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Chapitre10   M - O  (Philosophie - Métaphysique - Grands Initiés - Mystiques - Spiritualité)

 

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 10 M

 

MAÏEUTIQUE et RÉMINISCENCE  -  SOCRATE et PLATON

Divers Auteurs

ARCADIA

 2009

Les termes de maïeutique et de réminiscence sont indissociables de la formule grecque qui était au fronton du temple d’Apollon à Delphes « Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les Dieux »
 

Ce terme de Maïeutique est extrait du dialogue de Socrate avec son élève dans le Théétète de Platon.

 

Sa racine grecque vient de maieusis et veut dire « accouchement » se référant au personnage de la mythologie grecque Maïa, responsable des accouchements. Avec  son système d’interrogation, Socrate obligeait son interlocuteur à aller chercher au fond de lui-même la réponse à la question posée, démontrant souvent que ce que l’on croit savoir, on ne le sait pas.

 

Egalement Socrate obligeait ses élèves à découvrir au fond de soi des vérités qu’ils ne soupçonnaient pas, il démontrait ainsi que la parole et le système de la maïeutique est créateur. De cette façon son élève en allant au fond de lui-même, petit à petit apprenait à se connaître ontologiquement, moralement et psychiquement, et ainsi se construisait.

Quant au terme de Réminiscence, Platon l’attribue toujours à Socrate et en parle dans 4 livres –le Théétète, le Menon, le Phédon et Phèdre –Pour Platon cette réminiscence est liée à l’âme de l’homme, sa racine est : anamnêsis, dérivant de àna qui signifie la remontée et de mnémè qui est le souvenir.

 

C’est donc « la remontée des souvenirs ». Tous ces souvenirs seraient stockés en nous, bien caché, et feraient parti de cette âme ou mémoire collective et universelle. Jung l’appelle inconscient collectif. Pour Platon cette Réminiscence permet la restauration de l’idée contemplée ou du souvenir ramené, d’un savoir maîtrisé. Dans le Phédon la réminiscence reconnue, permet par la dialectique d’établir la preuve de l’immortalité de l’âme.

 

René Guénon dans un article de Renaissance Traditionnelle, explique le terme « Connais-toi toi-même » avec ses ramifications à l’omphalos et à la Kaaba

 

Michel Jaccard nous fait revisiter Platon et ses diverses théories et fait le parallèle avec la Franc-maçonnerie

 

Francis Bardot expose l’initiation au sein de la Maçonnerie Régulière, voie de bonheur pour les hommes en quête de vérité, et c’est par la maïeutique et la réminiscence que l’homme se connaitra mieux, se changera et changera le monde

 

Gérard Wininger explique pourquoi l’homme est responsable de sa propre réalisation spirituelle. Il a un devoir de dépassement de soi et des autres: c’est l’ascèse maçonnique, c'est-à-dire, suivre la voie initiatique qui est « une ascension descendante au plus profond de soi, à la recherche de sa réalisation »

 

Didier Cruz dans Connaissance verticale et Connaissance horizontale sur le chemin du Franc-maçon, explique pourquoi le maçon doit sans cesse pratiquer le métier et ainsi participer au Grand Œuvre.

René Eloy dans son article Initiation et Universalité part de la phrase « Connais-toi toi-même et aime ton prochain comme toi-même » pour expliquer que si l’initiation est individuelle, on a besoin des autres pour se perfectionner dans une réalisation dans l’espace et le temps

 

Thomas Efthymiou remonte aux 7 sages présocratique que sont : Pittakos de Mytilène –Cléobule de Rhodes – Chilon de Sparte –Bias de Priène – Periandros de Corinthe – Solon d’Athènes et Thalès de Milet, qui seraient à l’origine de la phrase « Connais-toi toi-même » et parle longuement de Platon, de son parcours,  et du Timée qui est pour lui  la synthèse encyclopédique de la science de Platon et de l’hellénisme de l’époque.

M. H. Cassagne retrace l’allégorie de la caverne de Platon et fait le parallèle avec le chemin maçonnique. La libération des illusions est le terme central de cette allégorie autant que du maçon.

J. C. Tribout nous parle de la symbolique du miroir sur le chemin de la sagesse. Ce miroir révélateur de Dieu mais aussi de notre intériorité, nous invite à réfléchir sur notre démarche, car le symbole du miroir est intimement lié au symbole de la mort, de l’au-delà, de l’invisible.

 

Pierre Farvacque nous plonge au cœur de l’Evangile selon Thomas, Evangile gnostique qui en raison de ses textes mystiques et métaphysiques n’a pas été retenu comme écrit canonique, et  pourtant…..114 « logia » structure ce texte qui ne parle pas de Jésus, mais à la façon des Hindous, ne retient que l’essentiel : L’enseignement du Maître, et la quintessence de cet enseignement. A l’écoute du Christ, Thomas en a perçu le message, et c’est ainsi qu’il préconise que chacun de nous le vive dans son intériorité, car là est le véritable voyage spirituel, voyage transformateur et transfigurateur. Durant les 114 logia, la sève spirituelle coule comme un suc nourricier venu du fond des âges. Il faut chercher avec son mental mais croire avec son cœur.

 

MAÎTRE ECKHART

Benoît beyer de ryke

Edition ENTRELACS

 2004

Eckhart est né en Thuringe vers 1260. Il entre chez les dominicains d'Erfurt puis étudie à Cologne où règne encore le souvenir de saint Albert le Grand transmis par Thierry de Freiberg. Eckhart est appelé à de hautes charges dans l'Ordre  provincial, vicaire général. Il en est déchargé en 1311 pour pouvoir se consacrer à son activité intellectuelle à Paris, à Strasbourg puis à Cologne. Il enseigne, il prêche et il publie. Vers les années 1325 la doctrine d'Eckhart est suspectée par l'archevêque de Cologne. On ne doit pas sous-estimer dans cette affaire la rivalité, déjà de longue date, entre mendiants et séculiers, spécialement au sujet du privilège de l'exemption. Eckhart se défend contre de mauvaises interprétations de sa pensée ou même tout simplement contre des déformations de ses propos. En 1329, en Avignon, est enregistrée une bulle qui condamne dans les écrits d'Eckhart dix-sept propositions hérétiques et onze qui paraissent suspectes. Mais Maître Eckhart est déjà mort, probablement depuis 1327. Sa condamnation est ressentie comme une injustice chez les Prêcheurs et n'empêche nullement le rayonnement posthume des grands thèmes eckhartiens que ses disciples sauront mettre en valeur sans insister sur les paradoxes audacieux du Maître.

 

L'oeuvre latine d'Eckhart est très théorique, caparaçonnée d'un langage technique; elle comprend des commentaires des Sentences et de la Bible. Il s'y ajoute des sermons qui constituent la majeure partie de son oeuvre écrite en allemand. La pensée de Maître Eckhart est difficile, souvent exprimée en termes paradoxaux : elle a pu être infléchie en de nombreux sens (gnose, panthéisme, idéalisme...). C'est une mystique métaphysique à dominante platonicienne mais on a pu y détecter d'autres influences. Elle est une pensée sur l'être, qui, veut absolument, s'identifier à Dieu. De cette approche vient la fameuse distinction entre la Déité, et Dieu. En une dissociation purement intellectuelle Eckhart dit en effet que la Déité est l'essence divine, absolue, isolée, au-dessus de tout nom et parfaitement une. Dieu est cette Déité en tant qu'elle entre en rapport, d'abord dans la Trinité mais aussi dans la création. Ainsi " Dieu agit; la Déité n'agit pas ". En ce sens on peut dire, à la limite : " Dieu n'est Dieu que lorsque les créatures disent : Dieu. "

 

Le Verbe est l'idée parfaite de toutes les créatures possibles (exemplarisme). Ainsi toute créature est marquée d'une empreinte divine qui lui donne une noblesse incomparable, bien que Eckhart souligne l'infinie distance qui subsistera toujours entre le créé et l'incréé. Au plus profond de l'âme humaine (Grund) brille une lumière, une étincelle dont Eckhart va jusqu'à dire qu'elle est, quant à elle, " incréée et incréable ", formule qui fit grande difficulté parmi ses censeurs, on s'en doute. Eckhart ajoute ; " Là, le fond de Dieu est mien et mon fond est celui de Dieu. Là je vis de ce qui m'est propre, comme Dieu vit de ce qui lui est propre. " Le retour à Dieu, but de l'itinéraire spirituel, va se réaliser par une participation à la vie intime de Dieu jusqu'à ce fond divin car " l'âme est une avec Dieu et pas seulement unie " ; elle est de la " race de Dieu ".

 

Pour revenir à elle-même l'âme devra d'abord purifier ses propres " puissances ", en transcendant les images et les concepts, y compris, et la proposition a aussi été considérée comme audacieuse, en dépassant l'humanité du Christ puisque ce dernier est là pour nous montrer la route vers la Déité. Le chrétien doit aussi arriver au complet dépouillement et à la pauvreté spirituelle, au-delà de tout désir, même du bien, même de la récompense éternelle. Il doit se trouver anéanti, ébloui de sa pureté et admiratif " de sa propre beauté ". " Il faut avoir un coeur pur, car seul est pur celui qui a anéanti tout ce qui est créature. " Telle fut la Vierge Marie; telle est la tâche de l'humilité; tel est aussi l'amour chrétien. Aimer Dieu en tout être conduit à l'unité dans la charité par le rejet du moi et par l'action du Christ qui agit en tous. La pensée d'Eckhart, avec ses sentiers escarpés, va être reprise et en quelque sorte monnayée par ses disciples, qui éviteront de paraître s'éloigner de la doctrine traditionnelle. que " la nature est bonne et noble ". Il convient seulement de l'émonder, de laisser émerger ce noyau où Dieu a sa demeure, au prix de souffrances, d'obscurités, certes, mais elles conduisent à la "lumière essentielle".

 

Condamnées à l’époque par l’Église, ses thèses furent néanmoins répandues par ses deux principaux disciples, Jean TAULER et Henri SUSO. Par eux, la mystique rhénane ou allemande exerça une influence à l’échelle européenne. Il fallut toutefois attendre le XIXème siècle pour que soit redécouverte l’œuvre de Maître Eckhart lui-même, prélude à une série d’interprétations, sérieuses ou extravagantes, de sa doctrine. Aujourd’hui encore, Maître Eckhart suscite une indéniable fascination.

 

Une première partie qui traite de l’histoire, sa doctrine et sa postérité. Une deuxième partie traite de l’anthologie, de son œuvre.

 

MAÎTRE ECKHART - aphorismes & lÉgendes

Maître eckhart

Edition  PAYOT & RIVAGES

 2006

Voici Maître Eckhart à qui Dieu n’avait jamais rien caché. Bonne route, ô livre – en son nom, et puisses-tu éviter les esprits fermés.

 

A la manière des célèbres "Fragments des philosophes présocratiques", le titre " Aphorismes et légendes de Maître Eckhart" désigne un ensemble de fragments éparpillés dans diverses sources manuscrites. Ces "Fragments de Maître Eckhart" témoignent de l'immense popularité de cette prestigieuse figure mystique de l'Occident chrétien, qui a subi en son temps l'opprobre d'un procès en hérésie, parce qu'"il a voulu en savoir plus qu'il ne convenait". Cet ensemble de "dits", "paroles", "sentences" ou "aphorismes" (sprüche) a d'abord été édité par Franz Pfeiffer en 1857. Même s'il comporte peut-être aussi quelques éléments apocryphes, on peut dire que l'attribution à Maître Eckhart est relativement certaine, car son contenu recoupe en grande partie les enseignements de traités authentiques, tels que Les conseils spirituels ou La Divine Consolation, publiés chez Rivages en 2003 et en 2004, respectivement.


A propos du contenu : citons notamment le thème central du détachement (anéantissement, renoncement), mais aussi : la guérison de la souffrance par la naissance de Dieu dans l'âme, par la grâce, la prière et la méditation, ainsi que cinq propositions sur l'image de Dieu dans l'âme. Autres thèmes : l'être, l'amour, l'humanité, la douceur de l'amitié, l'équanimité dans les oeuvres, le peu d'importance accordé aux honneurs du monde, car elles ne sont qu'un accident de la vérité et un égarement pour la béatitude. Ces aphorismes sont suivis de quelques légendes attribuées à Maître Eckhart. On trouvera aussi dans ce livre quelques autres textes traduits pour la première fois, notamment: "Les aphorismes des douze maîtres" et "Les douze maîtres à Paris".


Cet ouvrage regroupe un ensemble de fragments eckhartiens éparpillés dans diverses sources manuscrites. Les aphorismes rapportent « ce que Maître ECKHART a dit », et les légendes « ce qu’on a dit de Maître Eckhart ».

Les thèmes du détachement, du néant divin, de la prière, de la guérison et l’importance de la joie font de ces aphorismes un excellent condensé de la spiritualité eckhartienne.

  

MAÎTRE ECKHART - CHEMINER AVEC MAÎTRE ECKHART – Au cœur de l’anthropologie Chrétienne

  Marie-Anne Vernier

Edition Artège

 2015

Cet ouvrage est une synthèse sur l'anthropologie chrétienne qui se fonde sur la christologie et la théologie trinitaire. En se fondant sur la pensée de maître Eckhart ou de Maxime le Confesseur, l'auteure montre en quoi cette approche constitue une chance pour l'homme contemporain. L’oeuvre de Maître Eckhart nous donne une liberté intérieure et transcendante qui peut nous conduire vers l’Unité

Maître Eckhart était un dominicain qui naquit vraisemblablement vers 1260 et mourût probablement vers 1328. Nous n’avons que peu d’indications sur sa naissance et sa mort, par contre il fut un retentissant prédicateur qui fut sanctionné le 27 mars 1329 par la Bulle In agro dominico afin de stopper la diffusion de ses idées à tout le peuple.

 

Il est l’auteur de nombreux sermons et traités ainsi que des commentaires de la bible, écrits en latin et en allemand. Ces textes sont après une étude minutieuse et une connaissance de la doctrine traditionnelle en parfait accord avec cette dernière, même s’ils sont à une certaine distance du Principe ils sont l’aboutissement que pourrait être un ésotérisme chrétien.

 

Nous pouvons donc sans ambiguïté indiquer que les écrits de Maître Eckhart sont à prendre en compte lorsque l’on chemine sur la voie de l’ésotérisme chrétien traditionnel. En occident, la tradition primordiale a pris la forme de la tradition chrétienne, qui est certes éloignée du Principe mais qui contient dans son cœur l’esprit de la tradition primordiale.

Les écrits de Maître Eckhart sont donc revêtus d’une enveloppe religieuse mais une lecture méditative permet à celui qui le peu de découvrir non pas un sens caché ou secret mais un sens profond qui permet à l’Esprit de s’ouvrir vers l’Absolu et dépasser les définitions engendrées par notre univers matérialiste et limité.

 

Nous découvrons à la lecture des écrits de Maître Eckhart une notion qui illumine toute son œuvre ; c’est la notion d’Unité qui est une des caractéristiques de la tradition primordiale. Dans le sermon « De l’homme noble » nous pouvons lire : « Il n’y a de distinction ni dans la nature divine ni dans les Personnes dans la mesure où elles sont unies dans la nature. », « dans l’Un seul on trouve Dieu ; et il faut que celui qui doit trouver Dieu devienne quelque chose d’Un. ». Cette notion d’Unité entraîne la distinction entre l’homme intérieur et l’homme extérieur, le premier attaché aux vérités du ciel ; le second préoccupé par l’activité terrestre. L’auteur nous confirme que c’est en se tournant vers le premier que l’on pourra atteindre l’Unité, le Centre ou l’Invariable milieu, désignations d’autres traditions.

 

Dans son sermon intitulé « Instruction pour la vie contemplative », nous pouvons lire que « C’est dans la mesure où l’homme se connaît lui-même qu’il peut en venir à la connaissance de Dieu ». C’est bien là un des fondements de la tradition où c’est par la connaissance de sa nature propre et de son enveloppe individuelle que l’homme, état humain, peut accéder à la connaissance de sa Personnalité c’est-à-dire du Soi, axe transcendant qui relie tous les états de l’Etre aussi bien dans le monde manifesté que dans le non manifesté (précisons, afin d’éviter toute confusion, que l’Etre peut être dépassé pour accéder au non-être), axe qui a sa source dans le Principe et qui fait actionner la roue qui nous entraîne inévitablement vers un retour vers le Principe.

 

Dans le premier sermon « De la naissance éternelle » Maître Eckhart nous indique que « la nature et la volonté de Dieu c’est d’être le commencement et la fin de toutes choses ». Dans le quatrième sermon de ce même sujet nous pouvons lire que « Si tu veux trouver en toi ce noble fils, il faut que tu abandonnes la multiplicité et reviennes à ton point de départ, le fond, d’où tu es venu. ». A cette notion de cycle se rajoute l’idée de la multiplicité comme opposition à l’unité et c’est bien celui qui dépasse la multiplicité qui pourra trouver l’Unité et donc retourner vers le Principe. Maître Eckhart évoque, dans le sermon « De la connaissance de Dieu », le thème du Premier Principe : « Alors se pose la question de savoir comment le Premier Principe tient donc tout enfermé en soi ? Je réponds ceci : Toutes choses sont – en forme finie – apparues dans le fleuve du temps, et sont pourtant – en forme – infinies – demeurées dans l’Eternité. Là elles sont Dieu en Dieu. ». Un peu plus loin, il précise sa pensée en indiquant que : « alors ressuscitent aussi en toutes choses, non en elles-mêmes, mais bien en celui qui les a transformées en lui. Là elles sont aussi spiritualisées, et il n’y a là qu’un esprit, et elles retournent avec l’esprit dans la source. »

 

La notion de Dieu, quelquefois intitulé Le Père, ne doit pas être enfermée dans un carcan défini, c’est d’ailleurs bien là le dépassement que doit insuffler toute démarche spirituelle traditionnelle, et donc non seulement à cette notion religieuse de Dieu créateur puisque dans le quatrième sermon évoqué plus haut, l’auteur affirme que « Dieu opère toutes ses œuvres, en lui comme en dehors de lui, en un instant. ». On retrouve bien là cette notion de connaissance intuitive et immédiate qui est la première révélation de celui qui marche sur le chemin de la tradition. Le Père engendre le fils ainsi Maître Eckhart nous permet de voir comment cette naissance peut être engendré en nous même, dans notre intérieur et uniquement là car nos possibilités ne peuvent venir de l’extérieur. Les textes bibliques prennent alors une nouvelle dimension et notamment la vie du Christ. Une dimension illimitée et intérieure qui ne peut être comprise que par une lecture « du cœur » de la bible. Pour pouvoir lire spirituellement la bible et réaliser cette lecture, qui est dans la tradition primordiale un des contenus de la Connaissance avec l’étude, Maître Eckhart donne des instructions spirituelles notamment avec le discours sur le discernement et celui sur le détachement. On retrouve bien là aussi les fondements révélés par d’autres textes orientaux, notamment védiques, qui confirment la démarche de Maître Eckhart dans la voie traditionnelle. L’étude de la connaissance ne suffit pas à trouver son unité, elle doit être réalisée afin que celui qui chemine trouve le Centre, son centre d’où émane l’Axe sacré.

 

Le chemin d’accès balisé par Maître Eckhart peut nous permettre en occident de nous approcher de la tradition primordiale. Nous n’avons donc nullement besoin de chercher ailleurs une autre forme de tradition que nous possédons surtout que le plus souvent cette tradition extérieure est déformée au point où l’on en arrive à faire croire que la notion de transcendance est absente des traditions orientales ou autres. C’est le contresens le plus fréquent car le rattachement est une autre notion clé de la spiritualité traditionnelle.

 

Nous ne pouvons reprendre toutes les notions contenues dans les écrits de Maître Eckhart car de très nombreuses pages seraient alors nécessaires. Dans notre monde où tout nous pousse à alimenter notre individualité par un matérialisme sans cesse insatisfait, la lecture des œuvres de Maître Eckhart nous donne une liberté intérieure et transcendante que nous ne pourrons jamais obtenir de l’extérieur. Là aussi en conformité avec la démarche traditionnelle, nous pouvons apprendre que nous possédons tous un fragment de la vérité que nous découvrirons si nous portons sur nous même un regard lucide et éclairé par la Lumière qui vient de la ténèbre.

 

MAÎTRE ECKHART  -  CONSEILS SPIRITUELS

Présenté par  W. Wackermagel

Edition Payot

 2003

Ce livre contient quelques sentences et conseils de ce grand mystique. Il nous parle de l’obéissance, de l’abandon de soi, du péché et de l’amour de Dieu.

 

Etrange destinée que celle de la pensée de Maître Eckhart. Elle a nourri, en son temps, l'expérience mystique rhéno-flamande à laquelle elle apportait l'appareil conceptuel, le logos, dont elle avait besoin pour faire entendre autre chose que son chant et toucher des esprits théologiques et métaphysiques que l'élan du cœur n'avait pas entièrement subjugués. Elle a exprimé cette part de raison hors des mots de la raison sans laquelle le pur vécu de l'illumination intérieure n'eût pu frayer sa voie dans le clair-obscur de l'entendement. Et il est hors de doute que, par l'intermédiaire de Suso et de Tauler, Eckhart joua, dans les milieux monastiques, le rôle d'un véritable maître spirituel : un maître qui ne se contentait pas d'enseigner mais qui apprenait à ses auditeurs à se découvrir eux-mêmes et à accéder à leur propre parole de vérité. Cette emprise profonde et fidèle sur les âmes dut se poursuivre dans l'ombre des cloîtres bien après la condamnation romaine de 1329. Les grands siècles rationalistes la tinrent en lisière mais ne l'étouffèrent pas.

 

Elle resurgit en plein cœur du romantisme allemand comme un irréductible noyau de lumineuse ténèbre, d'irrationalité transcendante et abyssale, auquel la réflexion philosophique et l'expérience spirituelle n'ont pas fini de se référer. Les textes ici rassemblés, outre des fragments de l'œuvre allemande d'Eckhart et de ses disciples, mettent en lumière la féconde actualité du métaphysicien, du théologien et du mystique que fut le maître rhénan. Elles se proposent comme un carrefour de disciplines et de cultures où l'Extrême-Orient, le judaïsme, l'islam sont amenés à exprimer leurs affinités - métaphysiques, spirituelles, éthiques et linguistiques avec la pensée d'un esprit profondément chrétien dont on pourrait dire que sa marginalisation historique a préservé toute la sève, la saveur et la flamme, et qui demeure comme une permanente puissance d'incitation à l'intériorité, jusqu'à la conjonction extatique de l'être et du néant

 

Quelques conseils spirituels de Maître Eckhart :

 

Là où finit la créature, là commence l’être de Dieu. Tout ce que Dieu te demande de la façon la plus pressante, c’est de sortir de toi-même dans la mesure où tu es la créature, et de laisser Dieu être Dieu en toi »

 A propos de la Trinité, du Père, du Fils et de l’Esprit : « Le Saint-Esprit émane des deux en demeurant en eux ; et le Père ne l’engendre pas, car il est une fin de la déité et de toutes les créatures, et Il demeure en Lui-même, là où réside le repos et le calme absolu pour tout ce qui a jamais acquis d’être. La fin dernière de l’être, ce sont les ténèbres ou l’inconnaissance de la déité cachée, qui fait briller la lumière, que les ténèbres n’ont pas comprises »

« Tout ton être doit devenir néant, dépasse tout être et tout néant ! Laisse le lieu, laisse le temps, et les images également ! Si tu vas par aucune voie sur le sentier étroit, tu parviendras jusqu’à l’empreinte du désert »

 Il y a dans l’âme quelque chose qui dépasse l’essence créée de l’âme, quelque chose que rien de créé ne touche, quelque chose qui n’est rien. L’ange lui-même ne l’a pas, lui dont l’être est si grand et si pur, il n’y touche même pas. C’est une parenté d’espèce divine, c’est Un en soi-même, cela n’a rien de commun avec quoi que ce soit. Et c’est là que bien des clercs se mettent à boiter

 

MAÎTRE ECKHART ET la mystique rhÉnane

J.A. hustache

Edition  SEUIL

 1980

Maître Eckhart et la mystique rhénane Si les mystiques sont ces hommes et ces femmes qui ont fait l'expérience de la présence de Dieu et qui tentent de la décrire dans le langage des hommes, alors Eckhart (vers 1260 - vers 1328) est assurément l'un des plus grands dans toute l'histoire de la mystique en Occident. Personne peut-être n'a parlé de Dieu comme lui. Ne l'a-t-il pas appelé un " Néant ", un " Surnéant ", pour exprimer l'idée que Dieu est ineffable, innommable, que tous les termes sont insuffisants pour dire ce qu'il est dans son essence ? Qui était Eckhart ?

 

Ce livre ne présente pas seulement la vie et l'oeuvre, avec des textes choisis. il retrace aussi tout le contexte intellectuel et social qui l'a précédé et soutenu (ou freiné) et la constellation de la mystique rhéno-flamande, avec des hommes comme Tauler, Suso, Ruysbroeck, et des femmes comme Mechtilde et Gertrude. Eckhart a été l'initiateur et la principale figure de cette mouvance spirituelle sans équivalent. Le livre est repris de la célèbre collection " Maîtres Spirituels ", avec une bibliographie actualisée

 

Maître Eckhart, sa vie, son œuvre, son temps, sa mystique, son enseignement, son procès.

La mystique rhénane avant et après M. Eckhart.

 

MAÎTRE ECKHART - INITIATION A MAÎTRE ECKHART

Kurt Ruh

Edition Cerf – Edition Universitaire de Fribourg 

 1997 

Théologien, prédicateur et mystique, Maître Eckhart compte parmi les figures les plus éminentes du Moyen Âge. Favorables ou hostiles, les sentiments qu’il a pu inspirer rendent compte de la sagesse et de la folie de notre existence.

 

Du fond des siècles s’offrent à nous les paroles du Maître avec toutes leurs sagesses mais aussi les difficultés à replacer ces paroles dans notre siècle en les interprétants avec notre métaphysique d’aujourd’hui.

Semblant d’abord proches de notre expérience personnelle, elles s’en éloignent subitement, nous apparaissent étonnamment étranges, puis soudain lumineuses, jamais atteignables. Par ces mots, Kurt Ruh caractérise notre rapport complexe au maître dominicain dont l’œuvre et la pensée sont présentées dans cette initiation, qui est le fruit d’une vie de recherche consacrée à la mystique européenne.

De fait, ce livre propose la première biographie intellectuelle complète du dominicain allemand, offrant à la fois un récit de sa vie jusqu’au procès d’inquisition et un magnifique exposé de sa doctrine sous l’angle de la philosophie, de la théologie, de la spiritualité et de la kérygmatique.
 

Il n’est pas exagéré de dire qu’il s’agit de la meilleure présentation d’ensemble de la pensée eckhartienne actuellement disponible, et ce volume complète utilement les nouvelles recherches francophone sur l’œuvre de Maître Eckhart.

C’est un des grands mérites de cet ouvrage que d’expliquer comment Maître Eckhart, grand intellectuel, maître en théologie de l’université de Paris, prédicateur itinérant pendant de nombreuses années dans les régions rhénanes, directeur spirituel auprès des maisons de religieuses de son ordre, bref, comment un frère ayant manifestement réalisé de manière exemplaire le programme tracé par sa vocation, pu s’attirer ainsi les foudres de l’église.

 

L’auteur explique tout cela en retraçant étape par étape, l’itinéraire du dominicain allemand et en proposant une interprétation à la fois sensible et circonstanciée des textes eckhartiens.

Cet ouvrage retrace d’une part la vie des dominicains de l’époque et celle de Maître Eckhart en particulier. Toujours au service du texte, et en cela fidèle à son métier de philologue, Kurt Ruh fait parler les textes en les situant dans le contexte originel, qu’il s’agisse de la spiritualité des moniales, du milieu universitaire de Paris, ou encore du procès de Cologne, ses analyses reconstituent avec succès le contexte de la pensée eckhartienne.

Maître Eckhart apparait ainsi sous différentes facettes : comme prédicateur, philosophe, théologien, directeur de conscience et mystique. Kurt Ruh est un maître dans l’exégèse des sermons d’Eckhart et cet ouvrage contient quelques paradigmes d’une analyse compréhensive de la prédication eckhartienne.

L’auteur fait également des rapports entre la pensée de Maitre Eckhart et la doctrine de Marguerite Porète, cette Béguine martyrisée et brulée pour sa foi trop dévorante et qui faisait peur à l’église, c’est cette même peur issue de l’obscurantisme qui fera un procès à Maître Eckhart.

Il n’est pas exagéré de dire que cet ouvrage nous offre la plus exhaustive présentation et la meilleure biographie du Maître thuringien, ainsi que son analyse des textes et des sermons du Maître, un ouvrage incontournable pour comprendre et assimiler la pensée et la doctrine de ce grand mystique.

Au sommaire de ces 315 pages de grande richesse :

Sa voix venait de l’éternité, mais vous ne la comprenez qu’au présent - Une carrière brillante dans l’université et dans l’ordre - Le spirituel de l’ordre : les Rede der unterscheidunge - Mystique dionysienne : le Granum sinapis - Paradisus anime intelligentis - L’Opus tripartitum - Maître Eckhart et la spiritualité des Béguines - Le Liber benedictus - La prédication dans la région rhénane - Le procès - Maître Eckhart, le mystique -

Kurt Ruh est professeur émérite de l’université de Würzburg, il est l’auteur d’une monumentale histoire de la mystique européenne dont quatre volumes ont déjà paru, les autres sont en cours

 

MAÎTRE ECKHART - la divine consolation  suivi de L’HOMME NOBLE

Maître eckhart

Edition  Payot

 2003

La Divine Consolation est aussi connue sous le titre de Benedictus Deus, ce sont les derniers traités du Maître dédiés à une reine en deuil, ce discours consolateur est l’héritier d’une tradition philosophique passant par les stoïciens, Dante et les Cathares avec leur Consolamentum. Eckhart (1260-1329) tient en peu de lignes. Né à Hochheim en Allemagne, Eckhart suit des études de théologie à Paris et à Cologne. Entré dans l’ordre des dominicains, il devient prieur d’Erfurt et commence à publier les entretiens spirituels qu’il a avec ses frères de l’ordre. Après une période d’enseignement à Paris, il est élu provincial de Saxe puis vicaire général de la province de Bohême et enfin de Teutonie. Mais il est surtout un maître spirituel influent et reconnu. Pour de sombres questions internes à l’ordre des dominicains, il a maille à partir avec l’Inquisition. La raison invoquée pour sa mise en accusation est l’influence supposée de certaines de ses propositions sur les béguines, ces femmes mystiques caractéristiques de la vie spirituelle du haut Moyen-Âge rhénan. Condamné par le pape Jean XXII, il réfute les accusations portées contre lui mais meurt néanmoins dans l’isolement le plus complet, au point que l’on ignore la date précise de son décès. Son influence est cependant considérable par la vigueur de sa pensée et la profondeur du cheminement spirituel qu’il propose.

 

La voie mystique de Maître Eckhart repose sur deux piliers : le premier est l’importance du détachement qui seul permet, par la place qu’il laisse à Dieu dans l’âme, de progresser dans la vie spirituelle, le second est la foi en cette certitude que c’est la Trinité tout entière qui vient habiter l’âme de celui qui s’abandonne à Dieu. Le style littéraire de Maître Eckhart est particulièrement suggestif. Il utilise de nombreux paradoxes qui, en forçant sa pensée, font image pour le lecteur. Il est considéré comme le père de la mystique rhénane, un des courants spirituels les plus importants de la spiritualité chrétienne. Maître Eckhart a en effet inspiré des penseurs comme Henri Suso, Jean Tauler, Nicolas de Cues, Jan de Ruysbroek. Redécouvert au XIXe siècle, il est peu à peu vulgarisé et se trouve aujourd’hui particulièrement apprécié par ceux qui cherchent une voie mystique radicale et contemporaine. 

 

Dans son Traité de « L’Homme Noble », Maître Eckhart ne cesse de rappeler à ceux qui l’écoutent, le trésor, la source, caché en eux, ce qui fonde la noblesse de leur être. Cette noblesse n’est pas toujours reconnue, ni de soi, ni des autres ; « elle n’est pas de ce monde » ; mais pour celui qui accepte de traverser la non-reconnaissance de ses proches et de travailler à l’émergence de son être essentiel, la paix et la béatitude ne sont pas vaines paroles, mais révélation de sa filiation divine … de sa haute noblesse d’enfant de Dieu. Dans son Épître aux Corinthiens (4/16), Saint Paul rappelle que l’homme extérieur dépérit. Comme tout ce qui est composé, il ne saurait tarder à se décomposer. Par contre, l’homme intérieur ne cesse de se renouveler de jour en jour. Cet homme intérieur, c’est « l’homme noble » de Maître Eckhart. « Aucune âme raisonnable n’est privée de Dieu ; la semence de Dieu est en nous … Cette semence, elle peut bien être recouverte et cachée, elle n’est jamais anéantie ni éteinte : elle est ardente, elle brille, elle éclaire, brûle, et tend sans cesse vers Dieu ».

 

Saint Paul rappelait aux hommes qu’ils étaient de « la race de Dieu ». Saint Pierre rappelait qu’ils étaient « participants de la nature divine ». Maître Eckhart dira : « ensemencés, engendrés de Dieu ».C’est là toute la noblesse de l’homme. Le souvenir d’une telle origine devrait le délivrer de toute vulgarité et de toute médiocrité. Cela surtout devrait le rendre humble et simple, comme seuls ceux qui savent qu’ils ont tout reçu, savent l’être : si simples qu’ils ne s’aperçoivent même plus d’eux-mêmes et de la connaissance qu’ils ont de Dieu. L’homme noble vit et respire au-delà de la dualité qui poserait Dieu comme un objet devant lui. Entre son « moi » et Dieu, il n’y a plus de place pour un « c’est moi ». « L’homme noble prend et puise tout son Être et toute sa vie, toute sa béatitude, uniquement de Dieu, par Dieu et en Dieu seul, non dans la connaissance, la contemplation, l’amour de Dieu ou autres choses semblables. C’est pourquoi Notre Seigneur dit très justement que la Vie Éternelle consiste à connaître Dieu seul comme l’unique vrai Dieu, non pas à connaître que l’on connaît Dieu ».

 

Ce non-savoir nous conduit plus haut que toute connaissance dans cette puissance incréée où Dieu et l’homme ne font qu’un : « Qui donc est plus noble que celui qui est né, d’une part du plus haut et du meilleur de la créature et d’autre part du fond le plus intime de la nature divine et de la solitude ? ».De telles affirmations ne vont pas sans choquer l’homme sans expérience intérieure, et celui-ci ne manquera pas d’accuser l’homme noble « de dire des choses qui dépassent l’entendement », ou de prétentions diaboliques…C’est ainsi que fut jugé Maître Eckhart lui-même. C’est ainsi que seront jugés ceux qui débordent quelque peu la norme commune. La réponse du maître thuringien est de réaffirmer son expérience et c’est comme un écho de la parole de Jésus aux pharisiens : « Si je vous disais autre chose, je serais un menteur » : « … bien des esprits grossiers diront que beaucoup de paroles que j’ai écrites dans ce livre et ailleurs ne sont pas vraies, mais je répondrai par ce que dit Augustin au premier livre de ses Confessions : Si quelqu’un ne comprend pas cela, qu’y puis-je ? … Il me suffit que ce que je dis et écris soit vrai en moi-même et en Dieu. Celui qui voit un bâton enfoncé dans l’eau pense que le bâton est brisé alors qu’il est droit. La raison en est que l’eau est plus grossière que l’air ; pourtant le bâton est droit et non brisé, en lui-même aussi bien qu’aux yeux de celui qui le voit seulement dans la pureté de l’air. »

 

Saint Augustin dit : « celui qui, sans de multiples pensées, sans toutes sortes de représentations et d’images reconnaît intérieurement ce qu’aucun regard extérieur n’a mis en lui, sait que ces choses sont vraies. Mais celui qui n’en sait rien rit et se moque de moi, et j’ai pitié de lui. Cependant, de telles gens prétendent contempler et goûter les choses éternelles, alors que leur cœur vole encore d’hier à demain ». Des penseurs plus savants mais tout aussi mal intentionnés pourraient reprocher à cette doctrine de l’Homme Noble de semer plus de troubles que de lumière et qu’il ne « faut pas enseigner aux ignorants ce qu’ils ne sont pas capables de comprendre » (coram vulgo simplici). Tel est le motif invoqué dans la Lettre de Jean XXII, datée d’Avignon le 15 avril 1329, à l’Évêque de Cologne, Henri de Virneburg, pour lui recommander de rendre publique dans ce diocèse la condamnation intervenue à Avignon le 27 mars 1329. A cela, Maître Eckhart avait déjà répondu invoquant une fois de plus la lettre même de l’Évangile. « On dira aussi que l’on ne doit pas énoncer et écrire de telles doctrines pour les ignorants ; je réponds que, si l’on n’instruit pas les ignorants, personne ne sera jamais instruit, personne ne pourra enseigner ni écrire. Car on instruit les ignorants pour que d’ignorants qu’ils étaient, ils deviennent des gens instruits … « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de remèdes », dit Notre-Seigneur (Luc 5,31). Le médecin est là pour guérir les malades. Mais si quelqu’un comprend mal cette parole, qu’y peut celui qui dit justement cette parole juste ?

 

Saint Jean annonce le Saint Évangile à tous les croyants et aussi à tous les incroyants pour qu’ils deviennent croyants ; et pourtant il commence l’Évangile par les choses les plus hautes qu’un homme puisse dire de Dieu ici-bas ; et souvent aussi ses paroles, de même que celles de Notre Seigneur, ont été mal comprises ». (Le livre de la consolation divine). Mais les obstacles les plus importants que rencontre l’Homme Noble ne viennent pas de l’extérieur de l’homme mais de l’intérieur de l’homme lui-même, de sa négligence, de sa superficialité, de sa folie qui consiste à garder l’écorce et à jeter l’amande, à entretenir ce qui est dans le temps et à perdre ce qui demeure dans l’éternel. « La semence de Dieu est en nous. Si elle avait un cultivateur bon et sage, laborieux, elle prospérerait d’autant mieux et s’élèverait vers Dieu dont elle est la semence, et le fruit serait semblable à la nature de Dieu … Mais si la bonne semence a un cultivateur insensé et mauvais, l’ivraie pousse, couvre et étouffe la bonne semence, en sorte qu’elle ne peut arriver à la lumière ni se développer ».

 

Un autre obstacle consiste dans notre attachement à la multiplicité, aux images, aux distinctions, aux opinions, qui appartiennent au « vieil homme » et qui empêchent la réalisation de l’unité, de la simplicité, qui est le propre de l’« homme nouveau » (un autre nom de « l’homme noble ») : « Dans la distinction, on ne trouve ni l’Un, ni l’Être, ni Dieu, ni repos, ni béatitude, ni satisfaction. Sois Un, afin que tu puisses trouver Dieu, et en vérité ; si tu étais vraiment Un, tu resterais Un aussi dans la diversité et la diversité deviendrait Un pour toi et ne pourrait t’entraver absolument en rien ».Pour parvenir à cette unité qui nous rend semblables à Dieu, quel est le chemin ? Maître Eckhart ne nous dresse pas de carte ou d’itinéraire précis. Il nous donne néanmoins un certain nombre de points de repère qui sont autant de « degrés » d’intensité ou de proximité de l’Unique Présence. Plutôt que d’itinéraire, nous pourrions parler d’itinérance … songeant au papillon qui ne cesse d’aller et de venir, puis de tourner autour de la flamme, avant de s’y consumer.

 

« Le premier degré de l’homme intérieur, de l’homme nouveau, comme dit Saint Augustin, c’est que l’homme vit à l’imitation d’hommes bons et saints, mais qu’il marche toujours en se tenant aux chaises et aux murs et se nourrit encore de lait.

 

Le second degré, c’est qu’au lieu d’avoir les yeux fixés uniquement sur ses modèles ou encore sur des hommes bons, il court et se hâte maintenant vers les enseignements et les conseils de Dieu et de la Sagesse divine ; qu’il tourne le dos aux hommes et la face vers Dieu, quitte le giron de sa mère et sourit à son Père céleste.

 

Au troisième degré, l’homme se soustrait de plus en plus à l’influence de la mère et s’éloigne de plus en plus du sein maternel, échappe à la sollicitude et rejette toute crainte. Quand bien même il aurait la possibilité de faire le mal ou de porter tort à quelqu’un, sans en recevoir pour autant aucun dommage, il n’en aurait pourtant aucune envie ; par l’amour il est, en effet, lié et confié à Dieu dans un zèle constant, jusqu’à ce que Dieu l’ait placé et établi dans la joie et la douceur, là où lui répugne tout ce qui est dissemblable et étranger, tout ce qui ne convient pas à Dieu.

 

Au quatrième degré, l’homme croît de plus en plus et s’enracine dans l’amour de Dieu, au point d’être toujours prêt à assumer, de bon gré et de bon cœur, avidement et avec joie, toutes sortes de tribulations et d’épreuves, d’ennuis et de peines.

 

Au cinquième degré, l’homme vit partout et spontanément dans la paix, calme et tranquille dans la richesse et la jouissance de la plus haute et indicible sagesse.

 

Au sixième degré, l’homme est dépouillé de lui-même et revêtu de l’éternité de Dieu, parvenu à la perfection complète ; il a oublié la vie temporelle avec tout ce qu’elle a de périssable ; il a été entraîné et transformé en une image divine, il est devenu un enfant de Dieu. Il n’y a pas d’autre degré, de degré supérieur ; là est le repos éternel, la béatitude. Car le but dernier de l’homme intérieur, de l’homme nouveau est la Vie Éternelle. » Mieux que cette description linéaire et encore trop logique du parcours de l’homme vers Dieu, Maître Eckhart empruntera aux Pères de l’Église et notamment à Origène, des images, des paraboles, qui suggèrent plus qu’elles n’expliquent le Dévoilement de l’Être incréé au cœur de la créature.

 

« Au sujet de cet homme intérieur, de cet homme noble, en qui est imprimée l’image de Dieu et semée la semence de Dieu, comment cette semence et cette image de la nature divine et de l’essence divine qui sont le Fils même de Dieu, s’y révèlent et comment on en prend conscience ; comment il arrive parfois qu’ils soient cachés, tout cela, le grand maître Origène nous l’expose dans une parabole ; le Fils de Dieu, dit-il, image de Dieu, est au fond de l’âme comme une source d’eau vive. Quand on y jette de la terre, c’est-à-dire des désirs terrestres, elle est recouverte et cachée au point qu’on ne la connaît et qu’on ne l’aperçoit plus. Mais, en elle-même, elle reste vive ; dès qu’on enlève la terre qui la recouvre à la surface, elle réapparaît et on la revoit. Et il dit encore que cette vérité se trouve indiquée au premier livre de Moïse, où il est écrit qu’Abraham avait creusé dans son champ des puits d’eau vive, mais que des gens mal intentionnés les avaient comblés de terre ; mais quand on en eut sorti la terre, les sources redevinrent vives. (Genèse 26, 15-19).

 

Il existe à ce sujet encore d’autres paraboles. Le soleil luit sans arrêt ; mais quand un nuage ou une brume s’interpose entre nous et le soleil, nous n’apercevons plus sa lumière. De même, quand l’œil est malade et infirme en soi, la clarté lui est inconnue. Parfois j’ai eu recours, moi aussi, à une comparaison frappante : Quand un artiste fait une statue en bois ou en pierre, il ne l’introduit pas dans le bois ; il enlève au contraire, les éclats qui cachaient et couvraient la statue. Il n’ajoute pas au bois, il lui enlève quelque chose, il fait tomber sous son ciseau tout l’extérieur et fait disparaître les rugosités, et alors peut resplendir ce qui se trouvait caché au dedans. Voilà le trésor enfoui dans un champ, dont parle Notre Seigneur (Mt. 1, 44). On le pressent, chez Maître Eckhart, comme chez les premiers chrétiens, la Gnosis ne se sépare jamais de la Praxis. Grégoire de Nazianze disait : « c’est bien de parler de Dieu, c’est mieux de se purifier pour Le connaître vraiment ».

 

Il ne suffit pas de savoir que la Source est là. Encore faut-il creuser le puits ; connaître que la lumière ne cesse de briller, encore faut-il ouvrir ses volets ou nettoyer ses vitres pour que toute la chambre en soit éclairée. L’or est dans le minerai. Il s’agit de le purifier de tout ce qui lui est étranger. L’itinérance eckhartienne est un lent travail d’épuration, de simplification, de désidentification avec tout ce qui est étranger à notre vie essentielle, toutes ces fausses images, ces caricatures que nous sommes à nous-mêmes … jusqu’au jour où rayonne, dans toute sa clarté, la vérité du Fils : « Avant qu’Abraham fut, JE SUIS ». La noblesse de l’homme n’est autre que la présence dans l’espace et dans le temps de l’unique et éternel « JE SUIS ».

 

MAÎTRE ECKHART – LIVRE DES PARABOLES DE LA GENḔSE

M. A. Vannier et J.C. Lagarrigue

Edition Les Belles Lettres

2016

Traduit pour la première fois en français, le Livre des Paraboles de la Genèse est un ouvrage essentiel de Maître Eckhart, où l'on retrouve les grands thèmes de son Oeuvre :

 

Dieu est un et trine, l’image de Dieu en l’homme ne peut être perdue. À l’instar de saint Augustin, Eckhart, Magister in Sacra Pagina et prédicateur, reprend plusieurs fois son commentaire de la Genèse pour en dégager le véritable sens. Sa méthode parabolique, empruntée à Maïmonide, n’a qu’un but : rendre ce texte fondamental de l’Écriture accessible à tous.

 

l’Évangile de Mathieu : 13/ 24-53,  ne contient pas moins de six paraboles différentes pour parler du Royaume de Dieu, six petites histoires toutes simples introduites par cette même phrase « Le Royaume des cieux est semblable à … ». Ces six récits se croisent, se complètent, se nuancent mutuellement. Déjà une seule parabole est bien plus riche en possibilités d’interprétations qu’un enseignement théologique plus formel. Nous avons ici non pas une parabole mais un réseau de six paraboles sur le même sujet !

Le moins que l’on puisse dire c’est que l’Évangile ne lésine pas sur les moyens pédagogiques pour ouvrir devant nous un espace pour notre interprétation personnelle, un espace large et varié comme un Royaume.

Il faut dire que le sujet que Jésus veut traiter ici est probablement un point essentiel de l’Évangile, voire le point essentiel, puis qu’il s’agit du Royaume de Dieu, et que l’Évangile c’est précisément que « le Royaume des Cieux s’est approché ». C’est sur ces paroles que s’ouvrent la prédication de Jean-Baptiste, le précurseur (Mt 3:2), et c’est également sur cette annonce que s’ouvre la prédication de Jésus (Mt 4:17) dans ce même Évangile selon Matthieu. Il y a là quelque chose d’essentiel, sans doute, mais quoi ? Qu’est-ce que cette histoire aux résonances mythologiques de « royaume des cieux » peut bien vouloir nous dire ?

 

Le Royaume des cieux, c’est une figure de ce vers quoi nous voulons tendre, la finalité de notre histoire. Visiblement, Jésus désire complexifier cette notion de Royaume des Cieux, nuancer sa définition. Il désire brouiller les pistes, troubler les possesseurs d’idées étroites, ouvrir un espace de réflexion personnelle sur ce sujet essentiel. Pour certains, le Royaume des cieux, ce serait la vie future, une sorte de lieux de bonheur où seraient accueillis ceux qui n’auraient une pas trop mauvaise notre lors du jugement après leur mort. Pour d’autres, le Royaume de Dieu serait le monde présent où tous les problèmes seraient résolus, en particulier grâce à l’intervention formidable du Messie

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Jésus n’est en fait pas contre ces idées. Il soutient qu’il y a une vie future (nous verrons bien, le temps venu). Jésus  n’est pas indifférent à la santé, à la justice en ce monde, au souci de l’autre, il le montrera par bien des paroles et par des gestes si courageux que cela va lui coûter sa peau. Mais pour lui, le Royaume de Dieu, cet essentiel qu’il nous propose de considérer comme notre destination. Ce Royaume, Jésus en parle au présent, il est à la fois à découvrir comme déjà là et à espérer encore. Ce Royaume n’est pas un lieu, ni futur, ni présent, ce Royaume n’est pas un état, mais c’est plutôt une qualité et un processus, un processus de création, un processus d’humanisation, de bonification que nous pouvons recevoir et auquel nous pouvons participer. Jésus a besoin de pas moins de 6 paraboles pour nous parler du Royaume des cieux et pour tenter de nous faire saisir l’essentiel sans nous enfermer dans une doctrine étroite, une doctrine qui viendrait étouffer le dynamisme de ce Royaume en nous. Il faudrait une prédication entière pour chacune de ces 6 paraboles, mais je voudrais ce matin seulement tenter de jeter un coup d’œil sur l’ensemble de ces 6 paraboles qui se nuancent et se complètent mutuellement.

 

Ce qui unit ces 6 paraboles, quand même, c’est qu’il y a toujours une réalité un peu neutre (un champ, la mer, de la farine, ou un tas de perles quelconques), et il y a quelque chose de positif et de bon qui évoque le Royaume des cieux. L’espace un peu neutre est une image de notre existence et ce monde dans lequel nous sommes. Nous voyons donc bien, à travers ces 6 exemples que le Royaume nous concerne aujourd’hui Et nous voyons que ce monde n’est ni à rejeter comme mauvais, ni à négliger. Au contraire, son caractère neutre rendant toute chose possible, le meilleur comme le pire. Nous voyons que Jésus cherche à nous faire porter un regard positif sur notre monde : le bien existe, de multiples façons, même si ce n’est que partiellement, même si ce n’est que sous forme d’un minuscule germe, ou seulement sous forme d’une espérance comme celle du semeur, du pêcheur, ou du chercheur de trésors. Ce regard optimiste de Jésus n’est pas naïf, il évoque aussi le mal qui existe dans le monde :

  • les mauvaises herbes et les poissons toxiques évoquent les mauvaises choses,
  • l’attente de l’agriculteur, de la boulangère et du chercheur de perles évoque le manque de bien.
  •  

Nous pouvons remarquer ensuite que, dans la plupart des cas, le Royaume des cieux est une dynamique : il est comparé à un homme qui sème, il est comparé à une graine qui pousse, à du levain qui aère la pâte, à un homme qui cherche, à un filet de pêche jeté. Ce côté dynamique est ainsi une dimension importante de cette vie selon Dieu qu’est le Royaume. Mais il y a quand même une des paraboles qui tranche par rapport aux 5 autres en présentant un  Royaume statique : Le royaume des cieux est semblable à un trésor ayant été caché dans un champ.

 

Qu’on le veuille ou non, qu’on le sache ou non, qu’on le cherche ou non, il existe un trésor enfoui au plus profond de notre être et au cœur de l’humanité, il existe un trésor dans l’univers, trésor dont nous ne sommes qu’une partie. C’est ce que l’on appelle en théologie chrétienne « la grâce » qui fait en particulier que tout homme, indépendamment de ses performances, a une valeur infinie. Même si cette valeur est comme un trésor enterré, totalement invisible de l’extérieur, le trésor existe. La plupart du temps, nous avons une valeur objective, par exemple un peu d’intelligence ou quelque autre capacité. Mais dans des cas extrêmes, par exemple un nourrisson ou une personne profondément handicapée, la valeur est effectivement plutôt une valeur subjective : par l’amour, par l’attachement, ou par le simple respect que quelqu’un a pour elle. La valeur est alors comme cachée, elle est plus métaphysique que physique. Et même s’il n’y avait personne pour nous reconnaître comme valant quelque chose, c’est à dire s’il n’y avait personne pour mettre en nous-mêmes cette valeur cachée (comme ces clochards qui meurent dans les rues sans que personne sache même leur nom) il y a et il y aura toujours Dieu pour nous donner de la valeur, nous dit Jésus dans cette parabole (car c’est Dieu qui est le sujet anonyme du passif « un trésor ayant été caché »).

 

Le Royaume, nous dit Jésus, est au dedans de nous, et il est au milieu de nous, dans ces liens spirituels, dans ces attachements qui nous relient les uns aux autres, dans cette valeur éternelle reconnue par Dieu. Valeur de chaque homme, valeur de l’humanité, valeur de la vie en ce monde, valeur d’une culture…Quand on reconnaît ce trésor que fait-on ? Jésus, là encore, nous étonne avec ses curieuses paraboles : L’homme qui l’a trouvé le recache dans le champ et, dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il a, et achète ce champ. Le premier réflexe serait peut-être, une fois la valeur spirituelle reconnue, de la déterrer et d’abandonner le reste du champ. mais non, nous dit Jésus, il ne faut pas séparer le trésor du champ : au nom de la valeur infinie qu’à tout homme sur le plan spirituel, c’est à tout l’homme que Jésus nous invite à nous intéresser. Le Royaume est ainsi une réalité qui nous habite, et qui a la stabilité d’un rocher inébranlable, celle de l’attachement par grâce. Même s’il n’y avait rien d’autre, il y aurait au moins cela de bon, cela d’éternel, cela qui vaut la peine de s’engager, cela qui fait que Dieu s’engage pour chacun de nous.

 

La parabole de la perle parle aussi d’un trésor caché, mais Jésus ajoute une dimension dynamique : le Royaume est semblable à l’homme qui part en voyage pour chercher un trésor supérieur à ce qu’il a déjà trouvé. Il y a quelque chose d’essentiel, nous dit Jésus, dans le fait même de se bouger et de chercher. Et nous avons en cela bien des affinités avec tout homme qui cherche le bien, les philosophes et les religieux, les militants, les scientifiques et les penseurs… Il existe quantité de perles de valeurs vraies. La perle de grand prix nous dit ce texte est littéralement « poly-valable » et là encore, nous avons un appel à prendre en compte les multiples dimensions de l’humanité et du monde de façon globale, pas seulement comme des perles séparées.

 

La vie selon Dieu est une dynamique, comme cette recherche de la valeur complexe, mais le Royaume est encore plus dynamique que cela, les autres paraboles nous montrent qu’il est un processus de bonification. Il le fait de deux façons. D’abord en semant de bonnes choses : des graines dans la terre et de la levure dans la farine, et non l’inverse sinon ça ne donne pas grand-chose. A chaque situation, à chaque réalité de ce monde, il faut trouver une juste façon d’agir de façon créatrice. On peut ajouter quelque chose comme une bonne graine  ou creuser de l’espace comme la levure… selon ce que nous aurons à cœur de faire. Le royaume des cieux est donc un élan créatif, nous en sommes les bénéficiaires, mais aussi parfois les auteurs, même modestement, d’une bulle d’air ou deux dans la pâte du monde, ou d’une bonne graine (il en existe de 1000 sortes, et il en est de ridiculement petites qui peuvent apporter énormément).

 

La seconde façon d’améliorer la réalité est de purifier, c’est plus délicat. Jésus compare le Royaume de Dieu à un filet de pêcheur jeté dans la mer et qui rassemble des poissons de toute espèce, les bons poissons sont ensuite gardés et les mauvais sont brûlés comme on le fait avec de vieux poissons pourris. Cette idée d'aller à la pêche et de ne retenir que ce qui est bon est la base même de la bienveillance proposée par le Christ. En chacun de nous il y a un trésor, un bon poisson, même s’il est tout au fond ou perdu dans un banc de poissons toxiques. L'Évangile nous dit que Dieu agit comme ce bon pêcheur, avec une bienveillance active pour chacun. Face au monde, face à une personne que nous rencontrons et face aussi à notre propre existence nous pouvons ainsi aller à la pêche, chercher sous la surface pour trouver ce qui est bon. Quand on va ainsi à la pêche, on retire plein de choses, de bons poissons, de mauvais et de vieilles chaussures. Il y a un peu de tout ça au fond de chacun, plus ou moins. Mais il y a toujours au moins un petit poisson vraiment bon, l’essentiel c’est d’aller le chercher, de le trouver, de le garder, et de rejeter le mal.

 

Le Royaume est ainsi une bienveillance active, délibérée. Cela rend la vie tellement plus belle que de passer sans voir le bien. Cela rend la vie tellement plus joyeuse que d’aller à la pêche de ce qui est mauvais et de ne retenir que ça. Le Royaume est un élan de bienveillance, d’ensemencement et de purification. Dieu est comme cela et tout élan de ce type participe à cet élan de vie, et de qualité de la vie, lui donnant une dimension d’éternité. Oui, nous dit Jésus, la bienveillance a une réelle efficacité pour créer le monde de demain, mais la parabole du bon grain et de l’ivraie nous place face à la dure réalité de l’existence permanente du mal. Patience nous dit Jésus, le monde est en cours de genèse, nous sommes nous-mêmes en cours de genèse, tout l’univers est dans un lent mouvement d’évolution, une part de chaos demeure sans que nous en soyons responsables, ni Dieu, ni nous. Par contre, si nous semons du bien, nous sommes parfois comme cet « homme ennemi » de la parabole qui sème du chiendent. Parfois, oui, nous pouvons avec l’aide de Dieu aller à la pêche des bons poissons et éliminer des mauvais mais parfois ce n’est pas possible. Parfois c’est impossible même pour Dieu d’arracher le mal. Parfois il pleure devant notre méchanceté. Il essaye de planter des graines de bonté et de miséricorde, il tente d’accompagner et de consoler comme une mère console son enfant, il tente d’appeler le meilleur de nous-mêmes, d’insuffler un peu de sa vitalité dans la pâte de notre matière, et patiente, malgré son impatience bienfaisante.

 

MAÎTRE ECKHART – LE MESSAGE INITIATIQUE DE MAÎTRE ECKHART - N° 64

Alain Lejeune

Edition Maison de Vie 

 2015

Cet ouvrage est le n°64 de la collection Les Symboles Maçonniques dont il suit la présentation habituelle : texte court, illustrations et index. Après une brève introduction rappelant les points marquants de la vie de Maître Eckhart, l'auteur s'appuie sur de nombreuses citations extraites des Sermons et des Traités, explicitées ou commentées lorsque nécessaire, pour mettre en évidence la cohérence de l'enseignement initiatique du Maître.

Eckhart est né vers 1260 d’une famille thuringienne de Hochheim, résidant à Tambach près de Gotha. On ne sait rien de sa jeunesse, ni même de son entrée chez les dominicains. Les seuls documents incontestables nous le montrent bachelier sententiaire à l’université de Paris : De 1294 à 1298, Eckhart est prieur du couvent dominicain d’Erfurt. C’est à cette époque qu’il rédige sa première grande œuvre : Die rede der unterscheidunge (Discours du discernement). En 1302, il obtient la maîtrise en théologie de l’université de Paris : frère Eckhart devient Maître Eckhart

De retour en Allemagne, en 1303, Eckhart est élu premier provincial de la province dominicaine de Saxonia, qui regroupe 47 couvents de frères, représentant 11 nations différentes (dont la Hollande). Son siège est à Erfurt. À ces lourdes responsabilités sera bientôt ajoutée celle de vicaire général de la province de Bohême. Malgré les interminables voyages à pied que lui imposent les chapitres généraux et provinciaux, malgré les fondations de nouveaux couvents et la multiplication des travaux administratifs, cette seconde période d’Erfurt est marquée par une prédication en langue allemande qui, d’emblée, connaît un retentissement considérable.


En 1311, Eckhart est envoyé une seconde fois à Paris pour y enseigner, honneur exceptionnel dont seul Thomas d’Aquin a, auparavant, bénéficié. Il y trouve une situation très troublée : les templiers viennent d’être exécutés, le 27 mai 1310, et Marguerite Porete, la béguine du Hainaut, brûlée en 1313, Eckhart quitte Paris pour Strasbourg, en Teutonia, comme vicaire général, chargé de la direction spirituelle des moniales. Il s’y occupe non seulement des sœurs de son ordre et des femmes de ses tiers ordres, mais aussi de toutes les pieuses femmes que comptent les 85 béguinages

Au début de 1324, Eckhart est envoyé au Studium generale de Cologne, pour y enseigner. Son assistant est Nicolas de Strasbourg, qui devient en août 1325 visiteur de Teutonia. Sans doute pour devancer l’évêque de Cologne, Nicolas entame, dès 1325, une action contre Eckhart, qui n’aboutit pas et qui donne un non-lieu.

L’année suivante cependant, l’évêque de Cologne lance contre le théologien dominicain un procès d’inquisition. La situation est grave : de nombreux bégards et béguines viennent d’être brûlés ou noyés dans le Rhin. C’est la première fois qu’un maître en théologie, qui plus est la principale figure intellectuelle de son ordre, est objet d’inquisition. Pour défendre son maître le plus prestigieux contre les calomnies et les abus de pouvoir, l’Ordre se mobilise.
Du travail de la commission d’inquisition ne restent que deux listes de propositions suspectes d’hérésie, qui concerne surtout la prédication de Strasbourg et de Cologne.

Le 13 février 1327, Eckhart proteste de son innocence dans l’église des dominicains de Cologne. Dès le printemps 1327, il décide avec courage et ténacité d’aller porter lui-même en Avignon son affaire
La commission pontificale ramène les listes du dossier d’inquisition à un ensemble de 28 propositions, traduites en latin et isolées de leur contexte. Le 27 mars 1329, la bulle In agro dominico condamne 17 d’entre elles comme « contenant des erreurs ou entachées d’hérésie », les 11 autres étant seulement « tout à fait malsonnantes, très téméraires et suspectes d’hérésie », mais « susceptible de prendre ou d’avoir un sens catholique, moyennant force explications et compléments ».
L’axe de la condamnation est clair : il s’agit d’arrêter la diffusion des idées eckhartiennes « dans le cœur des gens simples », en particulier à Cologne et dans le bassin rhénan.
Mort en route dès 1328, Eckhart n’aura pas même eu le temps de connaître la sanction finale.

L'enseignement spirituel de Maître Eckhart est essentiellement une invitation au détachement considéré comme la condition nécessaire de l'union à Dieu, et à l'enfantement de Dieu dans l'âme, fruit de la « divinisation » reçue de et par l'union à Dieu. Il s'agit d'un détachement de tout ce qui rend l'être indisponible à l'action de la grâce ; le dernier degré de ce détachement consistant même à s'affranchir de l'effort pour se rapprocher de Dieu.

Il s'agit en effet moins de se décharger du poids de réalités contingentes extérieures que de cultiver et entretenir une intériorité conçue comme fragment de l'union à ce monde, autrement que le Christ, qui en sa chair humaine fut attaché au monde. Ainsi disposé, l'esprit libre, le cœur humble, toute attente ou aspiration personnelle éteinte, l'intériorité insensible à toute turpitude, Dieu ne peut faire autrement que de s'y loger, comblant cette vacuité par la félicité ; «l'homme devenant par grâce ce que Dieu est en nature. » (Maxime le Confesseur). C'est ce que l'on appelle la divinisation, thème mal connu, jugé parfois hétérodoxe, alors que remontant, outre Maxime le Confesseur à Augustin, et se prolongeant en de très grands penseurs tels que Nicolas de Cues.

Cet apparent empiètement sur la puissance divine et la suspension du mouvement spontané de la piété ont été les prétextes principaux des accusations d'hérésie, confortées par des énoncés dégagées de leur contexte de prédication, Ainsi, contre la tendance générale à l’abandon du monde, Eckhart proclame et justifie théologiquement la possibilité de réintégrer l’identité ontologique

Il distingue le Dieu (Gott) de l’essence divine (Gottheit), en latin Deus et Deitas. Cette distinction, remise à la pointe de la théologie par Gilbert de la Porée au premier quart du XIIe siècle appelle la définition d'un tiers-terme : la divinitas. Selon l'adage « Tout ce qui est en Dieu est Dieu », alors, demanda Gilbert de la Porrée, par quoi, Dieu est-il Dieu, puisque ce par quoi on est quelque chose, n'est pas celui qu'on est ? Ainsi il introduisit la distinction entre Dieu, divinité et déité. Eckhart sans le suivre dans sa radicalité, montrera dans son ontologie sa connaissance du maître chartrain.

L’expérience mystique est vue comme le retour à la Déité manifestée dans le Christ vivant en l'âme du croyant. L’union avec Dieu est comparée à une goutte d’eau retournant à l’océan. La vocation prédestinée de l’homme est d’être en Dieu. Si le Père engendra le Fils dans l’éternité, Dieu engendre le Fils dans le fond sans fond, l'abditus mentis d'Augustin, ou Grund en moyen-haut allemand, de l’âme. Cette dernière thèse a beaucoup irrité ses adversaires, car Eckhart la formule avec le vocabulaire des béguines, affirmant qu'existe dans le fond sans fond de l'âme un quelque chose échappant au temps, à l'espace et à tout mode d'existence, un quelque chose d'éternel et de divin : une divine étincelle. La peur du panthéisme a nourri dès lors les critiques.

La difficulté de ses thèses a conduit à de nombreuses interprétations erronées de son message. Eckhart avait pour projet d'écrire une œuvre originale. À l'époque des Sommes Théologiques, il envisageait un ouvrage tripartite, combinant les commentaires bibliques et la spéculation, organisé autour de mille questions. Cet Opus Tripartitum n'a pas été achevé, et les chercheurs tentent actuellement d'en retrouver des éléments dans les œuvres qui nous sont parvenues.

Il fut accusé d’hérésie en 1326, et en 1329 les thèses extrêmes extraites de ses œuvres furent condamnées. Cependant, de l'avis de Josef Ratzinger lui-même lorsqu'il n'était pas encore pape, le procès n'a pas eu lieu, Eckhart n'est pas au sens strict du terme condamné. Il n'a donc même pas à être réhabilité. Ratzinger, après examen, n'a pas trouvé d'hérésie, mais des maladresses de langage dans ses œuvres.

 

MAÎTRE ECKHART - LES DIALOGUES de MaÎtre ECKHART avec Sœur CATHERINE DE STRASBOURG

Maître ECKHART  

Edition ARFUYEN

 2004

Traduit par G. Pfister et préfacé par M.A.Vannier, ces dialogues entre 2 êtres pratiquant une haute spiritualité est remarquable. Par moment, s’inspirant de Socrate, Maître Eckhart pratique la maïeutique sur sœur Catherine mais en réalité, elle lui enseigne certaines notions de spiritualité.

 

Elle parle de Jésus, de la grâce, de la Vérité, de la multiplication des pains, du jugement dernier etc...Si j’avais une phrase à retenir de ce livre, ce serait cela : « Parlant un jour à Maître Eckhart qui était son confesseur elle lui dit : « je suis devenu DIEU ».

 

Trois courts sermons, entrecoupés de longs dialogues. Trois personnages sont en présence : un Ami de Dieu, sœur Catherine de Strasbourg, Maître Eckhart. L’Ami de Dieu a incité la religieuse à prendre Eckhart pour confesseur. Mais la religieuse a des doutes sur sa capacité à l’aider. Et la brave sœur, qui n’a peur de rien, ne se prive pas de le lui dire. Un personnage de femme comme on n’en imagine guère à cette époque, d’une incroyable hardiesse de langage et de pensée !

Voici ses manières : « Que veux-tu faire ? lui demande Maître Eckhart – Je veux laisser honneur et biens, amis et parents, et toute consolation extérieure qui peut me venir des créatures. – Veux-tu me laisser moi aussi ? – Oui, maître. S’il me faut laisser toutes choses, il me faut vous laisser vous aussi. – Ne te lance pas dans cette entreprise. Cela n’est pas donné aux femmes. –

Je sais : aucune femme ne peut entrer au ciel à moins de devenir un homme. Mais voici comme il vous faut l’entendre : les femmes doivent faire œuvre d’homme et avoir un cœur d’homme dans toute sa puissance afin de résister aux choses périssables et à elles-mêmes. – Tu t’estimes donc bien forte ! Je voudrais bien voir comment tu pourrais souffrir plus que tu n’as souffert jusqu’ici. – Maître, je peux souffrir tout ce que le Christ a souffert à cause de moi. – Ce ne sont que des mots ! –  Je dis la vérité. »

Et la fois suivante : « Réfléchis encore, lui conseille Eckhart, avant de te lancer dans cette entreprise. – Taisez-vous, épargnez-moi vos paroles ! C’est en me tenant de tels discours que vous m’avez fait obstacle. » 

Sœur Catherine s’en va, revient, repart, et le pauvre Maître Eckhart, toujours assailli de récriminations, doit convenir que cette religieuse bénéficie de faveurs qu’il n’a jamais reçues. « Ah, pauvre homme que je suis, soupire-t-il, comment puis-je m’attirer tant de honte aux yeux de Dieu d’avoir si longtemps porté l’habit religieux et si peu compris des mystères de Dieu ! Je t’en prie, ma chère fille, par l’amour que tu as pour Dieu, expose-moi ta vie et tes pratiques depuis la dernière fois que je t’ai vue. »

 

Peu de temps après, la voici qui revient : « Seigneur, lui dit-elle un jour, réjouissez-vous avec moi, car je suis devenue Dieu ! » Cette exclamation, très souvent citée, ne fait que reprendre la pensée exprimée en bien des sermons, mais avec une vivacité qui lui donne un tout autre relief.  C’est en quoi ces dialogues si riches et variés permettent de découvrir Eckhart d’une manière vraiment nouvelle.

 

MAÎTRE ECKHART - les lÉgendes de maÎtre eckhart

présenté par G. pfister

Edition ARFUYEN

 2002

Maître Eckhart, ce grand mystique du Moyen-Âge, a expliqué Dieu très simplement. Pour lui, le problème est simple : il faut franchir trois obstacles pour parvenir à trouver Dieu:

1. Le temps
2. La corporalité
3. La multiplicité


 « Une jeune fille vint frapper à la porte d’un couvent de dominicains et demanda à parler à Maître Eckhart. “Qui dois-je annoncer ? lui demanda le frère portier. – Je ne sais pas, répondit-elle. – Comment cela, vous ne le savez pas ? – Je ne suis ni une enfant, ni une femme, ni un homme. Je ne suis pas une épouse, pas une veuve, et pas non plus une vierge. Et je ne suis ni seigneur, ni servante, ni valet.”  » Le portier avertit Eckhart, qui accourt.

Ainsi commence la première des Légendes de Maître Eckhart. Par un savoureux retournement de situation, c’est Eckhart qui joue ici le rôle de ces clercs riches de savoir mais faibles d’intelligence qu’il a tant brocardés. Interrogée par ses soins, la jeune fille l’éblouit de ses réponses, tout comme une autre fois un mendiant rencontré par hasard ou cet « homme pauvre » invité à sa table par une demoiselle de Cologne. 

Le voici au bord du chemin avec un « enfant nu » : « Maître Eckhart rencontra un jour un bel enfant qui était entièrement nu. Il lui demanda d’où il venait. “Je viens de Dieu, lui répondit l’enfant. – Qui es-tu ? – Un roi, lui répondit l’enfant. – Où donc est ton royaume ? – Il est dans mon cœur” ».

 

Ce que disent, la jeune fille, le mendiant, l’homme pauvre ou l’enfant nu est de la plus pure inspiration eckhartienne. S’ils peuvent l’enseigner à Maître Eckhart mieux que lui-même ne l’a jamais pu dire, c’est que, chacun à leur manière, ils sont autant de personnifications de cet être dans lequel Dieu veut en nous, de toute éternité, s’engendrer.


Ce petit livre restitue quelques légendes et contes de ce grand penseur chrétien

 

MAÎTRE  ECKHART – LES MYSTIQUES RHÉNANS – ANTHOLOGIE – ECKHART, TAULER, SUSO

Marie-Anne Vannier

Edition du Cerf

 2010

Le terme de mystique rhénane est relativement récent, il date du XIXe siècle. Il traduisait, tout d’abord, celui de deutsche Mystik, mystique allemande, puis, à la suite de l’usage malencontreux qu’en avait fait le national-socialisme, il a été remplacé par celui de rheinische Mystik, mystique des pays de la vallée du Rhin. Cette mystique se caractérise par une région, par une époque : le XIVe siècle et par une langue, la langue populaire de la vallée du Rhin. Peu à peu la nature de cette mystique va se dessiner, H. Ebeling la décrit comme l’expérience de l’unité de l’âme avec Dieu, et  J. Ancelet fait un pas de plus en montrant que l’originalité de la mystique d’Eckhart, à la suite de Maxime le Confesseur, est d’inviter à « devenir par grâce ce que Dieu est par nature ». C’est une mystique de l’être, fondée sur l’Evangile de Jean et articulée autour de la filiation divine.

 

L’union à Dieu s’exprime différemment chez les trois principaux représentants de la mystique rhénane : elle aboutit chez Eckhart à la naissance du Christ dans l’âme, chez Suso à l’Alliance avec la Sagesse éternelle, chez Tauler à l’Amitié divine. Eckhart est représentatif de ce mouvement, il en est aussi à l’origine, il est à la fois spéculatif et mystique, ce qui fait la complexité de son œuvre. Pour Eckhart  sa théologie et sa mystique, présente dans son œuvre latine, apparaît encore plus lors du procès de Marguerite Porete où il dut étudier la mystique flamande.

 

Le sermon 71, où Eckhart se définit, en quelque sorte comme un second Paul sur le chemin de Damas, apporte des éléments sur son expérience mystique, de plus il semble avoir été un mystique dès sa jeunesse, comme en témoigne son second sermon sur l’Ecclésiastique. 

 

Jean Tauler est le disciple d’Eckhart, c’est l’une des grandes figures de Strasbourg, où il est enterré. Il est appelé l’une des colonnes de l’Eglise de la Jérusalem Céleste, car toute sa vie il a été  prêcheur de la Bonne Nouvelle et  artisan du Royaume. Il a marqué tout le Moyen-âge occidental de son impact spirituel et continu à être admiré par les protestants  en raison du jugement positif de Luther envers lui. Son œuvre est faite de 81 sermons. Si Maître Eckhart s’attache essentiellement à amener son auditeur à « devenir par grâce ce que Dieu est par nature », Tauler propose une voie plus morale, celle d’une purification, centrée sur l’humanité du Christ.

 

Henri Suso, mystique rhénan, né en 1295 est le seul des trois à avoir été béatifié en 1831, par le Pape Grégoire XVI. Il a très largement contribué à faire connaître la mystique rhénane et à sa reconnaissance par l’Eglise. Dominicain comme la plupart des mystiques, il est comme Tauler un disciple de Maître Eckhart et ont contribué à prolonger et à diffuser l’œuvre du Maître.  Des trois c’est Suso qui a le vocabulaire le plus riche, son œuvre est dense, plus piétiste que Tauler, il retient les principales intuitions d’Eckhart et sait les retransmettre. Souvent il a recours à des images, des enluminures, bien que préconisant de dépasser l’image, mais ces recours sont appréciés car ils explicitent mieux ses textes et leur donne de la rondeur.

 

Au sommaire de cette Anthologie nous avons :

 

Œuvre de Maître Eckhart : 26 sermons – commentaire du livre de l’Exode et de l’Evangile de Jean – les dialogues de Maître Eckhart avec sœur Catherine de Strasbourg –

Œuvre de Jean Tauler : 13 sermons

Œuvre d’Henri Suso : Exemplar – Vie – Livre de la Sagesse éternelle – Lettre IV – L’horloge de la Sagesse – bibliographie –

 

MAÎTRE ECKHART - LES ŒUVRES DE MAÎTRE ECKHART. SERMONS –TRAITÉS

 M. Eckhart

Edition  GALIMARD

 1987

Lire Maître Eckhart est un bonheur ; il nous donne les clés du détachement de nos erreurs et de nos illusions. C’est un support de méditation sans fin.

 

« L'Œuvre des Sermons » de Maître Eckhart, dernier volet de son grand projet inachevé « l'Œuvre tripartite », nous restitue tout au long de cinquante-six sermons une présentation générale de la pensée du Mystique thuringien. À la différence des Sermons allemands, Eckhart s'adresse ici en premier lieu à ses frères dominicains : il nous montre un autre visage d'Eckhart sans effacer celui qui apparaît dans les écrits allemands. Tout autant attaché à la divinisation de l'homme, à la naissance de Dieu dans l'âme, il nous en donne les arguments théoriques, scolastiques. Nulle part ne se voit mieux combien l'intelligence est convoquée à l'union avec Dieu. Cependant, le frère dominicain, admirateur de Thomas d'Aquin, attaché à l'eucharistie, à la recherche des vertus apparaît aussi.

 

Et ce n'est pas la moindre des qualités de cet ouvrage que de nous montrer comment une spiritualité se vérifie et se construit au cœur d'une vie chrétienne, consacrée à l'étude et à la prédication. Car c'est bien là le but d'un homéliaire : exposer les mystères et inviter à les pratiquer. Adossé au rythme liturgique, il aborde des thèmes qui ne sont jamais abordés aussi frontalement dans son œuvre allemande : les sacrements, les vertus, ou même la Trinité. Ainsi, toute une image d'Eckhart est corrigée, réinsérée en quelque sorte dans la vie conventuelle. Ce n'est pas pour autant un ouvrage fade : tout le génie de son auteur y apparaît. Les points les plus marquants de sa pensée sont tous présents, que ce soit la divinisation de l'homme, l'enfantement de Dieu dans l'âme, le rôle central de la Trinité. Eckhart nous livre ici les bases intellectuelles sur lesquelles repose sa pensée.

 

MAÎTRE ECKHART - les œuvres de vie

selon Maître ECKHART & ABHINAVAGUPTA

Edition  Les Deux Océans

 2000

C’est par une étude comparée de ces deux philosophes religieux du Moyen-Âge (XIIIème et XIème siècles) qu’est abordé le thème central de ce livre « les œuvres de vie » qui explique leur doctrine commune sur le « Principe suprême ».

 

Pour Maître Eckhart, Dieu « verdoie et fleurit » pour le philosophe shivaïte Abhi Navagupta le « principe divin » est vibration, élan, danse cosmique et émerveillement. Un même point de vue avec des mots différents.

 

On y parle de Maya, de la conscience cosmique, de l’énergie, de l’absolu, du macrocosme et du microcosme, du rite, du symbole, du miroir, de l’image, des temples, de la peinture, de l’arbre de vie, du cœur, et de la roue.

 

Extrait et présentation du livre :

 

« S’il est une raison essentielle qui justifie un rapprochement entre Maître Eckhart (XIVe siècle) et Abhinavagupta (Xe-XIe siècles), tous deux penseurs médiévaux, l’un occidental chrétien, l’autre cachemirien shivaïte, c’est qu’ils placèrent d’emblée, au centre de leur existence comme de leur œuvre, l’accès immédiat à la Réalité d’ordinaire voilée, grâce à une catharsis de la conscience.

Pleinement engagés dans la vie spirituelle, riches d’une vaste érudition rassemblant tous les savoirs alors accessibles, ils s’attachèrent à la transmission de cette connaissance souvent indicible certes, mais passée au tamis de leur propre expérience, en approfondissant avec originalité le champ philosophique de leurs doctrines respectives.

Un autre trait original de leur métaphysique réunit Maître Eckhart et Abhinavagupta : il n’y a pas, selon eux, de place pour l’inertie ; le principe suprême lui-même est un pur dynamisme, acte créateur, vie surabondante qui, dans la langue imagée d’Eckhart, “ verdoie et fleurit ”, jaillit comme une fontaine, fulgure et scintille ; pour Abhinavagupta, vibration, élan, danse cosmique, émerveillement de sa propre essence. Par-delà leur mode respectif d’expression ces deux mystiques de traditions différentes traitent avec une profondeur et une vigueur communes, et souvent étonnantes, de l’Art divin : génération du Verbe ou acte de conscience du point de vue de l’Absolu, création cosmique pour ce qui est de la manifestation.
...
Comme leurs témoignages le font explicitement savoir, leurs œuvres sont issues d’une nécessité intérieure d’écrire afin d’alléger l’humanité du fardeau de l’ignorance car “ nombreux sont les êtres ordinaires qui n’ont pas conscience de leur essence innée ! ” constate Abhinavagupta dans le traité de la Reconnaissance. Avant de donner un bref aperçu sur l’ensemble de cette étude, précisons que son thème essentiel porte sur l’Art — voie sans voie, par-delà toute pratique extérieure —, tel que le conçoivent Maître Eckhart et Abhinavagupta, c’est-à-dire la “ connaissance de Dieu ” ou la “ Conscience suprême ”, ainsi que les modes variés (arts) de réalisation.
Après une présentation des deux maîtres (première partie), de leur vie, leurs œuvres et du contexte dans lequel ils évoluèrent, une approche de leur doctrine (deuxième partie) montrera à quel point elles participent du même dynamisme. Le principe ultime est “ Acte de conscience ”, “ Parole suprême ” ou “ Verbe divin ” qui est par nature conscience de soi et expression ; il est évoqué par Eckhart comme un débordement, un bouillonnement de plénitude et, par Abhinavagupta, sous forme d’une vibration cosmique (spanda) qui donne vie à tout ce qui est.

 

Au cours de la troisième partie nous aborderons le “ Jeu divin ”, charnière entre l’Absolu et la manifestation (issue du désir divin d’être connu), source de la temporalité et de la dualité. Quant à l’être humain, il éprouve en sa conscience cette diversification engendrée par la Mâyâ (illusion cosmique. Il est néanmoins en son pouvoir de refluer vers la source : instant d’éternité, hors du temps. Toujours dans cette troisième partie nous verrons comment ce reflux est rendu possible, quelle est la nature du lien qui limite la conscience et ce qui peut le délier, enseignement ou grâce. Dans cette perspective “ les voies de retour ” correspondent aux énergies fondamentales de l’homme : élan du désir-volonté, connaissance, activité. Les recoupements entre les pensées d’Eckhart et d’Abhinavagupta ne manquent pas ici non plus : il existe d’autre part une quatrième voie, ou plutôt une non-voie, chère aux deux mystiques, supérieure aux autres car elle se passe de moyens. Il s’agit de la voie de la Reconnaissance, selon la lignée d’Abhinavagupta et de ses maîtres Somånanda et Utpaladeva : nous nous appuierons sur la traduction de son œuvre philosophique maîtresse, qui fait d’Abhina- vagupta l’un des plus grands philosophes indiens. Bien que ce texte soit ardu dans la forme et le fond, ce fut un vrai bonheur d’entrer ainsi en contact directement, par-delà les siècles, avec un écrit d’Abhinavagupta, car la pensée la plus rigoureuse s’y trouve animée de ferveur.

Après avoir exposé les bases métaphysiques communes au maître du Cachemire et à celui de Thuringe, nous amorcerons la quatrième partie traitant de l’Art en tant que voie intérieure. Celle-ci est plus vaste que les autres car elle englobe des thèmes que l’on ne peut scinder ; trois thèmes essentiels la constituent : — le premier tente de cerner d’une part le concept d’“ Art de Dieu ” : Genèse, Cosmogonie donnant lieu à la manifestation, puis au retour en la source ; d’autre part celui de Dieu en tant qu’artifex : artiste ou artisan suprême du microcosme et du macrocosme. Liberté, beauté, imagination, création et félicité le caractérisent.


Le deuxième thème de cette partie consacrée à l’Art s’intitule “ Rite et Art ” car il envisage l’art en tant que voie ; en effet, selon les traditions anciennes, tout acte créateur est en quelque sorte réitération de l’Acte divin de la création. Les aspects particuliers que constituent le rite (forme d’art sacré), le symbole (essence de l’art), et par ailleurs les métaphores du Miroir et de l’Image, permettent de suggérer l’unité foncière de la manifestation, ainsi que son lien au Principe universel qui, telle la lumière unique, fait apparaître en elle-même tout phénomène. Abhinavagupta composa un ouvrage particulièrement intéressant sur l’expérience esthétique, l’Abhinavabhåratî, où il développa les notions de rasa (saveur), dhvani (suggestion, résonance intérieure de la beauté perçue), et de mokßa (délivrance) désignant la vocation essentielle de l’expérience esthétique. Celles-ci seront évoquées tour à tour au cours de la présentation de quelques formes d’art (architecture, sculpture, peinture, danse, poésie, musique) grâce auxquelles l’homme depuis toujours a cherché à s’unir au Tout.

 

De même dans cette étude traitant du Rite et de l’Art, après avoir évoqué ces aspects particuliers, il reste à envisager le cœur du problème si l’on peut dire : la vie du quotidien, trop souvent morcelée, privée de poésie, car dénuée de sa capacité d’élan, d’émerveillement ! Eckhart comme Abhinavagupta ont nettement insisté sur ce point : plénitude et conscience parfaite ne sont pas réservées à des moments ou à des activités privilégiées de l’existence. C’est pourquoi l’un et l’autre préconisent de “ trouver Dieu ” en chaque instant, selon l’expression d’Eckhart. Le Shivaïsme du Cachemire non-dualiste propose divers chemins pour y parvenir, parmi lesquels cinq “ moyens ” envisagés comme autant d’accès vers le Centre. La vie apparaît ainsi comme l’art le plus complet car il ne laisse de côté aucune sphère de l’existence. Le dernier thème de la partie sur l’Art abordera les ressorts profonds communs à l’expérience esthétique et à l’expérience mystique : ce sont la contemplation, l’intuition illuminatrice, l’état de spontanéité et l’apaisement. Vécus en pleine conscience ces quatre aspects imprègnent peu à peu la vie quotidienne, reliant l’être à son principe, le Soi.

La cinquième et dernière partie concerne les “ Œuvres de Vie ” proprement dites, émises spontanément d’un cœur unifié ; elle s’articule autour de trois enquêtes : la première, relative à l’attitude d’égalisation entre extériorité et intériorité (kramamudrå), montre comment il est possible de transfigurer le quotidien par cette pratique qui met en œuvre les ressorts subtils de la conscience, aussi souvent que l’élan et l’attention permettent de s’y raccorder.
Dans la suivante, les rapports entre action et contemplation sont approfondis. Eckhart et Abhinavagupta, nous le verrons, accordent tous deux la prééminence à la vie active illuminée par une vision pénétrante de la Réalité et la paix intérieure. Ainsi peu à peu les deux aspects action-contemplation s’unifient et culminent dans l’attitude dite d’harmonie parfaite : la kramasamatå.La dernière partie du chapitre est consacré aux “ œuvres de vie ” ; dans le creuset de la kramasamatå, dans le fond de l’âme divinisée jaillissent spontanément les œuvres vraiment vivantes ; telle était la préoccupation fondamentale de Maître Eckhart qui aimait à se dire non seulement un Lesemeister (maître de lecture, d’érudition), mais surtout un Lebemeister (maître de vie). Renouvellement incessant, félicité, liberté et amour universel rayonnent du jîvan-mukta, le libéré-vivant, tel que le décrit Abhinavagupta. Il est certes aussi difficile de parler de l’Absolu que du saint qui s’y est identifié, en raison de l’infinie subtilité de cet état qui n’est “ ni ceci ni cela ” ; c’est pourquoi de tous temps plus d’une tradition ancienne eut recours aux symboles de l’Arbre de Vie, du Cœur, et de la Roue tournoyante autour de son moyeu immuable.

 

Ayant acquis une parfaite conscience du Soi, de ses énergies de connaissance et d’action, les ayant reconnues identiques à son propre soi, ainsi cet être jouit des puissances d’action et de connaissance à son gré ”, déclare Abhinavagupta dans sa glose aux versets sur la Reconnaissance du Seigneur. Il œuvre au cœur d’un épanouissement de toutes ses énergies, réalisant à la fois plénitude de l’existence et vacuité des phénomènes dans une vision spontanée, sachant bien que “ La rivière de la vie est impétueuse et profonde, ses deux rives glissantes, et le milieu insondable.’’

 

MAÎTRE ECKHART - les 7 vies de maÎtre eckhart

J.C. BOLOGNE

Edition  Du Rocher

 1997

Grand penseur du Moyen-Âge, il a eu un grand retentissement. Il fut célèbre pour ses prises de positions et ses théories, accusé par l’inquisition, il dut se rétracter.

Son œuvre et sa pensée sont immenses et se redécouvrent.

 

Maître Eckhart est sans doute le penseur le plus proche d'une mystique qui transcende les religions. Né en Thuringe, vers 1260, il occupa diverses hautes fonctions dans l'ordre des dominicains, et enseigna à Paris, Strasbourg et Cologne.

 

En 1326, une procédure d'inquisition fut entamée contre lui. Deux ans après sa mort, en 1329, le Pape Jean XXII condamna 28 articles attribués à Maître Eckhart. Dans son oeuvre - qui se compose principalement de sermons et de traités en latin et en allemand - on remarque l'influence du platonisme et de la philosophie scolastique, mais aussi celle d'une tradition spirituelle féminine, allant d’Hildegarde de Bingen (1098-1179) à Marguerite Porete (brûlée à Paris, en l'an 1310).

 

Eckhart est né en Thuringe vers 1260. Il entre chez les dominicains d'Erfurt puis étudie à Cologne où règne encore le souvenir de saint Albert le Grand transmis par Thierry de Freiberg. Eckhart est appelé à de hautes charges dans l'Ordre  provincial, vicaire général. Il en est déchargé en 1311 pour pouvoir se consacrer à son activité intellectuelle à Paris, à Strasbourg puis à Cologne. Il enseigne, il prêche et il publie. Vers les années 1325 la doctrine d'Eckhart est suspectée par l'archevêque de Cologne. On ne doit pas sous-estimer dans cette affaire la rivalité, déjà de longue date, entre mendiants et séculiers, spécialement au sujet du privilège de l'exemption. Eckhart se défend contre de mauvaises interprétations de sa pensée ou même tout simplement contre des déformations de ses propos. En 1329, en Avignon, est enregistrée une bulle qui condamne dans les écrits d'Eckhart dix-sept propositions hérétiques et onze qui paraissent suspectes. Mais Maître Eckhart est déjà mort, probablement depuis 1327. Sa condamnation est ressentie comme une injustice chez les Prêcheurs et n'empêche nullement le rayonnement posthume des grands thèmes eckhartiens que ses disciples sauront mettre en valeur sans insister sur les paradoxes audacieux du Maître.

 

La pensée de Maître Eckhart est difficile, souvent exprimée en termes paradoxaux : elle a pu être infléchie en de nombreux sens (gnose, panthéisme, idéalisme...). C'est une mystique métaphysique à dominante platonicienne mais on a pu y détecter d'autres influences. Elle est une pensée sur l'être, qui, veut absolument, s'identifie à Dieu. De cette approche vient la fameuse distinction entre la Déité, et Dieu. En une dissociation purement intellectuelle Eckhart dit en effet que la Déité est l'essence divine, absolue, isolée, au-dessus de tout nom et parfaitement une. Dieu est cette Déité en tant qu'elle entre en rapport, d'abord dans la Trinité mais aussi dans la création. Ainsi " Dieu agit; la Déité n'agit pas ". En ce sens on peut dire, à la limite : " Dieu n'est Dieu que lorsque les créatures disent : Dieu. "

 

Le Verbe est l'idée parfaite de toutes les créatures possibles (exemplarisme). Ainsi toute créature est marquée d'une empreinte divine qui lui donne une noblesse incomparable, bien que Eckhart souligne l'infinie distance qui subsistera toujours entre le créé et l'incréé. Au plus profond de l'âme humaine (Grund) brille une lumière, une étincelle dont Eckhart va jusqu'à dire qu'elle est, quant à elle, " incréée et incréable ", formule qui fit grande difficulté parmi ses censeurs, on s'en doute. Eckhart ajoute ; " Là, le fond de Dieu est mien et mon fond est celui de Dieu. Là je vis de ce qui m'est propre, comme Dieu vit de ce qui lui est propre. " Le retour à Dieu, but de l'itinéraire spirituel, va se réaliser par une participation à la vie intime de Dieu jusqu'à ce fond divin car " l'âme est une avec Dieu et pas seulement unie " ; elle est de la " race de Dieu ".

 

Pour revenir à elle-même l'âme devra d'abord purifier ses propres " puissances ", en transcendant les images et les concepts, y compris, et la proposition a aussi été considérée comme audacieuse, en dépassant l'humanité du Christ puisque ce dernier est là pour nous montrer la route vers la Déité. Le chrétien doit aussi arriver au complet dépouillement et à la pauvreté spirituelle, au-delà de tout désir, même du bien, même de la récompense éternelle. Il doit se trouver anéanti, ébloui de sa pureté et admiratif " de sa propre beauté ". " Il faut avoir un coeur pur, car seul est pur celui qui a anéanti tout ce qui est créature. " Telle fut la Vierge Marie; telle est la tâche de l'humilité; tel est aussi l'amour chrétien. Aimer Dieu en tout être conduit à l'unité dans la charité par le rejet du moi et par l'action du Christ qui agit en tous. 

 

MAÎTRE ECKHART ou l’EMPREINTE du dÉsert

G. jarczyk et P.J. LABARRIERE

Edition Albin Michel

 1995

L’auteur nous entraîne pas à pas dans la biographie de Maître Eckhart, cette figure du christianisme du 14ème siècle. Développant les détails historiques et théologiques qui lui valurent les foudres de l’inquisition. L’auteur nous éclaire sur les mots clefs de Maître Eckhart : notion de Déité, étincelle de l’âme, détachement, abandon, percée en retour etc… Nous prenons conscience du double mouvement dont Maître Eckhart n’a cessé de témoigner : La naissance de l’homme en Dieu et la naissance de Dieu en l’homme.

 

Ce qui est intéressant chez Eckhart, c’est la rationalité qu’il déploie à travers ses œuvres, une rationalité qui ne s’approprie pas l’objet contemplé, mais bien au contraire qui ouvre au mystère infini de ce qui est à dire. En d’autres termes, pour Eckhart "expliquer" revient à exprimer la complexité de l’être, ou encore à montrer combien une chose demeure toujours fondamentalement insaisissable. Du coup, on ne devient pas spécialiste de Maître Eckhart, ou plus exactement on ne parvient à le comprendre qu’en admettant assez modestement que nos interprétations ne peuvent épuiser la richesse de sa pensée.

 

Si la littérature a bien développé cette notion, l’intime est encore très peu envisagé dans la philosophie. D’origine augustinienne, l’intime désigne ce lieu dans l’âme qui échappe à toute détermination. Il permet de comprendre l’expérience du détachement qui est un point central dans l’enseignement d’Eckhart.

En abandonnant les images et représentations qui envahissent l’esprit, l’homme découvre une profondeur infinie qui fait de lui un être inappropriable, irréductible à toute définition. C’est peut-être cela l’humanité de l’homme… Saisir combien "quelque chose" nous échappe, et ce "quelque chose" est peut-être la part la plus essentielle de nous-mêmes. Rappelons qu’Eckhart est dominicain, et le Christ est au centre de sa vie. Le Verbe de Dieu est la figure par excellence de celui qui sans cesse se dérobe à toutes les images et représentations. Le Christ est toujours bien au-delà de nos regards. Il indique ainsi un chemin pour l’homme, un chemin de pauvreté. Il nous faut constamment renoncer à ce que nous croyons savoir.

 

Eckhart est un grand écrivain parce qu’il a compris que l’écriture est impossible. Ecrire n’est pas décrire. On commence à écrire quand on a compris que ce qui est à dire excèdera toujours nos simples mots. Cependant, il ne faut pas renoncer au langage. Les mots sont toujours insuffisants pour évoquer certaines réalités et pourtant c’est à travers l’épaisseur du langage qu’un quelque chose parvient parfois à se dire. Eckhart nous a laissé un magnifique poème qui évoque la rencontre entre l’homme et Dieu dans l’intime. Il s’agit du "Grain de sénevé". Mais toute son écriture est poétique. Le rythme des phrases, la reprise de certains termes et le jeu des sonorités, tout cela permet d’évoquer ce qui ne peut être dit, son écriture est comme une variation infinie autour d’un thème qui toujours nous échappe. Bref, une belle écriture qui constitue un rempart contre toutes les certitudes mal assurées et contre toutes les formes d’intransigeance… 

  

MAÎTRE ECKHART OU LA PROFONDEUR DE L’INTIME

 Eric  Mangin

Edition du Seuil

2012

Mourir à soi, naître en Dieu, « percer dans le fond de l’âme »… L’intime chez Maître Eckhart n’est ni le secret ni la simple intériorité, mais une distance essentielle en l’âme qui permet à l’homme d’être à la fois uni à Dieu et présent au monde ? authentiquement humain. Cette expérience apparaît ainsi comme une expression privilégiée du détachement, objet principal de la prédication du théologien rhénan. Ouverte sur l’agir et non close sur elle-même, elle révèle en l’homme une profondeur infinie qui fait de lui un être libre, inappropriable. Mais dire l’intime est un défi pour la pensée comme pour le langage, et toute l’œuvre de Maître Eckhart peut être considérée comme une tentative de décrire cet indicible. Jamais pourtant, malgré l’insuffisance des mots, le prédicateur ne renonce. Sa langue atteint au contraire une créativité et une poésie remarquables pour évoquer le lieu de la naissance de Dieu en l’âme. Situant parfaitement Maître Eckhart dans le contexte intellectuel et théologique qui était le sien, et dont il s’est souvent distingué, cet essai offre une relecture passionnante et sensible de ce théologien mystique parmi les plus originaux. Un ouvrage de référence.

 

Au sommaire de cet ouvrage :Le détachement comme chemin vers l’intime  -  mourir à toutes choses et à soi-même  -  le détachement et  ses différentes expressions  -  l’exigence d’une radicalité  - Mors mystica, la mort mystique de l’âme   -   la naissance de Dieu dans l’âme  -   la naissance éternelle   -  l’enracinement théologique de cette expérience   -    Percer dans le fond sans fond   -    Oportet transire   -  l’expérience de la percée   -    la topographie de l’impossible   -  la profondeur de l’intime  -   Figures de l’intime  -    par-delà bien et mal  -   Agir et pourquoi   -     Entre sérénité et inquiétude  -   la figure de Marthe   -   L’homme bon et l’étendue sans fin de l’être   -  Affronter la souffrance dans toute sa complexité   -   A l’écoute des discours philosophiques et théologiques   -    L’homme bon et l’expérience du « pâtir Dieu »   -     Marie-Madeleine ou la puissance inexprimable   -   Amor, caritas, dilectio   -   les noms de l’amour   -  l’intensité de l’amour et le plaisir d’aimer   -   L’espace d’où procède l’écriture   -   Dire l’intime indicible   -   l’insuffisance des mots et l’éloge du silence   -  Elaboration d’une parole authentique   -   Dévoilement de l’intime   -  Résonnances intérieures  -   une lecture du Granum sinapis   -   la poésie et l’art des passages   -  

 

Entretien avec l’auteur, Eric Mangin au sujet de Maître Eckhart : En quoi le grand théologien, philosophe et mystique allemand maître Eckhart est-il encore actuel ? Qu’a-t-il à nous dire aujourd’hui ? Rencontre avec Éric Mangin, maître de conférences à l’Institut Catholique de Lyon, philosophe et théologien, qui travaille depuis une dizaine d’années sur ce grand mystique rhénan et qui vient de publier un essai* introductif à la fois dense, clair et accessible sur sa pensée et sa spiritualité. 

 

Dans quelles circonstances avez-vous découvert maître Eckhart et pourquoi avez-vous eu envie de lui consacrer la majeure partie de vos recherches ? 

 

J’ai découvert la pensée de Maître Eckhart en 1986 lorsque j’étais jeune étudiant en philosophie à Strasbourg. La nouvelle traduction des Traités et Sermons d’Alain de Libera ("GF-Flammarion", 1993) a rendu les textes du Rhénan plus accessibles sans rien supprimer à leur profondeur. Mais, c’est à Lyon, quelques années plus tard avec Pierre Gire que mes travaux de recherche ont véritablement débuté.

 

Ce qui m’intéresse chez Eckhart, c’est la rationalité qu’il déploie à travers ses œuvres, une rationalité qui ne s’approprie pas l’objet contemplé, mais bien au contraire qui ouvre au mystère infini de ce qui est à dire. En d’autres termes, pour Eckhart "expliquer" revient à exprimer la complexité de l’être, ou encore à montrer combien une chose demeure toujours fondamentalement insaisissable. Du coup, on ne devient pas spécialiste de Maître Eckhart, ou plus exactement on ne parvient à le comprendre qu’en admettant assez modestement que nos interprétations ne peuvent épuiser la richesse de sa pensée.

 

Le concept d’intime est central dans votre essai. Comment faut-il le définir et pourquoi ce concept constitue-t-il, selon vous, la clef de voûte de la pensée et de l’œuvre de maître Eckhart ?

 

Si la littérature a bien développé cette notion, l’intime est encore très peu envisagé dans la philosophie. D’origine augustinienne, l’intime désigne ce lieu dans l’âme qui échappe à toute détermination. Il permet de comprendre l’expérience du détachement qui est un point central dans l’enseignement d’Eckhart. En abandonnant les images et représentations qui envahissent l’esprit, l’homme découvre une profondeur infinie qui fait de lui un être inappropriable, irréductible à toute définition. C’est peut-être cela l’humanité de l’homme… Saisir combien "quelque chose" nous échappe, et ce "quelque chose" est peut-être la part la plus essentielle de nous-mêmes.

 

Rappelons qu’Eckhart est dominicain, et le Christ est au centre de sa vie. Le Verbe de Dieu est la figure par excellence de celui qui sans cesse se dérobe à toutes les images et représentations. Le Christ est toujours bien au-delà de nos regards. Il indique ainsi un chemin pour l’homme, un chemin de pauvreté. Il nous faut constamment renoncer à ce que nous croyons savoir.

 

L’un des apports de votre essai, et ce qui vous distingue d’autres commentateurs, est d’être attentif aux problématiques littéraires dans l’œuvre d’Eckhart et de le considérer comme un écrivain à part entière qu’il est effectivement. Vous intitulez ainsi la Troisième partie de votre livre "L’espace d’où procède l’écriture". Comment s’articuler selon vous expérience de la pensée, expérience spirituelle et écriture littéraire dans l’œuvre de maître Eckhart ?

 

Eckhart est un grand écrivain parce qu’il a compris que l’écriture est impossible. Ecrire n’est pas décrire. On commence à écrire quand on a compris que ce qui est à dire excèdera toujours nos simples mots. Cependant, il ne faut pas renoncer au langage. Les mots sont toujours insuffisants pour évoquer certaines réalités et pourtant c’est à travers l’épaisseur du langage qu’un quelque chose parvient parfois à se dire.

 

Eckhart nous a laissé un magnifique poème qui évoque la rencontre entre l’homme et Dieu dans l’intime. Il s’agit du "Grain de sénevé". Mais toute son écriture est poétique. Le rythme des phrases, la reprise de certains termes et le jeu des sonorités, tout cela permet d’évoquer ce qui ne peut être dit, son écriture est comme une variation infinie autour d’un thème qui toujours nous échappe. Bref, une belle écriture qui constitue un rempart contre toutes les certitudes mal assurées et contre toutes les formes d’intransigeance… 

 

 

maÎtre eckhart - sermons de maÎtre eckhart

Traduit par G. JARCZYK & Jr. LABARRIERE

Edition ALBIN MICHEL

 1998

(De l’étincelle à l’âme – Dieu au-delà de Dieu – Et le néant était Dieu)  trois volumes pour expliquer les sermons, de Maître Eckhart, ce grand penseur et mystique du Moyen Âge.

 

« Lorsque l'âme parvient à la lumière sans mélange, elle pénètre dans son néant... ». « L'amour est plus une récompense qu'un commandement ». « Garde-toi de toi-même : tu auras fait bonne garde ». « Où l'image entre, Dieu doit s'écarter... Mais quand cette image sort, Dieu entre »... Tout Eckhart est dans ces formules qui parsèment les Sermons. Commentant la plupart du temps une simple phrase de l'Évangile, destinés à des moines et des moniales diversement cultivés, plus concrets que les Traités, ils reflètent pourtant toute l'expérience mystique du grand dominicain ainsi que son immense culture, où la grande théologie scolastique se mêle aux influences du néoplatonisme, de Denys l'Aréopagite, de saint Augustin. Sans doute transcrits pour partie par les auditeurs, donc sujets à des approximations, les Sermons, ou plutôt des extraits qu'on en a tirés pour les besoins de la cause, constitueront la grande pièce de l'accusation dans les procès en hérésie qui seront intentés à Eckhart et qui aboutiront à la Bulle de condamnation du pape Jean XXII en 1327 (Eckhart meurt en 1328). Les Sermons sont traduits ici de l'allemand, c'est-à-dire de la langue dans laquelle ils furent prononcés par Maitre Eckhart. Les Sermons sont traduits ici de l'allemand, c'est-à-dire de la langue dans laquelle ils furent prononcés par Maitre Eckhart.

Imaginez des notes de cours de 1311. Imaginez que le plus grand philosophe du XIVe siècle s’y soit donné pour tâche d’exposer des choses « nouvelles, brèves et faciles », jalons d’un projet rationaliste de grande ampleur. Imaginez enfin que vous entrez dans la cuisine universitaire où furent inventées les plus belles audaces de la mystique allemande. Vous aurez alors une idée de ce que la lecture des « sermons latins » fait à celui qui s’y frotte : un mélange de brutal dépaysement et d’enchantement presque lyrique, d’obscurité pointilleuse et d’émerveillement étonné.

D’une part, en effet, Eckhart se livre à l’exercice très défini que constitue le sermon universitaire : il cite un passage de la Bible, puis l’éclaire par d’autres passages de nouveau empruntés à l’Écriture, ou aux Pères de l’Église, ou encore aux philosophes grecs et arabes. Évidemment, d’un point de vue formel, cela semble austère, et à certaines pages ça l’est en effet. Mais, d’autre part, le texte est également gorgé de ces formules que l’on tourne, quand on enseigne, pour saisir par les tripes les auditeurs qui s’assoupissent. C’est ainsi, par exemple, qu’il conclut le sermon VI avec des formules si cinglantes que l’on croirait lire Spinoza : « Nous ne devons pas remercier Dieu de nous aimer. La nécessité en effet lui en incombe » p. 93. Plus doux, dans le sermon XL, il remarque que le commandement « tu aimeras... » peut être reçu « comme un précepte et comme une annonce, au sens de prophétie et de promesse » p. 331 : lecture aussi surprenante que généreuse... Cependant, il faut admettre que les fulgurances sont moins nombreuses ici que dans les « sermons allemands », et pour cause : destinés à un public plus large, ceux-ci ont introduit en langue vulgaire les subtilités qu’avaient permises les sermons latins, rédigés pour des universitaires, en y ajoutant une incomparable séduction littéraire.

 

MAÎTRES SPIRITUELS DU DÉSERT DE GAZA

 

Edition  SOLESMES

 1966

Plusieurs lettres et sentences de ces Maîtres spirituels qui vivaient cloîtrés dans le désert de Gaza au 6ème siècle.  Des récits écrits par des grands mystiques.

Les premiers à avoir mené le combat spirituel lié à la vie chrétienne, furent ces hommes et ces femmes attirés au désert, dès les 3ème-4ème siècles. Pour que Dieu soit le premier servi, pour que la prière prenne toute la place dans leur vie, il leur a fallu lutter contre leurs instincts, exercer une réelle ascèse, afin d'acquérir une vraie liberté pour le Christ. Ces premiers moines, que l'on a appelés pères du désert, peuvent, sans nul doute, éclairer notre propre chemin et nous enseigner au sujet du combat spirituel.

Ils ont été des milliers, selon les historiens, à rejoindre les déserts de Basse et de Haute Egypte, mais aussi de Palestine, de Syrie, etc., pour mener, dans la solitude, une vie de prière, de pénitence et de conversion intérieure. Chacun d'eux, travaillant de ses mains et priant continuellement, vivait relativement isolé, mais à proximité d'un « ancien » capable de les guider sur un chemin qui n'était pas sans embûches ni tentations.

Vers la fin du 4ème siècle et le début du 5ème, un certain nombre de paroles dites par ces pères du désert, retenues et répétées par leurs disciples, ont été rassemblées dans des recueils d'apophtegmes (ou sentences, ou dits des anciens). Ces textes révèlent une profonde doctrine spirituelle appuyée sur une fine connaissance psychologique de l'homme, et une pédagogie tout-à-fait « moderne ».

Un ancien racontait ceci : « Un frère fut tenté par ses pensées pendant neuf ans, à tel point que dans son anxiété il désespéra de son salut et se condamnait lui-même : 'J'ai perdu mon âme, et puisque je suis mort, je retourne dans le monde'. Et comme il s'en allait, il entendit une voix sur le chemin : 'Les tentations que tu as supportées pendant neuf ans étaient tes couronnes. Retourne donc où tu étais, et je te soulagerai de tes pensées'. Le frère comprit alors que l'on ne doit pas désespérer pour les pensées qui surviennent : ces pensées nous procurent plutôt des couronnes, pourvu que nous les supportions bien ».

 

MASSIGNON LOUIS   - BIOGRAPHIE

DESTREMEAU & moncelon

Edition PLON

 1994

Voici la biographie attendue d’un des plus grands intellectuels français de ce siècle. Louis Massignon fut à la fois un remarquable spécialiste de l’islam et du monde arabe, dont les cours au Collège de France déplaçaient les foules, un agent d’influence du Quai d’Orsay, un intellectuel engagé dans toutes les batailles du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord : Maroc, Syrie, création de l’État d’Israël, indépendance de l’Algérie. Il fut surtout un catholique au mysticisme si fervent qu’il demandera à être ordonné prêtre selon le rite melkite, bien qu’ayant femme et enfants.


Et le personnage privé se révèle tout aussi complexe et passionnant. Ce séducteur compte parmi ses amis le père de Foucauld, Paul Claudel, Jacques Maritain et nombre de ses anciens élèves devenus d’éminents universitaires. Indéfectible patriote comme un de ses plus farouches adversaires, Lawrence d’Arabie, il militera pour l’inévitable décolonisation ; mieux, il se pose en intercesseur auprès de Dieu en faveur de ces musulmans trop ignorés.

Grâce à une documentation minutieuse, Christian Destremeau et Jean Moncelon réussissent la gageure d’éclairer les multiples facettes de leur héros et de nous faire comprendre pourquoi Massignon exerce, aujourd’hui encore, une telle fascination !

 

D’origine bretonne, Massignon était considéré comme l’un des plus éminents chercheurs français dans le domaine du monde arabe et de l’islam, et était bien connu pour ses traductions ainsi que pour ses nombreux ouvrages et articles, notamment sa thèse magistrale sur le soufi Hallâj (858-922). C’était un héritier du XIXe siècle au cours duquel l’orientalisme n’était pas une affaire de spécialiste, mais au contraire embrassait aussi bien la sociologie, l’archéologie, la littérature que la spiritualité des populations du monde arabo-musulman. Son érudition, liée à une intelligence fulgurante, était étonnante. Il entretenait une correspondance internationale très fournie, écrivant couramment en anglais et en allemand, pratiquant le russe et presque toutes les langues européennes. Il connaissait admirablement bien les trois langues de base des orientalistes traditionnels : l’arabe, le turc, le persan. Massignon avait cependant une affinité particulière avec la langue arabe à laquelle il se plaisait à rendre un vibrant hommage, que ce soit à l’Académie Arabe du Caire ou en tant que président du jury d’agrégation d’arabe à Paris.

 

Pendant toute sa vie, Louis Massignon fut un inspirateur incomparable du dialogue des civilisations, et plus particulièrement du dialogue islamo-chrétien. Il essayait sans cesse d’établir des complémentarités entre les trois religions sœurs issues d’Abraham dont il proposa une définition longuement méditée : « Le judaïsme est enraciné dans l’espérance, la chrétienté est vouée à la charité, l’islam est centré sur la foi ». Il incarnait un dialogue islamo-chrétien d’autant plus fécond qu’il revendiquait une double appartenance : par sa naissance, Massignon appartenait à la tradition de la chrétienté occidentale, et, par son cheminement personnel, il choisit d’être un frère des arabes, allant parfois jusqu’à épouser leur destin. Il consacra ainsi sa vie, très active et laborieuse, à faire valoir les richesses de la civilisation musulmane et à essayer de dégager ce qu’à ses yeux l’islam avait d’authentique et d’original. C’est certainement en grande partie grâce à lui qu’un courant favorable au dialogue avec l’Islam put s’établir peu à peu au sein de l’Eglise catholique.

 

En 1970, les éditions de l’Herne publiaient un cahier rassemblant l’hommage des amis de Massignon, des études critiques de son œuvre, une reconstitution des grandes étapes de sa vie ainsi que certains textes inédits. L’article d’Eva de Vitray-Meyerovitch est à la fois le témoignage émouvant d’une admiratrice et amie, et une fine analyse des grands thèmes qui ont marqué la vie et l’œuvre de Massignon : les mystères de l’intériorité, l’amour de la poésie, la force universaliste de la langue arabe, l’art de la traduction comme révélateur de la réalité profonde des choses. L’affinité et la complicité entre ces deux orfèvres de la traduction s’avère palpable quand elle cite Massignon parlant du langage des poètes et des mystiques qui nous invite à un dépassement du langage même et à donner un « sens plus pur aux mots de la tribu ». Eva de Vitray-Meyerovitch et Louis Massignon se rejoignent ainsi sur ce qui a nourri une part importante de leur démarche personnelle d’écrivain et de croyant : la nécessité de quitter sa langue et sa culture originelles pour mieux percevoir le sens profond qui jaillit de l’alchimie entre langage et musique.

 

massignon louis –   mystique en dialogue

Divers Auteurs

Edition ALBIN MICHEL

 1992

Quel curieux personnage ! Excessif, dérangeant, cet homme déchiré par sa passion de l’absolu et d’autrui continue à nous remettre en question trente ans après sa mort, le jour de la Toussaint 1962. Car ce chrétien, dont la foi semble parfois comme outrée, fut le plus ardent propagateur du dialogue avec l’islam et ses actions iront très loin en ce sens, religieusement, symboliquement et socialement.


Fier et humble, grand bourgeois de nature mais vrai pauvre parmi les pauvres en son cœur, bavard outrancier toujours à l’écoute des demandes de l’Étranger, pieux mais pas calot, idéaliste ancré dans les réalités politiques, ce saint qui n’en est pas un, ce fidèle que le père de Foucauld pressait de venir le rejoindre au désert mais qui préféra toutefois fonder une famille, ce diplomate qui n’employait pas la langue de bois, cet œcuméniste avant l’heure en un temps de partis pris et de partisans, cet emporté de génie, sut s’élever contre les prises de position établies, les mesquineries, l’intolérance. Et surtout contre la discrimination raciale et spirituelle, contre la faute ultime : la séparation des êtres et des âmes.


Savant doué du sens d’improvisation, religieux marié, guerrier de l’action pacifique, contemplatif féru d’action concrète, en voilà un qui sut concilier les contraires !

Les témoignages ici réunis lui rendent hommage, tous travers et qualités confondus, et nous permettent de mieux le connaître : puisse-t-il continuer à inspirer, en d’autres voies, le dialogue vrai.
Y sont développés :

Louis Massignon

Par Jacques Mercanton

Entre la violence et la mystique

Par Yvonne Chauffin

Tel qu’il était de son vivant

Par Vincent Monteil

Les chemins bretons

Par Louis Claude Duchesne

L’extase et la grâce

Par Jean Moncelon

Le signe marial

Entretien avec Louis Massignon

La révélation d’un Islam autre

Par Christian Jambet

Massignon face à Israël

Par Dominique Bourel

Ce n’était pas un saint

Entretien avec Maxime Rodinson

Cette logique brûlante

Entretien avec François Nourissier

Un être donné

Entretien avec Claude Bourdet

Espace et rencontres

Par Gabriel Bounoure

Sa spiritualité

Par Roger Arnaldez

Un éclaireur

Par Théodore Monod

Une histoire épiphanique

Par François l’Yvonnet

Et Massignon s’offrit à la chaise

Par Marc Édouard Nabe

L’homme de parole(s)

Entretien avec Vincent Monteil

L’involution de l’anthropologie

Par Francis Affergan

L’origine en partage

Par entretien avec Daniel Sibonu

Le congrès des croyants

Par N. Bammate

Réponse à un ami musulman

Par Louis Massignon

Hallaj

Par Louis Massignon

Quelques lettres à Gabriel Marcel

Par Louis Massignon

L’homme « en qui Dieu verdoie »

Entretien avec M.M. Davy

Louis Massignon : une courbe de vie (1883/1962)

Chronologie établie par François Angelier

La chronique

De Marie-Madeleine Davy

 

MASSIGNON INTḖRIEUR

Patrick Laude

Edition L’Âge d’Homme

2001

On connaît surtout Louis Massignon en tant que spécialiste de l'Islam et grand initiateur des études islamiques en France, particulièrement en matière de soufisme. Son rôle actif dans la défense des humbles et des minorités opprimées caractérise aussi la face publique de la vie de cette âme de feu toujours prête à prendre le parti de la justice humiliée. On est d'ordinaire moins conscient de ce qu'Henry Corbin a pu désigner comme les " clauses intimes " de la vocation de Massignon.

Le présent ouvrage s'attache surtout à analyser et à situer ces aspects intérieurs de la vie et de l'oeuvre de Massignon dans la perspective de l'" essentiel désir ", de cet ardent amour de Dieu qui informe la totalité des choix existentiels de l'islamologue chrétien. L'ouvrage ici présenté explore quatre aspects fondamentaux du Massignon intérieur, lesquels éclairent la cohérence spirituelle de sa démarche et de son action. Il y a d'abord l'importance cardinale de l'espace orienté et du pèlerinage, véritable vecteur de grâce et voie de participation aux grands " mythes " religieux du monde d'Abraham.


Vers l'intérieur, le thème de la féminité mystique illumine la dimension la plus cachée et la plus profonde de la grâce, celle de la femme comme " gardienne du mystère ". Cette source cachée ouvre aussi la voie de l'universalité et pose ainsi la question de la diversité religieuse et de sa signification. Un dernier chapitre examine le " traditionalisme dynamique " de Massignon dans sa confrontation avec les valeurs et les accomplissements du monde moderne.

Ecartelé entre le catholicisme de sa mère et le scientisme laïque de son père, Louis Massignon perd la foi très jeune. Il suit des cours d'arabe et d'islamologie à l'Ecole des langues orientales, à Paris. Après un voyage au Maroc et de premières recherches sur Léon l'Africain, il passe huit mois au Caire, en 1906-1907. Ce séjour en Egypte est doublement déterminant. D'abord, parce que le jeune orientaliste y vit une passion amoureuse avec un dandy homosexuel, Luis de Cuadra, qui le poursuivra jusqu'au suicide de celui-ci, des années plus tard. Ensuite, parce qu'il découvre un personnage étonnant, Al Hallâj Ibn Mansour, un mystique musulman mort en martyr à Bagdad en 922 pour avoir osé faire état d'un amour réciproque entre Dieu et l'Homme, ce que l'islam n'admet pas. Massignon lui consacrera une thèse magistrale, qui, par sa richesse comme par son style, marquera un tournant dans les études islamologiques (La Passion de Hallâj, Gallimard, 1975).

 

Mais pour le moment, c'est sa propre vie qui va basculer lors d'une exploration aventureuse dans le désert irakien. Moqué pour son homosexualité, soupçonné d'espionnage, menacé de mort et emprisonné, Louis Massignon cherche à s'évader, puis à se suicider au moyen d'un poignard. Le 3 mai 1908, il est foudroyé par une expérience spirituelle, comme il ne le racontera en détail qu'un demi-siècle plus tard. C'est désormais un chrétien mystique, vivant "l'extase de l'abandon", qui va étudier l'islam. En 1910, en tenue d'étudiant arabe, Massignon assiste aux cours de la mosquée d'Al-Azhar, au Caire. Mobilisé en 1914, il est envoyé sur le front d'Orient, sera décoré de la croix de guerre et entrera à Jérusalem aux côtés de Lawrence d'Arabie. Sans manquer de s’indigner contre le manquement à la parole donnée aux Arabes de pouvoir créer un royaume indépendant. Massignon enseigne comme suppléant au Collège de France où il sera élu en 1926 à la chaire de sociologie et sociographie musulmane. Il collabore à la Revue du Monde musulman, avant de lancer en 1927 la Revue des études islamiques. C'est "un savant à la production océanique, épistolier frénétique, rédigeant jusqu'à vingt-cinq lettres par jour", souligne François Angelier. Mais il n'a rien d'un orientaliste de cabinet. Multipliant les voyages et les conférences, en français ou en arabe, il entreprend aussi de nombreux pèlerinages, qui ont pour lui le sens d'un exil, d'un décentrement, afin de sortir de soi, "aller vers un autre pour évoquer avec lui un Absent".

 

Pourquoi un seul Dieu, le Dieu d'Abraham, a-t-il voulu trois révélations ? Cette question ne cesse de hanter Louis Massignon. "Je reproche à beaucoup de chrétiens leur attitude de mépris à l'égard de Mohammed", un homme qui ne s'est pas "déifié", qui a "transmis avec sincérité et authenticité" un message de l'au-delà, dit-il en décembre 1947. Comme le souligne François L'Yvonnet, il "accorde à la langue arabe le privilège inouï d'être la dernière "langue liturgique" dans laquelle Dieu s'est adressé aux hommes". Louis Massignon - et cela lui sera beaucoup reproché - étudie l'islam de l'intérieur. "Pour comprendre l'autre, selon lui, il faut se mettre dans l'axe de sa naissance." Prendre l'islam par le haut, par sa mystique, et comparer les deux religions au même niveau, sans opposer l'idéal chrétien au comportement des musulmans. Ceux-ci n'admettent pas la crucifixion du Christ ? Massignon vivra la croix à leur place. Il a été très marqué par ses rencontres avec le père Charles de Foucauld, devenu un confident (Jean-François Six, Le Grand Rêve de Charles de Foucauld et Louis Massignon, Albin Michel, 2008). Un moment, il a pensé le rejoindre au Sahara. C'est de lui qu'il tire l'idée de "substitution" spirituelle (badaliya en arabe), qui donne naissance en 1934, en Egypte, à une "sodalité de prière" un peu difficile à saisir : ces chrétiens d'Orient ne cherchent pas à convertir les musulmans, mais à s'offrir en "substitués" à leur place, en "payant leur rançon" auprès du Christ. Louis Massignon n'est-il pas devenu lui-même un chrétien d'Orient ? En 1950, bien que marié, il est secrètement ordonné prêtre au Caire selon le rite grec catholique...

 

En 1946, l'islamologue est nommé président du jury de l'agrégation d'arabe. Il s'oppose à la partition de la Terre sainte lors de la création de l'Etat d'Israël. En juin 1953, il entame un premier jeûne privé pour la paix en Afrique du Nord. Devenu président de l'association des Amis de Gandhi, il engage une lutte non violente contre la guerre en Algérie. Cela ne lui vaut pas que des amis. En 1958, à Paris, il est frappé au visage avant une conférence sur Charles de Foucauld, et perd l'usage de l'oeil droit. Ce qui ne l'empêche pas, deux ans plus tard, de participer à un sit-in au camp de Vincennes pour protester contre le traitement infligé aux Algériens de France...Chrétien engagé, islamologue contesté, Louis Massignon est aussi un immense écrivain, au style étincelant. A son amie libanaise Norah Zalzal qui lui demande quand il publiera "le grand ouvrage" devant couronner sa carrière, il répond : "Pour qui me prenez-vous ? Notre seul grand ouvrage c'est notre vie, notre mort surtout."

 

MASSIGNON - le grand rÊve de charles de foucauld & louis massignon

 J. François six

Edition  ALBIN MICHEL

 2008

Cette histoire, qui commence en 1909, est celle d’une rencontre intense entre deux êtres de feu : Charles de Foucauld  homme de désert et de mystique, et Louis Massignon, jeune orientaliste de génie. L’un a cinquante ans, l’autre vingt-cinq, et tous deux, épris de fraternité universelle, ont connu les tentations du monde avant de voir leur vie basculer devant la foi et l’hospitalité des sociétés musulmanes.


Du cœur et de l’esprit du premier surgit un projet fou qu’il commence pourtant à mettre en œuvre : une Union de frères et sœurs, religieux ou laïcs, tous égaux, « défricheurs » disséminés à travers le monde et en communion de prière. Il les destine à vivre l’Évangile là où il n’est pas connu, à semer l’Amour là où il n’y a pas d’amour. À sa mort, Louis Massignon reprend le flambeau qu’il transmet à son tour à Jean-François SIX, prêtre et théologien.
Après cinquante ans de silence, celui-ci a choisi de raconter l’histoire tumultueuse de cette Union atypique et discrète, riche aujourd’hui d’un millier de membres, qu’il a fallu protéger de l’affadissement et des nombreuses tentatives de récupération. Un récit passionnant qui fait revivre pour nous le grand rêve de Charles de Foucauld.

 

En 1890 Charles de Foucauld devient moine trappiste. En 1901, ayant quitté la Trappe, il se fait ordonner prêtre. Puis il s'installe au Sahara à Béni-Abbès, puis dans le Hoggar. À cette époque, les Territoires du sud ne sont pas rattachés aux départements français d'Algérie mais soumis à l'administration militaire. Très peu nombreux, soucieux de conquérir les Sahariens plus par l'action psychologique que par la force, les militaires ont besoin de Charles de Foucauld ès qualités de prêtre-ermite ou, si l'on veut, de « marabout chrétien », afin de dissiper une rumeur ruineuse pour le prestige du conquérant. Cette rumeur parcourt la société maghrébine, dès que les fidèles de l'Islam commencent à se faire quelque idée du mouvement de sécularisation et de laïcisation qui parcourt la société française : l'occupant ne serait même pas chrétien. Si les Français n'ont plus de religion, qu'adviendra-t-il de leur prestige en milieu musulman ? Cette question n'est même pas concevable au nord de la Méditerranée. Charles de Foucauld permet aux militaires établis au Sahara d'être des croyants par procuration. Voilà au moins un Français qu'on voit prier ! Tout en étant resté très proche du milieu militaire et y comptant de solides amitiés, Charles de Foucauld est parfaitement conscient du risque d'être ainsi instrumentalisé. Mais sans l'autorisation de l'armée, ou sans sa protection, il ne peut être question de s'établir au Sahara.

 

Or, ayant dû renoncer à son rêve de pénétrer de nouveau au Maroc, il est attiré par le Hoggar. Il veut explorer le monde berbère, côtoyé à Sétif en 1880 et retrouvé dans le Haut-Atlas en 1883-1884. De 1905 à sa mort en 1916, il s'attelle à la tâche de connaître et de comprendre le groupe berbère le mieux conservé dans son état originel, c'est-à-dire le moins transformé par la religion musulmane et par le contact avec les Arabes, à savoir les Touaregs du Hoggar. Il en explore la vie sociale, en recueille le patrimoine poétique et littéraire, établit la grammaire et le lexique du tamazight, leur langue au demeurant fort complexe, après avoir percé les énigmes du tifinagh, écriture aussi ancienne, peut-être, que l'alphabet phénicien. L'œuvre scientifique de Charles de Foucauld est considérable. Elle fait toujours autorité auprès des berbérologues.

 

Comme tant de connaisseurs de la société arabo-berbère au début du XXe siècle, il est habité par la conviction que la France n'a pas encore su s'en faire admettre. Il est de ceux qui espèrent qu'à long terme, un rapprochement social, politique et culturel entre Français et Maghrébins se produira. Car, comme eux, il est révulsé par l'Algérie française, telle qu'elle existe alors : ni vraiment colonie ni vraiment province, ou pseudo-province fondée en fait sur une inévitable ségrégation ethno-religieuse, à l'instar de beaucoup d'autres sociétés méditerranéennes comme la Bosnie, la Macédoine et la Crète de l'époque, et bientôt comme Chypre, le Liban et la Palestine. En bref, fondée sur la négation des principes républicains de Liberté, Égalité, Fraternité. Comme les militaires de sensibilité républicaine – par opposition à ceux qui ont conservé un attachement à l'Ancien Régime –, Charles de Foucauld a pour idéal politique l'intégration de l'Afrique du Nord à la France, et non pas un système de protectorat ou de vie séparée entre conquérants et conquis. Cette intégration leur paraît évidemment impossible, à court terme.

 

Si Charles de Foucauld ou les militaires de sensibilité républicaine se prennent de passion pour les Berbères, c'est parce qu'ils leur paraissent moins figés dans leur civilisation que les Arabes ou les Arabisés, plus souples, plus adaptables au monde moderne et donc susceptibles de constituer dans l'avenir un pont entre ces derniers et la France. En s'immergeant dans la société touarègue, Charles de Foucauld a certainement voulu participer à ce grand dessein politico-social axé sur le monde berbère. À cet égard, il est remarquable qu'il n'ait point cherché à convertir les Touaregs. Il s'est appliqué à les connaître et aussi, très concrètement, à y introduire des principes d'égalité jusque-là inconnus dans cette société de type clanique, ainsi que des éléments de progrès technique. Il fallait d'abord « républicaniser » le Hoggar. Plus tard, bien plus tard, d'autres y introduiraient l'Évangile.

 

Charles de Foucauld est tué dans son bordj à Tamanrasset le 1er décembre 1916 par des irréguliers appuyés par des éléments venus du territoire libyen, théoriquement italien depuis 1912, mais livré en fait à l'action d'agents turcs ou turco-allemands, ainsi qu'à celle de la confrérie des Sénoussis. Dans le cadre de la Grande Guerre, il se dépense beaucoup pour défendre le Hoggar, dégarni comme tant d'autres positions sahariennes ou nord-africaines en raison des envois répétés de troupes sur le front entre Vosges et mer du Nord. L'engagement de Charles de Foucauld dans la défense de Tamanrasset doit être compris à la lumière de ce qui fut l'attitude unanime des catholiques, et notamment des prêtres et religieux, en 1914-1918 : surenchère patriotique destinée à faire taire définitivement la rumeur infâme, jusque-là colportée dans les milieux républicains ou anticléricaux, comme quoi l'obéissance à la Papauté équivaudrait à l'allégeance à une puissance étrangère.

 

Ses agresseurs ne s'en prirent pas à sa qualité de chrétien, semble-t-il, mais à sa qualité de Français. On ne lui demanda pas, d'ailleurs, de renier le Christ. Ce qui l'avait rendu haïssable, et dangereux aux yeux de certains, convaincus comme tous les radicaux de la Guerre Sainte, dont les Sénoussis, c'était le fait qu'en s'étant fait adopter par la société touarègue, il contribuait aussi à la rendre francophile et plus ouverte à la civilisation occidentale, voire à la modernité, qu'envers ceux qui allaient s'employer à l'islamiser pour de bon, voire même à en entamer l'arabisation. La mort de Charles de Foucauld donne la clé de son existence au Sahara et de celle des groupes ou associations qui plus tard, se réclameront de son exemple : c'est la fraternité. Or ce mot de fraternité est commun à deux lexiques : celui de la religion chrétienne et celui de la République.

 

MÉDITATION - LES 7 CLÉS DE LA MÉDITATION

Erik Sablé

Edition Almora

 2013

De plus en plus d’occidentaux éprouvent le besoin de méditer. Cependant la volonté de méditer ne suffit pas car la méditation est un « travail sur soi » particulièrement exigent, c’est pourquoi, il est important pour le débutant d’être aidé.

Cet ouvrage présente les 7 clés essentielles pour ouvrir la porte de notre intériorité. Sagesse, maîtrise du souffle, des pensées, concentration… sont quelques-unes des portes à ouvrir pour atteindre la sérénité et le début d’un équilibre.

Erik Sablé parle ici dans un langage clair et précis, à partie de son enseignement et de sa grande pratique de la méditation. Grâce à ces 7 clés, l’accès à notre espace intérieur devient enfin possible.

Au sommaire de ce petit livre, mais grand dans sa dimension spirituelle nous avons :

Pourquoi méditer ? - Quelques illusions -

1e Clé : La Sagesse - L’impermanence - Etre à l’écoute de son maître intérieur -

2e Clé : S’ouvrir au souffle et au corps - Connaître et apprivoiser le souffle -

3e Clé : Comprendre les mécanismes du mental -

4e Clé : La concentration - Des efforts d’imagination, de visualisation et une certaine tension de l’esprit -

5e Clé : Etre attentif à la racine de l’illusion - Le point de naissance de la pensée -

6e Clé : La Présence - Domaine de l’ineffable -

7e Clé : La joie et la sérénité - Dilatation de notre être et élargissement de la conscience - Un pouvoir de transfiguration - Méthode et pratique de méditation -

Erik Sablé est l’auteur de plusieurs livres de spiritualité, il se passionne pour le Bouddhisme ; l’hindouisme et le taoïsme, mais aussi pour toutes les spiritualités qui permettent à l’homme de trouver sa voie et de pouvoir s’épanouir. La méditation est au cœur de sa pensée. 

Les autres livres de méditation sont au chapitre  20 M  -

 

melkitsedech

Politica Hermetica

Edition L’ÂGE D’HOMME

 2005

Ce roi étranger, sans génération, et dont le royaume est inconnu, aurait dû se perdre au milieu de la foule anonyme des princes cités dans la Bible ; il n’en fut rien parce que son éphémère irruption correspondait à un moment décisif : il a béni Abraham et sa lignée, celui-ci lui a versé la dîme et comme l’a souligné Saint Paul, ce n’est pas l’inférieur qui bénit le supérieur.  Cette précellence servit à légitimer le sacerdoce chrétien « selon l’Ordre de Melchisédech ». Elle devait inspirer également bon nombre de courants de pensée hétérodoxes, entre les non-dits de son origine ou de sa fonction et le non-lieu de sa cité de Salem, depuis les gnostiques de l’Antiquité jusqu’à Guénon en passant par les maçons du XVIIIème siècle.

Paul-Marie GUILLAUME et Philippe LEFEBVRE replacent cet étrange personnage dans son contexte biblique d’origine ; Jean-Daniel DUBOIS analyse un exemple gnostique ; Pierre MOLLIER décrit la fortune maçonnique du roi parmi les Rose-Croix ; Paul AIRIAU nous introduit dans l’univers de la légitimité monarchique au XIXème siècle ; Alessandro GROSSATO et Jean-Pierre LAURANT, enfin, étendent au monde hindou et à l’univers traditionaliste guénonien les correspondances « melchisédechiennes » avec les fonctions du « Chakravartin » et du « Roi du Monde ».

 

Comme Abraham revenait d'une expédition victorieuse  contre quatre rois, Melkisédek, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin ; il était prêtre du Dieu très-haut. Il prononça cette bénédiction :  « Béni soit Abraham par le Dieu très-haut, qui a fait le ciel et la terre ; et béni soit le Dieu très-haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains. » Et Abraham lui fit hommage du dixième de tout ce qu'il avait pris.  Genèse 14, 18-20 - Le SEIGNEUR l'a juré dans un serment irrévocable : « Tu es prêtre à jamais selon l'ordre du roi Melchisédech. » Psaume 109, 4

 

Melchisédech est nommé deux fois seulement dans l'Ancien Testament, ici dans le livre de la Genèse et dans le psaume 109/110. Deux fois, c'est peu, mais, curieusement, ce personnage devait jouer plus tard un grand rôle dans l'esprit de ceux qui attendaient le Messie et, un rôle bien plus grand encore chez les Chrétiens. La preuve, il est même cité dans une prière eucharistique ! Il nous intéresse donc au plus haut point. Nous savons qu'Abraham revenait d'une expédition victorieuse quand il a rencontré Melchisédech. A vrai dire, les festivités après une victoire militaire étaient certainement chose courante et la Bible nous les raconte rarement. Pourquoi celle-ci nous est-elle racontée ? Certainement parce que plus tard, peut-être même très longtemps après les événements, on a trouvé à cette histoire un intérêt particulier.  Je commence par vous rappeler l'histoire : une guerre vient d'éclater dans la région ; deux petites coalitions s'affrontent, cinq rois d'un côté, quatre de l'autre. Chacun des belligérants s'est évidemment entouré pour la bataille du meilleur de ses troupes. Le roi de Sodome fait partie des combattants. Précisons tout de suite que ni Melchisédech ni Abraham ne sont directement concernés au début.  Mais les choses vont changer : à l'issue de la bataille, le roi de Sodome est vaincu ; or, parmi ses sujets, il y avait Lot, le neveu d'Abraham, qui est fait prisonnier. Abraham, prévenu, vole au secours de son neveu et délivre Lot et en même temps le roi de Sodome et ses sujets. Conformément aux usages de l'époque, le roi de Sodome va désormais devenir allié d'Abraham. 

 

C'est alors qu'intervient Melchisédech dont le nom signifie « roi de justice » : probablement pour un repas d'Alliance, mais l'auteur de notre texte ne le précise pas, car, à partir de ce moment, il change de sujet : il focalise son récit sur le personnage de Melchisédech et sa relation avec Abraham.  Et que nous dit-il de Melchisédech ? Des choses assez inhabituelles dans la Bible :  Premièrement, il n'a pas de généalogie ; deuxièmement, il est à la fois roi et prêtre, alors que pendant de nombreux siècles de l'histoire d'Israël, c'est une chose qui ne devait pas se produire ; troisièmement, il est roi de Salem : on pense qu'il s'agit peut-être de la ville qui sera plus tard Jérusalem quand David l'aura conquise pour en faire sa capitale ; quatrièmement, l'offrande apportée par Melchisédech se compose de pain et de vin et non pas d'animaux comme le sacrifice qu'offrira Abraham et qui nous sera raconté au chapitre 15 ; cinquièmement, Melchisédech bénit le Dieu très-Haut et bénit Abraham en son nom ; enfin, sixièmement, Abraham verse la dîme (c'est-à-dire le dixième de son butin de guerre) à Melchisédech ; cela signifie qu'il reconnaît son sacerdoce. 

 

Toutes ces précisions ont certainement un grand intérêt pour notre auteur qui s'attache visiblement aux relations entre le pouvoir royal et le sacerdoce : par exemple, c'est la première fois que le mot « prêtre » apparaît dans la Bible ; et, clairement, Melchisédech a toutes les caractéristiques des prêtres puisqu'il offre un sacrifice, qu'il prononce une bénédiction de la part du « Dieu Très-Haut qui crée ciel et terre » et qu'Abraham lui offre la dîme, c'est-à-dire le dixième de ses biens. - On notera le silence absolu du texte sur les origines de Melchisédech : alors que, généralement, la Bible attache une très grande importance à la généalogie, surtout celle des prêtres, ce prêtre-là, Melchisédech, le premier de la liste, nous ne savons rien de lui... comme s'il était hors du temps...  Voici donc un prêtre reconnu comme tel ; cela veut dire qu'il existait un sacerdoce bien avant l'institution légale du sacerdoce dans la loi juive, avant qu'on ne décide que tous les prêtres devaient être pris dans la tribu de Lévi, lequel est le fils de Jacob et donc l'arrière- petit-fils d'Abraham. A certaines époques, quand on était mécontent du pouvoir des prêtres, on était peut-être bien content de leur rappeler qu'il peut y avoir des prêtres qui ne descendent pas de Lévi, c'est ce qu'on appelait « être prêtre selon l'ordre de Melchisédech » (c'est-à-dire à la manière de Melchisédech).

 

Actuellement, aucun exégète ne sait dire de façon certaine ni par qui, ni quand ni dans quel but ce texte a été écrit. S'agissait-il de légitimer un sacerdoce différent, et lequel ? Ce texte pourrait dater de l'époque où la dynastie de David semblait éteinte à tout jamais et où l'on a commencé à entrevoir un Messie différent : non plus un roi descendant de David, mais un prêtre, capable d'apporter aux descendants d'Abraham la bénédiction du Dieu Très-Haut. On comprend alors ses titres : « roi de justice et roi de paix ». Plus tard, je vous le disais en commençant, le personnage de Melchisédech a été considéré comme un ancêtre du Messie. Nous le verrons mieux dans le psaume 109/110 que cette même fête du Corps et du Sang du Christ nous propose. Enfin, on ne se privera pas dans l'avenir de faire remarquer que Abraham n'était pas encore circoncis quand il a été béni par Melchisédech : puisque le rite de la circoncision ne sera donné à Abraham que plus tard, d'après le livre de la Genèse. Les Chrétiens, en particulier, en déduiront qu'il n'est pas nécessaire d'être circoncis pour être béni de Dieu. (On se souvient que c'était une question qui se posait dans les premières communautés chrétiennes composées de Juifs circoncis et de non-Juifs). Bien sûr, une offrande de pain et de vin, scellant un repas d'Alliance, offerte par les mains du roi de justice et de paix, vrai roi, vrai prêtre du Dieu Très-Haut... nous, Chrétiens, nous y reconnaissons le geste du Christ : et nous y découvrons la continuité du projet de Dieu. A chaque Eucharistie, nous refaisons le geste de Melchisédech accompagnant l'offrande de pain et de vin des mots « Tu es béni, Dieu de l'univers, toi qui donnes ce pain et ce vin... »

 

Nous sommes au chapitre 14 du livre de la Genèse : le Dieu de Melchisédech s'appelle le Dieu Très-haut, exactement comme le Dieu d'Abraham. Mais les chapitres 12-13 et 15 qui sont des chapitres majeurs de l'histoire d'Abraham n'emploient pas le même nom de Dieu ! Ils l'appellent « le SEIGNEUR » (c'est-à-dire le Tétragramme YHVH). Le chapitre 14 est-il donc d'une autre venue que les chapitres qui l'entourent ?  - Pour corser les choses, plus tard, on pensera que cette ville de Salem dont Melchisédech est le roi n'est autre que Jérusalem qui est justement la résidence du Dieu Très-Haut ; mais alors, cela voudrait dire que la religion pratiquée à Jérusalem avant sa conquête par David s'appelait donc déjà la religion du Dieu Très-Haut... Et le plus étonnant, c'est que, quelques versets plus bas, Abraham dira lui aussi : « Je lève la main vers le Seigneur, Dieu Très-Haut qui crée ciel et terre... » L'Ancien et le Nouveau Testament, avant et depuis Jésus-Christ .Louange, action de grâce rendue à Dieu. Origines du monde et début de l'action de Dieu parmi les hommes. Rédempteur, Sauveur annoncé dans l'Ancien Testament. Chrétien qui a reçu le sacrement de l'Ordre pour être signe du Christ pasteur. Ensemble des règles fixant le déroulement d'un cérémonial.Etat de celui qui a reçu le sacrement de l'ordre.

 

MELKITSEDEQ - LA  TRADITION  PRIMORDIALE ET LE MAÎTRE DE JUSTICE

DIVERS  AUTEURS

  ARCADIA

 2002

Quand Abram revint après avoir battu Kedor-Laomer et les rois qui étaient avec lui, le roi de Sodome alla à sa rencontre dans la vallée de Shavé. Melkitsédeq, roi de Shalen (Salem) apporta du pain et du vin ; il était prêtre du Dieu Très Haut. Il prononça cette bénédiction : « Béni soit Abram par le Dieu Très Haut qui créa Ciel et Terre, et béni soit le Dieu Très Haut qui a livré tes ennemis entre tes mains. Et Abram lui donna la dîme du tout » (Genèse XIV)

 

Melkitsédeq, roi de Salem et prêtre du Dieu Très Haut « Qui est sans père, sans mère, sans généalogie, qui n’a ni commencement de jours ni fin de vie » (St Paul Epitre aux Héb 7,3). Tu es Prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melkitsédeq (Psaumes 109/110)

 

Le nom de Melkitsédeq n’est mentionné que dans ces trois écrits- Genèse, Psaumes et l’épitre de Saint Paul aux hébreux-.

 

A partir de ces quelques mots, le judaïsme, le christianisme et les sociétés initiatiques vont en faire un prêtre-Roi qui détient la Tradition Primordiale et qui va la transmettre à toutes les générations par l’entremise d’Abraham. Etant sans généalogie il est considéré comme fils de Dieu, de ce fait on lui décernera les titres de Messie, Maître de Justice, Centre Suprême de la Tradition etc.

Dans ce dossier sur Melkitsédeq Jean Tourniac explique sa lecture sur cette transmission de la Tradition Primordiale et lui discerne 5 caractéristiques :

1/ Caractéristique cosmique, qui s’enracine dans la profondeur de la création.

2/ Caractéristique humaine qui se centre dans la conscience de l’homme, joint entre la création dont il est le roi et Dieu dont il est l’image.

3/ Caractéristique mystique : Elle s’ajuste sur la hauteur de la justice surnaturelle, sur le Dieu Très Haut et Très Puissant.

4/ Caractéristique Universelle : Elle s’étend en largeur sur la terre entière.

5/ Caractéristique perpétuelle : Elle s’étend sur toute la longueur du temps et de l’espace, des origines à la fin du monde.

 

Puis il nous parle de cette lumière d’Orient, des chrétientés d’Asie reliés aux mystères évangéliques. Il nous raconte la cité sainte et l’importance de Jérusalem dans l’écriture juive, avec ce roi de Salem, qui est non seulement Maître de justice mais aussi « Roi de Paix », on voyage avec Moïse, Salomon, David et Jésus à travers cette Jérusalem et son universalisme.

 

René Guénon Dans un article publié en 1962 dans les Etudes Traditionnelles,  disserte sur le Christ Prêtre et Roi, et fait ressortir que Melkitsédeq est supérieur à Abraham puisqu’il le bénit (l’inférieur est toujours bénit par le supérieur) ce qui marque la vassalité, la dépendance, l’antériorité  et la supériorité du sacerdoce de Melkitsédeq sur celui d’Aaron. Puis nous visitons « Le Roi du Monde » où R. Guénon nous explique le Soma, la légende de Dionysos et la symbolique du vin, on voyage en compagnie des 3 rois-mages qui en réalité n’en font qu’un si on rassemble leurs 3 fonctions, il nous emmène sur les rives du Gange avec les Ksatriyas, ces chevaliers formant une garde royale, chevaleresque et spirituelle.

 

Armand Abecassis nous emmène à Jérusalem, cité terrestre, messianique et céleste.

 

Le jardin des Dragons No 1 explique la notion du sacerdoce, Melkitsédeq, l’épiscopat et le charisme (don gratuit de Dieu). Un long article sur Melkitsédeq : « Archétype de l’Homme sacerdotal primordial », suit un parallèle avec la Divine Comédie de Dante.

 

Patrick Meneghetti nous rappelle le sacre, son rite et son rôle initiatique, la fonction royale, les rapprochements avec Melkitsédeq et cette transmission intérieure et extérieure des sacres royaux et sacerdotaux.

 

Pierre Benzaquen nous explique la symbolique d’une consécration de loge et ses quatre voyages. Est étudié la symbolique du vin, du sel, du pain et de l’huile. Début d’une filiation, transmission  et consécration par Melkitsédeq d’Abraham avec le vin et le pain.

 

melkitsedeq ou la tradition primordiale

Jean tourniac

Edition ALBIN MICHEL

 1983

Melkitsedeq qui est « sans père, sans mère, sans généalogie, qui n’a ni commencement de jours, ni fin de vie » (Heb 7, 3) est-il le Témoin d’une Tradition primordiale ? Est-il aussi l’équivalent du Christ, puisque « rendu semblable au fils de Dieu » et « sacrificateur à perpétuité » (Heb 7, 3) ?


Tel est l’objet de la recherche conduite par Jean Tourniac, avec l’appui d’une érudition de thèse doctorale et d’une connaissance approfondie des commentaires religieux et des significations symboliques.

Si l’enquête réfère aux perspectives guénoniennes pour définir la notion de Tradition primordiale, elle en vient rapidement à l’analyse exhaustive des textes propres au judaïsme, au christianisme et à l’islam. Une documentation très riche permet d’étendre l’exploration scripturaire à la Patrologie, aux Églises, théosophies et aux communautés mystiques ou religieuses ignorées parfois du grand public.

Particulièrement vivante est l’interrogation de l’auteur à l’égard du judaïsme et du christianisme qui, l’un et l’autre, ont visé à s’approprier Melkitsédeq, pour en exalter ou au contraire – et alternativement selon les circonstances –, en restreindre l’importance fonctionnelle. L’originalité de la méthode de Jean Tourniac consiste à « remonter d’un cran » la chronologie du monothéisme en passant d’Abraham à Melkitsédeq Roi de Justice et de Salem et Prêtre du Très-Haut. Dès lors, par exemple, loin d’être un lieu conflictuel, la Cité sainte de Jérusalem dissout-elle le centre du grand « rassemblement des peuples » (Baruch 4, 3) dans l’unité spirituelle.

 

Cette vision, qui transcende les antagonismes de vingt siècles d’histoire, correspond à l’attente du monde contemporain et corrobore la démonstration de l’ouvrage et son postulat : Melkitsédeq = la Tradition primordiale.

 

MILOSZ    L’AMOUREUSE  INITIATION            

Milosz Oscar Venceslas

Edition André Silvaire

2003

Etrange récit que cette "Amoureuse initiation", un texte dense et lyrique, très poétique, apparemment très intime et qui préfigure cette nuit de révélation qui marquera Milosz en 1914 et bouleversera sa vie. L’amour charnel est omniprésent, dans le détail, dans la force, dans le plaisir et la luxure mais celui-ci est-il essentiel ? Peut-être il être le seul amour, celui qui transcende et conduit à l’extase ? On pourrait le croire au fil des pages qui constituent la première partie du récit mais peu à peu l’amour divin prend le dessus, c’est celui-là qui est le vrai, l’unique, le seul capable de conduire à la révélation. Elan mystique qui emportera les dernières années de Oscar Vladislav de Lubicz Milosz et dont on trouve de nombreuses traces dans son œuvre, notamment par cette nuit d’illumination en 1914 : "Le 14 décembre 1914, vers onze heures du soir, au milieu d'un état parfait de veille, ma prière dite et mon verset quotidien de la Bible médité, je sentis tout à coup, sans ombre d'étonnement, un changement des plus inattendus s'effectuer par tout mon corps. Je constatai tout d'abord qu'un pouvoir jusqu'à ce jour-là inconnu, de m'élever librement à travers l'espace m'était accordé ; et l'instant d'après je me trouvais près du sommet d'une puissante montagne enveloppée de brumes bleuâtres, d'une ténuité et d'une douceur indicible..." (extrait de L’Epître à Storge, Revue de Hollande, 1917). Milosz est un homme qui se cherche et qui trouve sa voie dans la religion mystique et la méditation. Son texte est empreint de cette foi et de cette quête de la vérité.

 

Henri de Groux nous montre en 1918 un Milosz qui fréquentait alors assidûment certains salons parisiens comme celui des Lesseps...Comme Eugène Canseliet qui l'y rencontra, et donc probablement comme Julien Champagne, et sûrement comme Fulcanelli. "Au sein du cercle que formaient les logis de la rue Saint-Benoît et de l'avenue Montaigne, écrit ainsi Canseliet dans ses Alchimiques mémoires, j'ajoute maintenant le poète Oscar-Wadislas de Lubicz-Milosz, que nos hôtes tenaient en grande estime." Champagne l'appelait-il "la classe" comme il le fit pour Raymond Roussel, né comme lui et comme Milosz en 1877? C'est fort plausible. 


Canseliet semble également indiquer que Milosz, qui partage avec "Hubert" une certaine prédilection pour les prénoms interchangeables, de Vladislas à Venceslas, voire pour les noms, de Lubicz à Lusace, fit partie de l'entourage d'un autre écrivain fulcanellien, Anatole France. Il est vrai que tous deux furent des habitués d'un autre salon de la Belle Epoque, celui de l'Amazone Nathalie Clifford Barney et celui du cabaret du chat noir à Montmartre. C'est d'ailleurs à la collection de cette dernière, qui à la mort du poète en 1939 fonda une société de ses amis, qu'appartint la statue ci-dessous de Milosz qui fut réalisée par Léon Vogt.

Dans la réédition 1996 par Allia des Voyages en kaléidoscope de la très fulcanellienne Irène Hillel-Erlanger, nous apprenons en outre de la postface de Jacques Simonelli que cette dernière reçut Milosz. Mais plus proches encore de Champagne si c'est possible, deux amis de Milosz et de Julien suffiraient au besoin à justifier ce post. Milosz était comme tant d'autres en ce temps-là un familier de La closerie des lilas. Peut-être comme notre artiste favori y rencontra-t-il un certain René Schwaller, auquel un lien très fort l'attacha jusque vers 1924, au point qu'il autorisa René à porter le nom des Lubicz. Oscar fit d'ailleurs un temps parti du réseau schwallerien des Veilleurs (sous le nomen de Pierre d'Elie).


Il en était de même de Louis Allainguillaume, qui  est souvent en compagnie de Milosz, et qui resta jusqu'à la fin de ce dernier un ami de Julien Champagne. Il est  impossible dans le cadre d'un seul article de rendre justice à l'oeuvre considérable de Milosz. Je vais donc me borner à donner une petite idée de sa dimension ésotérique, hermétique et bien sûr alchimique, non sans préciser qu'on la retrouve aussi dans sa vie même. Cette dimension transparaît dès son roman de L'Amoureuse Initiation (1910), et sera bientôt confortée par un Miguel Manara (1912), "mystère" bien proche en vérité de l'auteur du Finis Gloriae Mundi. Suivront en 1924 les poèmes philosophiques de l'Ars Magna, un des noms de l'alchimie, puis en 1927 les Arcanes....

Même les Contes lituaniens de ma mère l'Oye (1933), illustrés comme ici par Adomas Galdikas, fleurent bon leur Perrault, si cher à Fulcanelli. Et donc la cabale de la loi mère. D'ailleurs Milosz ne parlait-il pas aux oiseaux, dans sa résidence bellifontaine? "Il avait, témoigne Paul Léautaud, installé pour les oiseaux des mangeoires dans la forêt de Fontainebleau et il allait voir régulièrement ses frères ailés. Dès que ceux-ci l'entendaient siffler le grand air wagnérien au moyen duquel Siegfried déloge de sa tanière l'épouvantable Fafner, ils arrivaient en nuée, l'entourant et lui répondant par des louanges formulées en divers langages." Cela fait image, prononce le d'ordinaire si caustique Léautaud, une image merveilleuse, comme celle d'un enchanteur.


Milosz s'affirmait d'ailleurs comme un alchimiste, "par hérédité", précisait-il. S'il n'oeuvre pas au fourneau comme Champagne, la dimension spirituelle de l'alchimie lui était donc des plus familières. On peut s'en douter quand on examine les armes de son clan, et les siennes propres, dont l'ordonnancement général évoque dans les deux cas certain écu final qui nous rapproche encore d'"uber campa agna." De même Oscar avait comme d'autres pris l'habitude en certaines occasions, comme on peut le voir ci-dessous, de signer d'un paraphe rappelant les dites armes, d'une part, et d'autre part nettement ésotérique et au cas particulier, selon Charbonnier, rosicrucien. Son inspiration alchimique transparaît des plus clairement dans sa Nuit de Noël de l'Adepte (1922), poème méconnu qu'il ponctue d'un significatif: "C'est la vie délivrée." Cette nuit comme relevé sobrement par Alexandra est bien celle d'une renaissance. L'Adepte renaît à une dimension différente de la vie.

Pour son amie Renée de Brimont, sur qui il nous faudra peut-être revenir, il est incontestable que Milosz croyait à l'alchimie. "Il croyait à sa nécessité, à sa réalité....sur le plan spirituel. S'il pressentit l'alchimie comme un retour à l'unité sur le plan physique, il ne s'en est ouvert à personne." Il paraît cependant évident que Vladislas ait fréquenté des alchimistes. Fulcanelli, Canseliet, Champagne, Schwaller ont ou ont dû connaître Milosz. C'est au cours de certaines des conversations que le poète eut avec eux ou quelqu'un d'autre que Venceslas a pu trouver matière à conforter sa foi première en la réalité de l'alchimie. Une foi qui éclate - certes discrètement - dans une lettre écrite trois années avant son décès: "Une substance physique m'a été mise pour ainsi dire dans les mains, qui explique la longévité des personnages compris dans la généalogie d'Adam."

 

MIRCEA  ḖLIADE  -  aspects du mythe

Mircea Ḗliade

Edition GALLIMARD

 1993

La fonction du mythe est de donner une signification au monde et à l’existence humaine. Grâce au mythe, le monde se laisse saisir en tant que cosmos parfaitement intelligible. Mircea Eliade retrace l’histoire des grands mythes des peuples primitifs jusqu’au monde moderne en passant par les grandes civilisations du passé (Inde, Grèce, etc.). Son livre constitue à la fois un exposé historique, rempli d’exemples, et une synthèse philosophique du problème examiné.

 

Le nom de mythe vient du grec muthos ("parole" puis "récit transmis"), le mythe est donc bien un récit, d'origine religieuse, qui raconte les événements tels qu'ils se seraient produits dans des temps antérieurs à ceux du temps présent.

 

Le mythe, un récit ?  C'est positivement qu'il faut répondre à cette question, car au-delà des très nombreuses acceptions du mot, les spécialistes de toutes les disciplines s'accordent pour voir dans le mythe une histoire symbolique, simple et frappante. Le mythe se caractérise (par rapport à l'allégorie ou au symbole par exemple) en ce qu'il possède plus qu'une forme descriptive, il possède une forme narrative. L'action des personnages s'inscrit dans un déroulement chronologique précis. S'il faut connaître un nom de ces spécialistes du mythe, c'est peut-être celui de Gilbert Durand (né en 1921) véritable fondateur de la mythocritique.

Celui-ci parle d'"un système dynamique de symboles, d'archétypes et de schèmes" qui tendent à se constituer en récit. Toujours en ce qui concerne l'aspect temporel, Claude Lévi-Strauss (le célèbre ethnologue) relève que les événements rapportés par le mythe sont éloignés dans le temps, situés dans un temps avant l'histoire, "avant la création du monde" ou "pendant les premiers âges".

Mircea Eliade (1907-1986) explique: "Le mythe raconte une histoire sacrée; il relate un événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des "commencements"". 

 

Quel fondement religieux ? Le mythe relate une histoire sacrée, on l'a bien compris, mais cette histoire sacrée a été l'objet d'une croyance religieuse. Contrairement au conte, les personnages et les objets du mythe possèdent une sorte d'aura sacrée ou sont l'objet d'un culte tel Achille, Hélène ou Dionysos. Les processions, les sacrifices ou les fêtes, bref cet ensemble de rites, redonnent vigueur au mythe en le réactivant dans le temps historique et en l'érigeant en modèle des conduites à suivre et des actions à exécuter. Cette dimension religieuse peut expliquer alors cette puissance d'investissement de la sensibilité du lecteur ou de l'auditeur. Car il est indéniable que le mythe exerce une fascination sur ceux qui l'entendent: par sa manière de dramatiser les événements, par sa coloration affective, par son propre dynamisme le mythe est fascinant. Pour Mircea Eliade, le mythe fixe "les modèles exemplaires de toutes les actions humaines significatives" et par là il constitue le lieu théâtral où se jouent les conflits intérieurs et extérieurs livrés par l'homme. 

 

Le mythe comme réponse aux questions des hommes ? Le mythe cherche à expliquer les causes des choses connus. Cela peut sembler étrange car il s'oppose bien souvent au discours rationnel, au "logos" qui démontre. Le "muthos" est forgé par l'imagination, transmet un message à un destinataire. Il propose une explication des phénomènes connus, il répond aussi à la question cruciale qui est celle des origines: la création du monde, la naissance de l'humanité, la fondation d'une cité, l'établissement d'un pouvoir...tout en s'interrogeant sur la place de l'homme sur le plan social, politique, religieux. Le mythe donne aussi une représentation de l'"ailleurs": la descente aux Enfers est pour le moins effrayante. Le mythe se différencie des contes et des légendes en ce qu'il est reconnu pour vrai par la société. Parce qu'il faut bien voir que malgré la charge de surnaturels et de merveilleux, le mythe ramène toujours à la réalité du monde. Bref, le mythe se distingue de l'allégorie par son dynamisme, du conte et de la fable par son retour au réel, de la légende par son aspect général. 

 

Y sont expliqués :
La structure des mythes – Prestige magique des « origines ». Mythes et rites de renouvellement – Eschatologie et cosmogonie – Le temps peut être maîtrisé – Mythologie, ontologie, histoire - Mythologies de la Mémoire de l’Oubli – Grandeur et décadence des mythes – Survivances et camouflage des mythes – Les mythes et les contes de fées.

 

MIRCEA ḖLIADE  -  le mythe de l’Éternel retour

mircea Ḗliade

Edition GALLIMARD

1969

Toutes les sociétés connaissent les conceptions fondamentales de leur histoire, mais elles s’évertueront à n’en pas tenir compte. L’auteur étudie la récolte des sociétés traditionnelles contre le temps historique et leur nostalgie d’un retour au temps mythique des origines.

 

Ce petit livre se propose d’étudier certains aspects de l’ontologie archaïque, plus exactement les conceptions de l’être et de la réalité qu’on peut dégager du comportement de l’homme des sociétés pré modernes.

 

Au sommaire de cet ouvrage, Mircea Eliade nous propose d’étudier :

 

1e partie : Archétypes et répétition  -  Le problème  -  Archétypes célestes des territoires, des temples et des villes  -  Le symbolisme du centre  -  Répétition de la cosmogonie  -  Modèles divins des rituels  -  Archétypes des activités « profanes »  -

 

2e partie : La régénération du temps  -  Année, nouvelle année  -  Cosmogonie et la périodicité de la Création  -  La régénération continu de temps  - Le cérémonial du nouvel an  -

 

3e partie : Malheur et Histoire  -  Normalité de la souffrance  -  L’histoire considérée comme théophanie  -  Les cycles cosmiques et l’histoire  -  Destin et histoire du monde  - 

 

4e partie : La terreur de l’histoire  -  La survivance du mythe de « l’éternel retour »  -  Les difficultés de l’historicisme  -  Liberté et histoire  -  Désespoir et foi  -  Gengis Khan  -  Gog et Magog  - 

 

MIRCEA  ḖLIADE   -   mÉphistophÉlÈs & l’androgyne

Mircea Ḗliade

Edition  GALLIMARD

1981

Si la découverte de l’inconscient a forcé l’homme occidental à une confrontation avec sa propre « histoire » secrète, la rencontre avec les cultures extra occidentales l’obligea à pénétrer très profondément dans l’histoire de l’esprit humain et à le persuader, peut-être, d’assumer cette histoire en tant que partie intégrante de son propre être. Tôt ou tard le dialogue avec les « autres » – les représentants des cultures traditionnelles, asiatiques et « primitives » – devra s’amorcer non plus dans le langage empirique et utilitaire d’aujourd’hui, mais dans un langage culturel, susceptible d’exprimer des réalités humaines et des valeurs spirituelles.


En étudiant les symboles, les mythes et les rituels de l’androgynie, de la coincidentia oppositerum, du renouvellement cosmique, de la « lumière intérieure », d’autres encore, l’auteur se propose de guider le lecteur dans un univers « étranger » qui constitue pourtant une partie importante de lui-même.

 

L'androgynie étant un signe distinctif d'une totalité originaire dans laquelle toutes les possibilités se trouvent réunies, l'Homme Primordial, l'Ancêtre mythique de l'humanité est conçu, dans de nombreuses traditions, comme androgyne, à l'image de Dieu; l'Adam du Paradis terrestre n'est qu'une image de l'archétype de l'Adam de l'Eden céleste, mais, toutefois, ne le restera que jusqu'à la création d'Eve, appelée aussi Sophia. Qu'il s'agisse du plan théologique, anthropologique ou cosmologique, le discours mythico/religieux fait converger les représentations androgyniques vers l'idée d'origine, ce qui explique que l'androgynie est dans le champ des désirs et fantasmes majeurs de l'humanité, car l'homme ressent une frustration et donc un logique désir de retour au stade originel. Que la séparation des sexes fasse partie d'un processus cosmique ou que la Chute, au sens judéo-chrétien, soit considérée comme une dichotomie de l'Homme Primordial, il apparaît probable, sinon évident, que si Eve est née d'une côte d'Adam, c'est qu'elle préexistait en lui, ce qui implique donc l'androgynie.

Pour la psychanalyse, la psychologie et l'actuelle anthropologie - dans toute l'acception du terme, où n'interviennent que sciences et technique d'investigation, le terme générique d' « identité sexuelle » est utilisé pour parler de la réelle bisexualité ou intersexualité de certains êtres humains. Il est tout à fait surprenant de constater que des scientifiques soutiennent des thèses concernant la bisexualité. Ce n'est plus le discours mythique qui vient troubler l'objectivité du propos scientifique, ce serait plutôt ce dernier qui viendrait paradoxalement confirmer ce que le premier pouvait contenir de vérité prémonitoire. Nous débordons là, alors, le cadre de l'esprit pour aborder la condition humaine, et nous constatons que la réalité rejoint l'image et le symbole. Cela nous intrigue et restons perplexes : hérédité androgynique de l'Homme Primordial, ... ou complexe universel de la nostalgie du paradis
perdu ? Car, en fait, le discours mythique obéit d'abord à une logique régressive : ce qui n'est pas ici et maintenant, immédiatement réalisable, est projeté dans un état archétypal originel. Ainsi se développe, et de façon universelle, le thème du Paradis primitif - relié à la terre par l'axe ou le pilier du Monde, ainsi que ce temps prestigieux ancré dans l’inconscient.

 

Androgyne est la transcription du grec ancien « Andros » et « gunaïkos », soit : homme/femme. Asclépius, initié par Hermès Trismégiste, lui demande : « Quoi, tu dis que Dieu possède les deux sexes, Ô Trismégiste ? » et celui-ci lui répond: « Oui, Asclépius, et non pas Dieu seulement, mais tous les êtres animés et végétaux. »]. Bien avant cela, le mythe de l'androgynie avait été présenté par le « Banquet » de Platon, et représentait un être double et parfait, un modèle originel métahistorique, dont la réalité préexistait à la Chute originelle. Les Évangiles, les Épîtres, les manuscrits de toute provenance, utilisent les mêmes termes : « ni mâle ni femelle », « ...lorsque vous ferez que les deux soient un, vous deviendrez fils de l'Homme... ». L'Évangile de Jean comptait déjà l'androgynie parmi les caractéristiques de la perfection spirituelle.

 

En effet, devenir « mâle et femelle » ou n'être « ni mâle ni femelle » ne sont que des expressions plastiques pour décrire la « métanoïa », la « conversion », le renversement total des valeurs. Il est tout aussi paradoxal, d'ailleurs, d'être « mâle et femelle » que redevenir enfant, de naître de nouveau ou de passer par la « porte étroite ». Notons au passage que l'un des noms donné à la Pierre Philosophale est « Rebis » - l'être double, ou Androgyne hermétique, prenant naissance de l'union du soufre et du mercure, dans l'athanor, où ont lieu les troublantes copulations des « noces chymiques », le coït symbolique du roi avec la reine, qui ramène à l'unité. A ce point d'évolution, l'Alchimie déclare « la première opération du Grand Oeuvre terminée » ; On obtient alors le « Rebis », entièrement débarrassé de ses tendances matérielles: il a été « blanchi » alchimiquement.

 

On rencontre ces idées, ces symboles et des rites incalculables sur toute la surface du globe, et une telle diffusion ne peut s'expliquer que parce que ces mythes présentaient une image satisfaisante de la divinité, voire de la réalité ultime, en tant que totalité indivise, et incitaient, en même temps l'homme à se rapprocher de cette plénitude par des rites et techniques mystiques de réintégration. Tous ces mythes de l'androgynie archaïque et divine et de l'Homme Primordial bisexué, révèlent des modèles pour le comportement humain. L'androgynisation rituelle se retrouve en Australie avec la subincision [xi] et le travestissement de filles en garçon et de garçons en fille, en Afrique, en Asie et en Polynésie

 

Dans la Grèce antique, le travestissement inter sexuel est un usage nuptial Le travestissement d'un sexe à l'autre est apparenté au besoin de déterminer des pratiques efficaces, par un processus de type magique, tel que les Francs-maçons le pratiquent en  Loge. Il s'agit, en somme, de sortir de soi-même, de transcender sa situation particulière et de se rapprocher d'une situation originelle, pleine de sacralité. Unir les contraires et transcender
tout à la fois, c'est un paradoxe qu'illustre parfaitement la définition de l'homme virginal, comme l'était Adam: homme et femme à la fois, ni homme ni femme, et dont la réalisation reste promise à l'homme de désir travaillant à sa propre réintégration; en lui, le masculin et le féminin se trouvent alors unis harmonieusement et naturellement. Nous constatons que l'androgyne est un exemple privilégié du mythe pur, né dans la pensée de l'homme cherchant à tâtons sa place dans le monde et projetant la représentation la plus capable, à la fois, de rendre compte de ses origines et de symboliser quelques-unes de ses aspirations. Dans chacun de ces cas, ci-dessus désignés, on constate une « totalisation » rituelle par l'androgynie symbolique, une réintégration des contraires.

 

L’auteur y développe le symbole de la lumière dans différentes religions et philosophies, le mythe de l’androgyne, le renouvellement cosmique et eschatologique, cordes et marionnettes.

 

mircea Ḗliade

Divers Auteurs 

Edition Les Cahiers de l’Herne

 1987

Un condensé sur la biobibliographie de Mircea  Eliade. Sa vie, son œuvre et des explications sur sa démarche. On y trouve les textes fondateurs de sa pensée sur l’herméneutique, l’alchimie, l’ésotérisme, la spiritualité et les grands mythes qu’il a expliqués. Un livre incontournable pour comprendre son œuvre et sa pensée. En faisant du mythe une dramatisation du symbole, Mircea E. explore au-delà des mythes et des religions, l’archétype sous son aspect le plus archaïque. Un excellent livre sur  sa vie et sa biobibliographie

 

Mircea Eliade - 1907, Bucarest - 1986, Chicago) est un historien des religions, mythologue, philosophe et romancier roumain, considéré l'un des fondateurs de l'histoire moderne des religions. Savant studieux des mythes, Eliade élabora une vision comparée des religions, en trouvant des relations de proximité entre différentes cultures et moments historiques. Au centre de l'expérience religieuse de l’homme, Eliade situe la notion du « Sacré ». Sa formation comme historien et philosophe l'a amené à étudier les mythes, les rêves, les visions, le mysticisme et l'extase.

 

En Inde, Eliade étudia le yoga et lut, directement en sanscrit, des textes classiques de l'hindouisme qui n'avaient pas été traduits dans des langues occidentales. Auteur prolifique, il cherche à trouver une synthèse dans les thèmes qu'il aborde (excepté dans son Histoire des religions, qui reste purement analytique). De ses documents est souvent souligné le concept de « Hiérophanie », par lequel Eliade définit la manifestation du transcendant dans un objet ou dans un phénomène de notre cosmos habituel.

Mircea Eliade grandit dans une famille chrétienne orthodoxe. En 1921, à l'âge de 14 ans, il publie son premier article "Comment j’ai découvert la pierre philosophale".

Il s'intéresse très tôt à la philosophie, la philologie et l'étude des langues étrangères. Vers 1925, il maîtrise déjà l'allemand, l'anglais, le français et l'italien. Il parlait et écrivait couramment huit langues (roumain, français, allemand, italien, anglais, hébreu, persan et sanskrit), mais la majeure partie de ses travaux universitaires a été écrite d'abord en roumain, puis en français et en anglais.

Il s'inscrit à la faculté de philosophie de l'université de Bucarest en 1925. Après l'obtention d'une licence de philosophie en 1928, il part pour l'Inde à l'âge de vingt et un ans. Il rentre en Roumanie en décembre 1931 et commence la rédaction de sa thèse sur le yoga qui deviendra "Le Yoga, immortalité et liberté". Parallèlement, il poursuit une carrière d'écrivain. Son roman "La Nuit bengali" obtient un prix au printemps 1933. La même année, il devient docteur en philosophie. De 1933 à 1940, il enseigne la philosophie indienne à l'Université de Bucarest.

À l'automne 1945, il s'installe à Paris et Georges Dumézil l'invite à la Ve section de l'École pratique des hautes études pour présenter les premiers chapitres de ce qui deviendra plus tard son "Traité d'histoire des religions". Le public français le connait surtout grâce à son essai "Le Mythe de l'éternel retour" (1949). En 1956, il fait paraître son ouvrage le plus célèbre, "Le Sacré et le Profane". À partir de cette période, Eliade et son épouse Christinel Cottesco voyagent en Europe et aux États-Unis, poursuivant leurs recherches, tout en étant sollicités de part et d'autre pour des conférences et des colloques. Mircea Eliade est aussi le romancier de "Forêt interdite", "Le Vieil homme et l'Officier", "Noces au paradis". Il a aussi publié des fragments de son "Journal" intime.

 

Au sommaire de cet ouvrage  grand format de 400 pages :

 

Textes de Mircea Eliade : Souvenirs de jeunesse  -  L’Inde à 20 ans  -   Journal himalayen  -    Fragmentarium : les secrets, le symbolisme du jade, note sur les malades ; note sur la conversation, Propos sur l’anthropologie, A propos d’un certain sacrifice, Vêtements et symboles, Mort vivant, Symbolisme de l’or, le chemin du centre, Vacuité, Solidarité, Orgie, la connaissance gardienne, Fidélité et mélancolie   -     Architecture sacrée et symbolisme   -    le mythe de l’Alchimie   -   la conception de la liberté dans la pensée indienne   -    Le folklore comme moyen de connaissance   -   Barabudur, temple symbolique    -    L’érotique mystique indienne   -   Propos sur une philosophie de la lune   -  Jung ou la réponse à Job   -    Les Bohémiennes   - 

Phénoménologie et Herméneutique :

Julien Ries : Histoire des religions, phénoménologie et herméneutique –

Georges Dumézil : Le message avant la mort

David Rasmussen : Herméneutique structurale et philosophie –

Constantin Noïca : Hiérophanie et sacralité

Mc Linscott Ricketts : Mircea Eliade et la mort de Dieu

Stephen Reno : Hiérophanies, symboles et expériences

Douglas Allen : L’analyse phénoménologique de l’expérience religieuse

 

Spiritualité et régénération :

Maurice de Gandillac : Répétition et renaissance

Monique Borie : De l’herméneutique à la régénération par le théâtre

I.P. Coulianu : L’anthropologie philosophique

Pierre Pasquier : L’amer festin, histoire des religions et spiritualité

Charles Long : Le sens de l’œuvre pour l’homme moderne

 

Souvenirs, rencontres et traces :

E. M. Cioran : Les débuts d’une amitié

Alexandre Rosetti : Eliade au temps jadis

Cioranesco : Mircea Eliade

Eugene Ionesco : Mircea Eliade à Bucarest

Michel Meslin : Mircea Eliade

Henry Corbin : Mircea Eliade

Paul Ricoeur: Mircea Eliade

Goli Taraghi: Rencontre avec Mircea

Diverses correspondances entre Mircea Eliade et Gaston Bachelard –Georges Bataille  - Charles Baudouin  - Jean Daniélou -  C. G. Jung  - Ernst Junger  - Pierre Klossowski  -  Henri de Lubac  - Giovanni Papini  -  Jean Paulhan  -  Louis Renou  -  Raymond Queneau   -

 

Les voies du fantastique :

Virgil Ierunca : Littérature et fantastique   -

Jean Biès : Chamanisme et littérature

Sergiu Al George : Temps, histoire et destin

W. Richard Comstock : Mythes et cinéma contemporain

Simone Vierne : La littérature sous la lumière des mythes

Jacques Masul : Mythes et symboles

Matei Calinesco : Imagination et sens

William A. Coates : Métaphysique de la littérature occulte

Ion Balu : Les débuts littéraires

 

MIRCEA ḖLIADEL’ÎLE  D’EUTHANASIUS

MIRCEA  ḖLIADE

EDITION DE  L’HERNE

 1981

«  Le monde qui est le mien est une vallée entourée de toutes parts de rochers impénétrables élevés comme une muraille du côté de la mer, si bien que nul être humain ne peut connaître ce paradis terrestre ».

 

Cette île où s’achève l’existence d’Euthanasius, préfigure- t-elle une cosmogonie aquatique, une initiation par immersion ou, tout simplement, le fleuve des eaux amniotiques menant à l’universelle symbolique des eaux de la renaissance ? Evoquant, tour à tour, les points de vue aussi bien d’ethnologues tels que Boas ou Kroeber que du sociologue Malinowski, de l’historien Calinescu ou du psychologue Rivers, Mircea Eliade resitue le mythe comme dramatisation du symbole. Dans sa quête du sens ultime, il explore au-delà des mythes et des religions, l’archétype sous son aspect le plus archaïque.

 

Dans ce recueil d’essais paru en 1943 à Bucarest, l’esprit encyclopédique de Mircea Eliade s’illustre aussi bien dans l’histoire des cultures et des religions, que dans la littérature. Son érudition phénoménale soutenue non seulement par la hardiesse de son propos mais aussi par un enthousiasme passionné, donne à ces textes une actualité toujours de mise quant aux questions fondamentales de l’humanité.

 

Mircea Eliade traite dans cet ouvrage les sujets suivants :

 

L’Île d’Euthanasius, son symbole, obsession du Paradis, île transcendante.

Les confessions de Julien Green, son obsession de la mort et des escaliers/degrés.

En quoi et comment les documents ethnographiques et les thèmes folkloriques peuvent servir comme instruments de connaissance.

Barabudur, nouvelle architecture de temple qui permet au pèlerin d’assimiler magiquement la doctrine bouddhiste, en méditant dans ses galeries ornées de bas-reliefs, et en lui permettant de se confondre avec le Temple en se réintégrant dans la divinité.

La conception de la liberté dans la pensée indienne. Neti et éternel retour.

Notes sur l’art indien. Pays de la métaphysique la plus pure et iconographie indienne.

Ananda Coomaraswamy,  avec son premier ouvrage « la danse de Civa » en 1922, enchanta Romain Rolland, qui le fit connaître. Ananda est un immense métaphysicien  qui, en plus des penseurs indiens et orientaux se dirigea vers Aristote, saint Thomas et Dante.  Il fut le contemporain de René Guénon avec qui il échangea des correspondances.

Un savant russe à propos de la littérature chinoise : Basile Alexeïev.

Le journal de Sei Shonagon. Journaux de peintres : L’Alaska et les Marquises.

De vieilles controverses avec le livre de Paul-Louis Couchoud « le mystère de Jésus » paru en 1924, livre dans lequel il tente de démontrer que Jésus est une invention de St Paul.

Les lumières du XVIIIe siècle. Le musée social du Village roumain.

L’histoire de la médecine et de la pharmacie en Roumanie.

En Angleterre, un nouveau genre de littérature révolutionnaire.

A propos d’une éthique du pouvoir. Lucien Blaga et le sens de la culture.

Joachim de Flore, son message évangélique et L’âge du Saint Esprit.

Un épisode de Perceval. Le Roi Pêcheur, sa maladie et le parcours de Perceval pour le guérir. Ce parcours qui est le prototype de Don Quichotte, préfigure notre destin et notre condition humaine, avec la faillite de l’homme qui refuse de s’interroger.

  

MIRCEA  ḖLIADE  -  TOME I -  HISTOIRE  DES  CROYANCES  ET  DES IDÉES  RELIGIEUSES       -  DE  L’ÂGE  DE  LA  PIERRE  AUX  MYSTÈRES  D’ḖLEUSIS 

MIRCEA  ÉLIADE 

Edition PAYOT

 1976

Ce  tome I, premier volet de la trilogie, nous conduit aux premiers comportements magico-religieux des hommes préhistoriques à l’épanouissement du culte de Dionysos, à travers les religions mésopotamiennes (Voir le livre de S.N Kramer :

L’histoire commence à Sumer) et de l’Egypte ancienne, la religion d’Israël, la religion des Indo-Européens, les religions de l’Inde avant Bouddha, la religion grecque et la religion iranienne.


Mircea Eliade développe les points suivants :


La civilisation paléanthropienne, peintures rupestres, le feu, le paléolithique, les sépultures
La découverte de l’agriculture. Le paradis perdu, la végétation. Néolithique et mésolithique
La Mésopotamie, Sumer, le déluge, l’Akkadie, Gilgamesh, la descente aux enfers
L’Egypte ancienne, sa théogonie et sa cosmogonie, Isis et Osiris, Akhenaton, Ré
Les centres cérémoniels, les mégalithes, la Crète et ses grottes, Minos, vallée de l’Indus

Les religions des Hittites et des Cananéens, Baal et Môt (Mort et Renaissance)
La religion d’Israël à l’époque des Rois, des Prophètes et avant. Abel et Caïn, Yahvé et sa créature, Amos, Isaïe, Jérémie, Ezéchiel, la Genèse, les Patriarches, Moïse, Abraham.

La religion des Indo-Européens, les dieux védiques, les Aryens, Varuna, Devas et Asuras, Varuna, Mitra, Aryaman, Aditi, Indra, Agni et son feu sacré, Soma et Vishnou.
L’Inde avant le Bouddha Gautama, les sacrifices suprêmes, les rituels, les consécrations royales, cosmogonies, ascétisme, les Upanishads, Atman et Brahman, les rishis.
Zeus et la religion grecque, Prométhée, Pandore, le sacrifice primordial, Héphaïstos : forgeron-magicien, Apollon, Hermès, Héra, Artémis, Athéna, Aphrodite, les oracles.
Dionysos (dieu 2 fois né) et les Béatitudes retrouvées, Euripide et l’orgiasme dionysiaque
Les mystères d’Eleusis : Perséphone, Déméter, les initiations secrètes et ses mystères.
Zarathoustra et la religion iranienne, le grand Dieu Ahura Mazda, le bien et le mal, les achéménides, les scythes, Haoma, extases chamaniques, le dieu Mithra.

 

MIRCEA  ḖLIADE  -  HISTOIRE  DES  CROYANCES ET DES IDÉES  RELIGIEUSES  - TOME  II -  DE  GAUTAMA BOUDDHA  AU  TRIOMPHE  DU  CHRISTIANNISME

MIRCEA  ḖLIADE

Edition PAYOT

 1977

L’histoire en 3 tomes de l’histoire des religions par Mircea Eliade, représentent une œuvre magnifique et irremplaçable. Son érudition et sa puissance intellectuelle synthétique, apportent au lecteur une vision des religions qui, selon sa formule, fait apparaître à la fois « l’unité fondamentale des phénomènes religieux et l’inépuisable nouveauté de leurs expressions ».

 

Ce tome II est consacré aux religions suivantes :


Religions de la Chine ancienne
Brahmanisme et Hindouisme : les premières philosophies et techniques de salut
Le Bouddha et ses contemporains. Histoire du bouddhisme. Message de Bouddha
La religion romaine. Des origines au procès des Bacchanales (186 av. J.C)
Les Celtes, les Germains, les Thraces et les Gètes
Orphée, Pythagore et la nouvelle eschatologie
Les épreuves du judaïsme : de l’Apocalypse à l’exaltation de la Thora
Syncrétisme et créativité de l’époque Hellénistique : la promesse du salut
Nouvelles synthèses Iraniennes
La naissance du Christianisme, le paganisme, la gnose à l’époque impériale avec Simon le magicien, Valentin, la gnose manichéenne, le Paraclet martyrisé
Le crépuscule des Dieux, avec les diverses hérésies et orthodoxies

 

MIRCEA  ḖLIADE   - HISTOIRE DES CROYANCES ET DES  IDḖES    RELIGIEUSES   -            TOME   III   -    DE   MAHOMET  A  L’ÂGE  DES  RÉFORMES

MIRCEA   ÉLIADE

Edition PAYOT

 1979

Ce tome III et dernier tome de la trilogie, poursuit, de Saint Augustin au siècle des Lumières, l’Histoire des Eglises chrétiennes commencée dans le tome II. Il étudie également Mahomet et l’essor de l’Islam et consacre de longs chapitres aux mystiques juive, chrétienne et musulmane. Il aborde enfin les hérésies, les pratiques populaires et l’ésotérisme, jusqu’à l’époque des réformes. S’ajoutent deux chapitres consacrés aux religions eurasiennes et tibétaines.

 

Religions développées dans cet ouvrage :


Religions de l’Eurasie antique : Turcs, Mongols, Finno-Ougriens, Balto-Slaves
Les Eglises Chrétiennes jusqu’à la crise iconoclaste (XVIIIe-XIXe siècle)
Mahomet et l’essor de l’Islam. Jérusalem, Médine, théologies et mystiques musulmanes
Le catholicisme occidental de Charlemagne à Joachim de Flore
Le judaïsme depuis la révolte de Bar-Kokhba jusqu’au Hassidisme
Les mouvements religieux en Europe, du Moyen Âge à la veille de la Réforme
Religions, Magie et Traditions hermétiques avant et après les Réformes
Les religions Tibétaines, les mystiques de la Lumière

 

Mircea Eliade est né en Roumanie en 1907, il s’installe à Paris après la 2e guerre mondiale et enseigne à l’Ecole pratique des Hautes Etudes. En 1957, il est nommé professeur au département d’histoire des religions à l’Université de Chicago. Jusqu’à sa mort en 1986 il y poursuit son œuvre d’historien des religions, de philosophie, de poète et de romancier, qui trouve son unité dans une interrogation constante sur le sacré.

 

MIRCEA  ḖLIADE  -  FORGERONS ET ALCHIMISTES 

Mircea ELIADE

Edition Flammarion

 1977

Dans les entrailles de la Terre-mère les minerais abondent, la nature bouge, l’homme participe à cette aventure en collaborant avec la nature. Tout comme le fondeur, le forgeron et l’alchimiste, l’homme travaille sur une matière à la fois vivante et sacrée.

Dans beaucoup de textes et de traditions religieuses, il est fait mention importante d'un forgeron sacralisé, nous verrons dans cet ouvrage de Mircea Eliade que son principe est fondamental en alchimie
 
Tubalcaïn : D’après la Bible (Genèse IV, 22), il est l’un des fils de Caïn et l’inventeur des métaux. Il est présenté comme le fils de Lamek et de sa seconde épouse Cilla, donc le petit-fils de Caïn.
Le nom vient de l’union de celui de Tubal avec Caïn. Tubal serait un peuple et / ou un pays d’Asie mineure, toujours associé à Méshek. Méshek et Tubal sont deux des sept fils de Japhet selon Gn 10,2 // 1 Ch 1,5. Peuples d’Asie mineure, probablement la Phrygie et la Cilicie, ou peuples des bords de la mer Noire. Quant au nom Caïn, il y a deux étymologies possibles. Le mot hébreu qayin peut signifier « forgeron » ou encore, à l’aide de la racine qnh« j’ai acquis » (cf. Gn 4,1).

Les généalogies des onze premiers chapitres de la Genèse entendent décrire les peuples (Gn 5) et justifier l’apparition des différents aspects de la vie humaine, comme les arts et les métiers. Ici (Gn 4,20-22), les trois castes des éleveurs de bétail, des musiciens et des forgerons ambulants sont rattachées à trois ancêtres dont les noms font assonance et rappellent les métiers de leurs descendants :

Yabal (ybl « conduire »); Yubal (yôbel « trompette »); Tubal (nom d’un peuple du nord, au pays des métaux). Tubal-Caïn serait « l’ancêtre de tous les forgerons en cuivre et en fer ». Cela signifie que les généalogies ne sont pas très fiables historiquement et que les noms sont plutôt des créations visant à rendre compte du monde tel qu’il est.

 

Tubal-Caïn fut l’inventeur de l’art du forgeron et des autres arts des métaux, c’est-à-dire, du fer, de l’acier, de l’or et de l’argent Tubal-Caïn, descendant de Caïn est l’ancêtre des forgerons En effet, dans certaines langues sémites, Caïn signifie « forgeron ». Il était déjà d’usage, au temps des Patriarches, de travailler le fer et le cuivre. Les forgerons fabriquaient des armes et des chars et aussi des statues, L’exercice de cette profession était donc réglementé. Les forgerons étaient des artisans recherchés.  Caïn eut pour descendants Mathusalem, inventeur de l’écriture; Tubal-Caïn, habile à travailler les métaux, et Jubal, inventeur de la musique. Bref, les Fils de Caïn sont les auteurs des arts et des métiers. En conséquence, quand Jéhovah choisit Salomon, le rejeton de la race de Seth, pour construire une demeure en l’honneur de son nom, la sublime spiritualité d’une longue lignée d’ancêtres, divinement guidés, s’épanouit dans la conception du temple magnifique appelé temple de Salomon, bien que Salomon ait été simplement l’instrument chargé d’exécuter le plan divin révélé par Jéhovah à David.

 

Mais Salomon était incapable de réaliser en forme concrète le dessein divin. En conséquence, il s’est vu obligé de s’adresser au Roi Hiram de Tyr, le descendant de Caïn, qui choisit Hiram Abiff, le fils de la veuve. Hiram Abiff est donc devenu le Grand Maître d’une armée de constructeurs. En lui, les arts et les métiers de tous les Fils de Caïn qui avaient vécu jusqu’alors avaient atteint leur pleine floraison. Il était plus habile que tous les autres dans le travail matériel sans lequel le plan de Jéhovah serait toujours demeuré un rêve divin, sans réalité concrète. La perspicacité terrestre des Fils de Caïn était aussi nécessaire à la réalisation du temple.

Il y est question de sacrifices humains, de Tubalcain, des alchimies chinoise et indienne, des météorites, du feu, et de diverses traditions.

 

MIRCEA ḖLIADE   - le sacrÉ & le profane

Mircea Eliade

Edition  GALLIMARD

 1965

L’auteur examine dans ce volume la situation de l’homme dans un monde saturé de valeurs religieuses. Son livre est une introduction à l’histoire des religions, une mise au point de nos connaissances dans ce domaine.

 

Pour Mircea, le langage sacré se manifeste toujours comme une réalité d’un tout autre ordre que les réalités naturelles. Le langage peut exprimer naïvement le Trementum, ou la majestas ou le mysterium fascinants par des termes empruntés au domaine naturel ou à la vie spirituelle profane de l’homme, mais cette terminologie analogique est due justement à l’incapacité humaine d’exprimer la ganz andere.

 

Ce petit ouvrage de Mircea Eliade se situe dans une autre perspective que l’ouvrage par exemple de R. Otto, l’auteur prétend présenter et expliquer le phénomène du sacré dans toute sa complexité et non pas seulement dans ce qu’il comporte  d’irrationnel, en ayant toujours à l’esprit que le sacré s’oppose au profane.

 

Si le sacré s’oppose au profane, alors l’état de l’homme areligieux est profane. Dans cet essai, Mircea Eliade a accompli un miracle théologique : condenser et trouver le dénominateur commun des croyances de tous temps et de tous lieux. Le sacré surgit sur trois dimensions –dans les emplacements géographiques- mais aussi sur quatre dimensions –sur la courbe du temps. Il implique une dimension cosmique en conférant à l’homme religieux une importance directement liée au rôle que la nature lui attribue, et lui enseigne une histoire de la vie et de la mort qui prend sens face à l’absurde de celui qui a fait mourir ses dieux. La démarche de Mircea Eliade est d’ailleurs inconsciemment areligieuse : suggérer que le profane existe au même titre que le sacré, n’est-ce pas lui accorder une légitimité au moins égale ? Pourtant, le cheminement emprunté par Mircea Eliade oppose le sacré et le profane dans un combat inégal qui fait la part belle au sacré. Après en avoir exposé les différentes modalités, après avoir évoqué certains exemples des manifestations religieuses différemment rencontrées dans le monde et dans le temps, Mircea Eliade expose l’attitude de l’homme areligieux.

 

Malgré une apparence de libération et d’intégrisme intellectuel, tout n’est que perte et désolation pour l’homme rendu à son monadisme primordial. Se détacher de dieu nécessite de se détacher de la communauté –qu’elle soit famille, village ou humanité-, du foyer, de la nature et du confort. Face à l’homme moderne rongé par ses nouvelles angoisses existentielles, l’homme nourri au sacré cesse de sembler naïf et crédule. Il paraît au contraire avoir déjà réussi à comprendre ce qui motive l’homme areligieux d’abandonner toute croyance, mais il possède en plus le savoir qu’il ne se suffit pas à lui-même pour surmonter le néant. En posant sur le monde une grille d’interprétation religieuse, Mircea Eliade semble vouloir nous montrer que le croyant transcende la réalité. Le sacré étant le lieu et le moment de manifestation du réel, l’homme religieux gagne la possibilité de vivre avec une conscience augmentée de sa propre réalité.

 

« Une existence « ouverte » vers le Monde n’est pas une existence inconsciente, ensevelie dans la Nature. L’ « ouverture » vers le Monde rend l’homme religieux capable de se connaître en connaissant le Monde, et cette connaissance lui est précieuse parce qu’elle est « religieuse », parce qu’elle se réfère à l’Être. »

 

Une autre hypothèse concernant le positionnement de Mircea Eliade quant au sacré et au profane se profile lorsqu’on se réfère à la culture et à la contre-culture qui, comme Pierre Bourdieu l’avait déjà fait remarquer, ne sont que l’opposition d’ « une culture à une autre », d’une culture « dominée » à une culture « dominante » -ainsi pourrait-on dire que le sacré et le profane sont des religions tantôt dominées, tantôt dominantes, l’homme intégralement areligieux (ne croyant même plus qu’il ne croit en rien) n’existant pas. En reconnaissant cette fatalité, Mircea Eliade semble toutefois se diriger vers cet athéisme paradoxal qui s’affirme lorsqu’on reconnaît l’impossibilité de son existence.

 

Extrêmement court et accessible, le sacré et le profane s’inscrit dans un vingtième siècle marqué par la mort des dieux. Si les exemples du sacré proviennent de sources variées, les exemples du profane proviennent presque exclusivement du monde contemporain à Mircea Eliade. L’essai devient tragique : l’homme s’imaginant devenir moderne en se montrant areligieux se coupe de tout contact réel avec autrui, la nature et le monde. En réalité, il ne devient jamais complètement areligieux et transmet sa foi à d’autres systèmes « athées ». En ne conservant que ce qu’il y a de pire dans le sentiment religieux (le dogmatisme, le fanatisme) et en éliminant ce qu’il y a de meilleur (la communion, le sens), cette nouvelle religion athée semble vouée à l’autodestruction. Mais peut-être n’est-ce là que la reviviscence du mythe de l’éternel retour ? …

 

Au sommaire :

 

L’espace sacré et la sacralisation du monde    -      le temps sacré et les mythes     -   La sacralité de la nature et la religion cosmique    -   Existence humaine et vie sanctifiée    - 

 

MIRCEA ḖLIADE  -  INITIATIONS,  RITES  ET SOCIḖTḖS SECRḖTES

Mircea Eliade

Edition  Gallimard

 1976

C'est une affirmation courante que le monde moderne, entre autres caractéristiques, se distingue par la disparition de l'initiation. D'une importance capitale dans les sociétés traditionnelles, l'initiation est pratiquement absente de la société occidentale de nos jours. Certes, les différentes confessions chrétiennes montrent encore, dans une mesure variable, des traces d'un Mystère initiatique.

 

Mais le christianisme n'a justement triomphé et n'est devenu religion universelle que parce qu'il s'est libéré du climat des mystères gréco-orientaux et s'est proclamé une religion du salut, accessible à tous.

 

En vue de dégager les divers types d'initiation, Mircea Eliade étudie successivement les rites de puberté dans les sociétés traditionnelles, les cérémonies d'entrée dans les sociétés secrètes, les initiations militaires et chamaniques, les mystères gréco- orientaux, les survivances des motifs initiatiques dans l'Europe chrétienne et, enfin, les rapports entre certains motifs initiatiques et certains thèmes littéraires. L'auteur conclut sur les mouvements occultistes dans le monde moderne.

 

On pourrait, en effet, considérer comme une société secrète telle que nous l’entendons : toute association dont les membres s’engagent par un serment solennel à garder le secret sur les rites et sur les symboles de l’initiation qu’ils ont reçue. C’est donc moins l’apparence clandestine de l’activité extérieure que l’essence cachée de ses mouvements intérieurs, et notamment de sa dynamique rituelle, qui constitue à chaque époque et dans les civilisations les plus diverses la caractéristique fondamentale de la véritable so­ciété secrète.

René Guénon  s’est prononcé sur ce point avec une auto­rité et une clarté telles qu’il nous suffira de rappeler ce passage important de l’un de ses plus remarquables ou­vrages (Le passage cité est extrait de « Aperçus sur l’initiation »,« Nous avons déjà, dans ce qui précède, été amené conti­nuellement à faire allusion aux rites, car ils constituent l’élément essentiel pour la transmission de l’influence spi­rituelle et le rattachement à la « chaîne » initiatique, si bien qu’on peut dire que, sans les rites, il ne saurait y avoir d’initiation en aucune façon. »

 

Cette dynamique rituelle est commune, d’ailleurs, à toutes les institutions traditionnelles ; elle a pour but de mettre l’être humain en rapport, directement ou indirectement, avec d’autres niveaux existentiels que les nôtres — qu’il s’agisse soit d’états infrahumains soit d’états supra-humains, les uns et les autres pouvant être considérés comme « non hu­mains » au sens le plus simple et le plus général de cette expression.

 

Il ne faut pas voir dans la communication de telles in­fluences une opération extraordinaire ni merveilleuse, car ces relations résultent de l’application et de la mise en œuvre d’une technique rituelle précise, nettement définie, et qui se veut aussi entièrement indépendante de la valeur person­nelle de l’individu qui accomplit le rite que le demeure, par exemple, l’utilisation de l’électricité ou de l’énergie à partir des signes figurant sur le tableau central des commandes d’une usine. Nous verrons, de plus, dans cet ouvrage que l’initiation traditionnelle présente peu de relations avec la mystique et demeure une réalité autonome par rapport aux actes de la morale et aux pratiques de la religion. De même, les rites concernant l’agrégation d’un individu à une organisation sociale extérieure et selon lesquels il faut et il suffit d’avoir atteint un certain âge pour partici­per à leur célébration ne sont pas nécessairement « initiatiques » comme le supposent trop souvent les ethno­logues et les sociologues. Mais ils peuvent devenir tels dans certaines conditions que nous examinerons ultérieurement à propos des sociétés secrètes primitives.

 

moi, je ne juge personne – l’Évangile au-delẴ de la morale

Lytta basset

Edition  ALBIN – MICHEL

 2004

C’est toujours pour de « bonnes raisons » que nous jugeons autrui, au nom d’une prétendue morale chrétienne, ou de valeurs laïques qui en dérivent peu ou prou, oubliant l’affirmation de Jésus : « Moi, je ne juge personne. ». Lytta Basset, pasteur et professeur de théologie en Suisse, analyse ici notre besoin de juger l’autre, symptôme d’une peur fondamentale. En entrant dans le récit évangélique de « la femme adultère », nous devenons acteurs de ce drame dans lequel on voit les défenseurs de la morale religieuse présenter à Jésus une misérable « traînée », pour qu’il la juge.

 

Au fil de cette lecture de l’Évangile de Jean, alors que sont convoquées quelques autres figures bibliques comme celle de Judas, nous sommes peu à peu transformés de manière subtile, renvoyés à nos angoisses personnelles, confrontés à notre être profond. Et là, guéris de toute peur par Celui qui ne juge personne, nous le suivons enfin dans ce pays où il n’est plus question de jeter la pierre à autrui. 

 

D'où vient cette compulsion à condamner autrui sans l'avoir entendu?»  tel pourrait être un autre sous-titre de cet ouvrage. Le besoin de juger définitivement va souvent de pair avec le besoin d'occulter notre peur de l'autre en le maintenant à distance, en se fermant à l'inconnu ou à la nouveauté qui pourrait surgir dans la relation. L'autre peut toujours nous surprendre positivement.


Avec beaucoup de finesse psychologique et de solides fondements théologiques, l'Auteur décrit les mécanismes à l'oeuvre dans la psyché humaine lorsque surgit le besoin de juger l'autre négativement. Elle s'appuie essentiellement sur le récit de la femme adultère (Jn 8,1-12), ensuite sur sept autres passages de l'évangile de Jean. Sa thèse pourrait se résumer ainsi: juger l'autre définitivement est certainement néfaste pour celui qui est jugé, mais aussi et d'abord pour celui-là même qui juge car il s'éloigne de la miséricorde du Père de tendresse pour lui-même. Il y va de mon «propre intérêt» quand je parviens à convertir cette attitude négative.


«Ne faut-il pas reconnaître en la réalité une richesse de sens qui excède toujours les capacités de la pensée?». Au moyen de cette interrogation, Lytta Basset nous propose de ne pas nous laisser «fasciner» par ce qu'il y a de critiquable et négatif chez le prochain, car il est bien plus que cela. Cet état d'esprit, qui reste toujours un combat, augmente notre créativité relationnelle et notre joie de vivre, car sa source provient de l'Esprit Saint du Père et de Jésus-Christ. «Exerçons-nous à bénir autrui, à lui souhaiter du bien, à dire du bien de lui». Cela joue en faveur de l'autre et surtout en ma faveur. Par cet ouvrage, Lytta Basset nous fait pressentir en filigrane une forte présence du Christ dans sa vie, présence qu'elle accueille avec gratitude, expérience existentielle qui lui a permis d'agir pour vaincre de sérieuses épreuves. -

 

moi – l’Évidence perdue

Stephen jourdain

Edition L’ORIGINE

 2002

L’évidence dont témoigne Stephen Jourdain va surprendre et dérouter, elle a le son de la subversion : c’est la découverte vivante de l’identité « première personne », MOI. Non pas le moi terrestre – inconscient – mais le MOI de mon esprit – acte de pure conscience. Il faut nous mettre à rugir et transformer en lion ce veau que nous acceptons d’être : nous mettre enfin debout à l’intérieur de nous-même et comprendre que tout n’existe que maintenant : notre présent est notre seule demeure.


Dans une évocation lumineuse et transparente, Stephen Jourdain démonte pièce après pièce les mécanismes de notre pensée, de nos illusions et de nos impasses pour nous suggérer une liberté inouïe.
Il aborde ici – pour la première fois – de nombreux aspects subtils de l’éveil et nous donne des informations capitales. A la fois poète et philosophe, Stephen Jourdain transmet, par l’art d’écrire, à travers de nombreux ouvrages, et de décrire par sa verve, au cours de nombreuses conférences improvisée, l’art de veiller et d’être Moi.

‘’Je crois que je devrais commencer par vous dire ce qu’est mon « expérience ». Elle est l’éveil, brusque et parfait, de l’esprit — de la personne intérieure — à soi-même, à son propre fait. Cette conscience n’est pas un état passager ; une fois apparue, elle demeure. Quand cela m’est arrivé, j’étais un petit jeune homme, tout à fait normal. Je commençais de fumer, j’étais amoureux, et si je me posais des questions telles que « qu’est-ce que moi ? », ou « qu’est-ce que penser ? », avec une intensité et une passion peut-être exceptionnelles, et me singularisais encore en étant assez couramment sujet à des moments de perception différente, à d’injustifiables gouffres de félicité, il est absolument certain que je n’essayais pas d’atteindre cet éveil, ni à aucun mystérieux autre rivage de ma vie, n’en ayant pas la notion. Vraiment, je ne cherchais rien.

 

Si le Cogito n’avait pas existé, me serais-je quand même « éveillé » ? Je me suis souvent posé la question. Je ne sais pas… Possiblement, oui. La petite phrase de Descartes est merveilleuse, elle possède peut-être une efficacité particulière, mais elle n’est certainement pas le seul sujet de réflexion qui puisse devenir l’occasion de « l’éveil ». L’important est que le sujet de réflexion renvoie l’esprit qui réfléchit à son propre fait, l’oblige à passer et repasser près de son centre. Or, à peu près toutes les questions que je me posais à cette époque avaient cette propriété. Par ailleurs, une autre condition de l’éclatement de « l’éveil » est une tension extrême, paroxysmale de l’intelligence. Je vous ai dit qu’il n’était guère de jours qui ne me voyaient réfléchir avec cette intensité.

 

Je ne peux que constater un rapport entre certaines circonstances mentales et la venue de cette « chose », il me semble infiniment probable qu’elle naisse toujours en ce même contexte ; il est donc bien difficile de ne pas parler de condition et de cause. Mais en même temps, dès que j’emploie ces mots, dès que je fais de la « chose » un résultat, une conséquence, elle se rebelle en moi, me hurle que je vais contre sa nature. « L’éveil est nécessairement « l’avant » de toute chose autre que lui-même et il n’est « l’après » de rien.  A côté de ces circonstances mentales, existe un autre facteur, beaucoup moins visible, du rôle duquel je n’ai pris conscience que tardivement, et que je ne crois pas moins essentiel : un certain état de la vision du monde extérieur.

 

 

 Si j’essaye de préciser la nature de cette vision, ce que je puis dire est que j’étais dans un monde essentiellement dynamique. Un monde arc-bouté, tendu, jaillissant, surabondant, faisant craquer tous ses corsages, un monde en marche aussi, lancé sur la pente d’un présent intense. Ce qui l’avait fait apparaître, c’était la lecture des poèmes de Rimbaud. L’univers avait commencé de « travailler » une ou deux années auparavant, la plante était déjà née, Rimbaud a brusquement amené un printemps, tout en conférant à la plante un visage défini. Je suis resté une heure ou deux réveillé dans l’obscurité, œuvrant « l’éveil », grattant l’allumette et provoquant la flamme — qui était une même chose que le geste par lequel je la faisais brûler —, et jouant un peu avec cela, je crois, avec émerveillement. Le lendemain matin, ma première pensée a été « l’éveil », et savais-je toujours faire le geste ? J’ai découvert que oui, je savais, que cette chose miraculeuse était toujours là, et qu’elle serait présente jusqu’à ma mort, car je n’oublierais jamais le geste.

 

Je n’ai jamais pensé à la mort dans « l’éveil » pour une bonne raison, c’est que je n’y pense pas. Ce qui ne veut pas dire : le silence de la pensée. Le silence de la pensée et l’absence de la pensée sont des choses tout à fait différentes. On peut ne penser à rien avec une grande perfection, et il y aura autant de pensée dans cette soi-disant absence de pensée qu’en la pensée la plus intense. Il serait donc tout à fait vain de s’appliquer à faire taire sa pensée, à se vider, se laver l’esprit de toute pensée. « L’éveil » n’est pas une entreprise de vidange, ni de blanchissage. Je dis ça, parce que j’ai rencontré une personne qui passait ses jours et ses nuits à faire ça. Je fais monter la flamme de « l’éveil », « l’éveil » fait monter sa flamme, et la pensée succombe, et c’est une chose énorme, et fantastique, que cette mort ! Mais « l’éveil » peut très bien laisser le rêve se déployer (le rêve dont il n’est pas dupe et qu’à tout moment il peut foudroyer) et persister. Alors l’être « éveillé » pourra penser à la mort. Une vérité sur la mort se présentera tout de suite : cette réalité est une hallucination, une pure pensée. Certainement cette position est, vis-à-vis de « l’éveil », la plus rigoureuse et la, plus fidèle sur la question de la mort. Maintenant, si j’accorde réalité à la mort, si j’accepte de me situer au niveau de la pensée qui voit dans la mort une réalité, je pourrai essayer de répondre à la question : qu’est-ce que la mort ? À la lueur de « l’éveil ». Cette « chose » est la conscience de soi, c’est la possession de soi, c’est le temps du soi.

  

monod  théodore (1902 – 2000) – dvd film

Karel prokop

Edition  INA

 1989

Savant inclassable tant le champ de ses connaissances est vaste, Théodore Monod est doté d’un savoir encyclopédique en sciences naturelles, dans des domaines tels que la géologie, la zoologie et la géographie. Il fut membre de plusieurs académies. Sa devise étant « un continent par existence ». Il a consacré la sienne à l’Afrique ; il a passé 25 ans en Afrique occidentale et était l’un des plus grands spécialistes mondiaux du Sahara qu’il a défendu avec force.


Le vieil homme et le désert (1988) 54 mn Le professeur Monod, savant prodigieux, parfois excentrique, par une nouvelle fois dans son cher « océan pétreux et sableux ». Il rechercher depuis 1934 une météorite géante dans la région de l’Adrar au sud de la Mauritanie. De cette météorite à l’origine extra-terrestre on ne connaît qu’un échantillon rapporté en 1916 par un capitaine d’infanterie coloniale, Gaston Ripert, conduit de nuit et sans boussole jusqu’à cette « montagne de fer ».

 

En 1988, Karel Prokop a eu le privilège de suivre le professeur Monod, dans cette enquête scientifique menée au cœur du Sahara.
Le vieil homme, le désert et la météorite (1989) 56 mn


Un an après, on retrouve le professeur Monod un peu plus cassé, marchant avec peine, mais toujours aussi émouvant, dans une nouvelle expédition dans le désert mauritanien. Karel Prokop filme le scientifique au cours de la quête de « sa » météorite et en profite pour brosser le portrait de cet humaniste révolté par les injustices et la barbarie du monde.
Compléments


Le Sahara expliqué par Théodore Monod – 25 mn. Théodore Monod, narrateur hors pair, explique et raconte le désert saharien à travers six thèmes emblématiques : son origine, le sable, le vent, les chameaux, la flore et les hommes du désert. 2h 30 de bonheur avec un grand savant humaniste habité de spiritualité.

 

monod thÉodore – terre & ciel - entretiens

Sylvain estival

Edition  ACTES SUD

 1997

Marqué dès son plus jeune âge par une double vocation, Théodore Monod renonça, à vingt ans, à se faire pasteur, pour devenir scientifique. Il ne reniait rien, cependant, de ses engagements profonds, ni ne perdait de vue l’injonction de Teilhard de Chardin qui disait: « Aller au Ciel à travers la Terre ». C’est sous l’angle des convictions, de la spiritualité, des valeurs morales et de la foi que Sylvain Estival a mené, durant l’année 1996, une importante série d’entretiens avec Théodore Monod, cherchant à faire la synthèse d’une existence, l’interrogeant sur sa carrière et sur sa vie intérieure, sur son cheminement et sur la manière dont il regarde désormais notre temps.

 

Né le 9 avril 1902 à Rouen, dans ce qu’on appellerait au Sahara une « tribu maraboutique » (cinq générations de pasteurs l’ont précédé), nourri dès l’enfance de l’idéal messianique des prophètes d’Israël et d’un socialisme chrétien accordant la primauté à la lutte pour la justice et la paix, Théodore Monod deviendra zoologiste et, à ce titre, assistant (1922), puis professeur (1942) au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris.

 

À contre-courant d’une époque d’hyperspécialisation, Théodore Monod a appartenu à cette génération de chercheurs dont la vocation a été, durant toute leur vie, de parcourir la planète, d’en observer et d’en inventorier les richesses, à l’image des encyclopédistes du XVIIIe siècle, théorie et pratique constamment confondues, dans toutes les disciplines. À l’origine océanographe, ichtyologue, spécialiste des crustacés et des poissons tropicaux, il a voué une grande part de sa vie au Sahara.

 

Il fut l’explorateur scientifique des « longs parcours chameliers », véritables voyages au long cours, navigations solitaires où il faut aller coûte que coûte, avec le « conflit de la bouche et du pied », sans jamais songer à revenir en arrière. Extraordinaire aventure tendue vers son but unique : « arracher au cosmos quelques lambeaux de connaissance fraîche, ce qui seul réellement compte ». Il n’avait pas son pareil pour évoquer les paysages mauritaniens, pour raconter ses longues méharées dans les dunes, ni pour décrire la faune, la flore, l’histoire et la préhistoire de ces régions où notamment, dans les années trente, il entendit parler d’une mystérieuse et gigantesque météorite qu’il cherchera durant des années, avec une insatiable curiosité, mais en vain. Surnommé par les Maures le « Majnoun », le fou du désert, un grand respect l’entourait en Afrique. Un lycée de Nouakchott, capitale de la Mauritanie, porte son nom.

Nul mieux que Théodore Monod n’a su illustrer au XXe siècle l’une des vocations scientifiques initiée par les plus célèbres savants du Jardin du Roy, celle de naturaliste voyageur. Dans toutes les disciplines scientifiques auxquelles il a apporté sa contribution, Théodore Monod l’a fait avec autant de rigueur et d’exigence qu’en est capable un homme dont la vie entière a été voué à la science. La création de l’IFAN (Institut Français d’Afrique Noire, devenu en 1965 Institut Fondamental d’Afrique Noire), qu’il dirigea de 1938 à 1965, lui avait permis de développer, à l’image du Muséum National d’Histoire Naturelle, une institution dédiée au continent africain.

 

Devenu en 1974 professeur honoraire au Muséum où il continuait encore à se rendre chaque jour - quand il n’était pas en voyage au Sahara. Bien qu’il ne chercha pas les honneurs, il fut membre de l’Institut (Académie des Sciences, 1963), de l’Académie de Marine (1957), de l’Académie des Sciences d’Outre-mer (1949), de l’Académie des Sciences et de l’Académie de Marine de Lisbonne, de l’Académie royale des Sciences d’Outre-mer de Belgique, quatre fois lauréat (médailles d’or) de la Société de Géographie, de l'Académie des sciences, de la Royal Geographical Society (1960), de l’American Geographical Society (1961). Il fut docteur honoris causa des Universités de Cologne (1965) et de Neuchâtel (1968) et commandeur dans les ordres de la Légion d'honneur, des Palmes académiques et du Mérite Saharien (1962). Depuis 1922, date de son entrée au Muséum, il a signé près de 800 publications et communications sur les sujets les plus divers.

 

En effet, naturaliste au sens plein et vrai du terme, Théodore Monod, s’il resta officiellement zoologiste, s’est aussi laissé tenter, au hasard des pistes sahariennes, par la botanique, la géologie, l’archéologie et l’histoire ; mais au-delà de ses activités scientifiques, ce fut un humaniste, ouvert aux joies de la contemplation, au sentiment de l’unité du cosmos, à la splendeur du monde, à la sympathie et à la pitié pour tous les êtres vivants. Grand défenseur de la nature, il s’était mobilisé sur tous les fronts de la conservation de la nature et des droits des animaux : il fut notamment le très actif président du Rassemblement des Opposants à la Chasse (R.O.C.), vice-président de la Société Nationale de Protection de la Nature (S.N.P.N.) et membre du Conseil de la Ligue Française des Droits de l’Animal (L.F.D.A.). L’expression « respect de la vie » résume au mieux son parcours et justifie ses engagements.

 

Protestant, philosophe, pacifiste, non violent convaincu, il défendait sans relâche les valeurs de conscience et de responsabilité de l’homme face à ses semblables et avait pris position dans toutes les luttes pour le respect des droits de l’homme et le respect de la vie. Anti-nucléaire, végétarien, sobre et abstinent, il jeûnait chaque année le 6 août, lors de l’anniversaire de la destruction d’Hiroshima par la bombe atomique. « Face aux menaces, disait-il, il faut que l’homme s’hominise ». Cet « obscur apprenti chrétien » pensait que le christianisme n’a pas échoué mais qu’il n’a pas encore été essayé. Pierre Teilhard de Chardin, son ami et correspondant, lui avait écrit : « Vous êtes le seul homme, parmi ceux que je connaisse, qui ait à la fois et également en lui le double sens de l’En-haut et de l’En-avant ». Il n’était déçu de rien, sauf peut-être de la disparition du vocabulaire universitaire ou académique de ces mots aussi fondamentaux que « botanique » ou « zoologie ».

Après un an d’hospitalisation, il quitta ce monde terrestre le 22 novembre 2000, à l’âge de 98 ans. Avec la consigne qu’il répétait inlassablement : « Le peu, le très peu que l’on peut faire, il faut le faire quand même. Sans illusion. Il faut espérer. »

 

Naturaliste, botaniste, océanographe et ichtyologue, ancien directeur de l’Institut d’Afrique noire et professeur au Muséum d’histoire naturelle, Théodore MONOD (1902 – 2000) a publié une œuvre riche de nombreux ouvrages.

 

MONOD - L’ḔMERAUDE DES GARAMANTES – SOUVENIRS D’UN SAHARIEN

Théodore Monod

Edition L’Harmattan

 1984

Le désert, en près de soixante d'années d'explorations et de reconnaissances, c'est peu dire que Monod s'en est imprégné. Ses sables, ses pierres et ses lumières, son silence et son immensité lui sont intimes : Monod véhicule le désert, à l'image de ses chameaux, dont il a fini par adopter certains caractères, comme le ruminement ! Entrecoupé de poèmes, de réflexions sur la guerre, les animaux, Spinoza et le chevalier de Boufflers, Ramakrisna et la pensée protestante, L'Émeraude des Garamantes, véritable précis de navigation en haute mer saharienne, conte un voyage intérieur. Ascète quasi mystique, Monod sait irriguer son discours aux sources d'une culture exceptionnellement riche. Les digressions, les cris de révolte devant la bêtise des hommes, ou d'émerveillement à découvrir telle petite plante solitaire, telle pierre scintillante sous une nuit étoilée, rythment le récit de celui qui de cet ailleurs mythique aura su faire son jardin.

 

Méharées couvrait la période 1922 à 1936 : ce second volume de souvenirs et de réflexions, après un chapitre " en amont " - enfance et jeunesse - reprendra le récit " en aval " jusqu'à la date où ce livre, commencé en 1940, est enfin terminé. La forme sera d'ailleurs, cette fois, un peu différente, en ceci qu'on ne se bornera plus aux seules curiosités du décor mais que l'on acceptera de laisser transparaître parfois derrière celles-ci la respiration d'une âme convaincue que si " l'homme ne vivra pas de pain seulement ", ce ne sera pas non plus seulement de botanique ou de préhistoire, que les insatiables appétits de l'intelligence n'ont jamais assouvi ceux du coeur et que la réalité profonde ne réside pas toujours où l'imagine la traditionnelle médiocrité des " sages ". Un livre inclassable et sui generis, précis et terre à terre - ou sable à sable - quand il raconte et décrit, mais quittant le sol et " décollant " quand les convictions sont en jeu

 

MONOD -  LE CHERCHEUR D’ABSOLU

Théodore Monod

Ed. Cherche-Midi

1997

Qui aurait pu imaginer que la photographie sépia d'un enfant au visage de fille, tout droit sorti des Ménines de Vélasquez, représentât Théodore Monod à l'âge de cinq ans ? Les Français ont en tête le visage d'un vieux sage de quatre-vingt-sept ans, la tête ornée d'une barbe blanche et d'un bonnet de laine, arpentant les sables un bâton à la main. C'est celui qu'ils ont découvert avec le film télévisé de Karel Prokopp, « Le Vieil Homme et le Désert " diffusé en 1989. L'exposition du Muséum national d'histoire naturelle, « Le siècle de Théodore Monod » (1902-2000) rend hommage à un homme aujourd'hui célèbre, qui a sa place dans notre panthéon imaginaire aux côtés d'un Albert Schweitzer et d'une mère Teresa, mais, au fond, peu connu. Elle a lieu dans la galerie de minéralogie-géologie du musée. A gauche, le déroulement de sa vie, depuis la présentation de l'arbre généalogique des Monod, lignée de pasteurs et médecins protestants, originaires du pays de Gex, territoire genevois, puis français à partir du XVIIe siècle. A droite, l'oeuvre scientifique, qui s'ouvre sur des poissons noyés dans le formol, pêchés sur les côtes mauritaniennes au début des années 20.

 

Quête scientifique et spirituelle - Sous le jeune Théodore perçait déjà le grand Monod, l'écrivain (il publie près de 1.900 écrits : articles, ouvrages scientifiques, livres de vulgarisation), le scientifique, le métaphysicien tourmenté et l'homme trop grave pour jouer les importants. A quatorze ans, il écrit déjà, et fort bien. Sous le pseudonyme de « Paganel », il fait le récit d'un voyage botanique et zoologique dans le Midi. Un an plus tard, il pose les statuts d'une société d'histoire naturelle, qui aura pour membre d'honneur, excusez du peu ! André Gide. Théodore Monod est un dessinateur doué, à l'aise dans les croquis botaniques, inventif dans les bandes dessinées dédiées à sa fille Béatrice et perspicace dans les caricatures (voyez celles de Pétain et d'Hitler qu'il fit à Dakar). C'est aussi, « last but not least », un poète à la Prévert. Lisez son poème « Abyssinie », sur papier à en-tête de la faculté des sciences de l'université de Paris : « A tous ses condisciples/Tous ses compatriotes/Tous les conquérants/Le professeur a dit/Je vous invite tous/Sur mon escarpolette/A moteur électrique/Pour se taper la cloche/Aux îles sous le vent. »

 

Grâce à sa correspondance (avec, entre autres, Teilhard de Chardin), ses photos (un coup d'oeil au portrait dédicacé par de Gaulle pendant la guerre : « Au président Monod, mon bon compagnon »), ses collages (à la manière des surréalistes), ses vêtements, son matériel de voyageur (nous recommandons le « manguesch », un tire-épine qui coupe la peau, creuse autour de l'épine, puis l'arrache : utile en zone aride), cette exposition révèle, au-delà de l'image figée du vieux monsieur à l'élégance sans afféterie, derrière l'icône du « saint laïque », l'enfant, le jeune homme, l'homme mûr, le sage, que le titre d'un de ses livres, « Le Chercheur d'absolu » ne saurait mieux qualifier.

 

Car, au fond, qui est Théodore Monod ? Spécialiste de la vie des fonds marins, il devient un « fou du désert », un « majnoun », comme le surnommaient ses amis Maures et Touareg. Formé au moule du rationalisme scientifique, il ne cesse de s'interroger sur Dieu. Homme de laboratoire et administrateur, il multiplie les expéditions océanographiques (y compris la première plongée dans le bathyscaphe du professeur Piccard !) et les méharées. Avec pour seul but de nourrir cette double quête, scientifique et spirituelle, qui sera la sienne toute sa vie durant. « Ce qui rapproche du marin l'homme du désert (...), disait-il à ceux qui l'auraient accusé de dispersion, c'est peut-être, par-delà l'évidente mais secondaire diversité des matériaux, une identité du néant »...

 

Comment, donc, définir cet homme sur le berceau duquel les fées s'étaient assurément penchées ? « Théodore Monod est le dernier grand voyageur naturaliste », tranche le professeur Jean-Claude Hureau, le commissaire de cette exposition et auteur de l'indispensable catalogue. Ancien élève, puis collègue en ichtyologie (l'étude des poissons) de Monod, il voit en lui « le plus grand scientifique du Muséum », par son éclectisme et son talent de perpétuel découvreur. Botaniste, il constitue un herbier recensant plus de 5.000 numéros, grâce à son « tape-cul système Monod » _ deux planches reliées par des sangles, à l'intérieur desquelles il faisait sécher ses plantes _ et qu'il portait en bandoulière. En 1939-1940, passionné par son sujet, il traverse le territoire ennemi (la Libye occupée par les Italiens) et débusque une petite plante nouvelle pour la science, une gentianacée, baptisée de son nom : « Monodiella flexuosa ». Géologue « amateur », précisait-il, il met au jour, pendant son service militaire comme chamelier de deuxième classe dans une compagnie méhariste, une formation de couches rouges, épaisses de plusieurs centaines de mètres, plissées et tranchées au sommet par la surface du Tassili. Il la nomme « série pourprée de l'Ahnet ». Il s'agit, disent les spécialistes, du premier et plus remarquable exemple de molasses panafricaines... Monod est aussi le premier auteur d'une étude détaillée sur les falaises de l'Adrar mauritanien et la supercherie de la « météorite de Chinguetti ». Passionné de paléontologie et de préhistoire, il met au jour en 1927 un squelette datant de quarante-quatre mille ans, qui constitue l'un des rares témoignages de la présence au Sahara des hommes du paléolithique supérieur...

 

Ce Pic de la Mirandole au palmarès brillant était d'abord zoologiste, spécialiste des poissons et, plus encore des crustacés, sur lesquels il n’écrivit pas moins de 185 articles. Les isopodes, stomapodes et décapodes n'avaient pas de secret pour lui. En revanche, les amphipodes et les mysidacés, plus connus sous le nom de puces de mer et de crevettes, ne l'ont jamais attiré, constate Jean-Claude Hureau. Saura-t-on un jour pourquoi ? Mais, là encore, ses talents de découvreur font merveille. En 1924, il décrit une nouvelle famille marine, celle des thermosbaenacés. Quant à ses études sur les poissons _ à tout hasard pour les amateurs, depuis sa « Contribution à la faune du Cameroun » (1927), à sa « Classification fonctionnelle des engins de pêche » (1973) _ elles font toujours autorité. Pour expliquer ce cheminement, cet entrelacs, Monod disait avec ce goût consommé de la litote qu'une extrême pudeur lui commandait : « J'ai cédé, et si c'est une faute, sans trop de remords je le confesse, à des fascinations successives, à des tentations qui me trouvaient désarmé, aux incitations d'une insatiable curiosité. »

 

Monod fut un homme de son siècle. Epris de désert, il n'avait rien d'un anachorète. Il veillait sur le monde, s'inquiétait de ses errements. « Violemment non violent », selon son expression, il sut s'opposer, résister, avec courage. A la publication du statut des juifs par le régime de Vichy, il écrit à l'autorité locale de Dakar, où il dirige l'Institut d'Afrique noire : « Je n'ai pas l'honneur d'appartenir au même peuple que Jésus-Christ, saint Paul, saint Jean, Maimonide, Spinoza, Mendelssohn, Einstein et Bergson. Mais ma femme, plus heureuse [Olga Monod était d'origine juive tchèque], a ce privilège. Puis-je donc vous prier d'avoir l'obligeance de me faire tenir les imprimés nécessaires à son immatriculation... » Chargé d'une chronique sur Radio-Dakar pour maintenir le moral des populations, il écrit des billets, qui, sous couvert d'érudition et d'humour, dénoncent le nazisme. En octobre 1941, la censure lui demande de tronquer une intervention. Il refuse. Sa chronique est supprimée. Monod écrit à Pétain pour lui notifier son refus de prêter serment. Il publie d'autres textes de résistance (repris dans « Le Chercheur d'absolu »).

 

Il s'engage à nouveau pendant la guerre d'Algérie, en signant le « Manifeste des 121 » appelant à l'insoumission que viennent de publier les Editions de Minuit fondées par son ami et ancien condisciple de l'école Alsacienne, Vercors (alias Jean Bruller, auteur du « Silence de la mer », en 1943). La sanction est immédiate : son traitement est suspendu. Théodore Monod poursuit son combat, ardent défenseur de l'environnement et adversaire résolu de la guerre et de l'arme atomique. Hiroshima et Nagasaki marquent, dit-il, la fin de l'ère chrétienne et le début de l'ère nucléaire. Sa « ligne » politique tient en une phrase : « L'utopie, ce n'est pas l'irréalisable, c'est l'irréalisé. » L'un de ses derniers combats sera celui des Touareg, dont le nomadisme est entravé par les frontières et la souveraineté des Etats. « Détruire un peuple qui sait vivre en autarcie, qui souhaite l'autodétermination et pouvoir circuler librement sur quelques arpents de sable, est un bel exemple de dictature gratuite », dit-il.

 

Jean-Claude Hureau a raison de voir en Théodore Monod un « mystique caché ». La question religieuse le taraude depuis l'enfance. Adolescent, il hésite entre les études de naturaliste et de théologie, mais en choisissant la voie scientifique, il n'exclut pas la religion. « Mes recherches scientifiques, confie-t-il, sont doublées d'une quête religieuse, d'une exploration intérieure très forte qui s'accomplit d'elle-même, sans le secours d'une méthode. » Cette quête court tout au long de son premier livre, « Maxence au désert » (Actes Sud), récit par le jeune océanographe de sa découverte du désert, avec une caravane qui relie Port-Etienne (Nouhadibou) à Port-Louis, en compagnie du « Voyage du Centurion » (1915), petit livre d'Ernest Psichari, le petit-fils de Renan racontant la vie quotidienne d'un lieutenant méhariste et les étapes de sa conversion à l'Eglise. « Comme de Foucauld, écrit-il, il lui avait fallu l'abjection du péché pour passer, en expiation, au plus ardent mysticisme. N'est-il pas possible d'arriver aux cimes sans séjourner dans la fange des bas-fonds ? » Vingt-huit ans, le fils de pasteur publie « Le Livre des martyrs », et plus tard, un « Livre de prières », exposés au Muséum.

 

Monod se disait « protestant libéral » : la conduite, la discipline de vie priment sur la récitation de textes dogmatiques. Mais au fond, le secret, le mystère du « métaphysicien » Théodore Monod est dans sa fascination pour la solitude. « La solitude qu'il aimait, qu'il a vécue, nécessaire à l'introspection et à la réflexion personnelle, lui aura été une force, écrit sa biographe Nicole Vray, une douleur aussi parfois, parce que source d'incompréhension. Et le goût de la liberté, le refus d'un quelconque enfermement, source d'une puissance de l'être, mais cause également de cette même solitude. " Là est sûrement la vérité de ce personnage aux mille facettes.

 

MONOD - MḖHARḖES ET AUTRES TEXTES

Théodore Monod

Edition Actes Sud

2017

Le naturaliste raconte ses premières méharées dans le sud du Maroc et en Mauritanie dans les années 1934-1937 - Le plus célèbre des livres de Théodore Monod, spécialiste incontesté du désert, qu'il a parcouru pendant plus de soixante-dix à dos de chameau ou à pied. Ce scientifique exemplaire n'a pas son pareil pour évoquer les paysages mauritaniens, pour raconter ses longues méharées dans les dunes, pour décrire la faune, la flore, l'histoire ou la préhistoire de ces régions où, dans les années 1930, il entendit parler d'une mystérieuse et gigantesque météorite qu'il ne cesserait de chercher, durant un demi-siècle, avec une insatiable curiosité.

Le jeune savant nous entraîne ici dans ses premières méharées : au cours de ces longs raids à dos de chameau, il va couvrir jusqu'à six cents kilomètres à travers la Mauritanie ou le sud marocain. Mais bien plus que la performance, c'est la nature qui l'intéresse : falaises, sables et pierres ; scorpions, serpents ou coléoptères ; et cette végétation à la fois si rare et précieuse, dont il nous détaille avec amour formes et couleurs.

 

L'énergie de Monod semble inépuisable, comme sa soif de savoir. Nourrie d'histoire, de littérature, de poésie (sa culture est considérable), son écriture a pris, comme par mimétisme, les caractéristiques du désert : sèche et minérale, tout en muscles et aspérités, elle sait nous restituer la magie de ces horizons éblouissants, où l'homme navigue comme sur une mer.

Au XXe siècle, le Sahara a eu son explorateur-savant, Théodore Monod. Sous le titre Méharées et autres textes, volume de plus de 1 400 pages publié aux éditions Thésaurus-Actes Sud, sont rassemblés ses écrits littéraires dessinant non sans humour une fresque des régions sahariennes, de l’Atlantique au Nil, traversées durant sept décennies.

Une façon de parcourir ce monde aujourd’hui évanoui. « Il faut le regarder, ce Sahara, de plus près, au ras du sol, au triple point de vue du chamelier, du chercheur et de l’homme. Et tout d’abord parler du vrai désert. » (Théodore Monod, L’émeraude des Garamantes) Durant sept décennies, Théodore Monod a arpenté le Sahara pour construire sur le grand désert un savoir multiple. Botaniste, zoologue, géologue, ethnologue, préhistorien, Monod fut un encyclopédiste saharien. Les textes rassemblés dans ce volume par Actes Sud sont la part publique, littéraire, d’une œuvre scientifique comprenant des centaines d’articles et de notes.

Comme l’Amérique tropicale avait illustré Alexandre de Humboldt, le Sahara a eu son explorateur-savant, Théodore Monod. Deux très longues vies consacrées au savoir et à sa diffusion, tendues entre l’empirisme de l’enquête de terrain et la méditation sur la portée de ce travail. Monod se distingue de son illustre prédécesseur par de fréquentes touches d’humour dans la relation de ses explorations et de ses réflexions. La question de l’eau, la gestion des dromadaires, la frugalité du bivouac, la distinction des vraies découvertes et des fausses trouvailles lui permettent de dissiper un mirage, celui du savant-héros.

Théodore Monod (1902-2000), descendant d’une lignée de pasteurs, choisit d’être le compagnon des nomades. Cette vocation, née dans la fréquentation assidue du Jardin des plantes à Paris, fait de lui l’expert du paysage minéral le plus étendu de la planète. La méharée est le parcours mené sur un dromadaire de selle (un méhari), et la connaissance de l’immensité saharienne, avant le 4 x 4, l’avion et le satellite, a été permise par cette pratique : Monod est le virtuose tenace de cet empirisme chamelier. Il a appris de ses guides comment choisir ses méharis (des pieds sains et une bosse pleine et souple), comment les ménager en réduisant leur charge (ce qui implique de les soulager en marchant) et comment adopter pour la nourriture et la boisson un régime très frugal.

L’initiation à la vie au désert débute en 1923 par un Paris-Dakar pour échapper à une épreuve affective, l’épisode ultime est une expédition en 1993, pour laquelle le nonagénaire accepte d’être motorisé. L’immensité et la diversité sahariennes offrent au naturaliste un champ d’explorations et d’études pour plusieurs décennies. Ce thésaurus est composé de sept textes qui, rassemblés, forment une fresque des régions sahariennes, de l’Atlantique au Nil, du Maghreb au Sahel. In fine, de campagne en campagne, l’œuvre de Monod est coextensive du grand désert, elle le couvre dans sa totalité et ses parties. En faisant halte au long de ces 1 500 pages, on se demande parfois si notre temps présent, où le Sahara connaît d’autres tempêtes que celles de ses sables, permettrait une telle ouverture et une telle continuité dans l’enquête, alors que la technique multiplie les moyens d’observation.

Sous la grande ombre toponymique « Sahara », Théodore Monod restaure les désignations vernaculaires, arabes et touareg – Tanezrouft, Majâbat al-Koubrâ, le Mreyyé… –, que les Sahariens ont donné à ces unités de plusieurs dizaines de milliers de km2 mais dont la vraie dimension est donnée par le nombre de journées de méharée entre deux probables points d’eau potable. Des cartes et des croquis situent ces récits, tracent les pistes. Des lexiques initient à la terminologie saharienne : végétation tenace, sables variés, cailloux anguleux, qualité de l’eau. Dans le désert, la sociabilité est une condition de survie ; Théodore Monod sait que le savant a besoin de ses guides et de ses aides, et ceux-ci considèrent avec bienveillance la curiosité insatiable de ce pair en endurance. Il arrive souvent que cette poignée d’hommes accablés de chaleur rencontre, foule et observe les vestiges que les Sahariens d’un passé proche ont laissés : pierre taillée, os travaillé, harpons, coquillages, enfin, dessins sur parois. Monod évoque ce Sahara vert, lacustre, non comme un mirage paradisiaque mais comme un moment proche, de nature et de cultures vivantes.

 

MONOD – ARCHIVES D’UNE VIE

Amboise Monod et M. Berne

Edition Chêne

 2010

Grand savant, à la fois botaniste, géologue, archéologue, spécialiste des poissons et des crustacés, Théodore Monod était un naturaliste de génie. Mais il était avant tout l’homme du désert, l’explorateur insatiable n’hésitant pas à partir dans des conditions difficiles. Cet ouvrage est l’occasion de retracer ses incroyables méharées à travers les magnifiques photos de ceux qui l’ont accompagné. Parmi les premiers à s’intéresser et à lutter pour l’environnement,

 

Théodore Monod est l’homme des engagements forts et multiples. Tout au long de sa vie, il a résisté, pendant la guerre d’abord, puis contre toutes les injustices commises envers les hommes, et contre les dégradations de la planète. A partir des archives personnelles des enfants et de la famille de Théodore Monod, cet ouvrage dévoile des documents exceptionnels et inédits : du livret tenu par sa mère à sa naissance jusqu’à ses carnets d’exploration… Suivant un plan chronologique et thématique, l’ouvrage montre, à travers les photos, les manuscrits illustrés, les lettres, les objets personnels, toutes les facettes de Théodore Monod : l’homme de science, l’homme engagé, l’homme de foi. Théodore André Monod, né le 9 avril 1902 à Rouen et mort le 22 novembre 2000. Ce livre sera un très beau cadeau pour tous les passionnés d'explorations et de voyages.

 

Un nouveau livre sur Théodore Monod ? Oui, mais celui-ci édité à l'occasion du dixième anniversaire de sa disparition, est le premier qu'il n'ait pas écrit ni relu. Son sous-titre traduit bien son originalité. Il est construit à partir de l'énorme fonds documentaire que les enfants de Th. Monod ont donné au Muséum, à la fois papiers scientifiques et personnels, correspondance et dessins, mais aussi du très important fonds Wilfred Monod (père de Théodore) que conserve la SHPF. Mauricette Berne, Conservateur général des Bibliothèques, a dû opérer un choix dans cette masse de documents. Douze personnes ont participé à l'écriture de ce livre, autour de son fils Ambroise, des collaborateurs au Muséum ou des amis qui avaient traversé un désert avec lui.

 

La beauté de cet ouvrage tient à sa magnifique iconographie, des photos et des dessins. Car, que ce soit Wilfred ou ses fils, tous dessinent admirablement, dans un genre sérieux ou caricatural. Samuel, le frère de Théodore, sous le nom de Maximilien Vox, fut un peintre-graveur et publicitaire célèbre. C'est aussi une famille où l'on écrit beaucoup. Pas d'anniversaire ou de fête sans un poème. La correspondance est abondante, familiale ou officielle. Théodore en Afrique écrivait chaque semaine à ses parents, « Mes bien aimés », ou à sa femme Olga. Il tenait des carnets personnels. Ses livres - comme d'ailleurs ceux de Wilfred - sont très nombreux. Quant à ses articles et ouvrages scientifiques, entre 1921 et 1999, il y en a plus de 2000. Ce bel ouvrage est divisé en trois parties. La première, « Les racines d'une vie », est plutôt familiale. La deuxième, « Une vie singulière et plurielle », concerne le scientifique, le professeur, le chercheur, le directeur de l'IFAN, Institut français - Fondamental aujourd'hui - d'Afrique Noire de Dakar qu'il a créé, avec ses trois musées, une bibliothèque et deux revues scientifiques. Il l'a dirigé pendant un quart de siècle. Quant à la troisième, « La quête du Graal », elle est tournée vers la spiritualité, mais elle rappelle aussi quels furent les engagements politiques et humains d'un « protestant protestataire », antimilitariste, anticolonialiste, signataire de l'Appel des 121 en 1960, adepte de la non-violence, défenseur des animaux, militant contre la chasse (ROC), la corrida et ce gaspillage obscène du Paris-Dakar.

 

Celui qui se disait à la fin de sa vie « le plus ancien paroissien de l'Oratoire » a participé à la création par son père de l'ordre des Veilleurs auquel il est resté fidèle toute sa vie, tout comme au culte familial quotidien. Les photos du vieil homme marchant dans une immensité de sable rappellent la place que le désert a occupée dans sa vie, non seulement au plan scientifique, mais au plan spirituel, car il y retrouvait l'austérité, le dépouillement, le silence et l'effort physique qui permet le dépassement de soi : « on entre au Sahara comme on entre en religion », disait-il. Ce livre mérite bien son sous-titre « Archives d'une vie », et quelle vie ! une longue vie (1902-2000) consacrée à la science et à la foi, ce qui pour lui ne faisait qu'un : « Les jouissances que me procure l'étude de l'histoire naturelle sont inexprimables : et loin de détourner de la pensée de Dieu, la Nature nous remplit de stupeur pour l'œuvre de l'Éternel. C'est un privilège de pouvoir étudier la vie à la surface du globe ». Ce sentiment qu'il exprimait ainsi à 16 ans fut celui de toute son existence, et montre que les trois parties de ce livre, en fait, s'entremêlent pour traduire l'unité d'une vie.

 

monsieur de saint-george – le nÈgre des lumiÈres

Alain guÉdÉ

Edition BABEL

 1999

Né probablement en 1739 à Basse‑Terre, des amours d’une belle esclave sénégalaise d’ascendance royale et d’un riche planteur français appartenant à la grande noblesse de robe, Georges Boulogne, dit le « chevalier de Saint-Georges »– un titre évidemment usurpé – fut d’abord élevé par sa mère en Guadeloupe puis à Saint-Domingue, avant de gagner Paris en 1748, où son père, puissant trésorier de France, réussit à donner à ce fils, physiquement vigoureux et intellectuellement si prometteur, la meilleure éducation aristocratique, au grand dam des contempteurs des « sang mêlés ».

C’est ainsi que le charmant jeune métis devint en quelques années une des meilleures épées du royaume, un violoniste virtuose, un talentueux chef d’orchestre, à qui Gossec n’hésita pas à confier la direction des concerts spirituels, le meilleur orchestre symphonique de la capitale à l’époque, ainsi qu’un fécond compositeur, heureux rival de Mozart, lors du séjour parisien de ce dernier en 1778.

Saint-Georges aurait même pu diriger l’Opéra royal, s’il n’avait été la cible d’une méchante cabale raciste. Le chevalier fut aussi un grand séducteur, mais là encore sa qualité de métis devait le condamner à des aventures féminines sans lendemain, le privant de la perspective du mariage et de la fondation d’un foyer avec une personne de sa condition. Il passe aussi pour avoir été le premier homme de couleur reçu dans la franc-maçonnerie – la légende prétend qu’il fut intronisé avec un sac sur la tête –, circonstance qui contribua à le rapprocher de la famille de Philippe d’Orléans, alors grand maître du Grand Orient de France.

En 1789, Saint-Georges se rallia tout naturellement à une Révolution qui proclamait l’universalité des Droits de l’homme et l’unité du genre humain, en attendant de pouvoir l’appliquer effectivement à l’ensemble des terres françaises, contre la résistance farouche du très puissant lobby colonial en France et outre-mer. Devenu, à l’automne 1792, un des premiers officiers de couleur de la Garde nationale puis colonel dans l’armée française, le ci-devant chevalier joua un rôle de premier plan dans la défense de Lille contre les Autrichiens, puis contribua à déjouer la trahison de Dumouriez en Belgique au printemps 1793.

En dépit de son indéfectible loyauté patriotique, Saint-Georges, qui s’était opposé à Marat et avait gardé des liens avec les Orléans, fut injustement mis en cause et même incarcéré sous la Terreur. Ayant semble‑t‑il échappé de peu à la guillotine en juin 1794, il revint à la vie civile après Thermidor, période où, passablement désargenté et quelque peu marginalisé, il reprit la composition musicale (outre de magnifiques quatuors aux adagios nostalgiques, on lui doit de belles pièces orchestrales et vocales, ainsi que des opéras, malheureusement presque tous perdus). Sous le Directoire, qui l’envoya d’ailleurs pour une brève mission à Saint-Domingue, Saint-Georges resta un fidèle républicain, jusqu’à sa disparition en juin 1799, trois ans avant que Bonaparte ne rétablisse l’esclavage dans les colonies françaises.

C’est le destin exceptionnel de ce répudié de l’histoire que retrace ici Alain Guédé, avec une allégresse et un brio qui rendent hommage à la vitalité et la prééminence dans son siècle du grand Saint-Georges.

 

monsieur gurdjieff

Louis PAUWELS

Edition Albin Michel

 1979

Grand magicien devant l’Éternel, Gurdjieff, fut un fameux mystagogue. Louis Pauwels, écrivain et ésotériste renommé nous livre ici le meilleur livre sur ce penseur inclassable.

 

Cet ouvrage est à la fois un essai, une enquête, un rassemblement de témoignages, une méditation, une anthologie commentée et un roman. Pareille recherche d’expression fut le fil rouge de Louis Pauwels, qui à travers le personnage de Gurdjieff, rechercha la psychologie et la sociologie d’une famille d’esprit, rassemblée autour d’un puissant personnage socratique.

 

L’important dans les écoles de Gurdjieff est et était de recevoir son « initiation », initiation qui n’avait rien de rituélique, car aucun matériel, ni rituel n’était utilisé, seulement était initié celui qui recevait sa «Pure gymnastique mentale » c’est à dire la prise en considération de prendre de la distance avec le monde. L’étude et l’exercice de cette recherche est de plus en plus difficile à mesure qu’on l’approfondit.

 

Au sommaire de cet ouvrage de 450 pages :

L’Homme qui ne dort pas : Le  cheik arabe au melon noir  -  l’homme qui enseigne la sagesse dans les bistrots de Moscou  -  le Mont Ararat  -   un agent russe au Tibet  -  Cagliostro  -  le récit de Monsieur Rom Landau  -  l’examen clairvoyant  -  le dieu Shiva   - Occultisme et nazisme  -  le pâturage des idiots  -  les roses changées en crapauds 

 -   le cherche un homme  -   fable du sculpteur qui passe sa vie à polir son ébauche  -  la tragédie du moi   -   la psychologie comme abus de confiance  -  le dormeur éveillé  -  les vieux thèmes du sacrifice et de la mort à soi-même  -  Allusion à Jean-Paul Sartre  -  une aventure de Raymond Abellio  -  un petit cousin de Lucifer  - L’annonciateur du bien  - des milliers de pages de musique  - les séances de lecture à haute voix  -   Le récit de M. Kenneth Walker  -  Gurdjieff et la musique  -  les récits de Belzebuth   -    la morale des caméléons  -  ce que disait Hamlet de son père  - L’étude de M. Denis Munson   -   En regard de Gurdjieff, Nietzsche est un iconoclaste  -  Dialogue sur le vaisseau interplanétaire  -  Belzébuth est meilleur conteur que Shéhérazade  -   de l’Egypte ancienne à Léonard de Vinci  en passant par le Mont Saint-Michel  -   Swift  -  L’essai de M. L. Travers  -  les contes de fées décrivent la totalité du destin humain  -  la belle au bois dormant et la vieille lutte contre le sommeil  -  l’art orphique  -  les contes de fées indous et persans  -  William Blake  -   l’œuvre provocante de Gurdjieff   - 

 

Les Philosophes de la forêt : -  une carte de Jean  Paulhan sur la tricherie  -  les 6 dernières semaines du vrai Gurdjieff à Essentuki   -  la révolution russe  -   la rupture avec Ouspensky  -  les coups d’essai de Tiflis, Constantinople, Berlin et Londres   -   l’arrivée en France  - Grande parade au théâtre des Champs Elysées  -  grande parade au théâtre de New York  -  ce qu’était les mouvements et les danses  -   que se passe-t-il au prieuré d’Avon ?  -   ce que voyaient les étrangers  -  de Tiflis à Fontainebleau  -  la vie quotidienne au Prieuré  -   visite de Denis Saurat à Gurdjieff   -   la transformation d’orage  -  Poincaré voir en Gurdjieff l’ennemi des soviets  -  les pouvoirs surnaturels de Gurdjieff  -  l’étable de Katherine Mansfield   -   Féerie dans le hangar d’aviation  -   sentiment général du visiteur du Prieuré  -  L’exemple Rabelais  -   Sartre  -  le Temps défend Descartes  -  Ce que vivaient les disciples  -  Un psychanalyste chez Gurdjieff  -  Analyser et guérir une névrose  -  Le docteur Young cherche les secrets de la volonté  -  le vrai sa voir commence par l’expérience intérieure  -  Récits et méthodes du docteur Young  -   Gurdjieff avec l’automobile  et la médecine  -  Georgette Leblanc  -  Maurice Maeterlinck  -  le château de Villennes  -  coup de chapeau au Phénix  -  Colette  -  Gurdjieff et la multiplication des obstacles  -  l’angoisse de n’être plus rien  -  le poison religieux  -  Une intellectuelle d’avant-garde : Margaret Anderson  -  Le récit de Margaret Anderson et sa rencontre au Prieuré avec Gurdjieff  -   Le dernier espoir de Katherine Mansfield qui cherche un médecin de l’âme  -   John Middleton Murray  -    Le drame de Londres  -  les conversations avec Orage  -  le docteur Manouchkine   -   a la recherche de l’amour conscient  -  Toutes les lettres qu’écrivit chez Gurdjieff Katherine Mansfield  - 

 

Monsieur Gurdjieff et nous : Paris  -  Gurdjieff choisit le désordre  -   Témoins à charge   -  le récit de Paul Sérant  -  la crise de la jeunesse au lendemain de la guerre  -  les insuffisances de l’église  -  ce qui se passait dans les groupes et les exercices chez Gurdjieff  -    pourquoi Pauwels a quitté l’enseignement de Gurdjieff   -  l’atrophie de la raison et l’hypertrophie du moi  -    un ami de René Daumal et de Roger-Gilbert Lecomte   -  les rapports entre la drogue  et la connaissance mystique  - Aldous Huxley   -   Pierre Minet  -  Irène-Carole Reweliotty   -  les tuberculeux du plateau d’Assy  -  rencontre avec Luc Dietrich  -     Extrait du journal intime d’Irène-Carole Reweliotty   -    René Dazeville   -   L’Homme qui risqua sa vie pour tenter de conquérir la vérité  -  les malheurs de Sophie  -  la chronique de Frances Rudolph  -  Belzébuth dans la parc de Baltimore   -   le nouvel art d’être chrétien  -  Madame Blank  -  la salle Pleyel  -  je deviens derviche  -  Pourquoi tant d’humiliation  -   le fameux docteur Fish  -   Miss Stumble  -   la grande peur et pourquoi et comment on nous hypnotise  -  les mages noirs  -   un sage hindou  -  Témoins à décharge : Dorothy Caruso  -   le café chez Gurdjieff  -   Georgette Leblanc  -   Gurdjieff joue de l’orgue  -   René Barjavel  et son unique rencontre avec Gurdjieff  -   Monsieur Salzmann  -   j’ai bu à la vérité et je dois tout à l’enseignement  -  Le vieil homme et les enfants du siècle  -  Pierre Schaeffer ou l’intelligence du désordre  -  Esotérisme polytechnicien  -   Un moderne thaumaturge  -   dans le salon de Gurdjieff  -   un maquignon des reins et des cœurs  -   la querelle janséniste  -   les séances de lecture chez Gurdjieff  -   le charabia sacré  -  L’Ennéagramme  -

 

Littérature : Le Verbe qui se fait chair  -   exemple des mots arbre et amitié  -  Rolland de Renéville  -  René Daumal et la tentation luciférienne   -  une aventure qui entraine vers les portes de la mort  -  l’agonie de Luc Dietrich, la « fiancée »  -   Paul Sérant fait un roman pour se prouver à lui-même qu’il peut se dégager  -  le Champs de Mars  -  les moutons de Saint-Paul de Vence  -  L’œuvre en marche de René Daumal et ce qu’en disent ses compagnons de route des premières années  -  la lettre de Pierre Minet contre la « voie sèche » empruntée par Daumal  -   les fruits d’un arbre dont l’ombre est mortelle   -  la guerre sainte  -   quelques mots pour prendre congé, ou la fable du singe et de la calebasse  -      

 

monsieur gurDjieff  georges ivanovitch

Les Dossier H    -     vircondelet

Edition   L’ÂGE D’HOMME

 1992

La force du message d’éveil de Gurdjieff apparaît aujourd’hui, avec la publication de ses textes et de ses partitions musicales, dans toute sa transparence. Il n’en a pas été de même de son vivant. Gurdjieff reste encore mal connu en France où il vécut pourtant les dernières trente années de sa vie.


Le but de ce Dossier est d’ouvrir cette œuvre plus largement au public tout en prenant en compte les limites de l’écrit. L’Enseignement de Gurdjieff est de type oral, il fait appel au lien direct de maître à l’élève. C’est un enseignement à plusieurs niveaux, qui expose des idées traditionnelles, mais qui se veut non-doctrinal dans la mesure où l’expérience intérieure y prime la rationalité. adapté à chaque cas, il s’exprime aussi sans mots tant dans le silence partagé que dans les exercices physiques appuyés sur la musique et sur le rythme, qui nous sont parvenus sous le nom de « mouvements ».


Gurdjieff est mort, mais l’impulsion qu’il a donnée perdure, elle s’est étendue à travers les continents. Les groupes – dont il sera question par la suite – existent. Les élèves de Gurdjieff ont mission dans la pratique.

Aujourd’hui, quarante ans après, certains d’entre eux et des plus proches, acceptent de témoigner. C’est un des privilèges très positif des Dossier H d’avoir pu recueillir leurs témoignages.

 

George Ivanovitch Gurdjieff fut l’un des maîtres spirituels les plus influents du vingtième siècle. Dans ses années de jeunesse, il prit part à des expéditions recherchant d’anciens enseignements ; elles sont en partie racontées dans son livre Rencontres avec des Hommes Remarquables. Sa quête le conduisit jusqu’à une confrérie secrète dont il semble avoir rapporté un système unique.

 

En 1910, Gurdjieff introduit ce système en Russie. Il y a transcrit la connaissance et l’expérience qu’il avait acquise en Orient en un langage accessible à l’homme occidental du vingtième siècle. Il nomme cette discipline « La Quatrième Voie », en référence aux trois voies traditionnelles que sont les voies du Fakir, du Moine et du Yogi – et aussi pour s’en différencier (pour plus d’informations à ce sujet, voir l’article La Quatrième Voie (The Fourth Way). Cependant, la Révolution Bolchévique et la Première Guerre Mondiale forcèrent Gurdjieff à émigrer ; il se retrouva finalement en France, où il ouvrit son « Institut pour le Développement Harmonique de l’Homme ». L’influence de Gurdjieff s’étend alors à travers l’Europe et jusqu’en Amérique, mais le déclin de l’ordre social et la Seconde Guerre Mondiale freinent le développement de son organisation. Il doit fermer l’Institut. Il consacrera la dernière partie de sa vie à écrire des livres : La Vie n’est Réelle Que Lorsque Je Suis (Du Tout et de Tout), Rencontres avec des Hommes Remarquables et Les Récits de Belzébuth à son Petit-fils. Il meurt en France le 29 Octobre 1949.

 

Gurdjieff’ resta discret sur les origines de son enseignement. Il ne ressentit pas le besoin de révéler son parcours. Il affirma même que les guerres avaient anéanti toutes traces des Ecoles ésotériques avec lesquelles il avait été en contact. D’ailleurs, son enseignement reposait précisément, non pas sur des études conventionnelles, mais sur une mise en pratique de la Connaissance. Gurdjieff avait lui-même travaillé dur pour recueillir son enseignement et il avait acquis, pour ainsi dire, des droits sur lui. Quiconque rencontrant son travail devait donc travailler dur pour pouvoir mériter ces droits à son tour. Alors que la connaissance pouvait être donnée, la sagesse devait se mériter. Par conséquent, Gurdjieff, qui avait obtenu sa sagesse au prix de grands sacrifices, était peu enclin à la céder à autrui autrement qu’au prix d’un dur labeur. Dès lors que quelqu’un pourrait acquérir cette connaissance, elle deviendrait sienne ; il incarnerait ces vérités anciennes que Gurdjieff avait, paraît-il, retrouvées : le retour de l’ancienne sagesse, l’expression contemporaine d’une vérité intemporelle.

 

Gurdjieff fut l’un des agents de cette Grande Arche au vingtième siècle. Il fit comprendre qu’il chargé d’une mission. Non seulement ses étudiants, mais aussi des personnes moins proches, sentirent qu’il était l’instrument d’un grand plan. Dans sa jeunesse, ce sens aigu du but se manifesta dans sa ‘recherche du miraculeux’, qui le fit voyager en Grèce, en Egypte, en Afghanistan et au Tibet. Vers 1910, cette même conscience du but s’exprima dans sa vision de l’Institut, qui reçut en 1917 son nom complet : Institut pour le Développement Harmonique de l’Homme. A partir de 1912, M. Gurdjieff fit passer la création de l’Institut avant tout autre objectif pratique, jusqu’à son accident de voiture et la fermeture du Prieuré. Son sens de la mission se porta alors sur l’écriture (les trois tomes de La Vie n’est réelle que lorsque je Suis) et sur la préparation de groupes de personnes (en Europe et en Amérique) chargées de préparer le public à recevoir ses écrits. A partir de 1925, il s’efforça de mettre en mots ce qu’il avait espéré accomplir en action, pensant que ses écrits finiraient par être lus et compris par un vaste public.

 

Gurdjieff connaît un tournant décisif entre sa période de ‘recherche’ et la période où il se concentre sur la création de l’Institut ; il semble que ce moment charnière se situe juste après son séjour dans la Confrérie des Sarmoun, dans les Montagnes de l’Hindu Kush, au nord de l’Afghanistan. En 1899-1900, il fait un premier séjour dans le principal monastère Sarmoun ; et il est fort probable qu’il y séjourna plus longtemps en 1906-1907. A la fin de 1907, Gurdjieff se rend à Tachkent en tant que guérisseur. Il y soigne des drogués et des alcooliques, ce qui lui permet d’étudier l’état d’identification, et aussi de gagner de l’argent. Ce fut sa dernière phase de préparation avant d’enseigner. Environ 18 mois plus tard, il commença à attirer des étudiants autour de lui, puis, en 1912, il quitta Tachkent pour Moscou, où il commença à rassembler des candidats pour l’Institut. Il semble donc que c’est son contact avec la Confrérie Sarmoun qui transforma ‘Gurdjieff le chercheur ‘ en ‘quelqu’un qui avait trouvé la connaissance’ et était prêt à la transmettre.

 

Bien que les origines de la Confrérie Sarmoun se perdent dans la nuit des temps, on retrouve des traces des Sarmoun à Babylone, au temps d’Hammurabi. Le mot ‘Sarmoun’ signifie ‘abeille’. Les ‘Sarmouni’ (les ‘abeilles’) étaient censés être en possession d’enseignements antérieurs au Déluge. Nous retrouvons là la métaphore de l’Arche ; il est fort possible qu’il n’y eut jamais de déluge au sens physique du terme, mais que les Sarmoun voulaient signifier par là qu’ils étaient chargés de protéger l’Arche de l’Ancienne Sagesse contre les assauts du temps. Ils enseignaient que la connaissance objective est une substance matérielle qui peut être recueillie et accumulée tout comme le miel. La Confrérie des Sarmoun gardait apparemment le souvenir des cycles de destruction et de renouveau de l’humanité, et ils croyaient que leur tradition constituait un noyau de sagesse immuable, éternel, auquel l’humanité devrait toujours avoir accès. Aux moments critiques de l’histoire, les Sarmoun distribuaient leur ‘miel’ à travers le monde, par l’intermédiaire d’agents hautement qualifiés. John Bennett pressentit que le symbole de l’ennéagramme, la connaissance de la loi de sept, et la doctrine de la division de l’attention provenaient de la Confrérie Sarmoun. Gurdjieff laissa entendre qu’un grand nombre de ses danses sacrées provenaient des Sarmoun.

 

Dans les années 1500, les Sarmoun s’unirent à l’Ordre Soufi Naqshbandî. Les Soufis Naqshbandî travaillaient dans la manière de la Quatrième Voie : ils n’avaient rien de dogmatique, et leur travail était toujours lié à l’accomplissement de certaines tâches historiques. Ils se spécialisèrent dans l’art dramatique. Bien que les Soufis Naqshbandî et les Sarmoun n’aient pas constitué une organisation, les maîtres Naqshbandî, individuellement, faisaient probablement partie de la Confrérie des Sarmoun. ll est vraisemblable que les Sarmoun inculquèrent leurs compréhensions aux meilleurs des maîtres Naqshbandî. On trouve chez les Soufis Naqshbandî des idées, telles que la ‘hiérarchie céleste’ ou le ‘cercle intérieur de l’humanité’, qui proviennent probablement de leur lien avec la Confrérie des Sarmoun. On sait que Gurdjieff a passé un certain temps dans les ‘tekkes’ (monastères) des Soufis Naqshbandî.

 

Au Prieuré, et plus tard à Paris, Gurdjieff dit clairement à plusieurs de ses étudiants qu’il avait un maître spirituel. Il dit qu’à des moments cruciaux de sa vie, il s’était fait conseiller avant de prendre une décision finale. Selon John Bennett, Gurdjieff dit à plusieurs reprises qu’il avait la possibilité de faire appel à des personnes qui avaient conscience de l’importance de sa tâche. De toute façon, il est évident que Gurdjieff est retourné en Asie Mineure pour de brèves visites à des moments cruciaux de sa vie, et nous savons qu’il entretenait une correspondance régulière avec des personnes de cette région, même pendant ses dernières années. (Ce ne pouvaient pas être des membres de sa famille, car il n’avait plus de famille là-bas depuis 1920.)

 

Il est possible que l’idée de l’Institut soit une idée des Sarmoun et que, dans une certaine mesure, Gurdjieff ait été leur agent. Gurdjieff ne s’est jamais présenté en tant que grand maître (ce qui lui aurait été facile), mais comme un agent chargé d’une mission. Les Sarmoun savaient sans doute que leur cycle touchait à sa fin. Le gouvernement de Kemal Ataturk en Turquie et les Soviétiques, en Russie et en Afghanistan, rendaient leur continuation impossible. Peut-être que les Sarmoun, voyant la fin de leur tradition, se fixèrent le but de transmettre la sagesse de l’Orient à l’Occident, cette jeune civilisation, où la recherche des pouvoirs avait si largement supplanté l’être.

 

Selon les anecdotes autobiographiques de Gurdjieff, la cristallisation de ses buts intérieurs se produisit quand il résolut d’abandonner ses pouvoirs parapsychologiques, après avoir été blessé par une balle perdue, au Tibet en 1902. Dans les Third Series, lorsqu’il mentionne ce à quoi il s’était engagé, il précise clairement que la fonction la plus élevée qu’il pût acquérir était de réussir à se rappeler lui-même en permanence. On peut donc dire qu’à ce moment-là, Gurdjieff comprit clairement quelle était sa mission ‘intérieure’. Quant à sa mission ‘extérieure’ – la création de l’Institut – il semble bien qu’il l’aurait reçue lors de son second séjour auprès des Sarmoun.

 

Quoi qu’il en soit, nous savons que dix-sept ans plus tard, en 1924, Gurdjieff dissolvait officiellement l’Institut. En 1928, il alla plus loin, en écartant de nombreux étudiants de son propre cercle intérieur. Gurdjieff sentait qu’il avait fait tout son possible pour réaliser le but de l’Institut et, après consulté ‘une personne très respectée’, il se fixa de nouveaux buts pour lui-même. En 1935, il emménagea dans un appartement à Paris, rue du Colonel Renard, où allait se dérouler  la dernière étape de son enseignement. Gurdjieff avait vu qu’il n’était pas l’instrument de l’ordre nouveau auquel il aspirait, et il se concentra sur ses disciples, de telle sorte qu’ils puissent transmettre son enseignement à la prochaine génération.

  

MONSIEUR GURDJIEFF -     QUI SUIS-JE ?

C. BOUCHET

Edition PARDES

 2001

La première moitié de la vie de Georges Ivanovitch Gurdjieff forme un étrange kaléidoscope de légendes :
militantisme nationaliste arménien, espionnage au Tibet pour la Russie tsariste, séjour dans des monastères de diverses traditions religieuses, fondation d’une société – Les Chercheurs de Vérité – dévouée à la quête de la connaissance traditionnelle et ésotérique, etc.

En 1912, cet « aventurier » s’installe à Moscou où il vend des tapis. Là, il regroupe autour de lui des disciples auxquels il enseigne la « quatrième voie », celle de « l’homme rusé ».

Chassée de Russie par la révolution bolchevique, la petite communauté finira par s’installer en région parisienne.

Gurdjieff y fera prospérer l’Institut pour le développement harmonique de l’homme que certains ont pu comparer à une école pythagoricienne. Dans le cadre de cet institut, il enseignera une technique d’éveil particulièrement ardue par l’intermédiaire de diagrammes et de symboles (dont le fameux ennéagramme), de compositions musicales et de danses sacrées, d’étranges dîners rituels et de discutions publiques.

L’influence de « Monsieur Gurdjieff », ainsi que le nommaient ses disciples, fut énorme de son vivant et n’a pas décliné avec sa mort. Des fondations Gurdjieff existent dans la plupart des capitales des pays occidentaux et beaucoup de ses thèses ont été reprises par les théoriciens du New Age. Réservé à l’origine à des happy few, son enseignement – qui n’est pas celui d’une religion, d’une secte, d’une école philosophique, mais, uniquement, une voie vers le soi – attire maintenant des milliers d’individus en recherche.

Né en 1866, à proximité de la frontière russo-turque, Gurdjieff est décédé le 29 octobre 1949 à l’hôpital américain de Neuilly.

Dans l’Homme et son évolution possible, Ouspensky a émis l’idée que l’enseignement de Gurdjieff venait des « massons russes du XVIII, (à travers eux) il se relie à divers auteurs plus anciens, par exemple, au docteur Robert Fludd. Ecrivant ceci, Piotr Demianovitch Ouspenky place, de manière claire, Gurdjieff dans une filiation occultiste. Cela n’a rien de surprenant quand on sait qu’il était lui-même membre de la Société théosophique et que, avant la révolution bolchevique, l’occultisme était un véritable phénomène de société en Russie.

Si, actuellement, les idées et les « légendes » véhiculées par Gudjieff peuvent nous sembler « originales », il faut bien voir qu’au début du XX siècle elles appartenaient, pour une partie d’entre elles, à la vulgate occultiste.
Quand Gurdjieff parlait d’une fraternité cachée détenant la connaissance, quand il relatait ses voyages initiatiques en Orient et quand il contait sa découverte d’une connaissance disparue dans ces pays, il ne faisait – pour les théosophes, les rosicruciens, les occultistes, etc. – que jouer sur un registre qui leur était parfaitement connu et que leur proposer des idées qu’ils acceptaient parfaitement comme banales bien que merveilleuses. Même les pratiques qu’il proposait sur le contrôle du corps, sur l’attention, n’étaient pas inédites et on pouvait les retrouver dans tout le courant influencé par l’Ordre hermétique de l’aube dorée.

Le comportement étonnant de Gurdjieff avec ses disciples fait écho à des comportements similaires chez Thomas Lake Harris et Aleister Crowley ; ses voyages « mythiques » recoupent ceux d’Helena Petrovna Blavatsky ou de Nicolas Rocrich ; ses techniques de rappel et de contrôle de l’attention se retrouvent chez le mage britannique, déjà cité, Aleister Crowley ; chez celui-ci, comme à la Golden Dawn et comme chez Rudolf Steiner, on retrouve l’importance des mouvements physiques individuels, ou de groupe, ainsi que leur représentation publique dans des théâtres ; des ressemblances troublantes existent encore entre la psychologie de Gurdjieff et des écrits de la théosophe Annie Besant, de l’occultiste américain William Baker et – encore – d’Aleister Crowley, etc.

Terminons ce chapitre en remarquant que les références à une influence gnostique, que nous avons relevées précédemment, peuvent aussi s’intégrer ici et s’expliquer aisément par l’intérêt que le milieu occultiste porta au gnosticisme à la fin du XIX siècle. Il en est de même pour les liens avec le bouddhisme ésotérique ou avec l’islam mystique – dont nous allons traiter par la suite – qui étaient un comportement commun dans cette subculture marquée par la théosophie et par le néo-rosicrucianisme.

Subculture à laquelle James Webb estime que, malgré ses propres séjours en Orient, Gurdjieff était surtout très redevable.

 

MONSIEUR GURDJIEFF - RḖCIT DE BELZEBUTH A SON PETIT-FILS   -        (COMPLET EN 2 VOLUMES)

G. I. Gurdjieff

Edition du Rocher

 1983

Une légende fantastique entoure le nom de Georges Ivanovitch Gurdjieff. De son enfance à Alexandropol, aux confins de la Russie et de la Perse, il retient les récits et poèmes ancestraux que son père, descendant des Grecs Ioniens de Césarée, lui raconte jour après jour. L'archiprêtre de la cathédrale de Kars remarque Gurdjieff et lui permet de recevoir une solide formation religieuse et une éducation scientifique moderne. Profondément marqué par le mélange des cultures (russe, grecque, iranienne, tartare, arménienne) propre à son Caucase natal, une conviction l'habite : une connaissance réelle de l'homme et de la nature a existé, il faut en retrouver la trace. Les " Chercheurs de la Vérité " qu'il réunit - géographes, archéologues, médecins - recueillent les fragments dispersés des enseignements traditionnels.

Les soumettant alors au feu des disciplines intérieures les plus rigoureuses, il parvient à les comprendre, à les appliquer, et à reconstituer enfin l'unité de la connaissance qu'il cherchait. Les Récits de Belzébuth à son petit-fils constituent la première série d'une oeuvre monumentale. A travers ce récit mythique " à l'échelle de l'univers ", forme commune aux grandes traditions, Gurdjieff va au coeur de ses découvertes : la signification de la vie humaine

Dans les Récits de Belzébuth à son Petit-fils, son œuvre maîtresse, Gurdjieff parle du temps et de la lutte contre l’entropie et la dispersion. L’Absolu a créé un macrocosme afin de réduire l’entropie ; sa méthode consiste à faire naître de la conscience à partir des mondes créés dans le temps. Le rappel de soi est sacré, non seulement pour l’homme, mais aussi pour ce Tout qui dépend de cette capacité de l’homme à générer une vie nouvelle.

Ces Récits sont volontairement écrits de manière à en rendre la compréhension difficile. Il faut reconnaître que Gurdjieff y a dissimulé profondément l’essence de son message, le rendant inaccessible à la plupart de ses lecteurs. Rétrospectivement, la valeur des Récits de Belzébuth est discutable. Les plus proches disciples de Gurdjieff les considèrent naturellement comme leur Bible ; mais soixante-dix ans après sa publication, ce livre est loin d’avoir laissé l’empreinte qu’avait prédite son auteur.

Récit, page 646 : « A ce moment, Belzébuth soupira profondément, puis, comme à contrecœur, reprit son récit : - Voici qu’en te racontant cette soirée parmi des êtres tri-cérébraux actuels de là-bas, dans un restaurant de Montmartre, la « sensation étrique sarpitimnienne » que j’éprouvais alors ressuscite involontairement en moi; et les souvenirs que j’ai, en ce moment même, de toute cette expérience s’associent avec tant d’intensité et d’insistance dans les trois parties spiritualisées de ma présence générale qu’ils me contraignent à m’écarter de notre thème, afin de partager avec toi les tristes et pénibles réflexions auxquelles m’amena ma solitude dans cet épouvantable milieu montmartrois, après le départ de mon jeune cicérone persan.

Le fait est que pour la seconde fois de mon existence s’effectua alors en mon être ce processus de « sensation étrique sarpitimnienne », qui avait engendré jadis en ma présence générale un sentiment de révolte devant les affligeants résultats objectifs qui survinrent et surviendront peut-être encore sur la planète Terre, ou même dans Notre Grand Univers, du seul fait de l »‘imprévoyance » de nos Très Hauts et Très Saints Individuums cosmiques.
Et cette fois-ci, mon penser étrique se mit à associer dans l’ordre suivant :

« Comment ont-ils pu ne pas prévoir, dans leurs calculs de mouvement harmonieux des concentrations cosmiques, que la planète Kondour et cette infortunée planète Terre entreraient en collision ?« Si ceux qui auraient dû le faire avaient prévu la chose, aucun des malheurs qui suivirent et qui découlèrent les uns des autres ne seraient arrivés. Et il n’aurait pas été nécessaire d’implanter dans la présence des premiers êtres tri-cérébraux de cette malencontreuse planète le funeste organe kundabuffer, qui fut à l’origine de tant de terribles et affligeants résultats.


« Il est vrai que par la suite, ce funeste organe, ayant cessé d’être nécessaire, fut détruit; mais cette fois non plus ils ne prévirent pas qu’en détruisant l’organe ils ne supprimeraient pas, par là même, la possibilité que les conséquences de ses propriétés ne se cristallisent aisément dans la présence des êtres des générations suivantes, en raison du mode d’existence qui leur est propre.


« En d’autres termes, ils ne prévirent pas, cette fois non plus, que s’il était possible de détruire cet organe, la loi cosmique fondamentale d’Heptaparaparshinokh, avec ses « mdnel-inn » n’en demeurait pas moins la même, quant au processus évolutif, pour les êtres tri-cérébraux de la planète Terre comme pour tout ce qui existe dans l’Univers.


« Et c’est particulièrement à cette seconde imprévoyance, presque criminelle, qu’est due la terrible situation d’où se trouvent les êtres tri-cérébraux d’ici, en ce sens que, d’une part, leur présence générale comporte, comme celle de tous les êtres tri-cérébraux de Notre Grand Univers, toutes les possibilités requises pour le revêtement des « corps étriques supérieurs », et que d’autre part il leur est presque impossible, en raison de la cristallisation, qui leur est devenue innée, des diverses conséquences des propriétés de l’organe kundabuffer, de pousser jusqu’au degré voulu de perfectionnement de ces parties supérieures sacrées qui se revêtent en eux. Or puisque, selon les lois cosmiques fondamentales, des formations telles que les « parties étriques supérieures », qui se revêtent dans la présence des êtres tri-cérébraux ne sont pas sujettes à décomposition sur les planètes, et que par contre le corps planétaire des êtres ne peut exister éternellement et doit inévitablement subir en son temps le processus du raskouârno sacré, les infortunés corps étriques supérieurs des êtres terrestres tri-cérébraux sont réduits à languir éternellement en des revêtements planétaires extérieurs de toutes sortes. »

Ainsi donc, la vie n’est pas donnée aux hommes pour eux-mêmes, mais pour servir des buts cosmiques plus élevés, et c’est pourquoi la Grande Nature veille à ce qu’elle puisse s’écouler sous une forme plus ou moins tolérable, et ne prenne pas fin prématurément. Nous autres hommes, n’engraissons-nous pas nos moutons et nos porcs, ne les soignons-nous pas, ne sommes-nous pas attentifs à leur rendre la vie aussi confortable que possible ? Mais faisons-nous tout cela parce que nous apprécions leur vie pour leur vie même ? Non ! nous faisons tout cela pour les égorger un jour, et en tirer la bonne viande dont nous avons besoin, avec le maximum de graisse. De même, la Nature prend toutes les mesures pour que nous vivions sans être saisis d’horreur, et pour que nous ne nous pendions pas, mais vivions longtemps ; puis, dès qu’elle en a besoin, elle nous égorge ».

 

MONSIEUR GURDJIEFF PARLE  A SES ḖLḔVES 

 Georges Ivanovitch Gurdjieff

Edition   du Rocher

2003

Le nom de Gurdjieff est aujourd'hui reconnu comme celui d'un grand maître spirituel, tel qu'il en apparaît dans l'histoire de l'humanité, à des époques de transition. Voyant la direction que prenait la civilisation moderne, Gurdjieff s'était donné comme tâche d'éveiller ses contemporains à la nécessité d'un développement intérieur qui leur ferait prendre conscience du sens réel de leur présence sur terre. Les notes rassemblées dans cet ouvrage se rapportent à quelques-unes des réunions qui se tenaient chaque soir autour de Gurdjieff, quelles que soient les circonstances.

 

Ces textes ne sont pas une transcription directe. En effet, Gurdjieff ne permettait pas à ses élèves de prendre des notes au cours des réunions. Quelques auditeurs prévoyants, doués d'une mémoire exceptionnelle, s'efforçaient ensuite de reconstituer ce qu'ils avaient entendu.

 

Sans chercher à présenter une synthèse des idées développées par Gurdjieff - comme P. D. Ouspensky l'a tenté avec maîtrise dans Fragments d'un enseignement inconnu - ces notes, si incomplètes soient-elles, ont été reconnues par ceux qui avaient assisté aux réunions comme aussi fidèles que possible à la parole de leur maître. Ces comptes rendus sont précédés de trois autres textes de caractère différent. Lueurs de vérité, datant de 1914, est le récit que fait un élève russe de sa première rencontre avec Gurdjieff, près de Moscou, avant la Révolution. Les deux autres textes, datant respectivement de 1918 et de 1924, sont des conférences données par Gurdjieff.

 

Alors, l’Enseignement de Gurdjieff en quoi consiste-t-il exactement? Toute réponse à cette question apparemment si simple serait trop réductrice. L’écoulement du temps infecte les dogmes comme un poison, et Gurdjieff n’en a jamais publié. « Ce que j’enseigne » a-t-il prononcé de façon énigmatique, « c’est que quand il pleut, les trottoirs sont mouillés ». Le pouvoir vivifiant de ses idées tient compte de la situation de son élève, son type humain, son état d’âme, les circonstances de sa vie actuelle.

 

Sa seule exigence continuelle, c’est connais- toi toi-même, à quoi il ajoute une métaphysique, une métapsychologie et une métachimie qui résistent absolument à tout effort de catégorisation ; une typologie humaine, une phénoménologie de la connaissance et une échelle quasi-mathématique unissant le macrocosme au microcosme. Cette structure complexe est illuminée par une idée maîtresse: que l’Homme est appelé à lutter pour se perfectionner, au service de notre Univers vivant et sacré.

 

Peut-on entendre ici l’écho des idées de Pythagore, de Platon, du Christ ou de Milarepa? Peut-on voir certaines ressemblances avec des penseurs modernes tels que Mendeleïev, Sheldon, Vernadsky, Watson? On se perd facilement et oublie sa recherche spirituelle dans ce labyrinthe de comparaisons, et dans la phylogénie des idées. Gurdjieff, lui-même, ne se contentait pas de paroles; ses Mouvements et danses sacrées symbolisaient les lois universelles et, en même temps, offraient les conditions à la recherche individuelle. Lorsque, vers 60 ans, il s’est mis à écrire, c’était une œuvre à lire comme une incitation à la recherche plutôt qu’un exposé dogmatique, sous une forme tout à fait inattendue: d’abord un genre original d’épopée cosmologique, puis une autobiographie également originale.

 

MONSIEUR GURDJIEFF   -  RENCONTRE AVE DES HOMMES REMARQUABLES

Georges Ivanovitch Gurdjieff

Edition  du Rocher

2010

La vie énigmatique d'un des plus importants personnages du XXe siècle livre-t-elle ici son secret ? En partie, sans doute. Les premiers chapitres évoquent l'enfance de Gurdjieff au pied du Caucase, son père, ses premiers maîtres, ses années d'études et de formation. Les chapitres suivants, ses grands voyages aux pays de la connaissance perdue, en Asie centrale notamment. Dans son premier livre, Gurdjieff nous avait invités à chercher, au fond de nous-mêmes, la grande aventure.

 

Dans ce deuxième livre, elle semble se trouver au bout de la route, au bout des mers et des déserts. A mieux lire, on s'aperçoit vite qu'il s'agit toujours de la même aventure. Gurdjieff reste Gurdjieff. Simplement, il change de registre. Après le rébus mythologique de Belzébuth, il en vient à des récits transparents, à l'anecdote familière. Mais pour qui veut lire avec l'attention requise, il reste celui pour qui la vie humaine n'a aucun sens hors de la quête de la conscience.

 

Peter Brook a mis en scène ces "Rencontres avec des homme remarquables". Fallait-il le dire: Gurdjieff est au carrefour de bien des existences. Comme si la sagesse accumulée ne pouvait se distiller qu'au hasard de rencontres, à la faveur d'un simple échange sans importance. Que serait la philosophie de cet homme qui semble avoir marqué tant de contemporains, et qui pourtant reste méconnu, classé parmi les ésotériques? Justement sans doute est-ce le secret: voici un être dont la philosophie se conjugue au rythme de sa curiosité. Attacher de l'importance à ce qui guide nos pas, sans se laisser détourner par les contraintes du monde, chercher au plus profond de soi, la force et les moyens de cette quête inépuisable: quête de notre humanité, de notre "humanitude".

 

D'entrée le décor est planté: "Seul peut être appelé remarquable l'homme qui se distingue de son entourage par les ressources de son esprit et qui sait contenir les manifestations qui viennent de sa nature, tout en se montrant juste et indulgent envers les faiblesses des autres". Ne sont donc pas remarquables les êtres portés au sommet de la société, mais ceux qui, dans l'ombre, travaillent à l'approfondissement de l'esprit humain, parfois dans la solitude la plus extrême, et sous les quolibets de la société médiatique.

 

Les rencontres s'égrènent donc, toutes aussi fascinantes; on traverse sur les pas de Gurdjieff, les déserts de l'Asie centrale, on rencontre des califes incroyables, des moines de la plus grande sagesse, perdus au fond de vallées interdites. Sa quête le mène aux carrefours de toutes les religions, de toutes les croyances, de toutes les philosophies. Le jeune homme qu'il est alors, s'en imprègne, boit à la bouche des sages la nourriture qui peu à peu le transforme lui-même en cet homme remarquable, lui-même au carrefour de multiples rencontres avec des hommes et des femmes qui le rejoignent, puis le quittent, pour mieux revenir encore. Ainsi en est-il de ses "Chercheurs de vérité", sorte de secte hétéroclite aux contours mal définis, à la philosophie indéfinie.

 

Il est bon de revenir à la définition, à la lettre, de ne pas se laisser détourner du sens par l'utilisation abusive des médias contemporains. Au sens de leur quête philosophique, les "Chercheurs de vérité" de Gurdjieff sont une secte, un groupe d'hommes et de femmes qui cherchent ensemble à renouveler leur lien avec la pensée humaine en se nourrissant des mystiques et des croyances les plus lointaines, quitte à se trouver hors du champ de la modernité.Gurdjieff voyage donc, et, de rencontre en rencontre, construit une philosophie de l'existence capable de le mener aux confins de la connaissance, à la source de toute religion. Il mène des recherches archéologiques dans les déserts d'Asie centrale, argumente avec des moines soufis, rencontre des théologiens des églises arméniennes. Chaque rencontre le mène un peu plus loin dans sa soif de savoir, aiguise davantage sa curiosité.

 

Puis vint Ekim Bey. Gurdjieff a alors expérimenté le Hatha Yoga, suivi des régimes alimentaires purificateurs divers et variés, a construit son équilibre corporel sur diverses croyances, pliant son corps aux aléas de sa pensée. Ekim Bey vient remettre en cause tout cet équilibre. Renversement mais éclairant au demeurant. Et tout à coup on comprend que Moshé Feldenkrais ait lu ce livre, qu'il ait trôné en bonne place dans sa bibliothèque. Car Ekim Bey invite Gurdjieff à une profonde réflexion sur la nature du lien du corps et de l'esprit. Il l'invite à plonger dans les profondeurs de son corps pour mieux se connaître et découvrir l'équilibre propre de son organisme. "Pour maintenir un juste équilibre", dit-il, "il vous faut avoir une entière connaissance de votre organisme". Gurdjieff, bien sûr, se jette immédiatement dans la conversation, cherche à approfondir la pensée d’Ekim Bey. Celui-ci la précise: "C'est seulement si vous connaissez chaque petite vis, chaque petit rouage de votre machine, que vous pouvez savoir ce que vous devez faire". Une clé est livrée. Reste à s'en saisir, et à explorer, à comprendre, sans pénétrer dans une élaboration intellectuelle de l'être mais pour entrer dans son intimité, en découvrir l'essence, saisir le fil conducteur de chaque existence particulière, au-delà de toute représentation dogmatique de l'être somatique.

 

Peu à peu s'avance l'idée. L'idée qui grandit au fil de l'existence, et de l'expérience. Que suis-je aujourd'hui sinon la somme de ce que je fus, le résultat de ma propre histoire. Gurdjieff peu à peu, au fil de son errance vient s'installer en France où il reçoit du monde, se taille une réputation d'homme de sagesse, se voit aussi au nom du glissement sémantique de la notion de secte accusé. Rien n'y fait, il poursuit sa route, en butte aux difficultés d'argent, mais son expérience lui a appris à se sortir des mauvais pas. Chaque expérience le fait avancer vers un plus grand savoir. Il enseigne. Parmi ses élèves on compte Katherine Mansfield, René Daumal, Louis Jouvet, et le treizième Dalaï-lama. Il organise des spectacles dans lesquels le public ne regarde que le spectacle quand Gurdjieff y met toute une philosophie. Il compose la musique de ses ballets... Tout contribue à cette ouverture vers la connaissance, une connaissance venue des profondeurs.

 

Car il ne s'agit pas seulement d'accumuler du savoir, il s'agit de comprendre. Car "seule la compréhension peut mener à l'être. Le savoir, par lui-même, n'a qu'une présence passagère: un nouveau savoir chasse l'ancien, et en fin de compte, ce n'est que du néant versé dans du vide." Ne pas se contenter du savoir, aller vers la compréhension des choses, et en particulier passer par la compréhension de soi, pour acquérir une certaine compréhension des choses. On comprend qu'une telle philosophie ait pu choquer ses contemporains, on comprend aussi l'influence qu'il a pu avoir sur un certain nombre d'entre eux, dont la quête pouvait rejoindre les préoccupations de Gurdjieff. "La compréhension résulte de l'ensemble des informations intentionnellement acquises et des expériences personnelles. Tandis que le savoir n'est que de la mémoire automatisée d'une somme de mots appris dans une certaine suite". Il ne s'agit donc pas de fuir le savoir, mais de le relativiser, de le soumettre à l'expérience vécue pour mieux en tirer la compréhension.

 

Gurdjieff meurt en 1949, dans une indifférence quasi générale, sauf le discours de l'architecte Franck Lloyd Wright qui déclare: "Kipling a dit une fois que ces jumeaux - il entendait l'Orient et l'Occident- ne pourraient jamais s'entendre. Mais dans la vie de Gurdjieff, dans son œuvre et dans sa parole, il y a une philosophie, sortie des profondeurs de la sagesse de l'Asie, et il y a quelque chose que l'Homme d'Occident peut comprendre. Et dans l'œuvre de cet homme et dans sa pensée - dans ce qu'il a fait et dans la manière dont il l'a fait - l'Occident rencontre vraiment l'Orient." Ainsi disparaît celui dont la philosophie pourrait se résumer par cet aphorisme: "vivre, c'est concilier l'utile pour les autres et l'agréable pour soi-même".

 

Plus tard, bien plus tard vint Peter Brook qui mit en scène ses "Rencontres avec des hommes remarquables", mais le silence et le mystère demeurent épais autour d'un homme qui marquât mystérieusement son époque, et influençât bien des pensées, au-delà de ses propres élèves.

 

MONSIEUR GURDJIEFF - notre vie avec monsieur gurdjieff

O. & T. de hartmann

Edition  du Rocher

 2004

Le grand maître spirituel George Ivanovitch Gurdjieff encouragea le développement de la pensée consciente volontaire et s’opposa à toute adulation aveugle chez ses adeptes.

 

C’est en 1917, lors de l’éclatement de la révolution en Russie, que Thomas de Hartmann, le compositeur russe, et son épouse Olga se joignirent à Gurdjieff à Saint-Pétersbourg et l’accompagnèrent, à titre d’élèves et de confidents, jusqu’en 1929, soit tout au long de la croissance de l’institut fondé par Gurdjieff.


Le présent ouvrage renferme le compte rendu intime et révélateur d’une expérience épique que vécurent les Hartmann, qui les mena jusqu’aux Etats-Unis. Ce récit fascinant évoque non seulement le travail de Gurdjieff, mais plonge le lecteur dans les bouleversements de la guerre civile russe, en des temps marqués par de profonds changements sociaux.


Cette édition définitive a été substantiellement enrichie. Ce remarquable exposé, qui relate les premières années de l’enseignement de Gurdjieff, se révèle essentiel pour tous ceux qui s’intéressent à ce travail et qui cherchent à comprendre l’approche de ce maître avec ses élèves, une approche tout aussi unique que révolutionnaire.

 

Un voyage passionnant pour comprendre la psychologie et la vie de Gurdjieff.

 

MONSIEUR GURDJIEFF

Seymour B. Ginsburg

Edition Almora

 2019

L'influence de Gurdjieff (1866-1949) a été très importante pour de nombreux artistes, écrivains ou philosophes du XXe siècle comme Peter Brook, Kate Bush, Keith Jarrett, Timothy Leary, Louis Pauwels, Alan Watts, Frank Lloyd Wright, René Daumal, Arnaud Desjardins... et son œuvre continue d'être une référence pour la spiritualité contemporaine. Le Travail, le nom par lequel cet enseignement est le plus usuellement connu, tire son appellation de l'alchimie, ou le Grand Œuvre signifie le raffinage et la purification des métaux de base en or aussi bien que la transmutation de l'âme en un état spirituel plus élevé. Les enseignements de Gurdjieff ont semblablement pour but la transformation de la substance intérieure de l'homme. à travers des connaissances cosmologiques, métaphysiques et psychologiques, à travers le travail manuel, la vie en communauté, la musique et les danses sacrées, Gurdjieff propose une méthode spirituelle pour harmoniser le microcosme de l'être humain au macrocosme de l'univers et ainsi réunifier l'homme avec l'Infini.

Presque un siècle après l’ouverture, en 1922, à Fontainebleau, de son institut dédié au Travail l’influence de George Ivanovitch Gurdjieff (1866-1949) demeure et c’est heureux. Si son influence sur de nombreux artistes, scientifiques et auteurs est connue de Kate Bush à René Daumal en passant par Timothy Leary, c’est surtout auprès des nombreux anonymes qui se sont engagés dans une pratique régulière qu’elle s’est fait sentir. L’auteur de cet ouvrage, Seymour B. Ginsburg, qui a collaboré avec Nicolas Tereshchenko, proche de Jeanne de Salzmann, fut le co-fondateur de l’Institut Gurdjieff de Floride. Il est un témoin de ce mouvement et de ce rayonnement discret.

 

Nicholas Goodrick-Clarke, chercheur renommé, Directeur du Centre pour l’ésotérisme occidental de l’Université du Pays de Galles, précise l’intérêt de ce livre dans un avant-propos :

« Ce livre est un condensé remarquable des enseignements de Gurdjieff dans une conscience plus vaste de l’ésotérisme occidental. Suivant les propres techniques de Gurdjieff, le livre est d’abord et avant tout un guide pratique, commençant par la proposition fondamentale que les humains doivent s’éveiller à la conscience de soi, à la réalisation que derrière « notre personnalité », influencée par un grand nombre de circonstances, repose notre « essence », qui est identique avec la réalité universelle. L’enseignement n’est ainsi pas concerné par la réalisation de quelque chose qui manque, mais plutôt par la découverte, la prise de conscience de notre identité réelle. »

 

Pour Seymour B. Ginsburg, comme pour Nicolas Tereshchenko, le Travail s’organise autour de trois éléments principaux : « 1) travailler avec un groupe engagé dans des pratiques pour étendre la conscience, 2) une méditation régulière et 3) l’étude du texte principal de Gurdjieff, les Récits de Belzébuth à son petit-fils ».

 

L’ouvrage propose six parties, six leçons. La première leçon est intitulée « Qui suis-je ? ». Après une rapide notice historique sur Gurdjieff, elle présente la Quatrième voie de Gurdjieff, telle que Seymour B. Ginsburg et Nicolas Tereshchenko l’ont appréhendée. La deuxième leçon aborde « l’expansion de la conscience ». Sont décrits les quatre états de la conscience humaine et la nécessité de l’attention. La troisième partie traite de la transmutation de l’énergie. Il est question de la loi des trois forces, de la loi d’octave et de l’ennéagramme, si mal compris dans notre monde consumériste. La quatrième leçon poursuit la question de l’énergie et cette fois de sa conservation par la prise de conscience des multiples « fuites » d’énergie entre mensonge, soliloque stérile, identification, paroles inutiles, etc. La cinquième leçon insiste sur la méditation et la sixième leçon évoque le travail en groupe notamment les fameuses danses de Gurdjieff. Chaque partie propose des exercices et les appendices sont riches. Nous trouverons notamment l’étude des rêves selon Gurdjieff, des exercices psychologiques et des lectures des Récits de Belzébuth à son petit-fils.

 

Avant de conclure, Seymour B. Ginsburg dit quelques mots sur l’amour : « On n’insistera jamais assez sur l’opinion de Gurdjieff que l’amour authentique est une impulsion d’être sacrée. Une distinction doit être faite entre l’amour authentique et ce qui passe pour de l’amour dans notre société, et qui est basé sur la polarité ou le type. C’est seulement quand nous sommes complètement libres de toutes les peurs et de tous les désirs, et que notre moi personnel est intégré dans une unité d’être consumant tout, que nous faisons l’expérience de l’impulsion d’être sacrée de l’amour authentique. Dans cet état-là, nous savons que nous sommes l’infini, comme toutes les autres choses, et notre amour de ce fait s’étend à tout le monde et à toutes les choses parce qu’elles sont toutes nous. »

 

MON TESTAMENT – LE FEU DE L’ALLIANCE

André CHOURAQUI

Edition  BAYARD

 2001

Homme de 3 cultures, il a traduit avec succès  la  bible, le coran et le nouveau testament. Son œuvre est un chant d’amour qui veut célébrer la paix au seuil de ce millénaire. Dans cet ouvrage, il nous livre la synthèse d’une vie d’étude, de méditation et de réflexion.

 

Le livre-testament de Chouraqui synthétise, selon les paroles mêmes de l’écrivain, sa “pensée à partir des étapes principales de sa vie”. Ayant assimilé mieux que personne les paroles et les actes des prophètes au côté desquels il a cheminé durant sa vie déjà longue, il est devenu en quelque sorte l’un d’entre eux et, à sa manière, après avoir découvert la réalité de chaque psaume de la bible, de chaque verset des évangiles, de chaque sourate du coran, il tient à nous dire une dernière fois que “les enseignements qui nous sont révélés dans les Ecrits sont plus que jamais d’actualité”  Dans un premier temps, Chouraqui retrace le “périple” d’Israël depuis le moment où Dieu choisit Abraham pour aller en terre promise jusqu’à la conquête de Jérusalem par Pompée et les Romains qui marque la fin de son indépendance.

 

La révolte des Hébreux contre les envahisseurs qui occasionna le massacre, selon Tacite, de cinq cent cinquante mille d’entre eux, d’un million selon Flavius Josèphe, et d’un million et demi selon les sources hébraïques, marqua le début de la diaspora. Un autre plus terrible encore provoqua, sans qu’ils y fussent véritablement préparés, le retour des hébreux en Israël.

Ce retour fut suivi du conflit arabo-israélien que l’auteur juge “paradoxal” vu les trois millénaires de cohabitation pacifique entre les Arabes et les Juifs et la fécondité des relations entre ces peuples sémites. C’est, selon Chouraqui, le XVIème siècle qui vit la décadence des peuples musulmans et la ruine du monde juif établi en terre d’Islam. “Les Arabes se heurtent aux méfaits du colonialisme à l’heure même où les Juifs doivent à peu près partout faire front devant le déchaînement de l’antisémitisme. Je crois qu’en quelques lignes, après avoir montré la renaissance du monde juif et du monde arabe avec la Révolution française, la coïncidence de la Nahda arabe et de la Haskalah juive, le parallèle à établir entre le sionisme qui “tend à utiliser sur le plan politique les forces spirituelles du judaïsme” et l’arabisme “celles de l’Islam”, l’écrivain dépeint parfaitement les origines du conflit actuel dues, non pas à l’arrivée des premiers sionistes en Palestine où ils furent bien accueillis en général par la population arabe, se heurtant bien sûr aux janissaires autant que les autochtones, mais en grande partie à l’attitude du gouvernement britannique qui joua sur deux tableaux en préconisant d’une part l’installation d’un foyer juif en Palestine et d’autre part en envoyant le lieutenant Lawrence à la rencontre des chefs de tribus arabes pour leur demander de lutter à ses côtés contre les Turcs Ottomans. 

 

Cette impossibilité de respecter les commandements quels qu’ils soient a été bien évidemment exacerbée par l’émergence des fondamentalismes qui ont interprété les Livres d’une manière scandaleuse. “Ils n’ont pas hésité à mobiliser leur Dieu, juif, chrétien, musulman ou autre, à la rescousse de leurs intérêts et de leur haine.” L’auteur, dans son souci légitime de montrer que les commandements sont aussi valables aujourd’hui qu’hier trouve des exemples contemporains pour illustrer sa thèse. Sans vouloir les citer tous mais en constatant que tous sont valables aujourd’hui (Tu ne tueras point, Glorifie ton père et ta mère, Tu ne voleras pas, Tu aimeras ton prochain comme toi-même...) je choisis les tragiques conséquences de ce non-respect des commandements vis-à-vis de la Terre nourricière si indispensable à l’homme qu’il doit lui laisser le temps de respirer, de se reposer comme il devrait se reposer lui-même:

 

Les commandements qui ont constitué une alliance entre Dieu et l’humanité  seraient, selon Chouraqui, en forme de pyramide, le bas de la pyramide étant l’alliance entre Dieu et Adam et Eve, le haut “l’ultime Alliance, l’Alliance messianique qui couronnera cet édifice par le salut de l’humanité entière”. Dans ce bel édifice, je retrouve les tenants des trois religions révélées et je ne peux bien sûr que souhaiter cette symbiose des temps messianiques en espérant même que nous n’aurons pas besoin d’attendre jusque-là pour qu’elle se réalise. Cependant je pose la question: est-il possible de parler de l’humanité entière quand sont occultés non seulement les adeptes des autres religions du monde, hindouistes, bouddhistes, mazdéistes, animistes... mais tous les athées, les agnostiques...qui représentent plusieurs milliards d’individus? 

 

 Ces questions existentielles et devrais-je dire “super existentielles” appellent quelques réponses car je suis bien sûre que l’écrivain n’attend pas de moi (qu’il lira ou ne lira pas) une apologie inconditionnelle. Si André Chouraqui a sans doute inventé le mot “matriciel comme attribut fondamental du Dieu créateur” (celui des trois religions révélées), le concept remonte à ce qu’il est convenu d’appeler “la plus haute antiquité” païenne qui exista parallèlement à la première religion révélée.  Je citerai pour illustrer mon propos deux exemples de l’attribution par Zeus à lui-même des caractéristiques matricielles de la gestation féminine: celui de la naissance d’Athéna et celui de la naissance de Dyonisius.

 

MORT, RÉGRESSION ET RENAISSANCE selon la psychologie jungienne

Marie-Louise Von Franz – Barbara Hannah - Alfred Ribi - Gotthilf Isler - Hansueli F. Etter

Edition Entrelacs

 2014 

En partant de la vision jungienne de l’au-delà, avec quatre autres auteurs qui abordent ces questions, et en chef de file de la réflexion sur ce thème, Marie-Louise Von Franz propose quelques considérations de nature à la fois théorique et pratique sur le processus du vieillissement, le grand âge et la préparation à la mort.

Barbara Hannah, sa collègue et amie, se penche ensuite sur le cas d’un homme qui, ayant perdu sa foi en abordant le versant déclinant de sa vie, se voit confronté à l’impérieuse nécessité de se forger une attitude nouvelle, de nouveaux concepts, de nouvelles théories, c'est-à-dire presque tout revoir par rapport à la vie et à son image de Dieu.

Dans l‘essai suivant, Alfred Ribi nous offre tout un florilège de songes et visions sur le thème et développe l’idée selon laquelle le processus de la mort est autant pour chacun de nous que pour toute l’espèce humaine, une tâche à accomplir afin de se persuader que quelque chose existe après la mort, ce qui débouchera sur le fait de naître à une autre vie.

A la lumière des légendes populaires collectées en Suisse, Gotthilf Isler nous apporte les témoignages de sagesse du peuple, hommes et femmes, au sujet de la mort et de l’éternité telles qu’elles transparaissent à travers d’impressionnants événements synchronistiques, avec en toile de fond les théories jungiennes.

Reprenant la parole, Barbara Hannah nous initie à la confection du corps de diamant selon l’alchimie et l’hermétisme chinois ou, en termes occidentaux, à la distillation du lapis, la pierre philosophale, couronnement de la vie terrestre et entrée dans l’immortalité avec son corps de gloire.

Pour finir, nous suivons, sous l’égide de Hansueli F. Etter, la légendaire vie et mort de saint Meinrad, l’ermite d’Einsiedein en Suisse, qui illustre l’intégration de l’ombre personnelle, la rencontre avec l’image de Dieu et l’acceptation du côté sombre de la divinité en la personne de la Sainte Vierge. L’auteur met du même coup en perspective les images archétypiques et leur lent développement à travers les siècles.

Au sommaire de cet ouvrage magnifique :

Marie-Louise Von Franz : le grand âge et la mort, leur signification pour la thérapie analytique des personnes âgées, selon la conception de C.G. Jung

Barbara Hannah : Régression ou renouvellement dans la vieillesse. Morceau choisi de Jung à ce sujet, tiré du Rosaire des Philosophes au congrès de Zurich en 1941.

Alfred Rabi : La vie après la mort selon la psychologie jungienne. L’inconscient collectif et les couches inconscientes de la Psyché.

Gotthilf Isler : Le grand passage. L’individuation. La brutalité et l’arbitraire de la mort peut conduire au doute d’un Dieu miséricordieux.

Barbara Hannah : De l’au-delà. Les divers cotés sombre et clair, noir et blanc que l’on trouve dans diverses traditions et civilisations.

Hansueli F. Etter : L’ermite Meinrad de la forêt sombre, sa vie, son image de Dieu, sa décapitation, sa biographie, sa légende et son interprétation.

10 N

nature humaine & nature divine

O.M. aïvanhov

Edition PROSUETA

 2000

Combien de fois pour justifier certaines faiblesses on entend dire : « C’est humain » ! Et en réalité, si l’on y réfléchit bien, «c’est humain» signifie tout simplement : c’est animal. Alors, comment peut-on définir la nature humaine ?
L’homme est cet être ambigu que l’évolution a placé aux frontières du monde animal et du monde divin. Sa nature est donc double, et c’est de cette ambivalence qu’il importe de prendre conscience pour la surmonter.

 

S’il est dit dans les textes sacrés : «Vous êtes des dieux», c’est bien pour rappeler à l’homme la présence enfouie en lui d’une essence supérieure qu’il doit apprendre à manifester.

 

C’est là le véritable sens de notre destinée, nous dit le Maître Omraam Mikhaël Aïvanhov , et c’est pourquoi il revient inlassablement sur cette question, en nous donnant les moyens de faire apparaître ces dieux que nous sommes et que nous ne connaissons pas encore.

 

NATURE VIVANTE ET ÂME PACIFIÉE

Mohammed Taleb

Edition Arma Artis

 2014

Relativement récente, l’écopsychologie – qui affirme l’existence d’un continuum entre la vie intérieure et la Nature vivante, entre les paysages de l’âme et notre environnement – repose sur des prémisses pourtant anciennes, qui, parfois, plongent dans l’Antiquité. Les notions d’anima mundi, de microcosmos, d’unus mundus imaginalis, de homo universalis, sont les piliers du lexique de l’écopsychologie, ses maîtres-mots.

Ils disent l’inclusion mutuelle de l’âme et de la Nature. La vie de l’âme n’est pas limitée à la sphère de l’intime, mais se déploie jusqu’aux confins de l’univers ; par l’imagination vraie (l’imaginatio vera Paracelse) et la symbolisation, la psyché est capable de se dilater, et l’âme de retrouver les chemins de l’Âme du Monde, qu’en Islam on appelle nafs al-kulliyya, l’Âme universelle ou totale.

De même, la vie de la nature n’est pas enclose dans la matérialité du minéral, du végétal et de l’animal, à travers ces écosymboles que sont les quatre éléments (Terre, eau, feu, air), la Nature se révèle présence intérieure à l’âme. L’anthropologie, en vérité, est d’abord une cosmo-anthropologie, car l’Univers, subtilement est en nous.

Les 49 portraits qui jalonnent cet ouvrage, et qui ne sont que des esquisses, des lignes fugitives, sont des portes d’entrée dans le domaine des écovisions, des cosmovisions et de l’écologie spirituelle. Enracinés dans des contextes culturels, civilisationnels, et religieux très divers – de la Grèce de Plotin à l’Allemagne de Novalis, de l’Andalousie musulmane d’Ibn Arabi à l’Irlande de William Butler Yeats, de l’Inde de Rabindranath Tagore à la Russie de Nicolas Berdiaev -, ces 49 portraits illustrent la permanence d’une psychologie de l’Âme du monde et d’une écologie sacrée.

En ces temps de crise, ces disciplines, à la fois spirituelles, philosophiques ou chevaleresques, sont un désaveu cinglant de la modernité capitaliste, de la profanation de l’environnement qu’elle propage, avec son lot d’injustices sociales, de domination des peuples. L’écopsychologie est une exhortation pour en finir avec le désenchantement capitaliste de la Nature, et à entrer dans les lueurs vivifiantes de l’Aube, de « l’Aurore naissante » comme dit Jacob Boehme.

Le coran, dans une sourate, appelle les humains à chercher la protection du Seigneur de l’Aurore naissante, par-delà les formes et la singularité des langages, le défi est là : dans la perspective d’un dialogue des civilisations, il nous faut réactiver la portée cosmique de nos cultures.

Ce livre donne la parole à 49 personnalités ou personnages spirituels qui, à leur façon ont marqués et expliqués le rapport de l’être et de son âme avec la Nature

Au sommaire de cet ouvrage :

Philosophia gréco-orientale : Pythagore et les mathématiques sacrées - Plotin, le chantre de l’Un - Porphyre, la raison philosophique et les Oracles - Jamblique, maître égyptien en théurgie - Proclus, architecte du cosmos vivant -

La voie héroïque et cosmique de l’Islam : Le Coran, ou la voie de la chevalerie - Le prophète Mohammed, l’éthique d’un héros de Dieu - Ibn Abdullah Ibn Sina, maître de la falsafa - Moheyddin Ibn Arabi ou l’unité de l’existence - Abu Hamid al Ghazali, artisan d’une écologie musulmane - Abd al-Raman Djami ou la poésie divinement inspirée - Al’Arabi Ad-Darqawi, du cosmos et de l’âme - L’émir Abd el-Kader, rebelle et mystique -

Alchimie et christianisme cosmique : Jean Scot Erigène et l’invention de l’unus mundus - Saint François d’Assise en dialogue avec le soleil et la lune - Hadewijch d’Anvers et la chevalerie célestielle - Maître Eckhart et la passion de la déité - Michael Maier et l’alchimie mythologique - Paracelse ou l’intransigeance alchimique - Robert Fludd, le résistant de l’âme du monde - Jacob Boehme, le théosophe cordonnier - Serge Boulgakov ou le panenthéisme orthodoxe - Nicolas Berdiaev, un métaphysicien russe contre l’objectivation - Olivier Clément, un hermétiste au pays de l’orthodoxie -

Le feu de l’insurrection romantique : Johann Wolfgang Goethe et la plante archétypale - Novalis, l’Orient, l’âme et la Nature - Caroline Von Gunderode, la beauté jusque dans la mort - Franz Von Baader, ésotérisme, sophia et révolution - Henry David Thoreau, l’ermite de Walden et le révolutionnaire - Lady Grégory, la lady du Celtic Revival - William Butler Yeats, théosophe et anti-impérialiste celte - Romand Rolland et le sentiment océanique - Khalil Gibran, un poète arabe sur les chemins de l’âme -

Orients, de l’Inde au Japon : Rabindranath Tagore, un indien au service de l’âme universelle - Moreiheio Ueshiba ou l’Aïkido comme voie cosmique - Toshihiko Izutsu, ou le défi de la rencontre du Zen et de l’Islam -

Science et Psychologie des profondeurs : Carl Gustav Jung et la psychologie des profondeurs - Carl Gustav Carus, le romantisme de la psyché et de la nature - Alfred North Whitehead, maître du procès et de la poussée créatrice - James Hillman et la psychologie archétypale - David Bohm, une science de l’unité du monde -

Contreculture, pensée écologique et sagesse contemporaine : Louis Cattiaux et son message retrouvé - Théodore Roszak, visionnaire de la contreculture - Paul Shepard, chantre de l’écologie radicale - Bernard Gorceix et la vision de l’âme comme un « tout » - Pierre Hadot, ou la philosophie comme exercice spirituel - Georges Gusdorf, romantisme et prise de terre - Gilbert Durant et la ration hermetica - Emmanuel d’Hooghvorst, disciple d’Homère -

 

nicolas de cues

Maurice de gandillac

Edition ELLIPSE

 2001

Né en 1401 à Cues entre Coblence et Trèves d’une famille de vignerons, Nicolas étudie à Padoue les mathématiques et le droit. Canoniste renommé, il affirme en 1433 dans sa Concordance catholique, que, les hommes naissant libres et égaux, tout pouvoir légitime repose sur l’élection (ainsi le pape « patriarche d’Occident », n’a pleine autorité que dans le monde latin et avec l’aval d’un collège de cardinaux, représentants des fidèles).

 

Sa Docte Ignorance (1440) s’inspire de la « voie négative » des mystiques mais use des paradoxes de l’infini (« coïncidence des opposés ») pour proposer une méthode d’ « approximation » où se manifeste la puissance inventive et constructive de l’entendement à partir de l’observation et de la mesure précise de tous les phénomènes.

 

Décrivant, avant Giordano BRUNO, un monde infini, qui n’a ni centre ni circonférence, Nicolas suggère une vision hardie de l’Incarnation et de la Trinité. Convaincu que les hommes, usant de mots et d’images variés, en divers temps et lieux, pensent et croient les mêmes vérités, l’année même où les Turcs s’emparent de Constantinople, il suggère, dans l’esprit de Raymond Lulle, une conférence internationale pour établir ce qu’il nomme la « Paix de la foi ».

 

Auteur de traités et de dialogues d’un ton libre, où l’homme simple (idiota) fait la leçon aux doctes professionnels, ce cardinal, mort en 1461, édité d’abord par le français Lefèvre d’Étaples, longtemps oublié ou négligé, est considéré aujourd’hui en Allemagne comme le précurseur de Leibniz, de Lessing, voire de Kant et de Hegel.

 

NIETZCHE  -  GUIDE DES CITATIONS

OLIVIER    MEYER

Edition PARDES

 2005

Ce livre n’est pas un simple livre des citations de Nietzsche. Conformément à l’esprit nietzschéen, ce livre se veut un manuel de savoir-vivre surhumain, d’authentiques tables des lois du Surhomme « Celui qui écrit en maximes avec du sang ne veut pas être lu, mais appris par cœur », peut-on lire dans Ainsi parlait Zarathoustra. Nietzche, toute sa vie durant, s’est efforcé d’écrire en aphorismes, à traduire au plus près dans le style la fulgurance de sa pensée.

Son ambition de bon européen, comme il aimait à se définir, est prométhéenne. La foudre qu’il a dérobé à l’intelligence s’appelle le Surhomme. Elle est une invitation à travailler sur l’argile humaine. La lutte pour la transmutation des valeurs à laquelle Nietzche a sacrifié sa vie, n’est pas terminée. Son double, Zarathoustra, le confesse à plus d’une reprise : il meurt en annonciateur, tout reste à faire…en attendant « quelqu’un qui inscrira ma volonté sur mes tables, pour l’accomplissement total de toutes choses ».

Ce guide des citations nourrit cette ambition. Car il est temps, Dieu est mort, mais son cadavre- le nihilisme- nous empoisonne encore. Le remède ? Nietzche nous a montré la voie, celle de Dionysos, la joie de la destruction dans le jeu divin de la création.  «  Je suis de la dynamite », le philosophe au marteau explose les préjugés – au premier rang desquels, il place la morale – pour  mieux créer les conditions de la venue du Surhomme. Vous êtes prévenus, alors bonne lecture  et attention à la déflagration…


Né à Röcken en Saxe prussienne en 1844, fils et petit-fils de pasteurs, Nietzche a refusé toute sa vie le confort des mensonges pour leur préférer la vérité. Sa réponse à une lettre de sa sœur Elizabeth, qui louait les vertus de la croyance, met en lumière ce fil d’Ariane :

 

Si tu veux le repos de l’âme et le bonheur, crois ; Si tu veux être un disciple de la  vérité, alors  cherche.

 

Nietzche a sacrifié sa vie, les honneurs, pour la vérité. Elève surdoué, professeur de philologie classique à l’université dès l’âge de 24 ans, ami de Wagner, il avait tout pour réussir dans la vie, et mener une vie bourgeoise sans soucis où tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais Nietzche, en bon Européen à l’image de ses ancêtres germains, n’est pas de la race des moutons, mais bien des bêtes de proie, rebelle à tous les conformismes, faisant la guerre à tous les préjugés au nom de la vérité. Armé d’une intelligence supérieure, il s’attaque d’abord aux classiques, au premier rang desquels il place Socrate, qu’il juge décadent et source de toutes les décadences en tant que penseur abstrait dialecticien. Il renouvelle la vision de l’antiquité grecque en mettant en relief  l’importance de la tragédie et son esprit incarné par les archétypes Dionysos et Apollon. Influencé par Schopenhauer, la naissance de la tragédie perçoit le monde comme un phénomène esthétique et la tragédie comme l’art de la consolation métaphysique par excellence.

 

Il trouva un temps cet art en Wagner, avec qui il se lie d’amitié. Là encore, il aurait pu se contenter de vivre dans l’ombre du Maître et  ses  grand- messes de Bayreuth. Mais c’est  mal récompenser un maître que de rester éternellement un élève. Nietzche, dont l’audience des cours à l’université faiblit à cause de ses théories iconoclastes, rompt avec Wagner et son romantisme, en adoptant un tournant d’esprit libre, voltairien et critique. Son style se précise, il se fait fulgurant, cherche la concision et la clarté sous la forme d’aphorismes, fidèle en cela aux moralistes français qu’il admire, tels que La Rochefoucauld et Chamfort.

 

Son œuvre est d’abord celle d’un psychologue discernant le vrai du faux dans de nombreux sujets de société, mais toujours animée par un souci de grandeur. La grandeur contrepoison de la décadence et du nihilisme est une idée-force qui sous-tend toute son œuvre, que traduit bien une question qu’il se posa souvent depuis son plus  jeune  âge, dans ses notes de réflexions : l’ennoblissement est-il possible ? Cette motivation l’éloignera de la société et de ses contemporains pour prendre le chemin de l’altitude, au sens propre comme au sens figuré, lui «  l’aéronaute de l’esprit », pour se réfugier dans les massifs alpins, marcher, méditer et murir son œuvre. La maladie – des douleurs oculaires et des céphalées -, d’origine peut être syphilitique, lui donnera l’opportunité de quitter l’université avec une pension et de devenir en 1879, à 35 ans un chevalier philosophe en quête du graal, errant entre la riviera italienne et la riviera française, en hiver,  à Venise, au printemps et en Engadine (Suisse)  en  été.

 

Le graal va venir à lui en août 1881 sous la forme d’une vision, la vision de Surlei en Haute Engadine, au bord du lac Silplana, au pied d’un gigantesque roc de forme pyramidale. Cette vision « à 6000 mille pieds par-delà l’homme et le temps » est la vision de l’Eternel Retour, l’idée  force qui va donner naissance au type du Surhomme. Si toutes choses reviennent éternellement et nous avec, le Surhomme est l’homme dont la nature est assez riche et la personnalité suffisamment forte pour s’en réjouir.

 

C’est à la suite et sur la base de cette révélation que Nietzche va écrire   Ainsi  parlait Zarathoustra  «  le plus grand présent que l’humanité ait jamais reçu ». Nietzche a recours à la figure historique de Zarathoustra à des fins parodiques. Instigateur du monothéisme et de la morale dans l’histoire, le réformateur perse devient avec Nietzche le destructeur des anciennes tables et le chantre des nouvelles, surhumaines.

 

NIETZSCHE    QUI  SUIS-JE ?

BRUNO FAVRIT

Edition  PARDES

 2002

Nietzsche n’a jamais prétendu appartenir à la moindre école ou chapelle. Pas même à celle des philosophes, c’est ce qui fait sa force mais aussi ce qui le rend suspect aux yeux des bienpensants. Ils ont été nombreux, ceux qui auront tenté de faire parler sa pensée, de lui faire intégrer le camp d’une vérité. Le travail d’exégète est colossal. Ce livre montre que l’œuvre de Nietzsche est à l’image de l’homme et de l’esprit qui l’a conçue : jaillissante, poétique, erratique, aristocratique, imprévisible, contradictoire, surprenante.

 

Elle ne peut laisser quiconque indifférent.  « Sois celui que tu es », commande Nietzsche à son lecteur, et pour ce faire, commençons par renverser les vieilles idoles et les vieilles valeurs. Commençons par faire le choix d’une grande santé. Mais Nietzsche explore bien d’autres directions : Grand Midi, Eternel Retour, Volonté de Puissance, art, morale, tragédie grecque, affirmation dionysiaque de la vie…Une telle singularité dans la pensée occidentale, qui recourt à la fois à l’héritage grec et à l’individualisme, ne peut être lue selon une logique manichéenne.


La pensée de Nietzsche, si l’on accepte de la parcourir sans préjugés et sans certitudes, se tient loin de tout conformisme, de toute « retranscription » forcément abusive. Nietzsche ne pratiquait pas la langue de bois, il a fait le choix de « philosopher à coups de marteau » pour formuler sa pensée.

 

 Il a rendu à l’action et à l’instinct leurs lettres de noblesse, mais il a fait bien plus que cela : il a osé revisiter des principes qui ont toujours appartenu à l’Europe des origines, trop étouffés sous 20 siècles d’éducation judéo-chrétienne. Il est un éveilleur que les âmes nobles et fortes se doivent de connaître et de fréquenter.

 

noël & pÂques dans la tradition initiatique

O. Mickaël AIVANHOV

Edition  PROSUETA

 1982

Les fêtes de Noël et de Pâques, annuellement célébrées dans toute la chrétienté pour commémorer la naissance et la résurrection de Jésus, s’inscrivent dans une longue tradition initiatique bien antérieure à l’ère chrétienne.

 

Leur place dans le cycle de l’année – solstice d’hiver et équinoxe de printemps – qui fait apparaître leur signification cosmique, nous enseigne que l’homme, par son appartenance au cosmos, participe intimement aux phénomènes de gestation et d’éclosion qui se produisent dans la nature. Noël et Pâques, la deuxième naissance et la résurrection, sont en réalité deux aspects d’un même processus : la régénération de l’homme, son entrée dans le monde spirituel.

 

noms de dieux,

entretien avec Jacques RIFFLET

Edition ALICE

 2002

De ces entretiens denses et captivants après son livre « Les mondes du Sacré » J. Rifflet nous ouvre son cœur et nous expose sa vision de Dieu et de l’homme. La tolérance, la fraternité, le sacré en transcendance et en immanence en sont le point central.

 

La plupart des théologiens et des auteurs spirituels parlent de Dieu en termes à la fois de transcendance et d'immanence. La transcendance divine désigne la manière dont Dieu transcende ou dépasse l'univers. Son immanence désigne la manière dont il habite cet univers. Il arrive souvent cependant que la transcendance soit mal comprise, comme si elle voulait dire que d'une manière bien mystérieuse, Dieu vit dans un autre monde, un monde spirituel et invisible qui se situerait à l'extérieur de l'univers. Parallèlement, on se représente l'immanence de Dieu comme si elle voulait dire que Dieu est partout présent à l'intérieur de l'univers. Mais « à l'intérieur » et « à l'extérieur » sont des métaphores spatiales qui ne conviennent pas et peuvent même induire en erreur. Il n'y a rien en dehors de l'univers, parce qu'il n'existe pas d'espace en dehors du continuum espace-temps de l'univers. Et parce qu'il n'y a pas d'en-dehors, parler d'un en-dedans n'a pas beaucoup de sens non plus. Il en résulte des malentendus au sujet de la transcendance et de l'immanence de Dieu.

Bien que Dieu soit immanent au monde, plusieurs croyants ont été amenés à l'imaginer comme appartenant à un autre monde, un monde céleste, et donc très éloigné de la vie quotidienne. Mais comme nous l'avons vu, pour Jésus, Dieu était très proche, au milieu de nous. Jésus a certes désigné Dieu comme notre Père céleste, mais cela ne voulait pas dire que Dieu se trouve très loin dans un autre monde. Dieu est notre abba intime et aimant.

Tout comme Jésus, les prophètes et les mystiques n'ont pas commis l'erreur de situer Dieu dans un autre monde, un monde céleste. Quoi que l'un ou l'autre ait pu penser au sujet du ciel, pour eux Dieu était présent et agissant dans l'ici-maintenant. Ce qu'ils visaient, c'était l'union avec Dieu dans l'ici-maintenant de ce monde, quoi qu'il puisse leur arriver après la mort. « Le jour de mon éveil spirituel, confie la mystique béguine Mechtilde de Magdebourg (1210-1280), fut le jour où j'ai vu et su que je voyais toutes choses en Dieu et Dieu en toutes choses. »

 C'est un fait: plusieurs mystiques affirment si vigoureusement et catégoriquement que Dieu ne fait qu'un avec l'univers qu'on les accuse souvent de panthéisme. Le panthéisme est la croyance selon laquelle Dieu est toute chose. En d'autres termes, il n'y aurait aucune différence ou distinction entre Dieu et l'univers. On estime toujours, à tort, que Maître Eckhart était panthéiste. Bien qu'il y ait toujours eu et qu'il y ait encore de nombreuses personnes panthéistes, cette conception ne correspond ni à ce que les mystiques du passé ont dit ni à ce que les auteurs mystiques d'aujourd'hui cherchent à dire.

En raison de l'accent qu'on met actuellement sur l'immanence de Dieu et sa profonde implication dans tout ce qui se produit dans le monde, la plupart des auteurs essaient d'éviter le panthéisme en parlant de panenthéisme. Ce mot veut souligner que Dieu est présent en toute chose. L'avantage du panenthéisme est d'éviter le panthéisme, tout en ne laissant pas croire que Dieu vit à l'extérieur de notre monde. Mais je ne suis pas sûr que cela exprime d'une manière suffisamment adéquate l'expérience de Jésus et celle des mystiques. Parler de Dieu comme étant en toute chose, c'est encore recourir à une métaphore spatiale suggérant que Dieu serait une sorte d'objet invisible à l'intérieur de chaque être ou dans les vides entre les êtres. Mais l'expérience de Jésus et des mystiques semble suggérer que Dieu ne fait qu'un avec l'univers.

Certains auteurs ont donc proposé de parler d'incarnation universelle. Selon cette façon de voir, Dieu serait incarné dans tout l'univers, et l'univers serait comme le corps de Dieu. Dieu ne ferait qu'un avec l'univers, comme une personne ne fait qu'un avec son corps. Se représenter soi-même, les autres et le reste de l'univers en expansion comme le corps de Dieu, le manifestant et le révélant à chaque instant, recèle un très fort potentiel spirituel. Cette image précieuse mérite d'être explorée.

On peut en trouver un magnifique exemple dans les écrits de la mystique médiévale Hildegarde de Bingen (1099-1179), qui entendit Dieu dire: « Je suis la brise qui nourrit ce qui est vert... Je suis la pluie née de la rosée qui fait rire l'herbe de la joie de vivre. »

Je veux rester attentif au fait que Dieu est un mystère insondable et qu'on ne devrait pas se le représenter comme un objet de quelque nature que, ce soit. On ne peut donc parler de Dieu ou en faire l'expérience qu'uniquement comme une sorte de sujet. En ce sens, Dieu serait le sujet ou le « soi » de l'univers. Dieu n'est pas un objet dans l'univers, ni la somme totale de tous les objets qui composent l'univers, ce qui serait du panthéisme. On peut penser Dieu uniquement comme sujet ou, plutôt, comme le sujet, le sujet universel, le Soi universel.

Nous personnifions souvent la nature et l'univers. Nous parlons de Mère Nature. Nous disons que la nature guérit. Pour le physicien mathématicien Brian Swimme, l'univers est comme en attente de diversité, de complexité et de centration. Il voit l'univers comme créatif, attentif, nourricier et toujours insatisfait. C'est ainsi que Jésus, les prophètes et les mystiques auraient parlé de Dieu. Dieu n'est pas la diversité, la créativité ou l'énergie de l'univers. Il est le Soi qui diversifie, crée et énergise. Dieu est l'univers en tant que créateur. Nous pouvons observer la créativité dans l'univers en expansion, mais nous ne pouvons pas voir le créateur, un peu comme nous pouvons voir des objets mais ne pouvons pas voir en lui-même le sujet agissant.

Voilà donc une manière d'apprécier à la fois l'immanence et la transcendance de Dieu. D'une manière immanente, Dieu ne fait qu'un avec l'univers, mais en même temps, en étant le sujet, le Soi, le créateur de l'univers, il transcende tous les objets auxquels nous pouvons penser comme composant l'univers. Les mots sont déficients ici. Dieu est le mystère transcendant qui ne peut jamais être décrit ou nommé. Comme toute subjectivité et toute conscience, on ne peut que le désigner et se tourner dans sa direction. Devant tant de mystère, admiratif et émerveillés, nous ne pouvons que contempler.

 

Un recueil de 90 pages, agréable et profond.

  

NOUVELLE TERRE

Eckhart tolle

Edition  ARIANE

 2005

Fort du fantastique succès de son ouvrage Le pouvoir du moment présent, Eckhart Tolle propose aux lecteurs un nouveau livre dans lequel il jette un regard honnête sur l’état actuel de l’humanité. Il nous implore de constater et d’accepter que cet état, fondé sur une identification erronée à l’ego et au mental, frôle la folie dangereuse.


Cependant, l’auteur affirme qu’il y a aussi de bonnes nouvelles, sinon même une solution à cette situation potentiellement désastreuse. Aujourd’hui, plus qu’à tout autre moment de l’histoire, l’humanité doit saisir l’occasion qui lui est offerte de créer un monde plus sain et plus aimant. Cela nécessitera la transformation intérieure radicale d’une conscience propre à l’ego vers uns conscience totalement nouvelle.

 

Dans son livre, ‘’Nouvelle Terre’’, Eckart Tolle jette un regard honnête et sans complaisance sur l'état actuel de l'humanité. Il nous implore de constater et d'accepter que cet état, fondé sur une identification erronée à l'égo et au mental, frôle la folie dangereuse. Mais il y a aussi de bonnes nouvelles...

L'humanité peut et doit saisir aujourd'hui l'occasion qui lui est offerte de créer un monde plus sain et plus aimant. En faisant d'abord la lumière sur la nature de ce changement radical des consciences, avec bienveillance et en termes très pratiques, il nous amène vers cette nouvelle conscience afin que nous puissions faire l'expérience de QUI nous sommes vraiment, chose infiniment plus grande et plus belle que ce que nous pensons être actuellement.  

L'égo est non seulement le mental non conscientisé, la petite voix dans la tête qui prétend être vous, mais également les émotions non conscientisées qui sont les réactions du corps à ce que cette voix dit. Nous avons déjà vu le genre de pensée dans lequel cette voix s'engage la plupart du temps et le dysfonctionnement qui est inhérent à la structure des processus de la pensée, peu importe leur contenu. Cette pensée dysfonctionnelle est ce à quoi le corps réagit par des émotions négatives. La voix dans la tête raconte une histoire à laquelle le corps croit et réagit. Ces réactions sont les émotions. A leur tour, les émotions alimentent en énergie les pensées qui ont en premier lieu engendré l'émotion. Tel est le cercle vicieux des pensées et des émotions non conscientisées, cercle vicieux qui génère la pensée émotionnelle et les mélodrames émotionnels.

La composante émotionnelle de l'égo diffère d'une personne à une autre. Chez certains égos, elle est plus importante que chez d'autres. Les pensées qui déclenchent les réactions émotionnelles dans le corps peuvent parfois arriver si vite que, avant que le mental ait le temps de les verbaliser, le corps a déjà réagi avec une émotion, et celle-ci est devenue une réaction. Comme ces pensées existent à un stade préverbal, on pourrait les qualifier de suppositions inconscientes non verbalisées. Elles prennent leur source dans le conditionnement de la personne, en général dans celui de la tendre enfance. L'énoncé "on ne peut pas faire confiance aux autres" est le genre de supposition inconsciente que fait une personne dont les premières relations avec ses parents et ses frères et sœurs, n'ont en rien permis d'inspirer ou de susciter la confiance. Voici quelques autres suppositions inconscientes communes : "personne ne me respecte ni ne m'apprécie". "J'ai toujours besoin de me battre pour survivre" "je n'ai jamais assez d'argent», la vie nous laisse toujours tomber". "Je ne mérite pas l'abondance". Je ne mérite pas l'amour". Ces suppositions inconscientes créent des émotions dans le corps qui engendrent ensuite une activité mentale et des réactions immédiates. C'est ainsi qu'elles créent votre réalité personnelle.

La voix de l'égo dérange continuellement l'état naturel de bien-être du corps. Presque tous les corps humains subissent une grande quantité de stress et de fatigue. Pas parce qu’ils sont menacés par des facteurs extérieurs, mais à cause du mental. Le corps est rattaché à un égo et ne peut faire autrement que de réagir à tous les schèmes de pensées dysfonctionnelles fabriquées par l'égo. Il s'en suit ainsi que le flot incessant de pensées compulsives est accompagné d'un flot d'émotions négatives. Qu'est-ce qu'une émotion négative? C'est une émotion qui est toxique pour le corps et qui interfère avec l'équilibre et l'harmonie de ce dernier. La peur, l'anxiété, la colère, le ressentiment, la haine, la jalousie, l'envie sont toutes des émotions qui dérangent la circulation de l'énergie dans le corps, qui troublent le cœur, le système immunitaire, la digestion, la production d'hormones, etc...Même le courant médical traditionnel commence à reconnaitre le lien entre les états émotionnels négatifs, et les maladies physiques. Une émotion qui fait du tort au corps affecte également les gens avec qui vous entrez en rapport, et indirectement par un processus de réaction en chaîne, d’innombrables autres personnes que vous ne rencontrerez jamais. Il existe un terme générique chapeautant toutes les émotions : le malheur ou la misère.

Alors, est-ce que les émotions positives ont des effets positifs sur le corps? Est-ce qu'elles renforcent le système immunitaire, revigorent et guérissent le corps? Oui, effectivement. Mais il faut faire ici une distinction entre les émotions positives générées par l'égo, et celles plus profondes qui émanent du lien naturel que vous entretenez avec l'ÊTRE en vous. Les émotions positives générées par l'égo contiennent déjà en elles-mêmes leur opposé en qui elles peuvent rapidement se transformer. En voici quelques exemples. Ce que l'égo appelle l'amour est de la possessivité et de la dépendance, pouvant basculer vers la haine en quelques secondes. L’anticipation, qui correspond à une valorisation trop grande d'un évènement futur par l'égo, se transforme facilement en son opposé, lorsque cet évènement est passé ou ne comble pas les attentes de l'égo. Les louanges et la reconnaissance vous rendent vivant et heureux une journée, alors que les critiques et l'ignorance des autres vous font sentir abattu et malheureux le lendemain. Le plaisir d'une soirée folle se transforme en noirceur et gueule de bois le lendemain matin. Il n'y a pas de bien sans mal, de haut sans bas.

Les émotions générées par l'égo proviennent de l'identification du mental aux facteurs externes qui sont bien entendu, tous instables et sujets aux changements à n'importe quel moment. Les émotions profondes ne sont pas des émotions mais plutôt des états de l'ÊTRE en nous. Les émotions se situent dans le domaine des opposés, alors que les états de l'ÊTRE se situent dans le domaine dénué d'opposés. Même si elles peuvent par contre, être étouffées, elles émanent du plus profond de vous sous la forme de joie, d'amour et de paix, autant d'éléments faisant partie de votre véritable nature.

10  O

ŒUVRES COMPLÈTES DU PSEUDO DENYS l’ARÉOPAGITE

Préface et traduction de Maurice GANDILLAC

Edition AUBIER

 1943

Denys L’Aréopagite est très connu par sa hiérarchie céleste et par son apophatisme -négation des appellations de  DIEU-  (ce qu’il appelle la négation transcendante). La pensée de Denys exerça au Moyen Âge une véritable fascination. Le fait qu’on tienne Denys pour un converti de Paul et pour un témoin de quelque enseignement apostolique secret y contribuait, mais la raison de la profonde influence de l’Aréopagite est à chercher dans la richesse de sa doctrine mystique. Hugues de saint Victor, Albert le Grand, Bonaventure, Thomas d’Aquin Robert Grosseteste et Scot Erigène ont tous puisé leurs idées dans l’œuvre et les pensées de Denys

 

Denys représente une des tentatives les plus radicales de réconcilier le message évangélique et la tradition néoplatonicienne, tentative séduisante pour une Eglise jeune encore qui n’a cessé de platoniser tout en se méfiant de Platon. De plus, malgré les difficultés de son système, il rapproche les démarches non réfléchies du simple fidèle des symboliques du mystique : le premier attribue spontanément à Dieu les noms dont use l’Ecriture, le second, conscient de leur impropriété, en use en les dépassants, mais tous deux doivent finalement reconnaitre que le dernier mot de la science de Dieu est le silence et la négation de tout ce qui est.

 

Le corpus Dionysien comprend dix lettres et quatre traités.

 

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Le mythe dionysien  -    le corpus dionysiacum   -   l’influence dionysienne   -  

Les noms divins  6  Un Dieu aux noms en nombre infini  -

La théologie mystique, discrète et commune  -  La négation transcendante  ou apophatique

La hiérarchie céleste des anges, archanges et autres Séraphins -

La hiérarchie ecclésiastique

Lettres à Gaïos –à Dorothée  -  à Sosipater  -  à Polycarpe   -  à Démophile   - à Titos  - à Jean   -

  

ORPHḖE  -  LA FḖCONDITḖ DU CHAOS

Dominique Bertrand

Ed. Signatura

2016

La légende raconte que revenu des enfers, Orphée fonda les mystères, laboratoire initiatique d’où naîtra l’Orphisme. Cette croyance influencera grandement sous des formes diverses les penseurs de l’époque, philosophes, écrivains, poètes, et autres chercheurs d’ésotérisme et de mystère. Son écho résonnera avec insistance dans le tissage de l’Occident naissant, jusqu'’à aujourd’hui.

 

Orphée n’a pas fini de chanter. Sa voix échappe à l’oreille distraite, et pourtant ce qu’elle dit nous concerne directement : elle rappelle qu’il importe de ne pas se tromper de mort; que l’on ne passe pas d’un ordre à un autre sans passer par le désordre; que celui-ci échappe à toute loi, et donc à toute prévision; que toute valeur y est remise en question, pour le meilleur et le pire; que le chaos peut tuer ou régénérer, selon l’angle, selon l’art.

Selon la capacité de d’écouter, de désirer, d’aimer, d’embrasser sa plénitude bouleversante. Orphée l’enseigne en secret : il est des épousailles noires qui donnent jour...

Lorsque le temps se condense en un présent aveuglant, la seule réponse capable de répondre immédiatement à l’immédiat du monde est d’amour, que le brusque surgissement du désir porte à son exigence la plus radicale :

l’inconnu. Orphée en fit un art : l’art des rythmes que le corps capte en résonance, l’art de l’onde dont l’élan exhausse la parole hors d’elle-même, viatique ultime... Poétique, l’épreuve implique le travail du langage-qui-fait-l’humain-qui-fait-le-langage, cette boucle tragique qui peut tout autant enfermer que libérer, selon les orientations de l’obscure dynamique désirante. Ici la voix rappelle que nul ne traversera le chaos extérieur sans être initié au chaos intérieur, source obscure du verbe qui ouvre les mondes. L’écoute en est la loi.-

 

Orphée, apparu 13 siècles avant le Christ, fut un grand réformateur religieux. Si l'on en croit l'historien latin Horace, il fut l'interprète sacré des dieux. Il était le fils d'un roi de Thrace Œagre, mais selon les légendes, il serait fils d'Apollon, dieu solaire, et de la muse Calliope. D'ailleurs, il était lui-même musicien et poète. Sans qu'aucun auteur ancien n'en fasse mention, dès sa jeunesse, il quitta le pays pour l'Egypte, où il fut accueilli par les prêtres de Memphis. Après vingt ans dans les écoles de mystère, il retourna en Thrace et entreprit de profondes transformations dans l'organisation religieuse. Sa tombe devint un lieu de pèlerinage. Orphée est surtout connu par la légende de sa descente aux enfers.

 

Mi-homme, mi- dieu, il est devenu un personnage mythologique dont le nom signifie "la lumière de d'amour". Il serait à l'origine des mystères d'Eleusis qui apparaissent dès le VIIe siècle. Prélude au christianisme, l'orphisme constitue à la fois une religion secrète à caractère initiatique et une philosophie : l'âme, prisonnière du corps, porte le fardeau d'un crime originel ; elle ne sera libérée qu'au terme de nombreuses incarnations en se purifiant par les jeûnes, l'ascétisme et l'initiation spirituelle. C'est aussi la promesse d'une vie post-mortem. Ces rapprochements avec le christianisme ont été mis en lumière par André Boulanger, qui cite un autre auteur dans son livre Orphée. Voici l'opinion de ces auteurs : "Le passage du christianisme judaïque au christianisme hellénique, du fait historique de Jésus au fait mystique du Christ, se serait opéré grâce à l'orphisme, la christologie de Paul étant purement et simplement une transposition de l'orphisme. Entre les deux doctrines, il y a mieux que des ressemblances, il y a identité pour tout l'essentiel. Par conséquent, établir que les éléments mythiques du Christ paulinien dérivent de l'orphisme équivaut à chercher jusqu'à quel point la résurrection mystique dans le christianisme dérive de l'orphisme

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Orphée, le dernier chaman   -  Eurydice, le Grand Dire   -  Orphée   -  Le nocher des enfers   -  En puissance   -  Charon   -   La puissance de la puissance   -   Cerbère    -   les des damnés de sous-terre   -  Sisyphe   -  Orphée le civilisateur   -   Tantale   -   Hermès   -   Eurydice   -    Pythagore    -   Les dieux de l’enfer   -   Perséphone   -   Le retour   -   L’écoute   -    Sans nom, Danaïde    -    L’explication orphique de la terre   -   Transmission   -   La musique, le silence et la puissance   -   le Baptiste   -     Kalis et Thero, 2 ménades   -   Dionysos    -   Les Ménades    -    Vers l’accomplissement   -   les Erynies   -   

 

OO   -   L’ART DU CHAOS

Dominique Bertrand

Edition Signatura

2017

« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Gramsci nous alerte ici sur les risques propres à la transition impliquant aujourd’hui l’humanité entière, menaçant tout ordre établi, générant de sourdes passions apocalyptiques qui font la joie des trafiquants d’âmes. Spectaculaire, cette face sombre du chaos empêche d’en saisir une dimension bien plus subtile, enjeu d’un art de vivre où forme et informe ne s’opposent plus, mais collaborent secrètement à l’énigme des transformations. Guidés par Nietzsche et Rabelais, nous traverserons mythes, sciences et sagesses ancestrales pour réaliser que, si l’on ne peut passer d’un ordre à un autre sans passer par le désordre, ce n’est que par le chaos que nous traverserons le chaos.

 

L’extérieur reflète bien les divisions intérieures. Ce qui se met en place dans la manipulation des foules, soigneusement planifié depuis très longtemps, est arrivé dans une nouvelle phase de déstabilisation qui amène dans un premier temps l’être dans un état de réactivité émotionnelle. A ce stade, par pure identification, un égrégore puissant est créé qui nourrit les êtres qui l’ont voulu au plus haut niveau. Ceux nombreux qui s’identifient un peu partout aujourd’hui savent-ils vraiment ce à quoi ils s’identifient en brandissant une pancarte commune ? Les évènements qui se succèderont auront pour objectif d’attiser la division – donc le sentiment de séparation – jusqu’à la haine. A cet ultime stade, l’être touche inconsciemment au désespoir du sentiment de séparation et cherche alors à adhérer au groupe qui le sécurisera. C’est là que le nouvel ordre tant attendu par ceux qui l’ont fomenté pourra se mettre en place avec le soutien ignorant du plus grand nombre. L’adhésion ou la non adhésion au groupe déterminera notre liberté.

 

Parce que finalement nous ignorons qui nous sommes réellement alors que nos peurs nous séparent, nous nous identifions toujours à quelque chose dont nous épousons la cause et nourrissons la croyance  par notre adhésion. Nous ne pouvons au mieux que nous défaire de ces peaux que nous revêtons, au fur et à mesure d’une meilleure connaissance de nous. Ce qui implique donc d’avancer non à travers de nouvelles identifications qui se présenteraient sur le chemin – et il va s’en présenter encore –  mais en nous dépouillant pour n’être qu’un observateur lucide et attentif qui nourrit sa maîtrise non par la recherche extérieure à laquelle il s’identifierait encore, mais dans l’espace intime de son être où l’amour de toute chose réside. Là il peut véritablement agir en conscience, si cela lui est demandé ou si cela naît d’un plaisir nourrissant pour son âme. Être dans ce monde mais pas de ce monde.

 

L’amour n’est pas ce concept mielleux souvent véhiculé au sein des adeptes du New Âge et qui n’est rien d’autre qu’une stratégie d’évitement de ses douleurs, propice à nous éloigner de notre libération de la matrice à laquelle nous avons adhérée.  L’amour n’a rien de mielleux, c’est la force suprême, parfois impitoyable, qui régit la Création et dont nous ne sommes en aucun cas séparés. Il réside en nous et ne demande qu’à rayonner, malgré les blessures et les peurs qui le masquent, nécessitant de ne pas brûler les étapes.

 

L’épée de lumière ne se brandit pas avant d’avoir été forgée, nombre de pèlerins l’ont oublié et se nourrissent de l’illusion de la brandir, souvent à travers la force du groupe, qui s’auto valide par son souci permanent de cohésion pour maintenir sa force et son pouvoir, et dont il convient pourtant de se défaire. Je l’ai dit et redit et le répète encore, c’est un chemin éminemment solitaire, où les aides sont acceptables tant que l’on ne joue pas le jeu de l’adhésion au chemin d’autrui, tant que l’on n’est pas dupe des jeux de pouvoir plus ou moins conscients qui s’exercent en toute communauté qui éprouve le besoin d’elle-même. De même, vouloir aider autrui d’après ce que l’on croit et même si on nous le demande ne nous oblige pas à nous investir d’un rôle d’enseignant ni encore moins de marchand et ne nous astreint pas non plus à devoir présenter une image de l’impeccabilité.

 

OSER LA BIENVEILLANCE  -

Lytta Basset

Edition Albin Michel

 2014 

Qui croit encore au péché originel ? Les églises elles-mêmes n’en parlent plus guère, et la sécularisation nous a fait ranger ce dogme au rang des vieilleries moralisantes. Et pourtant ! Après avoir terrorisé nos ancêtres, il fait encore sentir ses ravages dans bien des domaines, et notamment celui de l’éducation : que nous le voulions ou non, nous avons intégré cette perception négative de la nature humaine, et la reproduisons sans cesse.

Lytta Basset décrit ici la généalogie et l’impact de cette notion profondément nocive qui remonte à Saint Augustin, et qui contredit les premiers Pères de l’église ; elle montre comment ce pessimisme radical est totalement étranger à l’évangile : tout au contraire, les gestes et paroles de Jésus nous appellent à développer un autre regard sur l’être humain fondé sur la certitude que nous sommes bénis dès le départ, et le resteront toujours.

Appuyé sur le socle de la Bienveillance originelle, chacun de nous peut et doit oser la bienveillance envers lui-même et envers autrui, et passer ainsi de la culpabilité à la responsabilité.

Mobilisant les ressources de la psychologie, de la philosophie et des sciences humaines, voici un ouvrage novateur et fondateur, propre à renverser notre vision de l’humanité, de son potentiel et de ses limites.

Au sommaire de cet ouvrage :

Les ravages de la doctrine du péché originel : Une société souffrante - Une doctrine toxique - Un autre regard sur les humains - La dynamique du livre - Quelques balises personnelles - Saint Augustin - L’humanité vouée à l’enfer - Une dérive pathologique propre à l’occident - Mécompréhension des textes bibliques - la Genèse - Une doctrine incompatible avec le judaïsme et l’enseignement de Jésus - De la propagande culpabilatrice à nos fléaux sociaux - Une traque obsessionnelle - La surdité au message de libération - les dualismes destructeurs - La condamnation scientifique e l’espèce humaine - Psychologie et psychanalyse -

Prendre en compte toute la réalité humaine : Naissance et survie - L’expulsion du paradis intra-utérus - La capacité innée à se défendre - L’empathie inscrite en l’humain - les justes - L’empathie divine - La lente prise de conscience - Les faits et les effets - Violence éducative et type de société - Malheur et malfaisance, la part du mystère - le mystère de la cécité - les héritages transgénérationnels - l’énigme du serpent -

Le « péché » biblique sur fond de malheur : Souffrance, repli sur soi et rupture de relation - La non-relation à l’autre, une variété de symboles - sortir de soi, un combat spirituel au quotidien - Ex nihilo ? - Choisir de refuser la fatalité - L’humain, ni bon ni mauvais mais à l’image de Dieu -

Une bienveillance qui incite à devenir responsable : Zachée ou la bienveillance originelle - Une bienveillance à l’abri du désir et qui traite d’égal à égal - Une bienveillance désireuse de relations qui durent - Une bienveillance qui pousse à des actes responsables et qui accueille autrui dans ses limites du moment - Une bienveillance qui rend clairvoyant et qui réveille en l’humain sa capacité relationnelle - Une bienveillance restauratrice du tissu humain et qui est capable de faire abandonner la culpabilité et le perfectionnisme - Evangile de Luc - Caïn ou que faire du mal que j’ai fait ? - De l’irresponsabilité collective à l’autorité du « je » -

 

ouspensky -  fragments d’un enseignement inconnu

P. D. ouspensky

Edition STOCK

 1961

Au cours de ses voyages en Europe, en Égypte et en Orient, à la recherche d’un enseignement qui résoudrait pour lui le problème des relations de l’Homme à l’Univers, P.D. Ouspensky avait été amené à connaître Georges Gurdjieff dont il était devenu l’élève. C’est de Gurdjieff qu’il est question tout au long de ce livre sous l’initiale « G ». Fragments d’un enseignement inconnu est le récit de huit années de travail passées par Ouspensky auprès de Gurdjieff.

 

Cette idée des dimensions fascine Ouspensky, qui apparemment a hérité cet enthousiasme de son père ; il s’intéresse au rapport du temps à la quatrième dimension : si l’homme pénétrait une dimension supérieure, il pourrait percevoir son « long corps temporel », il pourrait être témoin de son passé, de son présent, de son futur, et vivre en conséquence. Pour Ouspensky, c’était là une vision inestimable, capable de modifier le cours entier d’une vie. Ouspensky entreprend aussi d’étudier d’un point de vue théorique des dimensions plus hautes que la quatrième, notamment celle de l’éternel retour – une dimension où notre vie présente a déjà été vécue un nombre infini de fois. Ces idées sont à la base de son roman L’étrange vie d’Ivan Osokin.  ‘’J’étudiai la littérature consacrée aux sciences occultes ; je fis toutes sortes d’expériences psychologiques inspirées des Yogi et des méthodes magiques, je publiai plusieurs livres, dont Tertium Organum, et je fis des conférences sur le Tarot, sur Superman, sur les Yogis, etc. ».  Ouspensky déclara plus tard que le stimulant le plus efficace pour la connaissance de soi et le rappel de soi était l’insatisfaction provoquée par notre état actuel, et que rien ne peut inciter davantage à progresser sur la voie de l’évolution intérieure que la répugnance envers le sommeil.

 

Ouspensky continue de chercher une solide pierre angulaire de sagesse ; il étend ses recherches à d’autres domaines de la littérature et se rend dans des contrées encore plus exotiques. Ressentant le besoin d’un enseignement direct, il cherche à entrer en contact avec des écoles de sagesse, qui, croit-il, pourraient subsister, comme les derniers vestiges d’anciennes traditions à présent disparues.  Mais beaucoup d’autres éléments se mêlaient aussi à tout cela : « « la peur de m’égarer dans une mauvaise direction, la peur de commettre une erreur irréparable, la peur de perdre des possibilités. Toutes ces peurs disparurent quand je commençai, d’une part, à acquérir de la confiance en moi-même et, d’autre part, à avoir une foi pratique dans le système. » Au début des années 1900, Ouspensky s’aventure au Moyen-Orient et en Extrême-Orient, recherchant des traces de la Connaissance perdue. De retour en Russie, il donne des conférences sur sa recherche du miraculeux. Ses présentations attirent de nombreuses personnes intéressées par le sujet. Lors d’une de ces conférences, il est abordé par deux auditeurs qui lui conseillent de rencontrer un étranger mystique visitant la Russie à ce moment-là.

 

En 1915, Ouspensky rencontre George Gurdjieff et il reconnaît immédiatement que celui-ci possède cette connaissance qu’il avait cherchée au loin. Il devient l’élève de Gurdjieff, qui lui enseignera pendant dix ans les principes de la Quatrième Voie. L’enseignement a pour toile de fond le déclin de l’ordre social en Russie, qui, d’une certaine façon, le complète. Le ‘Travail’, comme l’appelle Gurdjieff, ne peut avoir lieu que sous pression ; rien ne peut être considéré comme acquis et les étudiants sont soumis à des tests essentiels visant à faire primer le spirituel sur le physique. L’actualité force Gurdjieff et Ouspensky à déménager. Entretemps, l’enseignement de Gurdjieff a changé de forme et a pris une direction différente, ce qui amène Ouspensky à le quitter et à continuer à travailler séparément. Ouspensky s’installe à Londres en 1930. Là, il commence à enseigner la Quatrième Voie, tout en rédigeant des textes se rapportant au système que lui avait enseigné Gurdjieff. Ouspensky décède en Angleterre, à Lyne Place, le 2 Octobre 1947.

 

OUSPENSKY -  UN NOUVEAU MODÈLE DE L’UNIVERS

P. D. OUSPENSKY

Edition  STOCK

 1996

Dans un nouveau modèle de l’Univers écrit en 1914 et aujourd’hui édité en langue française pour la première fois, P.D. Ouspensky décrit sa propre quête d’une forme de vérité concernant des questions aussi fondamentales que la place de l’homme dans l’Univers, l’Inconnu, le monde invisible, en partant de l’idée, toujours, que la véritable civilisation n’existe que dans l’ésotérisme, et que la civilisation occidentale moderne souffre d’une barbarie profonde due à l’absence de pensée ésotérique.

 

Faisant appel aussi bien au christianisme, au judaïsme, aux philosophies orientales, au symbolisme du Tarot, au mysticisme expérimental, à l’étude des rêves, à l’hypnotisme, au Yoga mais également aux sciences et en particulier à la physique ancienne et moderne, l’auteur tente de répondre aux questions suivantes : quelle forme le monde a-t-il ?

Le monde est-il un chaos ou un système ? L’univers existe-t-il accidentellement ou a-t-il été créé conformément à un plan ?

 

Cet ouvrage de 750 pages essaie de répondre à un besoin croissant chez l’homme de s’interroger sur ses origines et sur le sens de son existence en ayant recours à des croyances et traditions anciennes.

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Chapitre 1 : L’ésotérisme et la pensée moderne : La légende Salomon, celle du Saint Graal, mysticisme et connaissance cachée  -  Evolution et transformation  -  La religion des mystères et leur évolution   -  L’ésotérisme , son contenu, comment le pratiquer, la culture des civilisations   -   les différents niveaux chez les homme  -   le barbarisme et ses ramifications  -  le grand laboratoire  -

 

Chapitre 2 : La quatrième dimension : L’idée de la connaissance cachée  -  le problème du monde invisible   -  Qu’est-ce que la quatrième dimension ?  -  Deuxième et troisième dimension  -  notre relation avec l’invisible   -  relation de temps et d’espace dans la matière  -  la quatrième dimension en nous  -  Alchimie, métaux, Magie, matérialisation et dématérialisation   -  

 

Chapitre 3 : Le Surhomme : Permanence de l’idée du surhomme dans l’histoire de la pensée et nouveauté imaginaire de l’idée de surhomme   -  le surhomme d’après Nietzsche peut-il être un être compliqué et contradictoire ?   -   le surhomme et la connaissance cachée   -   le Christ d’après Nietzsche et Renan   -  le diable de Dostoïevski  -  Pilate et Judas  -   le magicien et le rituel   -  L’éternité et la possibilité des mondes infinis  -  le Sphinx et son énigme  -  la légende de Moïse dans le Talmud   -

 

Chapitre 4 :  Le Christianisme et le nouveau Testament : L’ésotérisme dans les évangiles  et son élément émotionnel -  Légendes et doctrines, le drame du Christ, sa filiation,  son enseignement et sa mort  -  les écoles de mystères grecs  -  la Rédemption   -  Que ceux qui ont des oreilles entendent  -  les paraboles de Jésus  -  le grain de blé de Jésus en rapport avec les mystères d’Eleusis  -  la prière de Socrate  -  Compassion et sacrifice  -  le Saint Esprit  -  les miracles et guérisons de Jésus  -

 

Chapitre 5 :  Le symbolisme du Tarot : Son histoire  - Système et synopsis des sciences hermétiques et occultes, symbolisme de l’alchimie, de la Kabbale et de la magie  -  le nom de Dieu et les quatre principes  -  Oswald Wirth   -   Divers commentaires sur la force de la magie  -  Eliphas Levi  -  la philosophie hermétique  -  les diverses disciplines que l’on peut développer dans l’étude du Tarot   -

 

Chapitre 6 : Qu’est-ce que le Yoga ? : Les enseignements secrets de l’Inde  -   les yogis et les fakirs  -    les écoles de Yoga avec leurs maitres, leurs enseignements, les bienfaits, les différentes disciplines, le Hatha Yoga, le Raja Yoga, le Karma Yoga, le Bhakti Yoga, le Jnana Yoga   -  

 

Chapitre 7 :  De l’étude des rêves et de l’hypnotisme : La vie étrange des rêves  - la psychanalyse  -  les différents sommeils  -  les grandes différences entre les rêves  -    le contrôle de la conscience par l’hypnotisme  -   les phénomènes de médiumnité  -   l’hypnose particulière et celle de masse  -  hypnose et médecine  - 

 

Chapitre 8 :  Le mysticisme expérimental : Magie et mysticisme  -  méthode des opérations de base  -  la respiration et le souffle  -  le cœur  -  les voix de l’état transitoire  -  les divers mondes inférieur et extérieur  -  tentatives de visions à distance  - 

 

Chapitre 9 : A la recherche du miraculeux : Notre Dame de Paris, l’Egypte et les pyramides, le Sphinx, les derviches tourneurs

 

Chapitre 10 :  Un nouveau modèle de l’Univers :  La forme de l’univers  - L’espace et le temps séparé  -  le principe de la matière et sa conservation  -  la gravitation  -  l’éther  -  Einstein  -  le temps en forme de spirale  -  les trois dimensions du temps  -  les divisions de la vitesse  -   la septième dimension  -  l’espace céleste  -  les phénomènes de temps et d’espace  -

 

Chapitre 11 :  L’éternelle récurrence et les lois de Manu :Enigme de la naissance et de la mort  -  Transmigration des âmes  - Paul, Origène, Jésus,  -  La courbe du temps et de l’éternité  -  Réincarnations  -  le Christianisme et le juif errant  - 

 

Chapitre 12 :  Sexe et évolution :  Mort et renaissance  -  Evolution du sexe  -  les diverses composantes et pathologies du sexe  -  transmutation et ascétisme  - Bouddha et le Christ……

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Né en 1878 à Moscou, Ouspensky fut longtemps élève de Gurdjieff, il le quitta pour partir à Londres où il fonda sa propre école. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont le plus connu est : « Fragment d’un enseignement inconnu » (voir le livre précédent). Il est mort à Londres en 1947

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