficace et rapide, et cela résiste plutôt bien à l’usure du temps. Le style de cette fresque date du XIVe siècle. Des inscriptions disent que le sujet de cette fresque daterait de bien avant, mais compte tenu des incendies successifs, elle aurait été plusieurs fois refaite en améliorant les techniques.

Que représente cette fresque ? Il s’agit d’un pont, d’un pont que traversent des âmes et qui ferait office d’épreuves. Alors comment lire cette fresque ? Les âmes nues arrivent par le côté droit dans un défilé et se faufilent dans le monde des morts en passant entre deux lions, dont l’un a le pelage tacheté. Immédiatement après, les âmes traversent un pont qui présente une singularité : il rétrécit au milieu. Les âmes injustes en tombent tandis que d’autres, plus fortunées, parviennent sur l’autre rive. Les pécheurs sont engloutis dans un fleuve sombre qui charrie d’autres âmes dont il ne fait aucun doute qu’elles sont destinées aux enfers

 

De part et d’autre de l’âme traversant, on remarquera que deux démons à moitié effacés tirent les âmes vers le bas. L’âme qui a traversée le pont subit alors une deuxième épreuve : la peséeRappel certainement de la pesée de l’âme lors de la Psychostasie en Egypte – l’arbitre est un archange, remplaçant Anubis et Thot. A l’issue de ce jugement, les âmes médiocres sont astreintes à rester dans un jardin, privée de la contemplation divine. Les âmes parfaites sont autorisées à subir une troisième épreuve : L’élévation dans une Tour où les figures tutélaires de l’Eglise les attendent pour les revêtir du manteau rouge du martyre et les autoriser à contempler le Christ rayonnant et à baigner dans la lumière irradiant de la mandorle, l’auréole corporelle lumineuse qui entoure le Sauveur.

 

Une fresque qui donne lieu à pèlerinage pour plusieurs raisons que l’auteur nous explique, d’autre part des analogies sont faites avec d’autres traditions, d’autres civilisations, et des textes sacrés, eschatologiques et religieux dans beaucoup de pays.

 

Au sommaire de cet excellent ouvrage :

Le pont dans la tradition canonique   -   Le mystère de la fresque Loreto    -    Des exemples de récits populaires    -    Le même récit avec l’absence du pont    -    L’Arc en ciel    -    Le pont dans les sources populaires    -    Grégoire, Job et Ezéchiel    -    Le pont de l’épreuve    -    Çinvat, pont des iraniens    -    Les Arabes    -    Le corpus iranien    -    La piste d’Esdras et de l’Apocalypse de Paul    -    La piste d’Isaïe    -    Bois du pont, bois de la croix    -    L’initiation chrétienne et la Baptême    -    La légende dorée    -    Grégoire    -   La bataille    -    La reine de Saba    -    La forme chrétienne du pont :le purgatoire    -    St Patrick dans l’histoire et ses vies fabuleuses     -     La traversée du pont des enfers    -    Dante et le pont-enfer    -     De Nerval à Spielberg en passant par Goethe et son serpent vert     -     Le funambule trompe la mort

 

le pouvoir du moment prÉsent

Eckhart tollÉ

Edition  ARIANE

 2000

Pour entreprendre ce périple vers le pouvoir du moment présent, il nous faut laisser derrière nous notre esprit analytique et le faux moi qu’il a créé, c’est-à-dire l’ego. Dès le début du premier chapitre, nous nous élevons rapidement vers des hauteurs où nous pourrons respirer un air plus léger propre à la spiritualité.

 

Même si le périple où Eckhart Tollé nous emmène présente des défis, le langage qu’il emploie est simple et le format question-réponse qu’il a choisi constitue un guide rassurant. Les mots ne sont eux-mêmes que des panneaux indicateurs.


Si nous réussissons à être totalement dans l’ici maintenant et à faire chaque pas dans le moment présent, si nous réussissons aussi à vraiment appréhender les réalités que sont notre corps énergétique, le lâcher prise, le pardon et le non manifeste, nous saurons nous ouvrir au pouvoir transformateur de l’instant présent.

« L’être est la vie éternelle et omniprésente. Il existe au-delà de toutes les formes assujetties au cycle de la vie et de la mort. L’être vous est accessible maintenant comme étant votre véritable nature.

Mais n’essayez pas de le comprendre avec votre mental. Vous ne pouvez le saisir que lorsque votre mental s’est tu et que vous êtes pleinement et intensément présent. Retrouver la conscience de l’Être et se maintenir dans cet état de réalisation c’est cela l’illumination.»

 

le procÉs de l’homme qui disait qu’il Était dieu

Douglas harding

Edition  DU RELIÉ

 2002

Dans ce siècle en pleine décadence les hommes qui parlent « vrai » sont montrés du doigt et diabolisé. Or qu’y a-t-il de dangereux de dire que la présence divine nous habite ? C’est l’objet de ce livre ou le procès est fait à celui qui a déclaré trop fort cette « vérité ».
L’auteur D. Harding est un spiritualiste, depuis longtemps, il a dénoncé les préjugés et les dogmes.
À l’âge de quatre-vingt-six ans, il continuait de parcourir le monde pour partager une expérience située au-delà du mental et de la dualité, et nous aider à découvrir « Qui nous sommes vraiment ».

 

Dans ce livre, Douglas imagine un homme, John a-Noke, accusé de blasphème, pour avoir affirmé son identité avec Dieu. Douglas raconte comment cet homme se défend devant la cour et devant les témoins qui l'accusent.

Voici quelques extraits dans lesquels John a-Noke parle du Christ en lui: "Je crois que la vision la plus noble et la plus vraie, la plus profonde et la plus audacieuse, est celle qui nous révèle que la Puissance qui régit l'univers n'est autre que l'Amour-don de soi.

Que C'est Celui dont la compassion est telle qu'il assume toute la joie, la brillance et l'incroyable richesse de Son monde, en même temps qu'il prend sur Lui toutes ses larmes, ses souffrances, ses ténèbres, sa culpabilité. Ainsi lui redonne-t-il la joie inaltérable, la paix qui ne saurait être gagnée autrement ni à moindres frais. Non que je puisse en établir la preuve formelle. Aucun argument, si pénétrant ou éloquent soit-il, ne peut convaincre qui que ce soit de l'Incarnation. En tant que dogme, cela peut sembler complètement absurde, impossible à démontrer.


Non, la seule preuve que l'on puisse en avoir, c'est dans la vision, le vécu de ce mystère, en étant totalement, intimement impliqué dans le processus du salut. En devenant le Christ.

Car il n'y a pas d'autre moyen. St. Paul était tout simplement réaliste lorsqu'il s'écriait : «Pas moi, mais le Christ qui vit en moi ! » Paul était dehors, Christ était dedans, ce qui annulait le blasphème.

Rien ne pourrait être moins anti-Christ ni plus pro-Christ. L'apôtre avait sa manière de le dire. Moi, j'ai ma façon de le dessiner, comme vous allez le voir sur le schéma. Lorsque j'ai vu que cette troisième personne, là-bas dans le miroir, est le vieil homme centré-sur-lui-même, ou Adam, et la Première Personne ici, en face de lui, l'homme nouveau centré-sur-Dieu, ou le Christ, les paroles de St. Paul (si usées et rebattues) sont soudain redevenues vivantes, elles m'éblouissent, me bouleversent, C'est lorsque ma vision et mon vécu démentent ces paroles de St. Paul que je suis anti-Christ. Lorsqu'ils les proclament, je ne suis pas seulement pro-Christ, je suis totalement en lui, je deviens Christ.


«La Bonté Infinie a les bras si grands ouverts» dit Dante. «Qu’elle accueille tout ce qui se présente à elle». J'ai le choix : Vais-je embrasser le petit monde de ce petit homme, ou le monde immense de Celui qui est Immense ? Comment ne pas voir que je suis incarné dans Celui Qui est ici, les bras grands ouverts, et non pas dans celui qui est là-bas, avec ses tout petits bras ? N'ai-je pas été complètement renversé par Lui et en tant que Lui (jambes par-dessus absence-de-tête) ? Jung dit quelque part que l'Eglise est la gardienne de mystères qu'elle ne comprend pas. Je ne prétends pas les comprendre moi-même non plus. La compréhension, d'ailleurs, est le prix qu'on décerne au dernier de la classe. Leur signification est inépuisable, Dieu soit loué. Mais ce que je découvre, c'est que je n'ai qu'à Regarder pour voir que ces doctrines de base sont parfaitement cohérentes.


En ce moment-même, il me suffit de regarder pour voir. Je n'ai pas besoin de prononcer un seul article de foi, encore moins de souscrire à toutes sortes de boniments et fariboles pour avoir le bénéfice des mystères sous-jacents. Désormais, leur merveilleux pouvoir thérapeutique agit librement, sans être entravé par les doutes superficiels ni par la gêne profonde que je ressens si je m'illusionne dans le seuil but d'obtenir la guérison physique, mentale et spirituelle. Le véritable remède ne doit pas être acheté au prix d'un raisonnement où l'on s'accommode sans vergogne de contradictions flagrantes, ni au prix d'aucun compromis ni d'aucune sorte de charlatanisme. Il ne doit pas être payé du tout. Il est gratuit pour ceux qui sont assez éveillés pour voir. A propos de ces grands mystères qui sont à voir et à vivre plutôt qu'à comprendre, je n'hésite pas à dire avec Maître Eckhart : «Les gens croient que Dieu est devenu un être humain seulement là-bas, lors de Son Incarnation historique, mais ce n'est pas vrai. Car Dieu est ici, en ce lieu-même, tout aussi incarné que dans un être humain il y a des siècles. Et voilà pourquoi Il est devenu un être humain : pour pouvoir vous donner naissance à vous qui n'êtes rien moins que Son Fils unique" "Savez-vous que St. Athanasius a dit : «Dieu est devenu homme pour que l'homme puisse devenir Dieu. » Et que pendant des siècles les Chrétiens l'ont considéré comme la plus grande autorité sur le sujet de la déification - terme que les Pères de l'Eglise utilisaient librement ?


Mesdames et Messieurs les jurés, je crois comprendre pourquoi le Témoin s'imagine que je n'ai que faire de Dieu incarné en Jésus Christ, de Dieu le Fils descendu dans ce monde il y a deux mille ans. C'est de ma faute. Avant ce Procès, je me suis rarement référé à lui en public. Mais ce n'est pas parce qu'il me laisse froid, bien au contraire. Comment pourrais-je jamais oublier ce jeune homme en larmes dans le jardin ? Rien ne m'a jamais plus ému depuis l'enfance que l'histoire du "Très Haut" qui est descendu sur terre par amour et miséricorde, qui est né dans cet endroit très spécial a vécu cette vie très spéciale et est mort de cette mort très spéciale. Loin de le mépriser, comme l'a dit le Témoin, je le trouve parfaitement adorable. Je n'avais pas l'intention d'infliger à la Cour mes pensées et sentiments les plus profonds à ce sujet (mes larmes aussi, je le crains), mais elle ne m'a pas laissé le choix. Ce sera à vous de décider s'ils ont quoi que ce soit de blasphématoire, ou (comme je le crois) tout le contraire.


Heureusement, pour essayer de vous faire partager mon expérience du Christ, j'ai le grand avantage d'avoir trois medias à ma disposition : l'un verbal, et deux non verbaux. Outre les mots, il y a l'expérience courte mais cruciale que je vous demanderai de faire sous peu, et il y a notre Schéma. Veuillez-vous y reporter dès maintenant, et le garder sous les yeux jusqu'à ce que j'aie fini de répondre à ce Témoin.
Ici, nous avons une idée de la manière dont jésus s'est vu lui-même sur la Croix, à l'envers et faisant face à toute la création. Une esquisse clé ce qu'il était en tant que Première Personne le jour où il est arrivé au Bout du Monde et au Fond de l'Enfer dans tous les sens du terme, le jour où il est descendu jusqu’à la fin fond de la cave du grand univers de son Père. Il y avait sa mère, Marie, et ces soldats dont les regards étaient non pas levés vers lui, mais abaissés sur lui. Regardez le croquis attentivement et vous verrez pourquoi je dis : abaissés. Et son regard à lui n'était pas abaissé, mais élevé vers eux, et vers ces jambes raccourcies et ces pieds si petits, percés de clous. Et il voyait ces bras immenses, grands ouverts, étreignant le monde pour lequel il était en train de mourir, et ces toutes petites mains, percées de clous qui, de chaque côté, allaient jusqu'au-delà de l'horizon.

Je ne parlerai pas de la souffrance, mais de ce suprême exemple du renversement de valeurs que nous venons de remarquer. Mesdames et Messieurs les jurés, regardez simplement ceci. Voyez ce que l'homme a fait à Dieu sous le coup de la haine, et ce que Dieu a fait pour l'homme par amour. Que la Puissance et la Gloire derrière l'univers puissent être ce genre de Puissance et ce genre de Gloire qui transmuent le pire en le meilleur - vous pourriez être tentés de dire que c'est si beau et si bon que cela doit être vrai. Ou si l'on pose la question : quel genre d'univers est-ce ? Vous pourriez répondre avec moi : c'est celui qui produit cette idée-là de Dieu, une idée qui a façonné deux mille ans de l'histoire humaine ! Oui, c'est cette sorte d'univers-là. La sorte d'univers qui produit, quand les temps sont venus, ce qu'il avait dans sa manche depuis toujours. J'irai encore beaucoup plus loin et dirai de notre vie, que toute vie est faite sur le modèle du Golgotha. La crucifixion de la Première Personne est inhérente à notre nature. C'est le prix que nous devons payer pour un monde. Le monde ne peut pas exister à moindres frais. Oh oui ! La souffrance et la cruelle humiliation sont là, à tout jamais. On ne nous laissera pas l'oublier longtemps. Mais c'est aussi à tout jamais que rayonne l'amour alchimique de Dieu, qui transmue ce plomb empoisonné en or de vingt-deux carats. Quel renversement de valeurs radical, et comme Il le paie cher. (...)

Je soutiens que, de fait, le même schéma est valable pour Jésus Christ en tant que Première Personne sur la croix et pour moi en tant que Première Personne à chaque instant. Et je m'empresse d'ajouter : pour tous les êtres humains. Aucun d'entre eux - ni le plus mauvais, ni le plus stupide, ni le moins chrétien - n'est différent selon sa propre expérience de lui-même. Evidemment ! Comment pourrait-il en être autrement ? Tous, tant qu'ils sont, vivent le drame du Calvaire dans leur corps (je répète : dans leur corps). C'est avec tous et en tant que tous que Jésus Christ pouvait souffrir et mourir pour tous. Il n'était pas question de souffrir et mourir pour des êtres étrangers. St. Paul a toutes les raisons d'affirmer que nous portons tous dans notre corps le Seigneur Jésus vivant et mourant.

Au sens le plus profond, il n'y a qu'une seule Première Personne la Première Personne du Singulier ; un seul Fils de Dieu, Son Fils unique, éternel, non-créé, incompréhensible, né avant le monde. « Toute l'humanité est un seul homme en Christ», a dit saint-Augustin. Mais ceci ne veut pas dire qu'à un autre niveau et dans un autre sens il n'y ait pas autant de Premières Personnes que de troisièmes personnes. Chaque troisième personne est équipée de son aspect de Première Personne, et vice versa. De sorte que Dieu a un nombre infini de Fils et de Filles. Ecoutez ce passage incomparable du Quatrième Evangile :
«. Le Verbe était la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme. Il était dans le monde, et le Monde fut par lui, et le monde ne l'a pas reconnu.... Mais à ceux qui l'ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir les fils de Dieu. Ceux-là ne sont pas nés du sang, ni d'un vouloir de chair, ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu.»

Veuillez regarder notre Schéma. Ces petites troisièmes personnes debout, pourvues d'une tête, d'épaules étroites et de petits bras, sont toutes nées et vont toutes mourir. Cette grande Première Personne qui est à l'envers, sans tête, avec de larges épaules et des bras immenses n'est jamais née et ne mourra jamais. En termes crus, sa taille et sa forme sont tellement hors normes qu'aucune sage-femme ni aucun entrepreneur de pompes funèbres ne pourraient la manipuler. Il est le Christ Eternel, né du Père avant le monde, réellement Dieu, Lumière des Lumières, et pourtant il renaît toujours, dans toutes les créatures, en tant que Christ crucifié.

 

le roi salomon - mythographie d’un prophÈte paradigmatique

Zaïm KHENCHELAOUI

Edition Cema

 2001

Enquête sur le Roi Salomon en qui la tradition reconnaît être l’auteur du Cantique des Cantiques, du livre des Proverbes et de l’Ecclésiaste. Mais la tradition lui reconnaît une image de Faust à la fois ange et démon, c’est ce côté de Salomon que l’auteur nous explique entre la Thora et le Coran.

 

Il y a bien, bien longtemps, quand les Juifs vivaient heureux sur leur propre terre, un roi d'une grande sagesse régnait sur Israël. C'était le roi Salomon, l'homme le plus sage que ce monde ait connu. De près comme de fort loin, gouvernants et princes accouraient de toutes parts boire à la fontaine de sagesse qui coulait intarissablement de ses lèvres. Et leur contact avec lui était pour eux un enrichissement tel qu'ils lui prodiguaient en retour les cadeaux les plus somptueux, où l'or et l'argent se mêlaient à l'éclat des pierres précieuses les plus rares.

 

Un jour, le roi Salomon décida de donner une grande fête. « Dans les salles du banquet prendront place non seulement les monarques et les princes venus me rendre hommage, dit-il, mais aussi tous mes amis du règne animal, les bêtes des champs, les oiseaux qui volent sous le ciel bleu ; toutes les fées et tous les esprits qui hantent les forêts et les bois seront également présents. »

 

Car le roi Salomon était le seul être humain à comprendre le langage tant des uns que des autres et à pouvoir converser avec eux.

 

Le jour de la fête arriva. La salle du banquet était parée des meubles précieux et de riches tapisseries. Sur les tables, les mets les plus fins alternaient avec des vases étincelants d'or et d'argent. Les convives royaux étaient émerveillés par le spectacle qui s'offrait à leurs yeux. Mais leur stupéfaction fut grande à la vue des autres invités. Quelle étrange compagnie et combien mêlée! Ils n'en avaient jamais vu de pareille. Devant eux étaient rassemblées toutes sortes de créatures vivantes qui, obéissant à l'appel du roi Salomon, étaient venues à la fête.

 

Le grand monarque saluait un à un les animaux, et chacun d'eux se faisait un devoir de lui répondre. Tous étaient présents, à l'exception de la bécasse qu'on ne trouvait nulle part. « Qu'elle paraisse à l'instant devant moi ! ordonna le roi Salomon ; elle a désobéi, elle aura le châtiment qu'elle mérite. » La bécasse parut devant son maître : – O roi ! S’exclama-t-elle, daignez prêter l'oreille à mes humbles paroles et votre courroux cédera la place à la satisfaction. Voici trois mois qu'à tire-d'aile je parcours l'espace à la recherche d'un royaume que n'aient pas atteint les échos de votre gloire. Et je l'ai trouvé. Loin, bien loin du côté du Levant existe un beau pays, le plus beau que j'aie vu. Ses sables sont d'or et l'argent y est si abondant qu'il n'a pas de prix. Je n'ai jamais vu ailleurs des arbres aussi hauts ni aussi droits. Les pures eaux du puits du Jardin d'Éden en arrosent les terres dont la fertilité et la richesse sont incomparables. Les rues de ce royaume sont pleines de soldats étincelants dans leurs majestueux uniformes, mais ils sont incapables d'entreprendre une guerre et même de manier une arme. Sur cet étrange pays règne une femme nommée la Reine de Saba.

 

Les présents écoutaient dans le ravissement le merveilleux récit de la bécasse et, quand elle l'eut achevé, ils se demandèrent avec curiosité quelle serait la réaction du roi Salomon. Elle ne se fit pas attendre. Le monarque fit venir ses scribes et leur dicta une missive pour la fameuse Reine de Saba. La missive terminée, il l'attacha à l'une des ailes de la bécasse qui prit aussitôt son vol, suivie de près par tous les autres oiseaux. Bientôt, les voyageurs disparurent à l'horizon, dans la direction des terres lointaines où régnait la Reine de Saba.

 

Chaque matin, la Reine de Saba sortait pour adorer son dieu, le soleil. Ce matin-là, elle sortit comme à son habitude. Le spectacle insolite qu'elle vit alors lui causa une très grande frayeur. Une obscurité épaisse emplissait le ciel. En proie à une grande détresse, la reine lacera ses habits. Le soleil, son dieu, était devenu invisible. Qu'était-il donc arrivé ? Et un malheur plus grand était-il concevable ? Mais ce n'était pas, comme elle l'avait pensé, l'effet d'un pouvoir étrange ou surnaturel. Ce qui masquait le soleil n'était autre que les nuées d'oiseaux qui escortaient la bécasse le long de son voyage vers le royaume de Saba. Soudain, le ciel s'éclaircit à nouveau. Les bandes d'oiseaux innombrables s'étaient dispersées. La bécasse plongea vers la reine et se posa à ses pieds. Apercevant la missive, cette dernière s'empressa d'en libérer le volatile. Et c'est avec beaucoup d'étonnement qu'elle y lut : « Salomon, roi du peuple d'Israël, vous envoie ses vœux de paix et sa bénédiction. Il vous convie à lui rendre visite dans son palais et l'assurer de votre fidélité. Tous les rois et les princes sont venus lui rendre hommage. Même les bêtes des champs, les oiseaux, les fées et les esprits sont ses sujets. Si vous venez à mon palais, je vous conférerai plus d'honneurs que je n'en ai jamais accordés à un monarque quel qu'il soit. Mais si vous refusez mon invitation, je lancerai contre votre peuple une puissante armée. Savez-vous qui sont mes guerriers? Les bêtes des champs sont mes serviteurs et mes messagers, les oiseaux sont mes conducteurs de chars, les fées et les esprits sont mes légions. Ils vous tourmenteront tous, ils vous harcèleront jusque dans vos maisons si vous refusez d'obéir à mon ordre. J'attends votre arrivée. »

 

À mesure que la Reine de Saba lisait cette missive, son cœur battait de plus en plus fort. Son visage exprimait à la fois l'émerveillement et la terreur. Quelle aventure passionnante ce serait de rencontrer face à face cet étrange monarque d'Israël ! Le voyage serait fort long, mais elle n'eut pas un instant d'hésitation. Elle réunit ses capitaines de vaisseaux et leur dit : « Nous mettons les voiles à la destination de la terre d'Israël. Chargez vos bagages d'or et d'argent, de bois de cèdre et de parfums, de pierres précieuses et de soieries, et levons l'ancre immédiatement après. » Munie de tous ces cadeaux, la Reine de Saba entama le très long voyage qui allait lui permettre de rencontrer l'homme le plus sage qui ait jamais vécu sur terre…

 

LE SACERDOCE

Le jardin des dragons

Edition DU PRIEURÉ

 1991

Ce numéro 1 du Jardin des dragons explique le côté sacerdotal dans plusieurs ésotérismes.

 

Il y a un passage principal traitant du sacerdoce de tous les croyants. Ce passage dit : " et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, afin d’offrir des victimes spirituelles, agréables à Dieu par Jésus-Christ ... Vous, au contraire, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière "(1 Pierre 2:5-9).

 

Les sacrificateurs de l'Ancien Testament étaient choisis par Dieu et non auto proclamés ; ils étaient choisis pour un but : servir Dieu avec leurs vies en offrant des sacrifices. Le sacerdoce était une image ou un "exemple" du ministère à venir de Jésus-Christ… une image qui n'était plus nécessaire dès que son sacrifice sur la croix a été accompli. Lorsque le voile épais du temple qui recouvrait l'entrée du lieu très saint a été déchiré en deux par Dieu à la mort de Christ (Matthieu 27:51), Dieu indiquait que le sacerdoce de l'Ancien Testament n'était plus nécessaire. Tous pouvaient désormais venir directement à Dieu à travers le grand Souverain Sacrificateur, Jésus-Christ (Hébreux 4:14-16). Il n'y a maintenant plus de médiateur terrestre entre Dieu et l'homme comme cela était le cas dans le sacerdoce de l'Ancien Testament (1 Timothée 2:5).

 

Christ notre Souverain Sacrificateur a offert un sacrifice pour le péché une fois pour toutes (Hébreux 10:12), et il n'y a plus de sacrifice à faire pour le péché (Hébreux 10:26). Mais, tout comme les sacrificateurs offraient, par le passé, d'autres sortes de sacrifices dans le temple, il est dit clairement dans 1 Pierre 2:5,9 que Dieu a choisi les chrétiens "afin d’offrir des victimes spirituelles, agréables à Dieu par Jésus-Christ." 1 Pierre 2:5-9 parle de deux aspects du sacerdoce du croyant. Le premier est que les croyants sont privilégiés. C'est un privilège que d'être choisi par Dieu pour être sacrificateur. Tous les croyants ont été choisis par Dieu : "vous êtes une race élue … un peuple acquis" (vers 9). Dans le tabernacle et le temple de l'ancien Testament, il y avait des endroits accessibles uniquement aux prêtres.

 

Seul le Souverain Sacrificateur pouvait entrer dans le lieu très saint, derrière le voile épais, seulement une fois par an le Jour de l'Expiation où il offrait un sacrifice pour les péchés de tout le peuple. Mais, comme mentionné ci-dessus, à cause de la mort de Jésus sur la croix du Calvaire, tous les croyants ont maintenant directement accès au trône de Dieu par Jésus-Christ notre grand Souverain Sacrificateur (Hébreux 4:14-16). Quel privilège que d'avoir un accès direct au trône de Dieu, sans passer par un prêtre terrestre. Lorsque Christ reviendra et que la Nouvelle Jérusalem descendra sur la terre (Apocalypse 21), les croyants verront Dieu face à face et le serviront en ce lieu (Apocalypse 22:3-4). Encore une fois, quel privilège spécial avons-nous qui n'étions autrefois "pas un peuple"… étions "sans espoir"… destinés à la destruction à cause de nos péchés.

 

Le deuxième aspect du sacerdoce du croyant est que nous avons été choisis pour un but : offrir des sacrifices spirituels (voir Hébreux 13:15-16), et proclamer les louanges de Celui qui nous a appelés de l'obscurité à son admirable lumière. Ainsi, aussi bien par notre vie (1 Pierre 2:5 ; Tite 2:11-14 ; Ephésiens 2:10) que par la parole (1 Pierre 2:9 ; 3:15), notre but est de servir Dieu. Le corps du croyant étant le temple du Saint-Esprit (1 Corinthiens 6:19-20), Dieu nous a appelés à le servir de tout notre cœur, premièrement en offrant nos vie comme des sacrifices vivants (Romains 12:1-2). Un jour, nous servirons Dieu dans l'éternité (Apocalypse 22:3-4), mais pas dans n'importe quel temple, car "le Seigneur Dieu tout-puissant est Son temple, ainsi que l’Agneau" (Apocalypse 21:22). Tout comme le sacerdoce de l'Ancien Testament devait être exempt de toute souillure, comme symbolisé par sa propreté cérémonielle, Christ aussi nous a donné une position sainte devant le Père. Il nous appelle à vivre une vie sainte afin de pouvoir être aussi "un saint sacerdoce" (1 Pierre 2:5).

 

En résumé, les croyants sont appelés "rois et sacrificateurs" et un "sacerdoce royal" comme un reflet de leur statut privilégié d'héritiers du royaume du Dieu Tout-puissant et de l'Agneau. En raison de cette proximité privilégiée avec Dieu, aucun autre médiateur terrestre n'est nécessaire. En second lieu, les croyants sont appelés sacrificateurs car le salut n'est pas une simple "assurance-incendie", être simplement sauvé de l'enfer. Au contraire, les croyants sont appelés par Dieu à Le servir en Lui offrant des sacrifices spirituels, c'est-à-dire en étant un peuple zélé pour les bonnes œuvres. En tant que sacrificateurs du Dieu vivant, nous devons tous donner gloire à Celui qui nous a fait le don immense du sacrifice de Son Fils pour nous et, en retour, partager cette grâce merveilleuse avec d'autres personnes.

 

On y parle de verveine, de Druide, de maçonnerie, de prêtres, de trappistes, de Melchitsedek, de l’arbre inversé, de Martinez de Pasqually, du Védanta, du Tarot et de l’Alliance mondiale des religions, la tentation de Saint Dragon. Archives : le chevalier du dragon. Sciences : cristallographie, conte anachronique de G. Caramaro, Jean Tourniac : prières juives.

 

LE SACRÉ AUJOURD’HUI,   précédé de : Hommage à Michel  CAMUS

BASARAB    NICOLESCU

Edition DU   ROCHER

 2003

Le sacré a aujourd’hui le visage de l’universel. Cet ouvrage se veut être une contribution au débat qui s’instaure actuellement en France et dans le monde, sur le rôle du sacré dans la société moderne, mondialisée et dominée par la techno-science.


Il regroupe les réflexions de 26 chercheurs et personnalités venus de différents horizons et de différents pays, parmi lesquels François Cheng (de l’académie française), Basarab Nicolescu (de l’académie roumaine), J.B de Foucauld (ancien commissaire au plan), Thierry Magnin (vicaire général de St Etienne), Lama Denis, Olivier Germain-Thomas, et Michel Random.


Tous ces travaux sont précédés par un hommage à Michel Camus, le grand poète récemment disparu dont l’œuvre était si intimement liée au sacré. On retrouvera parmi les signataires des témoignages de C. Louis-Combet, Marcel Moreau, Gabriel Matzneff, Pierre Bettencourt, Roger Munier et Pierre Ouellet.


Sujets développés avec la notion du sacré :
Michel Camus : un passeur infatigable, les silences et le sacré, le grand jeu de la transdisciplinarité, le voyageur du sans nom, le silence et après ?, la larme de la séparation, psaume féminin, pour une écologie spirituelle,  y a-t’il des valeurs universelles ?, dialectique du sacré et du sens,  une réflexion chrétienne sur le sacré et le profane, une vie sacralisée, caractères sacrés, aujourd’hui quel sacré ?, le sacré centre organisateur, l’éducateur et le sacré, le sacré et la thérapie, le sacré : effet placebo ?, l’étreinte sacrée dans l’évangile de Philippe, l’abîme du sacré, Shintô : le mystère sacré des Kami, la voie du masque sacré ou mystique expérimentale……

 

le sacrifice fondateur de civilisation & d’individualisation

Pierre soliÉ

Edition ALBIN MICHEL

 1988

C’est sur le double thème de l’inceste et du sacrifice qu’eut lieu en son temps la grande rupture entre Freud et Jung. C’est dire tout aussi bien qu’elle en était l’importance, et combien il s’agissait là de notions tout à fait centrales pour le psychologue de Zurich.

Pierre Solié, aujourd’hui, reprend cette notion de sacrifice, sa nature, ses modalités, sa fonction psychique et religieuse, en tentant de la mener jusqu’au bout à travers une vaste enquête qui va de la Grèce à l’Inde, et d’Israël au Mexique – et qui intègre aussi bien l’histoire, que l’ethnologie et les sciences religieuses pour lui faire rendre tout son sens.

 

Alors s’aperçoit-on que l’exercice du sacrifice (renoncement à soi-même dans ce qu’on a d’illusoire, mais aussi fabrication de sacré, selon l’étymologie de ce mot) est nécessaire au déploiement de toute vie dès qu’elle dépasse l’affirmation de l’individu au profit de l’émergence de la personne – de même que seul le sacrifice, socialement réglé et fondé, permet de quitter l’état de sauvagerie naturelle, pour accéder à la civilisation.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

Joël, un auto-sacrifice aujourd’hui  -   Sacrifices où la victime est entièrement dévorée    -  l’orgiasme   -  l’orgasme   -  la possession   -    l’inceste et l’Un   -    l’amour passion   -   la folie (Lyssa) d’Héraklès possédé par Lyssa   -    la folie d’Agavé possédée par Dionysos   -   le cannibalisme   -    exo-cannibalisme et exogamie chez les Thonga   -   les rituels sacrificiels d’animaux   -   possession par l’esprit Zar en Egypte  -    possession par l’esprit Bori au Maroc   -   Sacrifices hébreux et grecs   -   la Pâque hébraïque :

Pasah  -   les Bouphonies athéniennes   -  la fête de Magnésie   -  Les sacrifices appelés holocaustes  -   l’holocauste grec chez Homère   -   Hécatombes et potlatch aujourd’hui   -    Libido Eros et Thanatos   -   l’amour oral  -   Aux sources de la cuisine sacrificielle grecque et  hébraïque     -    retour à Dionysos    -   le Zagreus crétois et le Zeus indo-européen   -   le retour du cannibalisme sauvage   -  sacrifices où la victime est en partie mangé et en totalité   -   la Thysia grecque et le Zevach hébreu archaïque   -  le sacrifice fondateur en Grèce d’après Hésiode   -   l’individuation de la deuxième partie de la vie   -   le sacrifice aztèque ou la régression esclavagiste et cannibalique   -     sacrifices en Inde   -    les jeux pré-sacrificiels   -    la mise à mort  -     rites de sortie, le partage du corps et les agapes cannibales   -   histoire du sacrifice ancien en Inde  -   Intériorisation du sacrifice l’exo et l’endo-sacrifice   -  les Upanishad     -  la Bhakti   -   Retour aux sources sacrificielles judéo-chrétiennes   -   la baalisme et le jahwisme   -   le mythe d’Anat-Baal   -   Elohisme, et judaïsme, la lettre contre l’image   -   Refoulement et forclusion   -   les dossiers du forclos chez les grecs et les hébreux   -   Quand la masculin règne au ciel et le féminin règne sur la terre   -   Temple et synagogues  -   Sacrifice et écriture   -  les sectes porteuses du forclos de la Loi   -    les écrits apocryphes   -  

 

LES  CAHIERS DE L’AILLEURS  -  Etudes et Histoires  -

Dominique Dubois

Edition  JOUVE

 2012

Après avoir fondé et dirigé de 2008 à 2011 la revue ésotérique Historia occultae, Dominique Dubois dont le dévouement à la cause ne faillit pas, lance aujourd’hui (Sept.2012) les cahiers de l’ailleurs.

 

Matériellement impeccable, d’une remarquable qualité d’impression et d’un format agréable, ce premier numéro  inaugure à l’évidence une revue dont la ligne éditoriale séduit. Ces cahiers sont conçus dans un esprit libre et indépendant et s’adressent aux scrutateurs d’un ailleurs, terme au premier abord vague mais qui prend tout son sens lorsque les différents auteurs écrivant dans ce cahier évoquent par le biais d’une recherche historique ou d’une réflexion métaphysique, un absolu, une spiritualité, un hermétisme, une gnose, une magie ou un occultisme, une poésie du verbe ou une œuvre illustrée.

 

L’objectif culturel et œcuménique qui sous-tend ces cahiers se propose pour un temps ou une durée qui ne lui appartient pas, d’être l’écho vivant d’une minorité de cherchants.

 

Dans cet esprit D. Dubois a su rassembler pour ce premier numéro des collaborateurs de tous horizons, y compris géographiques, qui témoignent d’une belle ouverture sur le monde et sur l’ailleurs. Clément Rosereau diserte magistralement sur l’ailleurs qui est notre lieu perdu ; Catherine de Laveleye nous invite à la découverte de la négritude, chantée par Aimé Césaire et Léopold Sedar Senghor. D. Dubois nous offre une découverte : les notes d’un élève du cours du Dr Fernand Rozier –Ecole des sciences hermétiques- d’après le manuscrit du professeur aujourd’hui conservé à la B.M. de Lyon. Remi Boyer nous parle de Lima de Freitas, peintre hermétiste et Franc maçon. D’autre écrivains  nous régalent de leur papier sur la métaphysique, l’histoire mystique et sur ces réflexions magiques qui éveillent en nous des interrogations et de la curiosité.

 

Ce numéro 1 comporte les articles et auteurs suivants :

 

Ailleurs  par Clément Rosereau

Sagesse d’ailleurs et négrité par Catherine de Laveleye

Cours du Dr Fernand Rozier – Ecole des sciences hermétiques – prise de notes d’un élève de 1900 par Dominique Dubois

Lima de Freitas, Peintre, Hermétiste et Franc maçon par Rémi Boyer

Quelques éléments d’anthropologie Paulinienne par Oreste Teodorescu

Louis Claude de Saint Martin vu par les degrés monomères par Deneb Adige

La Bhâgavad Gîta et le Mahabharata par Homa Sayar

Du spiritisme à l’occultisme. La revue de l’antimatérialisme dans les années 1880 par Denis Andro

Le gothique alchimique (1e partie) par Walter Grosse

Les hommes de désir –Entretiens sur le martinisme – par Serge Caillet et Xavier Cuvelier-Roy 

 

 

Le N° 2 de ces cahiers de l’ailleurs, qui est paru en Mars 2013, s’inscrit dans la même verve ésotérique que le premier.

Il nous invite à voyager sur un tapis volant mélangeant l’histoire, la métaphysique et la poésie.

Au sommaire de ce N°2 nous pouvons lire les articles suivants :

 

Le vide s’observe par Shahla Moazzezzi

Le symbole de la Rose+Croix, au sein de l’OKRC, d’après un manuscrit de Stanislas de Guaita par Steve Fayadas

La langue des oiseaux, Georges Perec, de l’alchimie du verbe à la permutation des mots, par Richard Khaitzine

Le voyage initiatique chez François Rabelais par Remi Boyer

L’Eglise gnostique- Histoire et révélations par Pascal Cazottes

Le Renouveau gnostique- vers un World Gnostic Council, en 2015 ? par Tau Sendivogius (Mgr Paul Sanda)

Libres études (1909-1910) La revue d’Edmond Bailly par Denis Andro

Le gothique alchimique (2e partie) par Walter Grosse

Chapitre de la poésie par Xavier Cuvelier-Roy et Marc de Moulins

La page des livres anciens, des dédicaces et des ex-libris

Les revues et les collections

La rubrique des événements

Les livres qui interpellent

In memoriam

 

 

Le N° 3 des cahiers de l’ailleurs, est sorti en Septembre 2013, il comporte les articles suivants :

 

Un homme de son temps et de tous les temps, Rumî, le grand mystique du XIIIe siècle   par  Homa Sayar

Aspects mythologiques – la petite Fadette,  par  Marion Dubois

La loge Corto Maltese – Une performance initiatique  par  Luis Cella

L’unité divine selon Maître Eckhart   par  Marc de Moulins

Eugene Canseliet et le mystère alchimique de Fulcanelli  par  Jean Artero

L’encyclopédie alchimique d’Albert Poisson par Nicodème

La danse des ex-libris –Jean Laplace et le tampon dit de Canseliet  par Steve Fayadas

Han Ryner et l’hexagramme  par  Denis Andro

Le miroir d’Enée  par  Catherine de Laveleye

Chapitre de la poésie   par  Rémy Boyer et Eric Petit-Jean-Boret

Portrait du passé

Les revues, ex-libris et collections

La rubrique des événements

 

 

Le N° 4 des cahiers de l’ailleurs, est sorti en Février 2014, il comporte les articles suivants :

 

L’Alchimie…pour en finir avec les idées reçues. par : Richard Khaitzine

Il y a 40 ans disparaissait l’alchimiste Armand Barbault  par : Xavier Cuvelier-Roy

Le judaïsme et la Kabbale  par : Simon Goulnik

Dossier Stanislas de Guaïta/D. A. Courmes  avec des lettres inédites  par : Dominique Dubois et Steve Fayadas

Quelques liens entre le fouriérisme et le spiritualisme  par : Denis Andro

Notes  sur l’œuvre de Grillot de Givry  par :  Uways B.

Quelques considérations sur le Régime Ecossais Rectifié  par : Rémi Boyer

Les revues, les livres et les mouvements spiritualistes actuels

 

Le N° 5 des cahiers de l’ailleurs est sorti en Septembre 2014, il comporte les articles suivants :

 

Maïeur commentateur de Lulle. par : Hans van Kasteel       

Pseudognosis ad nauseam  par  Adon Qatan

Les non-dits de Nag Hammadi par Adon Qatan

Il y a 40 ans disparaissait l’alchimiste Armand Barbault  par Xavier Cuvelier-Roy

L’Alchimiste d’aujourd’hui   par François Trojani

La « Fûtuwa » ou compagnonnage arabo-musulman par Gérard Galtier

Bibliothèque « Guaita »  par  Nicodème

La page des livres anciens, des dédicaces et des ex-libris

Les revues, les collections et les livres ésotériques

La rubrique des événements  -

 

 

le chemin du labyrinthe

Alain DANIÉLOU

Edition Du Rocher

 1993

Souvenirs d’Orient et d’Occident de la part de ce grand philosophe partagé, pour ne pas dire déchiré, entre un père ministre et anticlérical et son frère cardinal de l’église catholique. Il est l’ami de  Cocteau, Max Jacob, Nijinski, rejoint Henri de Monfreid puis Pékin et enfin l’Inde où il y reste 20 ans, il entretient une correspondance avec René Guénon et se converti à l’hindouisme où il étudie la philosophie et la musique sacrée.  Puis il revient en Europe, en passant il s’intéresse aux étrusques et à Mithra. À Paris, il donne des cours et des conférences sur le vrai visage de l’Inde.

 

On peut considérer que, bien qu’il se rattachât par sa famille et son éducation au catholicisme, Alain Daniélou fut un traditionaliste polythéiste. Cependant, il n’était nullement un néo-païen au sens recréationniste et identitaro-ethnique où ce courant, éminemment anti-traditionnel s’est développé en Occident. Absolument convaincu de l’importance de la culture et de la religion véhiculées par l’hindouisme Alain Daniélou avait opéré une véritable conversion et, dès la fin des années 1930, il se considéra comme un Hindou et cela jusqu’à son décès puisque dans la dernière interview qu’il donna avant sa mort, il rappela : « l’Inde est ma vraie patrie ».

 

 Dans son livre de mémoires, Le Chemin du Labyrinthe, il précise : « La seule valeur que je ne remets jamais en question est celle des enseignements que j’ai reçus de l’hindouisme shivaïte qui refuse tout dogmatisme car je n’ai trouvé aucune forme de pensée qui soit allée aussi loin, aussi clairement, avec une telle profondeur et une telle intelligence, dans la compréhension du divin et des structures de monde. » Dans deux autres ouvrages Shiva et Dionysos et La Fantaisie des Dieux et l’Aventure Humaine il envisage les problèmes d’un Occident égaré ayant perdu sa propre tradition et éloigné l’homme de la nature et du divin, et il insista sur le fait que l’hindouisme était la solution car la seule voie possible de retour à notre plus lointain passé.

À ses yeux, les rites et les croyances du monde occidental ancien étaient très proches du shivaïsme et très aisément expliqués à l’aide des textes et des rites préservés en Inde. Dans un entretien accordé au journal Paris Match en 1985, il précisa ainsi sa pensée : « L’Inde et l’Occident ne sont pas des mondes séparés. L’Inde est seulement un endroit privilégié qui a conservé une certaine forme de savoir que nous avons presque totalement perdue. Il est normal, si nous voulons récupérer notre savoir, que nous puissions être aidés par celui de l’Inde. » Très hostile au libéralisme et au marxisme, soucieux du respect des races et des cultures, il militait pour une société de castes harmonieuse et cohérente et refusait la démocratie égalitaire nivelatrice, optait pour la liberté, les différences et le pluralisme, toutes choses allant à contre-courant des modes et idéologies actuelles.

Dans le même entretien de 1985, il explique ainsi sa position : « L’Inde est peut-être la seule société multiraciale qui a su trouver son équilibre. Il y a toujours eu en Inde des populations très diverses, des tribus primitives apparentées aux indigènes d’Australie, des Dravidiens dont la civilisation est apparentées à celle des Sumériens, des Aryens, des Scythes, des Parthes, des Chinois, des Mongols. Afin de faire coexister tous ces gens, il faut, selon les principes indiens, deux choses essentielles : d’abord éviter les mélanges, car une communauté ne peut survivre avec sa culture, sa langue et sa religion que si elle reste autonome. D’autre part, il faut trouver des fonctions pour les gens selon leurs aptitudes. Il faut leur trouver un métier. Cela donne une société extraordinaire, très accueillante, où l’on voit des communautés vivre côte à côte dans la même ville et qui n’ont pas le même statut légal, le même système d’héritage, qui ne croient pas aux mêmes dieux, qui n’ont pas les mêmes coutumes et qui, souvent, ne parlent pas la même langue. Et au fond, tout cela marche très bien. »

Cela étant posé, nombre d’Occidentaux se sont rattachés à l’hindouisme et ils l’ont quasiment toujours fait de la manière la plus anti-traditionnelle qui soit. Cela pour une raison simple : leur orgueil et leur imprégnation totale par les idées de l’Occident, leur fait refuser le système des castes. Or, nous dit Daniélou, « dans le monde hindou, tout le monde a sa place à condition de ne pas prétendre être autre chose que ce que l’on est par le hasard de la naissance ». D’où son rattachement humble à l’hindouisme par la caste des artisans, celle des musiciens, lui qui était issu de la grande bourgeoisie française. Il l’a relaté de cette manière : « On peut assez facilement pénétrer dans l’hindouisme par les castes artisanales. Il faut, je crois, toujours entrer par la voie des humbles. (…) J’étais un shoudra, un artisan. Étant né hors de l’Inde et ayant pratiqué les rites et les purifications qui permettent d’étudier auprès des brahmanes, ce que tout le monde peut faire, y compris les occidentaux, je suis devenu un shoudra pur. Parfois même, on dit un shoudra-brahmane, c’est-à-dire un shoudra qui pratique les rites des brahmanes. »

Cela explique les critiques très vives d’Alain Daniélou sur les Occidentaux allant en Inde à la recherche de gourous et prétendument convertis à l’hindouisme : « Tout ceux que j’ai connus en Inde, qui y vivaient, ne se sont jamais vraiment intégrés. Ils se déguisaient en Indiens, ils créaient des ashrams, mais ils ne s’intégraient pas dans la société. Il leur manquait l’humilité. Ils ne voulaient pas renoncer à leur façon de penser » Et Daniélou percevait clairement le danger pour la Tradition constitué par l’industrie touristique des ashrams et des gourous pour riches étrangers, en dénonçant : « le faux hindouisme des Indiens anglicisés qui prétendent adapter les doctrines traditionnelles (…) les soi-disant ashrams qui exploitent la crédulité des gens, le théosophisme, Aurobindo, les adeptes de Ramakhrisna, Ramana Maharishi, et bien d’autres. »

Un très grand philosophe et humaniste !

 

les dix commandements intÉrieurs

Yvan amar

Edition  ALBIN MICHEL

 2004

Comment décrypter le sens profond des Dix Commandements et donner une valeur actuelle à leur message ? Yvan Amar, penseur humaniste, renouvelle ici le pacte d’origine passé par Moïse dans le désert du Sinaï. « Il m’a fallu un peu plus de vingt ans pour réaliser l’importance de la morale sur le chemin spirituel, la valeur irremplaçable de ces vertus que l’on écarte volontiers d’un revers de main… Ce n’est pas par hasard que tous les grands enseignements mettent ces valeurs morales en avant. Elles sont la seule base solide sur laquelle peut se construire la vraie transformation de l’homme. Elles sont tout aussi indispensables que les pratiques d’évolution et d’ouverture de notre esprit ». Car pour Yvan Amar, Dieu réside dans la relation entre les êtres : « Dieu n’est pas dans le ciel, il est dans le regard de ceux qui aiment.»

 

Comment décrypter le sens profond des Dix Commandements et donner une valeur actuelle à leur message ? Yvan Amar, penseur humaniste, renouvelle ici le pacte d'origine passé par Moïse dans le désert du Sinaï. « Il m'a fallu un peu plus de vingt ans pour réaliser l'importance de la morale sur le chemin spirituel, la valeur irremplaçable de ces vertus que l'on écarte volontiers d'un revers de main... Ce n'est pas par hasard que tous les grands enseignements mettent ces valeurs morales en avant. Elles sont la seule base solide sur laquelle peut se construire la vraie transformation de l'homme. Elles sont tout aussi indispensables que les pratiques d'évolution et d'ouverture de notre esprit. »

 

On prête le flanc à toutes les accusations, parce que nous-mêmes ne nous comportons pas de la façon digne et impeccable dont ce principe doit témoigner dans le monde. Cela est important et doit être dit, surtout dans le cadre d’un journal d’annonces où tant est proposé. Et il est important qu’il y ait là, plus que n’importe où, une immense rigueur.

 

Nous sommes sur un chemin de transformation, tout notre itinéraire, c’est la transmutation du plomb en or. Il y a une chose que la pierre philosophale nous fait découvrir, dès qu’on entre en contact avec elle : c’est que le plomb, c’est de l’or. Devenir de l’or ; le plomb révèle l’or qu’il est déjà. L’or, c’est le plomb qui a grandi. Ce n’est pas du plomb qui a changé de nature. C’est du plomb qui a déployé sa nature d’origine. Le plomb est un moment du grandir de l’or. Le plomb c’est de l’or “premier âge », et en fait, quand on rencontre la pierre philosophale, elle nous fait reconnaître que l’on est de l’or, même si, apparemment, on en témoigne qu’au niveau du plomb. C’est là que commence ce que j’évoquais précédemment : la nature même du chemin est liberté.

 

Quand on reconnaît, grâce à la pierre philosophale, qu’on est déjà de l’or, cette reconnaissance-là apporte une très grande liberté. Mais y sont associées aussitôt deux choses : la première, une responsabilité. Suis-je prêt à assumer cette vision : je suis de l’or qui doit grandir ? Vais-je faire ce qu’il faut pour faire grandir cet or-là, et non pas simplement dire : « le plomb c’est déjà de l’or », et vivre au niveau du plomb que je suis.
Et la seconde, c’est que la pierre philosophale est en même temps élixir de vie. De même le sage, par la vision de sagesse, nous dit ce que l’on est, et par la vision de compassion s’adresse à notre souffrance ; il ne fait pas que parler de réalité ultime, il vient souffrir avec nous.

 

La pierre philosophale, la “poudre de projection” est jetée dans le feu, dans le creuset, en même temps que le plomb. Le maître de compassion vient avec nous dans la souffrance. Il vient souffrir avec nous pour pouvoir nous réconcilier avec l’état du grandir que l’on est ; la souffrance dans laquelle on se trouve, parce que cette souffrance-là, seule, est notre porte d’accès à la réalité. Notre plomb est notre seule porte d’accès à l’or.

 

Cela est le deuxième aspect de renseignement : c’est d’être réconcilié avec sa propre souffrance, d’être réconcilié avec son propre mensonge, parce que le chemin de la vérité passe par notre mensonge conscient. C’est donc de travailler sur ce que l’on est, mais avec le principe de cohérence et la rigueur issus du témoignage ultime.

 

les enseignements secrets de martinès de pasqually

F. von baader

Edition Télètes

 2004

Au moment même où PAPUS créait l’Ordre Martiniste et publiait ses ouvrages sur Martinés de Pasqually… (1895) et Louis-Claude de SAINT-MARTIN… (1902) (réédités dans la même collection), un autre courant souché sur la loge Arc-en-ciel du rite de Misraïm offrait au public deux textes fondamentaux pour l’étude et la compréhension du Martinisme : Le traité de la Réintégration des Êtres… (1899) et Les Enseignements Secrets de Martinés de Pasqually… (1900). Comme le rapporte P. Vulliaud « le groupe de Misraïm se prétendait d’un Martinisme plus orthodoxe que celui de Papus », plus opératif et donc plus proche de Martinés de Pasqually que de la voie mystique de Louis-Claude de Saint-Martin prônée et réinventée par Papus.

Cet ouvrage introuvable et très recherché, comporte deux parties. D’une part, Les Enseignements Secrets de Martinés de Pasqually de Franz Von Baader (1765 – 1841). Ce texte du plus grand philosophe romantique allemand est un remarquable résumé de la doctrine de Martinés de Pasqually et de ses Chevaliers Maçons Élus-Coëns de l’Univers, qui en plein siècle des Lumières, sacrifiant à la Raison, allaient apporter un renouveau spirituel à travers une pratique et une ascèse théurgiques. Enseignement exemplaire à plus d’un titre dont les traces sont encore vivantes tant dans le Martinisme que dans la Franc-maçonnerie Rectifiée.


D’autre part, René Philipon consacre la plus grande partie de l’ouvrage à une Nouvelle notice historique sur le Martinézisme et le Martinisme, sous le couvert du pseudonyme de Chevalier de la Rose Croissante, en réponse à ses détracteurs et à Papus à propos de la courte notice parue dans le Traité de la Réintégration.

 

Il trace un historique de la Franc-maçonnerie, de la Stricte Observance Templière et surtout de l’Ordre des Élus–Coëns en s’appuyant sur des documents originaux inédits qui seront, écrit-il « la meilleure réponse à des critiques aussi inconsidérées qu’inutiles ».

 

LES GRANDS INITIÉS

Edouard Schuré 

Edition Académie Perrin

 1983

A force de matérialisme, de positivisme et de scepticisme, notre civilisation en est arrivée à une fausse idée de la Vérité et du Progrès, elle n’a fait qu’exacerber et agrandir le fossé entre la Science et la Religion, entre les croyants et les sceptiques.

Rama, Krishna, Hermès, Moïse, Orphée, Platon, Pythagore et Jésus, chacun représente l’une des grandes religions qui ont contribué à la constitution de l’humanité.

Ils n’ont laissé aucun écrit, mais des disciples, des rites d’initiation, une légende. Edouard Schuré, dans ce livre devenu mythique, esquisse l’histoire secrète des religions.

De l’initiation brahmanique aux mystères de l’Egypte, de la mission d’Israël à celle du Christ, du mythe d’Orphée aux mystères d’Eleusis, c’est à un voyage dans la tradition ésotérique la plus reculée qu’Edouard Schuré nous convie, là où science et religion se réconcilient à jamais.

Au sommaire :

Avant-propos : Etat présent de l’esprit humain - Conflit de la religion et de la science - La théosophie antique et la science moderne - Antiquité et la continuité, unité de la doctrine des Mystères - Nécessité de réconciliation de la Science et de la religion sur le terrain ésotérique -

Rama : Le cycle aryen - Les races humaines - la mission de Rama - L’exode et la conquête - La religion védique et le testament du grand Ancêtre -

Krishna - L’Inde et l’initiation brahmanique - Les fils du soleil et les fils de la lune - Le roi de Madoura - La vierge de Dévaki - La doctrine des initiés - Le triomphe et la mort -

Hermès : Les Mystères d l’Egypte - Le Sphinx - Hermès - Isis et Osiris - La mort et la résurrection - La vision d’Hermès - Les épreuves et les initiations -

Moïse : La tradition monothéiste et les Patriarches du désert - Initiation de Moise - Sa fuite chez Jethro - Le Sepher Béréshit - Le Sinaï - L’Exode et le désert - Magie et théurgie - La mort de Moïse -

Orphée : La Grèce préhistorique - les Bacchantes et apparition d’Orphée - Le temple de Jupiter - Fête Dionysiaque dans la vallée de Tempé - La mort d’Orphée -

Pythagore : La Grèce au Vie siècle - Samos, Memphis, Babylone - Le temple de Delphes - La science apollinienne - La divination - La Pythonisse Théocléa - L’institut pythagoricien - Purification (Catharsis) - Théogonie des nombres sacrés - La préparation (Paraskéié) - Perfection (Téléiothes) - La science de l’âme - L’histoire terrestre et céleste de Psyché - Epiphania - Mariage de Pythagore - Révolution de Crotone - La fin du Maître - La dispersion de l’école -

Platon : Les Mystères d’Eleusis - La jeunesse de Platon et la mort de Socrate - L’initiation de Platon et la philosophie platonicienne -

Jésus : La mission du Christ - Etat du monde à la naissance de Jésus - Marie - Les Esséniens - Jean Baptiste - la Tentation - La carrière publique et l’enseignement intime - les guérisons - Les apôtres et les femmes - Lutte avec les pharisiens - la fuite à Césarée - la Transfiguration - Dernier voyage à Jérusalem - La Cène - Le procès, la mort et la Résurrection - L’accomplissement de la promesse - Le Temple -

 

LES GRANDS INITIÉS DU XXème Siècle.

JEAN BIÈS Collection

Edition  Philippe LEBAUD       

 1998

Il y a eu les fondateurs : Krishna, Moïse, Bouddha, Zoroastre, Jésus, Mohammed… Et dans les siècles qui ont suivi, d’autres hommes ont pris le relais. Des chercheurs de vérité, des porteurs d’Esprit, capables d’indiquer une voie pour nourrir notre part la plus secrète, celle qui nous relie à l’invisible. Dans notre siècle matérialiste, ils sont plus présents que jamais. Mystiques ou prophètes, philosophes ou clairvoyants, sages ou éveilleurs d’âmes, ils appartiennent à des religions différentes, à des civilisations différentes.

 

 Ils nous invitent à autre chose et parlent toujours de nous-mêmes. Avec eux, faisons de la spiritualité la grande aventure de l’homme. Vivons celle-ci dans le judaïsme avec martin Buber, dans le catholicisme avec Teilhard de Chardin, dans le christianisme orthodoxe avec Berdiaev, dans le soufisme avec Idries Shah. Allons plus loin dans l’hindouisme avec Krishnamurti, dans le bouddhisme avec le Dalaï-Lama.

 

Explorons d’autres voies : celles d’Arnaud Desjardin, de René Guénon, de Rudolf Steiner, de Gurdjieff, de Jung… Hampaté Bâ nous initiera à l’animisme africain, Héhaka Sapa au chamanisme nord-américain. Issus de notre siècle, trente initiés - dont Jean Biès analyse la vie et le message - répondent à notre quête. Pour mieux vivre le siècle prochain. Jean Biès est l’auteur de récits de voyages, de recueils poétiques, d’essais philosophiques traitant des sagesses traditionnelles. Il a consacré à la littérature française et la pensée hindoue sa thèse de doctorat d’Etat.

 

 R. GUENON, GURDJIEFF, le DALAI-LAMA, BERDIAEV, Arnaud DESJARDIN, JUNG, KRISHNAMURTI, Henri le SAULX, NIGASARDATTA, Teilhard de CHARDIN, Simone WEIL etc

 

LES MḖDECINS DE L’ÂME – ZOROASTRE, MOÏSE, LAO-TSEU,  BOUDDHA, JḖSUS, MAHOMET

Christophe Queruau Lamerie

Edition Dervy

 2016

Zoroastre, Moïse, Lao-Tseu, Bouddha, Jésus, Mahomet... Depuis plus de 4000 ans, la plupart des croyances se réfèrent à ces maîtres, considérés, pour certains, comme des figures mythiques. N'est-il pas curieux que ces quelques personnalités historiques aient pu susciter une telle multitude de mouvements spirituels et religieux qui prétendent tous détenir la vérité ?

 

Or, si leurs enseignements étaient issus d'un principe unique, ne devrait-il pas n'y en avoir qu'un seul ; leurs préceptes ne contiennent-ils pas un but unique et commun à l'humanité ? Afin de résoudre cette contradiction, une alternative s'offre à nous.

 

Pourquoi ne pas envisager que ces dispensateurs de vérité aient porté le même message, décliné différemment selon le contexte socioculturel et la maturité spirituelle des peuples auxquels ils s'adressaient ? Ainsi, si les hommes n'avaient pas mal interprété, déformé ou falsifié leurs préceptes, il n'y aurait aujourd'hui qu'une seule expression homogène de la Volonté divine.

 

C'est l'hypothèse que nous propose Christophe Queruau Lamerie dans cette étude rigoureuse, fruit d'une vingtaine d'années de recherches. Afin d'envisager cette réjouissante perspective, il confronte les points de vue d'universitaires avec les grandes traditions religieuses, mais aussi avec des récits méconnus de la vie de ces maîtres.

 

Ces sources nous restituent l'éclat, trop souvent occulté, de la pureté de leurs enseignements qui, loin de susciter la dissension, convergent au contraire vers une vérité et une ambition universelles ; que ce soit en promouvant les vertus de l'amour exigeant, l'aspiration à la beauté et au respect de la nature, ou encore un hymne à la féminité, inspiratrice de l'homme.

A l'heure où les tensions interreligieuses s'exacerbent, où l'intolérance et l'hostilité se développent envers quiconque ne partage pas la même foi, le lecteur sera réconforté en découvrant les raisons d'un nouvel optimisme

Lao Tseu médecin de l’âme : Dans sa pensée, n'oublions pas que le sage reste en retrait, comme debout dans la pénombre. En suivant cette logique, on serait en droit d'estimer que, il aurait pu changer de nom à plusieurs reprises, dans l'objectif délibéré de jeter une confusion permanente sur son existence. Selon l'endroit où il se trouvait, il pouvait y être connu sous un ou plusieurs noms différents. Ce qui, actuellement, évidemment, met un voile d'obscurité sur l'historicité du personnage, les sources citant diverses appellations pour, certainement sans le savoir, la même personne. L'usage de plusieurs noms pour une même personne, en Chine, étant à l'époque une pratique généralisée et même respectant les traditions. Il y a le nom à l'apparition, le prénom social, le «Hao», l'interdiction d'appeler un aîné par son prénom à l'apparition. L'introduction de particule devant le nom, par exemple, si quelqu'un semble être plus âgé que quarante ans, on doit placer «Lao» soit devant le nom de famille, soit devant le prénom social ou encore le «Hao». En admettant que le prénom social de Lao Tseu soit Dan, et qu'il semblait à l'époque avoir plus de quarante ans, on devrait par conséquent dire «Lao Dan», et il pourrait s'agir du même personnage dont le nom personnel, qui à cause de son âge devenu tabou, soit effectivement Li Er, et les noms «Laolaizi» et «Lao Zi» (possiblement un diminutif de Laolaizi) aurait pu être le nom que lui affublaient ses disciples directs. Comme prononcer le nom personnel d'un aîné était tabou, on peut convenir ignorer comment le nom Li Er est venu aux «oreilles» de Sima Qian.

 

En effet, soit réel ou fictif, le personnage Lao Tseu a réellement existé, même s'il n'a pas existé réellement sous nom ou sous un nom d'emprunt comme c'était d'usage à l'époque. Puisque c'est certainement un nom en lien avec un personnage de légende, ayant eu cours au temps de Printemps et Automnes que le personnage ayant inspiré le pseudonyme a existé ou non, n'a que peu d'importance. En effet, si le personnage n'a pas existé, mais que l'œuvre qui lui est attribuée existe bien, alors on se retrouve en plein paradoxe. Premièrement, il est envisageable qu'il ait écrit l'œuvre lui-même (Lao Tseu).

 

Deuxièmement, il est envisageable que le Daodejing ait été écrit à titre posthume par un disciple direct. Troisièmement, l'auteur voulant valoriser son œuvre décide de prendre un pseudonyme en lien avec un personnage dont la sagesse faisait autorité. Dans cette troisième alternative, on est renvoyé à la notion même de paradoxe. Puisque, l'auteur (anonyme) a pris le pseudonyme du sage reclus, et ce même s'il n'a pas vécu, ayant pris son nom, il devient par conséquent faux de dire qu'il n'a pas vécu. Quatrièmement, il est envisageable qu'il ait écrit l'œuvre lui-même et que, dans une époque où les auteurs ne signaient pas leurs œuvres de leurs propres noms, il l'ait fait dans l'objectif de jeter un doute dans l'esprit des générations futures. Cette quatrième hypothèse, nous ramène toujours à la notion de paradoxe. Dans la mesure où, il signe son propre nom, dans l'objectif qu'on anticipe qu'il n'est pas l'auteur, quoiqu'il soit l'auteur. Enfin, dans le Daodejing, le concept de paradoxe revient souvent, alors on ne doit pas se surprendre de nager en plein paradoxe.

 

LES  HÉROS DE LA SAGESSE

ROGER-POL   DROIT

EDITION  PLON

 2009

Disparus depuis longtemps, les sages nous fascinent toujours. Nous rêvons de leur sérénité, car nous sommes inquiets, de leur silence, car nous sommes saturés de paroles, de leur bonheur parfait, parce que nous doutons du lendemain.

 

En écrivain, Roger-Pol Droit dessine leurs visages réels ou légendaires, restitue leur allégresse et leurs gestes. D’Athènes aux montagnes de Chine, de Jérusalem à l’Himalaya, il nous fait rencontrer Diogène, Confucius, Hillel, Bouddha et bien d’autres. Ces héros se révèlent ignorants mais savants, doux mais brutaux, pauvres mais riches, cachés mais visibles, près mais lointain.

 

En philosophe, Roger-Pol Droit éclaire cette fascinante étrangeté et ses paradoxes. Il montre que le sage n’existe pas, sauf comme un rêve antique que Montaigne, Spinoza ou Nietzsche tentent de faire survivre. Serons-nous capables, à notre tour de lui donner un avenir ?

 

Les sages sont de grandes figures antiques, qui ont marqué l’évolution de l’humanité –êtres exceptionnels, modèles de perfection, exemples d’accomplissement, ouvreurs de chemins à suivre-. Bouddha, Socrate, Confucius, Lao Tseu, Salomon et bien d’autres sont parvenus jusqu’à la sagesse, ils l’ont incarnée et vécue, mais pour y parvenir, ce fut pour chacun une succession d’épreuves et de combats où le principal adversaire, finalement, n’était que leur propre existence. Ces héros se sont vaincus eux-mêmes, ils ont traversé et surmonté les doutes, les désespoirs, les erreurs et les pièges du corps et de l’âme.

 

La notion de sage est pour nous devenue floue, elle nous interpelle encore, mais nous ne savons plus très bien ce qui nous porte à tendre l’oreille. Nous savons qu’ils sont différents de nous et cela nous inquiète et nous attire à la fois, en réalité ils nous impressionnent, car ils paraissent avoir échappé à l’horizon commun. Pour la même raison, ils nous rassurent, car leur comportement est le contraire du notre.

 

Sages et communautés de Sages développés dans cet ouvrage :

 

Milarépa. Himalaya et Tibet, début du XIIe siècle ap. J.C.

Diogène. Athènes, vers 330 av. J.C

Lao-Tseu  Chine de l’Ouest. VIe siècle av. JC.

Shammai et Hillel. Jérusalem, an 10 ap. J.C.

Bouddha. Vallée du Gange en Inde. Ve siècle av. J.C

Les gymnosophistes. Taxila en Inde, vers  326 av. J.C.

As-Sulamï. Nichapur en Iran, an 1010 ap.  J.C

Tchouang-Tseu. Chine, vers 300 av. J.C.

Epicure. Athènes, vers 280 av. J.C.

Shankara. Inde,  vers 800 ap. J.C.

Confucius. Chine, vers 485 av. J.C.

Dôgen. Chine,  vers 1227 ap. J.C.

Ashoka. Pataliputra en Inde, vers 230 ap. J.C.

Montaigne, Spinoza, Schopenhauer, Nietzsche, Wittgenstein.

 

les identitÉs remarquables

Rafael mathieu

Edition  LE MOULIN DE L’ÉTOILE

 2007

Loin des sentiers battus, Rafael Mathieu nous entraîne dans l’univers passionnant d’artistes au sens noble du terme : peintres, écrivains, hermétistes ou tout à la fois, cette galerie de portraits nous fait découvrir des personnalités non encore soumises à la dictature de l’opinion.

 

De Jodorowsky à Frederik Tristan, de Jean Biès à Cyrille Javary, chacun apporte sa pierre à l’édifice de la pensée d’un siècle moins profane que l’on croit.


On y trouve :

 

Alejandro JODOROWSKY, Robert de GOULAINE, Gabriel MATZNEFF, Muriel CERF, Christian JAMBET, Cyrille JAVARY, Sayed Haider RAZA, Michel RANDOM, Jean BIES, Nicolas BERDIAEV, Abdollah KIAIE, Poumi LESCAUT, Jean-François BONHOMME, Fernand POUILLON, Jean JANSEM, Jean-Pascal DEBAILLEUL, Gérard de SORVAL, Louis MONIER, Claude LOUIS-COMBET, SHAH, Francis BARDOT, Olivier CLEMENT , Gérard LECLERC, Marcel SCHNEIDER, Marcel MOREAU, Frédéric MUSSO, Frederik TRISTAN.

 

VERGELY  -  LE SILENCE DE DIEU FACE AUX MALHEURS DU MONDE

Bertrand Vergely

Edition Presse de la Renaissance

 2006

Si Dieu existe, comment peut-Il tolérer le mal régnant sur terre ? Ce cri d'Ivan Karamazov, le héros de Dostoïevski, est celui d'Albert Camus. C'est aussi le nôtre parfois. S'il nous semble juste qu'un coupable paie et souffre pour ses propres fautes, que dire de la souffrance de l'innocent ? Quelle faute a-t-il commise ? Quelle faute doit-il payer ? Or certaines " sagesses " n'hésitent pas à justifier cette souffrance et à prôner la résignation. Ils innocentent Dieu en culpabilisant l'homme.

 

Limites de la sagesse, le cri du révolté est là pour rappeler le scandale. Et l'homme moderne se révolte à juste titre contre le fait de ne pas se révolter. Mais il le fait jusqu'à accuser Dieu de non-assistance à humanité en danger, sans voir que tenir Dieu pour absent ou indifférent conduit au meurtre des innocents.

Limites de la révolte et du désespoir. Cet essai invite à changer de perspective. La vraie sagesse et la vraie révolte sont autres. Face au mal, on accuse souvent sans agir.

Que l'on cherche à le justifier ou que l'on désespère, il se multiplie ; que l'on vive malgré lui sans le justifier ni désespérer, il recule. Quand on le comprend, Dieu n'est plus un problème pour l'homme, ni l'homme pour Dieu.

Ce livre est une réponse à l’athéisme et, plus précisément, à l’athéologie contemporaine, à cette volonté perverse d’établir, non pas que Dieu n’est pas, mais qu’il n’a pas le droit d’être.

Bertrand Vergely part de la très classique accusation : des innocents souffrent. Si Dieu existait, il ne le permettrait pas. Il n’a pas le droit de le permettre. Donc il n’existe pas. À quoi il oppose la célèbre réplique que Dostoïevski met dans la bouche d’Ivan Karamazov : « Si Dieu n’existe pas, tout est permis. » Comment dénouer la contradiction entre ces deux propositions, qui semblent pourtant justes toutes les deux ?

Vergely oppose deux conceptions de Dieu : l’une extérieure, celle des athées, des théistes et des fanatiques ; l’autre intérieure, celle de la foi. À partir de là, il déroule la logique de l’athéisme : comment il divinise l’homme à son corps défendant ; comment, pour diviniser l’homme, il doit éradiquer le mal ; comment, pour éradiquer le mal, il doit tuer les hommes qui ne cessent de le faire. C’est ainsi que l’athéisme conduit tout droit à l’infanticide, à la terreur, au génocide, à la tuerie. Incidemment, le théiste radical tombe dans la même logique. S’il faut défendre Dieu, s’il faut chasser le mal, les moyens sont les mêmes.

Pour le montrer, Vergely retrace la généalogie de l’athéisme, celui théorique qui va de Sade à Nietzsche à Sartre et à Onfray, et celui pratique du nazisme et du communisme, pour en dénoncer l’horreur. Cet exposé fort clair est parfaitement convainquant.

Maintenant, quelle est la solution ? Pour la montrer, c’est sur Camus et son « homme révolté » que Vergely s’appuie. Il le suit un temps pour ensuite le réfuter sévèrement. Ce qui importe, c’est de se révolter face au mal et d’être une conscience. D’où l’importance de dire ce qui est mal, de dire ce qui est bien, de ne jamais définir le bien par rapport au mal — le bien est par lui-même — et de voir que le mal, c’est l’absence du bien. Mais ce n’est pas assez. Camus en reste là, dans sa posture héroïque, tragique et finalement intellectuelle. Il ne répond pas à la souffrance concrète. Ce qu’il faut savoir, et qu’il manque, c’est que Dieu souffre avec nous, en nous ; Dieu est ce qui nous fait tenir dans l’être. « C’est vivre qui est la réponse au mal et non comprendre le mal. […] La vie se trouve dans la vie et non dans la mort et dans le crime » Vergely s’en tient à la théologie naturelle. Il ne touche qu’à peine à la théologie chrétienne. Il se situe sur le même plan philosophique que l’athéologie, pour lui répondre. Sa réponse vaut pour tout homme, religieux ou non. C’est la première force de ce livre. D’autre part, sa démonstration est subtile autant que rigoureuse. Il est particulièrement habile à montrer les sophismes de la mise en accusation de Dieu et à redresser les arguments dévoyés des penseurs athées. Pour ne rien gâcher, Vergely tourne bien ses formules, et de nombreux développements sont tout à fait brillants et pertinents.

S’il faut vraiment appeler mal ce qui est mal et bien ce qui est bien, s’y tenir coûte que coûte, et ne jamais se résigner à ce qui ne va pas, la conséquence pour l’homme est d’accepter d’en mourir, d’être prêt au martyre. Vergely effleure à peine cette vérité qui s’impose pourtant si on le lit sincèrement. La révolte face au mal, le refus d’en faire le point focal du monde, le choix inconditionnel du bien, peuvent conduire à en devenir la victime consentante. Ici, le Christ est le modèle par excellence.


Au sommaire de cet ouvrage :


Les limites de la sagesse - l’inacceptable - la belle sagesse des sages - la bonne conscience des théologiens - le philosophe et sa raison - de la vertu du silence - appeler le mal le mal et le bien le bien - Les limites de la révolte - les deux faces de la révolte - Accusé Dieu, levez-vous ! - quand la révolte devient tragique et ridicule - les enfants de Satan - Athéisme et meurtres d’enfants - Athéisme de la persécution et de la terreur - la face cachée de la révolte -

Les limites du désespoir - Camus ou l’invention du désespoir actif - La face cachée du désespoir - misère de l’athéisme et de l’athéologie - la frénésie humanitaire - le suicide de Primo Levi - une maladie appelée nihilisme - les logiques invisibles - il était une fois l’intériorité - la personne en exil - la vérité de l’enfant, de l’homme et de l’innocence - le mimodrame divin - Dostoïevski, le prophète - le monde et la vie, et du monde à la vie -

 

VERGELY – PRIER – UNE PHILOSOPHIE

Bertrand Vergely

Edition Carnet Nord

 2017

" Prier, une philosophie ? Parlez-en à un philosophe. Il vous dira que quand on est philosophe, on ne prie pas. On philosophe. Parlez-en à un homme ou à une femme de prière. Ils vous diront que, quand on prie, on ne philosophe pas. On prie. En quoi ils ont raison et tort à la fois. " Dans ce texte, Bertrand Vergely écrit au fil de sa pensée les réflexions que lui inspirent l'association de ces deux activités : philosopher, qui lui est quotidienne, et prier, une autre passion personnelle. Les deux lui sont donc essentielles, et elles ne sont pas incompatibles comme il va en faire la démonstration en parcourant le monde des philosophes (Socrate, Novalis, Ricœur...) et celui de la prière, de toutes sortes de prières.

 

Comment la prière est-elle perçue par nos contemporains ? Est-elle une activité à part pour une catégorie de gens pieux ? La prière est-elle un recours en dernier ressort ou peut-elle accompagner notre action ?  Prière et réflexion sont-elles des modes de penser complètement différents ? Si certains philosophes pensent que la philosophie et la prière sont des domaines complètement différents, en est-il vraiment ainsi ? Dans son livre : « Prier, une philosophie »,   Bertrand Vergely nous aide à répondre à ces questions en élargissant notre conception de la prière et de sa mise en œuvre. « Et, par exemple, dès le départ, il décrit la prière de trois façons : « La première réside dans le fait de demander. La seconde dans celui de remercier et de louer. Et, la troisième dans le fait de vivre en aimant, aimer consistant à vivre en désirant et donc en priant pour ce que l’on aime vivre. Quand ces trois éléments sont ensemble, la prière ne pose aucun problème. Heureuse, elle rend heureux 

 

Si aux yeux de certains, la prière et la philosophie sont deux domaines séparés, Bertrand Vergely met au contraire en évidence les interrelations. Ainsi met-il en exergue une pensée de Wittgenstein : « La prière est la pensée du sens de la vie ». « Quand on considère les relations entre philosophie et religion, celles-ci s’opposent. Si on envisage philosophie et religion de l’intérieur, il en va autrement. Au sommet, tout se rejoint ». Et, de même, Bertrand Vergely montre qu’il n’est pas bon, de séparer l’action et la prière. Il ouvre des portes par rapport au déficit engendré par un exercice de la pensée autosuffisant et coupé de la réalité existentielle. « La modernité, qui poursuit un idéal de rationalité et de laïcité, divise la réalité en deux, avec d’un côté, l’action, et, de l’autre, la prière. Les choses sont-elles aussi simples ? » . De fait, « il y a quelque chose que nous avons tous expérimenté, à savoir la présence. Devenir présent à ce que nous sommes éveillant la présence en nous, on fait advenir la présence de ce qui vit autour de nous »  Mettons nous à vivre dans le présent, on rentre dans la présence. En restant dans la présence, on rencontre ce qui demeure stable à travers le changement et le multiple… Présence emmenant loin au-delà de soi vers le supra-personnel, le supra-conscient comme le dit Nicolas Berdiaeff. « Nul ne sait ce que peut le corps » dit Spinoza. La présence est en relation avec une présence qui dépasse tout, la divine présence… . D’où l’erreur de penser que la condition humaine est fermée. Quand on prie en allant de toutes ses forces dans son être profond, ce qui semble impossible devient possible ».

 

Bertrand Vergely nous parle à la fois en philosophe et en chrétien de confession et de culture orthodoxe. Ce livre nous emmène loin : « Prier ? Prier les dieux, Prier Dieu ? ; Quand la prière humanise ; Quand la philosophie spiritualise ; Quand la prière divinise ». Il témoigne d’une immense culture. Certes, nous pouvons parfois nous sentir dépassé par le langage philosophique. Mais l’auteur recherche l’accessibilité, notamment en découpant le livre en de courts chapitres. Il n’est pas nécessaire de le lire en continu. Et, dans cette présentation, nous ne couvrirons pas l’ensemble de l’ouvrage ; nous nous centrerons sur une démarche de l’auteur qui rejoint quelques autres, celles de Jürgen Moltmann et de Richard Rohr. Dans son approche, à de nombreuses reprises, Bertrand Vergely appelle à la conscience de la vie dans tout ce qu’elle requiert et tout ce qu’elle entraine. C’est ainsi qu’on débouche sur une démarche spirituelle et sur la prière.

 

Et, pour cela, on doit aussi se démarquer d’un monde dominé par notre intellect prédateur et sa rationalité morbide ». « Transformer son intelligence. Laisser passer le Vivant, l’Unique en soi. On y parvient par la métanoïa, la sur-intelligence. Quand on vit, il n’y a pas que nous qui vivons. Il y a la Vie qui se vit en nous et qui nous veut vivant. Il y a quelque chose à la base de l’existence. Un principe agissant, une force, un premier moteur, comme le dit Aristote, une lumière qui fait vivre. Quand nous rentrons en nous-mêmes afin de savoir qui nous sommes, ce n’est pas un moi bavard que nous découvrons, mais un moi profond porté par la Vie avec un grand V. d’où la justesse de Saint Augustin quand, parlant de Dieu, il a cette formule : « la vie de ma vie ».Répondons-nous oui à la vie ? Vivons-nous vraiment ? Ou bien sommes-nous prisonniers de principes auxquels nous nous assujettissons ? La morale et la religion peuvent ainsi s’imposer comme un esclavage. Au contraire, « la morale et la religion sont en nous et non à l’extérieur… C’est ce que le Christ rappelle. L’enfant, qui est la vie même, est le modèle de la morale et de la religion. Ce que n’est pas le pharisien qui ne se laisse plus porter par la vie qui est en lui… »

 

« Chaque fois qu’un sujet se met à être le monde au lieu d’être en face de lui, apparaît une expérience lumineuse, étincelante, faisant tout exister et quelque chose de plus. Une liberté supérieure, divine » .On peut s’interroger sur les raisons de croire en Dieu en terme de réponse à une recherche de cause. « Quand la raison cherche à démontrer l’existence de Dieu par la raison banale, elle ne convainc personne… Quand une cause a été démontrée rationnellement, nul besoin d’y croire… » . La relation à Dieu est d’un autre ordre. Elle implique notre être profond. « Il faut exister pour comprendre quelque chose à l’existence de Dieu. Quand on est dans la raison  objective qui aborde le monde à distance, il est normal qu’il n’existe pas »  Ainsi la foi implique et requiert une intensité de vie.

 

« Le monde occidental ne croit plus aujourd’hui que Dieu est la cause du monde. En revanche, quand Dieu est pensé comme sur-existence, il en va autrement. Il se pourrait que nous ne soyons qu’au début de la vie de Dieu et que son temps ne soit nullement passé. La preuve : quand on pense Dieu, on pense toujours celui-ci sur un mode théiste. Jamais ou presque sur un mode trinitaire. D’où deux approches de Dieu pour le moins radicalement différentes. Posons Dieu en termes théistes. Celui-ci est un principe abstrait sous la forme d’une entité dans un ciel vide. Il est comme la raison objective. Unique, mais à quel prix ! A part lui, table rase… Posons à l’inverse Dieu en termes trinitaires. Dieu n’est plus Dieu, mais Père, source ineffable de toute chose. Il n’est plus seul, mais Fils, c’est à dire passage du non manifesté au manifesté… Dans le visible et non dans l’invisible. Dans le théisme, on a affaire à un Dieu, froid, glacial même. Avec le Dieu trinitaire, on a affaire à une cascade de lumière, d’amour et de vie… Importance du passage. Des Hébreux au Christ, une continuité, un même souffle : diffuser la vie et non la mort, et, par ce geste, glorifier le Père, la source de vie, source ineffable. On est loin du Dieu qui ne fait qu’exister, du Dieu cause. Le Dieu qui cause le monde ne le transforme pas. Le Dieu qui sur-existe le transforme. Il fait vivre en appelant l’homme à la vie afin qu’il sur-existe en devenant comme lui hyper-vivant »

 

VERGELY – LA DESTRUCTION DU RḖEL

Bertrand Vergely

Edition Le Passeur

 2018

Bertrand Vergely poursuit sa réflexion stimulante sur le transhumanisme et montre la dangerosité totalitaire que le désir d'immortalité fait peser sur la société humaine toute entière. Dans cet essai vif et stimulant, Bertrand Vergely poursuit sa réflexion amorcée dans La Tentation de l'homme-Dieu sur le désir d'immortalité, désir proprement totalitaire de faire advenir une société parfaite. Pour le philosophe, trois grandes névroses dues à l'idée de l'homme-Dieu caractérisent notre époque : la névrose à l'égard de la vie qui se traduit par les nouvelles parentalités, la névrose à l'égard de l'homme qui se traduit par l'apparition du robot affectif et la névrose à l'égard du réel qui se traduit par le triomphe du virtuel.

 

Tous ces changements ont en commun la disparition du réel, ce que les philosophes appellent l'être. Cette disparition n'est pas un hasard. Derrière elle se profile le retour à la pensée magique. Un nouvel irrationalisme ainsi qu'un nouvel obscurantisme sont en train d'apparaître à travers la négation de nos limites biologiques pour qu'enfin l'homme puisse tout maîtriser. Cela répond à un fantasme profond inscrit dans l'inconscient du monde occidental à travers sa fascination pour le sujet indifférencié. L'homme-Dieu est fort tant qu'il n'est pas démasqué. Comme tous les pervers, il n'aime guère que sa perversion soit nommée. Elle perd alors tout son pouvoir. En ce sens, ce livre s'emploie à démasquer la perversion de l'homme-Dieu et à montrer que cette idée domine notre société post-moderne.

 

Dans son nouvel essai, La destruction du réel,  le philosophe Bertrand Vergely analyse les menaces du monde post-humain : puissance du virtuel, réel augmenté ou intelligence artificielle. Comment limiter la démesure et retrouver le sens de valeurs morales ? En octobre 2017, l'Arabie Saoudite accorde la citoyenneté au robot Sophia, est-ce le signe que la machine commence à remplacer l'humain ?

Question métaphysique, en effet ! Sophia est le premier robot capable de soutenir une conversation, avec une mobilité et une expressivité du visage. La conclusion que j'en tire est qu'il n'y a plus besoin d'être humain pour faire un citoyen.


La simulation artificielle fait aussi bien l'affaire. Ce n'est pas un simple coup médiatique ou technologique de l'Arabie Saoudite, qui voudrait faire un buzz en communication, mais l'idée d'homme est menacée. L'homme n'est pas une chose qui se fabrique, mais un être qui apparaît dans l'évolution. A la Renaissance, il y a déjà une volonté de dépasser l'humanité, lorsque l’artiste italien Arcimboldo recompose le visage avec des fruits ou des fleurs : pour faire un homme, il n'y a plus besoin d'homme. Simplement, cette menace prend des proportions inouïes aujourd'hui !  

 

Que signifie le projet du devenir-machine de l'humanité : le robot, un homme comme un autre ? La volonté de maîtrise totale, triomphe du mécanisme et de la rationalité totalitaire, est un vieux fantasme de notre culture, qui s'actualise de plus en plus, avec le post-humanisme. On veut en finir avec l'homme, le dépasser et le maîtriser totalement. C'est le pouvoir infini de l'homme, et en même temps la disparition de l'homme. Rêver de sauver l'homme en le rendant tout-puissant, ce n'est pas le sauver mais le détruire. "Rêver de sauver l'homme en le rendant tout-puissant, ce n'est pas le sauver mais le détruire", avertit le philosophe Bertrand Vergely

 

Cette rationalisation du réel peut-elle faire disparaître l'homme ? Expliquer l'homme, le comprendre par un aspect purement physique, biologique ou matériel, c'est le réduire au non-humain, à un amas d'atomes ou de cellules. Triomphe de la rationalité et disparition de l'homme vont de pair : élimination de l'homme sur le plan théorique - la science remplace la conscience, qui est un obstacle - et sur le plan pratique - l'homme, on va le fabriquer. Pourtant, tout commence de façon sympathique, les sciences humaines servent l'homme, en révélant les mécanismes qui le déterminent, afin de le libérer. Mais, au final, expliquer et dominer le monde par la raison, c'est conduire à la mort de l'homme, qui n'est plus qu'un dérivé du non-humain. Cela laisse perplexe ! 

 

Quelles sont les conséquences sur notre société des modifications récentes concernant le sexe, le genre, la famille ou la naissance ? Il n'y a plus besoin du couple homme-femme ou père-mère, pour faire un enfant. On assiste à la disparition du principe généalogique : le monde commence avec moi et n'existe pas avant moi. Je m'auto-origine. Faire disparaître la barrière des sexes, c'est refuser l'altérité et la différence. Avec les essais de grossesse masculine et d'autofécondation féminine, c'est le projet à long terme d'en finir avec la reproduction naturelle de l'être humain, par un utérus artificiel qui s'exprime. Je dénonce la violence de ce rêve infantile d'une technoscience toute-puissance. Mais pas de résignation ou de pessimisme inactif : si l'humanité joue avec sa propre destruction, elle trouvera en elle des ressources spirituelles que nous ne connaissons pas encore, pour dépasser sa folie. 

 

VERGELY -  LA TENTATION DE L’HOMME-DIEU

Bertrand Vergely

Edition Le Passeur

2015

 Considérer l'homme, ce n'est pas forcément faire de lui un dieu ; respecter la démocratie, ce n'est pas nécessairement céder aux passions démocratiques liées à l'égalité ou à la sécurité. Dans cet essai vif et engagé, Bertrand Vergely pointe les effets dramatiques d'un fantasme qui prend aujourd'hui de plus en plus de place : le désir d'être sans limite. Le transhumanisme promet d'en finir avec la mort : l'homme sera-t-il plus libre en devenant un corps perpétuel ? Sera-t-il plus vivant lorsque la naissance naturelle et la différence sexuée auront été abolies ? Sera-t-il plus heureux parce que le monde de demain sera celui de la réussite pour tous et du risque zéro ? En un mot, va-t-on vraiment servir le genre humain en faisant advenir l'homme-Dieu inscrit dans les rêves inavoués de l'humanisme occidental ? Et si nous cessions de promouvoir ce colosse aux pieds d'argile qu'est l'homme-Dieu ? Nous pouvons nous libérer de son désespoir et de son orgueil nihilistes. Sa tyrannie n'est pas une fatalité. Il suffit de le vouloir.


L’Homme-Dieu c'est celui qui, comme Edgar Allan Poe, « est révolté qu'il puisse y avoir un être supérieur à lui dans l'univers ». C’est Protagoras qui, en disant que « l'homme est la mesure de toute chose » affirme que l'homme peut décider de tout, y compris de ce qui est bien et de ce qui est mal, mais aussi Nietzsche, qui annonça « la mort de Dieu » et affirma la « volonté de puissance » de l'homme (N'oublions pas que le sous-titre original de ce projet de Nietzsche était « essai sur l’inversion de toutes les valeurs »). Au nom de la lutte contre l'oppression représentée par les religions, la modernité annonce avec jubilation que l'homme est désormais libéré des chaînes dans lesquelles Dieu l’avait emprisonné. Si les dérives de cette démarche prométhéenne sont aujourd'hui bien connues, avec le transhumanisme qui nous annonce « la mort de la mort », soit par l'intermédiaire de traitements biologiques, soit parce que les consciences des êtres humains seront téléchargées dans des robots à notre image qui nous permettront de vivre éternellement, la grande originalité de Bertrand Vergely est de regrouper des critiques de trois aspects de la modernité qui nous paraissaient constituer des champs profondément séparés les uns des autres.

 
Cette nouvelle religion (car c’en est une, même si il s’agit d’une religion athée, un Ray Kurzweil, par exemple, nous promettant d’accéder à la « vraie » immortalité, là où les religions ne nous proposent qu’une fausse promesse d’immortalité, se posant donc directement en concurrence avec elles) du « no limit » qui nous affirme que l'homme peut faire ce qu'il veut de lui-même et de son environnement est rapprochée de notre désir d'égalité mais également de sécurité. L'auteur va nous montrer qu'il s’agit de trois faces, toutes les trois trompeuses, d'un même projet qui prétend travailler au bonheur de l'humanité et qui prépare en fait pour elle des malheurs peut-être encore supérieurs à ceux qu'elle a traversé avec les terribles totalitarismes du XXe siècle.


Dès la première page du premier chapitre, il rassemble trois faits à priori sans aucun lien les uns avec les autres :- en décembre 2014 un neurochirurgien italien, Sergio Canavero, a affirmé qu'il préparait la transplantation de la tête d'un homme atteint d’une grave maladie dégénérative sur le corps d'un autre.- le 23 avril 2013 l'Assemblée nationale française a adopté la loi ouvrant la possibilité au mariage pour tous, et, à terme, aux personnes de même sexe d'adopter un enfant.- en février 2005 le Parlement solennellement réuni en congrès a inscrit le principe de précaution dans la constitution. Toute la force de l'ouvrage de Bertrand Vergely va être, en partant de ce qui apparait comme trois sommets émergés de trois icebergs différents, de nous montrer qu'il y a, caché au fond de la mer, hors de nos regards quotidiens, un socle unique qui travaille au malheur de l'humanité en prétendant faire son bonheur.
 
Nous avons tous été atteint dans notre vie par la perte d'un être cher. Quand des parents subissent le traumatisme terrible de perdre un enfant en bas âge, ne serait-il pas formidable de pouvoir le ressusciter en le clonant ? Il y a tant de choses à faire dans la vie, si on pouvait vivre 200 ans en bonne santé pourquoi le refuser ? Mais voilà, la mort fait partie de la vie ; être immortel, nous faire remarquer Bertrand Vergely, entraînerait, par un paradoxe étonnant mais bien compréhensible, la mort de l'humanité. Si il n’y avait plus de mort, il n'y aurait plus de naissances possibles et donc il n'y aurait plus de possibilité pour l'humanité de se renouveler. Imaginons le cauchemar que représenterait une terre peuplée pour l'éternité des mêmes personnes amenée à se rencontrer encore et toujours ! La fin est nécessaire à toute chose, un livre qui n’aurait pas de fin ne pourrait simplement pas être lu.


Ainsi vouloir faire disparaître la mort, c'est agir contre la vie, c'est, en voulant lutter contre la mort individuelle, favoriser une mort bien plus grande encore, une mort de ce qui constitue l'essence de l'humanité.
C’est la même méthode de « retournement » que va employer Bertrand Vergely pour montrer que ceux qui, enivrés par les possibilités qui s'offrent à une civilisation où l'homme est enfin libre, n’ayant plus ni Dieu ni maître, travaillent en fait exactement à des buts opposés à ceux ils prétendent poursuivre. Prenons l'exemple de l'éducation. Il est bien sûr fondamental d'aider les élèves venant des milieux défavorisés ou moins doués à avoir le maximum de chances de progresser dans leurs cursus éducatif pour partir dans la vie active avec le meilleur bagage possible. Mais lorsque l’on interdit le redoublement, que l’on décrète qu'il faut que 85 % d'une classe d'âge obtienne le bac, lorsque l'on promet la « réussite pour tous », on lutte contre l'objectif que l'on veut atteindre. « L'école peut aider les élèves à réussir. Elle ne peut pas faire que tous réussissent. Supprimons l’écart qu’il y a entre l'aide à la réussite et la réussite pour tous : l’école s’autodétruit. Ce qui est logique. Mettons en place un système où un élève réussira de toute façon, quel que soit son niveau. N’ayant jamais connu ni vraies épreuves ni échecs, il s’écroulera à la première épreuve et au premier échec, rien ne lui ayant montré ses limites. Quand on met un tel système en place, on ne peut que créer un effet pervers augmentant la faiblesse de l'élève en difficulté au lieu de la diminuer 
 
Nous sommes là au cœur du second point de la démonstration de Bertrand Vergely : « l'égalité pour tous » peut se retourner contre la vraie égalité et elle est un autre signe, après le refus de reconnaître nos limites biologiques, de cet orgueil démesuré de l’Homme-Dieu, car  celui-ci croit pouvoir décréter l'égalité entre le travailleur et le paresseux, entre l’élève médiocre et l’élève doué, ou en affirmant, par exemple, qu’un couple de deux personnes du même sexe et un couple composé d'un homme et une femme sont équivalent. Comme partout ailleurs, là aussi on part d'un bon sentiment : pourquoi ne pas donner des droits supplémentaires à des personnes qui constituent des minorités parfois fortement persécutées (y compris, dans certaines civilisations et à certaines époques, jusqu'à la mort) pour leur orientation sexuelle ? Mais quelques soient les progrès réalisés dans les opérations « transgenre » on ne peut pas faire que deux femmes puissent avoir un enfant, ni qu'un homme, même transformé en femme puisse mettre au monde. Certes, et c'est bien là que les adeptes du « no limit » au plan biologique rencontrent les défenseurs de cette idée « d'égalité pour tous », on vous répondra que ceci n'est qu'une question de temps et que les meilleurs biologistes du transhumanisme travaillent déjà avec ardeur sur ces questions, qu’avec un peu de clonage pour les femmes, et de greffe d’utérus chez les hommes, on va remédier à ces inégalités intolérables générées par la nature.


Comme dans beaucoup d'autres domaines qu’il va pointer du doigt, c'est l’expression « pour tous » qui est ici hautement critiquable, nous dit Bertrand Vergely. Il ne s'oppose pas à l'idée que la loi puisse établir un mariage spécifique pour les homosexuels. Mais aux yeux du politiquement correct actuel, cela aurait été bien trop discriminant, cela aurait « stigmatisé » une minorité. Non, l’égalité doit être absolue. Le mariage doit donc être « pour tous ». Mais tout d'abord cela est mensonger ; on a en effet (bien heureusement !) refusé à un chef tribal de Mayotte d’épouser ses six épouses alors qu’il prétendait le faire au nom du mariage « pour tous »… qui n'est donc pas totalement pour tous. Ensuite, un spécialiste de l’intelligence artificielle comme David Lévy nous prédit que, d’ici 2050, des états américains passeront des lois autorisant le mariage entre êtres humains et robots

 

Les couples homosexuels de demain ne vont-ils pas souffrir de voir leur mariage ravalé au même niveau que celui du mariage entre l'homme et le robot, comme les couples hétérosexuels d’aujourd’hui ont pu souffrir de voir leur mariage ramené au même niveau que celui de couples homosexuels ? Ne vaudrait-il pas mieux créer dès le départ des catégories « mariage classique », « mariage homosexuel », « mariage humain-robot » avec des attributs différents (par exemple pour l’adoption, car répondre au désir d’enfant de deux hommes c’est un bien, mais c’est priver un enfant de sa mère, ce qui est créer un mal supérieur au bien que l’on veut accomplir) au lieu de vouloir tout fusionner sous la même bannière ? La « célébrité pour tous » que permet la téléréalité ne fait-elle pas rêver des millions de jeunes, ne démocratise-t-elle pas le statut de « célébrité » réservé auparavant à quelques stars mythiques d’Hollywood ? Là aussi c'est une fausse bonne idée : si tout le monde est célèbre plus personne ne sera célèbre !

 
La tolérance, voilà une idée merveilleuse qui constitue la base même du vivre ensemble. Mais la « tolérance pour tout » est mortifère nous démontre Bertrand Vergely, car elle porte en elle la destruction de l'idée même de vérité.
Par exemple, ceux qui oseront affirmer que deux hommes ou deux femmes ce n'est pas la même chose qu'un homme et une femme, seront immédiatement taxé «d'intolérance» et au nom de cette intolérance seront stigmatisés, sommés de se taire et de sortir de l'espace public, celui des journaux télévisés, des talk-shows bien-pensants et des hebdomadaires respectables. Comme le fait justement remarquer l'auteur, ces champions de la tolérance n’ont aucune tolérance pour leurs adversaires : une fois qu'ils auront collé sur leur front l'étiquette « intolérant » ils affirmeront «pas de tolérance pour les ennemis de la tolérance », devenant ainsi les dignes héritiers de Saint-Just et de ce qu'il y avait de pire dans la révolution française, avec sa fameuse proclamation « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Quand on classe dans les ennemis de la tolérance ceux qui rappellent des vérités incontestables, les totalitarismes de la pire espèce ne sont pas très loin.
 
La laïcité est une belle idée. Elle se trouve déjà dans la Bible, « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » et dans des traditions non occidentales comme en Chine, où les religions n'ont jamais joué de rôle politique. Mais elle est totalement dévoyée quand un responsable politique tel que Vincent Peillon, ministre de l'éducation de surcroît, déclare le 6 novembre 2013 vouloir créer une religion laïque afin de ne pas laisser au catholicisme le monopole de la religion, de la morale et de la spiritualité, violant ainsi ouvertement le principe de séparation entre l'Église et l'État.
On passe ainsi d'une définition de la laïcité voulant dire « je respecte toutes les religions » à une définition de la laïcité équivalente à « je suis contre le catholicisme »
 
En fait Bertrand Vergely retrouve la grande intuition d'Antoine de Saint-Exupéry selon lequel le principe d'égalité s’abâtardit en principe d’identité si l'on veut fonder l’égalité dans le cadre d'un humanisme matérialiste en se passant de toute forme de transcendance. « Ma civilisation est héritière des valeurs chrétiennes. Je réfléchirai sur la construction de la cathédrale, afin de mieux comprendre son architecture. La contemplation de Dieu fondait les hommes égaux parce qu’égaux en Dieu et cette égalité avait une signification claire. Car on ne peut être égaux qu’en quelque chose. Le Soldat et  le capitaine sont égaux en la nation. L’égalité n’est plus qu’un mot vide de sens s’il n’est rien en quoi nouer cette égalité. La démagogie s’introduit quand, faute de commune mesure, le principe d'égalité s’abâtardit en principe d'identité. Alors le soldat refuse de saluer le capitaine, car le soldat en saluant le capitaine honorerait un individu et non la Nation».
 
Le principe de précaution paraît lui aussi être une excellente idée : ne faut-il pas forcer l'homme à penser aux conséquences de ses actes, n'est-ce pas la base même d’un comportement éthique ? Mais là aussi, comme pour la tolérance, comme pour la réussite scolaire et comme pour bien d'autres thèmes abordés par l'auteur, la généralisation de ce principe est totalement mortifère pour l'humanité. Vivre c'est prendre des risques, ne plus prendre de risques c'est ne plus vivre ! Notre environnement est de plus en plus incertain, c'est la théorie du chaos qui nous l'enseigne et cela vient renforcer la démarche de Bertrand Vergely : dans un monde où il y a de plus en plus de variables en interaction, le nombre de choses imprévisibles ne peut que croître. Mais justement, en refusant qu’il y ait quelque chose au-dessus de lui, l'Homme Dieu refuse également la notion de fatalité : tout drame doit avoir un responsable. Si un enfant se suspend à un panier de basket et que celui-ci le tue en tombant sur lui, le maire de la commune sera condamné, il n'avait qu'à vérifier la fixation de tous les panneaux de sa commune. Comme le dit très bien Vergely « Descartes explique qu'il vaut mieux agir et faire des erreurs que de ne pas agir par peur de faire des erreurs. À force de nier la fatalité au nom de la responsabilité en exigeant que ceux qui agissent prévoient l'imprévisible, on renonce à agir par crainte de faire des erreurs et de se retrouver en prison. La responsabilité et le principe de précaution sont en train de tuer l'action. Hier être responsable c'était agir. Aujourd'hui être responsable c'est renoncer à agir».
 
Prenons un dernier sujet parmi tous ceux que traite cet ouvrage à la fois si petit et si complet : le droit de mourir dans la dignité. Là aussi nous dit l'auteur, il y a erreur sur le terme. Il ne s’agit pas de dignité mais de fierté. On ne veut pas imposer aux autres et à soi-même l'image de sa dégradation. Kant, lorsqu'il veut prendre un exemple de ce qui constitue pour lui la dignité, prend celui d'un homme qui avait des raisons de se suicider et qui justement ne le fais pas. Bertrand Vergely nous dit « il y a quelque chose d'inouï dans l'homme. Quand on a compris cela, on se doit de vivre, quelles que soient les circonstances. Aussi la dignité consiste-t-elle, non pas à mettre fin à ses jours pour conserver une certaine fierté à l’égard de soi et de son image, mais de vivre pour tâcher d'être à la hauteur de ce qui n'a pas de prix en soi. Être digne ce n'est pas être fier de soi ou avoir une image décente, mais être digne de l'homme. Cette pensée de Kant est somptueuse. Quand nous faisons de la dignité un droit, nous en sommes loin ».


La généralisation du droit à mourir dans la dignité qui peut conduire, comme c'est déjà le cas dans certains pays, au suicide assisté même en absence de maladie grave, peut nous amener à détruire la dignité de l'homme en banalisant son existence, en niant ce qui le fait être unique. Réclamer le droit de mourir dans la dignité c’est donc aller contre la dignité de l'homme !  Voici encore une de ces démonstrations « en retournement » réussies par Bertrand Vergely, même si on pourrait lui reprocher ici de ne pas traiter le cas de la souffrance physique extrême qui peut exister dans certains cas de demande d’euthanasie.
 
Vouloir rendre l'homme immortel, c'est nier la réalité de la vie. Décréter égaux ceux qui ne le sont pas, c’est nier la réalité de la nature. Vouloir tout contrôler dans son environnement en niant la croissance de l'imprévisible, c'est nier la réalité du monde qui nous entoure. Cette triple négation de la vie, de la nature et du monde, qui est accomplie simultanément par l'Homme Dieu, ne peut qu'avoir des conséquences funestes pour l'humanité. Quand on nie la réalité elle finit toujours, comme un boomerang, par vous revenir en pleine figure ! On comprend maintenant, devant la cohérence logique qu’il y a pour l'Homme-Dieu à accomplir de façon simultanée cette triple négation, comment se regroupent les trois aspects de l'ouvrage de Bertrand Vergely. Comment l'homme qui refuse ses limites, l'homme qui prône l'égalité pour tous et l'homme qui promeut le principe de précaution ne constituent en fait qu'un seul et même homme, l'Homme Dieu, et un seul et même projet, celui, prométhéen mais voué à l’échec, de vouloir contraindre ce qui est à sa volonté. On ne peut que trop prévoir hélas que tout ceci s'achèvera dans une folie collective, comme la vie de Nietzsche, avec sa volonté de puissance, s'était achevée dans la folie.
 
Il est beau d'aspirer à la liberté mais l'homme qui n'a ni Dieu ni maître n'est pas libre, il est l'esclave de lui-même, c'est aussi l'une des grandes démonstrations de Bertrand Vergely dans cet ouvrage. Aucune des grandes innovations dont la modernité est si fière et que nous devons accepter sous peine d'être ringard, intolérant et exclu de l'espace et du débat public n'échappe à la déconstruction de Bertrand Vergely.  Le mariage pour tous, la réussite pour tous, la célébrité pour tous,  la tolérance pour tout, la laïcité à la française, le principe de précaution, l’euthanasie, la mort de la mort sont ainsi passés à la moulinette d'une démarche qui se situe au cœur de la philosophie vraie, celle qui aborde les questions fondamentales pour l'être humain et qui le fait dans un langage clair, susceptible d'être compris de tous. On le suit d’étapes en étapes avec une sorte de jubilation. On se dit, à chaque nouveau thème abordé, « non, il ne va pas oser aussi cela ! », eh bien, si, il ose tout!
 
Notre société a été pendant plusieurs siècles étouffée par un conservatisme qui est allé de pair avec une grande hypocrisie, cela étant possible à cause des dérives de ceux qui, à l'image du Grand inquisiteur de Dostoïevski, ont « transformé une religion d'amour en religion de pouvoir » comme nous le rappelle Bertrand Vergely. La déconstruction de cette société était une bonne chose, mais elle a laissé la place au duo infernal Protagoras-Nietzsche. Aujourd'hui, ce qui doit être déconstruit ce sont tous ces thèmes, qui font d'un homme autoproclamé maître et possesseur de la nature, un être schizophrène se voulant sans limite dans un monde où les limites sont partout, que ce soit en termes de nature, en termes de d'égalité ou de prédictibilité.
 
Mais l’énorme apport de Bertrand Vergely, c'est de faire cette critique au nom du futur et non pas au nom du passé, ou au nom d'un dogme ou d'une morale (même s’il est c'est clair que sa conclusion retrouve bien évidemment non seulement la morale chrétienne mais aussi celles de nombreuses autres traditions de l'humanité - il mentionne au passage que la sagesse chinoise nous donne une bonne idée de la mesure quand elle enseigne que l'équilibre à travers l'harmonie des contraires est à la base de tout.
 
Non, il le fait au nom de ce que cette révolution d'un humanisme sans Dieu prétendait elle-même faire, c'est à dire créer les conditions pour le bonheur de l'humanité. Tout ce qui dans cette démarche nous apparaît à court terme comme une bonne idée se révèle comme étant mortifère à long terme nous avertit Bertrand Vergely. Les buts même poursuivis par l'humanisme athée nécessitent pour être atteint de faire l’inverse de ce que préconise cet humanisme athée ! C'est cette démonstration qui fait de cet ouvrage un ouvrage essentiel du siècle qui commence et qui contribue à définir une « transmodernité », car il s’agit ici d’une démarche qui va bien au-delà de la déconstruction que pratique la postmodernité, puisqu’elle nous fournit les bases d’une reconstruction qui a son originalité propre, même si elle utilise d’anciennes fondations.

 

VERGELY – ENTRETIENS AU BORD DE LA MORT

Bertrand Vergely

Edition Bartillat

2015

Onze ans après Voyage au bout d'une vie, parallèlement réédité, Bertrand Vergely fait le constat d'un évitement dans notre société des questions liées à la mort.

Ce nouveau récit prend la forme d'une pérégrination, où il parle des rencontres faites à propos de la mort et de la vie, des choses qu'il a été amené à formuler au sujet de l'euthanasie ou du suicide, des cours donnés sur la question. Dans ces réflexions il a voulu entremêler le réel et la pensée.

Quand on est en face de la mort, c'est en parlant du réel qu'on la vit de la façon la plus juste. Bertrand Vergely tente de raconter en philosophe comment il a été amené à rencontrer les questions de la fin de vie, de l'euthanasie et du suicide. C'est en quelque sorte le récit d'une réconciliation entre pensée et mort. Dans ce nouveau livre, Bertrand Vergely a voulu rassembler les expériences auxquelles il a été confronté ces dix dernières années à partir de rencontres, de témoignages et d'expériences qui lui permettent de transmettre une réelle approche de ce que l'on pourrait appeler le savoir mourir.

Entretiens : La quête de l’immortalité a-t-elle toujours jalonné l’histoire de l’homme ? 


Bertrand Vergely : Oui, et on le comprend, car cela va dans le sens de la vie, de l’amour de la vie, de la confiance. C’est l’élan de l’homme qui ne se résout pas à ce que la mort et le néant soient les derniers mots de toute chose. Chez les Grecs, la quête de l’immortalité est ainsi liée à la figure du héros qui, par ses exploits extraordinaires, devient un être mémorable, à l’image d’Hercule qui se mesure au monstrueux. Le héros antique a résisté à ses démons intérieurs dans un parcours initiatique. Cependant, cette quête n’a rien à voir avec ce que les transhumanistes projettent de réaliser. L’immortalité, telle qu’ils la conçoivent, n’a plus rien d’un engagement moral : il s’agit de perpétuer indéfiniment le corps, par peur de la fin, dans une approche égocentrée et une obsession de maîtrise et de sécurité. Le grand paradoxe, c’est que vouloir ainsi supprimer la mort est en réalité suicidaire.

 

Pourquoi ? 

 

B. V. : Parce que cela signerait, d’une part, la fin de la morale, d’autre part, la fin du risque et du courage. Comme le rappelle le philosophe Vladimir Jankélévitch, l’irréversibilité de la mort est l’un des garants de la morale. Je ne vous tue pas parce que mon geste aurait une conséquence irréversible. Le jour où l’on ne meurt plus, où l’on peut réparer le corps à l’infini, il n’y a plus d’obstacle à la violence, c’est la porte ouverte à la barbarie totale. En outre – c’est le second aspect –, le propre de la vie, c’est le risque, l’incertitude. Ainsi, l’action, la prise de décision n’ont de sens que parce que tout n’est pas écrit. Imaginez une course sportive dans laquelle on connaîtrait le palmarès à l’avance. Quel intérêt y aurait-il à s’engager dans l’épreuve ? Aucun ! Si la mort est vaincue, il n’y a plus de prise de risque, donc plus de victoire, plus d’échec, plus de surprise, c’est une forme d’anéantissement. Autrement dit, pour créer un homme qui ne meurt pas, on crée un homme qui ne vit plus.

 

Comment se fait-il que cette imposture ne semble plus visible aujourd’hui ? 

 

B. V. : Nous vivons dans une société matérialiste, fascinée par la technologie toute puissante. Remettre en question la promesse d’immortalité, c’est apparaître comme opposé au progrès technique. En réalité, les projections transhumanistes prospèrent sur un impensé philosophique et sont intellectuellement très frustes. À quoi bon vivre indéfiniment si toute vie réelle m’échappe ? Ce qui compte n’est pas de perpétuer le corps à l’infini, mais bien de vivre « une éternité de vie ». Or celle-ci ne trouve pas sa source dans le temps qui s’étire indéfiniment mais dans ce que l’on expérimente d’unique et d’inoubliable. Le sentiment d’éternité se forge dans l’intensité de la vie

 

Cette vision du monde peut-elle l’emporter face à la tentation transhumaniste ? 

 

B. V. : Oui, j’en suis convaincu. La première chose, c’est de poser un regard critique sur les promesses transhumanistes, donner à voir leurs contradictions et leur absurdité. Vivre perpétuellement ? Mais qui cela concernerait-il ? Voudrait-on d’une « humanité à deux vitesses » ? Car ne nous leurrons pas, seuls les plus fortunés auront accès à la longévité. La deuxième chose, c’est de partager des expériences de vie très profondes. Pour cela, il est important que des personnes inspirées témoignent de la puissance de la vie, de la lumière qu’elle recèle, de la beauté, de la grâce. C’est notamment le rôle des poètes, des écrivains, des philosophes, des cinéastes. Partageons ce que nous vivons, ce que nous sentons. Ce sera d’autant plus aisé qu’il y aura une fatigue d’homo technicus, une lassitude vis-à-vis de cette frénésie technique désincarnée, bien pâle à côté de la vie elle-même, si imparfaite soit-elle !

 

VERGELY -  DEVIENS QUI TU ES – QUAND LES SAGES GRECS NOUS AIDENT A VIVRE

Bertrand Vergely

Ed. Albin Michel

2014

Les anciens Grecs sont toujours parmi nous. Tout comme ils ont eu leurs dieux, leurs mythes et leurs héros, nous avons les nôtres. Aspirant à l’idéal sans pour autant négliger la réalité, nous sommes comme eux en quête d’équilibre. Ils le trouvaient dans une acceptation de la vie et du monde mêlant sens du corps et de l’âme, de la vertu et du bonheur, de la République et de la démocratie, de la raison et de l’initiation, du désir et de l’amitié, de la sagesse et de la philosophie. Malgré notre individualisme apparent, nous aimons nous penser comme faisant partie d’un univers où existent malgré tout la beauté et l’harmonie. Nous admirons les êtres humains qui se distinguent par une noblesse d’âme ou bien encore les vies qui sonnent justes. Si nous devons aux Anciens la part idéale qui vit en nous comme une secrète nostalgie, nous leur devons aussi la part réaliste de nous-mêmes.


Un ouvrage fascinant où chaque chapitre part d’un événement, personnage ou lieu contemporain pour dresser un tableau de correspondances entre l’univers de l’Antiquité grecque et le nôtre. Ainsi le Planétarium de la Villette introduit sa réflexion sur la Nature et le Cosmos, les égouts de Paris servent de métaphore pour le chapitre sur l’ombre, le personnage de Coluche enclenche le chapitre sur l’ironie, la comédie et la démystification, le film Le Parrain illustre les sophismes de la violence, de l’efficacité de l’audace et de la grandeur et le Crazy Horse ouvre les réflexions sur le désir de l’amour !

 

La fameuse citation "deviens ce que tu es" est celle d'un poète lyrique du Ve siècle avant JC qui s'appelle Pindare. Il s'adresse à Hiéron, tyran de Syracuse, pour l'exhorter à réaliser sa véritable personnalité. On oublie souvent la suite de cette citation qui est pourtant très éclairante: "quand tu l'auras appris". Epicure, pour qui se changer soi-même est le principal devoir, reprendra la première partie de cette citation, tandis que Socrate appuiera sur la deuxième avec son fameux "connais-toi toi-même", gravé sur le fronton du temple de Delphes. 

 

Repris par Saint Augustin qui exhorte les chrétiens à se rapprocher le plus possible de ce qu'ils sont vraiment, c'est-à-dire des enfants de Dieu, "deviens ce que tu es" a résonné d'une manière toute particulière dans la bouche de Nietzsche qui invite l'homme à quitter sa "médiocrité" pour devenir "surhomme". Qui ne s'interroge pas devant cet aphorisme? Comment peut-on devenir ce que l'on est déjà? Pourquoi ce ton si péremptoire nous obligerait-il à changer? Ce que l'on est, n'est-il pas par définition inchangeable? N'est-ce pas précisément ce que l'on reste au-delà de ce que l'on devient? Ne serions-nous qu'un brouillon de nous-même? Si nous prenons cette injonction au niveau métaphysique, nous ne pouvons- nous en servir pour changer. Si nous nous considérons au contraire comme des êtres vivants et libres, il en est tout autrement. Car ce que nous sommes aujourd'hui est le fruit d'un devenir complexe, où nous avons été mis en situation d'être et de faire, tout au long duquel s'est formé -ou déformé- une image de nous-même qui risque toujours de se figer. 

 

Influencé dès notre enfance par ce que les autres pensent et disent de nous, le regard que nous portons sur nous-même ne peut être à la hauteur de ce que nous sommes vraiment en puissance. Une partie de nous-même nous est cachée car elle ne nous a pas encore été révélée: celle de nos talents, de notre potentiel. Devenir ce que je suis, c'est devenir tout ce que je peux être. C'est me libérer d'une idée de moi-même, non par un volontarisme qui me ferait chercher à devenir ce que je ne suis pas -car qui veut faire l'ange fait la bête-, mais par l'envie de me dépasser pour aller au bout de mes envies. 

 

Mieux me connaître, c'est connaître mes goûts et mes envies, c'est reconnaître ce qui me rend triste et heureux, c'est me surprendre en réalisant des choses que je ne me sentais pas capable de faire, c'est penser à moi et garder à coeur ce qui m'est important, c'est me réjouir de mes succès et apprendre de mes échecs, c'est prendre le risque de faire différemment de mes habitudes, de penser au-delà de mes croyances. Nul ne peut savoir qui il sera demain car la personne se découvre au fur et à mesure de la vie dans ce qu'elle entreprend, aime, découvre, ressent, crée et réalise. Devenir tout ce que je peux être, c'est donc me considérer comme un être en devenir qui se découvre progressivement au cours de son existence. Pareil à une plante qui grandit en partant de l'état de graine, je suis fait pour me développer dans la ligne de ce que je suis en profondeur et ce développement de ma personne nécessite plusieurs conditions: un environnement dans lequel je me sens bien, où je peux prendre racine dans une terre qui me nourrit; des encouragements et une attention à moi-même qui m'arrosent aux bons moments et m'empêchent de m'épuiser; une lucidité qui, pareille au soleil, me permet de rester centré sur l'objectif que je poursuis en restant attentif aux risques et aux opportunités; une ambiance qui m’oxygène, me permet de respirer, de souffler, de reprendre mon souffle quand l'effort a été intense. 

 

Autre point de divergence: nous avons besoin des autres pour nous dépasser nous-mêmes. Nous devenons d'autant plus que nous nous tournons vers les autres, l'interaction actuelle avec cet autre étant ce qui nous rend heureux. Si le surhomme est un gonflement de l'égo qui se positionne "au-dessus" dans le but de posséder, l'homme qui grandit s'implique modestement "avec" les autres dans la réalisation d'un projet qui le dépasse et le finalise. Quand le "je" de la personne s'enferme dans l'"ego", il se positionne en contre et réduit le "nous" collectif en "on" impersonnel et anonyme. Quant au contraire, il se nourrit de l'extérieur, il contribue au développement du monde par son énergie et son rayonnement. 

 

les maÎtres spirituels

Jacques brosse

Edition  ALBIN MICHEL  -  Bordas (1993)

 2005

Des religions antiques à l’enseignement bouddhiste, de la naissance de l’islam au monachisme chrétien, des mystiques hindous aux penseurs indépendants comme Boulgakov, Gurdjjieff et Simone Weil, Jacques Brosse présente ici la grande fresque de l’aventure spirituelle de l’humanité à travers ses maîtres et ses écoles.

 

L’auteur, dont l’œuvre a été couronnée par le Grand Prix de l’Académie française en 1987, est à la fois philosophe, maître zen, naturaliste et spécialiste des traditions spirituelles d’Orient et d’Occident. Il offre au public la quintessence de son savoir dans ces cent vingt-cinq chapitres allant à l’essentiel. Mystiques et « accoucheurs d’âmes » de tous lieux et de toutes époques sont réunis dans cette synthèse encyclopédique.

 

Les Maîtres ne sont ni orientaux, ni occidentaux, mais universels. Ce sont des hommes vivants, nés comme nous, et destinés à mourir comme tous les mortels. Ce sont des hommes d'une grande érudition et d'une sainteté de vie plus grande encore. Nous les appelons aussi Initiés. Ce ne sont pas des ascètes au sens usuel de ce mot, quoiqu'ils se tiennent loin de l'agitation et des luttes de votre monde occidental.

 

Le Maître- Initié, ou Maître de Sagesse est un être humain accompli, vivant parmi nous, mais un homme qui a libéré le "Dieu vivant" en lui. Ses pouvoirs psychiques et spirituels, complètement éveillés et soumis à sa Volonté, font de lui un magicien puissant, voué au bénéfice de l'Humanité.

Ces hommes puissants et compatissants sont désignés dans chaque âge, et dans l'histoire de chaque nation, par des noms différents. Ils ont été appelés Initiés, Adeptes, Mages, Hiérophantes, Rois de l'Orient, Sages, Frères et d'autres noms encore.

Mais il existe un terme en langue sanskrite qui, lorsqu'il leur est appliqué, les identifie aussitôt et complètement avec l'humanité ; c'est celui de Mahatma. Ce mot est composé de Mahâ, grand, et d'Atmâ, âme ; il signifie donc grande âme, et comme tous les hommes sont des âmes, ce qui distingue le Mahatma, c'est sa grandeur.

Un Mahatma est un être qui, par une éducation et un entraînement spéciaux, a développé ses facultés supérieures et a atteint cette connaissance spirituelle que l'humanité ordinaire n'acquerra qu'après avoir passé par d'innombrables séries de réincarnations, au cours de l'évolution cyclique, pourvu qu'elle n'aille pas à l'encontre des buts de la Nature et ne provoque pas son annihilation. Ce processus d'évolution du Mahatma, grâce à ses propres efforts, s'étend sur un certain nombre d' « incarnations », bien que d'une façon relative ce nombre soit assez restreint.

 

Ils ont toujours constitué une confrérie, se connaissant mutuellement quelle que soit la partie du monde où ils se trouvent, et œuvrant tous par différents moyens pour le bien de la race. A certaines époques, ces frères aînés sont bien connus des hommes et se déplacent parmi eux quand l'organisation sociale, la vertu et le développement des nations le permettent. S'ils devaient se montrer de nos jours ouvertement et si tout le monde parlait d'eux, les uns les adoreraient comme des dieux et les autres les pourchasseraient comme des démons. Aux époques de leur apparition, certains d'entre eux sont des souverains, d'autres des instructeurs, quelques-uns de grands philosophes, tandis que d'autres demeurent inconnus sauf des membres les plus avancés du groupe.

 

Il y a de nombreux Adeptes qui vivent dans le monde, et tous se connaissent entre eux. Ils ont des moyens de communication inconnus de la civilisation moderne, grâce auxquels ils peuvent, entre eux, transmettre et recevoir des messages à n'importe quel moment et à d'énormes distances, sans employer aucun moyen mécanique. Nous pourrions dire qu'il existe une Société d'Adeptes, à condition de ne pas attacher à ce mot le sens ordinaire qu'on lui donne. C'est en fait une Société qui n'a pas de lieu de réunion, qui n'exige aucune cotisation, qui n'a ni constitution ni statuts autres que les lois éternelles de la Nature; elle ne possède ni police, ni espions à son service, et on n'y présente ni ne reçoit aucune plainte, pour la bonne raison que tout délinquant se trouve puni par l'action de la loi, laquelle échappe entièrement à son contrôle, car il perd sa maîtrise de la loi dès l'instant où il la viole. Les Maîtres ne désirent empêcher personne d'entrer sur le Sentier. Ils savent bien, cependant, à la suite de tentatives répétées, et par des annales remontant à des siècles (ainsi que par leur connaissance de nos difficultés raciales), combien peu nombreux sont ceux qui ont une idée quelconque de la nature réelle de leur personnalité, qui est l'adversaire qu'ils doivent tenter de vaincre dès qu'ils deviennent des disciples en Occultisme. Aussi s'efforcent-ils, autant que karma le permet, de tenir les individus qui ne sont pas prêts à l'écart d'entreprises téméraires dont les résultats retomberaient sur leurs vies déséquilibrées et les conduiraient au désespoir.

 

Les Adeptes n'œuvrent pas pour être loués des hommes, pour acquérir la maîtrise passagère d'un jour, mais pour les races futures et pour le meilleur et le bien le plus élevé de l'humanité. Ils ne briguent aucun honneur, ne recherchent aucune publicité et n'exigent aucune reconnaissance. Leur principal souci vise le bien le plus haut de l'humanité collective, car ils se sont identifiés à l'Ame Universelle qui anime l'Humanité, et celui qui désire attirer leur attention doit le faire par l'intermédiaire de cette Ame immanente. Au fil de l'Histoire, la voix des grands Maîtres-Initiés s'est élevée pour éveiller l'homme à sa dimension spirituelle et lui montrer la voie permettant d'échapper aux malédictions d'un destin dont il est pourtant le seul maître. En apportant la "Bonne Nouvelle" des grandes promesses que l'humanité porte en elle, et le fil d'Ariane de la Connaissance permettant de sortir des tourments du labyrinthe, ces Maîtres sont de véritables Sauveurs : ils aident leurs frères à se sauver eux-mêmes, en leur prouvant qu'ils en ont les moyens et en les entraînant sur le Sentier, par la parole et l'exemple. Les pouvoirs exercés par les Maîtres ne sont que le développement de ceux qui existent à l'état latent en chaque homme et en chaque femme ; pouvoirs que même la science officielle commence à reconnaître.

 

Au sommaire de cet ouvrage, on y trouve : Éleusis, Orphée, Zarathoustra, Empédocle, Bouddha, Confucius, Socrate, Platon, Épicure, les Stoïciens, la Bhâgavad-Gîtâ, les Esséniens, Philon, Jésus, les apôtres, la gnose, Hermès, Origène, Plotin, Mani, les pères du désert, Denys l’Aréopagite, l’hésychasme, les soufis, Cluny, Avicenne, Hildegarde de Bingen, Sohrawardi, St Bernard, Joachim de Flore, Maimonide, St François, les Béguines, Rumi, les Cathares, St Thomas d’Aquin, Maître Eckhart, Tauler, le Dalaï-lama, Calvin, Luther, les Jésuites, Böhme,, Angélus Silesius, la rose-croix, Swedenborg, Ramakrishna, Steiner, Gurdjieff, Guénon, Gandhi, Teilhard de Chardin, Simone Weil, Jung etc…

 

les mÉcanismes du moi & le silence intÉrieur

érik sablÉ

Edition DERVY

 2003

Le silence intérieur est la condition pour que naisse une réalité spirituelle. Aussi beaucoup d’enseignants préconisent une « maîtrise de la pensée ». Il s’agit de la fixer, de la concentrer, par un effort de volonté. Mais rejeter le mental ne conduit pas au véritable silence. Il est avant tout nécessaire de le comprendre, de savoir ce qu’il est. Alors seulement pourra naître un silence qui n’est pas le produit d’une tension, mais qui vient naturellement de l’intérieur, comme une « grâce ».


Ce petit ouvrage se propose de nous amener à entrer dans l’intimité des mécanismes du « moi » à l’origine du flux des pensées errantes. Qu’est-il ? D’où vient-il ? Que cherche-t-il ? Progressivement le disciple sera amené à découvrir ce qui se joue derrière les apparences et à démystifier le jeu du mental.


Cette étude est suivie d’une anthologie sur le silence intérieur.

 

les missions spiRituelles

  judith  henry

Edition  J. HENRY

 1984

Il est un fait certain, l’évolution de tous ceux qui cherchent avec ardeur à progresser spirituellement, est intimement liée à l’Amour qu’ils peuvent porter à autrui. « Marchez sur le Chemin de l’Amour ! », tel est leur souhait profond. Souhait qui fait naître en leur cœur le désir bien normal d’aider leur prochain.


C’est le propre de ce premier ouvrage de la Collection : « Traditions initiatiques », de révéler à ces êtres de Bonne Volonté comment des « Missionnés à part entière », parviennent d’une manière tout à fait impersonnelle à se vouer en pleine humilité et efficacité au service de leurs semblables.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

L’Oiseau-chevalier avec des dessins de Marie-Odile Willig   -   

Les missions spirituelles : nos deux natures  -  au temps de l’âge d’or  -   les deux vies  -   notre nature humaine et notre nature divine   -  le et les matérialistes   -  

L’Amour : Marcher sur le chemin de l’amour   -   le croyant qui veut éclairer un incroyant   - 

L’accueil : Les sphères d’accueil   -   Une arrivée sur un de ces mondes d’accueil

Du souvenir : Pourquoi ne nous souvenons nous pas ?  -   un danger, l’orgueil   -  un autre piège : les pensées morbides   - 

Du caractère de certaines missions   -  du danger des habitudes   -  la sphère brunâtre   -    les initiations et le souvenir   -   l’auteur et le souvenir   -

A travers des enseignements   -  les palais de la sagesse   -  Qu’enseignent-ils ?   -  les premières prémisses de l’âge d’or   -  l’inconscient collectif   -

Des indices    -  la voix   -  notre nom sacré   -   les cadeaux    - 

 

LES MYSTIQUES ALLEMANDS DU 13e au 19e Siècle.

 

Edition  Grasset

 1935

La Mystique rhénane trouve son origine dans le bouillonnement spirituel du XIIe siècle, lequel se manifeste par la réforme ou la création d'ordres monastiques : cisterciens, chartreux, fontevristes, etc., auxquels on peut adjoindre les prémontrés.

Ces nouveaux ordres religieux drainent de nombreuses recrues, de sorte qu'entre l'Escaut et le Rhin, les fondations de monastères masculins, et plus encore féminins, se multiplient. Ces communautés développent une théologie basée sur leur mode de vie : liturgie, lectio divina, contemplation. Ainsi, avec Bernard de Clairvaux, émerge une exégèse spirituelle des textes sacrés, qui fera école. En Rhénanie, deux bénédictines dominent cette époque : Hildegarde de Bingen et Elizabeth de Schönau.

Le XIIIe siècle voit l'apparition de mouvements apostoliques qui cherchent à mettre en exergue et pratiquer la pauvreté évangélique. Parmi ceux-ci, les uns seront jugés hétérodoxes (les cathares ou les disciples de Pierre Valdo, par exemple), tandis que d'autres deviendront des fers de lance de la chrétienté, à savoir les ordres mendiants, initiés par François d’Assise (franciscains) et Dominique de Guzman (dominicains).

Ce phénomène vient du Sud, mais le Nord (Flandre, Brabant, Pays-Bas, Allemagne du nord) va également être témoin d'une forme de vie inédite, relevant de la mouvance apostolique : les béguines, dont l'origine demeure, à ce jour, sujette à hypothèses.

Ces femmes ne sont pas des religieuses, mais elles vivent pieusement, dans de petites communautés, travaillant de leurs mains pour gagner leur pain, et soignant les malades. Comme il ne s'aligne pas sur les cadres reconnus par l'Église, ce mode d'existence et la culture spécifique qui l'accompagne, vont attirer la suspicion des autorités. Les cisterciens et les prémontrés s'étant récusés, les béguines trouveront parmi le personnel des ordres mendiants des directeurs spirituels avertis. Arrivés à Cologne en 1221, les Dominicains rencontrent un énorme succès en Rhénanie : nantis de leur prestige intellectuel, ce sont eux qui guideront la plupart des béguines de la région, mais aussi les moniales dominicaines et même les cisterciennes[4]; étant donné qu'ils s'expriment en moyen allemand, leur prédication va également toucher des groupes dévots ("les Amis de Dieu") et le petit peuple.

Au mouvement béguinal du XIIIe siècle appartiennent, d'ouest en est, des personnalités comme Hadewijch d’Anvers, Marguerite Porete, sainte Lutgarde d'Aywières, Marie d’Oignies, Julienne de Cornillon et Mechtilde de Magdebourg, laquelle finira ses jours dans le fameux monastère de Helfta. Cette communauté cistercienne fondée par Gertrude de Hackeborn, compte, à cette époque, deux illustres mystiques : Mechtilde de Hackeborn et Gertrude de Helfta. Du côté belge, il convient de citer une autre moniale : Béatrice de Nazareth.

Le XIVe siècle assiste à l'émergence de la mystique spéculative dans le milieu rhénan. En 1314, Maître Eckhart a une cinquantaine d'années, lorsqu'il est chargé du studium (centre de formation universitaire) dominicain de Cologne, où il recevra comme élèves ceux qui deviendront ses principaux disciples : Henri Suso et Jean Tauler. Tous trois vont s'attacher à une double mission : d'une part, jeter des passerelles entre l'expérience des béguines et moniales, et les concepts de la théologie scolastique; d'autre part, se démarquer de cercles voisins, considérés comme hérétiques (secte du Libre Esprit), et ce dans le contexte délicat de la condamnation du mouvement béguinal, prononcé par le concile de Vienne (1311-1312). Pour y parvenir, ils se basent essentiellement, à la suite d'Albert le Grand (dominicain de Cologne), sur la théologie du Pseudo-Denys, un philosophe néoplatonicien du Ve siècle, converti au christianisme, ainsi que sur l'œuvre d'un autre néoplatonicien, Proclus, qui venait d'être traduit. Cependant, contrairement à son aîné, Thierry de Freiberg, Eckhart cherche également à réaliser une synthèse entre ce néoplatonicisme et l'aristotélisme de son maître, Thomas d’Aquin. Par ailleurs, en contexte brabançon, le chanoine Jan van Rusbroec opère le lien entre pôle flamand et pôle rhénan. Cependant, sa réévaluation critique de l'œuvre d'Eckhart, après la condamnation posthume de celle-ci en 1329, et sa réhabilitation de l'engagement actif par rapport à la contemplation, prépare la Devotio moderna qui, apparue en Hollande vers la fin XIVe siècle, répandra, dans la zone d'influence de la Mystique rhénane, une certaine méfiance à l'égard des constructions intellectuelles et des phénomènes surnaturels.

Entre 1400 et 1430 paraît la Theologia Deutsch, un ouvrage anonyme qui reprend certains thèmes eckhartiens, en insistant surtout sur la vie du Christ. Même si Luther appréciait cette œuvre, ainsi que certains textes de Tauler, il n'en reste pas moins que le réformateur n'a pas voulu fonder sa spiritualité sur l'héritage médiéval, et que la Réforme fera fermer, au cours du XVIe siècle, toutes les maisons religieuses d'Allemagne. Du côté catholique, Erasme se situe dans la perspective de la Devotio moderna de ses maîtres hollandais : c'est un moraliste, pas du tout un mystique. Parmi les humanistes du XVe siècle, le néoplatonicien Nicolas de Cues est le seul à prendre en compte la théologie négative d'Eckhart. Toutefois, à la même époque, le franciscain Harphius compile, adapte et diffuse la doctrine de Rusbroec, à la faveur de l'invention de l'imprimerie. C'est essentiellement par son intermédiaire que certains aspects de la Mystique rhénane vont passer, au XVIe siècle, des Pays-Bas méridionaux en Espagne et en France.

Sans vouloir rigidifier les oppositions, on distingue habituellement dans la Mystique rhénane une tendance affective et une tendance spéculative. Chacune se fonde sur un texte biblique emblématique, assorti d'une herméneutique précise. La tendance affective se base sur une exégèse spirituelle du Cantique des cantiques, tandis que la tendance spéculative se base sur une interprétation métaphysique du Prologue de l'évangile de Jean. L'exégèse spirituelle poursuit une tradition qui débute avec Bernard de Clairvaux, marquée par l'enseignement patristique et la lyrique courtoise, alors que l'interprétation métaphysique constitue une reprise critique de la théologie négative du Pseudo-Denys, marquée par un souci de traduire en termes néoplatoniciens l'approche chrétienne du divin. Le point de départ est évidemment toujours le donné révélé, et sa mise en relation avec l'expérience vécue. Cependant, la tendance affective théorise cette mise en relation au moyen d'un héritage platonicien légué par Augustin d’Hippone : dans cette forme d'exemplarisme, il s'agit d'être attentif à l'empreinte trinitaire au cœur des réalités sensibles (particulièrement l'humanité du Christ), en vue d'une élévation progressive vers le Créateur. En revanche, la tendance spéculative insiste essentiellement sur le détachement vis-à-vis du sensible (y compris l'humanité du Christ), considéré comme un néant, ontologiquement parlant : dans cette forme d'intellectualisme, seul le fond de l'âme (intellective) est déiforme, étant donné que la transcendance du Dieu Un réside ultimement dans un pur acte de connaissance, antérieur à l'Être.

La contemplation tend à l'union avec le divin. Trouvant son origine dans un chant d'amour biblique, la spiritualité peut envisager cette union sur le modèle du mariage : l'Époux du texte sacré, c'est Jésus, et l'Épouse c'est l'âme, choisie pour entrer, par la médiation du Christ, parfaite image de Dieu, dans les secrets de la Trinité. Cette mystique dite "sponsale" est donc christocentrique. Elle va développer une écriture, souvent collective, qui exprime l'expérience spirituelle pas le biais de visions et de révélations particulières, qui, sans avoir le caractère cosmique des ouvrages d'Hildegarde von Bingen, ne sont jamais séparées d'un contexte liturgique et sacramentel, où l'image a valeur de symbole. Ce faisant, elle constitue un patrimoine de dévotions qui connaîtra de multiples prolongements ultérieurs (pas toujours dans le sens originel) : principalement le Sacré-Cœur, la Vierge médiatrice et l'intercession pour les âmes du Purgatoire. Les œuvres les plus représentatives de cette tendance sont celles rédigées par la moniale Gertrude la Grande, au XIIIe siècle, à Helfta. Toutefois, la mystique sponsale ne se limite pas aux cisterciennes : béguines, Hadewijch développe un lyrisme courtois, Lutgarde initie le culte du Sacré-Cœur et Mechtilde de Magdebourg s'intéresse au Purgatoire. Elle ne concerne pas seulement les femmes, comme en témoigne la biographie d'Hermann Joseph de Steinfeld. Elle dépasse largement le XIIIe siècle, avec L'ornement des noces spirituelles de Jan van Ruusbroec, par exemple.

L'union avec le divin trouve ici sa justification intellectuelle, par l'intermédiaire de l'aristotélisme : la nature a doté l'intellect humain d'une capacité de contempler le Premier Moteur; et du néoplatonisme : dans son irrésistible remontée vers l'Un, l'âme individuelle réfléchit, comme un miroir (speculum, d'où spéculatif), les perfections de celui-ci. Plus radicalement encore, selon Eckhart, l'âme contient une étincelle de l'Intellect divin, qui lui permet de s'unir intimement à celui-ci. Cependant, cette union ne doit pas être envisagée comme une réalisation personnelle, indépendamment des sacrements (ce qui était la thèse du mouvement du Libre Esprit). En effet, le baptême octroie le don de la grâce créée, et le chrétien peut alors, de surcroît, aspirer à la grâce incréée : l'Esprit-Saint venant habiter l'âme du croyant. Cette inhabitation trinitaire est le sommet d'un processus de déification de l'humain, lequel processus a été rendu possible par l'incarnation du Verbe (prologue de l'évangile de Jean), et doit prendre modèle sur le comportement vertueux du Christ, nouvel Adam : humilité, pauvreté, noblesse et surtout détachement, c'est-à-dire liberté profonde de l'âme. En dépit de ce christocentrisme, des difficultés surgissent, du latin au moyen-allemand, d'un discours universitaire à une prédication pour les laïcs, dans la formulation des étapes spirituelles : le détachement par rapport au créé ne doit pas aboutir à un quelconque quiétisme; la saisie de la Déité (fond commun aux personnes trinitaires) dans un au-delà de l'Être, relève de la théologie négative et non du panthéisme; l'union finale, dite "transformante", s'opère sans confusion ni suppression des natures humaine et divine.

 

le soleil rouge de la rÉalité – essai sur le chemin spirituel

Erik sablÉ

Edition Arma Artis

 2003

Un très bon livre (50 pages) sur le pèlerinage, ce voyage symbolique vers le centre.

On y évoque l’errance, la concentration, l’introspection, l’œuvre au noir, l’œuvre au blanc et l’œuvre au rouge.

Alors notre monde-habitude craque. Nos attaches se dévoilent transitoires, impermanentes. Tout ce à quoi je m'accrochais semble se disperser, se dissiper, fuir. Seul demeure un état de disponibilité faisant table rase de toutes lectures-références, de tout dogme. Me défaisant des autres qui parlent à travers moi, je reviens à des actes et des pensées simples. Je peux m'interroger " en vérité "...Et, surgit de la nudité, du vide de croyance, une soif d'autre chose, une soif d'absolu, se précise et grandit. Seule cette soif de dépassement est vraie. Car elle est l'aspiration à la vie réelle. Elle est l'appel du feu en nous. Elle nous montre l'issue. Alors peut commencer le pèlerinage, le voyage symbolique vers le centre.

 

le solitaire

phÈne

Edition  Les 2 Océans

 2000

La solitude n’est jamais solitaire car elle imprégnée de toutes sortes de présences immatérielles, mentales; de réminiscences, de projections sur le futur. Les grands phénomènes naturels de notre être somatique, instance de notre présence au monde, sont aussi tous, solitaires. La naissance, la vie organique, la mort comme la satisfaction de tous les besoins vitaux du corps…  L’homme est seul dans sa vie organique, son être biologique. Aucune bouche ne peut manger à ma place ni personne n’excrète à la place de personne. Toutefois, si l’homme est solitaire dans ce qu’il souffre ou jouit, la présence d’autrui l’aide à subir ou à célébrer son sort. Voilà pourquoi l’autre sera toujours une sorte de carrefour de mon partage, un vœu de rencontre, part de mon équilibre en tant qu'être ouvert par l’Esprit et le corps, à l'altérité qu'est l'univers, et particulièrement à l'altérité ressemblante qu'est l'autre humain.  L’homme est toujours seul face à ses choix et son destin, voilà pourquoi, nul ne doit obéir et se laisser mener par quiconque ici-bas car celui qui est mené, n'en sera pas moins seul à répondre des erreurs et aberrations dictées par les aînés, les autorités ou la tradition  culturelle.

 
Dans le cas de l’amitié et de l’amour, la présence est un festoiement, une célébration de l’enthousiasme à la vie. La présence amoureuse ou amicale, chacune selon ses modalités précises, particulières, est un partage avec l’altérité qui décuple la joie de vivre. Quant à l’amour de l'homme et de la femme, il déclenche un éros capable de briser tous les obstacles par la seule force d’aimer! C'est l'énergie fulminante de la rencontre singulière combien délirante qu'est l'attraction amoureuse qui rosit le monde à nos yeux et enchante l'univers entier en bâtissant les châteaux émerveillés de son cru.  

 

Hormis sa forme physique, la présence d’autrui, est essentiellement question de qualité plutôt que matérialité. La solitude et la présence sont dans la perception plutôt que dans les faits. Car une présence qui dégrade mon humeur alors que ma solitude pouvait être considérée neutre, sans grande joie, ni grave ennui, est déconseillée car elle diminue la somme de mon bien-être. La présence d'autrui ne nous évite pas automatiquement la solitude. Dans certains cas, l'autre aggrave ma solitude par sa négativité qui dévore la neutralité de ma solitude où je peux mentalement me mettre en présence de Dieu, nourrir mes idées et l'inspiration spirituelle, intellectuelle, artistique. Au stade métaphysique, l'Homme n'est jamais seul. Il est fréquenté par l'Hôte qu'il attire. De toute façon si la solitude d'un humain est vide et qu'en lui, sévit le néant et ses affres, il ne peut jouir même de la plus précieuse compagnie d'autrui qu'il risque plutôt, d'envahir de son vide. Ainsi en est-il de la vérité de l'Homme! 

La solitude est la lumière féconde des pieux, des méditants spirituels, un espace privilégié pour l'Esprit vivant la puissance et la pureté mystique de sa foi en son éveil intérieur. C'est aussi pour les créateurs voguant dans l'abstraction, un socle à l'inspiration intense, puissante et prolifique. Toutes les grandes révélations, toutes les grandes conquêtes sont intérieures et donc solitaires par rapport à la compagnie humaine, quoique toujours fortement guidées par l’Hôte intangible qui habite et opère, avec et en l’Homme conscient, toute œuvre d’esprit. La vie spirituelle est donc une plongée dans le temple intérieur où nous attend Dieu, Hôte de l’esprit. Seule présence permanente qui vit avec l’Homme spirituel conscient de sa vérité intérieure, toute l’intimité inaccessible au sens et à autrui.  

La solitude de la conscience créatrice en philosophie ou en art, est celle de l’extase esthétique. Quant à la philosophie, elle est en elle-même une synthèse de la sagesse et de la littérature, mélange paroxystique d'art et savoir qui s’expriment au-delà du solipsisme méditatif, réflexif et cognitif du philosophe-penseur, dont les idées ne sont que l’expression de l’entendement mystique et rationnel de son Esprit en contact interrogateur et observateur avec les vérités métaphysiques et concrètes des étants. La solitude à deux, de l’Homme et de la Femme, est comme une sorte de mystique des corps en échange de fluides, un véritable partage somatique par les jets, les hormones, la sueur, le sang dans les microtraumatismes de cette liaison particulière, et tout ce qui fait la beauté de l’intimité érotique et sexuelle. Et, quand, fait rarissime, le véritable amour y intervient, selon que les amoureux-amants en aient le niveau, en soient dignes, c’est la plus belle illustration corporelle de la fusion spirituelle de l’Esprit de l’Homme avec l’ESPRIT Divin.   

En spiritualité, la solitude contemplative, adorative est l’univers de l’extase sacrée, univers divin, en dehors de l’univers de la matière. La solitude spirituelle de l’Esprit rencontrant Dieu dans son intériorité par la foi et son énergie sentimentale, son éros métaphysique, est le monde de la Présence Parfaite que ne connaît que l’Esprit, loin des perceptions sensorielles des présences immédiates dites réelles, aux moments forts de l’extase sacrée.

 

LE SOUFFLE SOUS LE SCEAU DU SECRETRuah, Pneuma, Spiritus, Chi, Ki, Prâna, Ruh

Michel Chiambretto

Edition du Mercure Dauphinois

 2013

Le « souffle » mystère des mystères que l’on retrouve dans toutes les traditions d’Orient, d’Extrême-Orient et d’Occident, qu’elles soient juives, chrétiennes, musulmanes, bouddhistes, taôistes, brahmaniques ou sikhs. Il est exprimé sous les vocables ruah en hébreu, pneuma en grec, spiritus en latin, ruh en arabe, chi(Qi) en chinois, Ki en japonais ou prâna en sanskrit.

L’auteur a parcouru la quasi-totalité d’une voie de Réalisation Traditionnelle, il nous livre les clés de cette démarche sans faux-semblants et sans voiles, en définissant parfaitement chaque étape. Certes le travail est infiniment plus difficile qu’une prétendue recherche sans guide ou la parodie d’une forme méditative, mais cette recherche donne le cap et le but pour se dépouiller de l’habit du « vieil homme » pour accoucher et revêtir les nouveaux habits de Lumière ; car le but est d’accoucher de cet homme nouveau, le fameux « Inshan al Khamil » dont parle Ibn Arabi.

La notion même de « souffle », qu’il ne faut pas confondre avec la simple respiration, est aujourd’hui pratiquement oubliée. Etrangement, les voies mystiques d’Orient et d’Occident l’ont cependant parfaitement connue, mais elle s’est peu à peu diluée jusqu’à une quasi disparition.

Le souffle n’est pas une notion abstraite, comme on pourrait le supposer, mais bien une « matière » qui n’est pas sans rapport avec cette « force forte de toute force » dont parle la table d’Emeraude, matière qui peut seule produire les métamorphoses « car elle vaincra toute chose subtile et pénétrera toute chose solide »

Ce « souffle » ne se maitrise pas, il prend possession peu à peu de celui qui chemine sur la Voie, surgissant du Centre de l’être, que l’auteur appelle « le profond » pour s’épanouir et transformer l’individu, changeant radicalement ses rapports avec la Nature toute entière.

Un sujet comme « le souffle » ne peut intéresser qu’un homme en quête : quête de vérité, d’authenticité, de relation autre et nouvelle, de découverte d’un absolu qui dépasse l’entendement ; il faut ne pas suivre la masse de ceux qui affirment, mais écouter les éveilleurs de spiritualité ; il faut ne pas rechercher les pouvoirs de l’argent, la paraitre, les possessions mais vouloir la simplicité dans une métanoïa voulue et bien comprise.

Cet ouvrage propose une trace à suivre, en fournissant des indications sur le chemin à prendre, les étapes à franchir, le combat à mener ; il apporte des éléments qui permettront au lecteur d’affiner son discernement en étant informé des dangers, des erreurs ou des illusions qui peuvent baliser ce chemin.

Des portes s’ouvrent, des illusions tombent, des déchirures s’opèrent et de la Chrysalide s’échappe le papillon…

Au sommaire de cet ouvrage :

Nature du « souffle » - Nature du « moi » - Influence du subjectif - Religions statiques ou religions dynamiques - les textes ésotériques - Excursion sur les chemins de traverse - L’état vers lequel on doit tendre pour œuvrer - Les outils : « être conduit au centre » - « la prière » - « le son » - « l’art du geste » - « la respiration » - Diversité et unité des outils - de cherchant à cheminant -

 

les pÉladan

 J.P. laurent

Edition LES DOSSIERS H

 1990

Le père, Adrien Péladan, journaliste catholique à Lyon, puis à Nîmes, au milieu du XIXème siècle, guerroyait pour le roi légitime et l’authenticité des prophéties contre le monde moderne. Un de ses fils participa à la tentative de justification de la tradition catholique par les religions orientales ; il pressentit également le rôle de l’homéopathie.


Le second, Joséphin (1858 – 1918), vint à Paris où, transformé en mage, il défraya la chronique littéraire et artistique.

 

Décoré du titre babylonien de « Sâr », J. PÉLADAN, fondateur de l’Ordre de la Rose-Croix catholique, romancier avec le Vice suprême, organisateur des fameux Salons, débordait de dons et symbolise, mieux que quiconque, la résistance à la modernité, au réalisme, au triomphe, fin de siècle, de la raison « positive ».


C’est un versant trop méconnu de l’histoire des idées, de la vie religieuse et culturelle au XIXème siècle que ces Don Quichotte de l’antimodernité ont battu en tous sens ; leur quête nous est profitable aujourd’hui.

Ce dossier s’est attaché à leurs traces, de la peinture aux lettres, du domaine religieux à l’occulte, rencontrant Barbey d’AURÉVILLY, Félicien ROPS et Georges ROUAULT, mais aussi Mgr d’HULST, Stanislas de GUAÏTA et Erik SATIE.

 

les pÉladan – qui suis-je ?

Arnaud de l’estoile

Edition PARDÈS

 2007

Issu d’un milieu catholique, traditionnaliste et rosicrucien, initié à l’occultisme par son frère, Joséphin Péladan s’intéresse autant à l’art qu’aux arcanes des sciences maudites.

À 26 ans, il connaît une célébrité immédiate avec la publication de son premier roman, Le Vice suprême. « Artiste, tu es prêtre, l’Art est le grand mystère, Artiste, tu es roi, l’Art est le grand miracle, il prouve seul notre immortalité. »

Mais son extravagance, ses tenues vestimentaires baroques, ses outrances verbales, font de lui une cible de choix pour les journalistes et les chansonniers de l’époque. Cette médiatisation cacha la profondeur de sa pensée et de son talent, qu’il dispersa en de vaines querelles.


Critique d’art, homme de lettres, fondateur de l’Ordre de la Rose Croix Catholique du Temple et du Graal, instigateur des célèbres salons de la Rose Croix, précurseur d’une lecture à dimension ésotérique de Léonard de Vinci, sa vie s’inscrit au confluent de l’occultisme, du symbolisme et du décadentisme.


Avec ce « Qui suis-je ? » Péladan, l’auteur se propose de nous faire redécouvrir une personnalité brillante, fantasque et paradoxale qui occupa le devant de la scène ésotérique et littéraire de la Belle Époque. Imprégné d’un catholicisme mystique, il tenta de le concilier sans succès avec l’occultisme.


Auteur d’une œuvre immense et méconnue, le flamboyant Sâr meurt, oublié de tous, en juin 1918.

 

LES  PÉLADAN -     JOSEPHIN PḖLADAN ET LA ROSE+CROIX 

ARNAUD DE L’ESTOILE

ÉDITION  ARQA

 2010

L’initié et génial visionnaire que fut Josephin Péladan (1858-1918), fondateur de l’ordre de la Rose+Croix Catholique du Temple et du Graal et fondateur des célèbres salons de la Rose+Croix, connut, à l’âge de 26 ans, une célébrité immédiate avec la publication de son premier livre, « le vice suprême ». Sa vie romanesque s’inscrivit paradoxalement entre occultisme, symbolisme, décadentisme, catholicisme et son action hautement singulière au sein des milieux littéraires, artistiques et initiatiques de la Belle Epoque, reste encore aujourd’hui, au regard de la critique contemporaine, tout à fait déterminante.

 

Pour certains aspects de sa personnalité complexe, demeurent encore bien mal compris. Contre toute attente, dans une lettre datée du 7 Février 1888, retrouvée récemment en archives privées, le Sâr Péladan se définit lui-même comme un « kabbaliste chrétien », autant dire que l’approche biographique et contextuelle de cette étude historique sur les courants initiatiques rosicruciens autour du Sâr Péladan, menée avec assurance par Arnaud de l’Estoile, écrivain reconnu et fin connaisseur de cette période qu’il dépeint maintenant, ouvrage après ouvrage, avec la précision historique et la qualité d’un chercheur attentif, mérite une attention toute particulière.

 

Présenter Josephin Péladan en quelques lignes, fut-ce en de nombreuses pages, relève de la gageure…, nous confie dans sa post-face à l’ouvrage, Jean Pierre Bonnerot, Président de la société Josephin Péladan, c’est néanmoins ce que réussit parfaitement l’auteur, à travers ce voyage extraordinaire dans une époque où l’on retrouvera, entre autre, la fameuse « guerre des deux roses » qui vit une opposition farouche entre Stanislas de Guaita et Josephin Péladan, notamment.

 

A l’aurore de son parcours, l’œuvre de Péladan tomba dans un oubli immérité, c’est ce que rappelle ce livre d’Arnaud de l’Estoile, qui tend patiemment, avec une érudition sans faille et avec la présentation en fac-similé de 24 lettres inédites de Josephin Péladan, à retisser les fils d’une Rose+Croix éternelle et parfaitement vivante.La singularité d’un Josephin Péladan, en son temps fut tout à fait déterminante et son talent littéraire parfaitement reconnu. Dandy avant l’heure, son attrait pour les mondanités, les dorures des palais, les chevaleries d’opérettes, le desservirent plus que ne le servirent, c’est certain, mais ses amitiés sincères, son indéniable curiosité dans tous les domaines des Arts et des Lettres, ses salons de la Rose+Croix, son œuvre visionnaire, sa culture encyclopédique, sa sensibilité exacerbée font, au bout du compte, de Péladan un initié majeur de l’Occultisme du XIXe siècle.

 

Écrivain français, Joseph-Aymé Péladan, dit Joséphin Péladan, est né à Lyon le 28 mars 1858. Issu d'un milieu de militants légitimistes et catholiques méridionaux hauts en couleur, il s'installe à Paris en 1881 et s'attaque violemment dès ses premiers articles à la peinture réaliste et académique. Promouvoir l'«art idéaliste et mystique» d'un Gustave Moreau, d'un Puvis de Chavannes, lui semble le meilleur moyen de lutter contre la «décadence»: si Dieu parle par la beauté des chefs-d'œuvre, si l'Église n'est plus administrée que par des prélats républicains, l'artiste sera le prêtre de l'avenir, le musée deviendra temple…

 

Son premier roman, Le Vice suprême (1884), que préface Jules Barbey d'Aurevilly, inaugure la vaste série de La Décadence latine, vingt et un volumes où Joséphin Péladan prétend égaler La Comédie humaine d'Honoré de Balzac dans une vaste fresque épico-romanesque des mœurs contemporaines. On y trouve déjà les éléments autour desquels s'organisera sa carrière: goût prononcé pour l'«autoglorification» qui le fait se magnifier dans ses héros, obsessions érotiques, occultisme, enfin la verve lyrique et l'humour très particulier qui caractérisent son style. Participant au «renouveau occultiste» de la fin du XIXe siècle, il fonde en 1888 avec Stanislas de Guaita un ordre kabbalistique de la Rose-Croix. Mais à dater de 1890 son militantisme personnel s'intensifie: il prétend descendre de mages chaldéens, prend le titre de Sar, «excommunie» dans ses «mandements» aussi bien Émile Zola que Mme de Rothschild, allant jusqu'à sermonner le cardinal Rampolla, premier secrétaire du Vatican…

 

Ces excentricités amusent Paris mais ne sont pas du goût de Guaita: exclu de la Rose-Croix kabbalistique, Joséphin Péladan fonde alors la Rose-Croix catholique, fondée pour lutter par l'art contre le matérialisme. Il poursuit sa bruyante campagne, organisant de 1892 à 1897 des expositions d'art wagnéro-symboliste et prêchant dans ses traités de L'Amphithéâtre des sciences mortes (six volumes) une philosophie originale. Dans Comment on devient fée, érotique (1893), qui fait suite aux enseignements altiers de Comment on devient mage, éthique (1892), il assigne à la femme le rôle « providentiel» de prostituée sacrée au service des «œuvres de lumière»…Incompris, déjà déçu, il épouse en 1895 une aristocrate, se range ; mais divorce en 1900, se remarie l'année suivante plus modestement, devient un critique d'art nostalgique du préraphaélisme et fermé à toute innovation: il s'en prend dans ses chroniques au Salon d'automne, à Henri Matisse, à Pablo Picasso, à Georges Rouault comme jadis à Gustave Courbet. Sa haine pour la civilisation contemporaine englobe aussi bien les cafés, les grands magasins, l'armée, l'université, le clergé, … Les remèdes qu'il propose sont la religion romaine et l'aristocratie de l'intelligence.

 

L'occultisme occupe une place privilégiée dans son esprit. La magie pratique fournit à ses livres des embellissements (scènes de magnétisme, de sortie de corps astral, etc…) et l'ésotérisme inspire la plupart de ses concepts (théorie de l'androgyne, constitution ternaire de l'homme, genèse de l'aristocratie humaine, de la femme et de l'amour, etc…). D'une manière générale, le sens de son oeuvre apparaît comme le fruit de sa vision mystico-occultiste du monde, agrémenté de certains traits de sensibilité «fin-de-siècle» et de scènes érotiques traversées par l'obsession du vice. En 1904, sa belle tragédie, Sémiramis, est représentée avec succès aux arènes de Nîmes. Ses contemporains l'oublient pourtant. Au long des derniers romans de La Décadence latine, ses héros ne cessent d'exprimer sa propre amertume: Un regain d'exaltation le précipite à partir d'août 1914 dans une littérature «antiboche» et lui dicte un «catéchisme» du «surhomme chrétien» ainsi qu'une Grande prière médiévale aux anges, aux trônes et aux dominations pour la victoire de la France…Joséphin Péladan meurt à Neuilly-sur-Seine le 27 juin 1918, victime d'une intoxication alimentaire, à l'âge de soixante ans.

 

les pensÉes

Marc aurÈle antonin

Edition J. de Bonnot

 1983

Cet empereur stoïcien nous a laissé de belles maximes et des pensées à méditer.

 

Les Pensées, de Marc Aurèle sont des réflexions écrites en grec au jour le jour, par un prince qui, toute sa vie, même au milieu des préoccupations du pouvoir, trouva de la douceur à cultiver la philosophie. Le recueil qu'il intitula : Pour lui-même comprend 12 livres : le 1er est une énumération touchante, dictée par la reconnaissance, des leçons que Marc-Aurèle devait aux différents membres de sa famille ou à ses maîtres, et des biens que lui avaient accordés les dieux; les onze autres ressemblent à un journal où cet empereur, dans ses moments de loisir, se plut à déposer, sans beaucoup d'ordre, les pensées que lui suggéraient les événements de son règne et ses méditations assidues. On est saisi de surprise et comme de vénération, lorsqu'on parcourt ces entretiens d'une âme d'élite avec elle-même, et l'on ne sait qui le plus admirer, de l'homme, du philosophe, ou du prince. 

L'homme se tient en garde contre la haine, la colère, l'impatience même, et se rappelle à la mansuétude envers tous ses semblables, qu'il nomme des amis naturels. Le philosophe parle en stoïcien et, d'une certaine façon en chrétien : stoïcien il se promet de ressembler au promontoire contre lequel se brisent les vagues impuissantes, ou, quand les objets extérieurs l'ont un instant troublé malgré qu'il en eût, de revenir promptement à lui-même et de rétablir l'harmonie dans son âne; en présence des ténèbres, du néant, du flux éternel de la matière et du temps, il se soutient par sa propre vertu, et attend sans impatience le terme marqué à sa vie, car il sait que rien n'arrive qui ne soit dans les convenances de la nature universelle; Il se défend du découragement et de la plainte dans les épreuves; il les accueille avec complaisance, parce qu'elles servent au bien général, et que ce qui sert à l'essaim sert aussi à l'abeille. 

Marc Aurèle ne se contente pas d'être stoïcien, il veut aussi que l'accomplissement du bien soit désintéressé; pour lui, tout ce qui tient du corps est un fleuve qui s'écoule tout ce qui tient de l'âme n'est une songe et fumée, la vie est un combat et un exil, et la gloire posthume un oubli; la justice, les actions utiles au genre humain, voilà ce qui a du prix; l'injustice, le mensonge, la recherche des voluptés, la crainte des épreuves, autant d'impiétés. Empereur, il se recommande la modération et la clémence, la persévérance dans les desseins mûrement étudiés, le mépris de la fausse gloire et l'amour du travail, la simplicité de cœur avec ses amis, la haine de la flatterie et des délations, l'équité, le respect du mérite, la modestie et la docilité de quelque part que viennent les bons avis, la pratique des mœurs anciennes sans ostentation ni apparat, l'épargne des deniers publics, le dévouement infatigable à la prospérité de tout l'État.

 

l’esprit de l’athÉisme

André comte - sponville

Edition  ALBIN MICHEL

 2007

Peut-on se passer de religion ? Dieu existe-t-il ? Les athées sont-ils condamnés à vivre sans spiritualité ?


Autant de questions décisives en plein « choc des civilisations » et « retour du religieux ». André Comte-Sponville y répond avec la clarté et l’allégresse d’un grand philosophe mais aussi d’un « honnête homme », loin des ressentiments et des haines cristallisés par certains.


Pour lui, la spiritualité est trop fondamentale pour qu’on l’abandonne aux intégristes de tous bords. De même que la laïcité est trop précieuse pour être confisquée par les anti-religieux les plus frénétiques.
Aussi est-il urgent de retrouver une spiritualité sans Dieu, sans dogmes, sans Église, qui nous prémunisse autant du fanatisme que du nihilisme. André Comte-Sponville pense que le XXIème siècle sera spirituel et laïque ou ne sera pas. Il nous explique comment. Passionnant.

 

les rÉvÉlations du feu & de l’eau

O. Mickael aivanhov

 Edition  PROSUETA

 2003

« Idées, impressions, sensations, images, tout s’enregistre et laisse des traces en nous. Chaque jour, notre vie psychique est modelée par les forces que nous laissons nous habiter, les influences dont nous acceptons l’imprégnation.

 

C’est pourquoi il est essentiel de trouver des images vers lesquelles nous pouvons revenir souvent, des images qui nous accompagneront jour et nuit afin que notre pensée soit liée à tout ce qui est le plus élevé, le plus pur, le plus sacré.

 

Et quoi de plus beau, de plus poétique, de plus rempli de sens que l’eau et le feu, et les différentes formes sous lesquelles ils nous apparaissent ? Toute notre vie peut être remplie de ces images. Même si désormais nous n’avions plus rien d’autre que la présence du feu et de l’eau pour alimenter notre vie spirituelle, ce serait suffisant…

 

En nous concentrant chaque jour sur ces images, nous serons vivifiés, purifiés, illuminés.

 

les visions de swedenborg

Jean prieur

Edition  SORLOT

 1984

L’œuvre de Swedenborg, écrivain suédois de langue latine, est immense : elle égale en abondance celle de Voltaire, son contemporain. Ce que le visionnaire dit de l’autre monde se trouve noyé dans un flot de considérations philosophico-théologiques et disséminé dans une trentaine d’ouvrages compacts de lecture difficile.


Le travail de Jean Prieur a donc consisté à retraduire en partie et à réécrire en un français fluide, à la fois moderne et classique, des extraits provenant des œuvres essentielles : soit Arcanes Célestes, Des Terres dans l’Univers, Le Ciel et l’Enfer, Du Jugement dernier, La Sagesse des Anges sur le Divin Amour, La Sagesse des Anges sur l’Amour conjugal, La Vraie Religion Chrétienne… il a également utilisé le Journal Spirituel, le Journal des Rêves, quelques lettres du Prophète et quelques témoignages de ses contemporains.


L’auteur de Cet Au-delà qui nous attend a restructuré le tout selon une architecture qui n’est ni celle de Dante : Enfer, Purgatoire, Paradis ; ni celle de Swedenborg dans De Coello et Inferno: Ciel, Monde des Esprits, Enfer ; le plan qu’il a délibérément adopté suit le chemin des âmes, c’est-à-dire qu’il commence par le Monde des Esprits où tout un chacun arrive aussitôt après la mort.


La plupart de ces visions de Swedenborg paraîtront stupéfiantes et incroyables, mais il faut savoir que dans le monde spirituel, en vertu de la loi des correspondances, les pensées prennent substance et forme. C’est le problème de ces apparences, de ces représentatifs qu’on appelle aujourd’hui projections. Il ne s’agit pas de songes, Swedenborg nous en avertit : « Cette réalité des apparences spirituelles les sépare nettement du rêve dont, au début, j’étais tenté de les rapprocher. »


Le Dante scandinave, qui s’exprime en langage terrestre, nous décrit l’autre vie telle qu’elle se présentait au XVIIIème siècle. D’autres, dont Jean Prieur dans Les Visiteurs de l’autre monde, nous ont décrit l’Au-delà de notre époque, les uns et les autres se sont heurtés au même étonnement, au même scepticisme.


Swedenborg parle ‘’ex auditis et visis’’, c’est-à-dire d’après ce qu’il a entendu et vu lorsqu’il est allé en esprit, en corps spirituel, de son vivant, en ces régions auxquelles, en règle générale, on n’accède qu’après avoir franchi les portes éternelles.

 

les voies de la lumiÈre

trinh xuan thuan

Edition FAYARD

 2007

La lumière nous lie au cosmos. Mais elle n’est pas seulement essentielle à l’astronome. Nous sommes tous ses enfants. Celle qui vient du Soleil est source de vie. Qu’elle soit naturelle ou artificielle, la lumière nous permet non seulement de contempler le monde, mais aussi d’interagir avec lui et d’y évoluer. Elle ne donne pas seulement à voir, elle donne aussi à penser. Des temps les plus reculés jusqu’à nos jours, la lumière a toujours fasciné l’esprit des hommes, qu’ils soient scientifiques, philosophes, artistes ou religieux. J’ai voulu retracer ici l’histoire épique des efforts que l’homme a fournis pour pénétrer au cœur du royaume de la lumière et percer ses secrets.

La lumière est passionnante de mystère : si elle se déplace à la plus grande vitesse possible de l'univers (300 000 km/seconde) - un tic et la lumière fait 7 fois le tour de la terre- elle le fait à pas de tortue à l'échelle de la galaxie. La lumière n'est pas seulement essentielle à l'astronome.  Trinh Xuan Thuan a voulu retracer ici l'histoire épique des efforts que l'homme a fournis pour pénétrer au cœur du royaume de la lumière et percer ses secrets.

Il a désiré explorer non seulement les dimensions scientifiques et technologiques de la lumière, mais aussi ses dimensions esthétiques, artistiques et spirituelles. Son souhait a été d'étudier non seulement la physique de la lumière, mais aussi sa métaphysique. Son dessein a été de savoir comment la lumière nous permet d'être humain.

Dans cet ouvrage, l'astrophysicien Trinh Xuan Thuan s'est emparé de la lumière comme scalpel, et cet instrument apparaît particulièrement bien choisi. Pointu, il permet au néophyte d'accéder sans douleur aux dernières avancées de la science, de l'astronomie à la biologie en passant par la physique quantique. Effilé, il s'enfonce très profondément dans la diversité de notre Univers et dans la richesse qu'en tire le cerveau humain, pour révéler les couches de la technique, de l'art et de la spiritualité.

Trinh Xuan Thuan manie l'outil avec une dextérité qu'il a affûtée lors de ses précédentes dissections célèbres, suivies par des milliers de lecteurs. De La mélodie secrète à Origines, la nostalgie des commencements, l'auteur a fouillé, chaque fois plus précisément, les liens qui unissent l'inanimé des phénomènes cosmiques à la vie qui est apparue dans notre petit coin de système solaire. Dans Les Voies de la lumière, les habitués reconnaîtront quelques morceaux de bravoure des ouvrages précédents, comme la description de la mort inéluctable de notre Soleil ou le récit des premiers instants du cosmos.

Ils renoueront aussi avec le plaisir des phrases qui donnent le vertige. "L'Univers observable par l'homme a un rayon qui est deux millions de milliards de milliards de fois inférieur au rayon de l'Univers entier. Si ce dernier était ramené à la taille de la Terre, sa partie observable serait d'une dimension deux millions de fois inférieure à celle d'un proton." Astrophysicien américain, de culture française, Trinh Xuan Thuan sait, en bon vulgarisateur, que les nombres précis ne disent rien au grand public, qui préférera toujours la magie enfantine du "milliard de milliards" et la force d'évocation d'une comparaison. Il n'oublie pas que, pour s'adresser au non-initié, les formules mathématiques doivent s'effacer devant celles du langage. Ce bonheur d'expression permet de répondre avec pédagogie à des questions faussement simples : Pourquoi le ciel est-il bleu ? Comment apparaît un arc-en-ciel ? Comment fonctionne un laser ?

Dans ce genre d'ouvrage, il y a aussi des passages imposés, comme le long début consacré à l'histoire des sciences. L'auteur rend passionnants ces chapitres, où la lumière s'avère un guide particulièrement pertinent. Elle jette un nouveau jour sur des génies reconnus, comme Isaac Newton ou James Clerck Maxwell. Elle sort de l'ombre des figures moins familières au grand public, comme l'Arabe Alhazen, le Hollandais Christiaan Huygens ou le Britannique Thomas Young. D'un personnage à l'autre, d'une avancée à la suivante, dans toutes sortes de disciplines, l'histoire de la lumière est aussi une autre facette de ce grand mouvement de la connaissance qui a bousculé l'homme du centre de l'Univers. Après avoir longtemps cru que c'était l'œil qui éclairait le monde, en y projetant son feu, les savants ont démontré que cet organe si perfectionné n'était pas un émetteur, mais un récepteur. Et que le voyage devait être poursuivi jusque dans le cerveau qui décrypte les signaux lumineux.

Dans ce parcours, on croisera nombre d'astronomes éminents, comme Johannes Kepler. Le volumineux ouvrage de Trinh Xuan Thuan est aussi un hommage aux bienfaits que leur dispense la lumière, en leur permettant d'accéder à l'histoire de l'Univers, de comprendre le mouvement des galaxies, de décrypter la composition des astres. "La lumière est ma compagne", écrit l'astrophysicien, qui ne cache pas son approche bouddhiste de la nature. De cette fréquentation quotidienne des rayons lumineux, il tire ainsi la sagesse d'un assentiment au monde, qui n'étouffe pas un sentiment de colère contre ce que l'homme est en train de faire du sien.

 

les voies de la mystique ou l’accÉs au non-accÉs

Lilian Silburn

Edition  LES DEUX OCÉANS

 1993.

Ce qui est nommé « Dieu » dans ces textes peut aussi bien tromper le croyant que celui qui se veut « athée ». Au seuil de ce royaume toute croyance – positive ou négative – est comme le pont aux ânes qu’il faut d’abord franchir et qui pourrait s’appeler justement l’« idolâtrie ».


L’adoration des formes et des mots figeant en concepts pétrifiées une réalité essentiellement fluide : tel le roi Midas qui changeait en or tout ce qu’il touchait, le Moi et son appareil intellectuel réifie et sépare arbitrairement tout ce qu’il appréhende de l’unité mouvante des phénomènes.


Aussi le langage mystique n’est-il pas désignation objectivante, mais évocation signifiante pour celui qui en possède déjà le sens, fût-ce en germe. C’est à lui que parle le mystique expérimenté ; ainsi il porte témoignage qu’il est possible de vivre dans cette splendeur et qu’elle est véritablement la réalité.

 

Car si l’Expérience, à son aube, n’est pas reconnue comme telle, elle risque d’être rejetée dans les ténèbres extérieures d’interprétations réductionnistes, comme la pousse d’un arbre merveilleux qui s’étiole et étouffe sous les taillis stériles du parc où le jardinier n’a pas su la reconnaître.

 

 

Lilian Silburn (1908-1993), élève de Sylvain Lévi, Louis Renou, Paul Masson-Oursel, etc., fit sa carrière au CNRS et fut à plusieurs reprises, chargée de mission en Inde et au Cachemire. Sa thèse de doctorat ès lettres, soutenue en 1948 et intitulée : Instant et Cause. Le discontinu dans la pensée philosophique de l'Inde, mène une enquête singulière et affinée sur un fonds d'une vaste ampleur : Veda, Brâhmana, Upanishads, bouddhisme…Grâce à cette exploration elle avait déjà découvert une branche peu connue de l'hindouisme, le shivaïsme non-dualiste du Cachemire, qui enseigne une métaphysique subtile, reposant sur une expérience spirituelle de toute intensité, et elle allait désormais en traduire et en commenter les œuvres majeures : dix ouvrages, comportant pour la plupart tout un ensemble de textes, parurent ainsi peu à peu dans les Publications de l'Institut de Civilisation Indienne. Il faut leur ajouter un livre sur La Kundalini ou l'Énergie des profondeurs, paru aux éditions Les Deux Océans en 1983 (réimp. 1996), qui devait être traduit en anglais. Ne signalant ici que l'essentiel, notons la direction d'ouvrages collectifs, l'un sur le bouddhisme – Réed. : Aux Sources du Bouddhisme, Fayard, 1997 –, les autres étant les volumes de la série Hermès. Recherches sur l'expérience spirituelle, dont L. Silburn accepta d'assumer la direction à la mort de Jacques Masui en 1975.


Ce fut aux éditions Les Deux Océans, une « Nouvelle série », qui comporte quatre gros numéros. Le premier étant un ouvrage entièrement nouveau sur Les voies de la mystique, ou l'accès au Sans-accès d'après le Sivaïsme du Cachemire, des auteurs chrétiens, soufis et un maître du Tch'an, avec un hommage à J. Masui, 1981, 1993 ; le second la réédition d'un ancien numéro sur le vide, expérience spirituelle en Occident et en Orient, 1981, 1989 ; et chacun des deux autres, une reprise partielle de numéros anciens avec maints articles nouveaux : N°3. Le Maître spirituel selon les grandes traditions et d'après des témoignages contemporains, 1983 ; N°4. Tch'an.Zen. Racines et floraisons, 1985.


Si les ouvrages de L. Silburn publiés par l'ICI sont très érudits, ses contributions aux volumes d'Hermès, sans quitter la rigueur mais en un langage moins technique, se révèlent plus accessibles, plus vivantes. Et même, à la lecture de telle ou telle page, on peut deviner que c'est une expérience mystique personnelle qui lui a permis d'élucider textes bouddhiques et textes shivaïtes ésotériques.

 

le territoire du vide l’occident & le dÉsir du rivage

Alain  Corbin

Edition  Aubier

 1988

À l’aube du XVIIIème siècle, les colères imprévisibles de l’océan terrible, trace chaotique des catastrophes enfouies dans le passé des hommes, accentuent la répulsion inspirée par les grèves désertes et lugubres.
Nulle part, excepté dans l’œuvre de rares individus à la sensibilité prémonitoire, ne se disent l’admiration pour l’espace infini des flots, la délectation née de l’analyse visuelle de la substance ; nulle part ne s’exprime le désir d’affronter la puissance des vagues, de ressentir l’émouvante fraîcheur du sable.


C’est entre 1750 et 1840 que s’éveille puis se déploie le désir collectif du rivage. La plage alors s’intègre à la riche fantasmagorie des lisières, par lesquelles surgissent les périls et les enchantements ; elle se fait recours opposé à la pathologie urbaine. Au bord de la mer, mieux qu’ailleurs, l’individu trouve à se confronter aux éléments, à jouir de la sublimité du paysage, à lire la profondeur nouvelle du temps géologique.


Le long des grèves septentrionales, les vacuités palpitantes, l’alternance du flux et des reflux, le spectacle d’un peuple de « petits pêcheurs », simple, héroïque et redoutable, conduisent l’errance et la rêverie.

 

Dans le saisissement de l’immersion, qui mêle le plaisir et la douleur de la suffocation, s’élabore une façon neuve d’écouter et d’éprouver son corps…

  

L’ḖTONNEMENT PHILOSOPHIQUE – UNE HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE  -

  Jeanne  Hersch

Edition  Gallimard

 1993

L'étonnement est cette capacité qu'il y a à s'interroger sur une évidence aveuglante, c'est-à-dire qui nous empêche de voir et de comprendre le monde le plus immédiat. La première des évidences est qu'il y a de l'être, qu'il existe matière et monde. De cette question apparemment toute simple est née voilà des siècles en Grèce un type de réflexion qui depuis lors n'a cessé de relancer la pensée : la philosophie.

L'histoire de cet étonnement, toujours repris, sans cesse à vif, continûment reformulé, Jeanne Hersch nous la raconte à partir de quelques philosophes occidentaux : les présocratiques, Socrate, Platon, Aristote, les épicuriens, les stoïciens, saint Augustin, Thomas d'Aquin, Descartes, Spinoza, Leibniz, Locke, Kant, Hegel, Comte, Marx, Freud, Bergson, Kierkegaard, Nietzsche, Husserl, Heidegger, Jaspers. Aussi cette histoire de la philosophie nous dit-elle, en réalité, comment la philosophie fut en tout temps, actuelle

L'Etonnement Philosophique" de Jeanne Hersch est de fait un ouvrage qui me semble tout indiqué pour commencer à défricher le terrain des réponses données à différentes époques aux questions existentielles du type : "Qui suis-je ?", "Où vais-je ?", "Dans quel état j'erre ?". Plus sérieusement, ce livre propose de pénétrer la vision du monde développée par différents philosophes et écoles philosophiques.

Ce n'est certes pas en 450 pages qu'on peut faire le tour de la question, mais lorsqu'on en est au stade de l'initiation, il faut reconnaître qu'il est inutile de se noyer sous des tonnes de littérature. Platon, Aristote, Descartes, Spinoza, Kant, Hegel, Marx, Nietzsche : le nom de quelques-uns des philosophes dont Jeanne Hersch expose la pensée, d'une manière qui me semble honnête et profonde avec un soucis de ne pas dénaturer leur propos qui apparaît dans les précisions et nuances qu'elle apporte tout au long du livre, ainsi que les éclaircissements sur les travestissements dont ont été selon elle victimes la pensée de chacun.

Ce livre s'oppose à d'autres qui attendent toujours sur ma table de chevet. Ici, on traite des philosophes et de leur pensée et on en lâche un pour passer au suivant qu'au moment où ses idées ont été épuisées. Une démarche bien différente de l'"Anti-manuel de Philosophie" de Michel Onfray qui propose plutôt un zapping des philosophes sur base de sujets de société.

Alors, au total, que retire-t-on du livre de Jeanne Hersch ? Ca dépend peut-être de ce qu'on était venu y chercher. Personnellement, je ne m'intéresserais à la philosophie que dans la mesure où elle pouvait se connecter à mon expérience vécue. A ce jeu, bien peu de philosophes exposés dans ce livre s'imposent à moi tant la majorité semble se préoccuper de théorie pure sans se soucier du rapport qu'elle entretient avec l'expérience de tous les jours. Seuls Socrate, St Thomas d’Aquin, Platon, Nietzsche, Socrate et dans une moindre mesure Kant et Bergson m'ont parlé. Mais là, ce n'est pas la faute de Jeanne Hersch, c'est peut-être la "faute" de la philosophie elle-même.

 

l’Être-temps

A. COMTE – SPONVILLE

Edition PUF

 1999

Qu’est-ce que le temps ? La succession du passé, du présent et de l’avenir. Mais le passé n’est pas, puisqu’il n’est plus. Ni l’avenir, puisqu’il n’est pas encore. Il ne reste donc que le présent, qui est l’unique temps réel.


C’est ce que j’ai voulu essayer de penser jusqu’au bout. Il en découle une métaphysique, qui est celle de l’être-temps. Et une éthique, qui est celle de l’acte.
Métaphysique du présent, et pour le présent : l’éternité, c’est maintenant.


Éthique du temps, et pour le nôtre : exister, c’est insister ; vivre, c’est résister.

 

le xxième siÈcle a commencÉ

Divers Auteurs

Edition ALBIN MICHEL

 1995

Nous avons voulu réunir nos amis écrivains. Ils ne sont certes pas tous là, mais nous avons toutefois reçu une quarantaine de réponses inspirées par le thème proposé qui n’était somme toute pas simple : il s’agissait de méditer sur la fin d’un temps et d’un millénaire, sur la métamorphose explosive de l’humanité, sur son devenir et aussi, bien sûr, sur la fameuse assertion de MALRAUX au sujet du XXIème siècle qui devrait être spirituel ou n’être pas. Évitant les généralités, chacun a donné le meilleur de sa vision et de sa réflexion. Vous en jugerez : le résultat nous semble être une contribution utile pour penser et vivre cette fin de siècle.

 

Propos de :

 

 Marc de SMEDT, Michel FOURNIER, Jacques LACARRIÈRE, Jean-Paul CLÉBERT, Pierre CRÉPON, Gilles FARCET, Robert KEMPENICH, Olympia ALBERTI, Alain MAMOU-MANI, Christian BOIRON, Jacques SALOMÉ, Maud SAJOURNANT, Jacques CASTERMANE, Marie-Madeleine DAVY, Edgar MORIN, Bernard LEBLANC-HALMOS, Bernard MONTAUD, Jacqueline KELEN, Kenneth WHITE, Daniel GIRAUD, Patrice Van EERSEL, Jean-Paul GUETNY, Annick de SOUZENELLE, Maurice GLOTON, Jacques VIGNE, Paule SALOMON, Yvan AMAR, Ariane BUISSET, Jean-Marie PELT, Alessandro JODOROWSKI, Michel RANDOM, Michel CAZENAVE, Oliver GERMAIN-THOMAS, Rémy CHAUVIN, Zéno BIANU, Jean-Yves LE-LOUP, Serge SAUTREAU, Patrick CARRÉ, André VELTER, Louis PAUWELS.

 

L’ÉTERNEL  RIRE  DES  DIEUX –  Une histoire de fou

Ange  Duino

Edition  Signatura

 2010

Quel est ce rire qui, durant des millénaires, résonna dans les grottes, les temples, les forêts, les sources où « les dieux », élevant les Enfants de la Terre au rang d’immortels, « firent l’homme à leur image ». Ange Duino, nous invite à un voyage hors du temps à la rencontre de grands personnages mythiques : Amaterasu, Zoroastre, Héraklès, Héphaïstos, Merlin, Abraham, Noé… Tous évoquent ou illustrent, le rire des initiés, ce rire libérateur, signe de joie et d’accomplissement « propre aux êtres qui accèdent à l’Univers dynamique ».

 

L’auteur analyse les multiples prolongements de ce rire initiatique, qui a perduré jusqu’à nos jours. Liturgies, fêtes ou processions aux acteurs étranges, maintiennent ainsi le message du vrai sens de la vie, écho toujours vivant de « L’Eternel rire des dieux »

 

Le monde physique ne prend d’existence aux yeux du sacré qu’au moment où il est en contact avec lui. C’est le rôle de l’initiation, que de faire naître l’homme au monde du dynamisme, au cosmos dynamique.

 

C’est ainsi qu’il faut entendre le message de la chrétienté qui ne considère vivants, parmi les enfants de la terre, que ceux qui sont consacrés par le baptême.

Pour rencontrer la vraie vie, il est nécessaire de mourir pour renaître, de s’affranchir des illusions terrestres afin d’entrer en contact avec notre dimension cosmique et éternelle. Le dialogue de Jésus avec Nicomède dans l’Evangile de saint Jean est édifiant. Voilà les raisons pour lesquelles le rite de mort et de Renaissance est si répandu sur terre depuis la nuit des temps, et qu’il continue de représenter le cœur de la Tradition. Mais ce que l’on connaît moins dans ce rite universel, c’est la place du rire et de la joie qui apparaît comme étant, dès l’origine, intimement lié à la naissance du monde. L’auteur nous propose donc un grand voyage dans le temps, les mythes et les référents mythiques pour nous offrir un moments de bonheur en circulant parmi ces époques et personnages, tout en riant et en s’amusant, et cela fait du bien d’allier la bonne humeur à l’érudition.

 

Au sommaire de cet ouvrage l’auteur nous parle de :

 

Le rire et l’origine du monde – Zarathoustra – Amaterasu – Le papyrus de Leyde – Baubô et le sein maternel – Le rire des dieux homériques – Héphaïstos et ses difformités – Le rire d’Héraklès – L’oracle Trophonios et le rire de Luperques – Les Saturnales –Epiphanie et galette des rois – Origine des personnages qui provoquent le rire – Momos le fou de l’Olympe –Ulysse et Thersite – Début de la comédie en France – des Atellanes aux fous du Roi – Les Parasites – Les bouffons – Les Léchies chatouilleurs – Les fous, d’où viennent t-ils ? Bouffon, Fou du Roi et rire initiatique – Les confréries des fous – La fête des fous, ses couleurs, rouge et verte – les grelots et le sacré, sceptre ou marotte ? – Les rois temporaires et de substitutions – Le carnaval avec ses folies – Liens entre le carnaval et les Saturnales – Le rire d’Abraham et de Sarah – Le rire d’Isaac – Le rire pascal – Saint Augustin condamne la fête des fous – Sainte Nitouche, saint Pansard et d’autres saints pour rire – Le rire de Merlin – Saint Hilaire, l’hilare – La satanisation du rire – Les breuvages magiques – Le rire sardonique – La mort de Socrate – Moïse et l’écorce d’acacia – Les Haloà – Le rire de Déméter – La danse sacrée et païenne – les trois pas – Les fées et la danse – La réclusion – Le feu – Les déguisements et la nudité rituelle – Le dieu Bès, initiateur et bouffon – Pourquoi le roi Dagobert mettait sa culotte à l’envers ? – Chasses sauvages dans la forêt de la Sainte-Baume –Ronsard et La Mesnie Hellequin – Le rire libérateur d’énergie et harmonisateur de tensions – Le rire comme prise de distance – Mourir de rire – Rire ou sourire aux anges – Rire comme un bossu et fou-rire –Le rire libérateur –Rire jaune ou noir – Le fou dans le Tarot de Marseille –La pétanque provençale – La Vieille dans les rites agraires –Ricanements mortifères – Le rire rituel et l’origine des Fous par Pierre Gordon –

Un livre de bonheur à avoir dans sa biblio. 

 

l’Étincelle du divin

Bernard feillet

Edition DESCLÉE DE BROUWER

 2005

Si nous voulons comprendre l’évolution du monde contemporain sur la question de Dieu, il nous faut chercher en nous-mêmes les éléments de réponse en nous posant aussi la question de manière singulière. Laisser surgir nos interrogations en les confrontant non pas à ce que nous avons appris, mais à notre expérience. Et même plus radicalement ne pas vouloir répondre à la question « Qui es Dieu ? », mais nous mettre en cause dans la formulation de la question « Qui suis-je devant Dieu ? »


Nous serons ainsi conduits à ne jamais séparer la question de Dieu de l’homme qui se pose la question. Aussi le champ d’investigation est-il immense et pourtant limité par la relativité de la condition humaine. En définitive en posant la question de Dieu, c’est la question de l’homme que nous explorons.


Cette démarche représente une révolution dans l’univers des religions. Celles-ci partent toujours de Dieu pour définir l’homme. Le renversement est de partir de l’homme pour explorer l’émergence de l’homme vers le divin.

 

l’exÉcuteur sacrÉ

Hyam MACCOBY

Edition Du Cerf

 1999

Le sacrifice humain pratiqué rituellement par un peuple au moment d’une crise est censé le délivrer d’une culpabilité envers son Dieu, mais presque toujours le « sacrifice nécessaire » reproduit la culpabilité. L’exécuteur sacré, par la mort qu’il a donnée est voué à l’errance mais est protégé des dieux. L’exemple le plus célèbre est Caïn.

Le sacrifice humain n'a-t-il pas pris une place plus grande qu'on ne voudrait l'admettre dans l'histoire de la société occidentale et dans la formation de ses mythes ? Ne retrouve-t-on pas, derrière les récits associés à la fondation des nouvelles nations ou aux guerres qui ont rythmé leur évolution, l'ombre du sacrifice humain ? C'est ce qu'avance Hyam Maccoby. Le sacrifice humain, pratiqué rituellement par un peuple au moment d'une crise extrême, est censé le délivrer d'une culpabilité envers son dieu. Mais, presque toujours, le « sacrifice nécessaire » reproduit la culpabilité.

L'exécuteur sacré (dieu ou être humain), de par la mort qu'il a donnée à un autre être humain, se trouve en même temps maudit et sacré, voué à l'errance et protégé des dieux.Si l'exemple le plus célèbre de cette figure pour notre culture reste Caïn, l'analyse de H. Maccoby – portant sur les récits de l'Ancien Testament puis sur ceux du sacrifice de Jésus – nous introduit à une nouvelle compréhension de figures mythiques telles que Romulus, le dieu égyptien Set ou encore le Juif errant.

Elle nous permet aussi de mieux comprendre le phénomène du bouc émissaire, dont l'antisémitisme à travers lequel le monde moderne perpétue des types de sentiments nés de rituels antiques.

On y trouve également Jésus, Romulus, Seth et bien d’autres. Le phénomène du bouc émissaire y est développé.

Un très bon livre sur un sujet difficile et occulté par l’histoire officielle et manipulé par les autorités successives.

 

l’homme- dieu

Luc ferry

Edition  Grasset

 1996

Ce philosophe nous parle des problèmes actuels, la laïcisation de la société et l’émergence d’une nouvelle philosophie de l’homme. Le religieux perd du terrain et l’homme perd ses repères. Pour lui il y a deux solutions pour reprendre du terrain. L’humanisation du Divin et la divinisation de l’humain.

 

Très bon livre.

  

L’HOMME ENTRE CIEL ET TERRE

Josette M. Abel

Edition   Persée

2016

L’auteur reprend la célèbre triade Homme–Terre–Ciel sur laquelle travaillait déjà Confucius, en montrant comment l’être humain peut transcender la conscience collective fondée sur le matérialisme sans cesser pour autant d’assumer son rôle existentiel. Partant d’une conscience vibratoire de l’univers et des mécanismes humains, des lois d’évolution et de cause à effet, le lecteur retrouvera, avec sa dimension cosmique, le désir profond de conquérir sa verticalité sur les pas de quelques grands sages d’Orient et d’Occident, dans le respect de toutes les voies conduisant au Divin. À l’image de l’arbre également tendu entre Terre et Ciel, qui porte des fruits ou des fleurs, des feuilles ou seulement une ombre, l’Homme qui lui est souvent comparé à une nature profonde, une maturité, un niveau de conscience et des qualités énergétiques, lui permettant de préserver, voire de favoriser son épanouissement naturel.

 

Relativement peu explorée sur le plan scientifique, cette représentation du monde tient pourtant une place importante dans toutes les traditions philosophiques et spirituelles. Et la question se pose plus que jamais de savoir pourquoi, dans un univers fondé sur la bipolarité, il n’existerait pas une science initiatique et spirituelle comme il existe une science rationnelle et didactique… Une science permettant à l’Homme du XXIe siècle en mal de renouveau de participer à l’élaboration du futur plutôt que de la subir. Sur la Voie depuis près de 60 ans, Josette M. Abel s’est efforcée de transmettre cet éclairage à travers d’autres ouvrages, des articles, séminaires et entretiens individuels. Elle est aujourd’hui convaincue que, philosophiques ou religieuses, les différentes approches conduisent toutes à ce que certains auteurs ont joliment qualifié de « Ciel du ciel ».

 

TERRE HOMME CIEL : La notion de Qi est à l’origine de la Médecine Traditionnelle Chinoise. Toute forme d’énergie capable de manifester de la puissance ou de la force est appelée « Qi ». Cela peut être l’électricité, le magnétisme, la chaleur ou bien encore la lumière. Le Qi ne se limite donc pas à l’énergie qui circule dans le corps humain, mais peut être aussi utilisé pour désigner toute forme d’énergie, d’action ou d’état énergétique. Le terme Qi évoque donc un phénomène certes invisible, mais reposant sur une réalité matérielle qui n’a rien d’ésotérique aux yeux des Chinois. Le Qi est l’énergie, le souffle, la force naturelle qui emplit l’univers et relie les êtres entre eux. Depuis l’origine du Qi Gong, ses pratiquants se sont intéressés aux relations qui existent entre ces 3 forces et plus particulièrement des liens étroits qu’elles entretiennent avec sa santé et sa longévité.

 

L’homme d’après la tradition Chinoise est placé entre Ciel et Terre. Debout les bras dressés, il se trouve entre les 2 pôles d’un aimant. Ces courants traversant le corps de bas en haut et de haut en bas, devant et derrière ne sont rien d’autres que les méridiens d’acupuncture. Cette conception magnétique est fondamentale et de très grande importance pour la Médecine Chinoise et donc pour le Qi Gong. L’homme est en permanence traversé par des courants telluriques émanant de la Terre, de nature Yin. Il est constamment traversé par des courants cosmiques émanant du Ciel, de nature Yang. L’homme dispose donc d’une énergie inépuisable autour de lui qui vient renforcer sa propre énergie interne.

 

L’énergie de la Terre, est influencée et contrôlée par le Qi du Ciel. Ainsi par exemple trop de pluie fait déborder les rivières ou modifie leur cours. A l’inverse si elle vient à manquer, cela entraine alors la mort des végétaux. Là encore ces énergies doivent être équilibrées, sans quoi les éléments comme les tremblements de terre ou les éruptions volcaniques dont elle dispose, sont mis en œuvre pour rétablir l’équilibre de ses forces.

 

Capter l’énergie de la Terre … quelle étrange idée… Et pourtant nous reconnaissons bien volontiers les bienfaits de marcher pieds nus. Cela nous permet inconsciemment de décharger l’électricité statique et de se nourrir de l’énergie de la Terre. Le point d’acupuncture qui capte cette énergie se situe sous la plante de pied, et se nomme le point « Yong Quan ». Un autre point d’acupuncture permet également de capter cette énergie, il se nomme le point « Hui Yin » et se situe au périnée. Les 2 points Yong Quan et le point Hui Yin vont donc permettre à l’homme de se nourrir de l’énergie de la Terre.

 

L’énergie du Ciel, correspond à l’énergie céleste, elle est la plus importante des trois car elle représente les forces que les corps célestes exercent sur la Terre comme les rayonnements du soleil, la lumière de la lune et son champ de gravité ainsi que l’énergie qui émane des étoiles, aussi lointaines soient-elles. Lorsque l’énergie du Ciel se trouve perturbée au point de perdre son harmonie, elle dispose de différents éléments tels que la pluie, le vent, voire même tornades et tempêtes pour rétablir un équilibre harmonieux de ses énergies. L’énergie du Ciel est captée par un point se situant au sommet de notre tête. C’est le point « Bai Hui » qui veut dire « les 100 réunions » car l’ensemble des méridiens Yang se croisent à cet endroit tout comme tous les méridiens Yin se croisent au point Hui Yin.

 

L’énergie de l’homme : L’énergie de l’homme circule à l’intérieur du corps par des méridiens. Le long de ces méridiens se trouvent des points importants « Portes » qui, une fois ouvertes, peuvent capter des flux importants d’énergie, ce sont les points d’acupuncture. L’énergie circulant dans ses méridiens se recoupent tous dans un centre énergétique appelé « Dan Tien ». Le Dan Tien est un symbole très puissant en Qi Gong il est le carrefour du Qi et se situe dans le ventre à environ 3 cm sous le nombril. L’être humain fait corps avec l’Univers : c’est un Microcosme au sein du Macrocosme : il est une parcelle de l’Univers et porte en lui les mêmes caractéristiques. L’être humain doit donc se conformer aux lois de l’Univers. L’Univers est en évolution permanente, et cette évolution se fait par cycles. Dans la Nature, seul le changement est permanent : tout n’est que recommencement sans fin…

 

D’après la philosophie chinoise la vie a vu son origine dans le vide absolu : Le Wu Ji. Ce vide est la base de toute chose car tout y est possible. Dans ce vide absolu, coexiste un principe inhérent à ce vide : le Taï Ji, symbole du Yin et du Yang, le symbole phare de la civilisation chinoise. Toute vie provient de l’interaction entre ces 2 forces complémentaires mais opposées qu’est le Yin et le Yang. On dit qu’ils s’opposent mais cette opposition est relative puisque rien n’est totalement Yin ou totalement Yang. Toute chose n’est Yin ou Yang que par rapport à autre chose. Ying et Yang sont interdépendants : l’un ne peut exister sans l’autre Ils s’équilibrent mutuellement, se transforment. On ne peut par exemple définir la nuit sans faire référence au jour : le jour se transforme en nuit, et la nuit en jour, dans un processus constant de métamorphose. Le symbole du Yin et du Yang illustre bien l’interdépendance et l’interaction entre ces deux opposés complémentaires.  

 

l’homme face au fantastique

r. emmanuel

Edition  DERVY

 1990

Chaque jour il nous est accordé de voir des prodiges dans le monde, des miracles de la science. Nous sommes arrivés à un tournant de l’histoire qui devrait nous inciter à une mutation afin de nous mettre en accord avec la nouvelle qui se prépare.

 

Saint Paul a dit : « Le vieil homme doit mourir pour faire place à l’homme nouveau, à l’homme spirituel. » Voilà la mutation qui nous est demandée.


Le temps est venu de franchir les portes de l’inconnu, du fantastique. Pour cela, il nous faut connaître l’homme dans sa totalité car le vrai fantastique est dans l’homme lui-même ! L’étude des doctrines de la Grande Tradition Primordiale doit nous y aider.


Si l’Esprit meurt dans le monde, c’est parce que les hommes ne comprennent plus les grandes valeurs spirituelles. Concilier la raison, le cœur et l’Esprit, tel est le but de cet ouvrage.

Y sont développés :


 

L’Homme… face au Fantastique

La Plus Grande Bataille de tous les temps

Les Grandes Traditions spirituelles du Monde

L’Homme visible et invisible

La Nature, notre Grand Maître et la Science

Le Sens des Mots

Les Questions Essentielles

Le Miracle

Ego et Finalité

Le Mythe du Péché Originel

L’Origine des inégalités dans la Vie ?

L’Amour dans les choses

La Grande Affliction

L’Esprit et la Chair

La Corde pour remonter de l’Enfer

Les Graines de Sagesse

Qu’est-ce que l’Âme ?

Le coup de foudre

Le Libre du Pimender

Les Illusions

« L’Ignorance », source de tous les maux

Liberté et Esclavage

Améliorer ou réformer le monde

Le Drame religieux contemporain

Une curieuse pomme…. Symbolique

Le Mystère des formes-pensées

Les trois Chutes de l’homme

Les mystères du Langage

Les Pouvoirs des Vertus

La Lanterne des Sages

Puissance et Déclin de la Pensée humaine

Le Labyrinthe

La Mémoire de la Nature

L’Échiquier Magique

Qu’est-ce que la Mort ?

Quelques rébus mythiques

Le Destin

Merveilles et lacunes de la Science

Le fantastique dans la Bible et autres Écritures

Le Bonheur des Hommes ?... Un état d’âme…

Les Dieux Sauveurs intériorisés

Le Bonheur et l’argent

Le Fantastique et la Science profane

Le Bonheur est une épreuve

La Désintégration atomique et l’homme

Le Bonheur en Amour

Progrès et Liberté

La Fusion des âmes sœurs

Les Dualités Équilibrées

L’Amour Diabolique

La Véritable greffe du cœur

La Prière, cette grande méconnue

La Jeunesse

 

 

 

L’HOMME – INITIATIQUE

Roger Begey

Edition du Rocher

 1992 

L’initiation est la clef de la vie. Comme elle, elle est intemporelle par son essence même. Elle est aussi une chose beaucoup trop sérieuse pour être pris à la légère. Si dans une vision globale, le chemin initiatique est, essentiellement toujours le même, la modalité de son parcours doit être évolutif en fonction du pays, de la tradition et du modernisme actuel, l’adaptation doit en faire partie.

Le temps du caché, du secret pour le secret est révolu, à tous ceux qui ont soif de spiritualité vraie, il est temps de les aider en leur proposant un chemin fait d’humilité, de recherche, donner une méthodologie pour pouvoir accéder à sa propre réalisation.

Au sommaire de cet ouvrage :

L’appel - l’éveil - la rencontre du monde réel - la vie - retour aux sources - le Un et le multiple - L’union des polarités masculine et féminine - L’initiation - son intemporalité - le voyage sans fin - des obstacles et des épreuves - L’individualité et l’unité créatrice - la vanité - le pouvoir - la paresse - la sécheresse du cœur - la lâcheté - la volonté de perfection - Elitisme et prédestination - une voie pour tous les hommes et femmes qui ont le désir initiatique - les expériences historiques et le changement des formes - Vouloir en conscience - L’ère du Verseau - Ne pas détruire mais créer - Rassembler les énergies - vers une nouvelle forme initiatique - la conscience de la conscience de l’Univers - L’amour de la vie et aimer la vie - l’amour des autres - le respect de soi - la parcelle divine - le feu intérieur - l’équilibre et le centre énergétique - L’homme initiatique -

 

l’homme qui devint dieu

Gérald messadie

Edition R. LAFFONT

 1988

Un écrivain, catholique et croyant, relit les Évangiles canoniques. Il s’étonne de lacunes, de contradictions, d’invraisemblances. Il cherche plus d’informations dans ces Évangiles dits apocryphes, qui furent les égaux des canoniques jusqu’au Vème siècle. Puis dans l’Évangile retrouvé de Thomas. Puis encore dans les Manuscrits de la mer Morte, les travaux récents d’archéologie… Au fil des ans, il reconstitue une histoire de Jésus qui n’a été écrite nulle part, et c’est alors qu’il décide de l’écrire lui-même.


Où Jésus passa-t-il ses années de jeunesse ? Pourquoi son enseignement ressemble-t-il tant à celui des Esséniens ? Et pourquoi ne parle-t-il jamais de ceux-ci ? Pourquoi vraiment le Sanhédrin le condamna-t-il à mort ? Et pourquoi, impensable scandale, deux des juges du tribunal qui l’a condamné vont-ils réclamer son corps à Pilate ?


C’est à ces questions et à bien d’autres encore que répond le récit de Gérald Messadié. Le décor politique de la Palestine d’alors y est reconstitué dans sa dangereuse complexité, ainsi que les pressions intolérables de l’occupant romain. La vie quotidienne, la fermentation mystique, avec sa pullulation de messies, les intrigues qui divisent les Juifs, et le besoin explosif de renouveau que Jésus incarne en sont quelques-uns des grands traits.


Ce portrait inédit de Jésus et quelques-unes des conclusions de l’auteur sur certains points, notamment la Crucifixion, peuvent surprendre, voire dérouter. Le récit reste cependant toujours respectueux et l’auteur, lui, demeure croyant.

 

l’homme tridimensionnel corps – Âme - esprit

       Divers Auteurs

Edition Albin Michel

 1996

Un très bon livre sur ce sujet qui hante les hommes depuis l’antiquité. Partant du dualisme corps – âme. On se retrouve vite dans le ternaire avec l’esprit.

Un livre de réflexion avec des hypothèses séduisantes.

On constate que les hommes entretiennent premièrement leur corps, ensuite leur âme, mais leur esprit est complètement oublié. Le diable a changé les choses. Dieu dit : « esprit, âme et corps » et les hommes disent : « corps, âme et esprit ».

Mais que représentent ces trois éléments chez l’homme ? L’esprit de l’homme représente le siège de la conscience de Dieu ; c’est par son esprit que l’homme a la faculté de communiquer avec Dieu et de capter la présence divine. De même que nous cherchons à soigner le corps, prenons aussi soins de l’esprit ; et la nourriture de l’esprit est la parole de Dieu. En effet, l’esprit se nourrit de la parole, l’âme se nourrit de la prière, et le corps se nourrit de toute sorte de nourriture physique.

Matthieu 26 v 41 dit : « l’esprit est bien disposé mais la chair est faible ». Pour montrer l’importance de l’Esprit, la Bible déclare dans Ecclésiaste 10 v 9 que « l’esprit retourne à Dieu qui l’a donné », et selon Jean 19 v 30 « Jésus rendit l’esprit ». C’est donc l’esprit qui retourne à Dieu. De même, Job. 32 v 8 dit : « En réalité c’est l’esprit, le souffle du tout puissant qui donne l’intelligence à l’homme ». La seule chose que l’homme a d’important c’est l’esprit, c’est pourquoi la Bible déclare dans Gen.1 v 2 : « au commencement l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux ». Et selon Romains 8 v 16, « l’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ».

Ce dont l’Eglise de Dieu a besoin c’est d’un enseignement par révélation, en touchant les trois niveaux de l’homme pour qu’il soit complet. L’apôtre Paul a prêché aux Corinthiens des choses spirituelles, et il leur a dit « ajoutez à ce que je vous dis, la connaissance », et étant allé à Rome, il leur a aussi dit : « vous avez la connaissance mais à cela il faut ajouter l’Esprit ». Il n’est donc pas convenable d’enseigner la lettre sans l’Esprit, au risque de voir l’Eglise tomber dans la tiédeur. Les hommes vivent dans la loi parce qu’ils ne connaissent rien de l’Esprit. C’est dans l’Eglise qu’on trouve encore les sorciers, les pauvres, les gens qui ont peur, parce que l’Esprit ne les a pas encore touchés. C’est ainsi que les chrétiens attribuent tout au diable et le voient partout, alors qu’en vérité, le diable n’a rien créé et il n’a jamais été omniprésent.

   

LILIAN SILBURN -  UNE VIE MYSTIQUE

Jacqueline Chambron

Edition Almora

 2015

Ce livre présente la vie et l′oeuvre de Lilian Silburn (1908- 1993), une des plus grandes indianistes françaises, spécialiste du shivaïsme du Cachemire, du tantrisme et du bouddhisme. Philosophe de formation, directeur de recherches au CNRS, Lilian Silburn s′est très tôt tournée vers les philosophies orientales. Elle fut une des premières à faire connaître en Occident les écrits des philosophes mystiques cachemiriens. Elle fut aussi disciple d′un grand maître soufi indien, Radha Mohan Lal Adhauliya, auprès de qui elle fera de nombreux et longs séjours jusqu′à sa mort en 1966. Composé d′un grand nombre d′écrits personnels jamais publiés à ce jour, le livre nous présente le témoignage d′une expérience spirituelle et philosophique exceptionnelle. Il évoque aussi l′atmosphère de la vie qu′elle mena au Vésinet après la mort de son maître, vie simple, active, adonnée à ses travaux scientifiques. Entourée d′amis qu′attiraient sa personnalité et son efficience, Lilian Silburn s′attachait à leur faire découvrir, au sein du silence et des formes les plus variées de la vie ordinaire, la voie qui lui avait été révélée par son maître. Illustré par des photographies, l′ouvrage comporte des témoignages variés qui complètent le regard porté sur cette personnalité hors du commun, à la fois grand savant et grande mystique.

 

On peut dire que ceux qui s’intéressent à l’Inde – civilisation à bien des égards fascinante – sont de deux sortes. Les spécialistes du sous-continent (indianistes, sanskritistes, anthropologues, etc.) qui en font un objet d’étude scientifique et dont l’approche est objective, détachée. Et ceux, bien plus nombreux, qu’attire l’Inde spirituelle, qui espèrent y trouver une réponse à leur quête, et le maître, le guru, qui leur ouvrira les portes de la Vérité ultime. Ces deux catégories différentes (même s’il y a des « zones grises ») ne se mêlent pas. Or le cas de Lilian Silburn, dont le récit de la vie fait l’objet du livre de Jacqueline Chambron est précisément celui d’une personne qui a su, semble-t-il, mener de front, vivre, « exister » les deux approches de l’Inde que nous avons distinguées, avec autant de succès et de facilité, sans les mêler, mais en les faisant s’enrichir mutuellement. Elle a en outre donné à l’une d’elles, la « mystique », une présence sociale. En effet, chercheur indianiste ayant fait toute sa carrière au CNRS, elle a aussi cherché puis trouvé en Inde un maître spirituel qui lui a fait connaître une expérience mystique d’une intensité et profondeur exceptionnelles qui a complètement transformé sa vie sans qu’elle cesse pour autant d’être une indianiste de qualité généralement reconnue comme telle par ses pairs. Son cas mérite donc d’être présenté ici, car, outre son intérêt propre, il pose un double problème. Celui de la coexistence chez un même être de deux natures, pourrait-on dire, celle de chercheur et celle de mystique. Et celui que peut poser le fait que cette mystique exceptionnelle (dont plusieurs des collaborateurs des Archives ont connu l’existence ou l’ont approchée) resta ignorée de la plupart de ceux qui l’ont connue et même de ceux qui lui ont été longuement proches. Car ce double aspect de sa personnalité se retrouvait dans la vie courante, où elle était pour ceux qui la connaissaient une personne très gaie, ouverte, soucieuse des autres, prête à les aider, dont on savait qu’elle avait un accent spirituel important, mais sans avoir idée de la nature exceptionnelle de ce qu’elle avait connu et « vivait ». Pour eux, le livre de Chambron fut à cet égard une vraie découverte, un choc, même.

 

Ce livre – pour en venir à lui – est un document. Il décrit la vie de Lilian Silburn de son enfance à ses derniers jours (en 1993), mais aussi et principalement la relation spirituelle d’une nature existentielle profonde qui la lia toute sa vie à son guru, lui-même d’une sorte peu courante. C’est à la description de ce lien et à ce qu’il impliquait existentiellement qu’est pour l’essentiel consacré cet ouvrage qui, tout en décrivant sa vie, donne des extraits du journal qu’elle tenait à la demande de son guru, comme de leur correspondance, des notes personnelles et autres documents ainsi que des témoignages de diverses sortes.

 

Lilian Silburn est née à Paris en 1908 d’une mère française et d’un père britannique : elle avait les deux nationalités. Elle eut dès son enfance le sentiment de la grâce divine et des sortes d’extases, mais ce fut une enfant puis une adolescente active, enjouée, déjà bonne nageuse, bien intégrée dans le monde. Elle était aussi très indépendante, ayant le goût des grands espaces et de la solitude. Elle aurait voulu entrer en religion, mais ses parents s’y opposant, elle opta pour des études de philosophie (suivies de 1938 à 1948), pensant qu’elles l’aideraient à approcher la Vérité ultime à laquelle elle aspirait. Étudiante brillante, elle fut, à la Sorbonne, assez proche de Gaston Bachelard, mais elle s’orienta tôt vers la pensée de l’Inde, apprenant le sanskrit, le pâli (et même l’avestique) suivant l’enseignement de Louis Renou, de Paul Fouché et de Paul Masson-Oursel. Elle s’intéressa alors particulièrement au śivaïsme du Cachemire – et dès lors au tantrisme – choix original à cette époque où ces deux sujets étaient pratiquement ignorés de l’Université. Elle acheva ses études avec un diplôme de l’École Pratique des Hautes Études qui était une traduction annotée de la Śivarūtravimarśinī de Kṣemarāja, texte śivaite tantrique. En 1947, paraissait son étude sur le śivaisme du Cachemire et le tantrisme dans le premier volume de L’Inde classique. Elle rédigeait alors aussi, dans un domaine tout différent, sa thèse de doctorat, Instant et Cause, Le discontinu dans la pensée philosophique de l’Inde (parue seulement en 1955). Elle entra alors au CNRS où elle fit toute sa carrière d’indianiste. Qu’elle se soit attachée à l’étude du śivaisme cachemirien apparaît comme grandement justifié, car l’ensemble de ces textes (élaborés entre le viiie et le xive siècles de notre ère), représente certainement ce que l’Inde a produit de plus remarquable, de plus brillamment intelligent : on le sait maintenant depuis que, notamment sous l’impulsion d’Alexis Sanderson, professeur à Oxford, cette tradition dans ses diverses formes a été systématiquement étudiée. Ses travaux furent pionniers à cet égard.

 

Il faut ajouter ici que Lilian Silburn, qui semble avoir eu un talent inné de graphologue, avait élaboré avec son amie Anne-Marie Esnoul, collaboratrice de Louis Renou et enseignante de sanskrit à la Sorbonne, une étude des « types » fondée sur l’observation de la morphologie en liaison avec le caractère. Elle accumulait les observations dans ce domaine. On a pu la voir ainsi saisir intuitivement le caractère, la nature, d’une personne par la vue de ses traits, de son écriture, d’un de ses gestes, même. Noter cela ici n’est pas sans intérêt, car c’est un trait profond de sa nature et qui explique certains aspects ou moments de son comportement, dans ce cas, à la fois observateur et mystique. Désirant approfondir sa connaissance de cet ensemble de traditions qui allait être le sujet/l’objet de sa recherche pendant toute sa vie, Lilian Silburn part en mission d’étude en Inde en 1949 pour y travailler avec le swami Lakshman Joo (1907-1993), le dernier représentant de la tradition śivaite du Trika qu’exposa notamment ce maître exceptionnel que fut Abhinavagupta (fin xe - début xie s.). Elle se rendit auprès de ce swami, habitant dans des conditions difficiles non loin de son ashram. Elle devait par la suite y passer à divers moments de longs mois jusqu’en 1961 en étudiant avec lui notamment le Tantrāloka, d’Abhinavagupta, grand traité sanskrit qui est un texte de base pour la connaissance du śivaisme tantrique. Elle le traduisit entièrement. Mais elle espérait aussi, plus fondamentalement, trouver en Inde un maître spirituel qui lui ouvrirait une voie vers Dieu, au-delà de toute forme religieuse constituée. Elle la trouva dans la ville de Kanpur où elle alla sans aucune intention préméditée et même « à l’encontre de (ma) volonté » auprès d’un maître soufi Radha Mohan Lal Adhauliya – un Kayasth, un hindou, donc, pas un musulman (mais les Kayasth étaient traditionnellement au service de Moghols), initié dans une branche régionale de la lignée soufie Naksbandhiya par son père et par un « Grand Soufi », dont elle reconnut immédiatement la nature exceptionnelle et par qui elle allait vivre une expérience mystique transformante faisant d’elle désormais un être nouveau. Détail caractéristique, elle dit que ce qui la frappa alors, ce fut « l’extraordinaire écriture du Guru et de son frère et celle, merveilleuse du Soufi ».

 

Auprès de ces maîtres, elle tomba, dit-elle, dans « une simplicité de silence dont [elle] n’avait jamais rêvé », « toutes les structures sont tombées ». Mais, toute transformée qu’elle se sentît alors, elle n’en perdit pas son bon sens de chercheur et, en dépit de la confiance totale qu’elle avait dans le Guru, elle le mit pendant plusieurs jours à l’épreuve en le taquinant, plaisantant, épreuve dont il triompha grâce à son « profond sens de l’humour ». Mais, en même temps, elle vivait intérieurement ce que le guru lui avait donné. Le quittant après quelques jours, elle partit pour le Kumbh Mela, grand pèlerinage hindou qui se tenait alors à Hardwar, au bord du Gange ; elle y prit part. Mais, le troisième jour, perdue dans la forêt, elle ne voyait plus rien du Mela, car « une nouvelle vie commençait... ce jour, le vrai jour de [sa] naissance ». Ce matin-là, elle nagea au milieu du Gange dans le courant puissant irrésistible d’un torrent de montagne débouchant sur la plaine. Puis elle se laissa emporter par le courant étant dans un état mystique profond. Avec peine, elle sortit du fleuve à demi consciente. Pendant quinze jours et quinze nuits elle parcourut la forêt, dormant sous les arbres, mangeant ce qu’un sannyasi (un ascète) nu lui donnait, oubliant tout : « j’étais complètement ivre et à moitié perdue ». On ne peut pas rapporter ici le récit qu’elle fit de ces jours (et d’ailleurs de sa vie jusqu’alors) dans une conférence (p. 43-54) qu’elle fit peu après à la demande du guru devant un groupe de ses disciples. Elle y décrit – dans la mesure où cela peut se faire – les caractéristiques de l’état mystique où elle se trouve alors : une douceur délicieuse à la fois spirituelle et corporelle « mais qui n’est pas un état du monde », des coups au cœur « comme si les cavernes du cœur (hr̥dguha) étaient creuses et qu’une immense puissance les remplissait », « une félicité si excessive que je ne pouvais supporter plus d’une seconde ». À cette époque elle vivait parfois des états de « sommeil yogique » (yoganidra) où on ne dort pas, mais où on est sans conscience du monde. De tels états (et d’autres) sont décrits dans des extraits de son journal et dans sa correspondance avec le guru et avec quelques proches. Elle revint vers le guru qui lui fit vivre avec force et profondeur des états mystiques intenses, jours d’autant plus épuisants que ses conditions de vie à Kanpur étaient sommaires et très inconfortables. Elle rentra épuisée en France en juin 1951. Elle y rentra toutefois sans perdre contact avec le Guru, car elle conservait un lien spirituel constant avec lui : ils « communiquaient » même quand elle était en France, cela jusqu’à la mort du Guru en 1966. Ce lien existentiel permanent avec son guru – qu’elle « vivait », « existait » –, trait caractéristique de sa vie, est le thème même de ce livre et peut en faire l’intérêt dans le cadre de nos Archives.

 

Le guru, quant à lui, considérait Lilian comme la plus importante de ses disciples (la plus proche, peut-être) dont le rôle était désormais, à ses yeux, de faire connaître en France son enseignement. C’est un point sur lequel il revient souvent dans sa correspondance avec elle, de 1951 à 1966 dont des extraits sont donnés dans la section « Lilian et le guru 1950-1966 » (p. 69-198), qui en est la portion la plus intéressante. Elle l’est moins par ce qui nous est donné de la correspondance du guru (l’essentiel entre eux ne passait pas par lettres) qui est spirituellement assez conventionnel et mentionne beaucoup ses difficultés matérielles et ses graves problèmes de santé. Mais avant tout par la contribution de Lilian, faite d’extraits de sa correspondance avec le guru, avec des (spirituellement) proches ou des amis, mais surtout de son journal et de notes personnelles : cela forme un ensemble remarquablement intéressant sur les expériences comme sur la vie du mystique, qui a des moments de lumière incomparable, mais aussi de nuit et de désespoir. On a là, à mon sens – je ne suis pas mystique –, sur ce domaine un document d’une qualité rare, car rares sont, je crois, les mystiques capables de se voir vivre en tant que tels – et de le décrire lucidement. Signe parmi d’autres de cette attitude : sollicitée, en 1971 par deux chercheurs neurologues, Henrotte, du CNRS et Etéveneu, de l’INSERM, de laisser enregistrer ses ondes cérébrales dans un état mystique profond, elle s’y prêta, curieuse et amusée. Les résultats de l’expérience furent publiés dans La Recherche (« Les états de conscience modifiés volontairement ») en décembre 1972.

 

Ces traits se retrouvent, différemment, dans la section suivante du livre, « La vie au Vésinet ». Revenue en France en 1951 après son expérience transformante d’octobre 1950, Lilian Silburn s’attacha à réaliser la tâche que lui avait confiée son guru : faire connaître en France son enseignement. Elle donna l’initiation à quelques (rares) personnes qui en étaient « capables » – dont Chambron – et, sur un plan moins élevé, en réunissait d’autres, un petit groupe, chez elle, au Vésinet, une ou deux après-midi par semaine, avec en outre des rassemblements annuels (les bandhara) consacrés au guru dont la présence spirituelle est censée être alors spécialement présente, rassemblant un grand nombre de participants celui-ci croissant jusqu’à plusieurs douzaines (certains venant de province, de Marseille notamment où un petit groupe s’était formé autour d’un disciple de Lilian). Aux réunions de l’après-midi, des personnalités étrangères (Durkheim, Mgr Scrima...) participaient parfois. Cela jusqu’à son décès en 1993 (la pratique étant alors reprise jusqu’à nos jours, chez elle au Vésinet, par Chambron). Ainsi s’est créé, prenant une dimension sociale, en région parisienne, mais (avec quelques participants de province) non pas une secte, un mouvement spirituel assurant la présence en France de l’enseignement du guru de Kanpur avec ce que Lilian Siburn a pu lui apporter spirituellement. Cette transmission s’y fait « de cœur à cœur » par la présence spirituelle, silencieuse du maître, sans aucun rite, selon la tradition soufie. Voie directe d’accès à Dieu, celle-ci n’implique aucune référence, textuelle ou autre, à l’Inde, que certains participants actuels ne doivent d’ailleurs pas connaître. Tout cela est décrit, avec divers documents, dans cette section qui est illustrée de nombre de photographies, certaines en couleur montrant Lilian et ses proches au Vésinet ou ailleurs.

 

À partir de son retour en France, Lilian Silburn poursuit parallèlement son travail de chercheur au CNRS en rédigeant et publiant la traduction abondamment présentée et commentée de neuf textes sanskrits du śivaisme du Cachemire, allant du Paramārthasāra, de Abhinavagupta (1959) aux Spandakārikā (1990), avec un volume (Hymnes aux Kālī. La roue des Énergies divines) sur l’école « séquentielle » peu connue du Krama, tous parus dans la collection des « Publications de l’Institut de Civilisation Indienne de l’Université de Paris ». À la fin de sa vie, elle voulut faire paraître la traduction qu’elle avait faite avec le swami Lakshman Joo des chapitres 2 à 5 du Tantrāloka, sur les voies de la libération ; j’avais pour ma part traduit le chapitre et devais par la suite rédiger l’introduction et mettre au point l’ouvrage paru en 1995. Elle y travailla jusqu’à ses dernières semaines. Elle était alors toujours intellectuellement active, en même temps que d’une puissance spirituelle intense, mais on sentait, parfois vivement qu’elle était aussi, essentiellement, « ailleurs ». C’est en ce même état qu’elle fut présente trois semaines avant son décès à la grande réunion annuelle, le bhandara, de cette année-là recevant individuellement tous les participants – une action courageuse montrant sa fidélité à la mission que lui avait confiée son guru.

 

Pour ses traductions commentées, où le « commentaire » occupait généralement plus de place que le texte traduit, Lilian Silburn agissait évidemment en indianiste, sa maîtrise du sanskrit – dont le vocabulaire métaphysique et mystique est beaucoup plus riche que le nôtre – lui permettant de déchiffrer des textes souvent difficiles. Elle y utilisait toujours la terminologie même de ces textes en sanskrit, terminologie qui en était venue à être le mode d’expression de sa pensée scientifique – cela notamment pour décrire des états mystiques inévitablement présents dans des textes visant à acheminer les adeptes vers le salut. Mais pour ces états-là, c’est ce qu’elle devait à ce que son guru lui avait fait connaître qui nourrissait sa pensée et sa pénétration de la visée profonde du texte. Cela apparaît dans tout ce qu’elle a écrit, mais peut-être plus particulièrement dans sa présentation du Vijjñānabhairava parue en 1961. Cet extraordinaire texte du viiie siècle, typiquement tantrique par le recours à tout ce qui de l’être humain relève du corps et de ses pulsions, expose 112 moyens, pour un yogin expert, d’atteindre directement l’Absolu notamment en laissant la place à une pulsion puis en la transcendant. Lilian Silburn les explique tous, puis, dans une longue « Postface », « Les cycles de la progression mystique », elle s’attache à montrer que ce texte laisse apparaître onze cycles. Cet ouvrage est la plus connue de ses œuvres. Plusieurs fois réédité, il a un certain impact : on le trouve utilisé par des hypnothérapeutes. Il a amené plusieurs personnes à Silburn. Il est actuellement traduit en Argentine où il est parfois utilisé dans des réunions spirituelles, les organisateurs étant en rapport avec Chambron. Un groupe d’une dizaine d’adeptes s’est également formé au Canada, à Ottawa : autres cas de la présence sociale de Silburn. Le livre s’achève par un chapitre, « La dimension mystique », composé de textes rédigés par Lilian Silburn sur divers thèmes, notamment sur le rôle du guru : une sorte de petit traité de la vie mystique. On a dans cet ouvrage, à l’occasion de la découverte d’une personnalité à bien des égards, exceptionnelle, un ensemble documentaire intéressant tant sur le phénomène mystique que sur la façon dont celui-ci peut être vécu et être socialement présent.

 

l’imagination symbolique

Gilbert durand

Edition  PUF

 1998

La symbolique se confond avec la démarche de la culture humaine tout entière. Dans l’irrémédiable déchirure entre la fugacité de l’image et la pérennité du sens que constitue le symbole, s’engouffre la totalité de la culture humaine, comme une médiation perpétuelle entre l’Espérance des hommes et leur condition temporelle. L’humanisme de demain, après Freud et Bachelard, ne peut plus se refermer sur une exclusive iconoclaste.

 

Gilbert Durand est l’un des précurseurs des recherches sur l’imaginaire. Il a forgé des outils pour étudier les configurations d’images propres à des créateurs individuels, des agents sociaux ou des catégories culturelles. Son œuvre sur les mythes et les symboles, qui convoquent de nombreuses disciplines, peut se lire comme une vaste entreprise de réhabilitation de l’imaginaire.

 

« Folle du logis » pour Blaise Pascal, « maîtresse d’erreur et de fausseté » pour René Descartes…, la liste est longue des anathèmes lancés contre l’imagination. Gilbert Durand est parti du constat suivant : depuis ses origines, la civilisation occidentale dévalorise l’image. Une longue tradition philosophique, pédagogique et scientifique s’est voulue iconoclaste (qui « détruit » les images, ou tout au moins s’en méfie). Très tôt, la procédure efficace de recherche de la vérité se fonde sur une logique binaire : la dialectique (Socrate, Platon puis Aristote). Ne pouvant se réduire à un argument « vrai » ou « faux », l’image, au nom de la raison, est dévalorisée comme incertaine et ambiguë. La scolastique médiévale (Thomas d’Aquin), les débuts de la physique moderne (Galilée, Descartes) et le rationalisme classique, l’empirisme factuel (David Hume, Isaac Newton), etc. excluent progressivement l’imaginaire des procédures intellectuelles, pour le confondre avec le fantasme, le rêve, l’irrationnel ou le délire. Scientisme, positivisme, historicisme dévaluent totalement la pensée symbolique, le raisonnement par similitude.

 

Pour G. Durand, l’imaginaire est le substrat de la vie mentale, une dimension constitutive de l’humanité. La puissance du rêve, la force du symbole, la maternité de l’image composent une espèce de « fantastique transcendantale » dont l’homme ne peut se passer sans se mutiler. Le philosophe grenoblois a insisté sur l’importance des perceptions physiques dans la formation des images mentales. Celles-ci ont deux pôles : un pôle biologique et un pôle incarné dans une culture, une langue, une civilisation. Le « trajet anthropologique », c’est le va-et-vient entre ces deux pôles, par lequel l’imaginaire existe. Il y a de l’imaginaire partout. Dans le rêve, la rêverie, les visions, les hallucinations. Sous des formes plus abouties dans les mythes, dans les diverses formes de création artistique. Il est présent dans les situations de la banalité quotidienne, de même que dans les opérations les plus rationnelles.

 

Car G. Durand estime que toute raison, quelle qu’elle soit, s’élabore toujours à partir du terreau de l’imaginaire… Il se distingue d’ailleurs ici de son maître et inspirateur Gaston Bachelard, le « philosophe de la rêverie », pour qui imaginaire et rationalité sont deux domaines antagonistes. Les images sont « le moule affectif représentatif des idées », c’est-à-dire qu’elles sont antérieures aux idées et non le contraire. G. Durand renforce le soupçon de Friedrich Nietzsche sur l’autonomie de la rationalité. Il conforte aussi l’intuition d’Emmanuel Kant pour qui la racine des activités cognitives de la sensibilité et de l’entendement pouvait déjà être nommée imagination créatrice. Des travaux n’ont-ils pas montré que l’imaginaire des savants détermine leur représentation de l’objet d’étude, donc leur méthode et leurs résultats? Par ailleurs, les sciences expérimentales, confrontées à de nouveaux objets insaisissables, n’ont-elles pas changé radicalement d’épistémologie, et inventé de nouveaux modèles qui n’hésitent pas à recourir au symbole, voire à se référer à certaines conceptions métaphysiques.

  

l’immensitÉ intÉrieure redÉcouvrir notre nature originelle

Douglas E. HARDING

Edition L’ORIGINEL

 2002

Nous ne sommes pas ce petit moi limité auquel la plupart du temps nous nous identifions. Nous sommes Espace Infini.


Il nous faut, conseille Douglas Harding, retourner notre regard vers nous-même et voir à partir de quoi nous regardons.


Il s’agit de remonter à ce point où nous disparaissons en tant qu’ego (apparence) pour renaître à notre véritable Moi, ou véritable nature, notre visage originel ; « Ce vrai visage, cette clarté, écrit D. HARDING, c’est le visage de l’Un.

 

Celui que nous sommes vraiment, vraiment. Ce visage est absolument immaculé, immortel. Il est impersonnel. Il ne porte aucune étiquette. »

La vocation de cette quête est d’englober à la fois la nature et l’immensité de l’univers, par l’immensité de l’esprit et du cœur.

 

l’individu – la mort – l’amour      Dans la GrḔce Antique

Jean-Pierre vernant

Edition GALLIMARD

 1996

Pour un Grec de l’Antiquité, qu’est-ce qu’être soi-même ? Comment se manifeste le caractère singulier des individus au cours de la vie et qu’en subsiste-t-il après la mort ? L’helléniste qui, comme tout autre anthropologue, se pose ces questions fait un constat paradoxal. La Grèce des cités a largement ouvert la voie au développement de l’individu dans la vie sociale ; pourtant l’être humain n’y apparaît pas encore comme une personne, au sens moderne, une conscience de soi dont le secret reste inaccessible à tout autre que le sujet lui-même. La religion civique n’a pas non plus doté chaque individu d’une âme immortelle qui prolongerait son identité dans l’au-delà. C’est que dans une société de face à face, une culture de la honte et de l’honneur où la compétition pour la gloire laisse peu de place au sens du devoir et ignore celui du péché, l’existence de chacun est sans cesse placée sous le regard d’autrui. Pour se connaître il faut contempler son image reflétée dans l’œil de son vis-à-vis. En un jeu de miroirs soi-même et l’autre, identité et altérité se répondent. Par des voies diverses, en variant l’éclairage, ces dix essais gravitent autour d’une même interrogation : comment faire un soi-même avec de l’autre ?

 

Jean-Pierre Vernant : Ce livre est  un recueil d’articles. Ce sont des articles qui ne sont pas très anciens. Je veux dire que ça représente, dans mon travail, ce à quoi je suis attaché depuis, disons, ces 10 dernières années. Comme il arrive, parfois - en tout cas comme il m’arrive, à moi, souvent - c’est en quelque sorte après coup que l’unité profonde de ces textes m’est apparue, au point que je me suis demandé si je ne répétais pas tout le temps la même chose en ayant l’air d’aborder des sujets les plus divers. « L’individu, la mort, l’amour », au fond, l’individu, c’est le problème qui est central, qui est par derrière et qui fait l’objet d’une dernière étude qui est, franchement alors, consacrée à ce problème et qui essaye de situer dans l’histoire de la Grèce classique et en la prolongeant, le problème de l’individu. Pourquoi, autour de cette question, la mort et l’amour, vont-elles intervenir ?

Le point central, c’est qu’il y a un paradoxe dans le monde grec. Il y a un paradoxe parce que c’est une société où l’individu apparaît, et apparaît assez vite, à la fois dans les formes politiques, dans le droit, dans le fait qu’il y a une vie privé, et que nous nous sentons, sur ce plan, en résonance avec eux. Mais, en même temps, c’est une culture tout à fait différente de la nôtre. C’est-à-dire, qu’il n’y a aucun sens du péché, il n’y a pas, non plus, le sentiment, de ce qu’on appelle, d’un moi intérieur, d’un sujet intime, d’un secret de la conscience de soi. Et, par conséquent, ce qui est fondamental, pour définir l’individu, c’est certainement son corps.

 

 Il n’y a pas d’individu sans un corps, sans un visage qui dit ce qu’il est, c’est son nom, ce sont ses différents statuts sociaux qui sont fondamentaux. Quand un héros se présente dans l’Iliade, il dit non seulement son nom mais il dit toute sa généalogie, donc on est tous là, et on est, d’une certaine façon, tous les statuts sociaux dans lesquels on est engagé. Mais comme c’est une culture qu’on a appelée culture de la honte et de l’honneur, c’est-à-dire où l’on est ce que l’autre voit de soi-même, pense de soi-même, où ce qui compte c’est de ne pas perdre la face, où l’on existe dans la mesure où autrui vous reconnaît et vous met à une certaine place et où, par conséquent, l’élément fondamental n’est pas d’accomplir son devoir, la notion de devoir n’est pas une notion qui est importante, mais d’acquérir du renom et de la gloire. On est donc, toujours, soit l’écho que vous renvoi la société de vous-même, soit ce que vous lisez de vous-même dans le regard de l’autre. Je m’étais intéressé à ce problème de l’autre, des formes que l’altérité avait revêtues en Grèce. J’ai publié un petit livre qui s’appelle « Figure de l’autre, en Grèce ancienne » et par conséquent je me suis aperçu que tous ces cheminements, que j’avais suivis, venaient converger dans ce problème de : qu’est-ce qu’être soi-même ? Qu’est-ce que l’identité ? Qu’est-ce qui fait qu’un Grec peut dire : Je suis celui-là, et non un autre ? Et s’il ne peut le dire qu’à travers le regard de l’autre, alors il est intéressant de voir comment, ce qui pour les Grecs constituent l’autre de l’homme, l’autre de l’homme sous la forme des Dieux, des visages des Dieux. Ces Dieux qui sont aussi des individus mais qui ont une singularité contrairement à notre conception de Dieu ? Ce n’est pas un Dieu qui est tout, qui est un absolu, ce sont des Dieux qui sont individualisés par leur nom et leur fonction.

 

Comment se joue le rapport entre l’individu humain et l’individu divin, d’une part ? Et d’autre part, la mort, les Grecs ont pensé la mort, ont réfléchi sur la mort, ont essayé de la figurer. La mort est un retour au chaos, pour eux. C’est l’horreur absolue, d’une certaine façon, donc, l’abolition de la singularité. On n’a plus de figure dans la mort. Eh bien, comment est-ce que le Grec peut affronter cela, dans le cadre d’une religion qui n’a pas élaboré l’idée que chaque individu a son âme immortelle qui est lui-même et qui par conséquent lui survivra ? Ça n’existe pas. Alors comment peut-on traverser cette espèce d’espace de chaos qui doit nous engloutir tous et qui distingue l’homme des Dieux ? Comment est-ce qu’on peut le traverser et tout de même avoir le sentiment que l’individualité va jouer son rôle ? Et, troisième point, l’Amour : toute une série de textes qui ont essayé de problématiser l’amour, comme aurait pu dire Foucault, comme il l’a dit, c’est-à-dire non seulement de le vivre mais d’essayer de réfléchir sur ce problème, ont insisté sur le fait que dans l’autre c’est soi-même qu’on aime, mais qu’on ne peut s’aimer, se chercher et tenter de se retrouver qu’à travers l’élan qui vous entraîne vers l’autre. Alors, là, toute une série de problèmes. Si je ne peux m’atteindre, dans ce qui fait mon individualité qu’à travers le désir que j’ai de l’autre et un désir qui ne peut jamais, ici-bas, être comblé, ça veut dire que je ne peux pas me retrouver moi-même et que par conséquent s’ouvre une espèce de fissure où viendra s’introduire, plus tard, l’idée que ça n’est pas dans l’autre, c’est ce qu’on ferra Plotin, c’est pas en recherchant mon image dans l’autre mais en recherchant à l’intérieur de moi-même par une ascèse spirituelle qui va être un souci de soi, comme disait encore Foucault, c’est par là, que je vais essayer de me retrouver.

 

Les hommes pensent, ou imaginent leurs Dieux à partir de leur propre expérience. Ce qui m’a paru intéressant, c’est que quand nous disons le corps, nous, nous avons toujours, par derrière, l’idée qu’il y a le corps et puis qu’il y a autre chose, qu’il y a l’âme. Et pour nous le divin est du côté de ce qu’on appellerait, entre guillemets, le spirituel. Mais précisément, au moins pour toute la période archaïque, pour tous les textes épiques, et au fond, je crois, on peut dire la première apparition dans nos textes poétiques d’un changement c’est chez Pindare lorsqu’il parle de la psuké en disant qu’elle n’est pas – la psuké c’est l’âme, nous la traduisons par l’âme - et bien entendu chez Homère ce n’est pas l’âme, les hommes n’en ont pas, ils deviennent des psukés, ils deviennent des fantômes. Ce que nous appelons âme c’est le fantôme, le simulacre du corps une fois qu’on est mort. Un simulacre qui est tout à fait semblable et qui en même temps est complètement vide. Alors, à partir de là, s’il n’y a pas d’opposition entre l’âme et le corps, qu’est-ce que c’est que le corps ? Qu’est-ce que c’est que le corps d’un héros Grec ? Qu’est-ce que c’est que le corps pour un Grec du Ve siècle ? Et en quoi les Dieux pourraient-ils exister s’ils n’avaient pas de corps ? Exister, et exister individuellement c’est avoir un corps et un nom. Sa singularité, son corps est impensable. Alors, le problème était d’essayer de cerner, je dis bien d’essayer, pourquoi ? Parce qu’évidemment il y a un paradoxe. Les Dieux ont un corps mais ce corps, et j’ai employé cette formule, j’ai dit qu’ils ont un sur-corps et nous un sous-corps. C’est-à-dire que le corps ce n’est pas seulement une planche anatomique ou des circuits physiologiques.

 

 Le corps pour les Grecs c’est une espèce à la fois de blason de ce que l’on est et en même temps, sous forme concrète, toutes les pulsions, toutes les forces et toutes les valeurs de beauté, de jeunesse, ou au contraire de décrépitude qui font qu’on est ce qu’on est. Alors, l’opposition est, sur ce plan, radicale entre le corps des Dieux qui est invisible mais qui est invisible parce qu’il est trop lumineux, par excès de splendeur, parce qu’il rayonne à ce point qu’on ne peut pas le regarder en face. Donc, le corps qui est le plus corps, par son rayonnement, sa juvénilité, la constance de ses valeurs, sa non- mortalité, ce corps-là vous ne pouvez pas le voir. Et le corps des humains, il est un sous corps, il est un reflet pâle et défraîchi et surtout soumis à toute sorte de vicissitudes au cours de la journée où l’on se fatigue, jamais on ne fait quelque chose sans éprouver la nécessité de réparer ses forces, c’est un corps qui s’use quotidiennement, et qui a travers la vie passe de la beauté, de la jeunesse, de la grâce à la décrépitude et à la faiblesse. Alors, l’opposition, c’est celle d’un sous-corps humain qui n’est pas vraiment corps et ce qu’il faudrait essayer d’obtenir ce que d’une certaine façon le héros essaye à travers sa vie d’obtenir grâce à la gloire c’est précisément quelque chose qui est semblable à ce sur-corps divin, à un rayonnement qui va continuer de génération en génération. Une identité qui ne serait pas soumise à la décrépitude, ni aux vicissitudes du temps. Voilà, ce que j’ai essayé de monter.

 

Les Dieux sont immortels mais, là aussi, avec peut-être quelques restrictions. D’abord, il y a un paradoxe de ce sur-corps. Dans la mesure où il est un sur-corps et où le seul corps que nous connaissions est le nôtre et que lui est au-dessus, il pointe, il se dirige vers quelque chose qui serait le non-corporel, l’au-delà du corporel, une espèce de corps qui n’en serait pas un. Autrement dit, on dit à la fois que les Dieux n’ont pas de sang, que les Dieux ne mangent pas, ne dorment pas mais toutes les descriptions, et Giulia Sissa le montre bien, chaque fois qu’on parle des Dieux ils sont à table comme les hommes, ils leur arrivent de saigner bien qu’ils n’aient pas de sang et ils ont quelquefois un appétit féroce bien qu’ils n’aient pas à manger parce que si on mange c’est justement parce que les forces s’épuisent. Il y a, donc, tous ces paradoxes. Et en particuliers, ce qui fait la valeur divine d’un certain corps, du corps divin, c’est l’intensité de son action. Les Dieux sont des puissances et des puissances qui dans le domaine précis où elles s’exercent sont parfaites. C’est l’accomplissement. Alors, il peut arriver que des Dieux soient mis, par d’autres Dieux ou en raison de fautes qu’ils ont pu commettre, dans un état qui les réduit à une sorte de statut de quasi mort. C’est-à-dire qu’ils ne vont plus se repaître d’ambroisie, ils ne vont plus festoyer dans le bonheur et la lumière avec les autres Dieux, on les met à part, à l’écart. Ils sont mis sur les marges. Et, dans cette espèce d’état, alors, ils sont comme s’ils étaient morts, ils ne peuvent plus agir. Ce qu’on exprimera en disant qu’ils sont enchaînés où qu’ils dorment. Les Dieux qui sont détrônés, quand ils ne sont pas envoyés dans le monde souterrain. Chronos est souvent représenté dormant et renflant. Ces Dieux qui en quelque sorte sont assoupis ne sont pas morts mais cette étonnante vitalité qui définit les corps divins est, chez eux, en quelque sorte mise entre parenthèses.

 

Le terme kalos thanatos, c’est un terme qui est employé. Oui. Il y a d’abord, les jeux. Les jeux comme les jeux olympiques. Dans ces jeux, le corps de l’athlète, c’est dit, aussi, dans les hymnes homériques, qui voit ces jeunes Grecs s’exercer, ou ces jeunes filles Grecques danser ne peut pas ne pas penser qu’ils sont beaux comme des immortels. Il y a des cas, les jeux, où le corps humains, dans sa jeunesse, dans sa fleur, on ne peut pas le voir sans justement être orienter au-delà même de ce qu’on voit, sans penser que cette lumière qui émane du corps du jeune, cette grâce est un rayon que les Dieux envoient. Le corps humain est comme le miroir qui reflète des valeurs et que ces valeurs ne s’incarnent que dans le sur-corps divin. De sorte que j’ai pu dire, eh ben non, pas du tout, les Grecs n’ont pas pensé que les Dieux avaient un corps comme les hommes, ils ont pensé, d’une certaine façon, l’inverse, à savoir que les hommes avaient un corps qui était une pâle imitation de celui des Dieux, pas le reflet de celui des Dieux. D’ailleurs il y a un cas, très particulier, de celui qui périt à la guerre, qui périt en affrontant l’adversaire au combat, comme dirait Achille, il y a deux choses : il y a le fait que ce qu’il a mis en jeu, c’est sa propre vie, sa psuké. Quelque chose qui, quand c’est perdu ne se retrouve pas et qui par la même est incommensurable au reste. Les richesses, le rang social, tout ça on peut le perdre et le retrouver, même la liberté, on peut être fait esclave et puis finalement redevenir un homme libre. Mais ça, c’est quelque chose de complètement différent. C’est soi-même, c’est son identité en tant qu’être vivant singulier, et vous le jouer, au cours de l’affrontement. Vous jouez tout, tout. Et, vous perdez tout quand vous périssez. Ou, plus exactement, en perdant tout, vous gagnez quelque chose qui est le fait que même pour l’adversaire, quand il voit le jeune guerrier qui a affronté la mort et qui était tombé sur le champ de bataille, alors il dit qu’en lui, panta cala tout est beau, tout sied, tout convient, tout est lumière sur le corps du guerrier qui est mort en pleine jeunesse. Et, ça, alors, c’est une façon pour ces hommes, qui sont peu de chose, qui sont des ondes, des feuilles, des songes qui passent, c’est une façon d’inscrire dans la mémoire collective, dans la pensée du groupe un nom, une carrière de vie, un exploit. Et cet exploit va briller exactement comme le corps divin. Ça, c’est la même mort.

 

Elle a cette face qu’est la belle mort. C’est-à-dire, le fait que si je peux l’affronter, de façon délibérée sur le champ de bataille, si je choisi cela, d’une certaine façon, une certaine beauté est déposée sur moi, à travers mon beau corps, à travers un certain type de funérailles, un traitement du cadavre que j’essaye aussi d’analyser. Mais en même temps qu’il y a cela, en même temps qu’il y a cette espèce -comment dire ?- de socialisation et même de glorification de la mort, la mort est digérée, la mort devient un moyen d’entrer dans un monde où la mort ne peut plus atteindre. En même temps qu’il y a ça, il y a aussi le contraire. C’est-à-dire, il y a le fait que la mort est perçue comme une chose absolument répugnante, épouvantable, comme un retour au chaos, à la décomposition du cadavre. Ça, c’est ce qu’en opposition à la belle mort du guerrier, dont les funérailles vont être célébrées, ce qu’on appelle l’outrage au cadavre. Il s’agit de priver l’adversaire de la belle mort en réduisant son corps et lui-même à être moins que rien, à n’être plus rien, ni personne, être défiguré, mangé par les bêtes ou se décomposer en grouillant de verres. Tout cela se trouve dans les textes, aussi. Alors, cette image-là, eh ben les Grecs la connaissent. Et, je crois, s’il n’y avait pas ce sentiment que, d’une certaine façon, la mort est la mise en cause de tout ce qui pour eux est beauté, éclat, appelant ça divin, ce que disais, tout à l’heure Veyne, s’ils n’avaient pas le sentiment que la mort est la négation de tout cela, eh bien, le système ne fonctionnerait pas. C’est parce que la mort est tout ça qu’il faut aussi qu’on arrive, y compris dans sa vie individuelle, à dépasser ce stade et inventer une belle mort. Les deux choses ne sont pas contradictoires, elles sont complémentaires. Et cette mort-là, cette mort horrible, sur le plan de la figuration, c’est évidemment la tête de Méduse, c’est la tête de Gorgones, c’est la monstruosité à l’état pur, c’est une face chaotique, une face d’horreur, et une face que si vous la regarder, et vous ne pouvez pas ne pas la regarder lorsqu’elle se trouve à proximité, vous l’aborder toujours de face, c’est une face qui vous réduit vous-même à être monstrueux et chaotique, à n’être plus rien.

 

Oui. Il s’agit bien d’un système d’éducation mais d’éducation conçue comme une série d’épreuves imposées aux jeunes, jusqu’au moment où il a atteint l’âge adulte, pour le, écoutez, il y a un terme qui serait très bon en français, c’est dresser. Puisque dresser c’est à la fois vous flanquer les racler, chaque fois que nécessaire, et vous faire tenir droit. Or, tout ce culte, toute cette série d’épreuves, est organisé autour d’une divinité qui est Artémis Orthia. Sa fonction est de faire tenir les gens, de les faire pousser droit. Alors, dressage, dressage institutionnaliser, et dressage qui a pour but de faire qu’entre la honte et la gloire, dans une période probatoire, où il est plutôt du côté de la honte, le jeune soit tout entier orienté vers une inspiration à être non seulement le meilleur, que tous ceux qui sont avec lui, que cette classe d’âge, mais même à l’emporter sur ceux qui lui font subir toute cette série d’humiliations qui sont absolument nécessaires dans cette période d’épreuves. Alors, entre la honte et la gloire, ici, le corps intervient, encore, parce que le jeune, sur son corps, doit en quelque sorte non seulement porter les marques de son indignité mais ces marques doivent faire partie de lui-même. Ses cheveux qui sont rasés, sa tête qui est rasée, alors que l’adulte Spartiate à de beaux cheveux long. Et dès qu’il a atteint l’éphébie il doit les laisser pousser long. Ses costumes, il n’a pas le droit de porter certain type de vêtements. Il doit être crasseux, il doit être sale, ou cméros ( ?), c’est le terme qui est employé. Il doit aller pieds nus. Il a tout une série non seulement de conduite mais de façon d’être corporelle qui vont le démarquer de l’homme adulte et qui vont le rapprocher de ces personnages que sont les Ilotes, qui sont des formes d’esclaves, ce ne sont pas des esclaves qu’on achète, ce sont des esclaves attachés à la terre et qui eux vont avoir les mêmes marques mais, si je peux dire, vont les porter congénitalement. C’est la nature de leur vilénie qui est, en quelque sorte, inscrite sur leur corps. Et tout le problème de ce dressage c’est de pousser les jeunes Lacédomiens qui vont constituer les véritables égos, les semblables, les citoyens, de se démarquer progressivement des Ilotes pour rentrer dans le chant où ils auront les cheveux longs, une tunique qui sera propre et ils auront aussi des armes qui sont des armes de l’Opite ( ?). C’est ça que j’ai voulu montrer. Cette tension entre l’honneur et gloire, cette période probatoire, cette humiliation qui est nécessaire à l’obtention des honneurs. Et, en même temps, comment tout ça s’inscrit sous le regard de l’autre ? Puisque c’est sur votre corps, sur votre visage, dans votre démarche, dans votre façon d’être habillé ou de porter des armes que vous indiquez ce que vous êtes.

 

Ce n’est pas une évolution. Je dirais que c’est ambiguïté, une sorte de tension. Et, cette tension, cette ambiguïté, est ou bien un Éros primordial ou bien une Éros qui est l’enfant d’Aphrodite qui par conséquent vient plus tard, ça a des enjeux. Des enjeux théologiques, entre guillemets, métaphysiques et anthropologiques. Si on a un Éros primordial, ça veut dire, et c’est la conception des Orphiques, que ce qui est le plus important c’est ce qu’il y a eu au début, un Éros qui, en lui-même, unifiait toutes les contradictions. C’est-à-dire que c’est le tout qui était donné au début. Et qu’ensuite lorsqu’apparaissent des individus singuliers, des Dieux singuliers, et puis ensuite les hommes, on a quelque chose qui est au contraire un mouvement de déclin. Autrement dit, l’individualité n’est pas une perfection, elle est un défaut. Elle est le fait qu’à un moment donné on est arraché à la totalité de l’un. Au contraire, dans la conception, qui est la conception traditionnelle, hésiodique, on part d’un état qui n’est pas Éros, qui est Chaos, qui est un état où rien n’est distinct et l’ordre, la beauté, la force, la puissance, vont apparaître au fur et à mesure que des divinités particulières, singulières, ayant des fonctions qui leur appartiennent en propre vont se dessiner. A ce moment-là, c’est l’individualité, le particularisme des puissances divines qui fait leur valeur. Ça a des conséquences considérables parce que ces deux courants n’ont jamais cessés d’exister. Est-ce que ce qu’il faut faire, comme le pense les Orphies, c’est le retour à l’un ? C’est-à-dire se perdre en se retrouvant par Dionysos, retrouver l’unité perdue ou, au contraire, est-ce que le monde tel qu’il est, est un monde où il y a des individus avec ce qu’ils ont de particuliers et c’est ça qui doit être maintenu ? C’est les enjeux. Alors, les problèmes de l’amour, et en particulier là où je l’ai pris, c’est le problème qui se joue entre ces deux termes.

 

Qu’est-ce que c’est que l’amour ? Qu’est-ce que c’est qu’aimer ? Alors, là, j’ai pris, surtout, chez Platon, parce que c’est chez lui que c’est le plus claire, parce qu’il a essayé de théoriser ça. En montrant à la fois, à travers l’histoire d’Aristophane, qui paraît très platonicienne, qui ne l’est pas, je crois, à savoir que nous étions d’abord des êtres très complets, un petit peu comme le Éros primordial, nous étions des êtres tout en rond, soit que nous avions un sexe masculin d’un côté et un autre de l’autre, nous avions quatre jambes, quatre bras, deux têtes, deux sexes et on nous a coupés en deux. Et alors, puisque nous sommes coupés en deux, nous vivons avec un effort pour rejoindre l’autre moitié qui nous correspond. Et, aimer c’est cela. C’est essayer de se retrouver, de retrouver la moitié qui faisait, à l’origine, de vous, un tout complet. Alors, je crois que Platon rejette tout à fait cette idée. Et que ce qu’il veut montrer c’est que d’abord, le thème aristophanesque est un faux retour l’unité, c’est purement corporel. Pour Platon l’affaire est un problème différent. Il s’agit à travers les yeux de l’autre, en s’y mirant, d’établir avec lui une espèce de flux érotique qui va dans les deux sens, et qui font que chez l’aimé, chez l’amant, d’ailleurs l’amant devient l’aimé dans ce jeu réciproque en miroir, les ailes poussent et que ce qu’on veut apercevoir, de soi-même et de l’aimé c’est en quelque sorte l’image divine qui est la sienne. C’est-à-dire ce qu’on cherche ça n’est pas de rejoindre sur un plan horizontal un autre soi-même comme dans un miroir, son double, c’est en regardant dans le miroir de l’autre ce qui fait qu’on est soi-même, c’est-à-dire qu’on a une âme, qui est une âme immortelle, qu’on a en nous quelque chose de divin. Le visage qui fait qu’on me mirant dans les yeux de l’autre je me retrouve c’est le visage en quelque sorte de la beauté divine. Et tout amour est cela.

 

Ce papier, qui est le dernier de ce recueil, qui, je crois, ramasse un peu les fils. D’abord je dirais que je ne l’aurais jamais écrit s’il n’y avait pas eu les trois volumes de Michel Foucault. C’est tout à fait claire, j’ai, là, une dette, je dois la dire, d’ailleurs, elle est évidente. Et, me posant le problème de l’individu et le posant un peu dans les termes où Louis Dumont avait abordé le problème lorsqu’il avait distingué deux façons, pour l’individu, de surgir dans une communauté humaine, dans un groupe humain, dans une culture. D’une part, un individu qui surgit en se retirant de tout ce qui est la vie mondaine, la vie ici-bas, la vie dans les relations sociales pour accéder à un autre plan qu’il appelait : l’individu hors du monde, et d’autre part ce qui me frappait c’est qu’en Grèce ce qu’on voyait surgir c’était un individu dans le monde. C’était, qu’il s’agisse des activités sacrificielles, des activités politiques, de la famille, qu’il s’agisse du droit, qu’il s’agisse des formes des transmissions des biens avec des formes d’héritages, des testaments, ce qu’on voit apparaître à un moment donné c’est quelque chose qui est un espace, une marge où l’individu, si je peux dire, n’est plus téléguidé, télécommandé par ses statuts sociaux, une marge d’initiative. Ça, c’est l’individu sur le plan, en quelque sorte, social. Comment se fait-il qu’en Grèce il y a eu ces espaces qui se soient dégagés ? Et, comment les définir ? Et puis, reprenant et, peut-être modifiant, en raison de la nature de ma recherche, ce que Foucault avait fait, quand il distinguait sens, j’ai indiqué qu’il y avait deux éléments. Le « sujet », ce que j’ai appelé le « sujet » et, ici, des problèmes de vocabulaires se posent, certainement, et d’autres part ce que j’ai appelé le « moi ». Alors, pourquoi le sujet ? Le « sujet » parce que ce qui m’a paru intéressant c’est la forme particulière que prend en Grèce l’énonciation du « e ». C’est-à-dire, au moment où nous avons des textes, des discours qui s’adressent en disant : « Je ». C’est la poésie lyrique.

 

C’est ce problème de la poésie lyrique et il m’a semblé qu’il était intéressant de voir après l’épopée qui chante la gloire du héros, jeune, mort, de voir apparaître une forme de poésie où ce qu’on chante ce sont ses émotions, ses désirs amoureux, ses regrets, et, après bien d’autres, j’ai indiqué le fait que ce « Je », ce sujet, était un sujet tout à fait différent de cette espèce d’effort de contrôle de soi. C’est un sujet qui est, en quelque sorte, livré aux vicissitudes du temps qui passe. Le temps est vu comme quelque chose qui vous conduit de façon inéluctable à la mort et on éprouve une espèce de sentiment douloureux, qu’on est dispersé sur les flots de ce temps et on exprime ça poétiquement. C’est-à-dire qu’on fait de son expérience subjective, un Topos littéraire, un modèle littéraire qui va être transmis, qu’on communique avec autrui en faisant de ce qui est subjectif, passif, douloureux, ou des espoirs qu’on peut avoir, ou du plaisir de l’amour, ou du regret de ce qu’on a perdu, un élément qui doit être transmis à autrui. Ça, c’est le « Je ». Et puis alors, il y a ce que j’ai appelé le « moi » et que j’ai appelé, aussi, la personne et peut-être ai-je eu tort, parce que la personne c’est à la fois les trois et les façons très différentes dont ces choses se construisent. Le « moi » c’est quoi ? C’est toutes les procédures à travers lesquelles on dirige son attention sur la façon dont on est soi-même non seulement pour s’auto-analyser mais pour se contrôler et pour se modifier. Cette façon d’avoir souci de soi et de se fabriquer soi-même par une série de techniques mentales qui apparaissent et qui peuvent être aussi bien l’examen de conscience que la remémoration de tous les faits de la journée, ou l’examen, par exemple de ses rêves nocturnes.

 

 Il y avait chez Foucault, une analyse tout à fait pertinente l’onirocritique grec. C’est-à-dire de ce travail qui a été fait dans une série de traités pour classer les différents rêves qu’on pouvait faire et voir leur signification. Cette signification est sociale, dans l’onirocritique, et elle a une vertu prémonitoire. Elle vous indique ce qui va vous arriver et si vous allez réussir ou échouer, si vous allez, dans une traversée que vous faites, gagner beaucoup d’argent ou n’en pas gagner etc. Or, ce qui est très intéressant, c’est de voir que, dans le moment qui représente le terme ultime de mon analyse, la différence, le moment où, dans des monastères, les jeunes moines viennent raconter leurs rêves à celui qui a leur responsabilité et la façon dont ce rêve est interprété. Il n’a plus ni signification sociale, ni signification prémonitoire. Le problème est de savoir si vous avez rêvé de cela est-ce que vous êtes pur ou non. Par exemple, vous avez fait un rêve, vous avez fait une émission nocturne, qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce que ça veut dire qu’il y a une partie de vous qui n’est pas encore transparente à la présence divine ou pas ? Et alors, il y a toute une casuistique qui n’a plus aucun rapport avec ce que faisait l’onirocritique grec. Casuistique pour savoir dans quelle mesure ce que vous avez vécu dans votre sommeil, intérieurement, sous forme d’images, de désir ou même de satisfaction érotique, ça signifie quelque chose pour ce que vous êtes, vous-même. Alors, là, il y a un changement qui m’apparaît comme un des révélateurs du dégagement de quelque chose qui est le moi intérieur, l’idée qu’il y a un monde, qui est le monde de la conscience de soi, et qu’il s’agit d’explorer intérieurement ou en parlant avec des directeurs de conscience et de mettre au point toutes le techniques à travers lesquelles ces replis de l’intériorité peuvent tout d’un coup être éclairés.

 

L’INFINI DANS LA PAUME DE LA MAIN

Mathieu RICARD et TRINH XUAN THUAN

Edition FAYARD/NIL

 2000

Du big-bang à l’éveil. Foi et raison peuvent-ils se réconciliés ?

 

Le dialogue d'un scientifique français devenu bouddhiste et d'un bouddhiste vietnamien devenu scientifique... La science et la spiritualité éclairent chacune à leur façon la vie des hommes : pourquoi, à défaut de se rejoindre, ne seraient-elles pas complémentaires ? Las, nous dit-on, la connaissance scientifique et la connaissance spirituelle sont trop étrangères l'une à l'autre pour que leur confrontation puisse être autre chose qu'un dialogue de sourds... C'est précisément à faire mentir cet antagonisme que s'attachent ici Matthieu Ricard et Trinh Xuan Thuan. Le champ des interrogations est vaste : Quelle est la nature du monde ? de l'Univers ? de la matière? du temps ? de la conscience ? Comment mener notre existence ? Comment vivre en société ? Comment marier science et éthique ? Quant aux réponses, le lecteur jugera si elles sont conformes aux idées qu'il se faisait par avance. Car au fil de ce dialogue passionné, animé par un sincère désir de compréhension réciproque, se produit l'inattendu : les oppositions s'estompent, les convergences se font jour, et l'on se prend à rêver d'un avenir où foi et raison seraient, enfin, durablement réconciliées.



Dans la lignée des rencontres de plus en plus fréquentes entre science et spiritualité, ce livre est le dialogue entre Matthieu Ricard, chercheur en biologie devenu moine bouddhiste (voir Le Moine et le Philosophe), et l'astrophysicien Trinh Xuan Thuan, né à Hanoï en 1948, auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation scientifique, dont Le Chaos et l'Harmonie. S'étant développés tous deux dans un climat d'effervescence intellectuelle, c'est avec ardeur et ouverture qu'ils comparent leurs points de vue sur le temps, la matière, la conscience, les rapports entre le corps et l'esprit, la méditation et l'action, la science et l'éthique.

 

Le cheminement dans le livre est orienté par l'énoncé, au début des dix-neuf chapitres et dans la table des matières, par des questions qui sous-tendent la pensée. Autres outils fort utiles au profane : un glossaire des mots scientifiques et un autre des termes bouddhistes. L'ensemble répond à une double intention : montrer comment le bouddhisme peut "offrir un cadre de pensée et d'action cohérent pour notre temps", et "situer la place de la science dans une conception plus vaste de la vie".

 

l’instant et l’ÉternitÉ et autres textes sur la tradition

Guido de giorgio

Edition Archè - Milan

 1987

Ce grand métaphysicien fut contemporain de R. Guénon et d’Evola, il vécut solitaire et entretint de solides amitiés avec R. Guénon, il collabora avec de nombreux journaux traitant de métaphysique et fut à la fois poète, pédagogue voyant (dans le sens intuition intellectuelle) et n’eut qu’un seul but : La cible suprême, l’inexprimable, le zéro métaphysique.

Né à San Lupo (province de Bénévent) en 1890, Guido de Giorgio fait des études de philosophie et présente un mémoire d’inspiration “orientaliste” à l’université de Naples. Très jeune encore, il part enseigner l’italien en Tunisie juste avant la Première Guerre mondiale. Sa rencontre avec des représentants de l’ésotérisme islamique, et notamment avec le soufi Kheireddine, sera décisive pour la suite de son itinéraire intellectuel et spirituel. Quelques années après la fin de la Grande Guerre, De Giorgio fait la connaissance de René Guénon à Paris, et plus précisément au Musée Guimet. Des liens d’amitié profonds et durables vont dès lors unir les deux hommes (De Giorgio sera reçu à Blois chez Guénon et celui-ci, dans leur correspondance qui se poursuivra jusqu’à la mort de Guénon, l’appelle « Cher monsieur et ami » ; cf. à ce sujet les 23 lettres de Guénon adressées à De Giorgio entre 1925 et 1930, lettres publiées dans le recueil L’Instant et l’éternité).

Vers la fin des années 20, De Giorgio collabore très occasionnellement aux revues Ur et Krur, dirigées par Evola, sans pour autant appartenir au “Groupe d’Ur”. Selon le témoignage d’Evola lui-même, il sera « l’animateur invisible » de la revue La Torre (10 numéros parus de janvier à juin 1930). Plus tard, De Giorgio donnera des articles au Diorama filosofico, feuille spéciale, dirigée par Evola, du quotidien Il Regime Fascista. Rebelle à la vie citadine et désireux de mener une existence ascétique et relativement solitaire, De Giorgio se retire vers le milieu des années 30 dans un presbytère abandonné des Alpes piémontaises, qu’il transforme en une espèce d'ermitage. C’est, semble-t-il, durant la Deuxième Guerre mondiale qu'il écrit son principal ouvrage, La Tradizione romana, parcouru d'un souffle peu commun et en qui certains ont vu un « extraordinaire essai d’apologétique contemporaine » (ce manuscrit, comme les autres manuscrits de De Giorgio — à l'exception de ceux restés totalement inédits ou perdus —, sera publié à titre posthume) .

En 1946, au lendemain de la défaite du fascisme, il compose un pamphlet contre le nouveau régime, La repubblica dei cialtroni (La république des goujats), qui ne trouvera pas d'éditeur. Enfin. en 1955. Mettant à profit son expérience d’enseignant (De Giorgio avait été professeur de lettres), il publie une étude sur La Fonction de l’école dans une perspective traditionnelle (L’instant et l’éternité). Guido de Giorgio meurt en 1957 près de Mondovi, dans le Piémont. Catholique assez singulier, qualifié par Piero Di Vona de « meilleur disciple italien de René Guénon », De Giorgio recourt souvent à une formulation typiquement soufie pour exprimer des vérités très chrétiennes. Il n’est sans doute pas exagéré de dire que c’est avec lui « que, par l’intermédiaire de Guénon, la vision islamique de l'absolu a fait sa première apparition en Italie » (Di Vona).

Son « fascisme sacré » largement utopique, appuyé sur une étude approfondie du symbolisme du faisceau et de la hache bipenne, doit mener au rétablissement de la Norme traditionnelle, « de l’équilibre hiérarchique entre la contemplation et l’action, l’intellect et la raison, l’esprit et le sentiment » (Di Vona) [2], sur la base de la primauté absolue de la contemplation et de la connaissance (De Giorgio étant, sur ce point précis, comme sur presque tous les autres, beaucoup plus proche de Guénon que d’Evola). Pour lui, les deux grandes déviations politiques sont le despotisme et le démocratisme, et il est évident que la simple comparaison de son « fascisme sacré » avec le fascisme mussolinien dévoile, par contraste, le caractère parodique de ce dernier. Selon De Giorgio, la seule chance de salut qui s’offre encore à l’Europe, c’est le retour conscient à l’universalité romaine, synthèse vivante de la tradition païenne et de la tradition chrétienne dont Dante a exprimé et transmis dans le poème sacré les valeurs et les significations initiatiques.

 

L’INTUITION                 -              Collection OASIS

JR. ROBERT

Edition BERGER Poche- Canada

 2000

Les intuitions sont-elles des messages du mental ou de l’âme ? Peut-on faire confiance à son intuition ? Peut-on la développer ? Ce livre montre comment employer l’imagination et la visualisation afin de développer son intuition.


Qu’est-ce que l’intuition précisément ? Certains la définissent comme une certitude, une conviction, une évidence, qui peut prendre la forme d’une sensation, d’un ressenti.

D’autres la perçoivent comme une petite voix, une sorte de sagesse intérieure. Les créatifs parlent d’inspiration. Pour les scientifiques, c’est l’ « Eurêka ! », la révélation, l’éclair de génie. Avoir du flair, faire appel à son instinct ou à son sixième sens, écouter son cœur…

Si vous posez la question autour de vous, vous obtiendrez autant de définitions que de personnes interrogées.

Définition de l’intuition : Pour comprendre ce qui se cache derrière ce mot mystérieux, ouvrons le dictionnaire. Etymologiquement, l’intuition vient des mots latins in (en, dans) et tueri (regarder attentivement, contempler). Intueri signifie donc l’acte de regarder attentivement à l’intérieur de soi, voir de l’intérieur. Dans le dictionnaire, l’intuition est définie comme une « connaissance soudaine, spontanée, indubitable », une « connaissance directe, immédiate de la vérité, sans recours au raisonnement, à l’expérience ». Elle désigne le pressentiment de ce qui est ou doit être, l’acte de percevoir ce qui nous est inconnu, sans pouvoir l’expliquer ou l’argumenter.

Que nous apprend cette définition ? D’après sa définition, l’intuition est un mode de connaissance indépendant de la raison. Elle ne provient pas d’un processus rationnel ou logique et n’est donc pas issue d’une réflexion, d’une analyse ou d’une déduction. L’intuition procède de façon immédiate et représente une forme de compréhension directe et spontanée, qui ne s’appuie ni sur l’expérience, ni sur des indices sensoriels. Il s’agit d’accéder à une connaissance qui provient de l’intérieur de nous, et non de l’extérieur. Les racines latines du mot prennent alors tout leur sens.


Ceci sous-entend que nous avons, en chacun de nous, des connaissances que nous recherchons généralement dans le monde qui nous entoure. Et l’intuition serait alors une voie d’accès à cette source d’informations souvent insoupçonnée. Ce précepte amérindien le résume joliment : La nature toute entière est contenue dans l’esprit d’un seul homme. Attiré par le reflet des apparences, il regarde du mauvais côté. Apprends à tourner tes yeux vers l’intérieur

Peut-on se fier à l’intuition ? Cette définition nous fournit également la réponse à une question que la plupart des gens se posent : Peut-on se fier à l’intuition ? La réponse est oui ! Par définition, une intuition est toujours juste. Elle est « indubitable » et atteint la vérité directement. Si votre intuition n’est pas juste, c’est que ce n’en est pas une. Il arrive généralement que nos émotions, nos jugements, nos interprétations entrent en jeu et se mêlent à nos perceptions intuitives. Ce que nous prenons alors pour des intuitions ne sont en fait que l’expression de nos peurs, de nos désirs, de nos a priori… Pour pouvoir se fier à notre intuition, nous devons donc la distinguer des perceptions provenant de nos émotions et de notre intellect.

La recherche scientifique, ainsi que le vécu que chacun peut avoir à un moment ou un autre, nous révèlent que l’intuition est une capacité que nous possédons tous, que nous pouvons en développer son usage par la pratique, et qu’elle nous permet d’accéder à une perception, à une connaissance plus directe. L’intuition ne serait-elle pas au fond une formidable voie d’exploration de nous-mêmes, et du monde

 

l’invention du monothÉisme aux origines du dieu unique

Jean SOLER

Edition De Fallois

 2002

Une première partie qui démontre comment les Hébreux sont passés du polythéisme à la conviction d’un Dieu unique. La seconde partie souligne les anomalies du monothéisme et ses contradictions dans le concept d’un Dieu universel et celui d’une ethnie ou d’un peuple dont il constituerait la principale marque identitaire.

 

Le monothéisme tel que nous le concevons, avec un Dieu unique qui était originellement celui d’Israël, est né tardivement, vers les VIe-Ve siècles avant notre ère, au sein du peuple hébreu. Cette évolution religieuse s’inscrit dans un contexte historique particulier : en 587 avant notre ère, le temple de Jérusalem est détruit par les troupes du roi babylonien Nabuchodonosor II. Certains Judéens* se trouvent en exil à Babylone, d’autres en Égypte, d’autres encore sont restés au pays. Il y a donc une grande dispersion territoriale, et on a pu se dire que le dieu d’Israël risquait de disparaître, tout comme la royauté de ce pays avait été anéantie. Mais curieusement, c’est de ce désastre que va jaillir l’idée monothéiste. En effet, les scribes exilés à Babylone vont réécrire l’histoire. Non, disent-ils, le peuple d’Israël n’a pas été anéanti par les armées des conquérants. C’est Yahvé lui-même qui a fait venir les Babyloniens en Judée – et qui les a donc instrumentalisés – pour sanctionner son peuple et surtout ses rois, lesquels n’ont pas respecté la vénération exclusive qui lui était due.

 

Car juste avant ces événements tragiques, sous le règne du roi Josias, vers 620 avant notre ère, on était passé du polythéisme à la monolâtrie : tout en admettant l’existence d’autres dieux que Yahvé, seule la vénération de ce dernier était jugée légitime. Il faut bien garder à l’esprit que de nombreux textes de la Bible ne nient pas l’existence d’autres dieux, comme le montre le Deutéronome (6, 14-15) : « Vous n’irez pas à la suite d’autres dieux, dieux des peuples qui seront autour de vous, car Yahvé, ton Seigneur, au milieu de toi, est un Dieu jaloux. » Yahvé devient alors le dieu Un, avant de devenir le Dieu unique, et le temple de Jérusalem est nettoyé des symboles d’autres divinités qui s’y trouvaient.

 

Par conséquent, lorsque l’exil et la destruction de Jérusalem se produisent, les scribes défendent l’idée qu’il s’agit d’une punition divine. Si Yahvé est capable d’infliger cette punition, d’utiliser les Babyloniens pour châtier son peuple, c’est qu’il est plus fort que les dieux des voisins. Des textes, par exemple dans la deuxième partie du livre d’Ésaïe (Deutero-Ésaïe*), se moquent d’eux : les divinités babyloniennes ne sont que des dieux faits de main d’homme, qui ne peuvent ni parler ni interférer dans le cours des événements, qui se brisent lorsqu’on les renverse, alors que Yahvé, lui, est un dieu invisible, transcendant, que l’on ne peut représenter. Peu à peu s’impose l’idée, pour les Israélites, que les dieux des autres nations sont de faux dieux, puisque Yahvé les surpasse en puissance : « Ils sacrifiaient à des démons qui ne sont pas Dieu », indique le Deutéronome (32, 17). C’est par là que la pensée a basculé vers le monothéisme : les autres dieux ne sont pas de vrais dieux mais des imposteurs, tandis que Yahvé est incomparable et, en ce sens, unique. Ce monothéisme devient en quelque sorte l’origine même du judaïsme – avant, on ne peut parler de judaïsme mais de religion israélite ou judéenne.

 

Le monothéisme est donc né en réaction à une catastrophe. Tout comme le christianisme, d’ailleurs, qui s’est constitué en réaction à la mort incompréhensible de Jésus : de cette mort, on fait une victoire, avec la Résurrection. Le monothéisme fut définitivement adopté par les israélites avant les IIIe-IIe siècles avant notre ère ! Ainsi, une communauté judéenne d’Éléphantine (une île dans le Nil au sud de l’Égypte), jusqu’au début du IVe siècle avant notre ère, vénérait Yahvé avec une déesse, Anat, et un troisième dieu, Ashim Béthel – un peu comme une triade divine. Ces gens n’avaient cure de la réforme religieuse en cours à Babylone et à Jérusalem : il y a toujours un décalage entre les réflexions des élites et la pratique religieuse du peuple. Au moment de la traduction de la Torah en grec (Pentateuque) au IIIe ou IIe siècle avant notre ère, on peut néanmoins dire que le judaïsme trouve son identité dans le monothéisme.

 

l’œil de la loi – histoire d’une mÉtaphore

Mickael stolleis

Edition MILLE ET UNE NUITS

 2006

« L’Œil de la Loi veille ».
Cet adage démodé résonne de significations contrastées : l’ironie, l’inquiétude apaisée, la menace. Ce dont il parle n’a cessé de se métamorphoser, passant de la théologie du Dieu omniscient à la question policière de la Surveillance.


L’érudition ici reconstitue la transformation du motif mythologique de l’Œil de Dieu en une formule politique : la Loi dotée d’un Œil qui ne dort jamais et voit tout. Des spéculations de l’Antiquité aux agencements constitutionnels de l’ère bourgeoise, puis aux pratiques des dictatures du XXème siècle, nous suivons un certain fil de la culture d’Occident.


Sensible à la vie des mises en scène, des emblèmes, des métaphores – jeux de langage qui donnent figure humaine au pouvoir –, Mickael STOLLEIS est de ceux qui savent frayer le passage entre les données de la représentation et l’histoire des formes juridiques.


Ce livre vient à son heure pour illustrer que l’histoire du droit est une histoire de migration des formules et des concepts. « L’Œil de la Loi » a statut de thématique en quelque sorte transfrontalière.
Loi divine, loi terrestre, la justice, l’arbre philosophique, l’Œil de Dieu, etc. 100 pages d’explication sur ces différences.

  

LOURDES: VILLE  INITIATIQUE

Étude  Hiérologique  par ÉMILE  GRILLOT  DE  GIVRY

Edition ARCHÉ  MILAN

 2009

Pour la troisième fois en un siècle, cet ouvrage devenu rare reparaît enfin, il est accompagné de 4 textes complémentaires : 2 de Grillot de Givry lui-même, 1 autre de Marcel Clavelle et le 4e très pertinent de René Guénon qui se penche sur le « remarquable article de M. Grillot de Givry, sur les lieux de pèlerinages ».

 

Il faut noter qu’en 1922, René Guénon prenant la direction du Voile d’Isis, n’avait souhaité garder comme collaborateurs de la revue destinée à devenir les Etudes Traditionnelles, que Grillot de Givry.


Lourdes conçu comme le premier volet d’un ensemble de huit « Villes initiatiques » se rapportant à une « géographie sacrée » expression que Grillot de Givry n’utilise pas, mais que René Guénon définira avec précision, lui assurant ainsi une propagation considérable.Cette étude, très riche en doctrine et en références traditionnelles catholiques tant au sens strict que dans leur dimension «universelle» ne se situe donc pas sur le plan exclusivement religieux : « d’emblée elle le transcende et se place sur celui du sacré et de l’ésotérisme »

Le domaine simplement chrétien est toujours replacé dans une perspective de l’unité transcendante des Traditions, sans que le contenu théologique chrétien ne soit jamais ni nié ni contredit. D’où résulte la reconnaissance implicite d’un ésotérisme chrétien, dont Louis Charbonneau-Lassay sera le premier à en faire état dans ses études de la revue Regnabit, environ 25 ans plus tard.

 

En annexe du texte sur Lourdes ville sacrée et de pèlerinage, on y trouve :

 

Deux articles sur la Foi et sur l’Esthétique, Marcel Clavelle parle des « Nobles voyageurs et de l’Hermite », René Guénon argumente sur les pèlerinages et les divers pérégrins qui y vont, dont les compagnons du Tour de France et autres qui se disent passant pour certains et voyageurs pour d’autres, il fait ainsi le parallèle avec la franc-maçonnerie et les voyages du compagnon. Grillot de Givry nous parle de ces pèlerinages, foyer de mysticisme populaire, enfin Jean Reyor fait le compte rendu de ces pèlerinages et de Lourdes dans les deux revues : Les Etudes Traditionnelles et le Symbolisme

 

LULLE - la lÉgende de raymond lulle

Jean ryeul

Edition CHAMPS ÉLYSÉES

 1965

Très belle biographie du docteur illuminé.


Y est développé sa légende et les 4 vertus qu’il pratiquait : AIMER – PRIER – AGIR et S’ENDORMIR en Dieu.

 

L’exemple de Raymond Lulle montre à quel point, vers la fin du XIIIe siècle, la philosophie pouvait être considérée non pas comme un hors-d’œuvre, mais comme une exigence impérative de la vie chrétienne. Raymond Lulle appartenait par sa naissance (il est né à Majorque en 1235) à cette partie du monde méditerranéen qui était en perpétuel contact avec le monde arabe ; il écrit en langue vulgaire des livres par centaines, et il est l’auteur de poèmes et d’ouvrages mystiques non moins que de l’Ars generalis. A partir de 1265, année où il eut une vision, le but unique de sa vie et de ses œuvres fut la conversion des infidèles. S’il entreprit ce vaste travail logique, connu sous le nom d’Ars generalis, s’il essaya de le répandre, de le rendre populaire, d’en faciliter le maniement au point de le réduire à un mécanisme, c’est que, comme autrefois les hommes du XIIe siècle, il utilisait le raisonnement à la défense de la foi. C’est pourquoi aussi, comme autrefois saint Anselme, il donne grande place à la raison, et « il entend prouver les articles de foi par des raisons nécessaires », soumettant d’ailleurs entièrement la philosophie aux buts de la théologie. C’est donc un pur dialecticien, et, bien qu’il ait les mêmes ambitions que Roger Bacon, il est tout à fait en dehors du courant des sciences de la nature.

 

En revanche, comme lui, il insiste sur la nécessité, pour les missionnaires, d’apprendre les langues orientales ; possédant lui-même la connaissance de la langue arabe, il réussit au Concile de Vienne, en 1311, à faire adopter la décision d’enseigner l’arabe et l’hébreu à la curie romaine et dans les grandes universités. Lui-même, il passe ses années à parcourir la chrétienté pour répandre ses idées ; en 1288, il enseigne à Paris son Ars generalis ; plus tard, en 1294, il soumet un plan de croisade au pape Célestin V, puis à Boniface VIII en 1295, à Philippe le Bel en 1298, à Clément V en 1302. En 1298 et en 1310, il séjourne à Paris pour combattre l’influence qu’y avait l’averroïsme. Plusieurs fois, il va en pays mahométan, en 1296 à Tunis, en 1306 à Bougie, où il retourna et où il est assassiné en 1315.

 

Dans ces conditions, on comprend le caractère pratique qu’il prétendit donner à son Ars generalis. Le problème qu’il veut résoudre est né d’Aristote. Celui-ci distingue les principes communs à toute science et les principes propres à chacune. Il s’agit de trouver « une science générale pour toutes les sciences, et telle que, dans ses principes généraux, soient contenus les principes de toutes les sciences particulières, comme le particulier dans l’universel ». Le Grand Art est donc la science suprême, d’où dépendent toutes les autres. Ce qui le distingue entièrement de la logique, c’est qu’il est un art d’invention et de découverte. Chez Aristote (chapitre final des Analytiques), les principes n’étaient pas fondés en démonstration, mais ils reposaient sur l’expérience et l’induction.

 

D’autre part, toute démonstration suppose que l’on a découvert le moyen terme, et il faut reconnaître que les préceptes donnés par Aristote pour cette découverte restent assez vagues. Raymond Lulle se vante de résoudre du même coup ces deux problèmes. Il part de cette idée que toute proposition se réduit à des termes, et que tous les termes complexes sont composés de termes simples. Si l’on suppose que l’on a dressé la liste de tous les termes simples ou principes, on obtiendra, en les combinant de toutes les manières possibles, toutes les vérités possibles. Ce principe de la combinaison, ébauchée par Aristote, est l’idée originale et essentielle apportée par Lulle. Les difficultés étaient de deux sortes : découvrir les termes simples et trouver une règle pour en déterminer les combinaisons.

 

Lulle a bien vu que ces termes devaient comprendre, outre des termes absolus, tels que bonté, sagesse, etc., des relations (telles que différence, contrariété) qui fussent comme les cadres des combinaisons, des questions qui sont comme les cadres de l’invention du moyen terme, des sujets desquels peuvent se dire les autres termes ; mais il y a beaucoup d’arbitraire dans le choix des neuf prédicats absolus, qui sont neuf attributs de Dieu, des neuf relations, des neuf questions, des neuf sujets, à quoi s’ajoutent neuf vertus et neuf vices. Sur le second point, il manque à Lulle le calcul des combinaisons, dont Leibniz devait se servir dans son De Arte combinatoria, pour résoudre le même problème.

 

LULLE LE LIVRE DE L’AMI ET DE L’AIMḖE

Traduction Patrick Gifreu

Edition  Orphée

 1994

Raymond LULLE (1232 -316). Noble, dissipé dans sa jeunesse, poète, théosophe, prédicateur et « bienheureux », le Catalan Ramon LLULL fut, en Europe, le premier à user de la langue vulgaire pour traiter de l’âme et des sciences, ou, comme dans ce livre incomparable – sinon aux grands poèmes religieux orientaux –, de Dieu et de sa créature en quête d’accomplissement. Le Livre de l’Ami et de l’Aimé élève ses 366 versets (au cœur d’un roman, Blanquerne), à la manière d’un escalier mystique, d’une pure et superbe architecture.

 

Les aphorismes du Livre de l’ami et de l’aimé ne suivent aucune organisation  thématique et présentent divers cours littéraires : dialogue, questionnement, description, définition, narration. Le thème central est la relation de l’homme religieux, l’ami, avec l’être transcendant, l’aimé, à la lumière du lien qui les unit, c’est-à-dire, l’amour. .L’art de Raymond, qui est inventive, démonstrative, contemplative et aussi ‘amative’, explique comment le processus de recherche de Dieu fonctionne techniquement : c’est pourquoi, une part importante du Livre de l’ami et de l’aimé est destinée à gloser le comportement des trois puissances de l’âme rationnelle (entendement, mémoire et volonté) durant le saut amoureux de la créature  créateur. Une autre section des versets propose des réflexions sur l’essence divine : les dignités, la Trinité, l’Incarnation, en se basant toujours sur la précision du langage de l’Art lullienne. L’opuscule présente donc, derrière une apparente dispersion de ses motifs littéraires, une solide structure de pensée et une stricte cohérence en ce qui concerne le sens de l’union mystique : l’intellect ouvre le chemin menant à la compréhension de Dieu, mais c’est la volonté aimante qui conduit l’ami, pour autant que sa mémoire soit bien fidèle à l’aimé.

 

Les aspects les plus connus du Livre de l’ami et de l’aimé sont ceux qui décrivent le rôle (toujours secondaire) des créatures (le soleil, les étoiles, les nuages, les oiseaux, les chemins...) dans l’encouragement de l’amour envers Dieu, et l’état émotif de l’âme amoureuse, tourmentée par le désir, l’oubli, la peine, la recherche, la nostalgie et les pleurs. C’est ici que l’œuvre de Lulle se fait l’écho de thèmes appartenant à la poésie amoureuse universelle, depuis le Cantique des cantiques jusqu’aux troubadours occitans, en suivant toujours la perspective particulière de l’élan vers ce qui est transcendant. Il n’est pas aisé de préciser les parallélismes avec la grande littérature mystique soufie ; de même, les possibles emprunts à la tradition judéo-chrétienne restent peu clairement définis. Les formulations que Raymond propose pour les anciens motifs de portée universelle sont de nature très personnelle.

 

lulle – le livre des mille  proverbes

Ramon lulle

Edition  DE LA MERCI

 2008

Le bienheureux Ramon Lulle naît à Majorque en 1232. Sa famille, de noblesse barcelonaise, a participé aux côtés du roi Jacques 1er à la reconquête de l’Isle où elle s’est installée définitivement. Il mène une vie dissipée jusqu’à l’âge de trente ans où il commence d’avoir des visions, se convertit et réforme sa vie.


Il devient prédicateur infatigable du catholicisme parmi les infidèles. Abandonnant famille et biens, il va en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle et à Rocamadour. Il se consacre à l’étude du latin, de l’arabe, de la philosophie ancienne et de la théologie chrétienne. Il se retire pour méditer et reçoit une « illumination divine » qui lui inspire son « art de trouver la vérité » et de réfuter les erreurs des infidèles. Cet événement fondamental pour comprendre la vie de Lulle lui vaut le titre de « Docteur illuminé ».

Son activité devient prodigieuse. En 1275, il obtient de l’infant Jacques (futur Jacques II de Majorque), dont il a été le sénéchal, l’autorisation et l’aide pour fonder un monastère. Ainsi, à Miramar (Majorque), treize moines franciscains étudient les langues orientales à des fins apologétiques et missionnaires.


Il parcourt les pays méditerranéens et africains, prêche en terre musulmane, rencontre papes et rois, se rend dans les grandes universités afin d’exposer ses théories, ses projets de fondation, de réformes et de croisades. Il écrit, étudie, professe et controverse surtout dans les universités de Montpellier, Naples et Paris.


En 1311, il participe au concile de Vienne-en-Dauphiné convoqué par Clément V et ses vues y sont partiellement reconnues. Malade, il continue de voyager, de prêcher et d’écrire. Après avoir été lapidé dans le port de Bougie, il meurt à Majorque en 1316.

On conserve deux cent quarante-trois de ses œuvres écrites en latin et en catalan. Dans cette immense production, LULLE embrasse des disciplines diverses : théologie, mystique, philosophie, sciences, roman, poésie, pédagogie et rhétorique. Son œuvre la plus importante est l’Ars Magna, écrite en latin, qui constitue le noyau de son système : une base logique mais de portée métaphysique capable d’être appliquée à toutes les sciences particulières.


Le Livres des Milles Proverbes n’a pas les qualités littéraires des romans, Blanquerne ou Félix, ni celles du Livre de l’Ami et de l’Aimé. Il n’en revêt pas moins une signification importante à nos yeux. En effet, le souci de divulgation ne pouvait trouver forme plus adéquate à son service que celle du proverbe. Un « proverbi » est une brève « preposició », c’est-à-dire, en catalan médiéval, l’énoncé d’un jugement ou d’une idée. À ce titre, il peut être « trouvé » ou « forgé ». Il peut prendre la forme d’une sentence, d’un aphorisme, d’une réflexion, d’un conseil, d’une instruction, d’une exhortation. « Ces Proverbes furent rédigés par Maître Raymond Lulle de Majorque, au retour d’Outremer, en l’an de notre Seigneur Dieu Jésus Christ 1302 ».


Le livre contient des sentences qui embrassent des domaines divers : théologie, philosophie, morale, vie sociale et vie pratique. Elles sont réparties en cinquante-deux chapitres, leur nombre par chapitre oscillant entre dix-sept et vingt-deux, avec une moyenne de vingt. Le nombre total de sentences s’élève à mille trente et un. Chaque chapitre est consacré à une vertu, une qualité morale ou une condition. Le début suit l’ordonnance d’une hiérarchie : De Dieu, De prélat, De prince, De sujet, etc. Les qualités de l’ouvrage sont la légèreté dans la concision.

 

LULLE - raymond lulle

    Hugues didier

Edition  DESCLÉE DE BROUWER

 2001

Philosophe et théologien laïque, Raymond Lulle (1232-1316) fut aussi romancier et poète dans sa langue maternelle, le catalan, qu’il illustra avec éclat. Soucieux de dialoguer avec les musulmans, il se fit arabisant et islamologue.

 

À la fois mystique et rationaliste, il chercha à mettre au point une véritable « machine à penser », l’Art, dans laquelle il convient de voir la source médiévale de notre ère, dominée par l’informatique et par le web. Profondément marqué par sa fidélité à Augustin et à François d’Assise, ainsi que par ses lectures musulmanes, il s’est aventuré à décrire la vie intime de la divinité, nous proposant un singulier Dieu pluriel, le seul dans doute adorable par une humanité qui, de jour en jour, se veut davantage pluraliste.

 

Raymond Lulle (Ramon Llull en catalan, Raimundus ou Raymundus Lullus en latin,) fut aussi un philosophe, poète, théologien, missionnaire, apologiste chrétien et romancier majorquin. Il naît vers 1232 à Majorque et meurt en 1315, probablement en mer, au large de son île natale. Écrivain mystique, les principes de sa philosophie sont inséparables de son projet de conversion des musulmans.

 

Il cherche à s'adresser à toutes les intelligences, chrétiennes ou non, dans la langue de ses interlocuteurs. Il opère par un jeu d'explications et de déductions, une combinaison des divers principes théologiques et philosophiques pour convaincre de la vérité chrétienne. Il a rencontré de vives oppositions avec les thomistes de l'ordre de Saint-Dominique qui ont obtenu temporairement une condamnation papale de ses écrits.

Considéré comme l'un des inventeurs du catalan littéraire, il est le premier à utiliser une langue néo-latine pour exprimer des connaissances philosophiques, scientifiques et techniques. Son œuvre en prose a constitué un important référent pour la fixation du catalan écrit standard. Malgré un certain hermétisme typique de son époque, Lulle nous reste proche par sa poésie qui fait de lui un des plus grands écrivains catalans. Son œuvre en vers répond au même projet didactique que son œuvre en prose. Connu en son temps sous les noms d'« Arabicus Christianus » (« Arabe chrétien »), de « Doctor Inspiratus » (« docteur inspiré »), « Doctor Illuminatus » (« docteur illuminé »), Lulle est entre autres, écrivain, missionnaire et théologien franciscain. C'est l'une des personnalités les plus importantes du Moyen Âge en théologie et en littérature. Il laisse une œuvre immense et variée, écrite en catalan, mais aussi en arabe et en latin. Certains de ses travaux, tels l'Artificium electionis personarum (1247-1283) ou De arte electionis (1299), décrivent des systèmes de vote redécouverts au xviiie siècle par Condorcet.

Alors que lui-même méprisait l'alchimie, un vaste corpus de textes alchimiques a été écrit sous son nom à partir du XIVe siècle. Le Testament de l'art chimique universel, imprimé à Cologne en 1566, serait apocryphe. Lulle rêvait de voir s'ouvrir dans toute la chrétienté des séminaires de missions lointaines. Ce fut ainsi qu'il obtint de son ancien maître, le roi de Majorque, la fondation à Miramar (Valldemossa10) d'un couvent franciscain où il enseigna pendant dix ans la langue arabe et la philosophie8. L'objectif de ce monastère était d'accueillir et de former des missionnaires pour christianiser les Arabes : leur enseigner les techniques et les méthodes pour vaincre la philosophie islamique et enseigner l'arabe11. Lulle se mit ensuite à parcourir l'Europe et à donner des conférences mais le plus souvent son exaltation le fit prendre pour un fou8. En 1285-1286, il séjourna à Rome où il écrivit son roman utopique Banquerna ainsi que Félix ou les Merveilles du monde8. Le projet reçut l'aval du pape Jean XXI — « Petrus Hispanus » et auteur des Summulæ logicales — dans sa bulle du 17 octobre 127612.

Il présenta au pape Nicolaus IV, successeur de Jean XXI, une demande pour organiser une nouvelle croisade sur les territoires dominés par les musulmans, mais le souverain pontife se montra sceptique13. En conséquence, Raymond Lulle décida d'entreprendre une croisade personnelle qui le mena en Europe (Allemagne, France et Italie), en Terre sainte, en Asie mineure et au Maghreb13. Son objectif était avant tout de convertir les musulmans et les juifs14 de ces régions du monde. Il se mit à prêcher aux portes des mosquées et des synagogues, où il ne fut pas toujours bien accueilli par les fidèles de ces lieux de culte.

Durant ses voyages, il écrivit de nombreuses œuvres pour démontrer ce qu'il considérait comme des erreurs des philosophes et des théologue des autres religions. En partant de propositions communes aux trois religions du Livre, il montrait par combinaison que d'autres propositions étaient ou n'étaient pas compatibles avec ces premiers prédicats. Ses interlocuteurs qui acceptaient une proposition en apparence inoffensive étaient obligés de se rendre à ses conclusions15. Il tenta également de fonder de nouveaux monastères catholiques dans les contrées qu'il visitait16.

En 1286, Raymond Lulle reçut le titre de professeur d'université — magister — de l'Université de Paris13, ville où il résida jusqu'en 1289. L'année suivante il voyagea à Rome pour soumettre aux autorités religieuses ses projets de réforme de l'Église. Une fois de plus, personne ne l'écouta à cause de ses demandes répétées de fonds pour entreprendre une croisade et convertir les infidèles de Terre sainte. En 1291, après un séjour à Montpellier, il se rendit à Gênes d'où il embarqua pour Tunis. Isolé au milieu de la ville arabe, il réussit tout de même à prêcher le christianisme avant d'être arrêté et expulsé vers Naples où il débarqua en 1293, et il reprit ses tournées d'apostolat sans réussir à obtenir du Saint-Siège l'ouverture des collèges de missionnaires qu'il demandait8.

Comme ses demandes n'étaient pas acceptées, il rejoignit en 1295 l'ordre franciscain de Rome, dans l'espoir qu'un moine saurait mieux convaincre les prélats qu'un simple laïc. Il fut accueilli dans le Tiers-Ordre franciscain, l'une des trois branches fondées par saint François d'Assise en 122317. En 1299, son ancien disciple Jacques II de Majorque, l'autorisa à prêcher dans les mosquées et les synagogues de son royaume13. Ce fut la première fois que Raymond Lulle put franchir le parvis d'un lieu de culte pour y exprimer ses idées.

De 1300 à 1302, il entreprit un voyage à Chypre où ses plans d'apostolat furent aussi mal accueillis qu'en Europe. Ses démarches, toujours vaines, le conduisirent des milieux universitaires de France à ceux d'Italie, et auprès du pape Clément V. Il comprit alors que toute aide lui serait refusée et s'embarqua pour Tunis en 13058. En 1305, Lulle proposa une seconde version de sa méthode pour récupérer la Terre sainte : le projet Rex Bellator qui se basait sur l'unification des ordres militaires sous la responsabilité d'un prince chrétien, célibataire ou veuf. La conquête aurait eu comme point de départ Almería, Grenade, l'Afrique du Nord et l'Égypte, sous la protection d'une flotte. Le rôle donné à Jacques II d'Aragon paraissait clair. Celui-ci venait de conquérir Murcie et y avait établi des contacts pour ouvrir un comptoir de la couronne d'Aragon à Alexandrie18.

En 1307, Raymond Lulle effectua son second voyage en Afrique du Nord pour prêcher. Lulle fut emprisonné durant six mois à Béjaïa avant d’être finalement expulsé. Son navire fit naufrage près de la ville de Pise en Italie4. Le moine fut l'un des rares survivants du naufrage et réussit à rejoindre la côte italienne après une dure lutte dans la tempête. Lulle fut béatifié et il est considéré comme saint en Catalogne.

 

l’univers est un rÊve

érik sablÉ

Edition  ZULMA

 2005

« Un jour Tcheou rêva qu’il était un papillon. Mais était-il Tcheou rêvant qu’il était un papillon ou bien un papillon rêvait qu’il était Tcheou…»


Et si la réalité du monde sensible qui nous entoure avait la fluidité, l’«incertitude» propre aux rêves ? Si l’univers était un rêve ?


En une quarantaine de textes courts et incisifs, Erik Sablé revisite cette éventualité. Rejoignant aussi bien des Orientaux comme Tchouang-Tseu, Ramakrishna ou Bouddha que quelques Occidentaux comme Calderon, Berkeley, Alexandra David-Neel ou même Jean Piaget…


Voici une belle défense et illustration du rêve dans un monde qui ne nous fait plus beaucoup rêver.

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